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structurante entre Firminy et Saint-Étienne), mais on y passe<br />
plus qu’on ne s’y arrête. Les <strong>au</strong>tres habitants de la ville n’ont<br />
vraisemblablement <strong>au</strong>cune raison de venir dans ce quartier.<br />
Les habitants qui y occupent les logements soci<strong>au</strong>x ont un<br />
sentiment de relégation, d’y être reclus, voire punis tant il est<br />
difficile d’en sortir. De nombreux logements restent vides f<strong>au</strong>te<br />
d’attraction du secteur.<br />
C’est dans ce terre<strong>au</strong> qu’a prospéré le vote Front national, sans<br />
qu’il y ait émergence d’un leader local ou parachutage d’un<br />
cadre du parti. En 1995, le score du <strong>FN</strong> à Firminy est tiré par<br />
les bure<strong>au</strong>x de vote du Layat et des alentours.<br />
Une épicerie sociale et solidaire pour recréer<br />
du lien social<br />
En 2001, la droite gagne les élections municipales. Anne de<br />
Be<strong>au</strong>mont est alors la seule élue écologiste <strong>au</strong> milieu d’une<br />
majorité de droite et d’un groupe d’élus de g<strong>au</strong>che dépassés par<br />
la défaite et usés par trente ans de pouvoir communiste.<br />
Elle propose rapidement la création d’une épicerie sociale et<br />
solidaire dans le quartier du Layat : l’idée est de développer<br />
une épicerie de proximité pour les personnes âgées et <strong>au</strong>tres<br />
habitants sans voiture, mais <strong>au</strong>ssi une épicerie sociale<br />
permettant l’achat des denrées alimentaires pour certaines<br />
familles avec des réductions de 30 % et enfin une épicerie<br />
solidaire avec des produits de commerce équitable pour attirer<br />
d’<strong>au</strong>tres clientèles et inst<strong>au</strong>rer de la mixité sociale.<br />
Cette épicerie est créée avec le lancement d’une association, Le<br />
P’tit Pont de Layat, suite à l’<strong>au</strong>dit d’une structure d’économie<br />
sociale et solidaire et avec l’appui des travailleurs soci<strong>au</strong>x du<br />
quartier sollicités pour le lancement du projet. La municipalité<br />
finance la majeure partie du budget de cette épicerie sociale<br />
et solidaire. Une salariée est recrutée, complétée depuis par<br />
un emploi aidé, et ép<strong>au</strong>lée par de nombreux bénévoles. Les<br />
produits alimentaires sont vendus par une grande chaine<br />
alimentaire avec une remise.<br />
L’émergence d’une identité locale<br />
En plus de proposer des aliments et denrées de première<br />
nécessité (hygiène, produits d’entretien, etc.), cette épicerie<br />
devient progressivement un lieu de rencontres pour les<br />
habitants du quartier : on vient y lire le journal, y boire un café.<br />
Des ateliers cuisine y sont proposés chaque mois, des sorties<br />
pédagogiques organisées avec la conseillère en économie<br />
sociale et familiale. L’épicerie, à vocation alimentaire, est<br />
<strong>au</strong>jourd’hui devenue un lieu ressource pour le quartier. Elle a<br />
pallié le manque de lieu de convivialité et constitue une forme<br />
de centralité urbaine.<br />
Ce lieu a permis de proposer à des familles une alternative<br />
à l’assistanat et <strong>au</strong>x dons alimentaires. Ces familles peuvent<br />
retrouver leur dignité en construisant un projet familial, grâce<br />
notamment <strong>au</strong>x économies réalisées du fait de la remise sur<br />
les denrées alimentaires.<br />
Mais ce lieu a surtout favorisé l’échange entre habitants<br />
voisins qui ne se parlaient plus, il a permis de recréer du<br />
lien social et d’impulser des animations dans le quartier.<br />
D’un ensemble d’immeubles dortoirs en périphérie de la ville,<br />
l’épicerie a favorisé l’émergence d’une identité collective propre<br />
<strong>au</strong> quartier, et donc d’une certaine fierté d’y habiter.<br />
La baisse du vote Front national<br />
L’épicerie a contribué à faire reculer le sentiment de relégation<br />
spatiale et de désespérance sociale. Le vote Front national y a<br />
nettement chuté <strong>au</strong>x élections qui ont suivi. Sur l’ensemble de<br />
la ville, Jean-Marie Le Pen recueillait 2 017 voix <strong>au</strong> premier<br />
tour de l’élection présidentielle de 2002 (24,57 %) et seulement<br />
1 295 voix en 2007 (13,26 %). La baisse est plus nette que sur<br />
le reste de la France. En avril 2012, Marine Le Pen obtient<br />
2 132 voix (23,97 %), proche du score de 1995 mais en deçà du<br />
score de 2002 (alors qu’elle surpasse largement son père <strong>au</strong><br />
nive<strong>au</strong> national).<br />
L’implantation d’une épicerie n’a évidemment pas vocation à<br />
résoudre tous les problèmes, notamment celui de l’emploi. La<br />
recrudescence récente du vote <strong>FN</strong> sur Firminy l’atteste. Mais<br />
elle a permis d’apporter une première réponse sociale à un<br />
quartier en grande difficulté.<br />
Le sentiment de relégation, terre<strong>au</strong> du <strong>FN</strong><br />
Qu’il s’agisse d’un quartier de grands ensembles en proche<br />
banlieue, d’une nappe de lotissements en grande périphérie ou<br />
d’habitations en zone rurale, le délitement des services publics<br />
génère un sentiment de relégation favorable <strong>au</strong> développement<br />
du vote Front national.<br />
Les exemples de quartiers ou villages qui se sentent abandonnés<br />
des pouvoirs publics sont nombreux. À l’intérieur des grandes<br />
agglomérations, cet abandon entraîne un sentiment de défiance<br />
vis-à-vis des centres urbains et des valeurs qu’ils portent<br />
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