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Table des matières<br />
Introduction................................................................................................................................................................ 2<br />
Chapitre I: Trait distinctif du développement urbain d'Istanbul: apparition des<br />
cités privées................................................................................................................................................................ 4<br />
I.1. Évolution des conditions de vie des élites stanbuliotes depuis les dernières décennies.........4<br />
I.1.1.Promiscuité lié avec l'exode rural.............................................................................................. 4<br />
I.1.2.Développement de la ville et son impact sur la qualité d’habitat.....................................4<br />
I.1.2.1. Le boom automobile ................................................................................................ 4<br />
I.1.2.2.La pollution : air, eau................................................................................................ 5<br />
I.2.Naissance de la demande sur le marché immobilier........................................................................ 5<br />
I.3. Moyens et références culturelles utilisés dans la publicité..........................................................6<br />
I.3.1. Diabolisation du milieu urbain................................................................................................. 6<br />
I.1.3.1. Exemple : publicité binaire de cité Ay-tek .......................................................6<br />
I.1.3.2. Création du risque : discours sécuritaire.............................................................7<br />
I.3.2. Valorisation symbolique de l'espace suburbaine................................................................... 8<br />
I.3.2.1.Image spécifique de la nature................................................................................. 8<br />
I.3.2.2.Image spécifique du voisinage...............................................................................9<br />
I.3.3. Nouvelle identité à travers l'espace............................................................................................9<br />
Chapitre II: La mémoire collective, l'inconscient collectif, le rêve commun...................11<br />
I.1.Maison, rue, ville: famille, voisinage, entité urbaine...................................................................... 11<br />
I.1.1. La maison turque, abri pour la culture traditionnelle............................................................12<br />
I.1.2. La rue, le voisinage........................................................................................................................ 12<br />
I.1.3. Istanbul, ville idéale.......................................................................................................................13<br />
I.2.Gated communities – la fuite dans le rêve.........................................................................................14<br />
I.2.1. Le discours textuel.........................................................................................................................14<br />
I.2.1.1. Noms.......................................................................................................................... 15<br />
I.2.1.2. « Faux » entretiens.................................................................................................15<br />
I.2.2. Le non-dit des images. Les formes traditionnelles sans contenu........................................15<br />
Chapitre III: Enquête..........................................................................................................................................16<br />
I. Méthodologie et présentation du terrain...............................................................................................16<br />
II. Entretiens et observations: analyse........................................................................................................16<br />
I.1. Kemercountry......................................................................................................................................16<br />
II.1.Tarabya Üstü.......................................................................................................................................20<br />
Conclusion................................................................................................................................................................. 23<br />
Bibliographie............................................................................................................................................................ 25<br />
Annexe<br />
1
Introduction<br />
Au long des dernières décennies la ville d’Istanbul a connu une vague gigantesque de<br />
croissance urbaine : si pour les couches pauvres cela s’est traduit par ce phénomène si typique des<br />
gecekondu (ces quartiers précaires « construits pendant une nuit », comme l’exprime le mot turque),<br />
les stanbuliotes riches ont caractérisé leurs nouveaux quartiers par un autre phénomène : leur<br />
isolement du reste de la ville dans des communautés fermés et fortement surveillés. Certes, ces<br />
« gated communities » ne sont pas une invention turque, mais leur densité dans les nouveaux<br />
quartiers d’Istanbul devient un signe distinctif du développement urbain de cette ville.<br />
Ces conditions de forte croissance urbain e créent un milieu favorable pour tout genre de<br />
spéculation sur l’immobilier, et attirent des investissements considérables. Ces investissements sont<br />
bien entendu dirigés surtout aux bâtiments haut standard, visant à attirer l’attention d’une clientèle<br />
économiquement aisée : de sommes exorbitantes d’argent investies qui cherchent à obtenir des profits<br />
proportionnels pour les entrepreneurs qui s’en chargent.<br />
La folie constructrice a abouti à une situation dans laquelle l’offre de ce type de logement de<br />
haut niveau est assez supérieure à la demande spontanée. Des logements vides attendent souvent pour<br />
longtemps leurs habitants. Les entrepreneurs se sont vus obligés à attirer les clients vers l’achat de<br />
leurs produits au moyen de campagnes de publicité insistantes. Ce type de publicité est devenue une<br />
partie indispensable de la stratégie de ces entrepreneurs, parallèle à la construction proprement dite :<br />
elle a pris en outre des allures très caractéristiques.<br />
C’est cette publicité que nous essayerons d’analyser dans un premier temps, avec le but de<br />
retrouver un hypothétique trait commun : il s’agirait de la référence à une conception archétypique<br />
d’un « Istanbul idéal » fonctionnant dans l’imaginaire collectif des stanbuliotes. Cette conception se<br />
base notamment sur le passé, sur l’idée de l’ancienne grandeur d’Istanbul, liée à la vieille puissance<br />
politique de l’Empire Ottoman : « Istanbul idéal » serait ainsi la ville telle qu’elle est supposée d’être<br />
avant le grand exode rural et la violente explosion urbaine consécutive. Mais la publicité, tout en<br />
gardant les références au passé idéalisé, doit fusionner en même temps l’inévitable fascination envers<br />
le monde occidental, si fortement présente dans la mentalité turque contemporaine. Le nouveau mythe<br />
présenté dans la publicité intègre ainsi ce mélange d’historicité et contemporanéité. Nous allons<br />
laisser de côté les éléments occidentalisants du nouveau mythe, pour nous attacher à déchiffrer ces<br />
références au passé idéalisé de la mégapole.<br />
En effet, dans la presque totalité des matériaux publicitaires destinés à promouvoir l’achat de<br />
ces logements on constate la présence d’éléments symboliques liés à cette conception mythique de la<br />
ville, avec le but de les utiliser pour augmenter l’efficacité de la campagne publicitaire. La publicité<br />
ne crée pas elle-même ce mythe, présent préalablement dans l’imaginaire collectif, mais elle le<br />
reprend, le renforce et l’utilise pour des buts lucratifs : il s’agit de déplacer le désir de l’objet<br />
mythique vers le produit qu’on offre, en occurrence les logements haut standard.<br />
Notre hypothèse est la suivante : ces logements sont achetés en grande partie pour des raisons<br />
purement symboliques, liées avec le mythe que la publicité a véhiculé. Ce que les clients achètent, de<br />
façon inconsciente, c’est enfin la promesse de réaliser ce mythe nostalgique. Pourtant, ce qu’ils<br />
trouvent dans leurs nouveaux logements est loin de ce qu’ils rêvaient sans se rendre compte : les<br />
caméras de surveillance, les grillages, l’ambiance de sécurisation poussée à l’extrême –toute cette<br />
réalité confronte l’idée mythique qui avait motivé l’achat. Il s’ensuit un certain sentiment de manque,<br />
d’insatisfaction ; mais ce sont des sensations floues, refoulées dans l’inconscient, aussi peu concrètes<br />
que l’était le rêve diffusé par la publicité.<br />
2
Notre étude visera enfin trois éléments complémentaires : d’une part, cibler les références s<br />
symboliques qui sont à la base de l’image vendue dans la publicité et qui engendrent un désir d’achat<br />
chez les individus ; d’autre part, analyser comment ces individus se heurtent à une réalité qui souvent<br />
contredit ces rêves motivés et inconscients. L’étude des références symboliques se déroulera donc sur<br />
deux pistes : l’analyse des matériaux publicitaires et l’étude des théories existantes sur le mythe<br />
urbain stanbuliote. La troisième partie se basera sur une enquête qualitative auprès des individus<br />
concernés.<br />
3
Chapitre I: Trait distinctif du développement urbain d'Istanbul:<br />
apparition des cités privées<br />
I.1. Évolution des conditions de vie des élites stanbuliotes depuis les dernières<br />
décennies<br />
I.1.1. Promiscuité lié avec l'exode rural<br />
Depuis l'après-guerre (les années 1950), les grandes villes de la Turquie, et spécialement Istanbul, ont<br />
connu un très important flux migratoire de la population rurale. La cause principale de cet exode rural<br />
était une mécanisation de la campagne, surtout l'introduction des machines agricoles venues des États-<br />
Unis dans le cadre de plan Marshall, dont la Turquie était bénéficiaire. Cette mécanisation a, certes,<br />
augmenté l'effet de la production agricole, mais au même temps a ôté l'emploi à des milliers de gens,<br />
dont la main d'oeuvre a perdu sa valeur contre l'efficacité des machines. Cette partie de la population,<br />
en majorité masculine, a entrepris donc la recherche d'emploi, en se dirigeant vers les métropoles.<br />
(voir: Annexe, figure 1)<br />
Ce mouvement à grande échelle a débouché à la création de nouvelles communautés citadines. Un<br />
exemple d'évènement migratoire spécifique pour la Turquie sont les associations du pays (hemşehri<br />
denekleri), qui jouent un rôle très important dans le paysage sociopolitique de la Turquie, et qui ont<br />
par ailleurs connu un fort accroissement dans les années 1990. Dans la ville même, le mouvement<br />
migratoire provoque aussi certaines transformations dans l’espace et dans la vie quotidienne – comme<br />
l'apparition des bâtiments illégaux nommés gecekondu (bidonvilles) 1 » construits pendant la nuit, car,<br />
en théorie, le bâtiment achevé avant le lever du jour ne pouvait pas être démoli.<br />
On peut considérer les bidonvilles en tant qu'une région de passage, dans le sens d'analyse d'École de<br />
Chicago. De ce fait, la liaison fortement présente dans la conscience collective entre les hemşehri et<br />
l'apparition des gecekondu, fait partie plutôt du mythe urbain que de réalité de la ville: hemşehri<br />
tendent plutôt vers l'installation stable et intégration dans la structure de la ville, autant au niveau<br />
