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Face-au-FN

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opposer <strong>au</strong>tre chose que des arguments tactiques, des critiques<br />

moralisatrices, ou des accusations caricaturales.<br />

Si le succès du lepénisme est le fruit d’une société qui a peur et<br />

qui doute d’elle-même, il ne sert à rien de l’accuser de profiter<br />

de la situation. <strong>Face</strong> <strong>au</strong> Front national, il f<strong>au</strong>t proposer une<br />

vision du monde alternative, il f<strong>au</strong>t refaire société, et s’attaquer<br />

<strong>au</strong>x racines du mal. En cela, l’écologie pourrait constituer<br />

une réponse à la h<strong>au</strong>teur de l’enjeu, si elle dépassait le cadre<br />

politique strict pour devenir porteuse d’un imaginaire social.<br />

Le <strong>FN</strong> : quarante ans d’existence<br />

Le succès d’une stratégie « lepéniste »<br />

Si le Front national a pu occuper une telle place dans l’histoire<br />

politique française depuis tant d’années, c’est d’abord qu’il a<br />

bénéficié de conditions exceptionnelles <strong>au</strong> regard de toutes les<br />

<strong>au</strong>tres aventures qu’avait connues l’extrême droite avant lui.<br />

Né en novembre 1972, dirigé depuis cette date par Jean-Marie<br />

Le Pen, le « Front national pour l’unité des Français » (<strong>FN</strong>UF)<br />

n’est devenu un acteur politique qu’<strong>au</strong> cours des années<br />

1980. Ce que son président appelle la « traversée du désert »<br />

a duré plus de 10 ans. La décennie suivante sera be<strong>au</strong>coup<br />

plus prolifique : le parti dépasse les 10 % à chaque élection<br />

nationale et devient une véritable force politique et sociale.<br />

Les années 1990 verront le parti familial se professionnaliser<br />

et se renforcer <strong>au</strong>près d’un électorat de plus en plus populaire.<br />

Le <strong>FN</strong> atteint les 15 % et menace la droite parlementaire, qui<br />

hésite à nouer des alliances pour conserver le pouvoir. Une<br />

scission plus tard (1998) et c’est le choc du 21 avril 2002 qui<br />

relance Jean-Marie Le Pen, président inamovible et unique<br />

d’un parti taillé à sa mesure. Car le secret du Front national,<br />

c’est ce que tout le monde sait de lui : le <strong>FN</strong>, c’est Le Pen !<br />

Et derrière les multiples facettes du personnage, <strong>au</strong>-delà des<br />

programmes sans grande conséquence, bien plus que ses élus,<br />

ses maires, ou ses dirigeants, ce qui a guidé et décidé en dernier<br />

ressort du destin du parti, c’est sa tendance la plus importante<br />

devant toutes les <strong>au</strong>tres : le lepénisme. Un homme, puis une<br />

femme comme unique porte-parole ; ce qui constitue une façon<br />

d’éviter la cacophonie politique.<br />

Les enterrements hâtifs du <strong>FN</strong> : des erreurs d’analyse ?<br />

On a voulu enterrer le <strong>FN</strong> trop souvent et trop vite, plusieurs fois<br />

dans l’histoire récente. Autant on a sous-estimé trop souvent<br />

les difficultés internes qui pouvaient mener à l’explosion du<br />

Pour pouvoir compter sur des troupes<br />

militantes et des cadres formés <strong>au</strong><br />

cours de ses premières années, le Front<br />

national a rassemblé <strong>au</strong> long de son<br />

histoire plus d’une dizaine de tendances<br />

opposées, voire irréconciliables,<br />

idéologiquement, issues de multiples<br />

courants de l’extrême droite. Des cathos<br />

tradis <strong>au</strong>x néo-païens, en passant<br />

par des monarchistes, pétainistes et<br />

<strong>au</strong>tres fascistes nostalgiques de la<br />

Phalange, néonazis et nationalistes<br />

révolutionnaires, activistes violents<br />

du GUD… Ils ont accepté de mettre<br />

leurs divisions en sommeil <strong>au</strong> nom d’un<br />

« compromis national » et de réussites<br />

électorales incarnées et promises par le<br />

lepénisme. Mais pour combien de temps<br />

et à quel prix ?<br />

Le <strong>FN</strong>, combien de divisions ?<br />

Et suivront-ils Marine Le Pen, si elle<br />

devait prendre place dans le système<br />

en se faisant élire, ou nommer ministre<br />

d’un futur gouvernement UMP-<strong>FN</strong> ? La<br />

stratégie mégrétiste (Bruno Mégret),<br />

devenue mariniste, passée <strong>au</strong> crible des<br />

espoirs de quelques jeunes dirigeants<br />

du <strong>FN</strong> (Florian Philippot, notamment),<br />

pourrait mener, une fois la figure du<br />

père disparue, à une insertion dans<br />

les sphères du pouvoir. Une hypothèse<br />

crédible, à voir comment elle navigue<br />

à vue en fonction des circonstances, et<br />

ferait d’elle une politicienne en mal de<br />

reconnaissance par le système qu’elle<br />

prétend combattre. Un comble pour cette<br />

héritière de posture « anti-système » !<br />

parti et à la perte d’influence de son discours lorsqu’il est<br />

divisé, <strong>au</strong>tant certains ont voulu penser que le <strong>FN</strong> pouvait<br />

disparaître. Ce fut le cas lors de la scission mégrétiste, puis<br />

après la victoire sarkozyste à la présidentielle, notamment.<br />

Mais à chaque fois, le lepénisme est revenu en force.<br />

Après la scission du <strong>FN</strong> à la fin de 1998, de nombreux<br />

démocrates ont appl<strong>au</strong>di <strong>au</strong> faible score cumulé par le <strong>FN</strong> et le<br />

MNR à l’élection européenne de 1999 (5,6 % et 3,2 %), pensant<br />

être débarrassé de Jean-Marie Le Pen et que le mégrétisme<br />

naissant serait moins difficile à juguler. Les écologistes ont<br />

même pu apprécier de faire mieux que l’extrême droite divisée<br />

et de revenir dans le jeu grâce à la campagne menée par Daniel<br />

Cohn-Bendit et son score (9,7 %).<br />

Le 21 avril 2002 a, du coup, surpris bon nombre de<br />

commentateurs et d’analystes qui avaient oublié ce que le<br />

sociologue Max Weber nous apprend, qu’entre un prophète<br />

et un bure<strong>au</strong>crate, la politique donne raison <strong>au</strong> premier. Au<br />

soir du premier tour, Jean-Marie Le Pen appelle des millions<br />

d’électeurs à lui faire confiance : « N’ayez pas peur, rentrez<br />

dans l’espérance, vous les petits, les sans-grade… » Et dans<br />

le même mouvement, le tombeur de Lionel Jospin se paye<br />

le luxe d’une <strong>au</strong>todéfinition qui dépasse les clivages : « Je<br />

suis socialement de g<strong>au</strong>che, économiquement de droite et<br />

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