09.01.2015 Views

Le rôle des sociétés d'Anatolie du sud-est dans la ... - IFEA

Le rôle des sociétés d'Anatolie du sud-est dans la ... - IFEA

Le rôle des sociétés d'Anatolie du sud-est dans la ... - IFEA

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

UNIVERSITE DE PARIS I – PANTHEON SORBONNE<br />

Mémoire en vue de l’obtention <strong>du</strong> D.E.A.<br />

d’archéologie <strong>du</strong> Proche-Orient<br />

<strong>Le</strong> rôle<br />

<strong>des</strong> sociétés<br />

d’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong><br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> néolithisation <strong>du</strong> Proche-Orient<br />

Volume I : Texte<br />

Par Cédric Bodet<br />

Sous <strong>la</strong> direction de Mr Jean-Daniel For<strong>est</strong>.<br />

Juin 2001<br />

Volume II : index <strong>des</strong> figures en fin de volume<br />

0


Je tiens à remercier les personnes qui m’ont aidé et soutenu <strong>dans</strong> l’aboutissement<br />

de ce travail: Jean-Daniel For<strong>est</strong>, Barbara Helwing, Maud <strong>Le</strong>breton, Aline Tenu, Canan<br />

Cakir<strong>la</strong>r et mes parents.<br />

Avant-propos<br />

La terminologie et <strong>la</strong> chronologie <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> en qu<strong>est</strong>ion sont en grande partie<br />

fondées sur <strong>la</strong> typologie lithique en général et sur celle <strong>des</strong> pointes de flèche en<br />

particulier. Cependant, il <strong>est</strong> plus difficile d'attribuer <strong>des</strong> datations absolues à ces pério<strong>des</strong><br />

et donc à cette séquence de pointes. Elles dépendent souvent entièrement <strong>des</strong> dates<br />

radiocarbone <strong>des</strong> échantillons issus <strong>des</strong> couches stratifiées contenant le matériel lithique<br />

qui y <strong>est</strong> associé. Celles-ci sont sujettes à d'importantes variations selon que ces dates<br />

sont calibrées ou non et selon leur provenance géographique.<br />

La calibration <strong>des</strong> dates <strong>est</strong> <strong>la</strong> conséquence récente de <strong>la</strong> découverte d’un<br />

phénomène physique qui faussait les dates 14C, surtout pour les pério<strong>des</strong> anciennes,<br />

telles que le Néolithique. En effet, <strong>la</strong> datation radiocarbone <strong>est</strong> fondée sur le calcul de <strong>la</strong><br />

radiation carbonique qui émane <strong>des</strong> corps organiques proportionnellement <strong>dans</strong> le temps.<br />

<strong>Le</strong>s scientifiques se sont aperçus par <strong>la</strong> suite que le champs magnétique de <strong>la</strong> terre s'était<br />

considérablement modifié au cours <strong>des</strong> millénaires et qu'il fal<strong>la</strong>it donc revoir certaines<br />

dates anciennes à <strong>la</strong> hausse. C'<strong>est</strong> ici qu'intervient un ensemble de techniques, notamment<br />

<strong>la</strong> dendrochronologie, appelé calibration, qui permet de réévaluer plus justement ces<br />

dates. Cauvin <strong>est</strong>, <strong>dans</strong> l'édition 1997 (p. 11-12) de Naissance <strong>des</strong> divinités, naissance de<br />

l'agriculture, l'un <strong>des</strong> premiers à en faire part.<br />

Dans cet ouvrage, nous utiliserons donc uniquement les dates calibrées (indiquées<br />

av. J.-C. ou B.C.) puisqu'elles sont plus proches de <strong>la</strong> réalité et plus conformes aux<br />

techniques de datation modernes. Il faut cependant noter que ces métho<strong>des</strong> de calibration<br />

n'ont certainement pas pu être appliquées ou éten<strong>du</strong>es à tous les sites. Par conséquent, j’ai<br />

dû procéder, pour ceux-ci, à <strong>des</strong> calculs approximatifs afin d’obtenir une idée de <strong>la</strong> valeur<br />

calibrée <strong>des</strong> dates qui ne l’étaient pas, à partir d'un tableau de périodisation (fig) établi par<br />

<strong>la</strong> Maison de l'Orient (Lyon) mettant en parallèle les deux types de dates et publié<br />

récemment par Stordeur (1999 : 34). Il semble qu'il ne s'agisse pas là d'une constante<br />

mais que <strong>la</strong> variation <strong>est</strong> inégale selon <strong>la</strong> période considérée. De cette façon, 10200-<br />

10000 BP (période khiamienne au <strong>Le</strong>vant) donne les dates de 10000-9500 av. J-C.<br />

Ainsi, les dates non-calibrées, souvent annoncées en "BP" (Before Present),<br />

d'Hal<strong>la</strong>n Cemi montrent selon Rosenberg (1999: 26; 1998:38) que l'occupation <strong>du</strong> site<br />

1


emonte à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> 11ème millénaire BP, ce qui donne donc une date calibrée beaucoup<br />

plus <strong>la</strong>rge al<strong>la</strong>nt d'environ 10600 à 9300 av J-C . C'<strong>est</strong> très important car ce<strong>la</strong> révèle, par<br />

exemple, une affiliation plus ou moins directe, et même une partielle contemporanéité<br />

entre le PPNA d’Hal<strong>la</strong>n Cemi et celui de Cayönü, ce qui multiplie par deux le nombre de<br />

sites PPNA connus <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région.<br />

2


I<br />

-<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

3


<strong>Le</strong> Néolithique <strong>est</strong> cette période au cours de <strong>la</strong>quelle l'homme, par le biais de<br />

changements radicaux, va commencer à contrôler son environnement et établir les bases<br />

communautaires qui sont les racines profon<strong>des</strong> de nos sociétés modernes. Ces<br />

changements, selon <strong>la</strong> définition de Gordon Childe, acceptée par une majorité de<br />

chercheurs depuis (Aurenche et Kozlowski 1999 : 36-7), concernent presque<br />

exclusivement le domaine <strong>du</strong> mode de subsistance, c’<strong>est</strong>-à-dire de l’apparition de<br />

l’agriculture, et c'<strong>est</strong> encore en ces termes que le Néolithique <strong>est</strong> traditionnellement<br />

considéré.<br />

Il <strong>est</strong> vrai que l'apparition de l'agriculture et de l'élevage forment une avancée<br />

nécessaire et une base indispensable à toute société complexe. Il serait cependant trop<br />

simpliste de ré<strong>du</strong>ire cette période de grands bouleversements à cette seule modification<br />

économique. Comme le note Ozdogan (1997: 9 ; 1998 : 34) « le mode de subsistance ne<br />

suffit pas à définir ni <strong>la</strong> néolithisation, ni les zones d’interactions culturelles ». La<br />

sédentarisation, le développement de l'architecture, <strong>la</strong> spécialisation <strong>du</strong> travail, l'art, <strong>la</strong><br />

circu<strong>la</strong>tion à longue distance (notamment de l'obsidienne), les prémices de<br />

l’institutionnalisation de <strong>la</strong> religion (construction de bâtiments somptuaires) et de <strong>la</strong><br />

centralisation <strong>du</strong> pouvoir sont autant d'éléments qui forment, aux côtés de l'agriculture, et<br />

non comme une conséquence de celle-ci, un tout caractéristique <strong>des</strong> sociétés avancées.<br />

L’agriculture n’<strong>est</strong> qu’un élément qui, pour reprendre les termes de T<strong>est</strong>art (1982 :<br />

201), «s’insère <strong>dans</strong> le mouvement historique de cette époque ». En effet, contrairement à<br />

ce qui a longtemps été cru, l'agriculture n'<strong>est</strong> pas l'élément déclencheur <strong>des</strong> autres ; <strong>la</strong><br />

sédentarisation, par exemple, lui <strong>est</strong> bien antérieure et son impact n’<strong>est</strong> pas moindre.<br />

Celle-ci, accompagnée de <strong>la</strong> notion de stockage de denrées saisonnières, forme d’ailleurs<br />

peut-être <strong>la</strong> vraie révolution que l’on appelle encore aujourd’hui « néolithique » ; mais<br />

elle apparaît dès le Mésolithique. Il nous semble donc inapproprié de faire commencer le<br />

Néolithique à l'apparition de l'agriculture (avec toutes les complications techniques que<br />

ce terme implique) et nous préférons considérer cette période <strong>dans</strong> son déroulement<br />

temporel (par rapport aux différentes innovations culturelles). Il <strong>est</strong> donc plus logique<br />

pour nous de parler de "néolithisation", prenant pour point de départ <strong>la</strong> plus ancienne <strong>des</strong><br />

innovations concernées, <strong>la</strong> sédentarisation.<br />

Au Proche-Orient, où <strong>la</strong> néolithisation <strong>est</strong> l’une <strong>des</strong> plus précoces au monde, <strong>la</strong><br />

succession et <strong>la</strong> chronologie de ces différents éléments nous sont connues <strong>dans</strong> les<br />

4


gran<strong>des</strong> lignes. La sédentarisation, avec, bien sûr, les débuts de l'architecture, mais aussi<br />

ceux <strong>des</strong> échanges organisés à longue distance ouvrent donc, vers 12500 calibré av. JC,<br />

<strong>la</strong> marche <strong>du</strong> processus néolithique, bien que cette période soit plus communément<br />

connue sous le nom de Mésolithique. Elle représente donc logiquement pour nous <strong>la</strong><br />

Période 1 (voir Périodisation <strong>dans</strong> Cadre spatio-temporel). Ensuite, c'<strong>est</strong> le passage, à <strong>la</strong><br />

Période 2 (10000-8700 av. JC), à l'agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique, à l'architecture<br />

rectangu<strong>la</strong>ire, à <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de <strong>la</strong>mes sur nucléus bipo<strong>la</strong>ires (remp<strong>la</strong>çant les <strong>la</strong>melles <strong>du</strong><br />

"Mésolithique") et les premières att<strong>est</strong>ations de travaux collectifs, tels que <strong>des</strong> remparts<br />

et une tour massifs à Jéricho (Cauvin 1997 : 59) ou <strong>des</strong> bâtiments publiques comme à Jerf<br />

el-Ahmar (Stordeur 2000 : 43). Enfin, à <strong>la</strong> Période 3 (8700-7000 av. JC), le sommet de <strong>la</strong><br />

complexité sociale néolithique <strong>est</strong> atteint avec <strong>des</strong> bâtiments aux dimensions<br />

monumentales, et à <strong>la</strong> fonction hautement symbolique (religieuse) notamment à Göbekli<br />

Tepe (Hauptmann 1999 : 78-81), une circu<strong>la</strong>tion de l'obsidienne et une pro<strong>du</strong>ction<br />

lithique très organisées et uniformes impliquant une certaine spécialisation <strong>du</strong> travail,<br />

ainsi que le confirme l'apparition de l’agriculture et de l’élevage dom<strong>est</strong>iques, et, enfin,<br />

celle de <strong>la</strong> poterie. Bien que de façon très re<strong>la</strong>tive (à l’échelle d’un vil<strong>la</strong>ge), à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong><br />

période, une hiérarchisation de <strong>la</strong> société se <strong>des</strong>sine et le pouvoir se centralise.<br />

S'il subsiste, <strong>dans</strong> le domaine de <strong>la</strong> séquence chronologique et de <strong>la</strong> datation,<br />

beaucoup d'éléments à préciser ou à réajuster, c'<strong>est</strong>, il semble, <strong>dans</strong> le domaine<br />

géographique qu'il r<strong>est</strong>e le plus de travail à faire. <strong>Le</strong> fil de tous ces événements se perd<br />

quant à <strong>la</strong> région de leur apparition et à leur éten<strong>du</strong>e d'influence, et donne lieu à de<br />

nombreuses controverses souvent infructueuses entre différentes "écoles", parfois<br />

influencées par un pr<strong>est</strong>ige national ou idéologique.<br />

Il <strong>est</strong> aujourd'hui difficile d'<strong>est</strong>imer où, précisément, ces différents événements<br />

culturels sont d'abord apparus et où ils se sont ensuite diffusés, car ce n'<strong>est</strong> pas aussi<br />

simple et évident qu’on peut le <strong>la</strong>isser entendre. Voici donc l'intérêt de comprendre au<br />

préa<strong>la</strong>ble l'importance de ne pas considérer le Néolithique comme évènement en soi,<br />

mais comme une multitude de petites innovations fusionnant, et de décortiquer<br />

suffisamment leur chronologie, par un système de périodisation simplifiée, sur lequel<br />

nous reviendrons. Il semble bien en effet, après analyse de celles-ci, que tout ne soit pas<br />

parti d'un seul et même endroit, et qu'ensuite le phénomène néolithique se soit diffusé<br />

<strong>dans</strong> le r<strong>est</strong>e <strong>du</strong> Croissant Fertile. On ne peut non plus imaginer, au contraire, que<br />

5


l'ensemble de ces innovations soit apparu <strong>dans</strong> l'ensemble de cette région au même<br />

moment. La complexité <strong>du</strong> processus de néolithisation rend en effet impossible qu'une<br />

telle succession d'évènements aussi primordiaux soit intervenue pareillement, avec une<br />

même intensité et en même temps sur un si vaste territoire, ou bien qu'un seul petit<br />

territoire en soit le seul centre novateur.<br />

L'étude de l'apparition géographique <strong>des</strong> différents éléments de <strong>la</strong> néolithisation<br />

<strong>du</strong> Proche-Orient, dont l’ensemble pourra être abordé ultérieurement (travail de thèse),<br />

forme <strong>la</strong> trame de fond de cette problématique. Pour l'instant, sans, bien-enten<strong>du</strong>, ne<br />

jamais perdre de vue son cadre et son référentiel nécessaire qu'<strong>est</strong> le r<strong>est</strong>e <strong>du</strong> Croissant<br />

Fertile, nous nous attacherons plus précisément à <strong>la</strong> région qui nous a d'abord beaucoup<br />

intrigué et nous a, en premier, fait prendre conscience de ce flou géographique; il s'agit<br />

d’une région trop souvent <strong>la</strong>issée pour compte mais dont l’importance <strong>des</strong> v<strong>est</strong>iges mérite<br />

une p<strong>la</strong>ce de choix au sein de cette étude: l'Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>.<br />

<strong>Le</strong> concept de Néolithique précéramique évoque l'idée de sociétés sédentaires<br />

mais primitives, non complexes. <strong>Le</strong>s photos de sites récemment fouillés, tels que Nevali<br />

Cori et surtout Göbekli Tepe <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région d'Urfa (Turquie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>), datant de <strong>la</strong><br />

Période 3, provoquent invariablement une profonde remise en cause. C'<strong>est</strong> d'abord à <strong>la</strong><br />

vue <strong>des</strong> bâtiments monumentaux et <strong>des</strong> piliers monolithiques, al<strong>la</strong>nt jusqu’à 6 m de haut,<br />

souvent décorés de bas reliefs (Hauptmann 1999 : 78-81) que nous nous sommes<br />

interrogé sur <strong>la</strong> nature réelle de ces sociétés et leur p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> le processus de<br />

néolithisation <strong>du</strong> Proche-Orient. Rien de semb<strong>la</strong>ble <strong>dans</strong> l’extravagance n'a encore été<br />

trouvé jusqu'à une période beaucoup plus récente <strong>dans</strong> tout le Poche-Orient. Or, cette<br />

unicité <strong>est</strong> accompagnée d'éléments tout aussi intrigants: on <strong>est</strong> amené à penser que <strong>la</strong><br />

complexité de <strong>la</strong> société qui a construit ces bâtiments <strong>est</strong> le résultat d'une longue tradition<br />

locale, puisque rien de semb<strong>la</strong>ble n'<strong>est</strong> att<strong>est</strong>é aux alentours. Cependant, celle-ci n'existe<br />

pas puisque ces structures ont été construites sur le sol vierge et <strong>la</strong> période précédente <strong>est</strong>,<br />

sur l’ensemble de <strong>la</strong> région et selon nos connaissances actuelles, quasiment dépourvue<br />

d’architecture. Il semble à présent que les seules origines possibles se trouvent sur le<br />

Moyen-Euphrate Syrien à <strong>la</strong> période précédente (Période 2), mais à un stade de<br />

développement moindre. La nature de l'émergence de ces sociétés r<strong>est</strong>e donc un mystère;<br />

s'agit-il d'une diffusion de popu<strong>la</strong>tion ou d'idées Des liens culturels peuvent-ils prouver<br />

une re<strong>la</strong>tion quelconque avec les cultures avoisinantes <br />

6


Enfin, un autre élément vient semer <strong>la</strong> confusion, celui <strong>du</strong> problème de<br />

représentativité. Si les prospections sur le Néolithique au <strong>Le</strong>vant, spécialement en<br />

Pal<strong>est</strong>ine, étaient déjà importantes <strong>dans</strong> les années trente (l’expédition de Garstang à<br />

Jéricho) et que leur nombre n’a pas cessé de croître depuis (Ozdogan 1997: 8), le<br />

Néolithique en Turquie a été découvert <strong>dans</strong> les années soixante (le projet Iraq Jarmo par<br />

Braidwood) et n'a vraiment commencé à intéresser les chercheurs que depuis une dizaine<br />

d'années. Auparavant, l’Anatolie n’a jamais été considérée que comme une zone<br />

marginale ou un pont entre l’<strong>est</strong> et l’ou<strong>est</strong>, et souvent même ignorée en tant que point de<br />

passage <strong>dans</strong> <strong>la</strong> diffusion <strong>du</strong> Néolithique <strong>du</strong> Proche-Orient vers l’Europe, car, jusqu’il y a<br />

encore quelques années, beaucoup <strong>la</strong> croyaient vide de popu<strong>la</strong>tion jusqu’au 3ème<br />

millénaire (Ozdogan 1998: 25-6)! Malgré <strong>la</strong> richesse <strong>des</strong> sites explorés <strong>dans</strong> cette région<br />

depuis, on lui attribue encore trop souvent une importance mineure <strong>dans</strong> <strong>la</strong> séquence <strong>des</strong><br />

innovations néolithiques; on a beaucoup parlé de « néolithisation secondaire » pour<br />

qualifier le Néolithique anatolien (Cauvin 1997: 118-121; Ozdogan 1998 : 37-38). Pour<br />

400 sites explorés au <strong>Le</strong>vant pour <strong>la</strong> période, il en existe à peine une quarantaine sur<br />

l'ensemble de <strong>la</strong> Turquie qui couvre une surface beaucoup plus importante (Ozdogan<br />

1999: 10-11). Et, au vu de <strong>la</strong> qualité <strong>des</strong> quelques sites retrouvés, on ne peut que supposer<br />

qu'il en r<strong>est</strong>e beaucoup d'autres. Il <strong>est</strong> donc difficile aujourd'hui d'établir une séquence de<br />

développement fiable. <strong>Le</strong>s recherches à venir devront ainsi nécessairement atténuer ou<br />

modifier nos connaissances et nos hypothèses actuelles (voir infra). Cependant, les<br />

données acquises <strong>du</strong>rant cette dernière décennie sont si importantes et soudaines qu’elles<br />

sont loin d’être bien exploitées. Il <strong>est</strong> impératif que ces données soient maintenant<br />

étudiées <strong>dans</strong> le souci de leur donner un sens, de les intégrer <strong>dans</strong> un ensemble cohérent.<br />

Elles méritent ainsi, non seulement une synthèse, mais également d'être analysées en vue<br />

de formuler les qu<strong>est</strong>ions auxquelles répondront les recherches futures.<br />

En ce sens, il nous semble donc justifié de réhabiliter le statut de l'Anatolie <strong>du</strong><br />

<strong>sud</strong>-<strong>est</strong> <strong>dans</strong> le rôle qu'elle a joué <strong>dans</strong> <strong>la</strong> néolithisation <strong>du</strong> Proche-Orient. Découvrir les<br />

régions géographiques de <strong>la</strong> néolithisation, c'<strong>est</strong> aussi, en d'autres termes, rechercher les<br />

affinités culturelles <strong>des</strong> communautés qui les ont habitées, à travers l'uniformité ou <strong>la</strong><br />

variété qui apparaît <strong>dans</strong> leurs cultures matérielles. C'<strong>est</strong> en effet, <strong>dans</strong> un premier temps,<br />

l'étude de celles-ci qui permettra de déceler <strong>des</strong> traces de traditions locales, d’échanges,<br />

d'influences et de diffusions, de déclin et d'apogée, enfin, <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de toute une<br />

base de comparaison. A travers les principaux témoins de ces sociétés, nous essaierons<br />

7


de reconstituer le paysage culturel de cette région et de <strong>la</strong> rep<strong>la</strong>cer au sein de son cadre<br />

proche-oriental. Ces principaux témoins sont déterminés par leur état de préservation,<br />

leur quantité ou leur qualité de caractérisation de ces sociétés, et leur niveau de<br />

développement respectif. Il s’agit, pour l’horizon culturel en qu<strong>est</strong>ion, de l'in<strong>du</strong>strie<br />

lithique, l'architecture et le mode de subsistance, et ils formeront les trois axes d’étu<strong>des</strong><br />

majeurs de cette recherche. <strong>Le</strong> domaine de l’art, tenant <strong>du</strong> symbolique et donc plus<br />

délicat à interpréter, ne sera que brièvement abordé <strong>dans</strong> le cadre r<strong>est</strong>reint de cette étude.<br />

A partir de ces domaines, étudiés par période et en comparant les données <strong>des</strong> différentes<br />

régions, nous viendrons à établir une vision de l’évolution <strong>des</strong> structures sociales et <strong>des</strong><br />

affiliations culturelles <strong>des</strong> communautés concernées. Enfin, il sera temps d’essayer de<br />

dresser un portrait, un « modèle », <strong>du</strong> rôle <strong>des</strong> sociétés anatoliennes <strong>dans</strong> le mouvement<br />

général de <strong>la</strong> néolithisation qui caractérise le Croissant Fertile à cette époque.<br />

Sur les problèmes de représentativité<br />

Nous avons déjà évoqué le problème de représentativité qui <strong>est</strong> sans doute l’un<br />

<strong>des</strong> premiers ennemis d'un travail de ce genre. Comme nous l’avons déjà signalé, il y a de<br />

fortes chances que, quelle que soit <strong>la</strong> vision établie, celle-ci soit modifiée, complètement<br />

ou en partie <strong>dans</strong> les prochaines années. Cependant, <strong>dans</strong> un premier temps, un tel travail<br />

n'<strong>est</strong> pas inutile, <strong>dans</strong> le sens où il permet de mettre en corré<strong>la</strong>tion différentes régions sur<br />

un espace assez <strong>la</strong>rge, et donc d’y voir plus c<strong>la</strong>ir et de disposer d’une base de données<br />

plus facile à manipuler. Il <strong>est</strong> temps d’établir une synthèse et de mettre en perspective les<br />

8


avancées réalisées jusqu'à présent en ce domaine, afin de faire le point sur nos<br />

connaissances et sur <strong>la</strong> direction vers <strong>la</strong>quelle il faut procéder pour mieux exploiter les<br />

informations à l'avenir. De plus, il <strong>est</strong> incont<strong>est</strong>able que les nouvelles données <strong>des</strong> dix<br />

dernières années <strong>dans</strong> de nombreuses régions (Anatolie, Zagros, Djézireh) où<br />

pratiquement rien n'était connu auparavant suffisent déjà à radicalement changer l’idée<br />

générale sur cette période. La petite dizaine de sites d’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> pèse déjà lourd<br />

sur notre interprétation de <strong>la</strong> néolithisation de l’ensemble <strong>du</strong> Proche-Orient, malgré les<br />

centaines de sites connus au <strong>sud</strong> <strong>Le</strong>vant (Ozdogan 1999: 225). <strong>Le</strong> <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> n'<strong>est</strong> plus,<br />

en dépit <strong>des</strong> décennies de recherche <strong>dans</strong> cette région, le centre novateur unique de <strong>la</strong><br />

néolithisation.<br />

C'<strong>est</strong> d'ailleurs bien à ce<strong>la</strong> que l'on reconnaît qu’il faut atténuer le problème de<br />

représentativité <strong>du</strong> matériel. Malgré le grand nombre de sites connus au <strong>sud</strong> <strong>Le</strong>vant de<br />

toutes les pério<strong>des</strong> concernées, si celui-ci conserve sa notoriété sur <strong>la</strong> période natoufienne<br />

en terme d'avancée culturelle sur les autres régions, les quelques sites <strong>du</strong> Moyen Euphrate<br />

et <strong>d'Anatolie</strong>, aux PPNA et PPNB, suffisent à eux seuls à définir un mouvement<br />

d'innovation vers le nord, alors que le <strong>sud</strong> stagne, avant de péricliter totalement à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong><br />

PPNB (Rollefson 1989: 169, 173). <strong>Le</strong> nombre <strong>des</strong> prospections de terrain sur <strong>la</strong> période<br />

en Anatolie <strong>est</strong> re<strong>la</strong>tivement élevé (Todd, Balkan Atli, Bennedict, Ozdogan, Cauvin,<br />

Cambel, Braidwood, Howe, Kansu, Senyurek, Kökten, Bostanci, Whalon) pour n’en citer<br />

que quelques-uns (Balkan-Atli 1994 : 47 ; Ozdogan, M. 1997 : 7). Même si l’Anatolie<br />

souffre de problèmes d’érosion <strong>des</strong> sols entraînant l’enlisement de nombreux sites, le su<strong>des</strong>t<br />

<strong>est</strong> particulièrement épargné par ce phénomène, à tel point que de nombreux sites<br />

néolithiques sont localisés directement sous <strong>la</strong> surface (Ozdogan 1998 : 29). De plus, <strong>la</strong><br />

construction de plusieurs barrages sur le Tigre et l’Euphrate turcs <strong>du</strong>rant les dernières<br />

décennies a amené les équipes sur p<strong>la</strong>ce à con<strong>du</strong>ire un grand nombre d’opérations de<br />

reconnaissance. Par exemple, Rosenberg, lors de <strong>la</strong> construction <strong>du</strong> barrage sur <strong>la</strong> rivière<br />

Batman fait état de seulement deux sites précéramiques repérés sur toute <strong>la</strong> région<br />

concernée (Hal<strong>la</strong>n Cemi), bien que <strong>la</strong>rgement prospectée (Rosenberg et alii 1998: 35).<br />

Enfin, les résultats concordent pour dire que le nombre de sites connus concernant les<br />

Pério<strong>des</strong> 1 et 2 particulièrement r<strong>est</strong>e très faible. La raison <strong>est</strong> facilement explicable<br />

climatiquement (voir « environnement »). Tout ceci nous invite à penser que les<br />

découvertes à venir ne viendront pas complètement bouleverser l’idée que nous pouvons<br />

9


nous faire de l’identité culturelle de <strong>la</strong> région, et que nos conclusions sont fondées sur <strong>des</strong><br />

faits, qui, très certainement, seront modifiés, mais pas entièrement remis en cause.<br />

Ce tableau montre, à ce propos, le nombre de sites d’importance connus <strong>dans</strong><br />

chaque région. Celui-ci tend tout à fait à démontrer que, finalement, l’Anatolie n’<strong>est</strong> pas<br />

plus mal lotie que les régions voisines en ce qui concerne le nombre de sites, et que <strong>la</strong><br />

base de comparaison semble extrêmement fiable.<br />

Nombre de sites<br />

par pério<strong>des</strong> et<br />

régions<br />

Période 1<br />

Période 2<br />

Période3<br />

<strong>Le</strong>vant Nord Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> Djézireh<br />

2: Abu Hureyra,<br />

Mureybet<br />

3: Mureybet,<br />

Cheickh Hassan,<br />

Jerf el Ahmar<br />

8 : Dja’de, Halu<strong>la</strong>,<br />

Abu Hureyra,<br />

Bouqras, Qdeir, El<br />

Kowm, Sabi Abyad,<br />

Assouad<br />

3: Sögüt Tar<strong>la</strong>si, Biris 2: Nemrick, Qermez<br />

Mezaligi, Hal<strong>la</strong>n Cemi Dere<br />

3: Hal<strong>la</strong>n Cemi, 4: Nemrick, Qermez<br />

Demirköy, Cayönü Dere, M’lefaat, Deir<br />

Base.(Nev.Cori,Göb ) Hall<br />

8: Nevali Cori, 2: Nemrick,<br />

Cayönü, Göbekli Tepe, Magzalia,<br />

Gürcütepe, Cafer<br />

Höyük, boytepe,<br />

Hayaz Höyük, Gritille.<br />

De plus, le nombre en soi <strong>des</strong> sites ne peut être un point de comparaison unique.<br />

C’<strong>est</strong> bien <strong>la</strong> qualité culturelle présente <strong>dans</strong> chacune <strong>des</strong> régions qui nous permet de<br />

parler de telle ou telle influence, diffusion, hégémonie…<br />

Cette constatation <strong>est</strong> toute aussi va<strong>la</strong>ble à l'inverse: il <strong>est</strong> c<strong>la</strong>ir qu'au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong>,<br />

les sites natoufiens sont beaucoup plus nombreux que ceux <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> suivantes, PPNA<br />

et PPNB (Bar-Yosef 1992: 14) et qu'ils ont été connus bien avant (Bar-Yosef 1992: 14,<br />

1989: 57). Il serait donc logique de supposer que si un tel engouement avait existé <strong>dans</strong><br />

d'autres régions à cette époque, celui-ci aurait été montré de manière plus significative.<br />

On peut donc penser avec une re<strong>la</strong>tive assurance que c'<strong>est</strong> bien le <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong>, et<br />

particulièrement <strong>la</strong> Galilée qui, à cette époque, concentre l'activité culturelle <strong>la</strong> plus<br />

intense, qu'elle partage en partie avec le Zagros, alors que les régions intermédiaires,<br />

même si elles ne sont sûrement pas vi<strong>des</strong>, présentent sans doute moins de popu<strong>la</strong>tions<br />

sédentaires.<br />

10


II<br />

-<br />

Cadre<br />

Spatio-temporel<br />

12


Environnement<br />

Nous nous étendrons, en ce qui concerne le cadre géographique général, sur ce<br />

qu'il convient d'appeler le Croissant Fertile, en se concentrant essentiellement sur son<br />

extrémité septentrionale. <strong>Le</strong> Croissant Fertile forme un arc très vaste, qui s'étend de sa<br />

pointe <strong>sud</strong>-ou<strong>est</strong> formée par le <strong>Le</strong>vant, c'<strong>est</strong>-à-dire les pays actuels d'Israël, de <strong>la</strong> Jordanie<br />