social que géographique – on observe d'ailleurs la répartition géographique stable des associations<br />
régionales sur la carte d'Istanbul 2 . (voir: Annexe, figure 2)<br />
À cette époque-là, la population urbaine d'Istanbul a augmenté brusquement. Une des conséquences<br />
sociales de cet accroissement était le promiscuité naissant entre les vieux habitants de la ville (les<br />
« vrais » citadins), et les nouveaux-arrivants d'origine sociale beaucoup plus modeste - promiscuité<br />
spécialement choquant pour les représentants des élites économiques et intellectuelles.<br />
I.1.2. Développement de la ville et son impact sur la qualité d’habitat<br />
L'augmentation de la population a été accompagnée par le développement de la ville, autant par<br />
l'accroissement de son espace que par l'industrialisation (alimentée par la main d'oeuvre de<br />
provenance rurale, dont l'immigration vers la ville était d'ailleurs, par périodes, encouragée<br />
vivement par le gouvernement). L'autre vague de cet accroissement a commencé aux années 1990 et<br />
continue toujours, chargée du poids des divers effets secondaires: le taux important de la pollution de<br />
l'air et de l'eau,les problèmes constants de la circulation résultant de la rencontre du réseau du<br />
transport public inefficace avec l'augmentation rapide du nombre des voitures privées , le sentiment<br />
croissant d'insécurité.<br />
I.1.2.1. Le boom automobile<br />
Depuis les années 1980, les villes turques connaissent le boom automobile, lié, en<br />
1 littéralement: « tombé pendant la nuit »<br />
2 d'après: Jeanne Hersant, Alexandre Toumarkine: Les associations de pays en Turquie<br />
4
conséquence de la politique de l'économie libérale, avec l'installation des usines<br />
automobilières en Turquie. Les filières des entreprises occidentales se sont installées sur le<br />
territoire du pays, en rentrant en contact avec le capital économique et en créant une<br />
nouvelle groupe des embauchés et des consommateurs. Dans la seule période de 13 dernières<br />
années, le nombre de véhicules a presque triplé: en 1992, à Istanbul on comptait 4.584.717<br />
véhicules circulant dans la ville (transport public inclus), dont 2.181.388 véhicules d'usage<br />
privée, alors qu'en 2005 on en compte 11.052.251 véhicules, dont 5.730.320 privés.<br />
(voir: Annexe, figure 3)<br />
I.1.2.2.La pollution : air, eau<br />
La pollution de la ville constitue visiblement l'objet de souci des pouvoirs municipales<br />
d'Istanbul. Le site web officiel de la municipalité 3 renseigne sur les programmes de l'épuration<br />
d'eau du Bosphore, avec le succès considèrable qui est l'existance, depuis 2005, des 29 plages<br />
au sein de la ville, où l'on peut profiter du bain dans l'eau du Bosphore (Tuzla, Pendik,<br />
Maltepe, Bostancı, Suadiye, Caddebostan, Çiftehavuzlar, Fenerbahçe, Moda, Haydarpaşa,<br />
Harem, Üsküdar, Kuzguncuk ve Nakkaşbaba, Avrupa yakasında da Büyükçekmece, Florya,<br />
Surdibi, Ahırkapı, Galata, Karaköy, Salıpazarı, Ortaköy, Dolmabahçe, Beşiktaş, Fındıklı,<br />
Kuruçeşme, Arnavutköy, Bebek, Adalar...) 4 La municipalité présente aussi des informations<br />
sur la polution de l'air, qui, depuis la mise en usage commun du gaz naturel, a connu une<br />
considérable amélioration. (voir: Annexe, figure 4 et 5)<br />
I.2. Naissance de la demande sur le marché immobilier<br />
Parallèlement au développement urbain intensif des villes, sous la politique d'économie libérale de<br />
Turgut Özal, sont nés en Turquie des élites économiques au niveau pas connu avant. Ces élites,<br />
fortement et volontairement occidentalisées, démontraient l'aspiration au style de vie - entre autres ,<br />
aux normes d'habitat - appropriées symboliquement à la civilisation occidentale, très valorisée en<br />
Turquie - surtout depuis la politique occidentalisante de Mustafa Kemal Atatürk à partir des années<br />
1920. Ces élites vont formuler la demande sur le marché immobilier stambuliote: créer les cités qui<br />
joueraient à la fois le rôle isolant du voisinage non voulu et le rôle élevant le style de vie de leurs<br />
habitants au niveau occidental.<br />
Il est important de remarquer que historiquement, la construction de bâti de luxe destiné au élites<br />
citadines n'est pas née avec les élites de Özal. Ce bâti a déjà son histoire: déjà au début du siècle, les<br />
bourgeois de Beyoglu fuiraient la ville vers le rive asiatique, en construisant les yali (résidences<br />
balnéaires). Ces résidences de villégiature, esthétiquement provenant de la culture ottomane, ont leur<br />
place dans le mémoire collectif et, à la différence des autres souvenirs du passé ottoman<br />
généralement« refoulé », y sont entourées d'une nostalgie et valorisées esthétiquement. Ils vont jouer<br />
un rôle important dans la création du mythe urbain, dont le concept nous allons expliquer dans la suite<br />
de notre travail.<br />
Au cours du siècle, le bâti construit à la demande des élites financières change du caractère et connaît<br />
un développement brusque dans les années 1990, pour se maintenir au niveau haut jusqu'à<br />
aujourd'hui. Les besoins des clients contemporains (les richissimes commerçants du textile, les<br />
propriétaires des banques, les politiciens...) dérivent de celles de leurs ancêtres. D'abord, il s'agit de<br />
poser une frontière symbolique (s'exprimant de la façon très explicite par une barrière physique) entre<br />
les habitants de la cité et le voisinage non désiré. Ensuite, fuir le chaos de la mégapole et s'installer<br />
dans un endroit calme, propre et vert. Enfin,s'approprier une nouvelle, « moderne » identité culturelle.<br />
3 www.ibb.gov.tr<br />
4 D'après “Radikal”, 31.05.2005<br />
5
I.3. Moyens et références culturelles utilisés dans la publicité<br />
La branche immobilière concernant les logements de luxe, et surtout les cités privés, est ainsi très<br />
présente à Istanbul. Au même temps, ce secteur d'immobilier a connu, paraît il, son apogée et sa<br />
saturation, en débouchant au stade dans lequel l'offre excède la demande. Une partie importante des<br />
appartements et villas déjà construites avec des immenses investissements financières, reste<br />
inoccupée, et les propriétaires et les agents immobiliers connaissent des difficultés pour vendre ce<br />
type de logements. Effectivement, les prix d'achat et du loyer restent au niveau très élevé, ce qui<br />
restreint forcément le groupe des clients potentiels. (voir: Annexe, figure 6 et 7) La vente de ce<br />
produit nécessite donc d'être soutenue par des campagnes publicitaires bien préparées et disposant<br />
d'arguments suffisamment convaincants pour inciter les clients à investir dans ce type d'immobilier.<br />
J.F. Pérouse dans son analyse parle de l'influence de ces entreprises de publicité sur l'aspect culturel:<br />
d'après lui, « les sociétés qui construisent et commercialisent les logements (...) en même temps<br />
produisent, diffusent, infusent et vulgarisent de nouvelles valeurs, de nouveaux modes de vie et de<br />
consommation » 5 . Dans notre analyse, nous allons suivre cette piste et tenter d'y ajouter les<br />
observations complémentaires.<br />
I.3.1. Diabolisation du milieu urbain<br />
Pour augmenter l’efficacité de la vente, les auteurs de la publicité des cités suburbaines se servent<br />
massivement du discours anti-urbain. La valorisation symbolique de l’espace suburbain se fait ainsi<br />
par contraste à l’espace urbain de la mégapole, volontairement diabolisée (pour reprendre le terme de<br />
J.F. Pérouse). Par différents moyens on souligne la mauvaise qualité de la vie en ville.<br />
I.1.3.1. Exemple : publicité binaire de cité Ay-tek<br />
Dans la publicité des cités privées, on retrouve souvent des traces de l’image de la grande<br />
ville comme un endroit impossible à vivre de la façon seine et satisfaisante. Souvent, la<br />
publicité n’utilise pas la parole, mais agit par l’image. Un exemple le plus explicite que nous<br />
avons rencontré dans notre recherche 6 , est une affiche publicitaire de la cité Ay-tek (Göktürk –<br />
Ay-tek Evleri). (voir: Annexe, figure 8)<br />
Déjà dans le choix du nom de la cité, on retrouve la référence à cette fascination par la<br />
technologie moderne qui fait parti, dans l’imaginaire collectif, du style de vie occidental tant<br />
désiré à approprier (jeu de mots avec high-tech). L’image est divisé horizontalement en deux<br />
parties : la partie supérieure, un dessin en noir et blanc, représente une image d’Istanbul telle<br />
qu’elle est censé d’être aujourd’hui. La lecture attentive de cette image permet de retrouver de<br />
nombreux éléments du discours anti-urbain : l’air visiblement pollué, l’accident du bateau sur<br />
le Bosphore, les bâtiments fissurés exposés au risque de tremblement de terre, un personnage<br />
au bord de l’eau insinuant l’intention du suicide, le bâti dégradé, la circulation chaotique et<br />
pratiquement immobilisée par le trafic. De plus, la seule façon de dessiner, avec des lignes<br />
fébriles et courbées, donne la sensation d’instabilité : même le pont du Bosphore, en réalité<br />
une construction technique moderne tout à fait digne de ce nom, a l’air d’aller s’écrouler dans<br />
un instant. Cette image catastrophique est superposée à cette de la cité en question, représenté<br />
en jolies couleurs pastel, sous le soleil, avec un fragment visible du court de tennis et de la<br />
piscine, avec la présence d'un enfant et d’un couple se promenant tranquillement à l’ombre de<br />
nombreux arbres.<br />
I.1.3.2. Création du risque : discours sécuritaire.<br />
Dans son article, Jean-François Perouse appelle le discours publicitaire « la fabrique du<br />
5 Pérouse Jean-François, Istanbul et les migrations internes turques<br />
6 Perouse Jean-François, Les formes de la sécurité dans discours publicitaire des cités privées : le cas d’Istanbul<br />
6
isque » 7 . En effet, l’argument qui se répéte sans cesse dans le discours publicitaire des cités<br />
privées, est celui de la sécurisation de ces lieux contre les différents risques, en partie réels,<br />
mais en grande partie crées artificiellement.<br />
Selon ce discours, un stanbuliote habitant le centre-ville serait constamment exposé à toute<br />
une série de risques urbains. Une partie importante de ces risques serait causé par la présence<br />
du « mauvais voisinage ». Ce sont les risques menaçant la vie ou la santé (agression physique<br />
ou verbale), les biens (cambriolage) ou le bien-être (voisins bruyants). On peut faire référence<br />
ici au discours concernant la situation en France, ou un autre exemple des Etats-Unis. 8 Le<br />
discours sécuritaire dans ces pays-là se réfère surtout au risque du « mauvais voisinage »,<br />
c’est-à-dire promiscuité avec toute la partie de la population immigrée, dont le signe distinctif<br />
serait la pauvreté engendrant l’agressivité, et la hostilité surtout envers les groupes sociaux<br />
aisées. La solution immédiate suggérée pour éviter ce danger serait d’acquérir un logement<br />
dans un endroit ou l’accès est strictement limité. Le désir d’homogénéité sociale serait ainsi<br />
une réponse pour le prétendu danger causé par la promiscuité.<br />
Dans le cas stanbuliote, cette séparation sociale est très visible, notamment sous l'exemple des<br />
« gated communities », dont les portes sont impossibles à franchir, et même à s'approcher aux<br />
gens de l'extérieur. (voir: Annexe, figure 9)Mais cette idée de séparation se traduit aussi dans<br />
la spécificité du tissu urbain stanbuliote : les différents quartiers, même si très proches<br />
géographiquement, regroupent les individus sans aucune tendance de se mélanger ni même de<br />
tenter de pénetrer dans le territoire de « l’Autre ». Ces frontières dépendent d’ailleurs de<br />
beaucoup plus de variables que le seul capital économique. Il est, par exemple, inimaginable<br />
