Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
On pourrait prolonger cette liste de déclarations, qui ne font<br />
cependant que renouer avec un discours qu’avait in<strong>au</strong>guré le<br />
père, Jean-Marie Le Pen, quand il salua le 1 er mai 1996 sur<br />
la place de l’Opéra à Paris « la longue lutte des travailleurs »,<br />
lors de la seconde « Fête de Jeanne d’Arc et des travailleurs »<br />
(rassemblement institué par le <strong>FN</strong> le 1 er mai 1995, en<br />
concurrence <strong>au</strong>x défilés pour la fête du Travail). Dans les deux<br />
cas, il s’agit de faire oublier une tradition ultra-libérale du<br />
parti, qui s’inspirait de Ronald Reagan et combattait surtout<br />
l’impôt et les syndicats. Au tournant des années 1990, faisant<br />
le pari stratégique que « le marxisme est mort avec l’URSS »,<br />
les dirigeants du <strong>FN</strong> (dont Bruno Mégret, transfuge du RPR)<br />
se sont mis cependant à découvrir la nécessité de s’adresser<br />
plus qu’avant <strong>au</strong>x classes populaires, tout en évoquant un<br />
« capitalisme populaire et patriotique ».<br />
La tendance s’est accélérée depuis quelques années, avec la<br />
« vague Bleue Marine » de la fille du chef. Quand une partie<br />
des confédérations syndicales concluent l’Accord national<br />
interprofessionnel (ANI) « sur l’emploi » du 11 janvier 2013<br />
(vivement critiqué par d’<strong>au</strong>tres organisations syndicales),<br />
Marine Le Pen va jusqu’à parler de « déclaration de guerre<br />
contre les salariés » et lancer une pétition contre l’ANI.<br />
Cependant, quand on lit de plus près ses déclarations,<br />
elle s’offusque surtout du fait que les nouve<strong>au</strong>x avantages<br />
patron<strong>au</strong>x ne profitent pas assez, selon elle, <strong>au</strong>x « petits »<br />
patrons (mais uniquement « <strong>au</strong>x entreprises du CAC 40 »<br />
– ce qui est d’ailleurs f<strong>au</strong>x). Et quand l’ANI apporte <strong>au</strong><br />
moins un point positif pour les salariés – une taxation plus<br />
lourde des CDD de courte durée, afin de réduire les contrats<br />
précaires –, Marine Le Pen le dénonce dans la même volée<br />
comme une entrave à « la compétitivité des entreprises »…<br />
Bref, le capitalisme lepéniste reste structurellement du côté<br />
des petits patrons. Et le corporatisme constitue toujours une<br />
vision globale des rapports soci<strong>au</strong>x <strong>au</strong> sein de l’entreprise,<br />
pour l’extrême droite : l’alliance illusoire que tous les régimes<br />
nationalistes ont fait miroiter entre patrons et travailleurs<br />
« nation<strong>au</strong>x », <strong>au</strong> service de l’économie « nationale ».<br />
Un outil pour le monde du travail<br />
Dès le début, VISA (et la commission syndicale de Ras l’front<br />
<strong>au</strong>paravant) a regroupé des syndicalistes appartenant à<br />
différentes structures et confédérations syndicales.<br />
L’association VISA se donne pour<br />
ambition d’être un outil d’information<br />
et de réflexion pour toutes les forces<br />
syndicales qui le souhaitent, afin de<br />
lutter le plus efficacement possible contre<br />
l’implantation et l’<strong>au</strong>dience de l’extrême<br />
droite dans le monde du travail. Pour<br />
ces syndicalistes, la montée du péril<br />
oblige à plus de vigilance. En 2012,<br />
ils réaffirment : « Il appartient <strong>au</strong>x<br />
syndicats de porter les luttes contre le<br />
fascisme et l’idéologie d’extrême droite.<br />
(…) Les “valeurs” et l’idéologie portées<br />
par le <strong>FN</strong>, totalement <strong>au</strong>x antipodes des<br />
idé<strong>au</strong>x de solidarité et de progrès que<br />
nous défendons, trouvent donc un réel<br />
écho dans une fraction importante de<br />
l’électorat. En gommant les aspects les<br />
plus ultra-libér<strong>au</strong>x de son programme<br />
initial, le Front national tient maintenant<br />
un discours qui se veut social. Ce faisant<br />
il cherche à tromper les salariés et les<br />
couches populaires. »<br />
Une responsabilité accrue<br />
Aujourd’hui, l’association regroupe des militant-es FSU,<br />
CGT, Solidaires, CFDT, FO, qui sont des adhérent-es de<br />
sections d’entreprises, élu-es de syndicats nation<strong>au</strong>x ou encore<br />
représentant-es de fédérations professionnelles.<br />
VISA se veut outil et partie prenante de la bataille syndicale<br />
contre l’extrême droite et elle entend y contribuer :<br />
en livrant un maximum d’information sur les dangers et le<br />
développement de l’extrême droite en France, en Europe et<br />
dans le monde ; mais <strong>au</strong>ssi sur les « passerelles » avec d’<strong>au</strong>tres<br />
mouvances politiques, notamment dans une partie de la<br />
droite ; <br />
par des analyses servant à démystifier les pseudo-propositions<br />
sociales de l’extrême droite ;<br />
« Nous, syndicalistes, avons une<br />
responsabilité particulière pour dénoncer<br />
les pseudo-solutions du <strong>FN</strong> qui consistent<br />
à dresser les uns contre les <strong>au</strong>tres les<br />
précaires, les immigrés, les chômeurs<br />
et ceux qui ont un emploi. Le devoir<br />
des syndicalistes face <strong>au</strong> venin de la<br />
division distillé par le <strong>FN</strong> est de défendre,<br />
de façon intransigeante, dans notre<br />
propagande et nos actions, la solidarité de<br />
tout le salariat quelle que soit son origine<br />
ou son statut. Ce combat antifasciste<br />
doit être pris en charge par les grandes<br />
confédérations syndicales, les syndicats<br />
nation<strong>au</strong>x mais <strong>au</strong>ssi les structures<br />
syndicales de base. Chaque fois que<br />
cela est possible, cette contre-offensive<br />
syndicale doit se faire dans l’unité la plus<br />
large. Il se mène par la participation <strong>au</strong>x<br />
mouvements soci<strong>au</strong>x, mais <strong>au</strong>ssi par les<br />
discussions quotidiennes des militants<br />
syndic<strong>au</strong>x avec leurs collègues dans les<br />
entreprises. » 1<br />
1. Extrait de VISA : Qui sommes-nous ?<br />
en relayant sur le site de l’association toutes les prises de<br />
position, actions et réactions des organisations syndicales<br />
contre l’extrême droite ;<br />
82 83