(occidentale), <strong>du</strong> Liban et de <strong>la</strong> Syrie (littoral et vallée de l'Euphrate), à sa pointe <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>,<br />

c'<strong>est</strong>-à-dire les pays actuels d'Iran et d'Iraq. Ces deux pointes se rejoignent en un croissant<br />

septentrional au <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> de <strong>la</strong> Turquie (carte ).<br />

Pour parler en termes d'environnements naturels topographiques ou<br />

hydrographiques, <strong>la</strong> branche occidentale <strong>du</strong> Croissant s’étend entre le littoral<br />

méditerranéen <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant et <strong>la</strong> section nord <strong>du</strong> Rift Africain, matérialisé par les vallées <strong>du</strong><br />

Jourdain et de l'Oronte. <strong>Le</strong> Croissant commence sa courbure à partir <strong>du</strong> coude de <strong>la</strong><br />

Vallée <strong>du</strong> Moyen Euphrate syrien et longe l'arc de cercle formé par <strong>la</strong> rangée<br />

montagneuse <strong>du</strong> Taurus oriental, qui ensuite rencontre <strong>la</strong> chaîne <strong>du</strong> Zagros qu'il va suivre,<br />

en même temps que le Tigre et l'Euphrate jusqu'au Golfe Persique.<br />

Bien que le Croissant Fertile forme le cadre référentiel de cette étude, c'<strong>est</strong> <strong>la</strong><br />

région parfois appelée Hautes Vallées (<strong>du</strong> Tigre et de l'Euphrate), autrement dit l'Anatolie<br />

<strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>, qui nous intéresse plus particulièrement ici.<br />

Selon une définition anthropologique, <strong>la</strong> culture <strong>est</strong> le moyen premier par lequel<br />

les hommes s’adaptent à leur environnement naturel (Fagan 1994: 482). La néolithisation<br />

comprend le passage à <strong>la</strong> sédentarisation, entraînant le fait que pour <strong>la</strong> première fois les<br />

hommes se trouvaient confrontés en permanence aux mêmes conditions climatiques et<br />

éléments environnementaux, facilitant ainsi les expérimentations et <strong>la</strong> compréhension <strong>des</strong><br />

phénomènes naturels. Ce<strong>la</strong> favorise ainsi les innovations techniques comme l’adoption de<br />

l’agriculture. On comprend donc <strong>la</strong> nécessité de bien connaître cet environnement en tant<br />

que cadre d’é<strong>la</strong>boration de ces techniques. Ce<strong>la</strong> <strong>est</strong> d’autant plus important qu’il s’agit là<br />

d’une période de changements climatiques constants.<br />

A <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> Pléistocène, le Mésolithique <strong>est</strong> marqué par <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> période<br />

g<strong>la</strong>cière, ou tardig<strong>la</strong>cière, et le début d’une période de réchauffement, entrecoupée <strong>des</strong><br />

pério<strong>des</strong> plus ru<strong>des</strong> <strong>du</strong> Dryas II et Dryas récent (Aurenche-Kozlowski 1999: 15). Ainsi, le<br />

13


Kébarien <strong>est</strong> re<strong>la</strong>tivement froid, humide, le <strong>Le</strong>vant <strong>est</strong> couvert d’un boisement léger, les<br />

gazelles sont abondantes ainsi que les équidés. <strong>Le</strong> Natoufien récent présente une steppe<br />

re<strong>la</strong>tivement sèche et plus chaude. Pour le Néolithique, il s’agit d’un climat simi<strong>la</strong>ire mais<br />

plus chaud et plus sec (proche de l’actuel). La fin <strong>du</strong> Dryas III <strong>est</strong> marquée par une<br />

ripisylve dense et sèche, plus aride dès le PPNB (Hemer et alii 1998 :14-7). Il <strong>est</strong> certain<br />

que ces éléments ont joué un rôle décisif <strong>dans</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation au Proche-Orient <strong>des</strong> types<br />

sauvages de céréales qui furent dom<strong>est</strong>iquées par <strong>la</strong> suite au <strong>Le</strong>vant et en Anatolie<br />

(Hillman 1996: 195-6; Sherratt 1997: 278-81).<br />

Or, il <strong>est</strong> intéressant de constater que ce réchauffement climatique, qui a d’abord<br />

permis aux hommes de se sédentariser, <strong>est</strong> apparu au <strong>Le</strong>vant beaucoup plus tôt qu’en<br />

Anatolie, où le même climat froid et sec a per<strong>du</strong>ré jusque vers 10000 BC, comme le<br />

montrent les étu<strong>des</strong> <strong>des</strong> données palynologiques et géologiques (Van Zeist - Bottema<br />

1991 : 65,118-125). Ceci serait dû à <strong>la</strong> position plus septentrionale et montagnarde <strong>du</strong><br />

<strong>sud</strong>-<strong>est</strong> anatolien, ainsi qu’à une différence <strong>du</strong> régime <strong>des</strong> vents (Balkan-Atli 1994 : 143).<br />

C’<strong>est</strong> ainsi que Balkan-Atli (1994 : 17, 59) et Ozdogan (1998 : 34) expliquent l’apparent<br />

vide de popu<strong>la</strong>tion, <strong>du</strong> moins sédentaire de plein air, à cette époque en Anatolie, alors<br />

qu’au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> florissaient les sites natoufiens. Ce n’<strong>est</strong> sans doute pas une coïncidence<br />

si, d’ailleurs, les sites <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> sont eux-mêmes beaucoup plus nombreux qu’au<br />

<strong>Le</strong>vant nord. <strong>Le</strong>s sites de <strong>la</strong> Bozova près d’Urfa en Anatolie <strong>sud</strong>-orientale (Biris<br />

Mezarligi et Sögüt Tar<strong>la</strong>si) semblent bien att<strong>est</strong>er une faible présence cependant, <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />

habitats de grotte, dès le Mésolithique, et d’origine probablement orientale, zarzienne ou<br />

trialétienne, qui per<strong>du</strong>rera au PPNA d’Hal<strong>la</strong>n Cemi et de Cayönü.<br />

Ensuite, à <strong>la</strong> transition <strong>du</strong> Mésolitique et <strong>du</strong> PPNA, les améliorations climatiques<br />

de l’Holocène gagne les hautes vallées anatoliennes favorisant <strong>la</strong> sédentarisation de <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion, avec un point d’orgue au PPNB. Si nous partageons l’avis de M. Ozdogan<br />

(1998 : 34) sur le fait que les premières popu<strong>la</strong>tions anatoliennes ne viennent pas <strong>du</strong> <strong>sud</strong>,<br />

par <strong>la</strong> suite, l’optimum climatique de l’Holocène apportera à <strong>la</strong> région, au travers les sites<br />

de <strong>la</strong> région d’Urfa en amont de l’Euphrate, les influences <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant. A en croire <strong>la</strong><br />

capacité de stockage <strong>des</strong> céréales <strong>dans</strong> les structures <strong>des</strong> maisons <strong>des</strong> Pério<strong>des</strong> 2 et surtout<br />

3, cet optimum climatique couplé à l’environnement montagneux d’Anatolie, sera<br />

profitable non seulement à une chasse et une cueillette intenses, mais aussi à l’agriculture<br />

pré-dom<strong>est</strong>ique puis dom<strong>est</strong>ique.<br />

14


Périodisation<br />

Concernant <strong>la</strong> périodisation de l’époque néolithique au Proche-Orient, plusieurs<br />

systèmes ont été essayés sans rarement parvenir à un accord général. Celui qui <strong>est</strong> le plus<br />

utilisé jusqu'à présent <strong>est</strong> le système mis en p<strong>la</strong>ce par Kathleen Kenyon <strong>dans</strong> les années<br />

50 (Aurenche-Kozlowski 99: 36-37) à partir <strong>des</strong> données provenant de ses fouilles à<br />

Jéricho. Devant <strong>des</strong> niveaux anciens contenant un matériel d'apparence néolithique mais<br />

sans céramique, <strong>la</strong> notion de Pre-Pottery Neolithic fut intro<strong>du</strong>ite, ultérieurement séparée<br />

en deux sous-phases, PPNA et PPNB.<br />

Aujourd'hui, ces notions, surtout celle de PPNA, même si elles se prêtaient plus<br />

ou moins bien au contexte de Jéricho, ne reflètent plus les réalités <strong>des</strong> recherches<br />

récentes. Moore (1982) a proposé une périodisation en quatre phases (Néolithique 1 à 4)<br />

suivant les innovations techniques de chaque époque. Si le concept <strong>est</strong> plus sain, les<br />

recherches de ces vingt dernières années demandent que quelques modifications soient<br />

apportées à ce système. Cauvin (1997) préfère, lui, parler de cultures que d'horizons<br />

chronologiques; une méthode qui semble en effet plus en concordance avec les faits. C'<strong>est</strong><br />

ainsi qu'il parle de "culture PPNB <strong>du</strong> Taurus" (1997: 117-127) et qu'il remp<strong>la</strong>ce, au<br />

<strong>Le</strong>vant, le désuet concept de PPNA par les cultures khiamienne, puis sultanienne (au<br />

<strong>sud</strong>), mureybetienne (au nord) et aswadienne (au centre) selon les régions concernées.<br />

Enfin, <strong>la</strong> Maison de l'Orient à Lyon a proposé une périodisation de 1 à 5, publiée<br />

<strong>dans</strong> leur At<strong>la</strong>s <strong>des</strong> sites <strong>du</strong> Proche-Orient (Hours et alii 1994) et fondée sur une<br />

terminologie de phases proto-néolithiques et néolithiques suivant l’in<strong>du</strong>strie lithique, le<br />

développement architectural et le mode de subsistance (chasseur-cueilleur ou agriculteuréleveur)<br />

<strong>des</strong> groupes concernés.<br />

La périodisation que nous utilisons <strong>est</strong> empreinte <strong>du</strong> type instauré par Cauvin en<br />

essayant tant que possible d’imposer le concept de groupes culturels et d’apporter à ce<br />

panorama <strong>des</strong> limites géographiques. Nous suivrons, en parallèle, Moore et <strong>la</strong> Maison de<br />

l'Orient en adoptant un système numérique neutre (1à 3, puis subdivisé), qui s’appuie sur<br />

les changements techno-économiques apparents, pour présenter une vision plus globale<br />

<strong>du</strong> développement néolithique. Ce<strong>la</strong> nous semble un procédé viable pour présenter <strong>la</strong><br />

complexité <strong>du</strong> phénomène.<br />

15


Voici comment se présente <strong>la</strong> version simplifiée de notre système de périodisation<br />

qui concilie terminologies et dates absolues calibrées:<br />

12500-10000 av. JC Période 1 Mésolithique final<br />

10000-8700 av. JC Période 2 PPNA (Pre Pottery<br />

Neolithic A)<br />

8700-7000 av. JC Période 3 PPNB (Pre Pottery<br />

Neolithic B)<br />

Il <strong>est</strong> à noter que nous avons décerné quelques différences <strong>dans</strong> <strong>la</strong> chronologie<br />

utilisée par les archéologues travail<strong>la</strong>nt en Anatolie, qui se réfèrent généralement à <strong>la</strong><br />

chronologie mise en p<strong>la</strong>ce à Çayönü, ce qu’il faut garder à l’esprit pour éviter les<br />

confusions. Ceci vaut en particulier pour <strong>la</strong> date de transition entre le PPNA et le PPNB,<br />

comme en témoigne <strong>la</strong> comparaison de ces deux tableaux (fig. 2 et 8) pour lesquels les<br />

mêmes dates BP n’ont pas <strong>la</strong> même désignation périodique ; <strong>la</strong> confusion apportée par <strong>la</strong><br />

calibration <strong>des</strong> dates pourrait bien en être <strong>la</strong> raison. Enfin, il <strong>est</strong> possible que ce déca<strong>la</strong>ge<br />

provienne également d’un véritable fossé chronologie entre les deux régions. En d’autres<br />

termes, il <strong>est</strong> évident que le fait d’appliquer une seule et unique périodisation à <strong>des</strong><br />

régions n’ayant pas connu le même développement historique aboutit forcément à<br />

quelques approximations.<br />

Ceci dit, nous choisissons ce système périodique unique ici pour <strong>des</strong> raisons<br />

diverses : d’abord le cadre r<strong>est</strong>reint de cette étude ne nous permet pas de nous étendre sur<br />

<strong>des</strong> problèmes chronologiques trop long à résoudre et qui pourront intégrer <strong>la</strong><br />

problématique d’un travail de thèse à suivre ; d’autre part, nous considérons le Proche-<br />

Orient comme une entité régionale, et l’adoption d’une seule chronologie, viable partout<br />

<strong>dans</strong> ses gran<strong>des</strong> lignes, facilite les comparaisons et apporte une vision d’ensemble plus<br />

c<strong>la</strong>ire sur le processus de <strong>la</strong> néolithisation.<br />

16


III<br />

-<br />

L’in<strong>du</strong>strie lithique<br />

17


La poterie sert de référent principal pour les archéologues <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> à<br />

céramique afin de déterminer une certaine chronologie re<strong>la</strong>tive et le degré d’interaction<br />

<strong>des</strong> cultures anciennes. Pour les pério<strong>des</strong> précéramique, ce rôle <strong>est</strong> rempli par le matériel<br />

lithique, <strong>du</strong> fait de sa représentation dense et son état de préservation, même si l’arbitraire<br />

culturel y tient moins d’importance que <strong>dans</strong> <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de <strong>la</strong> céramique.<br />

L'état de <strong>la</strong> recherche sur le Néolithique précéramique <strong>du</strong> Proche-Orient souffre<br />

aujourd'hui de certaines <strong>la</strong>cunes quant à <strong>la</strong> compréhension de son développement<br />

chronologique et géographique. Il <strong>est</strong> donc primordial de se reporter aux assemb<strong>la</strong>ges<br />

lithiques <strong>des</strong> différentes régions concernées - que l'on pourrait définir comme <strong>la</strong> moitié<br />

nord <strong>du</strong> Croissant Fertile- pour essayer de r<strong>est</strong>ituer leurs correspondances<br />

chronologiques.<br />

<strong>Le</strong>s préhistoriens, dès <strong>Le</strong>roi-Gourhan, ont montré que l'in<strong>du</strong>strie lithique, étudiée<br />

selon <strong>la</strong> méthode de <strong>la</strong> chaîne opératoire, recèle une mine d'informations très importante<br />

sur <strong>la</strong> société pro<strong>du</strong>ctrice. Ici, nous nous attacherons à trois phases ou étapes de cette<br />

chaîne qui sont, chronologiquement, l'acquisition, <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction et le pro<strong>du</strong>it fini, car elles<br />

révèlent au mieux, <strong>dans</strong> ce cas, <strong>des</strong> tendances caractéristiques de traditions culturelles.<br />

Nous ne garderons pas cet ordre car c’<strong>est</strong>, tout d’abord, le pro<strong>du</strong>it fini qui s’<strong>est</strong><br />

établi comme véritable fossile directeur pour l'établissement d'un repère chrono-culturel<br />

de ces régions. En effet, <strong>la</strong> meilleure arme dont dispose le chercheur pour <strong>la</strong> datation <strong>du</strong><br />

Néolithique précéramique, <strong>est</strong> celle d'une typologie de pointes de flèches. Celle-ci <strong>est</strong><br />

bien documentée et assez précise pour démontrer un cheminement, <strong>dans</strong> le temps et <strong>dans</strong><br />

l'espace, <strong>des</strong> différents types puisqu’elles sont présentes <strong>dans</strong> tous les sites néolithiques,<br />

que leur développement <strong>est</strong> re<strong>la</strong>tivement rapide et qu’elles sont, par leur morphologie,<br />

<strong>des</strong> marqueurs culturels c<strong>la</strong>irs (Gopher 1989 : 44). Dès le début se distinguent, au Moyen-<br />

Orient, deux gran<strong>des</strong> familles (<strong>Le</strong>vant et Zagros), trop souvent étudiées à part, alors<br />

qu’un grand nombre de corré<strong>la</strong>tions montrent qu'elles doivent être mises en parallèle.<br />

Ensuite, <strong>la</strong> qu<strong>est</strong>ion sera de savoir, à partir <strong>des</strong> assemb<strong>la</strong>ges proposés pour chaque site, où<br />

se trouve <strong>la</strong> limite ou l’espace d'interaction de ces deux gran<strong>des</strong> zones principales et s'il y<br />

a une fluctuation de celles-ci <strong>dans</strong> le temps.<br />

Aussi, l'étude de l'acquisition et <strong>du</strong> transport de matière première a eu <strong>des</strong> résultats<br />

étonnants. <strong>Le</strong>s analyses géochimiques, en particulier, sur le matériel lithique de ces<br />

régions ont permis d'identifier l'un <strong>des</strong> premiers exemples d’échange à longue distance<br />

connus. En effet, au <strong>Le</strong>vant une partie de ces pointes de flèches <strong>est</strong> taillée <strong>dans</strong><br />

l'obsidienne, dont <strong>la</strong> provenance exacte a pu être déterminée: <strong>la</strong> Cappadoce et le <strong>la</strong>c de<br />

18


Van en Anatolie. <strong>Le</strong>s pro<strong>du</strong>its de ces gisements ont été retrouvés à plusieurs milliers de<br />

kilomètres jusque sur <strong>des</strong> sites <strong>du</strong> <strong>sud</strong> <strong>Le</strong>vant.<br />

Enfin, un marqueur temporel et géographique d'importance <strong>est</strong> constitué par<br />

l'identification de l'adoption de techniques de débitage différenciées : uni- ou bipo<strong>la</strong>ire,<br />

<strong>la</strong>minaire ou <strong>la</strong>mel<strong>la</strong>ire, percussion indirecte ou par pression.<br />

La recherche sur le Néolithique s’<strong>est</strong> concentrée tout d'abord sur le <strong>Le</strong>vant,<br />

puisque c'<strong>est</strong> là qu'on pensait trouver ses origines, et notamment celle de l'agriculture<br />

(Ozdogan 1997: 3-5, 1998: 26). Même si <strong>la</strong> tendance s'<strong>est</strong> récemment atténuée, en<br />

particulier en faveur de l'Anatolie et <strong>du</strong> Zagros, il y a toujours aujourd'hui une banque de<br />

données beaucoup plus importante sur le <strong>Le</strong>vant. C'<strong>est</strong> donc pour ce<strong>la</strong> que <strong>la</strong> typologie<br />

<strong>des</strong> pointes de flèches y a été établie.<br />

Il <strong>est</strong> intéressant de présenter cette typologie et de voir ensuite comment elle<br />

s'adapte aux assemb<strong>la</strong>ges néolithiques voisins (<strong>du</strong> Zagros et <strong>du</strong> Taurus).<br />

I-Typologie <strong>des</strong> pointes de flèches<br />

De manière générale, on peut chronologiquement diviser l’ensemble de <strong>la</strong> période<br />

en qu<strong>est</strong>ion en deux gran<strong>des</strong> phases:<br />

- <strong>la</strong> phase microlithique impliquant <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de <strong>la</strong>melles (souvent moins de 3<br />

centimètres) qui caractérise <strong>la</strong> tradition mésolithique et le début <strong>du</strong> PPNA, que nous<br />

préférons appeler les Pério<strong>des</strong> 1et 2a puisqu’elles constituent bien les premières étapes <strong>du</strong><br />

phénomène de néolithisation.<br />

- <strong>la</strong> phase dénommée "Big Arrowhead In<strong>du</strong>stry"(BAI) par Kozlowski<br />

(Aurenche-Kozlowski 1999: 103), qui att<strong>est</strong>e <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction massive de <strong>la</strong>mes longues (de<br />

5 à 10 centimètres) et régulières à partir de <strong>la</strong> deuxième moitié <strong>du</strong> 9ème millénaire (bien<br />

que ses origines soient att<strong>est</strong>ées dès <strong>la</strong> Période 2) et qui caractérise <strong>la</strong> deuxième moitié de<br />

<strong>la</strong> Période 3 (PPNB Moyen et Final).<br />

-On peut donc considérer le PPNA récent (2b) et le PPNB ancien (3a) comme <strong>des</strong><br />

pério<strong>des</strong> de transition.<br />

19


A- le <strong>Le</strong>vant<br />

D’après O. Bar-Yosef (1981: 555-569), partisan et auteur d'une simplification<br />

typologique et J.Cauvin (1999), voici une c<strong>la</strong>ssification chronologique <strong>des</strong> pointes de<br />

flèches (fig Gopher). Elle a été réalisée en prenant en compte et en confrontant les<br />

artefacts stratifiés de dizaines de sites de tout le <strong>Le</strong>vant, tels que Mureybet au nord,<br />

Aswad au centre et Nahal Oren et Jéricho au <strong>sud</strong>. La typologie s'applique même au <strong>sud</strong><br />

<strong>du</strong> Sinaï (Ujrat Suleiman) à l'Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> sans oublier le Liban pour les pério<strong>des</strong><br />

anciennes et finales <strong>du</strong> PPNB.<br />

Période 1<br />

Mésolithique final ou<br />

Natoufien<br />

les pointes de Harif, Halutza<br />

et Abu Madi (fig)<br />

Période 2a PPNA ancien ou Khiamien pointe d'el-Khiam (fig)<br />

Période 2b<br />

Période 3a<br />

Période 3b<br />

Période 3c<br />

PPNA récent ou<br />

Mureybétien<br />

PPNB ancien<br />

PPNB Moyen<br />

PPNB récent<br />

baisse de <strong>la</strong> pointe d’el-<br />

Khiam, début de <strong>la</strong><br />

pointe d'Hélouan et de<br />

Nevali Cori<br />

pointe d'Hélouan et de<br />

Nevali Cori<br />

pointe de Jericho et pointe<br />

de Byblos<br />

pointe de Byblos et pointe<br />

d'Amuq<br />

Ce tableau <strong>est</strong> schématique et <strong>la</strong> réalité n’<strong>est</strong> pas, de toute évidence aussi rigide,<br />

c’<strong>est</strong> cependant bien selon ce schéma que les pointes de flèches représentent l’indice<br />

principal de caractérisation chronologique.<br />

Ces pointes de flèches ont également fait l’objet d’une analyse scientifique,<br />

fondée sur <strong>la</strong> méthode de <strong>la</strong> sériation, qui bâtit <strong>des</strong> chronologies re<strong>la</strong>tives, sous forme de<br />

courbes de popu<strong>la</strong>rité. La sériation s’appuie sur l’idée que tout type d’artefact connaît une<br />

période d’invention comprenant peu de spécimens, de croissance de sa popu<strong>la</strong>rité,<br />

d’apogée et de déclin jusqu’à sa disparition (Fagan 1994 : 89-92). Cette analyse menée à<br />

20


partir de centaines d’assemb<strong>la</strong>ges, soigneusement choisis (notamment <strong>dans</strong> <strong>des</strong> sites unistratigraphiques),<br />

totalisant quelques 15000 pointes, vient corroborer ces résultats<br />

(Gopher 1989 : 43-6).<br />

B- La typologie lithique <strong>du</strong> Zagros, qui peut plus difficilement se ré<strong>du</strong>ire à <strong>la</strong><br />

typologie d'un fossile directeur telle que celle <strong>des</strong> pointes de flèches, et qui s'étend sans<br />

doute vers l'ou<strong>est</strong> (La Djézireh et les Hautes Vallées anatoliennes) présente les caractères<br />

suivants (Aurenche et Kozlowski 1999: 84-88):<br />

- Période 1 / Epipaléolithique: le Zarzien (12000-10300) <strong>est</strong> une pro<strong>du</strong>ction <strong>la</strong>mel<strong>la</strong>ire à<br />

percussion indirecte de microlithes géométriques (segments, triangles) et de <strong>la</strong>melles à<br />

dos rectilignes.<br />

- Pério<strong>des</strong> 2 et 3/ PPNA - PPNB: le Mléfatien <strong>est</strong> <strong>la</strong> continuation directe <strong>du</strong> Zarzien, sauf<br />

pour ce qui <strong>est</strong> <strong>du</strong> débitage à <strong>la</strong> pression (sur nucleus conique à un p<strong>la</strong>n de frappe). La<br />

pointe de Nemrik <strong>est</strong> absente.<br />

- Pério<strong>des</strong> 2 et 3/ PPNA - PPNB: le Nemrikien s’installe <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Djézireh (10200- 6500<br />

av.JC.) et découle lui aussi <strong>du</strong> Zarzien et se distingue principalement grâce à <strong>la</strong> présence<br />

de pointes de Nemrik (fig ) <strong>dans</strong> ses assemb<strong>la</strong>ges.<br />

C- les Hautes Vallées anatoliennes<br />

Nous pouvons dès à présent ajouter un troisième type régional, originaire <strong>du</strong><br />

Caucase, qui se retrouvera <strong>dans</strong> les Hautes Vallées anatoliennes dès <strong>la</strong> Période 1et<br />

jusqu'au début de <strong>la</strong> Période 3; il s'agit de <strong>la</strong> tradition dite trialétienne, caractérisée par<br />

un débitage <strong>la</strong>mino-<strong>la</strong>mel<strong>la</strong>ire (c’<strong>est</strong>-à-dire de gran<strong>des</strong> <strong>la</strong>melles) par percussion indirecte<br />

d’éléments géométriques et d’outils de plus grande taille que ceux <strong>des</strong> deux autres<br />

traditions (fig) (Aurenche-Kozlowski 1999: 21-22). En fait, bien qu’ils soient<br />

traditionnellement rangés sous cette définition, notamment à cause de leur appartenance<br />

chronologique au Mésolithique, il ne s’agit pas vraiment de microlithes car les outils<br />

atteignent facilement 3 à 5 centimètres de hauteur. Aucun type de pointe ne caractérise<br />

vraiment le Trialétien.<br />

A partir <strong>du</strong> milieu de <strong>la</strong> Période 3 (PPNB moyen et récent), les pointes de Byblos<br />

et d’Amuq (BAI) représentent, à l’instar <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant, <strong>la</strong> quasi totalité de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction <strong>des</strong><br />

pointes, de manière particulièrement uniforme. Nous essaierons de comprendre comment<br />

s’<strong>est</strong> opéré ce changement brusque d’un type de pro<strong>du</strong>ction mésolithique à celui de <strong>la</strong><br />

BAI. S’agit-il simplement d’une diffusion levantine <br />

Pour y répondre nous allons regarder cette séquence de développement de <strong>la</strong><br />

pro<strong>du</strong>ction lithique plus en détail, par période, en étudiant d’abord <strong>la</strong> situation <strong>dans</strong> le<br />

21


Proche Orient en général et au <strong>Le</strong>vant et <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Zagros en particulier pour pouvoir enfin<br />

mieux comprendre et évaluer le développement <strong>du</strong> lithique en Anatolie.<br />

II- La période 1 (Mésolithique) et 2 (PPNA)<br />

L’in<strong>du</strong>strie mésolithique <strong>est</strong> caractérisée par <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de microlithes (souvent<br />

moins de 3 centimètres) et par sa forte proportion de pointes sur <strong>la</strong>melles faites en<br />

percussion indirecte, qui, emmanchés à 2 ou 3 pièces sur un support en bois ou en os,<br />

servent d’armes, notamment de pointes de flèches ou d’outils tels que <strong>des</strong> faucilles (fig).<br />

A- Au <strong>Le</strong>vant, <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction lithique sur <strong>la</strong>melles <strong>du</strong> Mésolithique <strong>est</strong> d’abord<br />

irrégulière à retouches fines au Kébarien ancien, à retouches abruptes au Kébarien<br />

c<strong>la</strong>ssique (19000-12500 BC) et elle <strong>est</strong> ensuite caractérisée par <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de trapèzes<br />

et de rectangles au Kébarien géométrique. Ceux-ci disparaissent au profit <strong>des</strong> segments et<br />

de triangles au Natoufien (12500- 10000 BC) (Val<strong>la</strong> 1988 : 316). La plus grande<br />

concentration de sites se trouve en Galilée et près <strong>du</strong> Mont Carmel, mais ils se trouvent<br />

également <strong>dans</strong> le Néguev au <strong>sud</strong>, à l’<strong>est</strong> <strong>du</strong> Jourdain et au <strong>sud</strong> Liban.<br />

2a- L'in<strong>du</strong>strie Khiamienne, qui domine <strong>la</strong> première moitié <strong>du</strong> PPNA, hérite encore<br />

beaucoup de ses prédécesseurs natoufiens, occupant <strong>la</strong> même éten<strong>du</strong>e géographique,<br />

comme le montre son aspect microlithique, qui s’<strong>est</strong>ompe cependant peu à peu au profit<br />

de <strong>la</strong>melles plus gran<strong>des</strong>. <strong>Le</strong>s perçoirs se multiplient (Bar-Yosef 1981: 561-2). La pointe<br />

d’el-Khiam (fig) qui tient son nom <strong>du</strong> site éponyme au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong>, <strong>est</strong> un <strong>des</strong> marqueurs<br />

de cette période. Elle <strong>est</strong> généralement retouchée à <strong>la</strong> pointe et à <strong>la</strong> base qui, souvent<br />

concave ou rectiligne, dispose d'une paire 'encoches <strong>la</strong>térales. Au <strong>Le</strong>vant nord, cette<br />

pointe <strong>est</strong> seulement connue sur le site de Mureybet.<br />

2b- <strong>Le</strong> Mureybétien (fig) suit le Khiamien <strong>dans</strong> <strong>la</strong> deuxième partie <strong>du</strong> PPNA au<br />

<strong>Le</strong>vant nord (son équivalent au <strong>sud</strong> <strong>est</strong> le Sultanien). <strong>Le</strong> Mureybétien <strong>est</strong> reconnaissable à<br />

une pro<strong>du</strong>ction de plus grande taille. Même si les pointes el-Khiam y persistent, elles sont<br />

gra<strong>du</strong>ellement remp<strong>la</strong>cées par les pointes d'Hélouan (fig ) que l’on peut considérer<br />

comme le début <strong>du</strong> débitage de <strong>la</strong>mes. Elles représentent le premier pas vers <strong>la</strong> BAI<br />