de voir une touriste en débardeur et minijupe se promener dans le quartier dit intégriste de<br />
Fatih, alors que cette même touriste passera inaperçue dans la rue Istiklal Caddesi du quartier<br />
« européen » de Beyoğlu. Il existent ainsi certaines cités privées dans lesquelles la sélection<br />
des habitants se passe selon les critères non seulement économiques mais aussi culturelles,<br />
notamment s'il s'agit d'appartenance religieuse – comme c'est le cas des cités privées<br />
islamiques (Erzurum sitesi) 9 .<br />
Une autre groupe de risques font ceux liés avec l’environnement urbain, indirectement causés<br />
aussi par la présence humaine, par le moyen d’industrialisation. Dans le discours sécuritaire<br />
turc apparaissent, en plus, les motifs issus de la spécificité du pays, comme le risque sismique<br />
ou le risque lié avec l'hypothétique catastrophe du tanker ou de méthanier sur le Bosphore.<br />
Nous allons donner deux exemples de discours sécuritaire présent dans la publicité de cité<br />
Arcakent à travers des images et des slogans.<br />
réponse au risque sismique (voir: Annexe, figure 10)<br />
L'affiche pleine page représente un bout de rocher faisant référence au risque<br />
sismique. Les slogans dispersés sur la page autour du rocher se référent à la sécurité<br />
générale, dans sons spécifique du con<strong>texte</strong> de cité privé: «mur de sécurité autour de la<br />
cité », « équipe d'agents de sécurité présente 24 heures », « centrale d'alarme » etc,<br />
entre autres à la sécurité envers le risque sismique: « le plus fort support à Istanbul ».<br />
réponse au risque de cambriolage et d’agression (voir: Annexe, figure 11)<br />
La page issue de la brochure représente des photos et des descriptions techniques des<br />
dispositifs de protection et de surveillance, qui sont censées de protéger les habitants<br />
contre l'intrusion de toute sorte. La variabilité de l'offre témoigne encore une fois la<br />
fascination de haute technologie, faisant symboliquement partie du style de vie<br />
occidental.<br />
7 ibidem<br />
8 On peut évoquer, comme l'exemple, les travaux de L. Wacquant.<br />
9 Cette volonté de s’isoler semble pouvoir mener, comme a été démontré dans le cas américain et français, aux<br />
actions séparatistes et à l’hostilité réciproque des groupes sociaux qui, en évitant la rencontre, ne parviendront<br />
jamais à se comprendre.<br />
7
I.3.2. Valorisation symbolique de l'espace suburbaine<br />
I.3.2.1. Image spécifique de la nature<br />
Les zones de haute valeur foncière à Istanbul sont surtout des littoraux, les zones disposant de<br />
la vue sur le Bosphore ou de la proximité des espaces vertes.<br />
(voir: Annexe, figure 12)<br />
Le seul choix du nom pour une cité prouve que le vendeur vise à attirer l’attention de son<br />
client potentiel par la liaison symbolique de la cité avec la nature. On peut multiplier des<br />
exemples: Bogaziçi Park Evleri, Marin City, Camkonaklar (« les résidences des pins »),<br />
Lâlezar Konutlari (« logements de la tuliperie »), Park Villalari ou Koru Evler (« maisons de<br />
la forêt ») 10 . Un autre exemple peut être un très nombreux groupe de cités dont le mot ‘tepe’<br />
(colline) fait parti du nom ; on en compte au moins 30 sur les 660 quartiers administratifs<br />
d’Istanbul. (voir: Annexe, figure 13)<br />
Une partie des noms croise le but du rapprochement à la nature avec la fascination de<br />
l’occident, se traduisant ici par l’usage de la langue anglaise. Exemples : Sunset City,<br />
Altinorak Sunflower, Mountains Lodges, Aqua City, Green Park Konaklari, Sun City. Même<br />
le Paradise City porte la suggestion d’être plongé dans la nature, par sa référence au Jardin du<br />
Paradis.<br />
Il faut souligner ici que l’image de la nature diffusé dans le discours publicitaire est très<br />
spécifique, on ne peut pas comprendre le mot « nature » selon sa définition officielle dans la<br />
langue française ou turque (« le monde physique », « ce qui, dans l’univers, se produit<br />
spontanément, sans l’intervention de l’homme »). 11 On peut dire plutôt que tout ce qui<br />
concerne la « nature » dans son sens urbain, contredit cette définition.<br />
Malgré tous les discours pro-naturels et la présence de l’architecture d’environnement dans la<br />
ville, on ne peut pas nier que la ville, par définition, est « un produit d’intervention humaine<br />
dans l’espace naturel ». Surtout « le modèle d’habiter des sociétés industrielles et postindustrielles<br />
repose sur la réduction, le recouvrement, l’effacement de la nature ». « Le plan<br />
urbain est une géographie mise a plat, plutôt qu’un espace naturel. La géographie spatialiste<br />
n’analyse pas la ville comme un milieu ». La nature dont les habitants des cités souhaiteraient<br />
être entourés, ne se produit donc dans aucun cas spontanément et est, si pas entièrement<br />
produit de l’intervention humaine, alors au moins complètement « apprivoisée », contrôlée et<br />
esthétisée. « Il semble que dans l’espace urbain (…) le naturel n’a d’existence naturelle que<br />
s’il est désiré, identifié, contrôlé, s’il est un naturel produit » 12 . Comme exemple, on peut<br />
donner l'arrangement paysagiste de la cité Kemerburgaz: les lacs, les étangs, les cascades<br />
artificielles et un énorme champ de golf. (voir: Annexe, figure 14)<br />
Le concept de la nature en ville comprend deux sous-concepts : celui de la nature « réelle » et<br />
de la nature « rêvée ». La nature « réelle », « naturelle » est « l’ensemble des phénomènes qui<br />
échappent à la maîtrise humaine », également à grande ampleur (les orages, les inondations,<br />
les éruption volcaniques) qu’à petite échelle : les saisons, la présence des oiseaux, des<br />
champignons, des bactéries). La nature « rêvée », donc « désirée », est le produit d’une<br />
introduction volontaire et constitue l’objet de contrôle (jardins, parcs, animaux<br />
domestiques…). Il est évident, de ce point de vue d’analyse, que le discours publicitaire des<br />
cités privées stanbuliotes, promeut cette partie de la nature « rêvée » (qui n’est donc pas<br />
tellement naturelle, et même presque totalement artificielle), et disqualifie la nature « réelle »<br />
– comme les tremblements de terre – en proposant la protection contre elle.<br />
De plus, il ne faut en aucun cas confondre cet amour pour la nature déclaré, avec les tendances<br />
écologistes. L’exemple d’Istanbul démontre que les espaces qui auraient pu mériter le nom de<br />
10 D'après: J.F.Perouse, La folie des cités privées à Istanbul ou la mégapole en voie accélé rée de segmentation<br />
11Le Petit Robert, 1972, par Paul Robert<br />
12 BLANC, N., MATHIEU, N. Repenser l'effacement de la nature dans la ville.<br />
8
la « nature sauvage », sont ici explorés sans limite, en grande partie justement par les<br />
entreprises de construction des cités privées.<br />
La vision de cette nature apprivoisée est dans le discours publicitaire étroitement liée avec la<br />
notion du bien-être et de la santé, avec un accent fort sur le bien-être des enfants.<br />
(voir: Annexe, figure 14-17)<br />
I.3.2.2. Image spécifique du voisinage<br />
Le « voisinage choisi » (seçkin komsuluk) est, d'après J.F. Pérouse, au premier rang des arguments de<br />
vente. L'exemple peut être le discours publicitaire de la cité « Agaoğlu My City-Istanbul ». Dans la<br />
brochure on peut lire: « Des Voisins de choix, la Sécurité, des Infrastructures, le Paysage, des<br />
Équipements sociaux, un Cahier des Charges Techniques pour les logements, la Facilité de l’accès,<br />
un Centre commercial et des Écoles, des Parkings et des Services »… 13 . Nous allons retourner au<br />
sujet du voisinage dans le chapître 2 de notre analyse – le phénomène du mahalle étant très<br />
caractéristique pour la structure sociale des communautés turques traditionnelles, reprise au différent<br />
degré et sous différentes formes dans les structures urbaines contemporaines. Nous allons signaler<br />
pour l'instant que le concepte du voisinage diffusé dans le discours publicitaire des cités privés, et qui<br />
repose sur le concepte de homogénéité sociale désirée, est structuré de la façon contraire au voisinage<br />
traditionnel turc, surtout celui des villes, où l'hétérogénéité sociale - et souvent ethnique - constitue le<br />
trait distinctif.<br />
I.3.3. Nouvelle identité à travers l'espace<br />
Le rapport réciproque entre l'identité de l'individu et l'espace occupé par son groupe social est un des<br />
intérêts principaux de la sociologie urbaine. Dans notre analyse, nous nous concentrons surtout sur<br />
l'opération suivante: les individus, à travers l'acquisition de l'espace aux caractéristiques typiques<br />
(selon l'opinion de ces individus) pour le niveau socioculturel auquel ils aspirent, souhaitent se créer<br />
une nouvelle identité culturelle. Cette opération, effectuée entièrement dans le domaine de symboles,<br />
est tout à fait conforme à la théorie des strates sociales: en s'appropriant des caractéristiques de la<br />
strate auquel il aspire, l'individu fait (de son point de vue) le premier pas vers l'ascension dans la<br />
hiérarchie sociale. Dans le cas des habitats au sein des « gated communities » - comme l'exprimera un<br />
de nos interlocuteurs interviewés, il s'agit de la transaction symbolique: « en achetant le style de<br />
vivre, ils veulent acheter l'art de vivre », devenir quelqu'un d'autre, plus européisé, américanisé,<br />
« civilisé » et « moderne ».<br />
Dans l'article de Fessaguet on rencontre le concept intéressant de la différence, et même d'opposition<br />
des « caractères » supposée d'exister entre la population habitant les « beaux quartiers » du rive<br />
asiatique et ceux du côté européen (caractère signifiant ici provenance sociale, style de vie, rapport<br />
entre le niveau du capital culturel, économique et social possédés). On peut donc en développer une<br />
hypothèse probable que ces deux parties de la ville, destinées à la clientèle différente, vont aussi faire<br />
la promotion de leurs cités de la façon différente, correspondante au « caractère » de leurs clients<br />
potentiels. Faute de la longueur limitée de ce travail, nous ne trouvons pas de place pour développer<br />
cette piste intéressante. Néanmoins, pour s'assurer le contact avec la population plutôt homogène,<br />
dans cette analyse on va se concentrer sur les cités et leurs habitants de la rive européenne.<br />
.....<br />
Pour conclure cette partie de notre analyse et pour s'ouvrir la perspective à sa partie suivante, nous<br />
allons nous poser la question: les campagnes publicitaires des « gated communities », qui diffusent à<br />
travers leur discours tout un concept de mode de vie, reposent-elles sur la création totale de ce<br />
concept, ou bien – ce qui fait partie de notre hypothèse – retrouvent et revalorisent, de la façon<br />
13 D'après: J.F. Pérouse, Les formes de la sécurité dans discours publicitaire des cités privées : le cas d’Istanbul<br />
9
indirecte, les anciennes valeurs préexistant déjà dans la culture turque La situation étant délicate –<br />
les éléments de la culture traditionnelle étant d'emblée dévalorisées et mis par dessus de la culture<br />
occidentale par des groupes élitistes constituant la clientèle potentielle des « gated communities » - le<br />
discours publicitaire se réfère plutôt au sentiment flou de nostalgie envers une ville idéale d'antan,<br />
envers la façon de vie saine et sécurisée– les souvenirs pas vécues personnellement par un individu<br />
donné, mais ancrés dans son imaginaire à travers des récits, et au même temps reposant aux bases de<br />
son identité culturelle. Il s'agit ainsi de tous les éléments de la culture traditionnelle, profondément<br />
ancrés dans la conscience collective, et déplacés – au cours du processus d'occidentalisation – vers<br />
l'inconscient collectif. Dans le deuxième chapitre de cette analyse, nous allons développer ce concept<br />
