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Introduction<br />

Au long des dernières décennies la ville d’Istanbul a connu une vague gigantesque de<br />

croissance urbaine : si pour les couches pauvres cela s’est traduit par ce phénomène si typique des<br />

gecekondu (ces quartiers précaires « construits pendant une nuit », comme l’exprime le mot turque),<br />

les stanbuliotes riches ont caractérisé leurs nouveaux quartiers par un autre phénomène : leur<br />

isolement du reste de la ville dans des communautés fermés et fortement surveillés. Certes, ces<br />

« gated communities » ne sont pas une invention turque, mais leur densité dans les nouveaux<br />

quartiers d’Istanbul devient un signe distinctif du développement urbain de cette ville.<br />

Ces conditions de forte croissance urbain e créent un milieu favorable pour tout genre de<br />

spéculation sur l’immobilier, et attirent des investissements considérables. Ces investissements sont<br />

bien entendu dirigés surtout aux bâtiments haut standard, visant à attirer l’attention d’une clientèle<br />

économiquement aisée : de sommes exorbitantes d’argent investies qui cherchent à obtenir des profits<br />

proportionnels pour les entrepreneurs qui s’en chargent.<br />

La folie constructrice a abouti à une situation dans laquelle l’offre de ce type de logement de<br />

haut niveau est assez supérieure à la demande spontanée. Des logements vides attendent souvent pour<br />

longtemps leurs habitants. Les entrepreneurs se sont vus obligés à attirer les clients vers l’achat de<br />

leurs produits au moyen de campagnes de publicité insistantes. Ce type de publicité est devenue une<br />

partie indispensable de la stratégie de ces entrepreneurs, parallèle à la construction proprement dite :<br />

elle a pris en outre des allures très caractéristiques.<br />

C’est cette publicité que nous essayerons d’analyser dans un premier temps, avec le but de<br />

retrouver un hypothétique trait commun : il s’agirait de la référence à une conception archétypique<br />

d’un « Istanbul idéal » fonctionnant dans l’imaginaire collectif des stanbuliotes. Cette conception se<br />

base notamment sur le passé, sur l’idée de l’ancienne grandeur d’Istanbul, liée à la vieille puissance<br />

politique de l’Empire Ottoman : « Istanbul idéal » serait ainsi la ville telle qu’elle est supposée d’être<br />

avant le grand exode rural et la violente explosion urbaine consécutive. Mais la publicité, tout en<br />

gardant les références au passé idéalisé, doit fusionner en même temps l’inévitable fascination envers<br />

le monde occidental, si fortement présente dans la mentalité turque contemporaine. Le nouveau mythe<br />

présenté dans la publicité intègre ainsi ce mélange d’historicité et contemporanéité. Nous allons<br />

laisser de côté les éléments occidentalisants du nouveau mythe, pour nous attacher à déchiffrer ces<br />

références au passé idéalisé de la mégapole.<br />

En effet, dans la presque totalité des matériaux publicitaires destinés à promouvoir l’achat de<br />

ces logements on constate la présence d’éléments symboliques liés à cette conception mythique de la<br />

ville, avec le but de les utiliser pour augmenter l’efficacité de la campagne publicitaire. La publicité<br />

ne crée pas elle-même ce mythe, présent préalablement dans l’imaginaire collectif, mais elle le<br />

reprend, le renforce et l’utilise pour des buts lucratifs : il s’agit de déplacer le désir de l’objet<br />

mythique vers le produit qu’on offre, en occurrence les logements haut standard.<br />

Notre hypothèse est la suivante : ces logements sont achetés en grande partie pour des raisons<br />

purement symboliques, liées avec le mythe que la publicité a véhiculé. Ce que les clients achètent, de<br />

façon inconsciente, c’est enfin la promesse de réaliser ce mythe nostalgique. Pourtant, ce qu’ils<br />

trouvent dans leurs nouveaux logements est loin de ce qu’ils rêvaient sans se rendre compte : les<br />

caméras de surveillance, les grillages, l’ambiance de sécurisation poussée à l’extrême –toute cette<br />

réalité confronte l’idée mythique qui avait motivé l’achat. Il s’ensuit un certain sentiment de manque,<br />

d’insatisfaction ; mais ce sont des sensations floues, refoulées dans l’inconscient, aussi peu concrètes<br />

que l’était le rêve diffusé par la publicité.<br />

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