(Aurenche-Kozlowski 1999: 139). Elles possèdent, en guise de base, un petit pédoncule<br />

marqué (en épaulement) et conservent <strong>la</strong> paire d'encoches qui <strong>est</strong> même fréquemment<br />

redoublée. Une autre pointe de flèche fait également son apparition à <strong>la</strong> fin de cette<br />

période, <strong>la</strong> pointe de Nevali Cori, qui ressemble à une pointe d’el-Khiam sans encoche et<br />

de taille bien plus grande. <strong>Le</strong>s faucilles sur <strong>la</strong>mes à dos, les haches polies ou affûtées par<br />

22


frappes transversales <strong>du</strong> type tranchet sont prisées. Ce type d'in<strong>du</strong>strie <strong>est</strong> présent non<br />

seulement à Mureybet, mais également à Jerf el-Ahmar et à Cheikh Hassan.<br />

Il <strong>est</strong> à noter qu’au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong>, le Sultanien (fig), ainsi qu’il <strong>est</strong> représenté à<br />

Jéricho, accuse déjà un certain retard en ceci que les pointes d'el-Khiam domineront<br />

jusqu'à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> Période 2, certaines avec une légère modification formée par l'absence<br />

d’encoche, ressemb<strong>la</strong>nt ainsi aux pointes de Nevali Cori sous un modèle encore<br />

microlithique (Aurenche Kozlowski 1999 : 139). L’analyse de sériation sur les pointes de<br />

flèches a également montré que <strong>la</strong> pointe d’Hélouan, qui annonce les gran<strong>des</strong> <strong>la</strong>mes <strong>du</strong><br />

PPNB, se diffusait c<strong>la</strong>irement <strong>du</strong> Moyen-Euphrate syrien pour se retrouver d’abord au<br />

<strong>Le</strong>vant central puis, encore plus tardivement, au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> (fig ) (Gopher 1989 : 49-51).<br />

Même si le Sultanien n’<strong>est</strong> plus une in<strong>du</strong>strie mésolithique, avec quelques pro<strong>du</strong>ctions<br />

<strong>la</strong>minaires tardives, <strong>des</strong> retouches bifaciales et de rares microlithes (<strong>Le</strong>chevallier et alii<br />

1989 : 2), le début <strong>du</strong> phénomène BAI ne s'y fera sentir qu'à <strong>la</strong> période suivante.<br />

B- La pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> Zagros <strong>est</strong> unifiée sous le terme culturel et technologique<br />

de Zarzien à <strong>la</strong> Période 1 sur tout l’<strong>est</strong> <strong>du</strong> Croissant Fertile, où <strong>la</strong> technique de percussion<br />

indirecte donne <strong>des</strong> <strong>la</strong>melles irrégulières à bords on<strong>du</strong>lés. <strong>Le</strong> site de Qermez Dere le<br />

représente au mieux. <strong>Le</strong> Zarzien se divise, à <strong>la</strong> Période 2, en deux entités régionales<br />

différentes. A l'<strong>est</strong>, le Zarzien devient Mléfatien, d'après l'assemb<strong>la</strong>ge lithique <strong>du</strong> site <strong>du</strong><br />

piedmont <strong>du</strong> Zagros, bien que cette transition soit surtout repérable à Zawi Chemi et <strong>dans</strong><br />

<strong>la</strong> zone montagneuse. La technique change; de débitage par percussion indirecte, on passe<br />

au débitage par pression ; les segments et les géométriques en général se font donc plus<br />

rares, pour <strong>la</strong>isser une p<strong>la</strong>ce plus importante aux <strong>la</strong>melles à dos rectilignes, qui s’en<br />

trouvent moins <strong>la</strong>rges. Tout ceci vaut également pour le Nemrikien à l'ou<strong>est</strong>, <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

Djézireh, qui <strong>est</strong> seulement différencié grâce à <strong>la</strong> présence de pointes de Nemrik (fig ).<br />

Elles sont de petite taille, avec quelques retouches sur les contours de <strong>la</strong> base et de <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>me, sans pédoncule, et de forme presque parfaitement losangique (Aurenche-Kozlowski<br />

1999: 140, 2000: 84-5). Ce type de pointe, tout comme ces deux traditions lithiques,<br />

auront une longue existence, jusqu'à <strong>la</strong> période céramique. Il att<strong>est</strong>e, à <strong>la</strong> différence de <strong>la</strong><br />

branche occidentale <strong>du</strong> Croissant Fertile à <strong>la</strong> Période 3, l'absence de débitage bipo<strong>la</strong>ire.<br />

Plusieurs pointes d'el-Khiam ont été retrouvées en contexte nemrikien (Kozlowski 1989:<br />

32), et présentent une trace irréfutable de contacts plus ou moins soutenus dès <strong>la</strong> Période<br />

2, et sans doute plus tôt, entre les deux régions. Cependant, <strong>la</strong> distance qui les sépare<br />

con<strong>du</strong>it à envisager <strong>la</strong> présence de groupes sédentaires <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région intermédiaire, c’<strong>est</strong>à-dire<br />

l'Anatolie (Watkins, Baird et Betts 1989: 23-4), qui a trop longtemps été regardée<br />

23


comme inhabitée à cette époque. <strong>Le</strong>s nouvelles recherches ont d’ailleurs montré qu’elle<br />

était bien peuplée.<br />

C- <strong>Le</strong>s Hautes Vallées qui, jusqu'à très récemment, étaient perçues comme<br />

dépourvues d’habitat au Mésolithique (voir l’At<strong>la</strong>s <strong>des</strong> Sites <strong>du</strong> Proche Orient,<br />

1994, « Période 0 ») et au PPNA, révèlent peu à peu leurs secrets. D’abord, de<br />

nombreuses prospections ont permis de découvrir plusieurs campements saisonniers à<br />

cette époque et sur lesquels nous reviendrons. Ensuite, depuis les fouilles de Rosenberg à<br />

Hal<strong>la</strong>n Cemi et Demirköy, l’absence de sites sédentaires entre <strong>Le</strong>vant et Zagros <strong>est</strong><br />

partiellement comblée. L'in<strong>du</strong>strie présente une origine vraisemb<strong>la</strong>blement caucasienne<br />

ou trialétienne (fig ). La pro<strong>du</strong>ction de gran<strong>des</strong> <strong>la</strong>melles – on peut même peut-être<br />

accepter le terme de supports <strong>la</strong>minaires - géométriques (segments, <strong>la</strong>melles à dos arqué,<br />

triangles scalènes et isocèles) par débitage en percussion indirecte <strong>la</strong> caractérise<br />

(Aurenche-Kozlowski 1999: 146). Pour le Mésolithique et le PPNA, elle était, jusqu’à<br />

récemment, toujours trouvée <strong>dans</strong> <strong>des</strong> campements tels que Dam Dam Cesme ou Belt.<br />

A propos de ces sites de campement, il <strong>est</strong> d’abord important de noter que, <strong>dans</strong><br />

les sites de <strong>la</strong> Bozova comme Biris Mezarligi et Sögüt Tar<strong>la</strong>si (Benedict 1980 : 179-81),<br />

<strong>des</strong> outils microlithiques semblent faire remonter <strong>la</strong> présence de groupes locaux très tôt, à<br />

<strong>la</strong> période mésolithique (Période 1) et montrent <strong>des</strong> signes qui les rapprochent également<br />

<strong>des</strong> cultures de <strong>la</strong> Djézireh et <strong>du</strong> Zagros (Ozdogan 1998: 32). Hauptmann (1999: 68-9)<br />

semble se contredire en proc<strong>la</strong>mant une évolution lithique <strong>la</strong>rgement indépendante de<br />

celle <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant pour ces sites et en ajoutant que <strong>des</strong> éléments kébariens sont évidents<br />

<strong>dans</strong> l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> silex de Biris Mezarligi. La présence d'outils en obsidienne, à une<br />

époque où on les trouve déjà au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong>, démontre non seulement que, dès cette<br />

période ancienne, les popu<strong>la</strong>tions locales s'adonnaient au commerce de ce pro<strong>du</strong>it, mais<br />

surtout que ce commerce s’opérait avec le <strong>Le</strong>vant. Aussi, selon Balkan-Atli (1994 : 49,<br />

100), parmi les 2532 artefacts rassemblés par Benedict, ceux dits microlithiques sont en<br />

fait <strong>des</strong> micro grattoirs doubles sur <strong>la</strong>mes, mais les microlithes vraiment représentatifs <strong>du</strong><br />

Mésolithique, tels que les segments ou les triangles, y sont absents. Elle propose donc une<br />

date plus récente, le Néolithique, pour ces deux sites. En fait, nous pensons qu’il s’agit<br />

précisément de pièces de tradition trialétienne locale qui possèdent de fait <strong>des</strong><br />

caractéristiques très différentes <strong>du</strong> Natoufien qui était à l’époque de <strong>la</strong> publication de<br />

Balkan-Atli, le seul référent mésolithique connu <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région. En effet, ces pièces sont<br />

bien plus gran<strong>des</strong> que leurs contemporaines <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant et les géométriques (tels que les<br />

segments et les triangles scalènes) sont absents. Benedict parle bien d’une abondance de<br />

24


microlithes <strong>dans</strong> les sites de <strong>la</strong> Bozova. De plus, non seulement Hauptmann et Howe très<br />

récemment (Hauptmann 1999: 69 note 29), mais aussi Cambel, ont opté pour une date<br />

mésolithique. L’absence d’architecture, <strong>du</strong>e aux conditions climatiques trop ru<strong>des</strong>,<br />

interdisant l’adoption de <strong>la</strong> sédentarisation, semble également indiquer que ce soit <strong>la</strong> date<br />

<strong>la</strong> plus probable. Aussi, d’autres sites de cette date sont connus un peu plus au nord tels<br />

que Pinarbasi, Pa<strong>la</strong>nli ou Uluk (Hours et alii 1994 : « Période 1»). En 1994, avant les<br />

fouilles de Hal<strong>la</strong>n Cemi, Balkan-Atli ne pouvait soupçonner <strong>la</strong> présence de Trialétien en<br />

Anatolie, mais c’<strong>est</strong> bien de ça qu’il s’agit. Cependant, nier toute influence avec le <strong>Le</strong>vant<br />

ne semble pas correct, surtout si l’on considère le commerce de l’obsidienne. Il <strong>est</strong><br />

également possible que Sögüt Tar<strong>la</strong>si, selon Hauptmann, et peut-être Biris Mezarligi,<br />

selon Bicakci (1998: 137), continuent d’exister jusqu’au PPNB, au vu de <strong>la</strong> présence de<br />

certaines pointes de projectile, ce qui pourrait également expliquer <strong>la</strong> position tenue par<br />

Balkan-Atli.<br />

Ne faisant pas état <strong>du</strong> site de Hal<strong>la</strong>n Cemi, qui commençait à peine à être fouillé<br />

à l’époque, Balkan-Atli conclut à un vide quasi total de popu<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> Période 1 en<br />

Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>. Malgré les récentes découvertes, et <strong>la</strong> nouveauté <strong>des</strong> recherches, il<br />

faut tout de même admettre une certaine disparité <strong>des</strong> sites, comme le confirment les<br />

prospections de Todd, Benedict, Ozdögan, Kökten, Whallon, Bostanci et d’autres<br />

(Balkan-Atli 1994 : 47), par rapport au <strong>Le</strong>vant tout particulièrement. Ceci semble<br />

s’expliquer climatiquement (voir environnement).<br />

Ensuite, depuis les fouilles de Rosenberg à Hal<strong>la</strong>n Cemi et Demirköy, l’absence<br />

de sites sédentaires entre <strong>Le</strong>vant et Zagros pour les Pério<strong>des</strong> 1et 2 (respectivement) <strong>est</strong><br />

partiellement comblée. Hal<strong>la</strong>n Cemi présente, selon Rosenberg (1999 : 29), une<br />

pro<strong>du</strong>ction sur <strong>la</strong>me, ce qui semble étrange pour une pro<strong>du</strong>ction mésolithique. Ce<strong>la</strong><br />

pourrait par contre correspondre, selon <strong>la</strong> grande taille de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction qu’implique le<br />

débitage de <strong>la</strong>mes géométriques - le terme de grande <strong>la</strong>melle <strong>est</strong> peut-être ici plus<br />

approprié - par débitage en percussion indirecte, à <strong>la</strong> tradition trialétienne (Aurenche-<br />

Kozlowski 1999: 146), ce que ne dément pas <strong>la</strong> présence ponctuelle de segments et celle<br />

plus importante, de triangles scalènes. Il <strong>est</strong> intéressant de noter que tout élément<br />

natoufien, comme les <strong>la</strong>melles à dos et troncatures ou les pointes d’el-Khiam, <strong>est</strong> absent<br />

de l’assemb<strong>la</strong>ge <strong>du</strong> site, écartant cette possibilité quant à son origine (Aurenche-<br />

Kozlowski 1999: 167, 146). Cependant, une influence zarzienne <strong>du</strong> Zagros <strong>est</strong> également<br />

25


très c<strong>la</strong>ire comme le montrent les pilons sculptés et polis d’Hal<strong>la</strong>n Cemi (fig) qui<br />

ressemblent beaucoup à ceux de Nemrik 9 (fig) (Rosenberg et alii 1998: 29 ; Rosenberg<br />

1992 : 117).<br />

Nous sommes donc désormais en possession de suffisamment d’éléments pour<br />

affirmer <strong>la</strong> présence en Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> à <strong>la</strong> période mésolithique d’une popu<strong>la</strong>tion<br />

reconnue et dénommée trialétienne. L’origine de cette culture a été dite caucasienne sans<br />

doute parce que c’<strong>est</strong> <strong>dans</strong> cette région qu’elle a d’abord été découverte, mais il ne nous<br />

semble pas erroné de penser que cette culture englobe également à part entière <strong>la</strong> région<br />

<strong>des</strong> Hautes Vallées et qu’elle peut donc être considérée comme locale. <strong>Le</strong>s éléments<br />

zarziens présents <strong>dans</strong> les sites anatoliens proviennent sans doute d’une interaction<br />

commerciale, peut-être alimentée par l’obsidienne.<br />

L’étude de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction lithique permet de discerner une certaine différence<br />

chronologique entre Hal<strong>la</strong>n Cemi et Demirköy. La plus forte présence et <strong>la</strong> plus grande<br />

standardisation <strong>des</strong> pointes de Nemrik à Demirköy, ainsi que <strong>la</strong> moindre fréquence<br />

d’obsidienne et de triangles scalènes, semblent indiquer une date postérieure (Rosenberg<br />

et Peasnall 1998 : 195-6). <strong>Le</strong> fouilleur propose qu’il s’agit de <strong>la</strong> même popu<strong>la</strong>tion,<br />

émigrée à 40 km en aval de <strong>la</strong> rivière Batman (Rosenberg et alii 1998: 35). Par exemple,<br />

les fragments de bol en pierre chlorite, décorés de motifs identiques et réutilisés de <strong>la</strong><br />

même façon en tant que pendentifs retrouvés sur les deux sites témoignent d’une<br />

appartenance culturelle commune. La chute de <strong>la</strong> présence d’obsidienne <strong>dans</strong> les<br />

assemb<strong>la</strong>ges lithiques (de 58% à Hal<strong>la</strong>n Cemi à 8% à Demirköy) étant conséquente, et les<br />

<strong>la</strong>mes de faucilles étant inversement plus nombreuses à Demirköy (avec notamment un<br />

manche de faucille en corne) il propose un changement de type socio-économique pour<br />

expliquer ce dép<strong>la</strong>cement. L’obsidienne étant momentanément absente à <strong>la</strong> même époque<br />

<strong>dans</strong> les sites <strong>du</strong> Zagros, on peut supposer une coupure <strong>dans</strong> le réseau d’échange entre ces<br />

régions. Aussi, les fouilleurs (Rosenberg-Peasnall 1998 : 195-8) supposent que<br />

Demirköy fait le lien chronologique entre <strong>la</strong> fin d’Hal<strong>la</strong>n Cemi et le début de Cayönü. On<br />

peut donc supposer, étant donné les dates que nous possédons pour Hal<strong>la</strong>n Cemi<br />

(ca.10600-9000 BC), que Demirköy s’étende sur le milieu et peut-être <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> PPNA,<br />

étendant <strong>la</strong> présence de <strong>la</strong> tradition trialétienne locale mésolithique à <strong>la</strong> Période 2.<br />

Nous verrons plus loin qu’il se peut que Cayönü commence bien plus tôt et qu’il<br />

soit contemporain, au moins en partie, à Hal<strong>la</strong>n Cemi et Demirköy. Son in<strong>du</strong>strie lithique,<br />

qui date probablement de <strong>la</strong> 2 ème moitié <strong>du</strong> PPNA, <strong>est</strong> assez proche également <strong>du</strong><br />

26


Trialétien, sans oublier de noter <strong>la</strong> présence de pointes d’el-Khiam (A. Ozdogan 1999 :<br />

44). En tous cas, les liens culturels entre Cayönü et Demirköy sont démontrés par <strong>la</strong><br />

présence <strong>dans</strong> les deux sites de meules et de pierres à rainures simi<strong>la</strong>ires. Seule <strong>la</strong> pointe<br />

de Güzir Tepe semble différencier Demirköy <strong>des</strong> sites contemporains. La pointe de Güzir<br />

Tepe <strong>est</strong> une variante de <strong>la</strong> pointe d’el-Khiam, pro<strong>du</strong>ite sur <strong>la</strong>me unipo<strong>la</strong>ire, mais avec<br />

<strong>des</strong> encoches plus basses pour former une base en queue de poisson. En fait, elle se<br />

rapproche plus de <strong>la</strong> pointe à base concave caractéristique de Cayönü ou de Nevali Cori.<br />

L’influence avec le <strong>Le</strong>vant <strong>est</strong> sans doute, encore une fois, à écarter (Rosenberg-Peasnall<br />

1998 : 198).<br />

De même, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région d'Urfa, Nevali Cori et Göbekli peuvent peut-être<br />

remonter, mais <strong>dans</strong> <strong>des</strong> niveaux sans architecture, à <strong>la</strong> Période 1, comme l’indiquerait <strong>la</strong><br />

présence de microlithes sur le sol vierge. Il <strong>est</strong> donc possible que ces sites et ceux de <strong>la</strong><br />

Bozova décrits supra, proches <strong>dans</strong> l’espace, soient en partie contemporains <strong>du</strong>rant cette<br />

période. Aussi, Nevali Cori et Göbekli Tepe présentent <strong>des</strong> signes très c<strong>la</strong>irs de leur<br />

appartenance au PPNA: les assemb<strong>la</strong>ges trouvés <strong>dans</strong> les niveaux les plus anciens de ces<br />

sites présentent <strong>des</strong> pointes d'Hélouan, de Nevali Cori et d'Aswad. Ce<strong>la</strong> montre, dès cette<br />

époque, une interaction commerciale d’abord (obsidienne), puis culturelle (éléments<br />

lithiques kébariens) avec le <strong>Le</strong>vant (Hauptmann 1999: 76, 78, 80). Nous tenons sans<br />

doute là les racines d’un phénomène, qui, nous le verrons, s’accentuera de façon<br />

uniforme par <strong>la</strong> suite. La popu<strong>la</strong>tion de ces sites <strong>est</strong> cependant locale ou trialétienne,<br />

contenant également les indices d’une interaction avec le Zagros (comme le montre <strong>la</strong><br />

présence de pointes de Nemrik).<br />

D- <strong>Le</strong> commerce de l’obsidienne et autres matériaux<br />

<strong>Le</strong>s sites anatoliens de cette époque, et en particulier Hal<strong>la</strong>n Cemi, nous montrent<br />

l’éten<strong>du</strong>e <strong>des</strong> contacts entre les communautés sédentaires <strong>des</strong> différentes régions <strong>du</strong><br />

Proche-Orient tout entier. La circu<strong>la</strong>tion de l’obsidienne de Van et de Bingöl vers l’<strong>est</strong> <strong>du</strong><br />

Croissant Fertile et de <strong>la</strong> Cappadoce vers le <strong>Le</strong>vant (paysage qui se modifie<br />

progressivement avec l’obsidienne de Van qui va se retrouver de plus en plus au <strong>Le</strong>vant<br />

également) en <strong>est</strong> bien sûr l’exemple le plus f<strong>la</strong>grant. Aussi, <strong>la</strong> vaisselle en pierre<br />

d’Hal<strong>la</strong>n Cemi, caractérisée par <strong>des</strong> motifs en chevron et <strong>des</strong> doubles perforations sur ses<br />

parois (pour suspendre le bol), possède <strong>des</strong> exemples très simi<strong>la</strong>ires à Nevali Cori<br />

(Schmidt 1995 :9) et jusqu’en Syrie, notamment à Jerf el-Ahmar (M. <strong>Le</strong>breton,<br />

27


communication personnelle). On peut noter également l’importation de cuivre, de<br />

quelques (5) coquil<strong>la</strong>ges méditerranéens et de pilons nemrikiens retrouvés à Hal<strong>la</strong>n Cemi<br />

(Rosenberg et Inal 1993 : 125). Allié à <strong>la</strong> présence de pointes d’el-Khiam à Nemrik et à<br />

Cayönü, aux éléments levantins et zarziens présents <strong>dans</strong> les assemb<strong>la</strong>ges de <strong>la</strong> région<br />

d’Urfa, aux vases en chlorite anatolienne tant à Hal<strong>la</strong>n Cemi qu’à Jerf el-Ahmar, tout ce<strong>la</strong><br />

présente <strong>des</strong> signes f<strong>la</strong>grants de <strong>la</strong> grande mobilité existante et un grand degré<br />

d’interaction <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>du</strong> Proche-Orient à cette époque.<br />

L’autre fait remarquable <strong>est</strong> qu’il ne s’agit jamais, aux Pério<strong>des</strong> 1 et 2, même<br />

pour l’obsidienne, de gran<strong>des</strong> quantités de matériaux échangées mais plutôt de quantités<br />

assez infimes. De plus ces matériaux et ces objets ont tous un point commun ; leur aspect<br />

ou leur décoration les dote d’une certaine valeur. On peut donc conclure à <strong>la</strong> fonction non<br />

utilitaire et pr<strong>est</strong>igieuse de <strong>la</strong> plupart de ces objets que les simples vil<strong>la</strong>geois ne peuvent<br />

obtenir et qui doivent donc appartenir à <strong>des</strong> privilégiés. S’agit-il <strong>des</strong> débuts de <strong>la</strong><br />

stratification sociale (Rosenberg 1995 : 13) Il <strong>est</strong> étonnant de s’apercevoir, à ce propos,<br />

que ce sont exactement ces mêmes matériaux (cuivre, coquil<strong>la</strong>ge, obsidienne) sous forme<br />

d’objets à petit mo<strong>du</strong>le contenant une grande valeur, qui se retrouvent <strong>dans</strong> <strong>la</strong> littérature<br />

ethnologique, sur <strong>la</strong> côte pacifique américaine par exemple, pour expliquer l’émergence<br />

de <strong>la</strong> notion de pr<strong>est</strong>ige et donc de stratification sociale chez certaines sociétés de<br />

chasseurs-cueilleurs sédentaires pratiquant le stockage (T<strong>est</strong>art 1982 : 42-3).<br />

E- Synthèse<br />

Pour résumer, au Mésolithique, l’Anatolie <strong>est</strong> peuplée de chasseurs-cueilleurs<br />

noma<strong>des</strong>, dont les traces de pro<strong>du</strong>ction lithique suggèrent une appartenance locale<br />

appelée trialétienne (faisant partie d’un plus grand groupe comprenant le Caucase). Ces<br />

sites de campement sont notamment Biris Mezarligi et Sögüt Tar<strong>la</strong>si. A <strong>la</strong> fin <strong>du</strong><br />

Mésolithique, le premier site sédentaire d’Hal<strong>la</strong>n Cemi puis, à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> PPNA, Demirköy<br />

et Cayönü à l’<strong>est</strong> font leur apparition, conservant les mêmes caractéristiques locales.<br />

Cependant, notamment grâce à <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion de l’obsidienne, les interactions et échanges<br />

d’objets pr<strong>est</strong>igieux à l’intention d’une c<strong>la</strong>sse avantagée se font jour. Enfin, à <strong>la</strong> toute fin<br />

de cette période, l’intrusion de signes levantins distinctifs (pointes d’Helouân etc.)<br />

montrent que déjà les sites de <strong>la</strong> région d’Urfa subissent une influence et même une<br />

diffusion culturelle en provenance <strong>du</strong> nord <strong>Le</strong>vant, qui <strong>est</strong> en avance technologiquement<br />

28


avec l’adoption d’une in<strong>du</strong>strie lithique purement néolithique, fondée sur une pro<strong>du</strong>ction<br />

<strong>la</strong>minaire.<br />

III- La période 3 (PPNB)<br />

A- La pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant <strong>est</strong> caractérisée d’abord par <strong>la</strong> disparition <strong>des</strong><br />

<strong>la</strong>melles et par l'adoption de <strong>la</strong> technique de débitage bipo<strong>la</strong>ire <strong>du</strong> nucleus (fig),<br />

commencée dès <strong>la</strong> phase III de Mureybet à <strong>la</strong> Période 2 (M.C. Cauvin 1988 : 28). Ainsi,<br />

le nucleus <strong>est</strong> frappé bi<strong>la</strong>téralement et par côtés opposés pour obtenir <strong>des</strong> <strong>la</strong>mes plus<br />

gran<strong>des</strong> et plus résistantes, ce qui confère un aspect naviforme au nucleus (fig). <strong>Le</strong>s silex<br />

commencent à être chauffés pour permettre une plus grande maîtrise de <strong>la</strong> retouche. Ici,<br />

les haches sont pro<strong>du</strong>ites sur <strong>des</strong> éc<strong>la</strong>ts bifaciaux et les <strong>la</strong>mes de faucilles sont de forme<br />

plus allongée. <strong>Le</strong>s <strong>la</strong>mes sont, plus qu'avant, réutilisées et retouchées pour donner un taux<br />

élevé d' "outils a posteriori" (Bar-Yosef 1981: 562).<br />

A partir <strong>du</strong> PPNB moyen, c’<strong>est</strong> l’épanouissement de <strong>la</strong> BAI, fondée sur <strong>la</strong><br />

pro<strong>du</strong>ction de gran<strong>des</strong> <strong>la</strong>mes régulières, avec l’apparition <strong>des</strong> pointes de Byblos et<br />

d'Amuq.<br />

3a (PPNB ancien): les pointes d'Hélouân continuent d'exister et celles de<br />

Nevali Cori apparaissent sous <strong>des</strong> mo<strong>du</strong>les plus grands (Aurenche-Kozlowski 1999:<br />

139) : Dja'de <strong>est</strong> le seul site connu de cette époque sur l’Euphrate syrien.<br />

3b (PPNB moyen): <strong>la</strong> pointe de Byblos possède un pédoncule beaucoup moins<br />

marqué, sans ailerons, formant presque un losange avec le r<strong>est</strong>e de <strong>la</strong> pièce. <strong>Le</strong> corps de<br />

<strong>la</strong> pointe <strong>est</strong> souvent en grande partie retouché ainsi que le pédoncule. Elle <strong>est</strong> présente<br />

principalement à Halu<strong>la</strong> et à Abu Hureyra.<br />

3c (PPNB récent): <strong>la</strong> pointe d'Amuq ne possède plus de pédoncule, lequel <strong>est</strong><br />

venu se confondre <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forme losangique, ellipsoïdale ou ovale ( en feuille) de <strong>la</strong><br />

pointe. Il arrive souvent que <strong>la</strong> pointe soit entièrement retouchée. Elle <strong>est</strong> présente à<br />

Halu<strong>la</strong>, Abu Hureyra, sur les sites <strong>du</strong> Balikh, à Bouqras, Qdeir etc.<br />

Après l'apparition de <strong>la</strong> BAI et de <strong>la</strong> pointe d'Hélouân, pro<strong>du</strong>ite à partir d'une<br />

ré<strong>du</strong>ction prismatique ou bipo<strong>la</strong>ire pour <strong>la</strong> première fois au début de <strong>la</strong> Période 3,<br />

29


l’in<strong>du</strong>strie lithique <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> (fig) <strong>est</strong> caractérisée, pour le r<strong>est</strong>e de <strong>la</strong> période, par <strong>la</strong><br />

pointe de Jéricho dotée d'un pédoncule et d'ailerons <strong>la</strong>téraux.<br />

B- La pro<strong>du</strong>ction lithique de <strong>la</strong> Djézireh et <strong>du</strong> Zagros semble continuer celle<br />

de <strong>la</strong> période précédente avec une séparation égale entre Nemrikien et Mléfatien, leurs<br />

caractéristiques per<strong>du</strong>rant avec peu de changements (voir supra) et r<strong>est</strong>ant à peu près<br />

imperméables à l’expansion <strong>du</strong> BAI. Cependant, après un court arrêt lors de <strong>la</strong> fin <strong>du</strong><br />

PPNA (horizon de Demirköy), le commerce de l’obsidienne reprend avec l’Anatolie. Il<br />

semble bien que si <strong>la</strong> présence de <strong>la</strong> culture zarzienne a joué un rôle important <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

formation d’une tradition locale en Anatolie au Mésolithique et au PPNA comme en<br />

témoignent le matériel de Hal<strong>la</strong>n Cemi et de Demirköy, le Nemrikien n’opère plus<br />

vraiment d’influence au PPNB en dehors de sa propre zone originaire qu’<strong>est</strong> <strong>la</strong> Djézireh.<br />

A ceci, il semble bon d’ajouter une précaution quant aux conclusions trop hâtives ; en<br />

effet, une technique aussi spécifique que celle <strong>du</strong> débitage par pression, déjà présente<br />

<strong>dans</strong> le contexte mléfatien et qui apparaît soudainement en Anatolie à <strong>la</strong> Période 3 peut<br />

être interprétée comme le signe d’une diffusion interrégionale <strong>du</strong> Zagros vers les Hautes<br />

Vallées encore à cette époque. De plus, aucun site PPNB, malgré les nombreuses<br />

prospections <strong>dans</strong> cette région, n’<strong>est</strong> connu <strong>dans</strong> l’extrême orient anatolien, le site le plus<br />

oriental étant Cayönü, ce qui <strong>la</strong>isse un étrange vide d’environ 300 km entre celui-ci et les<br />

sites de Nemrik ou Magzalia en Djézireh. <strong>Le</strong>s recherches à venir le combleront peut-être<br />

partiellement mais toujours <strong>est</strong>-il que les sites anatoliens semblent arrachés<br />

géographiquement et culturellement à <strong>la</strong> partie <strong>est</strong> de leur zone formative (le Zagros et le<br />