de conscient, inconscient et mémoire collectifs, originaires de la théorie de Jung; on va le reprendre<br />
dans le cadre d'analyse sociologique, pour essayer de répondre à la question: la publicité des « gated<br />
communities » ne promet-elle pas, indirectement, de satisfaire le manque plus profond que celui du<br />
besoin ou du désir d'un objet matériel A travers l'acquisition de ce type de logement les clients ne<br />
tentent-ils pas, non seulement s'acquérir une identité nouvelle, occidentalisée, mais aussi combler un<br />
vide qu'a laissé la tradition déraciné – et le combler à travers « le néo-ottomanisme commercial » 14 ,<br />
une version superficielle de la culture traditionnelle Et de ce fait, cette publicité ne propose-t-elle<br />
pas, en profitant de la nostalgie du passé, de « récupérer » un mode de vie et une forme de culture qui<br />
n'a jamais vraiment existé<br />
14 l'expression de J.F: Pérouse, in: La folie des cités privées à Istanbul ou la mégapole en voie accélé rée de segmentation<br />
10
Chapitre II: La mémoire collective, l'inconscient collectif, le rêve<br />
commun<br />
Le problématique du mémoire collectif est sujet de recherches et réflexions de différentes branches<br />
scientifiques. S'y prêtent les sociologues, les historiens, les psychologues sociaux et les<br />
psychanalystes. Ces derniers ont certainement une grande contribution dans le traitement du sujet,<br />
parce qu'il s'agit de la partie de personnalité humaine qui correspond avec l'inconscient. La mémoire,<br />
en tant que telle, - selon le concept de David Goleman - peut être divisée en deux champs: mémoire<br />
contextualisante et émotionnelle. Cette deuxième partie influence la personnalité humaine à l'insu de<br />
l'individu, l'incite aux comportements et gestes qui restent souvent incomprises ou mal interprétés par<br />
l'individu même. Freud parle de l'importance irréfutable de la période infantile pour la détermination<br />
des traits de la personnalité, et les psychanalystes qui suivent son raisonnement, cherchent à<br />
comprendre l'individu à partir de son passé, surtout sa partie se rapportant à la période de l'enfance. Il<br />
en est de même sur le plan social – psychologie sociale, et aussi certaines philosophes postmodernes<br />
(Habermas) indiquent qu'il est possible et juste de traiter la société, ou plutôt les groupes sociaux<br />
distincts, comme un « individu » muni d'une personnalité, agissant de la façon déterminée par sa<br />
culture d'origine, et ayant vécu un certain passé dont il se rend plus ou moins compte et dont il<br />
préserve les souvenirs plus ou moins conscients.<br />
Toute cette problématique des comportements divergents des intentions ou du discours officiel de la<br />
personne, occupent, bien sûr, les sociologues – qui en trouvent les explications sociologiques. On<br />
peut multiplier les exemples – nous allons en évoquer un, le plus classique, de Durkheim et sa théorie<br />
du suicide, qui explique l'acte par les circonstances déterminées socialement. Il nous paraît pourtant<br />
incomplet de considérer comme ces circonstances socialement déterminées uniquement les éléments<br />
ouvertement considérés comme culturels. Surtout les sociétés modernes vivent le mélange de la<br />
culture traditionnelle avec la nouvelle culture – produit de modernité et de la raison. Ce mélange<br />
comprend les éléments que l'analyse purement sociologique ne peut parfois pas suffisamment<br />
expliquer, et qui par contre sont plus claires de point de vue de psychologie sociale ou<br />
d'anthropologie culturelle.<br />
Les historiens y ajoutent une approche intéressante – p.ex. Pierre Nora parle des « lieux de<br />
mémoire ». De son point de vue – comme cela va aussi être le cas de notre analyse – il considère<br />
l'espace physique, un endroit, à travers le souvenir – ce qui charge cet endroit de la valeur<br />
symbolique, alors change sa perception, son poids et sa signification dans la culture. Henri Levebvre<br />
parle ainsi de la représentation historique de l'espace.<br />
Dans notre étude, on va se pencher vers l'analyse de la partie émotionnelle de la mémoire collective,<br />
la partie contextualisante nous servant surtout du matériel de comparaison. Le thème du rêve collectif,<br />
ayant ses racines dans le passée idéalisée, qui de son tour provient des récits et des témoignages; le<br />
mélange de l'imaginaire, du passé réellement vécu et des émotions va constituer le noyau de notre<br />
analyse. En analysant ce rêve, concernant directement l'espace urbain et l'espace d'habitat, on va tenter<br />
de déchiffrer les informations indirectes se rapportant à l'histoire, l'identité nationale et ethnique, au<br />
passé, présent et même au futur idéal que les Turcs modernes souhaiteraient voir pour son pays. Le<br />
simple discours sur l'habitat devient ainsi un discours métaphorique sur le souvenir douloureux du<br />
passé refoulé, relève l'incohérence (conflit) entre l'appropriation de la version officielle de l'histoire,<br />
appréhendé au niveau intellectuel, et sa version transmise de bouche à bouche, plus proche à la<br />
vérité historique, refusée par le conscient mais très présente dans l'inconscient et dans l'émotionnalité.<br />
I.1. Maison, rue, ville: famille, voisinage, entité urbaine.<br />
Pour donner l'ordre à notre analyse, nous avons établi un schéma structurel suivant: au niveau de<br />
l'espace physique, on prendra la maison individuelle comme unité de base, la rue comme l'ensemble<br />
des maisons, et la ville comme ensemble des rues (sans passant par le quartier, qui aurait du trouver<br />
sa place entre la rue et la ville, et qui est un élément urbain surchargé de significations intéressantes –<br />
11
mais qu'on va omettre volontairement faute de manque d'espace). Ce schéma, sur le plan social,<br />
trouvera les paralellités, respectivement: la famille comme unité de base, le voisinage (mahalle)<br />
comme ensemble de familles, et l'entité urbaine comme l'ensemble des voisinages. Nous tenons à<br />
souligner que ce double schéma a été crée uniquement pour systématiser l'analyse et n'est pas, en soi,<br />
porteur d'une théorie quelconque sur le mode de vie urbain.<br />
I.1.1. La maison turque, abri pour la culture traditionnelle<br />
Une maison turque traditionnelle, telle qu'elle n'existe presque plus maintenant que dans les récits et<br />
sur les anciennes graphiques ou tableaux, était, comme chaque maison traditionnelle, expression<br />
spatiale de la culture. Cela veut dire, chaque groupe dont la culture détermine un certain mode de vie,<br />
construit ses habitats de la façon permettant l'exercement quotidien des pratiques culturelles. 15<br />
La différence basique entre l'architecture traditionnelle et l'architecture dite moderne est que cette<br />
première reflète des traces de la culture préexistante, alors que cette deuxième est l'instrument<br />
contribuant à la création de la culture nouvelle. La modernité se réfère à la faculté humaine de<br />
raisonner et de déterminer tout son comportement – également sur le plan individuel que social – à<br />
partir de l'analyse intellectuelle. Tout ce qui ne peut pas être logiquement justifié, n'a pas de place<br />
légitime dans la culture moderne. La culture traditionnelle, au contraire, ne cherche pas à comprendre,<br />
mais à reproduire les comportements et la vision du monde perçues par le groupe en question comme<br />
« naturelles ». L'architecture traditionnelle est ainsi un témoin de la culture telle qu'elle était, et non<br />
telle qu'elle voudrait être – comme c'est le cas, par exemple, des bâtiments de Le Corbusier –<br />
bâtiments-postulats de modernité, ayant pour but introduire, littéralement et métaphoriquement, la<br />
lumière dans la quotidienneté du peuple.<br />
Dans notre analyse nous allons faire référence aux différentes formes du bâti traditionnel, on va donc<br />
commencer notre démarche par une brève présentation de celles-ci 16 .<br />
La maison turque traditionnelle ( ev) est composée de deux parties. La partie basse - tahtani, faite en<br />
pierre - servait à la base d'abri pour les animaux et stock de la nourriture, alors que la partie haute -<br />
fevkani, en bois – est penchée sur la partie en pierre, et partiellement suspendue au-dessus de la rue<br />
par son petit balcon- cumba. Cette partie ne reste pas forcément géométriquement soumise à la partie<br />
basse – celle-la lui sert juste de base, mais la partie haute peut être tournée sous un certain angle afin<br />
d'assurer la vue plus vaste â partir de la fenêtre. (voir: Annexe, figure 18)<br />
Konak est une spacieuse maison en bois (de 10 à 40 pièces), destiné pour une famille étendue et<br />
plurigénérationnelle – abrite les frères et soeurs avec leurs conjoints, leurs enfants et leurs parents,<br />
éventuellement des autres membres de la famille. C'est est un type de bâti originaire d'Istanbul, et<br />
ensuite répandu en province avec les déplacements des fonctionnaires officiels d'État.<br />
Köşk est un nom utilisé pour deux figures architectoniques différentes. Premièrement,il signifie une<br />
résidence de villégiature – et se différencie de konak par son placement au milieu du jardin.<br />
Deuxièmement, il désigne une petite maison à une pièce, avec tous les parois vitrées.<br />
Yalı ressemble par sa forme à konak, mais se caractérise par son placement au bord de l'eau. Par<br />
rapport à ev, il ne possède pas de partie basse, mais est placé sur les piliers en bois au-dessus de la<br />
surface de l'eau. (voir: Annexe, figure 19)<br />
I.1.2. La rue, le voisinage<br />
L'importance de la vue de la fenêtre sur la rue n'est pas un hasard. Dans notre recherche on a<br />
rencontré une opinion d'un architecte disant que dans le quartier ottomane organisé selon le mode<br />
traditionnel « la maison regarde la rue » – inversement au style occidental, ou c'est « la rue qui<br />
regarde la maison ». Pour comprendre cette métaphore il faut se familiariser avec le mode de vie<br />
15Étant par ailleurs d'accord que dans le cadre général, le rapport entre la culture et l'espace reste réciproque, et que dans<br />
multiples cas c'est l'espace qui façonne les pratiques culturelles, nous sommes cependant d'avis que dans le cas de la<br />
construction du logement du type ottomane, ce sont plutôt les pratiques culturelles qui ont déterminé la structure<br />
architectonique du bâti.<br />
16 D'après BERTRAM, C., 1998, The Turkish house, an effort of memory<br />
12
traditionnel de la société turque. Le style de vie distinctif pour la société turque traditionnelle s'est<br />
élaboré à la campagne, puisque la Turquie est un territoire majoritairement rural, malgré la puissance<br />
ponctuelle des métropoles comme Istanbul et Ankara. La structure sociale de base, la « cellule » de<br />
base de la vie communautaire est un mahalle – « voisinage ». (voir: Annexe, figure 20) Quand les<br />
hommes de la communauté quittent leur domicile pour se rendre pour toute la journée au lieu de<br />
travail situé en dehors du mahalle, le quartier reste un domaine des femmes et des enfants. Or ceux-ci<br />
ne restent pas enfermés dans leurs maisons – la vie se passe surtout dans la rue, devant les maisons ou<br />
au moins dans les fenêtres largement ouvertes afin de permettre les conversation entre les femmes et<br />
surveiller les enfants. La structure sociale traditionnelle est donc plutôt comparable à celle du tribu -<br />
avec la responsabilité commune pour les enfants, l'entre-aide, l'intérêt de participation active dans la<br />
vie des autres. L'intimité de la famille existe pourtant et trouve l'expression dans la structure de<br />
l'espace domestique: les fenêtres sont couvertes afin de protéger les femmes de maison contre le<br />
regard des hommes étrangers; il existe aussi tout un champs symbolique concernant la notion de<br />
propreté, à travers de laquelle se traduit l'intimité de la famille.<br />
