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traditionnel de la société turque. Le style de vie distinctif pour la société turque traditionnelle s'est<br />
élaboré à la campagne, puisque la Turquie est un territoire majoritairement rural, malgré la puissance<br />
ponctuelle des métropoles comme Istanbul et Ankara. La structure sociale de base, la « cellule » de<br />
base de la vie communautaire est un mahalle – « voisinage ». (voir: Annexe, figure 20) Quand les<br />
hommes de la communauté quittent leur domicile pour se rendre pour toute la journée au lieu de<br />
travail situé en dehors du mahalle, le quartier reste un domaine des femmes et des enfants. Or ceux-ci<br />
ne restent pas enfermés dans leurs maisons – la vie se passe surtout dans la rue, devant les maisons ou<br />
au moins dans les fenêtres largement ouvertes afin de permettre les conversation entre les femmes et<br />
surveiller les enfants. La structure sociale traditionnelle est donc plutôt comparable à celle du tribu -<br />
avec la responsabilité commune pour les enfants, l'entre-aide, l'intérêt de participation active dans la<br />
vie des autres. L'intimité de la famille existe pourtant et trouve l'expression dans la structure de<br />
l'espace domestique: les fenêtres sont couvertes afin de protéger les femmes de maison contre le<br />
regard des hommes étrangers; il existe aussi tout un champs symbolique concernant la notion de<br />
propreté, à travers de laquelle se traduit l'intimité de la famille.<br />
Ce trait essentiel de l'organisation socio-spatiale qui est le mahalle, a subi des différents changements<br />
de forme dans l'époque de la Turquie moderne. Il en témoigne le mode de vie acquiert par les<br />
habitants des grandes villes, où la tendance à l'occidentalisation volontaire est la plus présente et<br />
visible. Dans les villes, suivant le mode de vie occidental, la cellule sociale de base est la famille<br />
nucléaire. Les familles se séparent donc selon les générations, les maisons n'abritent plus trois<br />
générations et chaque couple marié cherche à avoir son appartement. Du coup, la structure de mahalle<br />
se dissout; les femmes travaillent, les enfants vont à la maternelle – l'espace commun des rues devant<br />
les maisons ne joue plus tellement son rôle d'échange communautaire. La maison turque,<br />
traditionnellement ouverte à la rue, se ferme et se concentre, suivant le mode occidental, à l'intérieur<br />
de l'appartement et aux membres de la famille nucléaire principalement.<br />
Cette tendance d'enfermement spatial, déjà visible chez la classe moyenne, semble poussée à<br />
l'extrême si l'on parle de la vie quotidienne des élites. Les nombreuses « gated communities » portent<br />
dans leur idée la reconstitution de l'espace social commun, jouant l'ancien rôle de mahalle, mais en<br />
pratique, malgré tous les conditions nécessaires remplies de la part des architectes et des urbanistes<br />
(espaces d'intégration, places de village, centres de rencontre), cette idée est loin d'être réalisée. Dans<br />
la suite de ce travail on va s'interroger, d'abord: pourquoi il apparaît la volonté de récupérer l'ancien<br />
mode de vie et la structure sociale, et puis – pourquoi ce postulat reste non réalisé, et est-il utopique<br />
par sa nature.<br />
I.1.3. Istanbul, ville idéale<br />
Une autre partie du rêve se rapporte à la ville d'Istanbul en tant qu'une entité urbaine, non seulement<br />
l'ensemble du bâti et d'infrastructure mais aussi une construction sociale. Cette image de la ville<br />
idéale s'installe dans la conscience collective d'une part via nombreux récits présents dans la culture,<br />
d'autre part, à travers les discours des personnes âgées qui gardent un certain souvenir – en général<br />
fortement idéalisé – de la ville avant la période des années 50, c'est-à-dire avant l'explosion urbaine<br />
qui est supposée être un moment charnière entre le bel Istanbul d'antan et le village globale chaotique<br />
dont l'étiquette porte souvent la ville d'aujourd'hui.<br />
« L'imaginaire urbain dans la culture populaire est complexe. C'est un imaginaire qui a des racines,<br />
mais qui a aussi une histoire plus pressante et plus récente, tenant compte des gestes politiques qui<br />
ont rendu la vie quotidienne dans la ville particulièrement difficile pour nombreux de ses habitants.<br />
C'est aussi un imaginaire qui opère contre le fond de l'engagement particulièrement intensif de l'État<br />
Turc dans la production des formes exemplaires de la culture nationale ». 17<br />
Ce concept de la ville flou et nostalgique, en dialogue avec le sous-conscient plutôt qu'avec le<br />
conscient, laisse les traits sur les différents produits de la culture contemporaine turque. Dans son<br />
article, Strokes évoque l'exemple de la musique populaire (la chanson de Munir Nureddin Selcuk<br />
reprise par Blent Ersoy « Aziz Istanbul » - « Istanbul Bienaimé e») et de littérature (roman de Orhan<br />
17STROKES, M. 2000, Beloved Istanbul<br />
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