Caucase), pour aller se rattacher au <strong>Le</strong>vant, iso<strong>la</strong>nt ces derniers.<br />

C- La pro<strong>du</strong>ction lithique <strong>des</strong> Hautes Vallées Anatoliennes <strong>est</strong> touchée à peu<br />

près au même moment qu'au <strong>Le</strong>vant par le phénomène BAI et suit un développement<br />

parallèle avec les mêmes types de pointes de flèches. Il semble bien que ce phénomène<br />

soit d'abord apparu au <strong>Le</strong>vant, car ses origines peuvent être tracées jusque <strong>dans</strong> le<br />

Mureybétien, avec, notamment, le nucleus naviforme et <strong>la</strong> pointe d'Hélouân qui<br />

l'amorcent, alors qu'en Anatolie, rien de comparable n'a été identifié aussi tôt, à part peutêtre<br />

quelques pointes de flèche <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région d'Urfa, dont le fouilleur n’exclut pas une<br />

date remontant au PPNA (Haupmann 1999: 69, 76, 78). C’<strong>est</strong> d’ailleurs les sites de <strong>la</strong><br />

région d’Urfa (Nevali Cori, Gobekli Tepe, Gürcü Tepe, Hayaz Höyük et Gritille) qui<br />

subiront, <strong>du</strong> fait de leur position géographique en amont de l’Euphrate et au piedmont <strong>du</strong><br />

30


Taurus, l’influence <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant nord en premier, comme le montrent, outre l’importation<br />

de cette technologie lithique, celle d’aiguilles à chas incisés, de meules ouvertes, de<br />

récipients en pierre et de pierres à rainures propres à <strong>la</strong> culture <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant.<br />

Cependant, plus au nord, <strong>dans</strong> les Hautes Vallées, subsiste, en certains endroits,<br />

et jusqu'à une époque re<strong>la</strong>tivement récente, <strong>la</strong> tradition lithique locale trialétienne déjà<br />

évoquée (Aurenche-Kozlowski 1999: 60). <strong>Le</strong>s éléments de <strong>la</strong> persistance de cette culture<br />

commune se retrouvent particulièrement <strong>dans</strong> les sites de Boytepe, de Cayönü et de<br />

Cafer Höyük (Balkan-Atli 1994: 111). A Boytepe, site <strong>du</strong> PPNB moyen-final, 38 % <strong>des</strong><br />

277 outils lithiques ramassés sont <strong>des</strong> microlithes et le débitage <strong>est</strong> surtout <strong>la</strong>mel<strong>la</strong>ire ou<br />

sur éc<strong>la</strong>ts (305 pièces contre 152 <strong>la</strong>mes) comme le montre <strong>la</strong> figure (Balkan-Atli 1989 :<br />

87-90). On <strong>est</strong> tenté d’y voir là l’influence de <strong>la</strong> tradition trialétienne de type<br />

mésolithique qui y per<strong>du</strong>re, aux côtés d’une tradition nouvelle qui s’uniformise. Cafer<br />

Höyük montre également, tout au long <strong>du</strong> PPNB, que <strong>la</strong> tradition locale n’<strong>est</strong> que<br />

gra<strong>du</strong>ellement remp<strong>la</strong>cée par <strong>des</strong> caractéristiques nouvelles, plus uniformes. Celles-ci<br />

sont communes au r<strong>est</strong>e de <strong>la</strong> région et propres au BAI, incluant par exemple <strong>des</strong> outils<br />

de Cayönü, <strong>la</strong>mes à retouches abruptes probablement multi-fonctionnelles (fig), de<br />

prédilection à l’époque, puisque sur ce même site, ils sont également fortement<br />

représentés, avec 35% de <strong>la</strong> totalité <strong>des</strong> outils.<br />

La tradition locale y <strong>est</strong> notamment reconnaissable par <strong>la</strong> persistance de <strong>la</strong><br />

technique <strong>du</strong> polissage, de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de microlithes et de <strong>la</strong>melles, de "pointes à dos<br />

et crans", à quoi on peut ajouter une tradition ancienne <strong>du</strong> travail <strong>du</strong> marbre, ainsi que <strong>la</strong><br />

perte de <strong>la</strong> prééminence de l'utilisation <strong>du</strong> silex au profit de l'obsidienne, autre signe<br />

d’uniformisation nouvelle (Cauvin et alii 1991: 6-7; Cauvin et alii 1999: 90-100). Aussi,<br />

<strong>la</strong> technique <strong>du</strong> débitage par pression (fig), qui forme une grande nouveauté <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

technologie lithique, et qui caractérise aussi le BAI, semble trouver son origine ici, à cette<br />

période, en Anatolie selon Cauvin M.C. (1988 : 29), ou peut-être a-t-elle été importée <strong>du</strong><br />

Zagros où elle <strong>est</strong> déjà connue à <strong>la</strong> période antérieure, mais il s’agit, nous l’avons vu<br />

entre le Zagros et l’Anatolie, d’un même dénominateur culturel commun. D’autre part, si<br />

<strong>la</strong> tradition trialétienne <strong>est</strong> une tradition de type mésolithique, sa pro<strong>du</strong>ction <strong>est</strong> reconnue<br />

pour <strong>la</strong> grande taille de ses pro<strong>du</strong>its, ce qui a sans doute grandement aidé le<br />

développement technique et l’instal<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> BAI (qui pro<strong>du</strong>it <strong>des</strong> <strong>la</strong>mes) en Anatolie.<br />

Il existe donc sûrement une interaction entre les sociétés locales qui non<br />

seulement ne disparaissent pas, mais ne sont pas non plus, au moins jusqu'au PPNB<br />

moyen et peut-être après, complètement englobées <strong>dans</strong> un "nouvel ordre" (Cauvin J. et<br />

31


alii 1999: 100), lequel n’<strong>est</strong> d’ailleurs pas, comme Cauvin le décrit, un ordre entièrement<br />

levantin. C’<strong>est</strong> cette confrontation <strong>des</strong> cultures en Anatolie qui a contribué à<br />

l’é<strong>la</strong>boration, en tant que centre formateur, et à l’expansion de cet ordre, comme nous<br />

venons de le soupçonner avec l’exemple de <strong>la</strong> tradition lithique trialétienne. Il r<strong>est</strong>e<br />

cependant tentant de penser que ce nouvel ordre, caractérisé par le BAI <strong>dans</strong> le domaine<br />

lithique, <strong>est</strong> venu, <strong>du</strong> moins <strong>dans</strong> son concept original de pro<strong>du</strong>ction <strong>la</strong>minaire, d'un peu<br />

plus au <strong>sud</strong> où il existait déjà à <strong>la</strong> période précédente.<br />

D- La circu<strong>la</strong>tion de l’obsidienne<br />

Il peut paraître difficile d'attribuer un centre d'invention à partir <strong>du</strong>quel les<br />

différents types de pointes se seraient diffusés <strong>dans</strong> toute <strong>la</strong> région. Mais à partir <strong>du</strong><br />

moment où ces nouvelles techniques, surtout celle <strong>du</strong> débitage bipo<strong>la</strong>ire, sont bien<br />

installées <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région <strong>des</strong> Hautes Vallées, il apparaît que <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion de l'obsidienne<br />

<strong>des</strong> sources cappadociennes et de Van prend désormais, vers 8200 av J-C (PPNB moyen),<br />

une ampleur très importante et fait sans doute l'objet d'une spécialisation artisanale. On<br />

sait que l'obsidienne arrivait au <strong>Le</strong>vant sous forme de pro<strong>du</strong>its finis ou semi-finis<br />

(Aurenche-Kozlowski 1999: 60), et que ceux-ci étaient par conséquent directement<br />

travaillés sur leur lieu d'extraction; le site de Kaletepe a mis en évidence non seulement le<br />

travail spécialisé mais aussi l'exportation de ces pro<strong>du</strong>its vers l'Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> et le<br />

<strong>Le</strong>vant (Balkan-Atli et alii 1999: 142-3, Aurenche-Kozlowski 1999: 104). Il <strong>est</strong> donc<br />

parfaitement envisageable que les nouvelles formes de pointes <strong>du</strong> PPNB moyen et récent<br />

(Byblos et Amuq) aient été é<strong>la</strong>borées là où les matières premières étaient extraites et<br />

directement travaillées ; il serait maintenant intéressant de déterminer l'origine de ces<br />

artisans.<br />

A ce sujet, aucun <strong>des</strong> types de pro<strong>du</strong>its fabriqués à Kaletepe, atelier lithique de<br />

Cappadoce, n' a été retrouvé en Anatolie centrale, à Asikli Höyük par exemple, qui <strong>est</strong><br />

cependant beaucoup plus proche que les sites <strong>des</strong> Hautes Vallées (Balkan-Atli et alii<br />

1999: 142-3). En outre, il s'agit sans doute plus d'artisans anatoliens que levantins, <strong>du</strong> fait<br />

de <strong>la</strong> plus grande proximité et de <strong>la</strong> plus grande proportion d'obsidienne <strong>dans</strong> les sites<br />

anatoliens, jusqu’à 94% <strong>du</strong> matériel de surface à Boytepe (Balkan-Atli 1989 : 87) et 95%<br />

<strong>du</strong> matériel <strong>des</strong> niveaux supérieurs de Cafer Höyük (PPNB final), alors que les<br />

pourcentages <strong>des</strong> sites levantins, nous le verrons plus loin, sont bien inférieurs. Cette<br />

disparité s'explique donc par un dép<strong>la</strong>cement <strong>des</strong> groupes d'artisans <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> anatolien<br />

vers <strong>la</strong> région d'extraction. On peut même préciser encore <strong>la</strong> provenance de ces artisans<br />

32


puisque les proportions importantes, voire le monopole, de l’obsidienne, <strong>dans</strong> les<br />

mobiliers lithiques, ne se trouvent que <strong>dans</strong> les sites d’altitude <strong>du</strong> Taurus oriental qui sont<br />

principalement Boytepe et Cafer. En comparaison, elle compte pour <strong>la</strong> moitié (45%) de<br />

l’assemb<strong>la</strong>ge un peu plus au <strong>sud</strong> à Cayönü et elle <strong>est</strong> quasiment absente plus en aval de<br />

l’Euphrate, au piedmont <strong>du</strong> Taurus, à Hayaz (4.5 %), Gritille et Nevali Cori (Cauvin<br />

M.C. 1988 : 26-27). Voir fig/carte.<br />

Ce<strong>la</strong> tend à montrer qu'au cours de cette période, le centre de pro<strong>du</strong>ction et peutêtre<br />

d'innovation majeur (peut-être même inventeur <strong>des</strong> pointes de Byblos et d’Amuq)<br />

s'installe progressivement en Anatolie <strong>du</strong> centre <strong>est</strong> ou <strong>du</strong> Taurus, et profite d'abord aux<br />

sites de Cafer, de Boytepe, et de Cayönü avant ceux de <strong>la</strong> région d’Urfa ou <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant.<br />

Il <strong>est</strong> intéressant de noter que, même si les sites anatoliens étaient plus proches <strong>des</strong><br />

mines d’obsidienne, les anatoliens n’ont utilisé cette matière que re<strong>la</strong>tivement tard,<br />

comme le prouve ce diagramme (fig) de <strong>la</strong> proportion d’utilisation d’obsidienne <strong>dans</strong><br />

l’in<strong>du</strong>strie lithique de Cayönü (Balkan-Atli 1994 : 69-70). En effet <strong>la</strong> disparité<br />

géographique de l’utilisation d’obsidienne <strong>est</strong> aussi une disparité chronologique. Après<br />

une forte consommation de cette matière première à Hal<strong>la</strong>n Cemi au Mésolithique - début<br />

PPNA (60%), on constate qu’elle <strong>est</strong> att<strong>est</strong>ée de façon très parcimonieuse (8%) à<br />

Demirköy au PPNA, et qu’au long <strong>du</strong> PPNB sa proportion varie grandement au sein <strong>des</strong><br />

mêmes sites. Ainsi, alors que le silex <strong>est</strong> <strong>la</strong>rgement majoritaire <strong>dans</strong> les niveaux inférieurs<br />

de Cayönü (round et grill phases) et à Cafer, l’obsidienne l’égale à Cayönü, avec 45% <strong>du</strong><br />

mobilier lithique vers <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séquence (PPNB Final), et elle compte pour <strong>la</strong> quasi<br />

totalité <strong>des</strong> matières premières à Cafer à <strong>la</strong> même période (Cauvin M.C. 1988 : 26-27).<br />

Tout ceci <strong>est</strong> peut-être à mettre en parallèle avec un changement de zone d’extraction;<br />

alors que le <strong>Le</strong>vant aux Pério<strong>des</strong> 1 et 2 s’approvisionne surtout en Cappadoce, les<br />

analyses par actions neutroniques de l’obsidienne montrent que celle-ci provient, au<br />

PPNB, de Bingöl, de Nemrut Dag et Süphan Dag (<strong>la</strong>c Van), beaucoup plus à l’<strong>est</strong> et plus<br />

proches <strong>des</strong> sites de cette époque.<br />

Tout ce<strong>la</strong> montre une uniformisation <strong>dans</strong> les pratiques lithiques dont <strong>la</strong> plus<br />

grande ampleur <strong>est</strong> att<strong>est</strong>ée plus au nord qu’au <strong>sud</strong>, en amont de l’Euphrate où ce ne sont<br />

pas seulement quelques <strong>la</strong>mes, mais les principales catégories <strong>des</strong> pièces (en particulier<br />

les pointes de flèches) qui sont réalisées <strong>dans</strong> ce matériau. C’<strong>est</strong> d’ailleurs à l’apogée de<br />

<strong>la</strong> civilisation néolithique précéramique <strong>du</strong> Taurus que le commerce de l’obsidienne<br />

33


ayonne, non seulement au <strong>Le</strong>vant, avec, par exemple, 32% à Halu<strong>la</strong> au PPNB récent<br />

(Molist et alii 1996 : 5), mais aussi <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Djézireh et au Zagros où les outils de Cayönü<br />

taillés <strong>dans</strong> cette matière vont longtemps per<strong>du</strong>rer (Cauvin M.-C. 1988 : 31). Alors que<br />

l’Anatolie semble avoir beaucoup emprunté à ses voisins <strong>du</strong>rant <strong>des</strong> millénaires, elle leur<br />

rend, à son apogée, les éléments de son propre développement culturel.<br />

Si <strong>la</strong> diffusion <strong>du</strong> nord vers le <strong>sud</strong> s’opère jusqu’au début de <strong>la</strong> Période 3, c’<strong>est</strong><br />

donc, à <strong>la</strong> fin de cette période, l’inverse qui se pro<strong>du</strong>it. Pour montrer ce<strong>la</strong>, il faut<br />

comparer les données. La présence d’obsidienne au <strong>Le</strong>vant <strong>est</strong>, jusqu’au PPNB récent,<br />

infime. C’<strong>est</strong> également le cas pour les sites de <strong>la</strong> région d’Urfa, qui, bien que situés en<br />

Turquie actuelle, sont plus proches géographiquement et culturellement <strong>du</strong> Moyen-<br />

Euphrate syrien, comme le montrent les pointes de Byblos à retouches p<strong>la</strong>tes et les burins<br />

quadruples (Schmidt 1988 : 161). C’<strong>est</strong> seulement à partir de <strong>la</strong> fin de cette période<br />

(PPNB Final) que l’obsidienne représente une part bien plus conséquente <strong>des</strong> mobiliers<br />

lithiques de ces régions. A Halu<strong>la</strong> en Syrie, le pourcentage d’obsidienne <strong>dans</strong><br />

l’assemb<strong>la</strong>ge lithique passe de 6% au PPNB Moyen à 32 % au PPNB récent, avant de<br />

retomber à <strong>des</strong> quantités négligeables à <strong>la</strong> période suivante (2% <strong>dans</strong> les niveaux préha<strong>la</strong>fiens)<br />

(Molist et alii 1996 : 5). Aussi, alors que Göbekli Tepe et Nevali Cori, qui sont<br />

assignés au PPNB ancien et moyen, comptent <strong>des</strong> taux aussi bas que 0.01 %<br />

d’obsidienne, le site de Gürcü Tepe qui <strong>est</strong> <strong>la</strong> continuité et peut-être même <strong>la</strong><br />

délocalisation, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> même région, <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>des</strong> premiers sites au PPNB final 1 ,<br />

semble comporter beaucoup plus d’obsidienne, notamment pour <strong>la</strong> fabrication d’outils de<br />

Cayönü (Schmidt 95 : 9 ; Hauptmann 1999 : 77). Cette hausse remarquable de<br />

l’utilisation de l’obsidienne sur les sites de l’Euphrate moyen n’intervient donc pas avant<br />

<strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> période, alors qu’elle <strong>est</strong> déjà massivement att<strong>est</strong>ée <strong>dans</strong> les sites <strong>des</strong> Hautes<br />

Vallées dès le PPNB ancien (33%) à Cafer Höyük, et s’accentuant gra<strong>du</strong>ellement jusqu’à<br />

l’hégémonie totale de l’obsidienne visible au PPNB récent <strong>dans</strong> cette région. Comment<br />

donc s’expliquer ces chiffres autrement que par une diffusion <strong>des</strong> traditions <strong>des</strong> Hautes<br />

1 A Nevali Cori, les pointes de flèches sont le groupe le plus important de l’in<strong>du</strong>strie lithique, avec<br />

2240 pièces, les pointes de Byblos en étant les plus représentatives (Haupmann 1999: 76).<br />

L’absence de pointes d’Amuq indique que <strong>la</strong> séquence de Nevali Cori s’arrête avant le PPNB<br />

récent, ce qui <strong>est</strong> en parallèle avec les résultats de Göbekli Tepe, alors que l’in<strong>du</strong>strie de Gürcü<br />

Tepe, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> même région proche, montre une in<strong>du</strong>strie plus tardive (PPNB récent avec pointes<br />

d’Amuq et d’Ugarit) (Schmidt 1995 : 9). On peut donc conclure que les habitants <strong>des</strong> deux<br />

premiers sites se sont ensuite dép<strong>la</strong>cés vers ce dernier (entre autres), ce qui peut être analysé<br />

comme une forme de prélude au déclin de <strong>la</strong> civilisation, au PPNB final, puisque les structures<br />

architecturales montrent elles aussi <strong>des</strong> changements de type social (voir les chapitres<br />

concernés).<br />

34


Vallées vers le <strong>sud</strong> Il y a bien, à vrai dire, un autre aspect, de type social, qui peut<br />

intervenir <strong>dans</strong> ce procédé (voir infra), mais qui n’enlève rien à l’évidence de <strong>la</strong><br />

diffusion.<br />

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de tous ces chiffres et éléments. La<br />

diffusion qui se dirigeait jusque là <strong>du</strong> <strong>sud</strong> vers le nord, <strong>est</strong>, à partir <strong>du</strong> PPNB final,<br />

inversée. Aussi, l’accroissement brutal de <strong>la</strong> proportion d’obsidienne au PPNB final<br />

montre un changement de type socio-économique ; il ne s’agit plus de petite quantité non<br />

utilitaire à <strong>la</strong> disposition d’une minorité mais d’une grande démocratisation <strong>du</strong> commerce<br />

de l’obsidienne. Sachant que <strong>la</strong> disparition <strong>des</strong> bâtiments somptuaires (voir architecture)<br />

correspond précisément à cette époque, on <strong>est</strong> en droit de penser à un bouleversement<br />

social pour revenir à <strong>des</strong> sociétés plus égalitaires. Enfin, par <strong>la</strong> voie d’échange <strong>des</strong><br />

matières premières, les traces d’une diffusion culturelle sur l’ensemble <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant sont<br />

constituées par <strong>la</strong> présence massive <strong>dans</strong> cette région à cette époque, <strong>des</strong> pointes de<br />

Byblos, <strong>du</strong> débitage par pression et <strong>des</strong> outils de Cayönü.<br />

E-Synthèse<br />

L’abondance <strong>des</strong> outils de Cayönü, celle de <strong>la</strong> proportion d’obsidienne, l’adoption<br />

partout de <strong>la</strong> technique <strong>des</strong> nucleus bipo<strong>la</strong>ires naviformes et de seulement deux types de<br />

pointes de flèches différents (Byblos et Amuq) fabriqués de manière très standardisée<br />

(forme, grandeur, retouches), ainsi que l’adoption <strong>du</strong> débitage par pression développé<br />

localement (ou peut-être emprunté de ses voisins de <strong>la</strong> Djézireh) sont les éléments<br />

marquants de l’in<strong>du</strong>strie lithique anatolienne à <strong>la</strong> Période 3. Ils montrent, à notre avis,<br />

l’uniformité et <strong>la</strong> complexité croissante de <strong>la</strong> culture <strong>du</strong> Taurus oriental, née de <strong>la</strong> fusion<br />

de plusieurs traditions et qui, s’étendant au moins de Cayönü à Urfa, s’<strong>est</strong> finalement<br />

forgée une identité. Ensuite, ce phénomène culturel, comprenant le BAI, mieux att<strong>est</strong>é et<br />

plus tôt qu’ailleurs, <strong>dans</strong> le Taurus, s’étend plus au <strong>sud</strong> encore, <strong>dans</strong> presque tout le<br />

<strong>Le</strong>vant, où les pointes de Byblos connaissent également une popu<strong>la</strong>rité rare à cette<br />

époque (90% <strong>des</strong> pointes de flèches ; Gopher 1986 :46). Cependant, il semble manif<strong>est</strong>e<br />

qu’après s’être imprégnée <strong>des</strong> cultures voisines, l’Anatolie se trouve être un vrai foyer<br />

d’innovation, mais aussi, à son tour, d’expansion de cette nouvelle culture. En d’autres<br />

termes, <strong>la</strong> Culture de Cayönü forme, dès le PPNB moyen, un réseau établi et organisé de<br />

sites qui rayonne par delà l’Anatolie, <strong>dans</strong> tout le Croissant Fertile, et dont celle-ci <strong>est</strong> le<br />

centre novateur.<br />

35


IV- Conclusion<br />

Dès <strong>la</strong> Période 1, on différencie trois traditions lithiques différentes: le Natoufien au<br />

<strong>Le</strong>vant, le Zarzien au Zagros et le Trialétien en Anatolie. Toutes sont cependant de type<br />

épipaléolithique, c'<strong>est</strong>-à-dire avec une pro<strong>du</strong>ction importante de microlithes tels que les<br />

segments. Alors que le <strong>Le</strong>vant amorce avec <strong>la</strong> pointe d'Hélouân, à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> Période 2,<br />

un changement technique important - le débitage <strong>la</strong>minaire bipo<strong>la</strong>ire - le Zagros, et<br />

surtout <strong>la</strong> Djézireh désormais caractérisée par <strong>la</strong> pointe de Nemrik, r<strong>est</strong>ent fermement<br />

ancrés <strong>dans</strong> <strong>la</strong> technique de débitage unipo<strong>la</strong>ire. Cette transition vers le BAI semble assez<br />

précisément avoir été commencée au <strong>Le</strong>vant nord. En effet, <strong>la</strong> BAI ne semble s'imp<strong>la</strong>nter<br />

au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> qu'au courant de <strong>la</strong> Période 3a. Elle caractérisera <strong>la</strong> Période 3, à part <strong>dans</strong><br />

<strong>la</strong> partie orientale <strong>du</strong> Croissant Fertile, d’une façon particulièrement uniforme.<br />

<strong>Le</strong>s communautés de <strong>la</strong> région d'Urfa notamment semblent adopter le phénomène<br />

BAI peut-être dès <strong>la</strong> transition entre les Pério<strong>des</strong> 1 et 2, ce qui pourrait montrer qu'une<br />

partie <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions anatoliennes, <strong>la</strong> plus proche <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant au piedmont <strong>du</strong> Taurus, fut<br />

<strong>la</strong> première touchée et, peut-être pendant un temps, fit partie intégrante <strong>du</strong> centre<br />

d'innovation et d'é<strong>la</strong>boration levantin de cette nouvelle technique. C’<strong>est</strong> plus tardivement<br />

que celle-ci se déploiera sur les régions plus au nord, en altitude. Cayönü Base (A.<br />

Ozdogan 1999: 44), Hal<strong>la</strong>n Cemi et Demirköy (Rosenberg 1999: 29-30) sont, en effet, en<br />

cette même Période 2, de facture locale, voire rattachés culturellement au Zagros ou au<br />

Caucase, comme le seront Cayönü, Cafer et Boytepe jusque vers le milieu de <strong>la</strong> Période<br />

3.<br />

<strong>Le</strong>s sites de <strong>la</strong> région d’Urfa ayant servi de ponts <strong>dans</strong> <strong>la</strong> diffusion technologique<br />

de <strong>la</strong> BAI entre le Moyen-Euphrate et les Hautes Vallées, ce n'<strong>est</strong> que progressivement,<br />

en remontant l’Euphrate, au cours de <strong>la</strong> Période 3, que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale d’Anatolie va<br />

se détacher de sa tradition mésolithique trialétienne, montrant qu’elle r<strong>est</strong>e présente tout<br />

le temps et, en quelque sorte, prend en main sa propre néolithisation. C’<strong>est</strong> alors, en<br />

alliant le nouveau concept (BAI) à ses propres innovations (le débitage par pression) et<br />

ses traditions lithiques (pro<strong>du</strong>ction de gran<strong>des</strong> <strong>la</strong>melles au Mésolithique qui facilite <strong>la</strong><br />

pro<strong>du</strong>ction <strong>la</strong>minaire), et en se rendant maître <strong>du</strong> commerce de l’obsidienne qu’elles vont<br />

exporter en masse, que les popu<strong>la</strong>tions anatoliennes vont développer une nouvelle<br />

culture. Cette culture, appelée Culture <strong>du</strong> Taurus (orientale) ou de Cayönü, caractérisée<br />

<strong>dans</strong> le domaine de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction lithique par les pointes de Byblos et d’Amuq, devient<br />

36


dès lors un foyer novateur qui va s’étendre et se diffuser à son tour, à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> PPNB, sur<br />

l’ensemble <strong>du</strong> Croissant Fertile.<br />

Enfin, le commerce de l'obsidienne, commencé dès <strong>la</strong> Période 1, donne <strong>des</strong><br />

informations intéressantes. L'obsidienne extraite de régions aussi lointaines que <strong>la</strong><br />

Cappadoce, et retrouvée au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> en quantité r<strong>est</strong>reinte, suppose, puisque le silex<br />

localement abondant offre <strong>des</strong> qualités utilitaires comparables, que ces popu<strong>la</strong>tions lui<br />

attribuaient une valeur de pr<strong>est</strong>ige véhiculée par son aspect bril<strong>la</strong>nt, vitreux et noir. C'<strong>est</strong><br />

ensuite au <strong>Le</strong>vant nord qu'on <strong>la</strong> retrouve de façon plus significative à <strong>la</strong> Période 2,<br />

provenant de Bingöl et <strong>du</strong> <strong>la</strong>c Van. A <strong>la</strong> Période 3, considérant les proportions<br />

d'obsidienne <strong>dans</strong> l'in<strong>du</strong>strie <strong>des</strong> sites et <strong>la</strong> moindre distance <strong>des</strong> sites d'extraction, il<br />

semble que ce soient les sites anatoliens <strong>du</strong> Taurus oriental (comme Cafer Höyük), et non<br />

pas ceux <strong>d'Anatolie</strong> centrale, qui dominent et à qui profitent cet échange, au point de<br />

s’étendre, au PPNB final, jusqu’au <strong>Le</strong>vant et au Zagros. La différence entre le commerce<br />

<strong>des</strong> Pério<strong>des</strong> 1 et 3 <strong>est</strong> qu’il s’agit, pour <strong>la</strong> deuxième, d’un échange de masse, donc plus<br />

accessible (et non pas r<strong>est</strong>reint à une certaine catégorie sociale), contrôlé par les<br />

popu<strong>la</strong>tions <strong>des</strong> Hautes Vallées de l’Euphrate et non plus par celles <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant. <strong>Le</strong>s<br />

premiers véhiculent désormais leur culture aux derniers et au-delà, comme le prouvent <strong>la</strong><br />

diffusion remarquable, <strong>du</strong> nord vers le <strong>sud</strong>, non seulement <strong>des</strong> matières premières mais<br />

surtout <strong>des</strong> traits culturels caractéristiques tel que le débitage par pression et les pointes<br />

de Byblos et d’Amuq.<br />

En conclusion, il semblerait que le centre d'innovation de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction lithique se<br />

soit dép<strong>la</strong>cé, suivant à peu près les trois pério<strong>des</strong> considérées, <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> et <strong>du</strong> Zagros<br />

vers le <strong>Le</strong>vant nord pour le premier, et peut-être vers <strong>la</strong> Djézireh pour le second, et qu'il<br />

se soit enfin établi en Anatolie, sous sa forme vraiment néolithique, que l'on désigne par<br />

le terme de BAI. De là, contrairement aux traditions lithiques précédentes, cette<br />

technique s’<strong>est</strong> éten<strong>du</strong>e bien au-delà de sa région d’origine et s’<strong>est</strong> uniformisée,<br />

notamment par le biais <strong>du</strong> contrôle de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion de l'obsidienne.<br />

Culturellement, l’Anatolie présente essentiellement, à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> Période 1, <strong>des</strong><br />

éléments lithiques issus d’une tradition locale (Hal<strong>la</strong>n Cemi) appartenant à <strong>la</strong> tradition<br />

trialétienne <strong>du</strong> Caucase avec une influence nemrikienne <strong>du</strong> Zagros, et nous avons décelé<br />

37


les débuts d’une interaction commerciale et culturelle avec le <strong>Le</strong>vant qui, de son côté, a<br />

déjà bien entamé sa course vers <strong>la</strong> néolithisation. Au cours de <strong>la</strong> Période 2, l’Anatolie<br />

commence à subir de façon plus marquante, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région d’Urfa (Nevali Cori, Göbekli<br />

Tepe), les influences <strong>du</strong> Moyen-Euphrate syrien, où furent é<strong>la</strong>borés les premières<br />

expérimentations vers <strong>la</strong> BAI, alors que Cayönü et Demirköy et <strong>la</strong> fin de Hal<strong>la</strong>n Cemi<br />

continuent de montrer leurs appartenance à <strong>des</strong> traditions locales. A <strong>la</strong> Période 3, <strong>la</strong> BAI<br />

semble s’imp<strong>la</strong>nter et s’épanouir sur l’ensemble <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> anatolien, même si les sites<br />

plus au nord comme Cafer Höyük, Boytepe et Cayönü présentent les signes d’une<br />

persistance de <strong>la</strong> tradition locale pendant assez longtemps, mais formant paradoxalement,<br />