Ce trait essentiel de l'organisation socio-spatiale qui est le mahalle, a subi des différents changements<br />
de forme dans l'époque de la Turquie moderne. Il en témoigne le mode de vie acquiert par les<br />
habitants des grandes villes, où la tendance à l'occidentalisation volontaire est la plus présente et<br />
visible. Dans les villes, suivant le mode de vie occidental, la cellule sociale de base est la famille<br />
nucléaire. Les familles se séparent donc selon les générations, les maisons n'abritent plus trois<br />
générations et chaque couple marié cherche à avoir son appartement. Du coup, la structure de mahalle<br />
se dissout; les femmes travaillent, les enfants vont à la maternelle – l'espace commun des rues devant<br />
les maisons ne joue plus tellement son rôle d'échange communautaire. La maison turque,<br />
traditionnellement ouverte à la rue, se ferme et se concentre, suivant le mode occidental, à l'intérieur<br />
de l'appartement et aux membres de la famille nucléaire principalement.<br />
Cette tendance d'enfermement spatial, déjà visible chez la classe moyenne, semble poussée à<br />
l'extrême si l'on parle de la vie quotidienne des élites. Les nombreuses « gated communities » portent<br />
dans leur idée la reconstitution de l'espace social commun, jouant l'ancien rôle de mahalle, mais en<br />
pratique, malgré tous les conditions nécessaires remplies de la part des architectes et des urbanistes<br />
(espaces d'intégration, places de village, centres de rencontre), cette idée est loin d'être réalisée. Dans<br />
la suite de ce travail on va s'interroger, d'abord: pourquoi il apparaît la volonté de récupérer l'ancien<br />
mode de vie et la structure sociale, et puis – pourquoi ce postulat reste non réalisé, et est-il utopique<br />
par sa nature.<br />
I.1.3. Istanbul, ville idéale<br />
Une autre partie du rêve se rapporte à la ville d'Istanbul en tant qu'une entité urbaine, non seulement<br />
l'ensemble du bâti et d'infrastructure mais aussi une construction sociale. Cette image de la ville<br />
idéale s'installe dans la conscience collective d'une part via nombreux récits présents dans la culture,<br />
d'autre part, à travers les discours des personnes âgées qui gardent un certain souvenir – en général<br />
fortement idéalisé – de la ville avant la période des années 50, c'est-à-dire avant l'explosion urbaine<br />
qui est supposée être un moment charnière entre le bel Istanbul d'antan et le village globale chaotique<br />
dont l'étiquette porte souvent la ville d'aujourd'hui.<br />
« L'imaginaire urbain dans la culture populaire est complexe. C'est un imaginaire qui a des racines,<br />
mais qui a aussi une histoire plus pressante et plus récente, tenant compte des gestes politiques qui<br />
ont rendu la vie quotidienne dans la ville particulièrement difficile pour nombreux de ses habitants.<br />
C'est aussi un imaginaire qui opère contre le fond de l'engagement particulièrement intensif de l'État<br />
Turc dans la production des formes exemplaires de la culture nationale ». 17<br />
Ce concept de la ville flou et nostalgique, en dialogue avec le sous-conscient plutôt qu'avec le<br />
conscient, laisse les traits sur les différents produits de la culture contemporaine turque. Dans son<br />
article, Strokes évoque l'exemple de la musique populaire (la chanson de Munir Nureddin Selcuk<br />
reprise par Blent Ersoy « Aziz Istanbul » - « Istanbul Bienaimé e») et de littérature (roman de Orhan<br />
17STROKES, M. 2000, Beloved Istanbul<br />
13
Pamuk « Kara Kitab » - « Livre Noir »). On peut aussi en retrouver des nombreux exemples dans la<br />
peinture contemporaine (voir: Annexe, figure 21). Strokes parle aussi d'un exemple de la publicité<br />
sociale, faisant partie de la campagne anti-alcoolique en année 1995: la brochure contenait une image<br />
d'un jeune homme regardant le panorama d'un ancien quartier stanbuliote, et un slogan: « Pourquoi<br />
aurait-on besoin d'alcool si l'on vit entouré par cette beauté! ». Le but de notre travail est de démontrer<br />
qu'on peut trouver les traces de ce concept de la ville idéale aussi dans la publicité commerciale – à<br />
voir celle qui concerne l'immobilier-habitat et surtout les « gated communities ».<br />
I.2. Gated communities – la fuite dans le rêve<br />
Comme on l'a déjà expliqué dans le chapitre 1 de notre travail, la création des « gated communities »<br />
turques allait être la réponse pour la demande d'un groupe social spécifique, qui souhaite se séparer<br />
spatialement – et se différencier culturellement – du mode de vie traditionnel, symboliquement<br />
attribué à deux espaces non désirés par la mentalité moderne: celui du village, et celui du passé<br />
ottoman. La volonté de séparation a ainsi, en principe, la double raison. Premièrement, se préserver<br />
physiquement des gens pauvres, à voir de leur agressivité supposée suscitée par la frustration causée<br />
par l'insuffisance économique confrontée à la richesse. Deuxièmement, se séparer (mentalement) de la<br />
culture ayant sa source dans le passé ottoman et la remplacer par la culture nouvelle créée selon le<br />
mode occidental. Les « gated communities » turques correspondent à toutes les normes de leur<br />
homologues américains ou européens: la sécurisation totale de l'espace, le voisinage sélectionné,<br />
l'inaccessibilité pour les personnes extérieures. Cependant, on remarque – également dans le discours<br />
publicitaire, que dans le style architectonique de certains bâtiments et dans l'organisation spatiale de<br />
l'ensemble – certaines références justement à ce mode de vie traditionnel, dont les habitants de<br />
« gated communities » déclarent simultanément la volonté de se séparer. Cette contradiction<br />
apparente peut s'expliquer par la fluidité du concept de la maison turque – et, plus largement, de la<br />
tradition et culture turque en général – comme résultat de divergence de sa forme réelle (telle qu'elle<br />
existe dans la société) et sa forme imaginaire (telle qu'elle persiste dans l'imaginaire et surtout dans<br />
l'inconscient collectif).<br />
Pour analyser ce concept fluide et complexe, nous allons nous référer respectivement au discours<br />
publicitaire contenu dans les images et les <strong>texte</strong>s publicitaires; nous donnerons aussi quelques<br />
exemples des formes architecturales existant au sein des « gated communities ». Nous tenterons de<br />
relever, par la suite, l'incohérence entre les postulats contenus dans les images, <strong>texte</strong>s et formes<br />
architecturales et le mode de vie effectivement choisi par les habitants des « gated communities ».<br />
L'élément essentiel de notre travail sera l'interprétation des entretiens effectués auprès des habitants<br />
des « gated communities » sur le sujet de leur mode de vie, leurs souvenirs du passé stanbuliote et<br />
leur rapport à la culture traditionnelle. On se concentrera surtout sur le rapport entre le discours<br />
publicitaire et le discours des habitants, pour examiner comment ils perçoivent les valeurs diffusées<br />
par celui-ci et quelles sont effectivement leurs attentes envers l'endroit qu'ils s'approprient et le<br />
voisinage dont ils s'accordent de faire partie de ce fait. On tentera ainsi de prouver que le « produit »<br />
le plus précieux que le discours publicitaire suggère et que les clients souhaitent s'acheter, c'est ce<br />
mode de vie traditionnel idéalisé, fusionné avec non moins désirable mode de vie occidental –<br />
mélange dont une partie exclurait intrinsèquement l'existence de l'autre dans le cas où il s'agissait du<br />
mode de vie traditionnel tel qu'il existe dans la réalité, mais pas tel qu'il existe dans la mémoire et le<br />
sous-conscient collectif.<br />
I.2.1. Le discours textuel<br />
Tenant en compte la difficulté que présente pour nous la compréhension de la langue turque, dans<br />
notre analyse nous étions contrainte de limiter le nombre de discours étudiés. Nous nous sommes<br />
concentrée ainsi sur une approche rapide sur les noms des cités, et ensuite on a tenté d'explorer deux<br />
entretiens avec les habitants de la cité Optimum crées dans le but publicitaire.<br />
14
I.2.1.1. Noms<br />
Rien qu'en étudiant les noms données aux cités privées, on retrouve de nombreux exemples de<br />
références à l'architecture et mode de vie datant de l'époque ottomane. On retrouve l'usage répétitif<br />
du nom « konak »: Pera Konaklari, Beykoz Konaklari, Atakonak etc. Autres exemples: malikhane<br />
(résidence royale): Bogazici Malikhaneleri etc, köşk (une forme de petite maison): Polonez<br />
Köskleri, Beykoz Koru Köskleri, Pendik Köskleri etc.<br />
Outre les noms des formes architectoniques, on retrouve aussi des autres traces: p.ex. Mimar Sinan<br />
Evleri Sinanoba (nr 48) évoque le personnage de mimar (architecte) Sinan, un architecte très<br />
célébre à l'époque du Sultan Suleïman le Magnifique (XV – XVI s.).<br />
Autre exemple, plus complexe et au même temps plus intéressant, a été analysé par J. F. Perouse. 18<br />
Il s'agit d'une cité nommée « Istanbul Istanbul ». Perouse dit: « Cette insistance - deux fois le nom<br />
de la ville première, dont l'opération est pourtant éloignée - renvoie à l'idée d'une refondation sans<br />
rupture, dans l'esprit d'une architecture et d'une sociabilité, prétendument originelles, qui auraient<br />
été perdues et seraient enfin ressuscitées. Comme si par la magie d'une opération immobilière de<br />
standing on pouvait recréer l'épaisseur d'une urbanité passée. Cette double invocation de la ville<br />
délaissée ("Istanbul-Istanbul"), réalise, sur le mode incantatoire, une reconstruction pseudoutopique,<br />
au mépris de la connaissance de l'histoire. »<br />
Dans la suite de notre analyse, on va reprendre cette idée de volonté utopique de reconstruire le<br />
passé qui n'a peut-être jamais existé.<br />
I.2.1.2. « Faux » entretiens<br />
Dans notre recherche, nous avons rencontré un eforme intéressante de publicité, qui est un entretien<br />
réalisé auprès des habitants de la cité privée en question (Optimum). Ayant choisi deux de ces<br />
entretiens – un avec un couple avec deux enfants, l'autre avec un jeune couple marié – on en joint<br />
la traduction à l'annexe de présente analyse, comme materiel de comparaison pour les entretiens<br />
réels. Les « entretiens » de la brochure comportent surtout les idées sur le style de vie occidental et<br />
« moderne », on n'y retrouve pas de notions de la ville idéale – plutôt du logement idéal pour la<br />
famille nucléaire, abstrait du con<strong>texte</strong> de la ville. (voir: Annexe)<br />
I.2.2. Le non-dit des images. Les formes traditionnelles sans contenu.<br />
Les images ci-jointes sont les photos (publicitaires ou non) du bâti des « gated communities ».<br />
Notre attention a été attirée par la tentative de reprendre les motifs traditionnels de l'architecture<br />
turque, en les plaçant au même temps dans un con<strong>texte</strong> socio-spatial tout à fait moderne et même<br />
anti-traditionnel.<br />
(voir: Annexe, figures 20-25 et 29)<br />
18 J.P.Perouse, La folie des cités privées à Istanbul ou la mégapole en voie accélé rée de segmentation<br />
15
Chapitre III: Enquête<br />
I. Méthodologie et présentation du terrain<br />
D'après notre projet initial, l'endroit constituant le champs de notre analyse allait être la « gated<br />
community » Kemerburgaz, située à 18 km du centre d'Istanbul, dans les péripheries de la ville, au<br />
milieu des vastes espaces vertes, à proximité d'un aqueduct antique. (voir: Annexe, figure 26)<br />
Finalement, faute du nombre restreint des contacts avec les habitants de la cité (résultant, il nous<br />
semble, de la spécificité de cet endroit, tellement compliqué à infiltrer), nous y avons effectué deux<br />
entretiens accompagnés d' une observation participante. Pour compléter le matériel de recherche, nous<br />
