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4. Sylvain Crépon<br />
a pu en prendre la<br />
mesure <strong>au</strong> cours<br />
d’entretiens avec<br />
des cadres du <strong>FN</strong>.<br />
S. Crépon, Enquête<br />
<strong>au</strong> cœur du nouve<strong>au</strong><br />
Front national,<br />
Nouve<strong>au</strong> Monde<br />
éditions, 2012.<br />
5. Alexandre Dézé,<br />
Le Front national,<br />
à la conquête du<br />
pouvoir ?, Armand<br />
Colin, 2012.<br />
contre les « bien-pensants », les « menteurs du système »,<br />
contre « l’établissement », « l’UMPS », les « immigrés » et<br />
les « politiciens, responsables de tout »… C’est cette posture<br />
d’opposants permanents, face à la droite comme à la g<strong>au</strong>che<br />
qui a fait des Le Pen les porteurs d’une parole spécifique et<br />
reconnaissable à coup sûr dans le champ médiatique. C’est ce<br />
que la fille a repris du père. Et c’est ce qui compte avant tout,<br />
pour faire du lepénisme une boutique dont on sent que le fonds<br />
de commerce est bien conservé.<br />
Entre protestation et normalisation : le <strong>FN</strong> et le pouvoir<br />
Par bien des aspects, le <strong>FN</strong> avait déjà changé <strong>au</strong> cours des<br />
années 1990. C’est Bruno Mégret qui avait ravalé la façade,<br />
tout en remettant de la radicalité idéologique en sous-main.<br />
Et la question de son positionnement n’est pas nouvelle.<br />
Même s’il est en train de changer et même si Marine Le Pen<br />
tente de lui donner une nouvelle image, le parti reste partagé<br />
entre la tentation de s’adapter <strong>au</strong> système politique pour en<br />
tirer bénéfice (électoral, vers le pouvoir) et la volonté d’une<br />
contestation de ce système, qui permet de rester « pur » et<br />
attirant ; entre les deux, quelle posture tenir pour attirer<br />
de nouve<strong>au</strong>x électeurs, mais en leur donnant un espoir<br />
d’aboutissement ?<br />
À ce titre, le 21 avril – et les mouvements anti-<strong>FN</strong> qui l’ont<br />
suivi – a été vécu par be<strong>au</strong>coup de militants frontistes comme<br />
une séquence difficile, montrant qu’il est impossible d’accéder<br />
<strong>au</strong> pouvoir, tant que la « marque Le Pen » soulèvera tant de<br />
haine et de peurs dans le pays 4 . C’est l’enjeu qui a prévalu<br />
et porté la stratégie mariniste, à partir du lendemain du 21<br />
avril : faire entrer le <strong>FN</strong> dans le giron des partis républicains et<br />
respectables ; la « dédiabolisation » est devenue un leitmotiv,<br />
<strong>au</strong> risque de choquer quelques anciens, voire de perdre des<br />
soutiens.<br />
Ce tiraillement existe depuis les débuts du mouvement et s’est<br />
encore renforcé depuis quelques années, comme le rappelle<br />
le chercheur Alexandre Dézé dans ses trav<strong>au</strong>x consacrés à la<br />
stratégie de Marine Le Pen 5 . S’il se normalise trop, le <strong>FN</strong> perd<br />
son potentiel électoral de parti protestataire : « Un <strong>FN</strong> gentil,<br />
ça n’intéresse personne », explique parfois Jean-Marie Le<br />
Pen. À l’inverse, s’il se diabolise trop, il est mis <strong>au</strong> ban du jeu<br />
électoral et reste dans une dimension politiquement stérile,<br />
comme le constatait Bruno Mégret dans les années 1990, et<br />
comme le craignent <strong>au</strong>jourd’hui les soutiens de la nouvelle<br />
présidente.<br />
Ce que le père ne semble pas avoir poursuivi, la fille pourrait<br />
en faire son objectif : le pouvoir, dans une ville, une région,<br />
comme ministre, voire comme présidente, un jour ?... Pour<br />
cela, un <strong>au</strong>tre problème reste entier : le manque de crédibilité<br />
du <strong>FN</strong> et de cadres issus du parti capables de gérer des entités<br />
importantes. Le recrutement a commencé, mais il prend du<br />
temps. Et pour c<strong>au</strong>se, c’est un parti qui s’est construit sur le<br />
rejet des élites. Jean-Marie Le Pen n’a eu de cesse de fustiger<br />
« l’énarchie » et les partis technocrates, de l’« établissement ».<br />
Le seul à incarner médiatiquement ce mouvement de bascule<br />
est devenu numéro 2 du parti et conseiller de la présidente ;<br />
c’est Florian Philippot, <strong>au</strong> parcours de technocrate (HEC,<br />
ENA, ministère de l’Intérieur). Son ascension fulgurante fait<br />
peser un risque : il n’est pas aimé des cadres et des militants,<br />
qui restent attirés par l’attitude « anti-système » du père Le<br />
Pen. Ce clivage qui perdure pourrait contrarier les espoirs de<br />
Marine Le Pen et ses amis.<br />
Comment peut-on être électeur <strong>FN</strong> ?<br />
Be<strong>au</strong>coup d’explications du succès frontiste ont rempli les<br />
colonnes des journ<strong>au</strong>x, pages de revues et chapitres de livres.<br />
Il n’en est pourtant <strong>au</strong>cune qui permette de résoudre tout à fait<br />
la question de fond que se posent tous les démocrates, depuis<br />
des années : « Pourquoi des millions de personnes soutiennent<br />
un parti dont les idées sont dangereuses et les solutions<br />
apparemment ineptes ? » En tête de liste vient généralement<br />
l’explication générique qui permet d’avoir réponse à tout :<br />
« C’est la crise ! » Il reste ensuite à dire de quoi on parle et ce<br />
que contient cette « crise », chacun voulant voir le midi de la<br />
crise à la porte de ses préoccupations.<br />
Une réponse à la « crise du sens »<br />
La première crise qui vient généralement à l’esprit : celle<br />
du pouvoir d’achat, du chômage… la crise est économique<br />
et sociale, et frappe les catégories les plus précaires (par<br />
définition). C’est là que se joue le principal, <strong>au</strong> moins en<br />
apparence. Car, derrière cette crise principale se nouent<br />
d’<strong>au</strong>tres formes de crise : financière, politique, des valeurs,<br />
institutionnelle, des ressources… En fait, la crise est mise<br />
à toutes les s<strong>au</strong>ces depuis plus de vingt ans et semble tout<br />
englober. La crise est partout.<br />
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