à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séquence PPN, le centre novateur et rayonnant de cette nouvelle culture <strong>du</strong><br />

Taurus (ou de Cayönü). Cette lente assimi<strong>la</strong>tion démontre parfaitement qu’il ne s’agit pas<br />

là d’un mouvement de popu<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> <strong>sud</strong> vers le nord, encore moins d’une colonisation,<br />

mais plus d’une diffusion d’idées et de traditions, qui en outre s’explique très bien grâce à<br />

l’intense circu<strong>la</strong>tion de l’obsidienne avec le <strong>Le</strong>vant, qui, nous pensons, <strong>est</strong> passé sous<br />

contrôle anatolien, au cours de <strong>la</strong> période. Cette tendance s’affirmera jusqu’à ce que, juste<br />

avant le déclin <strong>des</strong> cultures néolithiques précéramique <strong>du</strong> Proche-Orient, l’Anatolie<br />

devienne le centre de diffusion de sa propre culture vers le r<strong>est</strong>e <strong>du</strong> Croissant Fertile et<br />

notamment vers le <strong>Le</strong>vant. Enfin, ce commerce et cette uniformisation sont, à notre avis,<br />

les témoins d’un début de spécialisation <strong>du</strong> travail, les prémices de <strong>la</strong> hiérarchisation de<br />

<strong>la</strong> société.<br />

L’examen de l’in<strong>du</strong>strie lithique nous révèle donc, à travers l’existence d’une<br />

popu<strong>la</strong>tion locale qui s’épanouit, certes au contact <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant, mais au point de former un<br />

véritable centre novateur qui va ensuite se diffuser lui-même au <strong>Le</strong>vant, une vision bien<br />

différente de ce que <strong>la</strong> littérature traditionnelle, qui prône une « néolithisation<br />

secondaire » de l’Anatolie, nous offre. Mais ce constat serait loin d’être satisfaisant et<br />

complet si nous en r<strong>est</strong>ions aux seules preuves lithiques, parfois difficiles à interpréter.<br />

L’examen <strong>du</strong> développement de l’architecture doit maintenant venir appuyer ces<br />

observations.<br />

38


V<br />

-<br />

<strong>Le</strong> mode de subsistance<br />

57


Selon <strong>la</strong> définition de Gordon Childe, le Néolithique <strong>est</strong> <strong>la</strong> période de l'histoire<br />

humaine qui se définit par l’adoption d’un mode de subsistance fondé sur <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction,<br />

c'<strong>est</strong>-à-dire <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction agricole (Aurenche-Kozlowski 1999: 37). Ces considérations<br />

matérielles et économiques ont eu un impact décisif <strong>dans</strong> <strong>la</strong> compréhension <strong>du</strong><br />

phénomène néolithique, mais elles ne reflètent plus <strong>la</strong> complexité ni les origines et les<br />

causes <strong>du</strong> processus <strong>dans</strong> son ensemble. Cependant, s'il <strong>est</strong> vrai que le processus de<br />

néolithisation ne peut se résumer au changement de mode de subsistance, il n'y a pas de<br />

néolithisation complète sans recours à l'agriculture. Et si <strong>la</strong> néolithisation <strong>est</strong> un processus<br />

très compliqué, il en <strong>est</strong> de même pour le procédé d’apparition de l'agriculture. Ainsi, il<br />

faut, <strong>dans</strong> un premier temps bien comprendre les différentes étapes et le mécanisme<br />

impliqué <strong>dans</strong> l’avènement de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction agricole pour ensuite pouvoir délimiter son<br />

véritable impact sur le processus néolithique et déterminer le rôle joué, en ce domaine,<br />

par les popu<strong>la</strong>tions anatoliennes.<br />

Il <strong>est</strong> tout d’abord nécessaire de définir le concept d'agriculture. L'agriculture <strong>est</strong> le<br />

procédé qui permet de récolter <strong>des</strong> végétaux dont les graines sont semées par l'homme.<br />

Cette intervention humaine <strong>est</strong> visible <strong>dans</strong> <strong>la</strong> morphologie <strong>des</strong>dites graines (fig). En effet,<br />

lorsque elle <strong>est</strong> dom<strong>est</strong>ique (et donc sujette à l'agriculture) <strong>la</strong> graine subit quelques<br />

modifications. <strong>Le</strong>s plus évidentes sont un grossissement, un accroissement en nombre sur<br />

chaque épis et le <strong>du</strong>rcissement de son rachis, qui devient alors non-déhiscent, de sorte que<br />

<strong>la</strong> graine <strong>est</strong> plus solidement attachée au r<strong>est</strong>e de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte (Jurmain et alii 1990: 498,<br />

Willcox 2000: 132). Aujourd'hui, c'<strong>est</strong> cette transformation génétique qui r<strong>est</strong>e pour nous<br />

le seul témoin fiable <strong>du</strong> recours à <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction agricole (Aurenche-Kozlowski 1999: 101-<br />

2). <strong>Le</strong> principe <strong>est</strong> le même pour <strong>la</strong> morphologie animale <strong>dans</strong> l'optique de l'élevage.<br />

I- L’agriculture prédom<strong>est</strong>ique<br />

Cependant, dès le début <strong>des</strong> années 90, <strong>des</strong> chercheurs tels que Gordon Hillman<br />

ou Cauvin (1997 : 92) ont indiqué <strong>la</strong> possibilité de ce que le premier a appelé<br />

l’agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique, qui tendrait à comprendre le phénomène de transformation<br />

morphologique comme un long procédé qui aurait demandé un temps d'adaptation moins<br />

soudain que le supposait <strong>la</strong> "Révolution Néolithique". Pendant peut-être plusieurs siècles,<br />

voire millénaires, les habitants sédentaires <strong>des</strong> vil<strong>la</strong>ges natoufiens et de l'horizon PPNA<br />

auraient, <strong>dans</strong> un premier temps, intensément cueilli, puis semé, les p<strong>la</strong>ntes alimentaires<br />

disponibles à l'état sauvage <strong>dans</strong> leurs régions respectives (fig. ): le blé amidonnier à<br />

58


Cayönü, le blé engrain à Nevali Cori, et l'orge <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région d’Aswad (Helmer et alii<br />

1998 : 27-9), sans que ce<strong>la</strong> <strong>est</strong> d’incidence sur leur comportement génétique. <strong>Le</strong>s derniers<br />

travaux confirment l’hypothèse que ce n'<strong>est</strong> qu'à <strong>la</strong> suite de l’intensification de <strong>la</strong> pratique<br />

agricole et de l’abandon de <strong>la</strong> cueillette qui per<strong>du</strong>rait au PPNA aux côtés de l'agriculture,<br />

que <strong>la</strong> transformation morphologique aurait été possible <strong>dans</strong> <strong>des</strong> proportions<br />

conséquentes. L’agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique <strong>est</strong> bien sûr beaucoup plus difficile à<br />

démontrer que l’agriculture dom<strong>est</strong>ique, mais de nombreux indices tendent à ça.<br />

L’accroissement <strong>du</strong> nombre de <strong>la</strong>mes de faucilles <strong>dans</strong> ces sites en <strong>est</strong> en soit un<br />

indicateur. Ce phénomène <strong>est</strong> particulièrement visible en Anatolie, où <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

d’Hal<strong>la</strong>n Cemi semble même avoir abandonné ce site pour s’installer un plus loin, sur les<br />

terres plus fertiles et non boisées de Demirköy, où les <strong>la</strong>mes de faucilles sont beaucoup<br />

plus abondantes (Rosenberg et Peasnall 1998 : 200).<br />

Il n’y a très probablement pas de pratique humaine consciente qui ait provoqué <strong>la</strong><br />

dom<strong>est</strong>ication <strong>des</strong> céréales; un rachis mutant n'<strong>est</strong> pas visible à l’œil nu et sa récolte<br />

ciblée <strong>est</strong>, à cause de sa disparité, simplement inconcevable. C'<strong>est</strong> donc <strong>la</strong> faucille qui fait<br />

cette sélection, car, sous son coup, les grains mutants r<strong>est</strong>ent plus fermement attachés à<br />

leurs rachis non-déhiscents, et deviennent, au bout d’un certain temps, les plus<br />

représentés parmi les grains cueillis (Anderson 2000: 105-6). Mais au bout de combien de<br />

temps Ce procédé n'ayant pu être accéléré volontairement par l'homme et <strong>la</strong> proportion<br />

de rachis naturellement non-déhiscents <strong>dans</strong> une popu<strong>la</strong>tion de céréales sauvages étant<br />

très faible (un pour 2 à 4 millions), ce<strong>la</strong> engendre donc plus que les quelques générations<br />

supposées originellement pour obtenir une popu<strong>la</strong>tion dom<strong>est</strong>ique. De plus, on imagine<br />

mal qu'une telle invention soit maîtrisée rapidement au point d'abandonner les anciennes<br />

pratiques de suite, surtout si l'on considère que <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> cueillette requièrent<br />

beaucoup moins de travail que l’agriculture (Aurenche-Kozlowski 1999: 7). Ainsi,<br />

puisque <strong>la</strong> cueillette était également pratiquée en parallèle de l'agriculture et que le<br />

pro<strong>du</strong>it de celle-ci (constituée très majoritairement de grains sauvages) fut probablement<br />

employé pour semer les champs, le procédé de dom<strong>est</strong>ication s'en <strong>est</strong> trouvé<br />

considérablement ralenti. La même conséquence vaut aussi pour le fait que les champs<br />

cultivés étaient sans doute souvent réutilisés et que les semailles étaient irrémédiablement<br />

mêlées aux graines (toujours sauvages) tombées naturellement à <strong>la</strong> période de moisson<br />

précédente. Aussi, <strong>la</strong> présence prépondérante d'adventices, qui sont <strong>des</strong> mauvaises herbes<br />

proliférant en terres meubles, <strong>dans</strong> les r<strong>est</strong>es archéobotaniques <strong>des</strong> sites de <strong>la</strong> Période 2<br />

montrent que <strong>la</strong> terre fut sans doute travaillée. Enfin, tous ces faits théoriques s’appuient<br />

59


sur les résultats d'une expérience unique, menée à Jalès par <strong>la</strong> Maison de l'Orient, sur un<br />

champ de céréales sauvages identiques à celles qui furent l'objet <strong>des</strong> premières<br />

dom<strong>est</strong>ications (Willcox 2000).<br />

II- les origines de l’apparition de l’agriculture<br />

Il semble logique de croire que l'agriculture, une fois inventée, <strong>est</strong> passée par une<br />

longue période d'essai avant d'être utilisée à grande échelle. D'ailleurs, il me semble peu<br />

probable que son invention ait eu lieu en contexte de pression extérieure et, sans discuter<br />

ici <strong>la</strong> possibilité d'une révolution mentale, je suivrai Cauvin pour dire qu'il s'agit d'une<br />

invention mettant en scène l'homme <strong>dans</strong> sa capacité intellectuelle à s'adapter à son<br />

milieu. Si cette idée peut paraître banale, on a longtemps cru, et on croit encore, que<br />

l’invention de l’agriculture était le simple pro<strong>du</strong>it <strong>des</strong> pressions extérieures, <strong>la</strong><br />

conséquence d’une nécessité dénuée de tout génie humain. L'homme vit, à cette époque,<br />

<strong>dans</strong> le milieu d'abondance naturelle qui a suivi le dernier épisode g<strong>la</strong>ciaire <strong>du</strong> Dryas. Il<br />

<strong>est</strong> maintenant reconnu que l’homme préhistorique, vivait <strong>dans</strong> une re<strong>la</strong>tive abondance<br />

(Sahlins 1976). Cependant, au Mésolithique et au Néolithique, cette abondance en<br />

végétaux sauvages et en gibier au Moyen-Orient fut telle qu’elle a permis à l'homme<br />

d’abandonner son mode de vie mobile, désormais inutile à l'obtention de nourriture. On a<br />

longtemps cru que c'<strong>est</strong> à cause d'une certaine pression (climatique telle que <strong>dans</strong> l'Oasis<br />

Theory de R. Pumpelly, ou démographique suivant le marginality model de Binford ) que<br />

l'homme a été poussé à inventer l'agriculture (Bar-Yosef 1992: 11). Etant donné les<br />

excellentes conditions naturelles qui régnaient partout à l'époque et <strong>la</strong> difficulté<br />

d’inventer et de bénéficier d’une technique aussi complexe que l’agriculture en peu de<br />

temps (sous <strong>la</strong> menace d’une pression), cette hypothèse <strong>est</strong> à sérieusement remettre en<br />

cause. Ainsi, puisque rien ne semb<strong>la</strong>it - et ne pouvait- presser l'homme à cette découverte,<br />

le phénomène a dû prendre beaucoup plus de temps que <strong>la</strong> "Révolution Néolithique" ne<br />

l'implique. Son invention <strong>est</strong>, à mon avis, à mettre au compte de <strong>la</strong> curiosité humaine<br />

envers les mécanismes de <strong>la</strong> nature. L'hypothèse de l’accident n'<strong>est</strong> pas non plus à écarter<br />

et peut être même complémentaire à <strong>la</strong> curiosité ; il <strong>est</strong> possible, par exemple, que les<br />

nouvelles pousses, visibles chaque année autour <strong>des</strong> aires de battage, aient éveillé leur<br />

attention (Willcox 2000: 135). <strong>Le</strong>urs observations se sont peut-être affinées <strong>du</strong> fait que,<br />

depuis leur sédentarité, les hommes étaient en permanence confrontés au même<br />

environnement. Une fois le procédé compris, l'homme a dû passer par de longues<br />

60


pério<strong>des</strong> d'expérimentation pour bien le maîtriser, pour même s'apercevoir de sa réelle<br />

utilité puisque, encore une fois, <strong>la</strong> cueillette suffisait, à moindre peine, à leurs besoins.<br />

Cette période d'agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique m' apparaît donc tout à fait p<strong>la</strong>usible et<br />

même nécessaire à l'é<strong>la</strong>boration d'une agriculture suffisamment intensive pour voir<br />

apparaître <strong>des</strong> formes dom<strong>est</strong>iques. Chronologiquement, cette période, où les adventices<br />

semblent proliférer et où de véritables aménagements sont prévus pour le stockage <strong>des</strong><br />

récoltes (qui supposent eux aussi une emprise plus artificielle sur <strong>la</strong> récolte <strong>des</strong> céréales)<br />

<strong>est</strong> <strong>est</strong>imée entre 9500 et 8000 av. J.-C., c'<strong>est</strong>-à-dire de <strong>la</strong> Période 2 au début de <strong>la</strong> Période<br />

3.<br />

III- L’agriculture dom<strong>est</strong>ique<br />

C'<strong>est</strong> donc vers le milieu de <strong>la</strong> Période 3, qu'apparaissent les premières<br />

agricultures dom<strong>est</strong>iques à Halu<strong>la</strong> sur le Moyen Euphrate (Molist-Faura 1999: 301) et<br />

peut-être un peu avant, vers 8300 () en Anatolie, car c'<strong>est</strong> là que se situe l'ancêtre<br />

génétiquement sauvage <strong>des</strong> premières graines dom<strong>est</strong>iques (le blé engrain,) et c'<strong>est</strong> là<br />

qu'elles sont d'abord dom<strong>est</strong>iquées, comme le montrent <strong>des</strong> analyses d'ADN<br />

d'échantillons de sites tels que Cafer Höyük ou Cayönü (Willcox 2000: 135 ; Aurenche-<br />

Kozlowski 1999: 85).<br />

<strong>Le</strong> cas de Cayönü, étudié en détail par Frédéric Gérard, <strong>est</strong> pour l’étude <strong>du</strong> mode<br />

de subsistance, une mine considérable d’information. <strong>Le</strong> site, qui présente une longue<br />

occupation, de <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> Période 2 et sur toute <strong>la</strong> Période 3, se trouve <strong>dans</strong> une zone<br />

d'abondance optimale où figurent les indivi<strong>du</strong>s sauvages <strong>des</strong> premières espèces de<br />

céréales cultivées et, plus particulièrement, le blé engrain (Hillman 1996: 162). Dès <strong>la</strong><br />

phase en grill p<strong>la</strong>ns, au tout début de <strong>la</strong> Période 2, <strong>des</strong> aménagements sont mis en p<strong>la</strong>ce<br />

pour stocker les surplus céréaliers. <strong>Le</strong>s sols sont surélevés pour <strong>la</strong> première fois, sur <strong>des</strong><br />

fondations complexes. Sur presque deux millénaires, jusqu'à <strong>la</strong> phase de p<strong>la</strong>ns en cellules,<br />

les habitats, de dimensions assez impressionnantes (en moyenne environ 60 m² pour les<br />

grill p<strong>la</strong>n buildings) en comparaison avec <strong>la</strong> période précédente, présentent une<br />

remarquable homogénéité fonctionnelle, malgré quelques améliorations techniques,<br />

réservant près de <strong>la</strong> moitié de leur surface totale au stockage <strong>des</strong> grains (For<strong>est</strong> 1996 : 7).<br />

Il <strong>est</strong> intéressant alors de constater que <strong>la</strong> dom<strong>est</strong>ication <strong>des</strong> grains n'apparaît qu'à <strong>la</strong><br />

moitié de <strong>la</strong> phase en p<strong>la</strong>n cellu<strong>la</strong>ire et que <strong>la</strong> conception de l'architecture n’en <strong>est</strong><br />

aucunement modifiée. Il devient donc très difficile de nier l'existence d'une agriculture<br />

61


pré-dom<strong>est</strong>ique pour les niveaux inférieurs. Ce<strong>la</strong> constitue un autre exemple pour<br />

minimiser l'importance que l'on doit apporter à <strong>la</strong> dom<strong>est</strong>ication <strong>du</strong> grain (Gérard 1996:<br />

24, 41).<br />

Si l'invention de l'agriculture se fait <strong>dans</strong> un contexte calme et prospère, il <strong>est</strong><br />

probable que son utilisation à grande échelle <strong>est</strong> <strong>du</strong>e à certaines pressions. D’ailleurs, ce<br />

n’<strong>est</strong> que vers <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> PPNB, quand commence le déclin de <strong>la</strong> culture de Cayönü, que<br />

l’agriculture dom<strong>est</strong>ique, qui implique une intensification, apparaît (Ozdogan 1997: 13).<br />

La pression démographique a sans doute joué un rôle majeur, ce qui n’empêche pas<br />

l’impact <strong>du</strong> changement climatique (aridité dont <strong>la</strong> région subit encore les conséquences<br />

aujourd'hui), et <strong>des</strong> raisons écologiques: <strong>la</strong> pastoralisation naissante aurait érodé et<br />

provoqué <strong>la</strong> défor<strong>est</strong>ation de l'environnement (Rollefson 1989: 173). Mais peut-être au<strong>des</strong>sus<br />

de ces considérations, <strong>la</strong> possibilité d'un conflit social <strong>est</strong> à garder en mémoire,<br />

étant donné <strong>la</strong> division très c<strong>la</strong>ire <strong>des</strong> vil<strong>la</strong>ges en zones hiérarchiques, comme le montre<br />

Cayönü (Gérard 1996: 25). Ce n'<strong>est</strong> d'ailleurs pas un hasard si cette nouvelle structuration<br />

vil<strong>la</strong>geoise apparaît à peu près en même temps que les grains dom<strong>est</strong>iques, c'<strong>est</strong>-à-dire<br />

vers le PPNB moyen / récent. Cette époque amorce c<strong>la</strong>irement une période de troubles à<br />

venir, voire de désagrégation presque totale <strong>du</strong> système en p<strong>la</strong>ce, comme c'<strong>est</strong> le cas au<br />

<strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> (Rollefson 1989: 169).<br />

IV- Données ethnologiques et répercutions sociologiques<br />

Si le rôle joué par l’agriculture lors de cette néolithisation n’<strong>est</strong> pas aussi important qu’on<br />

a bien voulu le croire pendant longtemps, il faut essayer de définir ce qui a vraiment<br />

changé et pourquoi. Un partie <strong>du</strong> fond <strong>du</strong> problème réside bien <strong>dans</strong> le mode de<br />

subsistance et <strong>des</strong> stratégies adoptées pour le faire évoluer. L’ethnographie (T<strong>est</strong>art<br />

1982 : 175) rapporte <strong>des</strong> cas non rarissimes, comme les Indiens de <strong>la</strong> côte ou<strong>est</strong><br />

d’Amérique <strong>du</strong> Nord, considérés comme une c<strong>la</strong>sse à part entière de chasseurs-cueilleurs,<br />

à <strong>la</strong> différence de pratiquer le stockage (voir structures sociales), ayant constitué <strong>des</strong><br />

sociétés plus complexes que celles <strong>des</strong> chasseurs-cueilleurs traditionnels. Il semblerait<br />

que les Natoufiens fassent partie de cette même catégorie. Ces chasseurs-cueilleurs<br />

stockeurs possèdent tous <strong>la</strong> même particu<strong>la</strong>rité d’être sédentaires et d’avoir développé à<br />

un niveau non négligeable <strong>des</strong> inégalités sociales, une stratification de <strong>la</strong> société et une<br />

division sociale <strong>du</strong> travail. La cause commune de tout ceci <strong>est</strong> unique et primordiale ; il<br />

s’agit de <strong>la</strong> pratique <strong>du</strong> stockage <strong>des</strong> ressources alimentaires sur une base saisonnière.<br />

62


Ce phénomène s’<strong>est</strong> mis en p<strong>la</strong>ce très probablement grâce à deux facteurs. L’un<br />

<strong>est</strong> l’amélioration <strong>des</strong> conditions climatiques à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> période g<strong>la</strong>ciaire, qui ont<br />

favorisé l’abondance <strong>des</strong> ressources naturelles susceptibles d’être stockées, en<br />

l’occurrence les graines céréalières, mais il ne peut s’agir <strong>du</strong> seul facteur, car <strong>la</strong> Terre a<br />

connu bien d’autres réchauffements qui n’ont pas engendré de tels bouleversements.<br />

L’autre facteur <strong>est</strong> le développement <strong>des</strong> techniques, car le stockage, ainsi que<br />

l’exploitation intensive d’une ressource pendant une période r<strong>est</strong>reinte, demandent une<br />

maîtrise technique importante. Certaines de ces techniques furent développées dès <strong>la</strong> fin<br />

<strong>du</strong> Paléolithique et ont continué tout au long <strong>du</strong> Mésolithique et ont rencontré, par<br />

coïncidence () les améliorations climatiques de <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> Pléistocène. Ces techniques<br />

incluent un développement <strong>des</strong> traditions lithiques. <strong>Le</strong>s meules de broyage apparaissent et<br />

le microlithisme semble jouer un rôle important également. L’idée d’insérer <strong>des</strong> pièces de<br />

très petits mo<strong>du</strong>les <strong>dans</strong> un manche en os ou en bois, comme pour <strong>la</strong> faucille, permet<br />

d’avoir <strong>des</strong> outils beaucoup plus résistants, plus rapi<strong>des</strong> à confectionner, plus faciles à<br />

réparer (il suffit de changer <strong>la</strong> petite pièce hors d’usage plutôt que <strong>la</strong> <strong>la</strong>me entière) et,<br />

surtout, plus tranchants, ce qui prend toute sa signification <strong>dans</strong> le cas d’une récolte<br />

saisonnière intensive (T<strong>est</strong>art 1982 : 183-5, 190).<br />

C’<strong>est</strong> ainsi que les Natoufiens forment une <strong>des</strong> premières sociétés au monde de<br />

chasseurs-cueilleurs sédentaires stockeurs (T<strong>est</strong>art 1982 : 137). La technique <strong>du</strong> stockage<br />

implique forcément celle de <strong>la</strong> conservation. Celle-ci pose peu de problèmes puisque les<br />

denrées stockées sont les graines céréalières, dont le stockage nécessite peu de<br />

préparation. En effet, les causes de dégradation <strong>des</strong> matières organiques sont <strong>la</strong><br />

combinaison, en partie, d’humidité et de chaleur, favorisant <strong>la</strong> division cellu<strong>la</strong>ire. La<br />

graine, en tant qu’agent repro<strong>du</strong>cteur, bénéficie d’une <strong>du</strong>rée de vie exceptionnellement<br />

longue et sa teneur en eau <strong>est</strong> très basse. Un séchage préliminaire <strong>des</strong> graines et leur<br />

stockage <strong>dans</strong> <strong>des</strong> silos au frais, au sec et ventilés suffisent à leur conservation (T<strong>est</strong>art<br />

1982 : 105-1, 154, 158). On comprend ainsi <strong>la</strong> nécessité <strong>des</strong> habitants <strong>des</strong> Hautes Vallées,<br />

ayant affaire à un climat plus humide, de construire leurs aires de stockage sur <strong>des</strong> grils<br />

favorisant <strong>la</strong> venti<strong>la</strong>tion et <strong>la</strong> conservation au sec <strong>des</strong> denrées. La re<strong>la</strong>tive facilité<br />

d’adoption <strong>des</strong> techniques de conservation <strong>des</strong> graines, ajoutée aux conditions<br />

climatiques méditerranéennes (sec et frais pendant l’hiver qui <strong>est</strong> <strong>la</strong> principale période de<br />

stockage) ont probablement aidé <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce précoce et rapide de ces sociétés<br />

sédentaires. Ainsi, une denrée, exploitable qu’une petite partie de l’année, doit être<br />

63


stockée en grande quantité pour pallier aux pério<strong>des</strong> de pénurie. Ce stock qui ne peut être<br />

dép<strong>la</strong>cé et qui doit être gardé, implique <strong>la</strong> sédentarisation <strong>du</strong> groupe. <strong>Le</strong>s graines étant<br />

facilement stockables, <strong>la</strong> constitution de surplus <strong>est</strong> sans doute vite apparue comme <strong>la</strong><br />

possibilité d’appropriation <strong>des</strong> ressources par certains groupes sociaux comme en<br />

témoignent certains écrits ethnographiques. Donc, les règles de partage en vigueur <strong>dans</strong><br />

les sociétés noma<strong>des</strong> égalitaires sont changées et, par un système complexe de<br />

redistribution, de pot<strong>la</strong>tchs 2 , de dons, de l’ostentation <strong>des</strong> richesses et <strong>du</strong> développement<br />

de <strong>la</strong> notion de pr<strong>est</strong>ige à travers <strong>des</strong> objets de valeur, se met en p<strong>la</strong>ce progressivement<br />

l’idée d’une société fondée sur l’exploitation de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion au profit <strong>des</strong> élites (T<strong>est</strong>art<br />

1982 : 40-3).<br />

V- <strong>Le</strong> cas de l’élevage<br />

L'élevage, c'<strong>est</strong>-à-dire le contrôle de <strong>la</strong> repro<strong>du</strong>ction <strong>des</strong> animaux, pose <strong>des</strong><br />

problèmes comparables à ceux de <strong>la</strong> dom<strong>est</strong>ication <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ntes, en ce sens qu'il <strong>est</strong> bien<br />

difficile de trouver les traces d’un élevage pré-dom<strong>est</strong>ique, ainsi que sa <strong>du</strong>rée et son aire<br />

d'occupation, <strong>dans</strong> les r<strong>est</strong>es archéozoologiques. Cette supposition r<strong>est</strong>e cependant très<br />

p<strong>la</strong>usible. La dom<strong>est</strong>ication animale <strong>est</strong> elle aussi reconnaissable à différents traits<br />

morphologiques tels que <strong>la</strong> diminution de <strong>la</strong> taille <strong>des</strong> os ainsi que <strong>la</strong> modification de leur<br />

conformation (particulièrement les chevilles <strong>des</strong> cornes <strong>des</strong> caprinés). Ces deux critères,<br />

les plus souvent utilisés pour reconnaître le mode de subsistance en vigueur <strong>dans</strong> un site,<br />

bien qu'étant de bons indices, ne sont pas universels puisqu'ils supposent une bonne<br />

connaissance de <strong>la</strong> morphologie de leurs ancêtres sauvages, et de savoir si ces<br />

changements ne sont pas dûs à d’autres altérations de type climatiques par exemple. A<br />

ce<strong>la</strong>, on peut ajouter d'autres critères qui incluent <strong>la</strong> diminution de <strong>la</strong> diversité génétique,<br />

<strong>la</strong> prédominance d'une espèce particulière au sein d'un même site, avec toutes les parties<br />

de son squelette représentées, le choix de l'âge et <strong>du</strong> sexe <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s abattus, qui se<br />

tourne souvent vers les jeunes mâles <strong>dans</strong> le cas de l'élevage bien que ces paramètres<br />

soient parfois très bien imités <strong>dans</strong> le cadre d'une chasse bien maîtrisée. (Vigne 2000 :<br />

147-8).<br />

2 fêtes organisées par un groupe - généralement une unité familiale - consistant principalement<br />

en <strong>la</strong> distribution de nourriture ou autres richesses <strong>dans</strong> le but de s’acquérir un pr<strong>est</strong>ige au sein<br />

de <strong>la</strong> ou <strong>des</strong> communauté(s) impliquée(s) (T<strong>est</strong>art 1982 : 70-2, 207-8).<br />

64


<strong>Le</strong>s résultats de ces dernières années ont beaucoup changé l’avis <strong>des</strong> spécialistes<br />

quant aux dates et au lieu de l’apparition de l’élevage, et ceci nous intéresse au plus haut<br />

point. Malgré <strong>la</strong> quantité conséquente de données accumulées sur le <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> depuis<br />

<strong>des</strong> années, les quelques nouveaux sites, notamment en Turquie, ont suffi à complètement<br />

modifier l’opinion <strong>des</strong> chercheurs. Ce n’<strong>est</strong> plus <strong>du</strong> tout en Pal<strong>est</strong>ine qu’il faut chercher<br />

les premières traces de dom<strong>est</strong>ication animale (à part celle <strong>du</strong> chien), mais bien en<br />

Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>, dès le PPNB ancien, à Nevali Cori pour les caprins et les ovins et à<br />

Cayönü pour les suinés (sangliers) et peut-être même pour les premiers bovins. S’en<br />

suivront, peu après et sur l’ensemble <strong>des</strong> sites anatoliens, les bœufs, porcs, chèvres,<br />

moutons, dont les ancêtres sauvages se trouvent tous <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région (Vigne 2000 :149).<br />