avons effectué un entretien supplémentaire avec un habitant de la cité de Tarabya Ustu. Cet endroitlà,<br />
n'étant pas une communauté fermée proprement dite, remplit que partiellement les conditions de<br />
notre recherche. Néanmoins, L'entretien effectué reflete, il nous semble, le point de vue et l'histoire<br />
d'une personne représentant le profile social qui nous interesse: une personne économiquement très<br />
aisée, habitant un batiment de luxe (quoique pas complétement isolé de l'entourage), et de plus<br />
Stanbuliote de socuche, donc avec le vécu et les souvenirs personnels tout à fait conformes à l'interêt<br />
de notre analyse.<br />
III.Entretiens et observations: analyse<br />
II.1. Kemercountry (voir: Annexe, figures 30-41)<br />
Les deux premiers entretiens ont été effectué au sein du même ménage. Le ménage est constitué de<br />
deux personnes. M. Onür Aytürk a 64 ans, est originaire de Bursa. Il est architecte, urbaniste et<br />
professeur à la faculté des Arts Visuels dans une école privée. L'eentrtien avec lui a été faite dans la<br />
langue anglaise qu'il maîtrise aisément (il n'est pas francophone). Nous avons obtenu ses coordonnées<br />
de la part d'un responsable de l'Institut Français des Etudes Anatoliennes, au sein duquel nous<br />
travaillions en tant que stagiaire. M. Onür a accepté notre demande de rendez-vous assez<br />
difficilement, en argumentant que le groupe social qui constitue l'objet de notre enquête n'est pas du<br />
tout intéressant, et que, de plus, il habite là « par hasard », ne peut donc pas nous renseigner sur aucun<br />
fait spécifique pour cette communauté, avec laquelle il ne s'identifie absolument pas. Plus tard nous<br />
avons compris qu'il ne se sentait pas à l'aise en tant qu'objet d'entretien en présumant qu'être identifié<br />
par l'enquêtrice avec ce groupe-là (que lui-même critique beaucoup) va être pour lui désagréablement<br />
dévalorisante. De ce fait, il a finalement accepté l'entretien seulement quand nous lui avons suggéré<br />
que son savoir professionnel peut nous beaucoup renseigner sur le sujet d'habitat turc (qui constitue<br />
un des éléments importants de nôtre analyse). La difficulté de cet entretien consiste donc à ce que<br />
l'interwievé prend dès le début le rôle d'un experte objectif. Ce n'est qu'au bout d'une heure que nous<br />
cessons parler de l'architecture et passons au sujet de l'expérience de vie dans Kemercountry.<br />
Conséquemment, pendant la plupart du temps l'interwievé se distance très fortement des gens habitant<br />
cette cité en parlant d'eux en troisième personne du pluriel (« eux »), ne jamais s'exprimant par la<br />
forme « nous ». Ainsi nous avons obtenu une relation apparemment distancée et objective, mais en<br />
fait très engagée et révélant beaucoup de détails sur l'attitude des habitants de Kemercuntry envers<br />
leur communauté et leur mode de vie.<br />
La femme du M. Onür, Mme Burcu, a 58 ans et travaille en tant que professeur universitaire de<br />
biochimi à l'Université de Marmara. Elle est stanbuliote depuis au moins deux générations et<br />
francophone, car a bénéficié de l'éducation dans une école pour les filles dirigée par les bonnes soeurs<br />
françaises. À part son occupation professionnelle, elle écrit des romans (le fait que son mari souligne<br />
avec fierté, en signalant un haut niveau d'éducation et intellectuel de sa femme: She is a professor<br />
and she is a writer of novels – she is not only a scientist, she's a novelist. Cette information vient<br />
d'ailleurs comme un accomplissement de celle sur la situation économique de la dame: My wife is a<br />
well-to-do lady. Not very reach, but she is well-to-do.<br />
16
Nous avons été invitée chez M et Mme Aytürk pour passer une journée entière avec eux dans<br />
Kemercountry. Nous avonc donc eu l'occassion de visiter la cité et observer la vie de ses habitants<br />
telle qu'elle se déroule tous les jours. Nous avions une idée approximative sur la structure de la citée,<br />
mais sa largeur réelle nous a paru quand même surprenante. Le “village” comprend pllusieurs<br />
“quartiers” de différente structure du bâti, en commencant par les maisons unifamiliales groupées<br />
autour d'un étang 8la partie du bâti la plus ancienne), par les immenses villa de plusieures sentaines<br />
de mètres carrées munis de la piscine privée (alors qu'au sein de la cité il y en a trois “publiques”, ce<br />
que nous verrons par la suite), jusqu'aux immeubles avec les appartemment à louer. Le terrain est vert<br />
et très soigné; l'élément caractèristique étant un très large terrain de golf situé entre les maisons.<br />
Pour atteindre la cité, nous avons fait un voyage de presque deux heures en bus (d'Örtaköy ou nous<br />
habitions). Le bus est sorti de la ville, traversé un territoire vide, sans bâti, seulement avec des<br />
fragment de la forêt de temps en temps (aussi élément de discours publicitaire de Kemerburgaz: la<br />
route agréable et entourée de verdure pour atteinre la ville).Notre arrêt de destination a été placé sur la<br />
rue très bruyante et fréquentée surtout par les camions, à côté du mur entourant la cité, qui longeait la<br />
rue. Cet arrêt de bus, dont on se rendra compte plus tard, sert principalement à desservir les employés<br />
de la cité et les employés d'assistance personnelle des habitants, comme les femmes de ménage, les<br />
jardiniers, les cuisiniers, les baby-sitters, et même les promeneurs de chiens. (Mme Burcu: Ils ont des<br />
chiens, mais ils ont aussi les domestiques sulement pour garder les chiens. Les garde-chiens. - Une<br />
personne qui s'occupe exclusivement de sortir le chien - C'est ça, c'est ça. Il prend son salaire<br />
seulement pour cela.)<br />
Dès que nous avons atteint la guérite, nous avions été repérée par le guardien: Mademoiselle<br />
Dominika .Comme nous l'avons appris après, c'était l'initiative de M. Onür: I've called them, there is<br />
a lady named Dominika, please bring her here. Le gardien nous a indiqué la route vers la maison de<br />
M et Mme Aytürk. Après quelques mètres nous nous sommes perdue, mais nous avons réalisé que le<br />
gardien nous suivait en voiture, il s'est arrêté et nous a amené en voiture jusqu'à la maison. Nous<br />
avons rémarqué que son attitude était impéccablement polie mais complètement impersonnelle, le<br />
style de comportment rarement expériencé par nous en Turquie.<br />
Le jour de notre visite était le samedi, donc nous nous avons attendu de voir beaucoup de gens se<br />
proménant dehors en famille (comme le repetent les prospectus). Cependant, même en prenant la<br />
version diffusée par la publicité avec la distance, le vide dans les ruelles de la cité était surprenant,<br />
surtout avec le contraste de l'expérience vecue en Istanbul-même, surpeuplé et toujours actif pendant<br />
24 heures. Pendant la promènade faite en compagnie de Mme Burcu nous avons constaté que la<br />
plupart de gens qui ont décidé de passer cette journée ensoleillée au sein de la cité, se sont regroupés<br />
au Kemer Country Club. Ce club, situé en dehors de la cité, est un grand complexe de sport et de<br />
distraction. Comprend plusieurs attractions, entre autres une piscine ouverte et fermée, les écuries, les<br />
courts de tennis et de squash, les restaurants, les cafés et une multitude d'autres activités.<br />
Accompagnée de M. Onür, nous avons commencé notre promenade (en voiture) par la « place du<br />
village ». Sur la place retrouve une supermarché, une banque, une cinéma, et un bistrot. La place est<br />
relativement vise, sans compter quelques personnes qui déjeunent sur la terrasse du bistrot. Comme<br />
nous l'expliquera après M. Onür, selon le projet architectonique cette place allait jouer un rôle de<br />
meyda dans la communauté de la cité, mais finalement ne joue pas son rôle dans la vie sociale, qui<br />
nous est racontée, à plusieures reprises, comme pratiquement non existante: But we saw people eating<br />
and talking together, there is something ...- Yes, they come, to eat. We don't have street dances, we<br />
don't have street parties. We don't chat and do things. We don't do crazy things.<br />
Pendant le tour en voiture, M. Onür raconte l'histoire de l'endroit. En tant qu'architecte, lui-même n'a<br />
pas pris partie dans la création du projet, mais son point de vue est marqué par son savoir<br />
professionnel. On va reprendre le même sujet de conversation une fois arrivés à la maison, ou il dira:<br />
(...)the idea, the conception, the germinal idea was good. The forest, the aqueduct, the lake, houses,<br />
very good. And neighborhood, and society here living together. Là, nous allons apprendre que M.<br />
Aytürk – même si du point de vue esthètique apprècie le projet de la cité (It's like an Italian town, I<br />
took you, there's like Antonioni's movies... This is beautiful, this is really beautiful.) et qu'il apprècie<br />
également son côté “services et attractions” disponibles aux habitants (Everything's here... here is a<br />
17
very good swimming place, beautiful tennis, everything), mais qu'il voit le défaut principal dans la<br />
structure et rapports sociaux.<br />
Mais avant de s'engager dans la discussion, nous allons avoir l'occassion d'observer de près la vie de<br />
la cité. Il nous impressionnera le nombre de gardiens et leur attitude vigilante. On verra de près<br />
l'aqueduct et les champs de golf. La deuxième partie de la promènade, que nous ferons avec mme<br />
Burcu, nous donnera l'occassion d'observer l'acharnement avec lequel les agents de sécurité font leur<br />
travail, en se prêtant au moindre détail:six fois pendant notre promenade on s'est fait remarquer par un<br />
agent de sécurité ou un gardien que le parechoc du devant de la voiture est endommagé... Pendant la<br />
ballade avec Mme Burcu nous aurons l'occassion de rentrer dans Kemer Country Club –<br />
établissement accessible uniquement sous présentation de la carte du membre. Comme nous<br />
expliquera Mme Burcu, les activités proposées par le centre ne sont pas gratuites – ce dont les<br />
habitants se rendent compte parfois bien plus tard de signer un contrat de logement (ça, par contre, ça<br />
peut être une surprise, vous voyez...). Il existent plusieurs abonnements différents aux activités, et<br />
selon Mme Burcu c'est une service relativement chère (nous en connaîtrons pas de prix concret). Nous<br />
allons aussi visiter les écuries et admirer les impressionnants chevaux et les établissements de service<br />
impeccablement équipés,; pourtant, comme a signalé Mme Burcu, pratiquement aucun propriètaire du<br />
cheval en va pas s'en occuper en personne, tous les soins de l'animal étant effectués par les employés<br />
spécialisés. Nous allons aussi faire une ballade vers un endroit préféré de Mme Burcu (je vais vous<br />
montrer un endroit, là, vous en pourriez pas en pas écrire!), qui est un terrain arrangé autour d'un lac,<br />
avec les villas en bois du style “canadien”(Mme Burcu). Nous allons observer, après avoir descendu<br />
de voiture, que ce paysage parfait s'avère, de près, complètement artificiel, avec des éléments de<br />
construction métalliques et en béton répérables. Nous allons aussi visiter le quartier des maisons<br />
stylisées “alaturca”, c'est-à-dire, gardant les éléments d'architecture correspondants aux formes de bâti<br />
traditionnel (comme omniprèsente cumba), ou les villas au bord de l'eau imitant les yalı, mais qui,<br />
dans leur aspect de communauté d'habitat, n'auront – à notre avis - rien à voir avec l'ancien concept de<br />
mahalle – ni au niveau d'emplacement des bâtiments les uns envers les autres (maisons en ligne, d'un<br />
seul côté de la rue, en général dispersées ou complètement séparés), ni, d'autant moins, au niveau des<br />
relations sociales qui constituaient la structure d'un ancien mahalle (absence des gens devant les<br />
