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Rééducation et réadaptation de l'adulte brûlé - SFETB

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Kinésithérapie<br />

RÉÉDUCATION ET RÉADAPTATION DE L’ADULTE BRÛLÉ<br />

26-280-C-10<br />

63 Lambeau <strong>de</strong> cuir chevelu initialement expansé pour traiter un placard cervical.<br />

Suivi psychologique <strong>et</strong> social<br />

Les perturbations psychiques sont quasi constantes après une<br />

brûlure grave. L’environnement stressant <strong>de</strong> la réanimation, le coma<br />

thérapeutique <strong>et</strong>/ou les anesthésies générales multiples <strong>et</strong> l’asthénie<br />

profon<strong>de</strong>, la perte <strong>de</strong>s repères physiques <strong>et</strong> mentaux (lit fluidisé,<br />

pansements, immobilité, dépendance totale, lumière en<br />

permanence, surveillance horaire, <strong>et</strong>c), la souffrance, l’angoisse <strong>de</strong><br />

mort <strong>et</strong> la lutte épuisante pour vivre, puis l’angoisse <strong>de</strong> l’amputation<br />

<strong>et</strong> l’inquiétu<strong>de</strong> d’être défiguré, l’isolement en chambre <strong>et</strong> l’absence<br />

<strong>de</strong> contact, enfin la peur ancestrale du feu, la symbolique <strong>et</strong> les<br />

fantasmes qui s’y rattachent, viennent submerger le patient qui bien<br />

souvent a dû régresser psychologiquement pour survivre. Sorti <strong>de</strong><br />

la réanimation, il reste asthénique, choqué, anxieux, voire angoissé<br />

<strong>et</strong> passif. Son imaginaire est limité, il ne parvient pas à se proj<strong>et</strong>er<br />

dans l’avenir. Il ne réalise que progressivement ce qui lui arrive, ce<br />

qui l’irrite <strong>et</strong> le rend souvent agressif. Il veut rester persuadé que la<br />

couverture épi<strong>de</strong>rmique salvatrice suffit <strong>et</strong> qu’à la rigueur le recours<br />

futur à la chirurgie réparatrice perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> tout gommer, <strong>et</strong> cela<br />

rapi<strong>de</strong>ment sans avoir à fournir d’efforts <strong>de</strong> rééducation qui lui<br />

paraissent au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ses capacités <strong>et</strong> inutiles, ou en tout cas<br />

anormalement longs. Pourtant, les risques ne sont pas seulement<br />

esthétiques <strong>et</strong> fonctionnels. La brûlure, en altérant toute l’épaisseur<br />

cutanée, a lésé un organe sensoriel indispensable à notre équilibre<br />

mental <strong>et</strong> relationnel. Support du tact, instrument <strong>de</strong> codage <strong>et</strong><br />

traductrice <strong>de</strong>s sensations affectives <strong>et</strong> sexuelles, la peau donne une<br />

limite objective <strong>et</strong> physique à notre « Moi » mais surtout est aussi la<br />

vitrine <strong>de</strong> soi au regard d’autrui.Ainsi, malgré l’absence <strong>de</strong> troubles<br />

psychologiques évi<strong>de</strong>nts, la brûlure laisse constamment une<br />

profon<strong>de</strong> blessure qui est indépendante <strong>de</strong> sa gravité. À l’inverse,<br />

certains patients présentent un véritable traumatisme, voire <strong>de</strong>s<br />

troubles psychiatriques. Le thérapeute doit s’adapter pour<br />

accompagner le patient <strong>et</strong> l’amener à se traiter jusqu’à la lente<br />

réappropriation <strong>de</strong> son « Moi ». À ces difficultés, s’ajoutent le<br />

désespoir <strong>de</strong> la famille, sa crainte <strong>de</strong> ne pouvoir accepter les<br />

séquelles, la culpabilité, le non-dit qui protège d’abord <strong>et</strong> qui<br />

emprisonne ensuite, les modifications affectives <strong>et</strong> la pauvr<strong>et</strong>é <strong>de</strong><br />

rapports sexuels avec le conjoint [33] . Les fréquentes difficultés avec<br />

l’entourage <strong>et</strong> le milieu socioprofessionnel, les problèmes<br />

financiers, la lenteur d’une administration tatillonne <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

résolutions juridiques, viennent aggraver le mal-être <strong>et</strong> l’isolement.<br />

La création <strong>de</strong> filières <strong>de</strong> soins spécialisées <strong>et</strong> le suivi<br />

multidisciplinaire incluant psychologue <strong>et</strong> assistante sociale<br />

perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> mieux contrôler <strong>et</strong> d’atténuer ces difficultés. La<br />

reprise du travail ne pose <strong>de</strong> problèmes que pour les très grands<br />

<strong>brûlé</strong>s, ceux présentant <strong>de</strong>s lésions très profon<strong>de</strong>s avec amputations<br />

au niveau <strong>de</strong>s mains <strong>et</strong> du visage, surtout en l’absence <strong>de</strong> diplômes<br />