Ce n’<strong>est</strong> qu’au PPNB moyen que ces formes dom<strong>est</strong>iques apparaîtront sur l’Euphrate<br />

syrien, à Halu<strong>la</strong> et Abu Hureryra, à Chypre et <strong>dans</strong> le Zagros, et, plus tardivement encore,<br />

<strong>dans</strong> le <strong>sud</strong> <strong>Le</strong>vant (transition PPNB moyen-récent) (Vigne 2000 : 151-152).<br />

Ces résultats sont quelques peu étonnants car ils remettent peut-être en cause<br />

l’ordre d’apparition de l’élevage et de l’agriculture, <strong>du</strong> moins <strong>dans</strong> leurs formes<br />

dom<strong>est</strong>iquées, puisque cette dernière n’<strong>est</strong> pas reconnue avant le PPNB récent. En tout<br />

cas c’<strong>est</strong> bien en Anatolie que les deux apparaissent, au cours d’une période faste, pour<br />

ensuite se diffuser aux alentours. Ceci confirme non seulement l’idée d’un aboutissement<br />

de <strong>la</strong> néolithisation en Anatolie et non au <strong>Le</strong>vant mais aussi une diffusion inversée à<br />

partir <strong>du</strong> PPNB d’Anatolie vers le <strong>Le</strong>vant. Quant au contexte de ces innovations, comme<br />

le note Vigne (2000 :151) « <strong>des</strong> bâtiments collectifs (…) témoignent d’une vie sociale<br />

organisée. Il s’agit probablement là d’un indice de hiérarchisation de <strong>la</strong> société (…). <strong>Le</strong><br />

débitage <strong>du</strong> silex, extrêmement é<strong>la</strong>boré témoigne d’un niveau cognitif indivi<strong>du</strong>el et<br />

collectif très avancé. L’innovation que représente l’apparition de l’élevage <strong>dans</strong> ces<br />

sociétés n’<strong>est</strong> donc qu’une <strong>des</strong> expressions de leur excellente maîtrise collective <strong>des</strong><br />

ressources naturelles et de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction ».<br />

E-Synthèse<br />

Pour résumer les différentes étapes de l’apparition de l’agriculture, les Natoufiens<br />

ont intensément cueilli les céréales et, probablement au début de <strong>la</strong> Période 2, ou peutêtre<br />

avant, les Khiamiens et les Mureybétiens au <strong>Le</strong>vant nord ont commencé à pratiquer<br />

l’agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique. Ceci implique les semailles <strong>des</strong> graines, mais de façon non<br />

intensive et en pratiquant toujours <strong>la</strong> cueillette en parallèle, ce qui ralentit le processus<br />

65


naturel de dom<strong>est</strong>ication <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ntes. Ce n’<strong>est</strong> pas avant le PPNB moyen que l’on voit<br />

apparaître, en Anatolie d’abord, puis au <strong>Le</strong>vant et <strong>dans</strong> les régions voisines aux pério<strong>des</strong><br />

suivantes, les premières graines, ainsi que les premiers animaux (PPNB ancien), de<br />

morphologie dom<strong>est</strong>ique. Ce<strong>la</strong> indique, en fait simplement, une intensification <strong>des</strong><br />

pratiques existant à <strong>la</strong> période précédente et ce<strong>la</strong> rejoint parfaitement les conclusions<br />

établies <strong>dans</strong> les autres domaines étudiés ; l’Anatolie, après avoir emprunté certaines<br />

techniques au <strong>Le</strong>vant nord (ici, particulièrement celle de l’agriculture), les développe,<br />

notamment grâce et à cause d’une popu<strong>la</strong>tion plus importante, si l’on en croit <strong>la</strong> taille<br />

grandissante de sites, à gérer et à exploiter. Elle devient donc un centre novateur et qui<br />

exporte à son tour cette nouvelle conception <strong>du</strong> mode de subsistance fondée presque<br />

uniquement sur l’agriculture.<br />

En conclusion, c’<strong>est</strong> certainement aux Natoufiens que l’on doit l’apparition <strong>des</strong><br />

inégalités sociales au Proche-Orient, (elles peuvent être dé<strong>du</strong>ites même si elles sont<br />

encore invisibles <strong>dans</strong> le matériel), et le début d’un mouvement de l’histoire qui va<br />

inclure l’agriculture. L’agriculture <strong>est</strong> un élément multiplicateur, certes, qui approfondit<br />

les fossés entre les différents groupes sociaux (il <strong>est</strong> encore trop tôt pour parler de<br />

c<strong>la</strong>sses), et sans lequel l’Etat <strong>est</strong> inconcevable, car il intensifie les surplus et donc <strong>la</strong><br />

richesse de celui qui se les approprie ainsi que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion exploitable. Même à<br />

l’apogée de <strong>la</strong> civilisation néolithique, il <strong>est</strong> hors de qu<strong>est</strong>ion de parler d’Etat mais l’on<br />

voit que les germes de l’institution étatique sont présents. En effet, « les inégalités<br />

semblent être fonction croissante <strong>du</strong> stockage et de <strong>la</strong> sédentarisation » (T<strong>est</strong>art 1982 :<br />

197-9). On comprend donc parfaitement, comme nous l’avons déjà indiqué, que<br />

l’agriculture n’<strong>est</strong> qu’un élément <strong>dans</strong> le développement historique de <strong>la</strong> période, mais<br />

n’<strong>est</strong> pas le déclencheur de <strong>la</strong> naissance <strong>des</strong> inégalités et de <strong>la</strong> complexité <strong>des</strong> sociétés.<br />

66


VI<br />

-<br />

Structures sociales et affiliations<br />

culturelles<br />

<strong>des</strong> sociétés anatoliennes<br />

67


Suite aux différentes innovations de type économique et technique, et aux<br />

changements environnementaux et démographiques que nous avons traités, <strong>la</strong><br />

néolithisation entraîne un changement irréversible <strong>des</strong> structures sociales, qu’il nous faut<br />

maintenant tenter d’établir et de comprendre. Pour ce<strong>la</strong>, il faut essayer d’élucider les<br />

modalités de cette transformation, afin de pouvoir identifier au mieux le type de société<br />

correspondant à chaque période. Nous pouvons supposer d’emblée que ces structures<br />

sociales évoluent par étapes, parallèlement aux autres innovations humaines <strong>du</strong><br />

Néolithique, et ainsi corroborer, ou non, nos conclusions. Parallèlement, nous résumerons<br />

les affiliations culturelles de ces groupes, <strong>dans</strong> un but de reconstitution historique et<br />

chrono-culturelle, et en les rattachant à ces types d’organisation sociale.<br />

<strong>Le</strong>s travaux <strong>des</strong> anthropologues évolutionnistes, notamment marxistes, ont<br />

échafaudé <strong>des</strong> systèmes de lignée comprenant <strong>des</strong> phases d’organisation sociale très<br />

strictes par lesquelles tout groupe humain doit, tôt ou tard, passer. Ces phases telles que <strong>la</strong><br />

bande, <strong>la</strong> tribu, <strong>la</strong> chefferie ou l’Etat sont attribuées à <strong>des</strong> concepts socio-économiques<br />

comme l’esc<strong>la</strong>vagisme, le féodalisme, le capitalisme ou le communisme (Trigger 1989 :<br />

292). Nous savons aujourd’hui que ce schéma évolutif <strong>est</strong> beaucoup plus complexe et<br />

doit tenir compte <strong>des</strong> déterminations environnementales, <strong>des</strong> diffusions culturelles<br />

brutales etc. Si l’on peut cependant définir un type de société auquel les groupes étudiés<br />

ici doivent appartenir, nous nous p<strong>la</strong>cerons <strong>dans</strong> une vision également évolutionniste.<br />

Nous nous fonderons sur <strong>des</strong> travaux ethnologiques pour nous permettre de réaliser ces<br />

identifications.<br />

Pour <strong>la</strong> Période I, il <strong>est</strong> c<strong>la</strong>ir que, même parmi les sociétés les plus anciennes<br />

étudiées ici, nous ne sommes déjà plus <strong>dans</strong> un cas de communisme primitif tel que<br />

T<strong>est</strong>art (1985 : 84-5) le définit, c’<strong>est</strong>-à-dire <strong>dans</strong> un système de non-appropriation <strong>des</strong><br />

pro<strong>du</strong>its par le pro<strong>du</strong>cteur, mais par <strong>la</strong> communauté. Nous sommes plutôt <strong>dans</strong> une<br />

société de chasseurs-cueilleurs sédentaires et stockeurs où les inégalités commencent déjà<br />

à apparaître (T<strong>est</strong>art 1982 : 136-7 ; Trigger 1989 : 399). Selon T<strong>est</strong>art, c’<strong>est</strong> le stockage et<br />

le développement <strong>des</strong> techniques de conservation <strong>des</strong> denrées saisonnières qui sont à <strong>la</strong><br />

base de <strong>la</strong> sédentarisation et <strong>des</strong> inégalités, à travers l’appropriation <strong>du</strong> surtravail <strong>des</strong><br />

pro<strong>du</strong>cteurs par un exploiteur.<br />

68


Cette période <strong>est</strong> marquée par de grands bouleversements climatiques<br />

(réchauffement global de <strong>la</strong> Terre), qui n’a pas encore d’emprise véritable sur<br />

l’environnement anatolien, mais qui font <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant une zone particulièrement abondante<br />

en ressources naturelles. Ceci, ajouté à un développement technique qui prend ses<br />

origines à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> Paléolithique et au Mésolithique, va donner, au <strong>Le</strong>vant, les premières<br />

sociétés de type chasseur-cueilleur sédentaire et pratiquant le stockage saisonnier de<br />

graines ; ce sont les Natoufiens. Il s’agit là <strong>des</strong> éléments de base, sans avoir recours à<br />

l’agriculture, de <strong>la</strong> première forme de complexification de <strong>la</strong> société, accompagnée <strong>du</strong><br />

début de l’inégalité sociale. L’importation d’obsidienne montre que les stratifications<br />

sociales, <strong>la</strong> naissance d’une ploutocratie, a déjà commencé (T<strong>est</strong>art 1982 : 19, 20, 23-4).<br />

Ceci dit, le cas anatolien <strong>est</strong> plus difficile à traiter. Nous ne disposons, à l’heure<br />

actuelle, que d’un seul site sédentaire, celui d’Hal<strong>la</strong>n Cemi, pour cette période. Pour les<br />

sociétés de chasseurs-cueilleurs noma<strong>des</strong> qui vivaient <strong>dans</strong> les environs, <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />

campements comme à Biris Mezarligi, les traces sont trop succinctes pour établir avec<br />

précision leur mode de fonctionnement social. L’in<strong>du</strong>strie lithique trouvée sur ces sites,<br />

même si elle diffère de celle <strong>des</strong> sites natoufiens, <strong>est</strong> cependant de type mésolithique, ce<br />

qui implique un développement technique <strong>des</strong> armes qui remp<strong>la</strong>ce, <strong>dans</strong> le vrai<br />

communisme primitif, <strong>la</strong> chasse en coopération, suffisant pour que, selon T<strong>est</strong>art (1985 :<br />

168-73), un certain sens de l’indivi<strong>du</strong>alité soit déjà mis en p<strong>la</strong>ce. Hal<strong>la</strong>n Cemi n’<strong>est</strong> sans<br />

doute pas le seul site de chasseurs sédentaires et stockeurs existant pour cette période, ce<br />

que vérifieront probablement les recherches futures. <strong>Le</strong> choix de se sédentariser semble<br />

cependant marginal et n’intervient qu’à <strong>la</strong> toute fin de <strong>la</strong> période, quand les améliorations<br />

climatiques commencent à se faire sentir. De plus, il apparaît que les v<strong>est</strong>iges retrouvés<br />

<strong>dans</strong> les campements et à Hal<strong>la</strong>n Cemi proviennent de <strong>la</strong> même origine culturelle. Il s’agit<br />

donc bien d’un choix et cette différence de type de pro<strong>du</strong>ction ne dicte pas une différence<br />

culturelle mais environnementale.<br />

Comme le montrent ces cartes (fig), <strong>la</strong> Période 1 en Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> <strong>est</strong><br />

peuplée, bien que très mo<strong>des</strong>tement, par un groupe culturel local affilié ou pouvant faire<br />

partie, d’un plus grand groupe appelé Trialétien (d’origine caucasienne ou locale ),<br />

comme le montre <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction lithique. Certains signes dénotent en parallèle une<br />

influence très c<strong>la</strong>ire de <strong>la</strong> culture qui vient <strong>du</strong> Zagros, connue sous le nom de Zarzien.<br />

69


A <strong>la</strong> Période 2, ce schéma culturel se retrouve, mais les sites sédentaires<br />

se développent, non pas tellement en nombre mais en popu<strong>la</strong>tion. Si l’on considère l’idée<br />

de T<strong>est</strong>art selon <strong>la</strong>quelle, c’<strong>est</strong> <strong>la</strong> sédentarité, et donc le stockage (<strong>des</strong> céréales, celui <strong>des</strong><br />

ressources animalières étant impossible <strong>dans</strong> ce contexte) qui <strong>est</strong> à <strong>la</strong> base <strong>des</strong> inégalités<br />

sociales et donc d’une plus forte démographie, les données <strong>des</strong> vil<strong>la</strong>ges PPNA <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant<br />

confortent bien cette idée. Gopher (1989 : 47) a en effet montré que ce sont les petits<br />

sites, donc les moins peuplés et les moins développés (i.e. les moins enclins à <strong>la</strong><br />

stratification sociale) qui comptent le plus de pointes de flèches <strong>dans</strong> leurs assemb<strong>la</strong>ges<br />

lithiques, alors que sur les plus grands sites, où l’on suppose une stratification sociale<br />

plus forte, on trouve une moindre proportion de ces pointes, impliquant une activité<br />

cynégétique moins importante et, par conséquent, une activité de stockage <strong>des</strong> céréales<br />

plus significative.<br />

<strong>Le</strong>s vil<strong>la</strong>ges <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant nord, surtout <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région <strong>du</strong> Moyen-Euphrate, qui s’<strong>est</strong><br />

entre-temps beaucoup développée, et ceux d’Anatolie qui sont désormais entièrement<br />

sédentaires, commencent à s’organiser en communautés, ce qui implique d’importantes<br />

modifications <strong>du</strong> système sociale comme le confirment les étu<strong>des</strong> archéo-ethnologiques<br />

(For<strong>est</strong> 1996: 1-2). <strong>Le</strong> besoin se fait sentir d’avoir un bâtiment spécifique, (peut-être <strong>la</strong><br />

maison d’un chef ), réservé au stockage commun, et à <strong>la</strong> redistribution, sous contrôle,<br />

<strong>des</strong> pro<strong>du</strong>its de <strong>la</strong> chasse et de <strong>la</strong> cueillette de l’agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique, ce qui<br />

minimise les risques de pénuries alimentaires. Cette structure sert aussi à réunir certains<br />

membres <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge pour <strong>la</strong> prise de décisions communautaires, et à <strong>la</strong> pratique de rituels<br />

symboliques de l’ordre <strong>du</strong> surnaturel. La pro<strong>du</strong>ction agricole (pré-dom<strong>est</strong>ique) qui<br />

s’installe, au moins sur le Moyen-Euphrate et sans doute à Cayönü, voit s’accentuer <strong>la</strong><br />

sédentarisation, le nombre de sites (<strong>du</strong> moins en Anatolie) et leur densité démographique,<br />

ainsi que le sentiment d’appartenance à <strong>la</strong> terre (For<strong>est</strong> 1996: 5-6). <strong>Le</strong>s anciens,<br />

constituant le maillon le plus en amont de <strong>la</strong> chaîne de lignage familial et le plus proche<br />

de ces ancêtres qui sont le témoin le plus éloquent de cette appartenance à <strong>la</strong> terre,<br />

forment, sans doute, l’élément le plus respecté au sein de ces sociétés. <strong>Le</strong> partage de<br />

toutes les pro<strong>du</strong>ctions de <strong>la</strong> société demande un régu<strong>la</strong>teur, qui <strong>est</strong> généralement<br />

l’ancêtre. C’<strong>est</strong> peut-être lui qui possède les objets de pr<strong>est</strong>ige importés de très loin et que<br />

l’on retrouve <strong>dans</strong> ces sites en très petites quantités (objets en cuivre, mobilier lithique<br />

finement décoré, obsidienne, coquil<strong>la</strong>ges…) prouvant ainsi sa différence par rapport au<br />

r<strong>est</strong>e de <strong>la</strong> communauté. Et cette différence s’accroît proportionnellement au fur et à<br />

mesure que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion impliquée grandit. <strong>Le</strong>s échanges, sous forme de petits objets de<br />

70


valeur, qui nécessitent un surplus accumulé et un contrôle centralisé <strong>des</strong> ressources, se<br />

fait entre chefs de vil<strong>la</strong>ges, peut-être lors de pot<strong>la</strong>tchs, pour asseoir leur pr<strong>est</strong>ige et leur<br />

richesse au sein <strong>des</strong> leurs. L’agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique a probablement encore<br />

re<strong>la</strong>tivement peu d’incidence économique sur ces sociétés, où sont cependant déjà bien<br />

ancrées, en fonction <strong>du</strong> nombre de gens impliqués, les premières inégalités sociales et le<br />

début de <strong>la</strong> spécialisation <strong>du</strong> travail (T<strong>est</strong>art 1982 : 43, 54)<br />

<strong>Le</strong> <strong>Le</strong>vant nord, héritier culturel direct <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions natoufiennes et<br />

khiamiennes devient, à <strong>la</strong> Période 2, le centre d’innovation majeur. <strong>Le</strong>s popu<strong>la</strong>tions<br />

anatoliennes gardent en règle générale et surtout au nord leurs traditions locales et leurs<br />

influences orientales, sauf <strong>dans</strong> le <strong>sud</strong> où, à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> période, le savoir-faire lithique <strong>du</strong><br />

<strong>Le</strong>vant nord se répercute déjà sur les peuples de <strong>la</strong> région d’Urfa.<br />

A <strong>la</strong> Période 3, l’Anatolie voit s’épanouir l’apogée de <strong>la</strong> culture néolithique.<br />

Plusieurs éléments permettent de décrire <strong>la</strong> complexité sociale de ces groupes et de<br />

p<strong>la</strong>cer celle-ci à un rang plus élevé que celui <strong>des</strong> premiers vil<strong>la</strong>ges sédentaires. Aussi, <strong>la</strong><br />

culture de Cayönü a <strong>des</strong> caractères très spécifiques qui en font un faciès vraiment unique<br />

de cette néolithisation (Ozdogan 1997: 9 ; 1998 : 35).<br />

La présence d’une certaine stratification de <strong>la</strong> société, plus complexe que celle <strong>des</strong><br />

vil<strong>la</strong>ges <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> précédentes, enracinée <strong>dans</strong> le Mésolithique, <strong>est</strong> reconnue entre<br />

autres grâce aux nombreux objets et structures de fonction purement ostentatoire et<br />

nécessitant cependant le temps et <strong>la</strong> spécialisation d’artisans. Outre <strong>la</strong> décoration <strong>des</strong><br />

sanctuaires et <strong>la</strong> confection de leur sol en terrazzo (qui demande une grande maîtrise de<br />

<strong>la</strong> pyrotechnologie), on trouve <strong>des</strong> objets de valeur, les mêmes qu’au pério<strong>des</strong><br />

précédentes, tels que les perles de cuivre, de l’obsidienne, <strong>des</strong> pierres semi-précieuses,<br />

<strong>des</strong> coquil<strong>la</strong>ges marins etc. (Ozdogan 1997 : 10). Ces objets ne sont pas éparpillés de<br />

façon hasardeuse, mais <strong>dans</strong> <strong>des</strong> habitations particulières, ce qui suggère une<br />

hiérarchisation <strong>des</strong> différentes parties <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge. Ainsi, après étude de l’organisation<br />

spatiale de Cayönü, on trouve que ce sont souvent les maisons regroupées autour de ces<br />

grands bâtiments somptuaires qui possèdent ces objets de pr<strong>est</strong>ige, et que ces maisons<br />

sont plus vastes et mieux construites et délimitent un périmètre à l’<strong>est</strong>, séparé <strong>des</strong> autres<br />

habitations <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge (Gérard 1996 : 65-66). Si <strong>la</strong> présence d’une élite <strong>est</strong> reconnaissable<br />

pour l’archéologue, il faut imaginer qu’elle était évidente pour les habitants <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge; en<br />

71


d’autres termes, cette disposition particulière <strong>des</strong> maisons reflète le besoin d’ostentation<br />

de cette élite.<br />

<strong>Le</strong> commerce de l’obsidienne renforce également ce point. Ce matériau <strong>est</strong> connu<br />

depuis <strong>la</strong> Période 1 au <strong>Le</strong>vant, provenant entièrement d’Anatolie. Comme le montrent les<br />

travaux ethnographiques (T<strong>est</strong>art 1982 : 100-1), l’obsidienne doit donc être très appréciée<br />

comme un matériau de valeur, de pr<strong>est</strong>ige, et non utilitaire étant donné les faibles<br />

quantités en jeu et l’effort mis <strong>dans</strong> son obtention, alors que <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> quantités de<br />

silex étaient présentes sur p<strong>la</strong>ce. Ce<strong>la</strong> prend tout son sens quand on s’aperçoit, notamment<br />

<strong>dans</strong> le mobilier funéraire natoufien, que c’<strong>est</strong> à cette époque qu’une certaine hiérarchie<br />

sociale voit le jour. Ce concept étant presque inconnu <strong>des</strong> traditions trialétiennes,<br />

popu<strong>la</strong>tions, à très peu d’exception près (Hal<strong>la</strong>n Cemi ), non sédentaire, il n’<strong>est</strong> pas<br />

étonnant que l’obsidienne y soit peu présente à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> Période 2 et au début de <strong>la</strong><br />

Période 3, où l’on utilisait le silex. Ensuite, après que l’utilisation de l’obsidienne se soit<br />

généralisée en Anatolie, brusquement, au PPNB final, <strong>la</strong> quantité d’obsidienne augmente,<br />

et il faut peut-être y voir plus qu’une simple diffusion culturelle. Renfrew (1975: 32-8)<br />

explique théoriquement <strong>la</strong> diffusion <strong>du</strong> système de complexité sociale ainsi : en admettant<br />

que cette complexité soit présente d’abord chez un peuple (émetteur), par l’obtention<br />

depuis ces régions émettrices et l’ostentation <strong>des</strong> objets pr<strong>est</strong>igieux par les élites <strong>des</strong><br />

régions voisines en contact avec celle-ci se font respecter au sein de leur propre<br />

communautés et acquièrent un pr<strong>est</strong>ige fondé sur <strong>la</strong> richesse, le pouvoir et l’intimidation.<br />

Ensuite, elles contrôlent <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de ces pro<strong>du</strong>its qui sont, par ailleurs, manufacturés<br />

par <strong>des</strong> experts reconnus, in<strong>du</strong>isant donc une division sociale <strong>du</strong> travail (Wattenmaker<br />

1998 : 7-9), constats encore une fois appuyés par <strong>des</strong> faits ethnologiques (T<strong>est</strong>art 1982 :<br />

100). La diffusion s’opère ensuite depuis les élites <strong>des</strong> groupes complexes vers celles de<br />

groupes receveurs. Ainsi, l’obsidienne revêt <strong>la</strong> même importance de pr<strong>est</strong>ige au sein <strong>des</strong><br />

peuples de complexité secondaire. Il faut bien être conscient que <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong><br />

complexité d’une société et de sa culture n’<strong>est</strong> possible que si les popu<strong>la</strong>tions locales<br />

disposent déjà d’une certaine organisation, ce qui fut le cas en Anatolie.<br />

La complexité <strong>du</strong> système socioculturel <strong>est</strong> encore plus évidente au regard <strong>des</strong><br />

bâtiments somptuaires de Nevali Cori, Göbekli Tepe et Cayönü décorés de sculptures, de<br />

bas reliefs et sans doute de fresques aux dimensions monumentales, ce qui distingue<br />

c<strong>la</strong>irement <strong>la</strong> culture de Cayönü <strong>des</strong> premières sociétés sédentaires (Ozdogan 1998: 34).<br />

Il faut maintenant essayer de définir <strong>la</strong> cause de ce changement. T<strong>est</strong>art (1982) nous a<br />

montré, par analogie avec <strong>des</strong> observations ethnographiques, que les premiers véritables<br />

72


débuts de <strong>la</strong> complexité <strong>des</strong> sociétés ne naissaient pas avec l’agriculture mais avec <strong>la</strong><br />

sédentarité, même de chasseurs-cueilleurs qui peuvent stocker sur une base au moins<br />

annuelle <strong>des</strong> ressources alimentaires ne nécessitant pas forcément l’apport de<br />

l’agriculture. Ceci s’applique aux Indiens de <strong>la</strong> côte ou<strong>est</strong> de l’Amérique comme aux<br />

Natoufiens et à leurs <strong>des</strong>cendants de <strong>la</strong> Période 2 et même début de <strong>la</strong> Période 3. T<strong>est</strong>art<br />

(1982 : 198) ne nie cependant pas que, pour toutes les sociétés étudiées jusqu’à<br />

aujourd’hui, l’apparition de l’Etat ne peut se faire qu’avec l’apport de l’agriculture (et,<br />

étrangement, uniquement avec <strong>la</strong> céréaliculture), ceci pour <strong>des</strong> raisons entre autres de<br />

pro<strong>du</strong>ctivité, de surplus conséquents, d’accroissement démographique et de spécialisation<br />

<strong>du</strong> travail (à travers, par exemple, l’irrigation). C’<strong>est</strong> en effet seulement chez les<br />

agriculteurs céréaliers « que les inégalités se développent en opposition <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses et que<br />

naît l’Etat » (T<strong>est</strong>art 1982 : 198), comme en témoignent les civilisations<br />

mésopotamienne, égyptienne, chinoise, mexicaine, andine ou de <strong>la</strong> Vallée de l’In<strong>du</strong>s. Ce<br />

rôle multiplicateur ou amplificateur (T<strong>est</strong>art 1985 : 174) <strong>des</strong> effets engendrés par <strong>la</strong><br />

naissance <strong>des</strong> sociétés de chasseurs-cueilleurs, sédentaires et stockeurs, que revêt <strong>la</strong><br />

céréaliculture <strong>dans</strong> le développement historique <strong>des</strong> sociétés semble s’affirmer, à mon<br />

avis, dès le PPNB moyen anatolien. On trouve <strong>dans</strong> ces sociétés, appelées Communautés<br />

dom<strong>est</strong>iques agricoles (CDA) par Meil<strong>la</strong>ssoux (For<strong>est</strong> 1996 :2), <strong>des</strong> signes de début de<br />

stratification, une spécialisation accrue <strong>du</strong> travail, (notamment pour <strong>la</strong> fabrication de<br />

pro<strong>du</strong>its de pr<strong>est</strong>ige, <strong>la</strong> spécialisation technique - terrazzo, lithique, architecture, art - et<br />

les échanges à longue distance), une élite et donc un système d’exploitation de l’homme<br />

par l’homme. Il en résulte, peut-être par manque d’expérience face à ce nouveau système,<br />

l’éc<strong>la</strong>tement de cette société au PPNB récent comme le suggèrent les nombreux<br />

changements économiques et sociaux de cette époque, à savoir, <strong>la</strong> démocratisation de<br />

l’obtention de l’obsidienne, qui perd ainsi sa fonction de pr<strong>est</strong>ige, l’effondrement de <strong>la</strong><br />

construction de bâtiments somptuaires et <strong>la</strong> désertification <strong>des</strong> grands sites au profit de<br />

plus petits.<br />

Cette complexité <strong>est</strong>, bien enten<strong>du</strong>, re<strong>la</strong>tive et <strong>est</strong> encore bien loin <strong>des</strong> débuts <strong>des</strong><br />

véritables formations étatiques mésopotamiennes qui requièrent une popu<strong>la</strong>tion beaucoup<br />

plus importante et <strong>des</strong> mécanismes complexes de stratification sociale, lesquels sont<br />

totalement absents de toute société néolithique. Cependant, l’élite contrôle déjà de façon<br />

institutionnelle, et à sa propre échelle (il ne s’agit pas <strong>des</strong> grands bâtiments somptuaires<br />

de l’«Eanna Precinct » <strong>du</strong> 4 ème millénaire !), les organismes économiques et spirituels de<br />

73


<strong>la</strong> société. A savoir si le Néolithique anatolien <strong>est</strong> à <strong>la</strong> base de <strong>la</strong> formation étatique<br />

mésopotamienne <strong>est</strong> une toute autre qu<strong>est</strong>ion, que je ne vais qu’effleurer. Ce<strong>la</strong> pourrait<br />

sembler évident, mais on ne peut complètement rejeter l’hypothèse d’un développement<br />

autochtone. Il semble cependant difficile de concevoir que <strong>des</strong> quatre millénaires<br />

nécessaires à l’épanouissement <strong>du</strong> Néolithique, rien ne nous soit parvenu, malgré<br />

l’intensité <strong>des</strong> recherches <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région, de son développement parallèle en<br />

Mésopotamie, per<strong>du</strong>, s’il a jamais existé, sous les alluvions <strong>du</strong> Tigre et de l’Euphrate.<br />

Une certaine interaction avec <strong>la</strong> culture de Cayönü, à travers peut-être celle de Samarra<br />

géographiquement et chronologiquement, semble inéluctable. Ozdogan (1997 : 11 ;<br />

1998 : 35) va jusqu’à supposer que ce système anatolien «constitue les bases <strong>du</strong> modèle<br />

économique contrôlé par le temple <strong>des</strong> cultures syro-mésopotamiennes <strong>des</strong> pério<strong>des</strong><br />

historiques ». Alors que d’autres voient un fossé énorme entre les sociétés néolithiques<br />

pré-céramiques et les sociétés étatiques mésopotamiennes, sans être aussi radical<br />

qu’Ozdogan, il nous semble que <strong>la</strong> seule grande différence avec Cayönü soit de l’ordre de<br />