maisons, absence presque totale de contact entre les gens se trouvant dehors).<br />
Notre observation va être confirmée par M. Onür pendant la partie d'entretien effectuée à la maison. Il<br />
parlera à plusieures reprises d'attitude égoïste, passive (reactive) et consommatrice des habitants de la<br />
cité (let's say, if they were two main types of people: one, who will add something to what is given to<br />
him, the other is only devore what's being given to him. This people are devoring... So, they did not<br />
contribute, the don't come together. They do not criticize, they do not become volunteer of<br />
suggestions), qui est, à son avis, un défaut majeur rendant impossible la vie sociale telle qu'elle<br />
devrait être, c'est-à-dire telle qu'elle se passait dans les anciens mahalle (We don't have street dances,<br />
we don't have street parties. We don't chat and do things.... And the women of here are the worst kind<br />
of people because they see themselves only complementary of that men. So, I haven't seen women<br />
come and talking with each other. In all Turkey, women are talking with each other... They don't want<br />
communicate). Il va au même temps se distancer de cette attitude et ce style de vivre, en évoquant son<br />
engagement dans la vie sociale (I work very hard in the mahalle of this town... In Göktürk and<br />
Kemerburgaz mahalle I'm running this main project also... I wrote the book on this place, I made a<br />
magazine on this place – I'll show them to you, I tried to contribute in this place).<br />
Cet engagement sera, pour M. Onür, une sorte de justification pour laquelle, malgré son despect pour<br />
le style de vivre des habitants de la cité, il habite quand même cet endroit (I'm making changes in<br />
Turkish schools around. I'm working for a people here. So, it's my castle...). Une autre justification<br />
seront ses difficultés au niveau de santé, auquels la piscine de la cité serait un excellent remède (I had<br />
many accidents, I have ---You know --- I felt down, I have atrophy. But there is a very good<br />
swimming place, beautiful tennis, everything. So, I'm using --- here. So, it's good for me). En tout cas,<br />
M. Onür semble continuer à avoir une sorte de malaise en parlant de son résidement au sein de la cité<br />
– en même temps, il nous paraît clair qu'il apprécie beaucoup cet endroit et il éprouve même une sorte<br />
de loyauté envers lui (These are better -montre les photos dans la brochure de Kemercountry- And I<br />
18
always liked the way they present themselves... These are good presentations. This is the best private<br />
écurie. You know écurie This is beautiful, this is really beautiful. Everything's here. Every picture is<br />
correct); de l'autre côté, il semble de vivre un conflit identitaire qui s'active au moment ou, tout en<br />
parlant négativement du mode de vie caractèristique pour cet endroit, il ne peut pas échapper à<br />
l'évidence qu'il le partage tous les jours et que cela ne paraît pas, à vrai dire, lui déplaire.<br />
On parle beaucoup des rêves et des attentes que les habitants de la gated community auraient envers<br />
cette forme d'habitat (toujours en troisième personne). M. Onür insiste sur l'égoïsme et l'attitude<br />
materialiste des habitants (They are dreaming. But what's their dream But their dream is money. But<br />
their dream is imagery. But their dream is marriage. But their dream is petit pouvoir). De ce fait, en<br />
tant que personnes peu profondes mentalement, “ils” auraient été tout à fait satisfaits de l'offre de la<br />
vie facile que la gated community leur propose. Cette satisfaction viendrait pourtant de la confusion<br />
du concept que M. Onür appelle art de vivre (c'est d'ailleurs le titre d'une magazine dont il est<br />
propriétaire), avec celui de l'art de vivre (It's basic: style de vivre, c'est commodité. L'art de vivre,<br />
c'est esprit. You cannot buy and sell l'art de vivre. Yes, they are trying to buy style de vivre, pas l'art<br />
de vivre. That's they would like! But it's not sellable nor buyable). Cette confusion viendrait, paraît-il,<br />
du faible niveau de sensibilité et culture générale des habitants.<br />
On parle aussi de la perception de la nature, telle qu'elle est présenté dans les prospectus des gated<br />
communities et telle qu'elle est vécue par les habitants. Ce rapport serait complètement artificiel:<br />
d'une part, le postulat de “vivre dans la nature “ resterait irréalisable, en grande partie à cause de la<br />
spécificité de l'endroit, très éloignée de la ville et de ce fait causant problèmes de transport (And this<br />
people are coming here to have this place in the nature. - May I converse your ideas Look: they<br />
have children. In the morning, the service bus comes at 7. A very sleepy hostess girl comes out from<br />
it, goes to their house, wakes the child, put some food in it and puts the child and the service bus goes<br />
two hours to the school. What kind of nature is this). D'autre part, Mme et M Aytürk insistent sur<br />
l'artificialité de la “nature” au sein de la cité, ce qu'on peut rapporter à l'analyse de Nicole Mathieu<br />
(voir chapitre 1): (The best exemple is: she (sa femme) is an architect of this garden. Let her show<br />
you this garden and compare it with other people's gardens, how ostentatious they are. - C'est tout<br />
prêt! Il n'y a pas de jardins. Vous ne voyez aucun jardin là-bas. Par exemple le voisin: le lendemain<br />
vous vous réveillez et vous voyez un bois. C'est pas un jardin, c'est un bois! C'est tout prêt.) Ce<br />
rapport est bien illustré justement par l'exemple du jardinage – activité qui, selon des différents<br />
matériaux publicitaires, serait très populaire parmi les habitants des cités privées en tant que<br />
bénéficiaires du contact proche avec la “nature”. Mme Aytürk, suivant l'exemple de son mari, se<br />
distance aussi des tendances et des styles de vivre dominants dans la cité: elle juxtapose aux jardins<br />
“artificiels” de ses voisins (qui auraient une fonction purement décorative) son propre jardin (qui<br />
contient une partie du potager) – dont, en plus, elle semble avoir un grand interêt de s'occuper en<br />
personne. Pendant qu'elle nous le présente, nous nous rendons compte que, en fait, le travail dans son<br />
jardin est entièrement effectué par sa doméstique (femme d'origine macédoine), et que le rôle de<br />
Mme Burcu s'est limité à “l'architecture” du jardin, c'est-à-dire au projet d'emplacement des plantes<br />
dans l'espace.<br />
Dans notre entretien, nous faisons l'effort de diriger la conversation vers le problèmatique des rapports<br />
sociaux du voisinage. D'une part, on interroge Mme et M Aytürk sur leurs rapports quotidiens avec<br />
les voisins, qui s'avèrent très limités dans leur forme et en général peu fréquentes. (What about a<br />
social life here - My neighbor is an architect, he doesn't speak with me. - Why - I don't know. I<br />
don't have his key, he doesn't have my key. We don't visit each other. - You never take a tea together<br />
- No, never... Il n'y a pas de voisins ici. Comment dire, le voisinage, il n'y en a pas ici. - Pas de gens<br />
qu'on salue tous les jours, avec qui on a l'habitude de parler un petit peu, il n'y a pas ça - Non. Pas<br />
avec nous, peut-être. On en reste pas ici, on travaille, on va dehors. Je ne sais pas, je ne connais<br />
personne ici. Mais les autres, qu'est-ce qu'ils font Il n'y a pas de voisinage très étroit, je crois. -<br />
Donc les gens, quand ils se croisent dans la rue, ils n'ont pas d'habitude de s'arrêter pour parler -<br />
Bonjour-bonjour. - Mais pas plus que ça - Non, pas plus que ça). D'autre part, nous soulèvons le<br />
sujet des rapports sociaux entre les femmes de la cité, en souhaitant comparer leur style de vie à celui<br />
des femmes du mahalle traditionnel. Selon l'opinion de Mme et M. Aytürk, ces femmes semblent<br />
19
souffrir la solitude. (I haven't seen women come and talking with each other... Their women are very<br />
problematics, because they have to take care of the children, and they have to be very beautiful, they<br />
have prepare themselves like a princess to the men when they come, so they become secondary queen<br />
of the king... They are ostentatious. Ostentatious princesses. But princess always, in a story, is a part<br />
of community. This communitized princesses, they are princesses only in their own home. And their<br />
dreams are very schizophrenic). Mme Aytürk elle-même, dans notre conversation durant la<br />
proménade, s'avère passer son temps libre toute seule – quoi que elle ne rejete pas complètement la<br />
possibilité que les autres femmes, surtout celles liées par le fait d'avoir un petit enfant, passent leurs<br />
journées ensemble. (There's some places they get together with their children, they don't work. - Do<br />
they spend time together - I think so. They are maybe one or two but they are very closely ---<br />
together). Ce seraient dans tout cas les situations ponctuelles et plutôt exceptionnelles parmi les<br />
femmes de la cité, dont la façon de vie solitaire et oisive semble être complètement opposée au mode<br />
de vie traditionnel.<br />
II.2.Tarabya Üstü<br />
Notre entretien a été effectué auprès M. Umut Bayoglu, stanbuliote depuis au moins trois générations,<br />
père de deux filles dont une fait ses études à Paris depuis quelques années, et l'autre, Ayse – présente<br />
pendant entretien - est étudiante à l'université Galatasaray et par laquelle nous avons obtenu le contact<br />
avec M. Umut. Agé de 56 ans et fonctionnaire de profession, sa femme – au dernier moment ne<br />
pouvant pas contribuer dans l'entretien – est consul honoraire de Panama à Istanbul.<br />
Nous sommes arrivée à Tarabya en bus, après un voyage d'environ une heure d'Ortaköy. Depuis le<br />
moment d'arrivé nous avons observé que le quartier est beaucoup plus vivant et peuplé que les<br />
alentours de Kemercountry. M. Umut et sa fille nous expliqueront que cette situation a évolué depuis<br />
les dernières années, quand en conséquence du développement urbain croissant, le centre de la ville<br />
s'est élargi et Tarabya, au moment du déménagement de la famille Bayoglu (en 1993) étant un<br />
endroit pratiquement désért, s'est transformée en une région complètement suburbaniseé, avec sa<br />
propre infrastructure, donc avec un fort degré d'autonomie envers la ville. (Il y a dix ans, quand ma<br />
soeur était encore là, le truc c'était qu'il n'y avait vraiment rien, quoi... on l'appelait Tarabya le blède<br />
(rires). Il n'y avait aucune activité à faire, il n'y avait rien, des centres qui se sont maintenant<br />
développés autour...). On observe même une certaine hétérogénéité sociale, qui a à Istanbul le rapport<br />
tout à fait spécial avec la spatialité: la ville étant situé sur les collines, la répartition sociale dictée par<br />
le prix d'immobilier (dicté, à son tour, entre autres par cette fameuse exigence de « belle vue » que<br />
nous avons mentionné dans le Chapître 1, I.3.2.1.), débouche à la situation où « les riches » sont logés<br />
« en haut », alors que « les pauvres » habitent « en bas » (Mais il y a quand même des jeunes qui<br />
habitent par ici - Il y en a, mais... c'est plus vers en bas, donc là ou les quartiers sont plus pauvres,<br />
le niveau social est inférieur, donc il n'y a vraiment pas de contact, donc... voilà, quoi).<br />
En profitant de l'occasion de parler avec un “stanbuliote de souche”, nous avons interrogé M. Umut<br />
sur ses souvenirs d'enfance liés aux quartiers qu'il habitait (sa famille a déménagé plusieurs fois,<br />
toujours sur le territoire d'Istanbul). Nous avons visé surtout la problèmatique des rapports sociaux<br />
dans ces quartiers. Malgré que les souvenirs de M. Umut concernaient, pour la plupart ,les<br />
événements se déroulant sur le plan personnel, nous avons quand même obtenu quelques informations<br />
