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Conclusion<br />
Le terrain formé par « gated communities » stanbuliotes offre un nombre infini des sujets et des<br />
pistes de recherche pour un sociologue ou pour un anthropologue. Dans l'analyse ci-présente nous<br />
avons tenté d'en développer une, qui est l'image d'Istanbul dans l'imaginaire collectif, le rapport de<br />
cette image dans le passé à celle du présent, et ses conséquences sur le plan social. Au cours de notre<br />
recherche nous avons été contrainte de faire de nombreux raccourcis, les approches peut-être trop<br />
approximatives et les analyses quelque peu superficielles, faute du manque d'espace ou des limites<br />
qu'impose ce type de terrain.<br />
Notre objectif était de déterminer la liaison entre l'image d'Istanbul idéal tel qu'elle existe dans<br />
l'imaginaire collectif, et ses représentations dans la publicité de l'immobilier proposant à ses clients<br />
« l'habitat des rêves ». Nous avons fait une hypothèse que ces clients, sans s'en rendre tout à fait<br />
compte, vont rechercher dans les « gated communities » certaines traces de la vie idéale dans la ville<br />
idéale d'antan. La recherche effectué, nous la quittons avec la conclusion suivante:<br />
Il existe, certes, l'image de la ville idéale dans l'imaginaire collectif des Stanbuliotes. Cette<br />
image est en soi hétérogène, car composé au même temps des reliques du passé ottomane et des<br />
souvenirs de la jeune République. Cette seule coexistence engendre des conflits intérieurs dans la<br />
structure de ce souvenir, dont les éléments se contredisent parfois; qui plus est, tenant en compte<br />
l'idéologie républicaine toujours très vivante dans le pays, certains éléments de ces souvenirs peuvent<br />
être refoulés dans le sous-conscient, ce qui rend l'image d'Istanbul idéal encore plus floue et<br />
indéterminée. D'autre part, en ce qui concerne le logement idéal, la maison idéale – il s'agit, à notre<br />
avis, d'un rêve collectif provenant seulement partiellement de celui d'Istanbul idéal. La notion du<br />
logement idéal dans sa version contemporaine contient le désir nostalgique envers le passé ottoman du<br />
pays – et cette nostalgie s'exprime, entre autres, dans les formes architectoniques des bâtiments,<br />
faisant référence aux formes traditionnelles d'architecture turque. D'autre part, ils neutralisent cette<br />
nostalgie par un désir, non moins fort, d'atteindre le « niveau » de vie et de culture occidentale, ce<br />
qui, dans le sens commun, serait réalisable à travers la négation des traces du passé ottoman. Ce désir<br />
s'exprime, à son tour, dans la propagation du style de vie « moderne », ce qui peut aboutir, par<br />
exemple, à remplir les formes architectoniques pseudo-traditionnelles d'un contenu complètement<br />
sorti du con<strong>texte</strong>. Dans ce type de bâti, l'intérieur de la maison ne correspond aucunement à<br />
l'arrangement de l'espace faisant partie d'un traditionnel habitat turque (ici s'ouvre la nouvelle piste<br />
d'analyse qui serait l'étude des habitats turcs modernes par leur intérieur, et son emplacement dans le<br />
con<strong>texte</strong> historique et culturel). Les éléments de la tradition turque au sein d'une « gated<br />
community », observés « de loin », semblent être plutôt un pastiche ou une ironie inconsciente – alors<br />
que, observés de près, ils s'avèrent un sorte de compromis entre la nostalgie du passé (ottoman) et le<br />
désir du futur(occidental), tout cela passé par le filtre des idéaux républicains...<br />
Ainsi, plutôt que de la reprise et revalorisation des éléments traditionnels de la culture turque<br />
dans son mode de vie moderne – à savoir les formes architectoniques contemporaines et le style de<br />
vie qu'elles suggèrent – on peut parler du « néo-ottomanisme commercial » (pour reprendre<br />
l'expression de J.F. Pérouse), de la forme sans contenu, d'un rêve qu'on chérit mais qu'on ne serait<br />
jamais être prêts à revivre en réalité.<br />
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