<strong>la</strong> densité de popu<strong>la</strong>tion impliquée, d’où le rôle multiplicateur, et non fondamentalement<br />

différent, de <strong>la</strong> céréaliculture dont parle T<strong>est</strong>art (1985 : 174). <strong>Le</strong>s institutions sociales et<br />

culturelles, ainsi que le fonctionnement général de <strong>la</strong> société mésopotamienne se<br />

retrouvent en grande partie, bien qu’à <strong>des</strong> degrés moindres mais avec un mécanisme de<br />

base très proche, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> culture de Cayönü. D’ailleurs, <strong>la</strong> culture de Ha<strong>la</strong>f qui a suivi<br />

celle-ci <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région, bien que formant une communauté dom<strong>est</strong>ique agricole elle aussi,<br />

r<strong>est</strong>era à un niveau de complexité sociale bien inférieure (For<strong>est</strong> 1996 : 3). Ce<strong>la</strong> montre<br />

que les sommets atteints par <strong>la</strong> culture de Cayönü ne « vont pas de soi », qu’ils sont<br />

re<strong>la</strong>tivement exceptionnels et qu’ils tra<strong>du</strong>isent <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité de cet ensemble. Nous<br />

pensons pouvoir dire que <strong>la</strong> complexité sociale d’un groupe <strong>est</strong> générée par le nombre de<br />

gens impliqués.<br />

Ce qui décide les gens à se regrouper <strong>est</strong> assez peu connu, mais il peut s’agir d’un<br />

phénomène en corré<strong>la</strong>tion avec le développement <strong>des</strong> inégalités issues de l’apparition <strong>du</strong><br />

stockage (T<strong>est</strong>art 1982 : 197). For<strong>est</strong> (1996: 3-4) suppose que c’<strong>est</strong> le besoin<br />

d’indépendance économique et de préservation de l’unité sociale (avoir <strong>des</strong> enfants pour<br />

assurer ses vieux jours) ainsi que les problèmes de repro<strong>du</strong>ction liés à l’endogamie et qui<br />

impliquent <strong>la</strong> co-existence de plusieurs lignages, qui ont amené plusieurs centaines<br />

d’indivi<strong>du</strong>s à se rassembler à Cayönü ou à Nevali Cori. Cependant, ces sociétés ne vivent<br />

pas, de toute évidence, isolées les unes <strong>des</strong> autres ; c’<strong>est</strong> ce que montre l’échange constant<br />

de matières premières, ainsi que l’expansion de traits culturels et techniques<br />

74


caractéristiques. <strong>Le</strong> site de Göbekli Tepe, comme nous avons déjà commencé à le voir,<br />

peut nous en apprendre davantage quant aux contacts intercommunautaires.<br />

<strong>Le</strong>s nombreux et grands bâtiments communautaires de Göbekli Tepe ont peut-être<br />

eu <strong>la</strong> même fonction que les salles de conseil vil<strong>la</strong>geois que nous avons vues<br />

précédemment, ainsi que le montre <strong>la</strong> présence de banquettes le long <strong>des</strong> murs<br />

(Hauptmann 1999 : 79), mais à une échelle régionale. Tout comme <strong>la</strong> communauté d’un<br />

vil<strong>la</strong>ge a besoin de déléguer <strong>des</strong> représentants pour mener à bien les affaires publiques, il<br />

<strong>est</strong> tout à fait envisageable de trouver une institution qui aurait ce même rôle, au niveau<br />

intercommunautaire, où les principaux personnages de chaque vil<strong>la</strong>ge pourraient se<br />

rencontrer <strong>dans</strong> le but d’assurer <strong>la</strong> stabilité, <strong>la</strong> paix, et <strong>la</strong> prospérité régionales (il <strong>est</strong><br />

encore trop tôt pour parler de stabilité politique et économique). Si l’<strong>est</strong> difficile de savoir<br />

si les sociétés de ces époques connaissaient <strong>la</strong> paix ou les guerres int<strong>est</strong>ines, à regarder<br />

l’ampleur que prend les échanges interrégionaux, les tensions intercommunautaires<br />

devaient être à <strong>la</strong> fois inévitables (convoitise) et contrôlées (puisqu’elle a per<strong>du</strong>ré). <strong>Le</strong>s<br />

unions intercommunautaires, auraient pu être l’occasion de gran<strong>des</strong> réunions tenues <strong>dans</strong><br />

les bâtiments de Göbekli, pourrait, par exemple, contribuer non seulement à cette<br />

stabilité, mais à l’enracinement <strong>du</strong> pr<strong>est</strong>ige <strong>des</strong> élites en démontrant par <strong>la</strong> même leurs<br />

liens intercommunautaires (où l’appartenance à <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse supp<strong>la</strong>nte celle <strong>du</strong> c<strong>la</strong>n) en plus<br />

d’aider à enrayer <strong>des</strong> problèmes d’endogamie pour les vil<strong>la</strong>ges trop petits. Ces<br />

cérémonies, toujours p<strong>la</strong>cées en un même lieu pour <strong>des</strong> raisons d’ordre symbolique,<br />

auraient pu de <strong>la</strong> même façon, aider à renforcer l’idée d’appartenance à un même groupe<br />

culturel, en opposition avec les groupes de chasseurs-cueilleurs qui devaient continuer à<br />

peupler les alentours, un peu comme <strong>la</strong> citée d’Olympe, sacrée <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Grèce antique, qui<br />

servait à <strong>des</strong> cérémonies régulières et organisées au cours <strong>des</strong>quelles les Grecs<br />

affirmaient, malgré les tensions intérieures endémiques, leur appartenance au même<br />

groupe culturel et leur différence par rapport au monde extérieur peuplé de barbares. En<br />

effet, comme nous l’avons vu, le passage <strong>du</strong> mode chasseur-cueilleur à celui d’agriculteur<br />

entraîne de profonds changements culturels au sein <strong>du</strong> même groupe ethnique; ainsi <strong>la</strong><br />

culture de Cayönü directement issue de <strong>la</strong> culture trialétienne présente <strong>des</strong> traditions<br />

culturelles complètement différentes. Il ne serait pas étonnant de constater que ces<br />

différences ont besoin de chercher une force et une justification <strong>dans</strong> une symbolique<br />

intercommunautaire forte.<br />

75


L’uniformisation de <strong>la</strong> culture de Cayönü <strong>est</strong> non seulement très éten<strong>du</strong>e mais<br />

également profonde. <strong>Le</strong>s outils de Cayönü, les pointes de Byblos, les techniques lithiques<br />

(<strong>la</strong> pression), l’architecture dom<strong>est</strong>ique et somptuaire, les thèmes symboliques et<br />

artistiques montrent que de nombreuses communautés au Proche-Orient, au moins à<br />

partir <strong>du</strong> PPNB moyen, partagent les mêmes affinités culturelles. Il <strong>est</strong> peut-être vrai que<br />

le choix de l’endogamie a permis à ces sociétés de vivre indépendamment. Ce<strong>la</strong><br />

n’empêche pas pour autant qu’un certain dialogue ou un contact soit instauré entre les<br />

différentes communautés, ce qui <strong>est</strong> évident au vu de l’ampleur <strong>des</strong> échanges et de<br />

l’uniformisation culturelle. D’autre part, comme nous l’avons vu, ce phénomène culturel<br />

n’<strong>est</strong> pas originaire d’un seul lieu, mais, ce que j’ai appelé les centres novateurs, évoluent<br />

géographiquement ; en d’autres termes, aucune de ces communautés ne serait assez<br />

puissante pour contrôler politiquement tout ce réseau. Tous ces contacts nécessitent donc<br />

forcément une sorte de consultation intercommunautaire. Göbekli Tepe, au carrefour de<br />

nombreux vil<strong>la</strong>ges PPNB <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région d’Urfa (Lidar, Nevali Cori, Gritille, Hayaz, Yeni<br />

Mahalle Mevki, Garoz Tepe), elle-même au centre <strong>des</strong> vil<strong>la</strong>ges <strong>du</strong> Moyen-Euphrate et<br />

<strong>des</strong> Hautes Vallées si l’on doit envisager une telle éten<strong>du</strong>e, pourrait jouer ce rôle.<br />

L’effondrement de <strong>la</strong> culture de Cayönü<br />

C’<strong>est</strong> vers 7000 av. J.-C. que les sites <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> anatolien commencent à se<br />

dépeupler, et c’<strong>est</strong> curieusement <strong>dans</strong> les siècles qui suivent que vont s’établir les<br />

communautés complexes d’Anatolie centrale et de Mésopotamie (l’Obeid 0 commence<br />

vers 6500 av. J.-C.). L’exode de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, peut-être devenue pastorale mais qui n’<strong>est</strong><br />

sûrement pas revenue à un stade de chasseurs-cueilleurs, vers ces régions voisines peut<br />

aujourd’hui paraître une possibilité. Tout d’abord, pour atteindre l’Europe, le phénomène<br />

néolithique <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> anatolien a bien dû se diffuser à travers l’Anatolie centrale et<br />

occidentale. De plus, il <strong>est</strong> difficile de concevoir, par exemple, que l’agriculture, base de<br />

<strong>la</strong> société étatique, ait pu être découverte et mise au point <strong>dans</strong> une région nécessitant en<br />

même temps l’invention et <strong>la</strong> maîtrise de l’irrigation. Il me semble raisonnable de penser<br />

que l’agriculture a d’abord été expérimentée en culture sèche avant d’être exportée <strong>dans</strong><br />

les régions ari<strong>des</strong>.<br />

<strong>Le</strong>s causes de <strong>la</strong> dépopu<strong>la</strong>tion ou de <strong>la</strong> disparition <strong>des</strong> sites de <strong>la</strong> culture de<br />

Cayönü n’ont pas trouvé de raison c<strong>la</strong>ire. La détérioration <strong>du</strong> climat et l’impossibilité<br />

pour <strong>la</strong> région de soutenir une popu<strong>la</strong>tion grandissante, ne sont sans doute pas les causes<br />

principales <strong>du</strong> dépeuplement, même si l’essor <strong>du</strong> nomadisme a accéléré l’érosion <strong>du</strong><br />

76


terrain. Ozdogan (1998 : 335) note que les régions voisines se peuplent au fur et à mesure<br />

que l’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> se dépeuple et que beaucoup de signes culturels semblent<br />

prouver une affiliation certaine. Par exemple, le système symbolique de Catal Höyük <strong>est</strong><br />

à étendre à toutes formes de figurines, félins, rapaces, taureaux (représentant l’élément<br />

féminin) et crânes de taureaux ou bucranes (élément masculin) qui se retrouvent sur de<br />

nombreux sites PPNA et PPNB en Syrie et avec les têtes de vautours de Nemrik (For<strong>est</strong><br />

1993 : 37). Cependant, ces sites montrent un agencement de leur architecture tout à fait<br />

différent. <strong>Le</strong>s sites de Asikli Höyük et de Catal Höyük sont les exemples les plus par<strong>la</strong>nts.<br />

Ces sites sont de type agglutinant (fig) et aucune différenciation de partie ou de quartier<br />

au sein <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge n’<strong>est</strong> visible. Même si une structure spécifique a été trouvée à Asikli,<br />

elle r<strong>est</strong>e accolée au r<strong>est</strong>e <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge et d’accès facile pour tous. Ce<strong>la</strong> montre qu’il n’y a<br />

pas de c<strong>la</strong>sse dirigeante <strong>dans</strong> ces sociétés ou bien elle jouit <strong>des</strong> mêmes droits et <strong>du</strong> même<br />

confort matériel que le r<strong>est</strong>e de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. En un mot il s’agit de sociétés égalitaires.<br />

La différence avec Cayönü et Nevali Cori <strong>est</strong> frappante. Ceci prouve notamment que <strong>la</strong><br />

re<strong>la</strong>tive complexité atteinte <strong>dans</strong> ces sites n’<strong>est</strong> pas naturelle, qu’il s’agit d’un phénomène<br />

assez particulier. Aussi, Ozdogan (1998 : 35) propose judicieusement que <strong>la</strong> raison de ce<br />

dép<strong>la</strong>cement de popu<strong>la</strong>tion, qui garde ses affinités culturelles mais change son système<br />

politique, vient peut-être de tensions sociales survenues <strong>des</strong> différences de condition entre<br />

<strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse dirigeante et le r<strong>est</strong>e <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge.<br />

En fait l’étude de l’architecture, de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion de l’obsidienne et de <strong>la</strong><br />

pro<strong>du</strong>ction lithique nous apprend que le phénomène décrit ci-<strong>des</strong>sus prend sans doute ses<br />

origines <strong>dans</strong> <strong>la</strong> transition entre le PPNB récent et final. Il semblerait que le PPNB <strong>du</strong><br />

Taurus oriental soit à diviser sociologiquement en deux gran<strong>des</strong> parties. Il y a d’abord,<br />

une période de formation et de développement d’une société non égalitaire au PPNB<br />

ancien et moyen, ce qui s’accentue au PPNB récent, avec l’apparition de l’agriculture<br />

dom<strong>est</strong>ique (CDA) et <strong>est</strong> ensuite suivie d’une possible r<strong>est</strong>ructuration sociale, au PPNB<br />

final. D’ailleurs, le PPNB final <strong>est</strong> caractérisé en architecture dom<strong>est</strong>ique par <strong>la</strong> phase <strong>des</strong><br />

gran<strong>des</strong> pièces (<strong>la</strong>rge room phase), sans subdivision intérieur, ce qui implique déjà en<br />

soit, une conception plus égalitaire de <strong>la</strong> société. A Cafer Höyük, il semblerait que <strong>la</strong><br />

phase <strong>la</strong>rge room commence après <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction par le feu, signe possible de tensions, de<br />

<strong>la</strong> phase <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ns en cellule <strong>du</strong> PPNB moyen (Cauvin et alii 1999 : 95-96). <strong>Le</strong><br />

phénomène que nous venons de décrire entre les sites où le pouvoir <strong>est</strong> centralisé et fort<br />

au vu <strong>des</strong> édifices importants qu’elle pro<strong>du</strong>it semble donc se finir avant <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong><br />

77


Période 3. Une cassure pour revenir à une société plus égalitaire se remarque <strong>dans</strong> cette<br />

région dès le PPNB final. Nevali Cori et Göbekli Tepe sont abandonnés en plein apogée<br />

pour donner naissance au vil<strong>la</strong>ge de Gürcü Tepe. <strong>Le</strong>s imposants édifices publiques et<br />

religieux ne sont pas reconstruits à l’exception d’un édifice à fonction collective mais pas<br />

ostentatoire, aux mesures conformes au r<strong>est</strong>e <strong>des</strong> maisons et de fonction sans doute<br />

utilitaire, seulement reconnaissable aux orthostates le long de ses murs intérieurs<br />

(Schmidt 1995 : 9). Il en <strong>est</strong> de même à Cayönü où <strong>la</strong> <strong>la</strong>rge room phase (PPNB final) <strong>est</strong><br />

<strong>la</strong> seule <strong>du</strong> PPNB à <strong>la</strong>quelle aucun bâtiment spécifique n’<strong>est</strong> associé.<br />

En général, à cette période précise, le nombre de sites imp<strong>la</strong>ntés en Anatolie<br />

comme en Syrie grandit mais avec une popu<strong>la</strong>tion moins importante, <strong>des</strong> instal<strong>la</strong>tions<br />

moins développées (Molist–Stordeur 1999 : 400 ) comme en témoigne parfaitement les<br />

prospections <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vallée <strong>du</strong> Balikh où, pour un site PPNB moyen, on en dénombre pas<br />

moins de 24 à <strong>la</strong> période suivante (Akkermans 1999: 524 ). Ce<strong>la</strong> tend à montrer une<br />

moindre centralisation <strong>du</strong> pouvoir, une plus grande démocratisation <strong>du</strong> neolithic way of<br />

life . Tous ces points communs ne sont pas une coïncidence et montrent bien un<br />

changement d’ordre social qu’appuient ainsi les sites d’Anatolie centrale comme Asikli<br />

Höyük. Ceci <strong>est</strong> également montré par l’étude de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion de l’obsidienne que nous<br />

avons déjà établie. Alors qu’au PPNB moyen et récent, seuls les sites <strong>des</strong> Hautes Vallées<br />

présentent une parité entre l’utilisation de l’obsidienne et <strong>du</strong> silex, <strong>la</strong> première <strong>est</strong> peu<br />

présente plus au <strong>sud</strong>, juste suffisamment pour contenter les besoins d’ordre ostentatoire<br />

de ce qu’il convient d’appeler l’élite. Enfin, au PPNB final, l’obsidienne se propage en<br />

<strong>des</strong> quantités telles (32% à Halu<strong>la</strong>, 45 % à Cayönü, Gürcü Tepe) qu’elles permettent de<br />

penser que non seulement <strong>la</strong> civilisation de Cayönü se répand, (jusqu’au Zagros où les<br />

outils de Cayönü deviennent communs) mais aussi que <strong>la</strong> possession d’obsidienne <strong>est</strong><br />

devenue beaucoup plus démocratique, que sa fonction <strong>est</strong> utilitaire et que les échanges<br />

sont plus fréquents et massifs et ne concernent plus l’élite.<br />

78


Tableau de l’évolution chrono-culturelle et sociologique <strong>du</strong>rant <strong>la</strong><br />

néolithisation <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> anatolien<br />

Affiliations<br />

culturelles<br />

Type de structures<br />

sociales<br />

sites<br />

<strong>Le</strong>vant<br />

Chasseurs-cueilleurs<br />

Biris<br />

Natoufien : Chass –<br />

Période<br />

1<br />

Trialétien<br />

noma<strong>des</strong> (communisme<br />

primitif ) 3<br />

Mezarligi,<br />

Sögüt Tar<strong>la</strong>si<br />

cueill sédentaires et<br />

stockeurs<br />

Période<br />

2<br />

Trialétien 4<br />

Chass –cueill sédentaires et<br />

stockeurs<br />

Hal<strong>la</strong>n Cemi,<br />

Demirköy,<br />

Cayönü base<br />

Mureybetien :<br />

Transition CDA,<br />

Agric. Pré-dom<strong>est</strong>ique<br />

P. 3 a<br />

PPNB<br />

ancien<br />

Transition :<br />

Influence <strong>du</strong><br />

Mureybétien<br />

Chass – cueill sédentaires<br />

et stockeurs. Transition<br />

vers CDA. Agric. Prédom<strong>est</strong>ique<br />

Cayönü grill,<br />

Cafer<br />

Dja’de<br />

P. 3 b<br />

PPNB<br />

moyen et<br />

récent<br />

Culture de<br />

Cayönü<br />

Communautés<br />

Dom<strong>est</strong>iques Agricoles<br />

Non-égalitaire<br />

Cayönü<br />

channel, cell<br />

Nevali Cori,<br />

Cafer, Göbekli<br />

Culture de Cayönü ( )<br />

P. 3 c<br />

PPNB<br />

final<br />

Culture de<br />

Cayönü<br />

Communautés<br />

Dom<strong>est</strong>iques<br />

Agricoles<br />

égalitaire<br />

Cayönü <strong>la</strong>rge<br />

room,<br />

Gürcütepe,<br />

Gritille,<br />

Hayaz<br />

Culture de Cayönü ( )<br />

3 Il y a une exception à l’extrême fin de <strong>la</strong> Période 1 avec le site d’Hal<strong>la</strong>n Cemi qui a sans doute<br />

une société de type sédentaire et stockeur.<br />

4 Influence <strong>du</strong> Mureybétien sur <strong>la</strong> région d’Urfa.<br />

79


Notes : _ L’appel<strong>la</strong>tion culture de Cayönü pour les sites <strong>du</strong> Moyen-Euphrate<br />

syrien pour le PPNB moyen et récent peut surprendre. Il nous semble cependant, au vu<br />

<strong>des</strong> analyses précédentes, que les éléments culturels qui caractérisent cette période, tels<br />

que <strong>la</strong> pointe de Byblos et d’Amuq ainsi que <strong>la</strong> forte hausse de <strong>la</strong> présence d’obsidienne<br />

anatolienne <strong>dans</strong> ces sites, montrent que c’<strong>est</strong> bien <strong>la</strong> culture <strong>des</strong> Hautes Vallées (de<br />

Cayönü) qui prend un ton décisif quant à l’emprise culturelle régionale, même si,<br />

paradoxalement, les origines de celle-ci se trouvent en Syrie.<br />

_ Nous avons également décelé au cours de notre analyse de <strong>la</strong> dernière<br />

partie <strong>du</strong> PPNB que <strong>la</strong> structure sociale et économique de ces sociétés, sans s’effondrer,<br />

montrait de forts signes de changements, avec une possible disparition de l’élite (que<br />

montrent <strong>la</strong> disparition <strong>des</strong> bâtiments somptuaires et <strong>la</strong> démocratisation <strong>des</strong> matériaux de<br />

valeur comme l’obsidienne). Nous ne saurions ici décrire avec précision à quel type de<br />

structure sociétale nous avons affaire mais il s’agit toujours de communautés dom<strong>est</strong>iques<br />

agricoles sans stratification sociale très marquée : un communisme secondaire (en<br />

opposition avec le communisme primitif <strong>des</strong> chasseurs-cueilleurs noma<strong>des</strong> )<br />

80


VII<br />

-<br />

Conclusion<br />

81


La néolithisation <strong>est</strong> un phénomène très complexe qui <strong>est</strong> <strong>la</strong> transition d’un mode<br />

de société à un autre. <strong>Le</strong>s éléments de cette complexité sont <strong>la</strong> rapidité et <strong>la</strong> densité de<br />

tous les changements occasionnés qui forment un point de non-retour; il s’agit non<br />

seulement de modifications fondamentales <strong>du</strong> mode de vie et de <strong>la</strong> technologie, mais<br />

aussi <strong>du</strong> bouleversement <strong>des</strong> bases culturelles de <strong>la</strong> société. Au Proche-Orient, tout ce<strong>la</strong><br />

s’<strong>est</strong> passé en moins de quatre millénaires, c’<strong>est</strong>-à-dire très rapidement à l’échelle de<br />

l’histoire de l’humanité. Cette intensité, telle qu’elle <strong>est</strong> montrée <strong>dans</strong> l’invention et le<br />

développement de l’architecture, qui <strong>est</strong> r<strong>est</strong>ée d’ailleurs à <strong>la</strong> base de l’architecture<br />

traditionnelle de <strong>la</strong> région jusqu’à nos jours, n’a d’égale que celle pro<strong>du</strong>ite lors de <strong>la</strong><br />

formation de l’Etat ou de <strong>la</strong> révolution in<strong>du</strong>strielle. Ce changement constant <strong>est</strong> en partie<br />

dû à une attitude active de l’homme par rapport à <strong>la</strong> nature qui devient le <strong>la</strong>boratoire de<br />

nombreuses expérimentations, et dont les résultats sont rapidement propagés <strong>dans</strong><br />

l’ensemble <strong>du</strong> Croissant Fertile, ce qui dénote un système efficace d’interaction entre les<br />

différents groupes.<br />

A <strong>la</strong> lumière de tous ces éléments, voici le "modèle" que nous proposons pour <strong>la</strong><br />

néolithisation de l’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> et, de manière plus globale, <strong>du</strong> Proche-Orient:<br />

On peut tout d’abord discerner un mouvement géographique au fil <strong>des</strong> millénaires<br />

qui correspond finalement une phase progressive de mise en p<strong>la</strong>ce <strong>du</strong> phénomène<br />

néolithique. Nous n’entendons pas parler de "diffusion" à proprement parler, car ceci<br />

implique que le processus de néolithisation soit déjà épanoui et qu'il s'exporte tel quel<br />

<strong>dans</strong> les régions périphériques. C'<strong>est</strong> ce qui se passera pour l'Anatolie centrale,<br />

occidentale et ensuite pour l'Europe. Ici, tout le temps que <strong>du</strong>rera cette période, le modèle<br />

néolithique se met en p<strong>la</strong>ce avec ce que ce<strong>la</strong> comporte de temps d’expérimentation,<br />

d'innovations et de découvertes pour parvenir à un fully developped Neolithic stage.<br />

<strong>Le</strong> phénomène néolithique <strong>est</strong> inauguré par une période de sédentarisation et donc<br />

par <strong>la</strong> construction d'habitats fixes qui se sont d'abord installés en masse à <strong>la</strong> Période 1,<br />

surtout au <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> et plus particulièrement entre <strong>la</strong> Galilée et le Mont Carmel<br />

(Mal<strong>la</strong>ha) en Pal<strong>est</strong>ine. Ainsi que le montre l’At<strong>la</strong>s <strong>des</strong> sites <strong>du</strong> Proche-Orient (Hours et<br />

alii 1994), le Liban <strong>sud</strong> possède également de nombreux sites (Jiita, Saaidé, Beyrouth,<br />

Yabroud etc.), bien que cette région se dépeuple drastiquement aux pério<strong>des</strong> suivantes<br />

pour <strong>des</strong> raisons inconnues qui demandent une recherche approfondie (Yazbeck 2001 : 9-<br />

10). En même temps, <strong>dans</strong> le Zagros, un phénomène très comparable se pro<strong>du</strong>it (Zawi<br />

Chemi).<br />

82


Si l’on en croit les travaux ethnographiques dont nous avons parlé, cette<br />

sédentarisation serait le fruit de récoltes céréalières abondantes, de <strong>la</strong> pratique <strong>du</strong><br />

stockage et de <strong>la</strong> maîtrise <strong>des</strong> techniques de conservation <strong>des</strong> denrées. Ces innovations<br />

auraient fait naître les toutes premières inégalités et forment pour nous le premier pas de<br />

<strong>la</strong> néolithisation, dont le <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> et, <strong>dans</strong> une moindre mesure le Zagros, sont les<br />

centres novateurs.<br />

<strong>Le</strong> vide noté au <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> de <strong>la</strong> Turquie au Paléolithique supérieur et au<br />

Mésolithique, bien qu’il soit partiellement comblé à <strong>la</strong> fin de celui-ci, <strong>est</strong> un antécédent<br />

très étonnant à l’apparition si soudaine de sociétés néolithiques aussi sophistiquées aux<br />

pério<strong>des</strong> suivantes. Comme le note justement Ozdogan (1998 : 34 ; 1999b : 226), si une<br />

culture sophistiquée avait vu le jour en Anatolie au Paléolithique supérieur, elle aurait été<br />

découverte aujourd’hui. Un phénomène de dép<strong>la</strong>cement de popu<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong><br />

Mésolithique vers l’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> <strong>est</strong> donc inéluctable. Plusieurs hypothèses ont été<br />

é<strong>la</strong>borées quant à son origine : le <strong>sud</strong> avec le peuplement natoufien, l’<strong>est</strong> avec le Zagros<br />

et le Caucase, et même le nord de <strong>la</strong> région pontique (Ozdogan 1999b : 227). A <strong>la</strong> lumière<br />

<strong>des</strong> recherches de ces dernières années et <strong>des</strong> sites récemment fouillés tels que Biris<br />

Mezarligi et Hal<strong>la</strong>n Cemi, nous pouvons remarquer que l’in<strong>du</strong>strie lithique montre une<br />

appartenance, ou <strong>du</strong> moins un rapprochement <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions anatoliennes vers les<br />

groupes zarzien et caucasien, avec notamment une influence très marquée <strong>des</strong> sites de <strong>la</strong><br />

Djézireh tels que Nemrik. <strong>Le</strong>s cultures anatoliennes forment cependant une entité propre<br />

appelée trialétienne, caractérisée par leurs microlithes de gran<strong>des</strong> tailles. L’hypothèse de<br />

<strong>la</strong> diffusion levantine, qui a longtemps prévalue quant au peuplement de l’Anatolie, <strong>est</strong> à<br />

écarter. Mais attention, si <strong>la</strong> diffusion de popu<strong>la</strong>tion levantine n’a plus lieu d’être, ou à<br />

<strong>des</strong> effectifs r<strong>est</strong>reints, il en <strong>est</strong> autrement pour une diffusion culturelle, ce que nous<br />

avons démontré pour <strong>la</strong> période suivante.<br />

A <strong>la</strong> Période 2, le phénomène néolithisant s'<strong>est</strong> dép<strong>la</strong>cé <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant <strong>sud</strong> vers le<br />

nord-<strong>est</strong>, <strong>la</strong> région <strong>du</strong> Moyen-Euphrate syrien (Mureybet, Jerf el-Ahmar). Si un tel<br />

mouvement peut être décelé depuis le Zagros vers <strong>la</strong> Djézireh (Qermez Dere, Nemrik) au<br />

nord-ou<strong>est</strong>, l’influence de <strong>la</strong> Djézireh ne se fera désormais plus beaucoup sentir en<br />

Anatolie. Ce dép<strong>la</strong>cement <strong>est</strong> suivi de changements gra<strong>du</strong>els <strong>dans</strong> <strong>la</strong> technologie lithique<br />

fondée de plus en plus sur <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction <strong>la</strong>minaire, <strong>dans</strong> l’invention de l’architecture<br />

rectangu<strong>la</strong>ire, et d’un mode de subsistance marqué par l’adoption de l’agriculture prédom<strong>est</strong>ique.<br />

Ces deux nouvelles régions novatrices, le Moyen-Euphrate syrien et <strong>la</strong><br />

83


Djézireh, ne forment pas nécessairement une même unité culturelle, mais <strong>des</strong> échanges<br />

entre les deux sont bien documentés.<br />

En Anatolie, à cette période, Hal<strong>la</strong>n Cemi, Demirköy, Cayönü, et peut-être<br />

certains sites de <strong>la</strong> région d’Urfa montrent que l’élément caucasien per<strong>du</strong>re sans autre<br />

influence étrangère que l’échange de matières et d’objets précieux qui confirment <strong>la</strong><br />

progression re<strong>la</strong>tive de <strong>la</strong> stratification progressive de <strong>la</strong> société.<br />

La culture <strong>du</strong> Moyen-Euphrate n’<strong>est</strong> plus simplement une société de chasseurscueilleurs<br />

sédentaires, mais le mode de subsistance, <strong>la</strong> complexification de l’organisation<br />

<strong>des</strong> vil<strong>la</strong>ges et l’apparition d’un pouvoir de plus en plus unique et central (voir les<br />

bâtiments communautaires de Jerf el-Ahmar) montrent qu’il s’agit d’une phase de<br />

transition entre <strong>des</strong> chasseurs-cueilleurs stockeurs et <strong>des</strong> sociétés <strong>des</strong> communautés<br />

dom<strong>est</strong>iques agricoles.<br />

Enfin, à <strong>la</strong> Période 3, le mouvement de <strong>la</strong> néolithisation se dép<strong>la</strong>ce vers le nord,<br />

en Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>. Ce sont les peuples locaux qui vont, en l’adoptant, le porter à son<br />