utiles sur les relations sociales, surtout concernant la homogénéité sociale, “naturelle” pour Istanbul<br />
d'antan et tellement évitée non seulement dans les “gated communities” proprement dites, mais aussi<br />
dans les cités de luxe non fermées, comme celle qu'habite la famille Bayoglu. (Toujours, /on jouait/<br />
avec les gens du portier, des enfants du portier, on n'avait pas encore cette, disons... moi je suis... toi<br />
tu es portier, moi je suis locataire, je suis le propriétaire, je te dis seulement à peine bonjour et c'est<br />
tout. Non. Maintenant... avant, c'était pas comme ça. Toujours, dans les années 60 les relations<br />
étaient encore très, disons, pas sélectives). Cette mode “sélectif” des contacts sociaux – ce que dans le<br />
langage sociologique on pourrait traduire en la tendance à l'exclusion sociale – est apparu, d'après M.<br />
Umut, après les années 80, donc après le coup d'Etat et création de nouvelles élites (voir Chapitre 1,<br />
I.2.): Et ça, a votre avis, ça a changé depuis quand - Ça a changé, facilement, depuis les années 80<br />
20
déjà. 85. Donc, avant les 90, ça a commencé à changer très fort.<br />
Dans le discours de M. Umut, se repetent les notions opposées de « maintenant » et « avant ». Son<br />
« avant », ce qu'il précise à notre demande, concerne surtout la période des années 60-70, alors la<br />
période de sa jeunesse scolaire et étudiante. Une certaine coupure sur l'axe de temps constitue aussi<br />
l'année 80 – la date du coup d'Etat en Turquie et au même temps d'une douloureuse expérience<br />
personnelle (histoire d'agression dans la rue de Tarabya).<br />
Notre conversation concerne surtout cet espace des souvenirs, ayant pour but de déterminer la<br />
présence de la ville idéale dans la mémoire et l'imaginaire de l'interviewé. Nous apprenons que pour<br />
M. Umut, cet Istanbul idéal prend la forme du quartier asiatique 19 de Moda aux années 60 – vivante,<br />
habité par les gens ouverts et directs, et – ce qui est très importante de point de vue de comparaison<br />
avec le discours publicitaire – non pollué: On se baignait dans la mer d'Istanbul, au Marmara, au<br />
Bosphore, la chose qui n'est pas possible maintenant, avec toute la pollution... justement, il y a<br />
quelque chose qui est très... on doit parler aussi de ça, donc – la ville était beaucoup plus propre.<br />
Bon, on polluait, mais comme il y avait beaucoup moins de gens, on polluait beaucoup moins.<br />
D'ailleurs, on voit que le fait de la pollution est associé avec le fait d'immigration en ville (opinion<br />
fréquente selon Ayse Öncü 20 , qui ajoute que dans le cas d'Istanbul on considére non seulement la<br />
pollution environnementale, mais aussi sociale et culturelle... )M. Umut admet d'ailleurs que cette<br />
notion de « pureté » et « propreté » juxtaposée à l'obsession d'éviter la « pollution » est surtout le<br />
produit culturel, et surtout effet d'éducation (Il y avait aussi un petit poulailler dans notre jardin, je<br />
jouais beaucoup aussi avec des poules, à ce moment-là il n'y avait pas de grippe aviaire (rires), donc<br />
on pouvait jouer avec les animaux domestiques, avec des poules comme ça, plus facilement, plus à<br />
l'aise. Et puis, j'allais chercher des oeufs que la poule avait pondue et sans les cuire,je buvais ça par<br />
exemple... (rires) des choses qu'on ne fait plus maintenant, c'est incroyable maintenant, vous vous<br />
imaginez que... bon, une de nos filles qui fasse ça, même plus petites elles ne l'auraient jamais fait<br />
parce que l'éducation a beaucoup changé maintenant: fais pas ça, touche pas ça, je ne sais pas<br />
quoi...). Néanmoins, cette « propreté » de la ville d' »avant » a permis de vivre à M. Umut et ses amis<br />
de vivre une enfance « en contact avec la nature » (par « nature » ayant compris les jardins privés, la<br />
plage de la ville etc. - donc toujours les formes « urbanisées » de la nature): On était.. je trouve qu'on<br />
était plus en contact avec la nature, en tant qu'enfants. Et nous avons eu la chance d'être comme ça,<br />
d'ailleurs. Cette notion de la vie « saine » entraîne celle de la « liberté » - en opposition de la vie<br />
« non-libre » d'aujourd'hui (en tant que limitée d'un côté par les contraintes d'origine<br />
environnementale, comme la pollution – de l'autre, celles d'origine sociale, comme le séparatisme ou<br />
l'éclatement de la vie communautaire): Parce que, bon: la vie était plus facile aussi, la vie était plus<br />
saine. Il n'y avait pas autant de contraintes autour de nous, on était plus libre comme enfant que<br />
maintenant.<br />
On aborde à plusieures reprises le problématique du voisinage. M.Umut et sa fille repetent les mêmes<br />
opinions qu'ont déjà partagé avec nous Mme et M. Aytürk: le voisinage est presque inexistant. (Le<br />
contact de voisinage a beaucoup diminué maintenant. Surtout dans les cités comme ça, des grands<br />
bâtiments, où il y a vingt étages, où il y a quatre appartements par l'étage, ce sont des immeubles<br />
immenses, les gens se voient à peine, ils en se connaissent même pas entre eux. - Donc ici vous n'avez<br />
pas de voisins avec lesquels vous maintiendriez des contacts - Pas beaucoup quand même, ça a<br />
changé; avant il n'en avait pas beaucoup, c'est un peu mieux maintenant. Mais c'est pas comme<br />
avant, c'est pas... si on se voit une fois tous les trois mois, c'est déjà... c'est déjà bien, quoi (rires).<br />
Mais c'est pas beaucoup, quoi. - Donc normalement, quand les gens se croisent, ils se disent juste<br />
bonjour...- A peine. - S'il y a quelqu'un par exemple que vous ne connaissez pas, qui marche, qui<br />
descend alors que nous montons, ils en se regardent même pas, ils en se disent même pas bonjour.<br />
Tandis qu'avant...) M. Umut y oppose la situation dans le passé: Avant, comme on se parlait, on se<br />
comprenait beaucoup plus. Beaucoup plus. Bon, c'est pas comme ça qu'on aimait tout le monde, il y<br />
avait des gens qu'on... que le courant ne passait pas, qu'on aimait beaucoup moins, mais il n'y avait<br />
19 Autre notion caractéristique pour Istanbul pour désigner l'espace: “en face” veut dire le côté asiatique, si l'on se trouve<br />
au côté européen, et vice versa.<br />
20 ÖNCU, A., WEYLAND, P., Space, Culture and Power: New Identities in Globalizing Cities<br />
21
pas ce préjugé de ne pas dire bonjour ou de ne pas saluer quelqu'un quand on le croisait, quand on le<br />
croisait... Même avant-avant, mes grands-parents m'ont raconté aussi, quand on marchait dans une<br />
rue, à Istiklal, les gens se disaient bonjour. Même les gens qui ne se connaissait pas.<br />
Quant à la situation des femmes qui ne travaillent pas, l'observation de M. Umut est presque la même<br />
que celle de M. Onür: Je vois par exemple ici, je constate, il y a certaines femmes qui restent toujours<br />
chez elles... - Ici, ça veut dire... - Ici, dans ce quartier. Elles sont souvent seules, elles restent toujours<br />
et elles n'ont pas beaucoup de contact, et les maris, ils vont travailler; et après, ils vont peut-être à la<br />
maison et peut-être ils s'amusent, ils vont avec leurs maris pour s'amuser et ils reviennent à la maison<br />
après. Donc, ça a aussi un peu changé. - Vous croyez que ces femmes-là qui restent ici à la maison,<br />
en se voient pas les unes avec les autres - C'est ce que je constate, et je crois qu'elles n'ont pas non<br />
plus beaucoup de contacts dans le voisinage.<br />
Pour M. Umut, comme c'était le cas de M. Onür, la difficulté principale lié avec l'habitation dans le<br />
logement de luxe sont les contacts sociaux en voie de disparition. En différence de M. Onür, M. Umut<br />
ne condamne pas les habitants, mais tente de les comprendre, même si finalement il admet que ce<br />
changement de moeurs est irréversible, car du en principe au développement de la technologie, qui a<br />
entrainé l'atrophie des contacts interpersonnels directes.<br />
22
Conclusion<br />
Le terrain formé par « gated communities » stanbuliotes offre un nombre infini des sujets et des<br />
pistes de recherche pour un sociologue ou pour un anthropologue. Dans l'analyse ci-présente nous<br />
avons tenté d'en développer une, qui est l'image d'Istanbul dans l'imaginaire collectif, le rapport de<br />
cette image dans le passé à celle du présent, et ses conséquences sur le plan social. Au cours de notre<br />
recherche nous avons été contrainte de faire de nombreux raccourcis, les approches peut-être trop<br />
approximatives et les analyses quelque peu superficielles, faute du manque d'espace ou des limites<br />
qu'impose ce type de terrain.<br />
Notre objectif était de déterminer la liaison entre l'image d'Istanbul idéal tel qu'elle existe dans<br />
l'imaginaire collectif, et ses représentations dans la publicité de l'immobilier proposant à ses clients<br />
« l'habitat des rêves ». Nous avons fait une hypothèse que ces clients, sans s'en rendre tout à fait<br />
compte, vont rechercher dans les « gated communities » certaines traces de la vie idéale dans la ville<br />
idéale d'antan. La recherche effectué, nous la quittons avec la conclusion suivante:<br />
Il existe, certes, l'image de la ville idéale dans l'imaginaire collectif des Stanbuliotes. Cette<br />
image est en soi hétérogène, car composé au même temps des reliques du passé ottomane et des<br />
souvenirs de la jeune République. Cette seule coexistence engendre des conflits intérieurs dans la<br />
structure de ce souvenir, dont les éléments se contredisent parfois; qui plus est, tenant en compte<br />
l'idéologie républicaine toujours très vivante dans le pays, certains éléments de ces souvenirs peuvent<br />
être refoulés dans le sous-conscient, ce qui rend l'image d'Istanbul idéal encore plus floue et<br />
indéterminée. D'autre part, en ce qui concerne le logement idéal, la maison idéale – il s'agit, à notre<br />
avis, d'un rêve collectif provenant seulement partiellement de celui d'Istanbul idéal. La notion du<br />
logement idéal dans sa version contemporaine contient le désir nostalgique envers le passé ottoman du<br />
pays – et cette nostalgie s'exprime, entre autres, dans les formes architectoniques des bâtiments,<br />
faisant référence aux formes traditionnelles d'architecture turque. D'autre part, ils neutralisent cette<br />
nostalgie par un désir, non moins fort, d'atteindre le « niveau » de vie et de culture occidentale, ce<br />
qui, dans le sens commun, serait réalisable à travers la négation des traces du passé ottoman. Ce désir<br />
s'exprime, à son tour, dans la propagation du style de vie « moderne », ce qui peut aboutir, par<br />
exemple, à remplir les formes architectoniques pseudo-traditionnelles d'un contenu complètement<br />
sorti du con<strong>texte</strong>. Dans ce type de bâti, l'intérieur de la maison ne correspond aucunement à<br />
l'arrangement de l'espace faisant partie d'un traditionnel habitat turque (ici s'ouvre la nouvelle piste<br />
d'analyse qui serait l'étude des habitats turcs modernes par leur intérieur, et son emplacement dans le<br />
con<strong>texte</strong> historique et culturel). Les éléments de la tradition turque au sein d'une « gated<br />
community », observés « de loin », semblent être plutôt un pastiche ou une ironie inconsciente – alors<br />
que, observés de près, ils s'avèrent un sorte de compromis entre la nostalgie du passé (ottoman) et le<br />
désir du futur(occidental), tout cela passé par le filtre des idéaux républicains...<br />
Ainsi, plutôt que de la reprise et revalorisation des éléments traditionnels de la culture turque<br />
dans son mode de vie moderne – à savoir les formes architectoniques contemporaines et le style de<br />
vie qu'elles suggèrent – on peut parler du « néo-ottomanisme commercial » (pour reprendre<br />
l'expression de J.F. Pérouse), de la forme sans contenu, d'un rêve qu'on chérit mais qu'on ne serait<br />
jamais être prêts à revivre en réalité.<br />
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