<strong>et</strong> pour les rares qui glissent vers la psychiatrie.<br />

Séquelles<br />

Elles ne sont pas systématiques mais restent fréquentes pour nombre<br />

d’entre elles. Certaines ne sont en général que passagères comme les<br />

poussées d’acné ou <strong>de</strong> folliculite durant les premiers mois, mais aussi<br />

l’hyperkératose, la sensation cartonnée <strong>et</strong> d’étroitesse <strong>de</strong> la peau<br />

cicatricielle, qu’il y ait ou non entrave <strong>de</strong>s mouvements,<br />

l’hypersudation compensatrice <strong>de</strong>s zones saines chez le grand <strong>brûlé</strong><br />

pour <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its efforts [34] , l’extrême fragilité <strong>de</strong> la peau aux<br />

frottements, les ongles incarnés <strong>et</strong> les panaris aggravés par le port <strong>de</strong><br />

chauss<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> gants compressifs, les p<strong>et</strong>its abcès sur agrafes (pour<br />

fixer les greffes) oubliées <strong>et</strong> surtout le prurit <strong>et</strong> les dysesthésies qui<br />

disparaissent le plus souvent après1à2ansd’évolution [18] .Leprurit<br />

constitue sans aucun doute le symptôme majeur <strong>de</strong>s premiers mois,<br />

quoique inconstant. Il trouve son origine [62] essentiellement dans<br />

l’inflammation locale, la sécheresse cutanée, la repousse <strong>de</strong>s<br />

terminaisons nerveuses [18] <strong>et</strong> l’aci<strong>de</strong> lactique <strong>de</strong> la sueur [84] . Il doit<br />

être contrôlé pour limiter les lésions <strong>de</strong> grattage. On y parvient<br />

généralement en associant l’hydroxyzine (100 à 150 mg/j avec un<br />

dosage plus élevé le soir car les démangeaisons sont plus fortes entre<br />

18 heures <strong>et</strong> 23 heures), un antiépileptique à dose variable<br />

(clonazépam ou carbamazépine) <strong>et</strong> surtout l’hydratation <strong>de</strong>ux à trois<br />

fois par jour (pour hydrater ou déposer à la surface un film<br />

hydrolipidique <strong>de</strong> protection) [84] .<br />

Les rétractions cutanées ne sont temporaires qu’à la condition d’un<br />

traitement médicochirurgical précoce, régulièrement adapté à<br />

l’évolution <strong>et</strong> suivi par le patient. L’abandon <strong>et</strong> le refus du traitement<br />

peuvent conduire, dans le cas <strong>de</strong> brûlures profon<strong>de</strong>s en zones mobiles<br />

comme par exemple les mains ou la face, à d’importantes déformations<br />

qui ne sont pas toujours récupérables secondairement par la chirurgie<br />

(fig 64, 65, 66). Ce n’est que dans le cas <strong>de</strong> séquelles rétractiles mineures<br />

que la chirurgie parviendra à casser, sans séquelles orthopédiques, cela<br />

d’autant mieux qu’il reste <strong>de</strong> la peau saine alentour, les bri<strong>de</strong>s <strong>et</strong> réduire<br />

les placards. Raison pour laquelle on doit convaincre le patient <strong>de</strong> ne<br />

jamais abandonner sans avis son traitement avant la fin <strong>de</strong> la maturation,<br />

lui faire comprendre que la rééducation perm<strong>et</strong> toujours <strong>de</strong> réduire<br />

l’importance du geste chirurgical <strong>et</strong> d’améliorer le résultat <strong>de</strong> la<br />

chirurgie plastique quand elle est inévitable.<br />

Parmi les séquelles définitives [34] on distingue celles touchant :<br />

– la qualité <strong>de</strong> la peau : sécheresse cutanée, sensibilité aux allergies dont<br />

l’eczéma (fig 67), hypersensibilité au soleil <strong>et</strong> fragilité vis-à-vis <strong>de</strong>s<br />

agressions mécaniques ;<br />

– l’esthétique : amputations nasale, auriculaire <strong>et</strong> alopécies ;<br />

altération <strong>de</strong>s galbes par perte du tissu adipeux ; modification <strong>de</strong> la<br />

morphologie dont surtout celle du visage (fig 68) ; aspect fripé, <strong>de</strong><br />

« patchwork » <strong>et</strong> <strong>de</strong> mosaïque <strong>de</strong>s greffes en peau pleine ; persistance<br />

<strong>de</strong>s mailles du fil<strong>et</strong> <strong>de</strong>s greffes expansées (fig 69) ; irrégularité du relief<br />

au toucher <strong>de</strong>s zones hypertrophiques difficiles d’accès à la compression<br />

comme celle <strong>de</strong>s méplats ; dyschromies comme les vitiligos (fig 70) ou<br />

les hyperchromies <strong>de</strong>s zones exposées au soleil ; dystrophies unguéales<br />

<strong>et</strong> alopécies ;<br />

– la modification <strong>de</strong> la sensibilité avec diminution du tact épicritique ;<br />

– l’altération <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> la peau (troubles <strong>de</strong> la<br />

thermorégulation du très grand <strong>brûlé</strong>, intolérance aux variations<br />

thermiques) ;<br />

– l’ankylose articulaire secondaire aux arthrites ;<br />

– les amputations fonctionnelles partielles ou totales comme celles <strong>de</strong>s<br />

doigts.<br />

À ces séquelles du revêtement cutané on peut ajouter celles <strong>de</strong> lésions<br />

d’organes <strong>de</strong>s sens (oculaires directes ou par inocclusion palpébrale,<br />

surdité postmédicamenteuse) <strong>et</strong> celles acquises en réanimation (sténose<br />

trachéale, insuffisance respiratoire, <strong>et</strong>c).<br />

page 23

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