épanouissement final, à un moment où le climat le permettait enfin. <strong>Le</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> anatolien<br />

hérite c<strong>la</strong>irement <strong>des</strong> avancées réalisées par les cultures <strong>du</strong> Mureybétien. Il faut prendre<br />

note qu’il ne s’agit pas d'une diffusion de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion levantine mais d’emprunts faits à<br />

celles-ci par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale, qui garde les traits de sa culture trialétienne locale<br />

même au contact <strong>des</strong> levantins jusque tard <strong>dans</strong> le PPNB, ainsi que le montre par exemple<br />

<strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction lithique à Cafer Höyük. <strong>Le</strong> rôle joué par les popu<strong>la</strong>tions locales <strong>dans</strong> de<br />

telles transformations <strong>est</strong> primordial et ne peut être sous-<strong>est</strong>imé car elles doivent déjà<br />

posséder les infrastructures nécessaires pour être capables d’en adopter de nouvelles<br />

(Renfrew 1975 : 34-5 ; Wattenberg 1998 : 7-9). Ce<strong>la</strong> se conforme aux sites anatoliens<br />

locaux qui connaissaient déjà à <strong>la</strong> Période 2 <strong>des</strong> non egalitarian , complex forms of socio<br />

economic patterns ainsi que le montre l’existence de bâtiments à fonction communautaire<br />

à Hal<strong>la</strong>n Cemi et à Cayönü Base (Ozdogan 1999b : 228).<br />

Ces avancées sont visibles en matière de technologie lithique avec l’adoption<br />

complète de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction <strong>la</strong>minaire, de l’architecture rectangu<strong>la</strong>ire mis au point sur le<br />

Moyen Euphrate syrien, notamment à Jerf el Ahmar (qui <strong>est</strong> constatée sans doute trop<br />

brutalement à Cayönü, qui passe directement <strong>des</strong> fosses circu<strong>la</strong>ires semi enterrées aux<br />

bâtiments en grill très complexes, pour être une innovation locale, surtout qu’elle <strong>est</strong> déjà<br />

présente à Dja’de à l’époque), et l’adoption <strong>des</strong> bâtiments<br />

spécifiques.<br />

84


Ces emprunts ne seront pas bouleversés <strong>dans</strong> leur concept, mais intensifiés à un<br />

degré important qui ne sera égalé (et <strong>la</strong>rgement dépassé) que plusieurs millénaires plus<br />

tard, lors de l’édification <strong>des</strong> premières sociétés étatiques. Cette intensification <strong>est</strong><br />

parfaitement à l’image <strong>des</strong> observations ethnographiques qui voient <strong>dans</strong> l’adoption de <strong>la</strong><br />

céréaliculture dom<strong>est</strong>ique, non pas un changement radical de <strong>la</strong> société mais une<br />

amplification <strong>des</strong> phénomènes nés <strong>des</strong> sociétés de chasseurs-cueilleurs sédentaires et<br />

stockeurs, notamment celui de l’inégalité. C’<strong>est</strong> principalement en ce<strong>la</strong> que <strong>la</strong> fameuse<br />

Révolution Néolithique de Gordon Childe a besoin, au moins à une échelle<br />

macroscopique, de sérieuses révisions.<br />

Cette amplification attribuée, comme nous avons essayé de le montrer, à <strong>la</strong> culture<br />

de Cayönü qui devient à partir <strong>du</strong> PPNB moyen le nouveau centre novateur, <strong>est</strong>, par<br />

exemple, celle de l’adoption <strong>du</strong> BAI c’<strong>est</strong>-à-dire, une pro<strong>du</strong>ction <strong>la</strong>minaire plus<br />

importante par <strong>la</strong> taille de ses pro<strong>du</strong>its, aidée par l’invention (locale ou venant <strong>du</strong><br />

Zagros) <strong>du</strong> débitage par pression et <strong>du</strong> nucléus bipo<strong>la</strong>ire naviforme, et remarquable par<br />

sa quantité ainsi que son aire de diffusion. L’uniformité <strong>est</strong> un signe très c<strong>la</strong>ir : <strong>du</strong> nord<br />

<strong>du</strong> Taurus au <strong>sud</strong> <strong>Le</strong>vant les pointes de Byblos et d’Amuq régneront avec une<br />

homogénéité sans égale. Il en va de même pour l’architecture dom<strong>est</strong>ique qui, <strong>dans</strong> son<br />

développement, malgré les changements de p<strong>la</strong>ns au cours <strong>des</strong> siècles et leur grande<br />

complexité, se retrouve chronologiquement de façon uniforme sur tous les sites<br />

anatoliens et au delà. C’<strong>est</strong> cependant l’architecture somptuaire qui recèle les exemples<br />

les plus remarquables de <strong>la</strong> démesure re<strong>la</strong>tive atteinte par cette culture. <strong>Le</strong>s nombreuses<br />

constructions monolithiques (juqu’à 4 mètres de haut) entièrement décorées de bas-reliefs<br />

ne <strong>la</strong>issent plus de doute quant à <strong>la</strong> présence de <strong>la</strong> stratification de <strong>la</strong> société, l’émergence<br />

d’une élite qui contrôle <strong>la</strong> vie spirituelle et économique de <strong>la</strong> communauté (Ozdogan<br />

1999b 228-231). Celle-ci se développe essentiellement grâce à cette dernière<br />

intensification importante : le mode de subsistance <strong>est</strong> maintenant fondé sur une<br />

agriculture entièrement dom<strong>est</strong>ique (qui apparaît <strong>dans</strong> <strong>la</strong> phase <strong>du</strong> p<strong>la</strong>n en cellule de<br />

Cayönü) et sur <strong>la</strong> dom<strong>est</strong>ication animale.<br />

Encore une fois, l’apparition de ces c<strong>la</strong>sses, de cette élite, n’atteint pas, et de loin,<br />

ne serait-ce qu’à cause de l’importance de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion impliquée, les sommets de <strong>la</strong><br />

stratification <strong>du</strong> quatrième millénaire mésopotamien. Il n’y a pas <strong>dans</strong> le néolithique<br />

anatolien de formation étatique. On doit cependant reconnaître qu’à cette époque, <strong>la</strong><br />

céréaliculture dom<strong>est</strong>ique a dû créer une surpro<strong>du</strong>ction qui a permis une semie<br />

85


spécialisation d’une partie de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ainsi qu’on le retrouve <strong>dans</strong> l’é<strong>la</strong>boration de<br />

l’architecture, <strong>la</strong> fabrication d’objets précieux, <strong>la</strong> maîtrise de <strong>la</strong> pyrotechnologie<br />

(terrazzo), le commerce à longue distance, l’uniformisation de <strong>la</strong> technologie, de<br />

l’artisanat et <strong>des</strong> armes etc. La possibilité d’un surtravail amène forcément l’exploitation<br />

<strong>du</strong> pro<strong>du</strong>cteur par un non pro<strong>du</strong>cteur, qui ici peut prendre une ampleur re<strong>la</strong>tivement<br />

importante : il s’agit de vil<strong>la</strong>ges de plusieurs centaines d’habitants et l’apparente<br />

abondance <strong>des</strong> ressources le montre. « Re<strong>la</strong>tivement » <strong>est</strong> bien le mot car sans pouvoir<br />

nier l’existence d’une élite qui contrôle les structures monumentales et en admettant qu’il<br />

ne s’agit pas là de sociétés étatiques, il <strong>est</strong> bien difficile d’identifier le degré de<br />

complexité auquel nous sommes confronté.<br />

Un autre aspect que nous avons découvert <strong>est</strong> celui <strong>du</strong> changement social qui<br />

semble se perpétrer en Anatolie <strong>du</strong>rant le PPNB récent. Celui-ci pourrait être confon<strong>du</strong><br />

avec l’effondrement de <strong>la</strong> culture de Cayönü, mais il faut bien distinguer les deux<br />

évènements. Il y a d’abord un arrêt brutal de <strong>la</strong> construction de bâtiments monumentaux<br />

ou somptuaires, une démocratisation de l’obtention de l’obsidienne <strong>dans</strong> l’ensemble <strong>du</strong><br />

Proche-Orient ainsi que l’abandon ou le fort rétrécissement de grands sites tels que<br />

Nevali Cori, Göbekli Tepe ou Cayönü. Cependant, ces popu<strong>la</strong>tions ne disparaissent pas et<br />

vont peupler de nouveaux sites perpétuant <strong>la</strong> culture de Cayönü, ainsi que <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion<br />

florissante de l’obsidienne l’illustre. Il <strong>est</strong> difficile de ne pas interpréter ces évènements<br />

comme l’effondrement d’un système social (Ozdogan 1999b : 232) et <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses<br />

dominantes pour donner un nouveau système qu’il n’<strong>est</strong> pas aisé de comprendre. Celui-ci<br />

sera à <strong>la</strong> base <strong>des</strong> sociétés néolithiques d’Anatolie centrale à <strong>la</strong> période suivante et qui ont<br />

un lien culturel indéniable avec les sociétés <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> ainsi que l’iconographie et le<br />

domaine <strong>du</strong> symbolique, visibles à Catal Höyük, le <strong>la</strong>issent entrevoir (For<strong>est</strong> 1993 : 32-3,<br />

37, 40).<br />

Enfin, on voit que le rôle <strong>des</strong> sociétés anatoliennes <strong>dans</strong> <strong>la</strong> néolithisation <strong>du</strong><br />

Proche-Orient a été celui de l’épanouissement final pour porter ce néolithique à un<br />

summum insoupçonné il y a encore quelques années. Si l’on peut maintenant réfuter<br />

l’idée de néolithisation secondaire de Cauvin concernant <strong>la</strong> néolithisation de l’Anatolie<br />

<strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong>, impliquant que le Moyen-Euphrate avait en quelque sorte inventé le<br />

Néolithique, on ne peut nier, comme nous avons essayé de le démontrer, que <strong>la</strong> culture de<br />

Cayönü a beaucoup emprunté à ses voisines et tout particulièrement au Mureybétien, sans<br />

oublier <strong>la</strong> région <strong>du</strong> Zagros. La néolithisation <strong>est</strong> avant tout un développement temporel,<br />

86


géographique et social. <strong>Le</strong> point de non-retour atteint par ces sociétés n’<strong>est</strong> pas<br />

simplement économique ; les bases de <strong>la</strong> stratification et de l’inégalité sociales sont<br />

jetées ; alors se pose <strong>la</strong> qu<strong>est</strong>ion qui en découle inévitablement : l’Etat mésopotamien<br />

prend-il ses racines à Cayönü <br />

87


Bibliographie<br />

Akkermans P.M.M.G.,<br />

1999 « Pre-Pottery Neolithic B Settlement Patterns Along the Balikh and the<br />

Euphrates – Fact or Fiction” In: Archaeology of the Upper Syrian<br />

Euphrates: the Tishrin Dam Area Proceedings, Olmo <strong>Le</strong>te G.d., Fenollos<br />

M. (eds), editorial AUSA, Barcelona: 523-531.<br />

Anderson P.C.,<br />

2000 La tracéologie comme révé<strong>la</strong>teur <strong>des</strong> débuts de l'agriculture. In : Premiers<br />

paysans <strong>du</strong> monde, Gui<strong>la</strong>ine J. (ed), editions Errance, Paris: 99-119.<br />

Aurenche O., Calley J.,<br />

1988 L’architecture de l’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong> au Néolithique Acéramique,<br />

Anatolica XV : 1-25.<br />

Aurenche O., Kozlowski SK.,<br />

1999 Naissance <strong>du</strong> Néolithique au Proche Orient, Editions Errance, Paris.<br />

2000 Préhistoire récente de <strong>la</strong> Mésopotamie. In : Premiers paysans <strong>du</strong> monde,<br />

Gui<strong>la</strong>ine J. (ed), editions Errance, Paris: 61-80.<br />

Balkan N.,<br />

1989 L’in<strong>du</strong>strie lithique de Boytepe (Turquie), Paléorient 15/1 : 87-90.<br />

Balkan-Atli N.,<br />

1994 La néolithisation de l’Anatolie, De Boccard, Paris.<br />

Balkan-Atli N., Binder D., Cauvin M.C.,<br />

1999 Obsidian: Sources, Workshops and Trade in Central Anatolia. In<br />

Neolithic in Turkey, Ozdögan, M., Basgelen N. (eds), Arkeoloji ve Sanat<br />

Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul: 133-146.<br />

Bar-Yosef O.,<br />

1981 The 'Pre Pottery Neolithic' Period in the Southern <strong>Le</strong>vant. In<br />

Préhistoire <strong>du</strong> <strong>Le</strong>vant, Editions <strong>du</strong> CNRS, Lyon: 555-568.<br />

1989 The PPNA in the <strong>Le</strong>vant - an Overview, Paléorient 15/1: 57-63.<br />

1992 The Neolithic Period. In Archaeology of Ancient Israel, A. Ben-Tor<br />

(ed.): 10-31.<br />

Benedict P.,<br />

1980 Survey Work in Southeastern Anatolia. In :Prehistoric research in<br />

Southern Anatolia, Cambel H.- Braidwood R.J. (eds), Istanbul Univ.<br />

Edebiyat Fakultesi pub. 2589: 151-191.<br />

Bicakci E.,<br />

1998 An Essay on the Chronology of the Pre-Pottery Neolithic Settlements of<br />

the East<br />

Taurus Region (Turkey). In : Light on top of the B<strong>la</strong>ck Hill,<br />

In Arsebuck G. et alii. (eds) Istanbul, Ege Yayin<strong>la</strong>ri, 257-266.<br />

88


Cauvin, J.,<br />

1989 La stratigraphie de Cafer Höyük <strong>est</strong> (Turquie) et les origines <strong>du</strong> PPNB <strong>du</strong><br />

Taurus, Paléorient 15/1 : 75-90.<br />

1997 Naissance <strong>des</strong> divinités, naissance de l'agriculture, Edition <strong>du</strong> CNRS,<br />

Paris.<br />

Cauvin J., Aurenche O., Cauvin, M.C., Balkan-Atli N.,<br />

1999 The Pre-Pottery Site of Cafer Höyük. In : Neolithic in Turkey,<br />

Ozdögan, M., Basgelen N. (eds), Arkeoloji ve Sanat Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul, :<br />

87-104.<br />

Cauvin J., Cauvin M.C., Anderson Gerfaud P., Helmer D.,<br />

1991 <strong>Le</strong>s travaux de 1986-8 sur le site précéramique de Cafer Höyük<br />

(Ma<strong>la</strong>tya-Turquie), De Anatolia Antiqua I: 4-10.<br />

Cauvin M.C.,<br />

1988 L’in<strong>du</strong>strie lithique en Turquie orientale au VIIe millénaire, Anatolica<br />

XV : 25-35.<br />

Coqueugniot E.,<br />

2000 Dja'de (Syrie), un vil<strong>la</strong>ge à <strong>la</strong> veille de <strong>la</strong> dom<strong>est</strong>ication (2nde moitié <strong>du</strong><br />

IXe Millénaire av. J-C). In : Premiers paysans <strong>du</strong> monde, Gui<strong>la</strong>ine J. (ed),<br />

Errance, Paris: 61-80.<br />

Esin U., Hamankaya S.,<br />

1999 Asikli. In : Neolithic in Turkey, Ozdögan, M., Basgelen N. (eds),<br />

Arkeoloji ve Sanat Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul: 115-133.<br />

Fagan B.M.,<br />

1994 In the<br />

Beginning, Harper Collins, New York.<br />

For<strong>est</strong> J.-D.,<br />

1996 <strong>Le</strong> PPNB de Cayönü et de Nevali Cori : pour une approche archéoethnologique<br />

de <strong>la</strong> néolithisation <strong>du</strong> Proche-Orient. Anatolia Antiqua IV: 1-31.<br />

1993 Catal Höyük et son décor: pour le déchiffrement d’un code<br />

symbolique, De Anatolica Antiqua II : 1-42.<br />

Gérard F.,<br />

1996 Etude de <strong>la</strong> structure d'un vil<strong>la</strong>ge Néolithique <strong>d'Anatolie</strong>. Mémoire de<br />

DEA, Université Paris 1- Panthéon Sorbonne.<br />

Gopher A.,<br />

1989 Neolithic Arrowheads of the <strong>Le</strong>vant : Results and Implications of a<br />

Seriation Analysis. Paléorient 15:1: 43-56.<br />

89


Hauptmann H.,<br />

1993 Ein Kultgebäude in Nevali Cori. In : Between the Rivers and Above the<br />

Mountains, Frangipane M., Hauptmann H., Liverani M., Matthiae P., Mellink<br />

M. (eds), Universita di Roma, Roma: 37-69.<br />

1999 The Urfa Region. In : Neolithic in Turkey, Ozdögan, M.,<br />

Basgelen N. (eds), Arkeoloji ve Sanat Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul, : 65-86.<br />

Hemer D., Roitel V., Sana M., Willcox G.,<br />

1998 <strong>Le</strong>s débuts de <strong>la</strong> dom<strong>est</strong>ication <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ntes et <strong>des</strong> animaux. In :Espace<br />

habité en Syrie <strong>du</strong> Nord (10ème-2ème millénaires av. J.-C.), Fortin M.,<br />

Aurenche O. (eds), the Canadian Society for Mesopotamian studies,<br />

Toronto: 9-33.<br />

Hillman G.,<br />

1996 Late Pleistocene Changes in Wild P<strong>la</strong>nt Food Avai<strong>la</strong>ble to Hunter-<br />

Gatherer of the Northern Fertile Crescent: Possible Prelu<strong>des</strong> to Cereal<br />

Cultivation. In : The Origins and Spread of Agriculture and Pastoralism<br />

in Eurasia, Harris D.R. (ed), London: 159-203.<br />

Hours F., Aurenche O., Cauvin J., Cauvin M.C., Cope<strong>la</strong>nd L., San<strong>la</strong>ville P.,<br />

1994 At<strong>la</strong>s <strong>des</strong> Sites <strong>du</strong> Proche Orient, de Boccard, Paris.<br />

Jurmain R., Nelson, H., Turnbaugh W.A.<br />

1990 Understanding Physical Anthropology and Archaeology, W<strong>est</strong><br />

Publishing Company, St Paul.<br />

Kozlowski S.K.,<br />

1989 Nemrik 9, a PPN Site in Northern Iraq, Paléorient 15/1: 25-31.<br />

Kozlowski, S. K., Szymczack K.,<br />

1989 Flint In<strong>du</strong>stry from the House 1:1A/1B at the PPN Site in Nemrick 9,<br />

Northern Iraq, Paléorient 15/1: 32-42.<br />

<strong>Le</strong>chevallier M., Philibert D., Ronene A., Samzun A.,<br />

1989 Une occupation khiamienne et sultanienne à Hatou<strong>la</strong> , Paléorient 15/1.<br />

Molist M., Faura J.M.,<br />

1999 Tell Halu<strong>la</strong>: un vil<strong>la</strong>ge <strong>des</strong> premiers agriculteurs-éléveurs <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vallée de<br />

l'Euphrate. In : Archaeology of the Upper Syrian Euphrates: the Tishrin<br />

Dam Area Proceedings, Olmo <strong>Le</strong>te G.d., Fenollos M. (eds), editorial<br />

AUSA, Barcelona: 27- 36.<br />

Molist M., Palomo T., Ferrer A.,<br />

1996 The evolution of the Tell Halu<strong>la</strong> (Syria) Chipped Stone In<strong>du</strong>stry During<br />

the 9-8th Millennia bp, Neo-Lithics 1: 5.<br />

Molist, M, Stordeur D.,<br />

1999 <strong>Le</strong> moyen Euphrate syrien et son rôle <strong>dans</strong> <strong>la</strong> néolithisation, spécificité et<br />

évolution <strong>des</strong> architectures. In : Archaeology of the Upper Syrian<br />

90


Euphrates: the Tishrin Dam Area Proceedings, Olmo <strong>Le</strong>te G.d., Fenollos<br />

M. (eds), editorial AUSA, Barcelona: 395-409.<br />

Moore, A.M.T.,<br />

1982 A Four-Stage Sequence for the <strong>Le</strong>vantine Neolithic, ca 8500-3750 BC,<br />

Bulletin of the American Schools of Oriental Research 246, : 1-34.<br />

Ozdogan, A.,<br />

1999 Cayönü. In : Neolithic in Turkey, Ozdögan, M., Basgelen N.(eds),<br />

Arkeoloji ve Sanat Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul: 35-63.<br />

Ozdogan, M.,<br />

1995 Neolithization of Europe: a View from Anatolia, Porocilo o raziskovanju<br />

paleolitika, neolitika in eneolitika v Sloveniji XXII,<br />

Ljubljana: 25-46.<br />

1997 The Beginning of Neolithic Economies in Southeastern Europe: an<br />

Anatolian Perspective, Journal of European Archaeology<br />

5.2: 1-33.<br />

1998 Anatolia from the Late G<strong>la</strong>cial Maximum to the Holocene Climatic<br />

Optimum:<br />

Cultural Formations and the Impact of the<br />

Environmental Setting, Paléorient 23/2: 25-38.<br />

1999a<br />

Preface. In : Neolithic in Turkey, Ozdögan, M., Basgelen N. (eds),<br />

Arkeoloji ve Sanat Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul: 10-12.<br />

1999b Concluding Remarks. In : Neolithic in Turkey, Ozdögan, M., Basgelen N.<br />

(eds), Arkeoloji ve Sanat Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul: 225-236.<br />

Ozdogan, M., Ozdogan A.,<br />

1989 Cayönü, a Conspectus of Recent Work, Paléorient 15/1 : 65-74.<br />

Renfrew, C.,<br />

1975 Trade as Action at a Distance. In : Ancient Civilization and Trade, Sabloff<br />

J. A., Lamberg-Karlovski C.C. (eds), School of American Research,<br />

Albuquerque: 3-59.<br />

Rollefson G.O.,<br />

1989 The Late Aceramic Neolithic of the <strong>Le</strong>vant: a Synthesis, Paléorient 15/1:<br />

168-173.<br />

Roodenberg J.,<br />

1989 Hayaz Höyük and the Final PPNB in the Taurus Foothills, Paléorient 15/1:<br />

91-101.<br />

Rosenberg, M.,<br />

1992 Hal<strong>la</strong>n Cemi excavations: 1991, Kazi Sonuç<strong>la</strong>ri Top<strong>la</strong>ntisi XIV: 117-130.<br />

1993 Hal<strong>la</strong>n Cemi excavations: 1992, Kazi Sonuç<strong>la</strong>ri Top<strong>la</strong>ntisi XV : 123-129.<br />

91


1995 Hal<strong>la</strong>n Cemi excavations: 1994, Kazi Sonuç<strong>la</strong>ri Top<strong>la</strong>ntisi XVII : 9-19.<br />

1999 Hal<strong>la</strong>n Cemi. In : Neolithic in Turkey, Ozdögan, M., Basgelen N. (eds.),<br />

Arkeoloji ve Sanat Yayin<strong>la</strong>ri, Istanbul : 25-34.<br />

Rosenberg M., Nesbitt R., Redding R.W., Peasnall B.L.,<br />

1998 Hal<strong>la</strong>n Cemi, Pig Husbandry, and Post-Pleistocene Adaptations along the<br />

Taurus- Zagros Arc (Turkey). Paléorient 24/1: 25-41.<br />

Rosenberg M., Peasnall B.L.,<br />

1998 A Report on Soundings at Demirköy Höyük: an Aceramic Neolithic Site in<br />

Eastern Anatolia, Anatolica XXIV: 195-209.<br />

Sahlins M.D.,<br />

1976 Âge de pierre, âge d’abondance, Paris : Gallimard.<br />

Schmidt K.,<br />

1988<br />

Cori: Zum Typenspektrum der Silexin<strong>du</strong>strie und der Übringen Kleinfunde,<br />

XV: 161-202.<br />

Nevali<br />

Anatolica<br />

1995 Inv<strong>est</strong>igation in the Upper Mesopotamian Neolithic : Göbekli Tepe and<br />

Gürcü Tepe, Neo-Lithics 2: 9-10.<br />

Sherratt A.,<br />

1997 Climatic Cycles and Behavioural Evolutions : the Emergence of modern<br />

Humans and the Beginning of Farming, Antiquity 71 :272.<br />

Stordeur D.,<br />

1998 Espace naturel, espace construit à Jerf el-Ahmar sur l’Euphrate. In :<br />

Espace habité en Syrie <strong>du</strong> Nord (10è-2è millénaires av. J.-C.), Fortin M.,<br />

Aurenche O. (eds), the Canadian Society for Mesopotamian Studies,<br />

Toronto: 93-107.<br />

2000 Jerf el-Ahmar et l'émergence <strong>du</strong> Néolithique au Proche Orient. In :<br />

Premiers paysans <strong>du</strong> monde, Gui<strong>la</strong>ine J. (ed), Errance, Paris: 33-60.<br />

Stordeur D., Brenet M., Der Aprahamian G., Roux J.-C.<br />

2001 <strong>Le</strong>s bâtiments communautaires de Jerf el Ahmar et Mureybet horizon<br />

PPNA (Syrie), Paléorient 26/1 : 29-44.<br />

T<strong>est</strong>art A.,<br />

92


1982 <strong>Le</strong>s chasseurs-cueilleurs ou l’origine <strong>des</strong> inégalités, Société<br />

d’ethnographie, Paris.<br />

1985 <strong>Le</strong> communisme primitif, Maison <strong>des</strong> sciences et de l’homme, Paris.<br />

Trigger B.,<br />

1989 A History of Archaeological Thought, Cambridge University Press,<br />

Cambridge.<br />

Val<strong>la</strong> F. R .,<br />

1988 En guise de synthèse : quelques qu<strong>est</strong>ions posées par l’Epipaléolithique<br />

levantin, Paléorient 14/1 : 316-320.<br />

2000 La sédentarisation au Proche-Orient. In : Premiers paysans <strong>du</strong> monde,<br />

Gui<strong>la</strong>ine J. (ed), Editions Errance, Paris: 13-30.<br />

Van Zeist, Bottema S.,<br />

1991 Late Quaternary Vegetation of the Near East, Reichert: Wiesbaden.<br />

Vigne J.-D.,<br />

2000 <strong>Le</strong>s débuts néolithiques de l’élevage <strong>des</strong> ongulés au Proche Orient et en<br />

Méditerranée. In : Premiers paysans <strong>du</strong> monde, Gui<strong>la</strong>ine J. (ed),<br />

Editions Errance, Paris: 141-168.<br />

Watkins T., Baird D., Betts A.,<br />

1989 Qermez Dere and the Early Aceramic Neolithic of N. Iraq, Paléorient<br />

15/1: 19-24.<br />

Wattenmaker, P.,<br />

1998 Household and State in Upper Mesopotamia, Smithsonian Institution<br />

Press,<br />

Washington.<br />

Willcox G.,<br />

2000 Nouvelles données sur l'origine de <strong>la</strong> dom<strong>est</strong>ication <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ntes au Proche<br />

Orient. In : Premiers paysans <strong>du</strong> monde, Gui<strong>la</strong>ine J. (ed),<br />

Editions Errance, Paris: 123-142.<br />

Yazbeck C.,<br />

2001 <strong>Le</strong> Liban <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Préhistoire, bi<strong>la</strong>n <strong>des</strong> acquis et perspectives d’avenir,<br />

Orient- Express 2001/2 : 8-10.<br />

93


Table <strong>des</strong> Matières<br />

<strong>Le</strong> rôle <strong>des</strong> sociétés d’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong><br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> néolithisation<br />

<strong>du</strong> Proche-Orient<br />

Avant-Propos<br />

I- Intro<strong>du</strong>ction<br />

Sur le problème de représentativité<br />

II- Cadre spatio-temporel<br />

Environnement<br />

Périodisation<br />

III- L'in<strong>du</strong>strie lithique<br />

I- Typologie<br />

A- <strong>Le</strong> <strong>Le</strong>vant<br />

B- <strong>Le</strong> Zagros<br />

C- <strong>Le</strong>s Hautes Vallées<br />

II- Période 1 et 2<br />

A- <strong>Le</strong> <strong>Le</strong>vant<br />

B- <strong>Le</strong> Zagros<br />

C- <strong>Le</strong>s Hautes Vallées<br />

D- <strong>Le</strong>s échanges interrégionaux<br />

III- Période 3<br />

A- <strong>Le</strong> <strong>Le</strong>vant<br />

B- <strong>Le</strong> Zagros<br />

C- <strong>Le</strong>s Hautes Vallées<br />

D- <strong>Le</strong> échanges interrégionaux<br />

E- Synthèse<br />

IV- Conclusion<br />

IV- L'architecture<br />

I- Période 1<br />

II- Période 2<br />

A-<strong>Le</strong> Proche-Orient<br />

B- <strong>la</strong> Djézireh<br />

C- l'Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong><br />

III- Période 3<br />

A- <strong>Le</strong> Proche-Orient<br />

94


B- l'Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong><br />

IV- les Bâtiments somptuaires<br />

V- Synthèse générale<br />

V- Mode de subsistance<br />

I- L’agriculture pré-dom<strong>est</strong>ique<br />

II- <strong>Le</strong>s origines de l’apparition de l’agriculture<br />

III- L'agriculture dom<strong>est</strong>ique<br />

IV- Données ethnologiques et répercussions sociologiques<br />

V- <strong>Le</strong> cas de l’élevage<br />

VI- Synthèse<br />

VI- Structures sociales et affiliations culturelles<br />

I- Période 1<br />

II- Période 2<br />

III- Période 3<br />

IV- L’effondrement de <strong>la</strong> culture de Cayönü<br />

VII- Conclusion<br />

Bibliographie<br />

Volume II : Index <strong>des</strong> figures<br />

95


UNIVERSITE DE PARIS I – PANTHEON SORBONNE<br />

Mémoire en vue de l’obtention <strong>du</strong> D.E.A.<br />

d’archéologie <strong>du</strong> Proche-Orient<br />

<strong>Le</strong> rôle<br />

<strong>des</strong> sociétés<br />

d’Anatolie <strong>du</strong> <strong>sud</strong>-<strong>est</strong><br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> néolithisation <strong>du</strong> Proche-Orient<br />

Volume II : Figures<br />

Par Cédric Bodet<br />

Sous <strong>la</strong> direction <strong>du</strong> professeur Jean-Daniel For<strong>est</strong>.<br />

Juin 2001<br />

96


100


101

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!