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Face-au-FN

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quittes » ; « Le racisme anti-Français »… Plus que des mots<br />

utilisés pour blesser et pour apeurer, c’est une ambiance que<br />

le sarko-lepénisme a distillé pendant des années <strong>au</strong> plus h<strong>au</strong>t<br />

sommet de l’État. On a donc pu voir, par bien des aspects, ce<br />

que donnerait le <strong>FN</strong> <strong>au</strong> pouvoir.<br />

Pour les démocrates et humanistes, il s’agit donc de considérer<br />

et d’affirmer que la réalité du Front national s’est déjà en partie<br />

exprimée, comme une forme de continuité du sarkozysme <strong>au</strong><br />

pouvoir ; avec les accents d’un « socialisme nationaliste » en<br />

plus, on a la quintessence d’un bricolage idéologique populiste,<br />

ch<strong>au</strong>vin et dangereux qui ressemble be<strong>au</strong>coup <strong>au</strong>x premiers<br />

fascismes des années 1920. C’est à ce c<strong>au</strong>chemar qu’il va<br />

falloir penser pour sortir du piège de la vision d’un <strong>FN</strong> « vierge<br />

de toute responsabilité » et encore immaculé de promesses<br />

intenables et dangereuses.<br />

Épilogue : l’urgence, donner du sens<br />

Le lepénisme n’est pas un feu de paille. Il a pénétré<br />

profondément la société et se nourrit des échecs successifs<br />

des gouvernants de chaque bord, il progresse plus vite en<br />

période de crise morale et d’explosion des « affaires », mais il se<br />

nourrit <strong>au</strong>ssi par temps plus calme en apparence. Ses thèmes<br />

sont ceux que les politiques en bout de course utilisent pour<br />

tenter d’intéresser les électeurs et les convaincre qu’il f<strong>au</strong>t se<br />

mobiliser contre des m<strong>au</strong>x : l’insécurité, le chômage, la dette,<br />

l’immigration ou la h<strong>au</strong>sse des impôts… Tous ces sujets, qui<br />

évitent les problèmes de fond et n’agitent que des chiffons<br />

rouges, font le bonheur des stratèges frontistes.<br />

Passer de la gestion à la vision<br />

On ne combat pas une vision du monde telle que celle-ci, fut-elle<br />

chimérique, avec des plans comptables et des aménagements<br />

à la marge de l’existant. À l’heure de l’impuissance avérée des<br />

politiques face <strong>au</strong> pouvoir économique, <strong>au</strong> moment où la crise<br />

semble avoir passé un nouve<strong>au</strong> cap, où le chômage bat des<br />

records et le pouvoir d’achat stagne, il ne sert à rien d’invoquer<br />

la croissance et la nécessité des efforts pour que reviennent les<br />

be<strong>au</strong>x jours. Toutes ces formules ont fait leur temps. Celui qui<br />

s’ouvre nécessite de l’élan, du souffle, une vision renouvelée.<br />

À déf<strong>au</strong>t, la g<strong>au</strong>che comme la droite s’enfonceront dans les<br />

limbes de la gestion impuissante.<br />

<strong>Face</strong> <strong>au</strong> <strong>FN</strong>, toute la question est de savoir si d’<strong>au</strong>tres forces<br />

sociales et politiques seront capables de proposer des voies de<br />

sortie de crise porteuses à la fois de réalisme et de radicalité.<br />

Le décider ne suffit pas, encore f<strong>au</strong>t-il que cela soit suivi d’effet.<br />

Mettre en cohérence les propositions de fond que la mouvance<br />

écologiste cherche à présenter comme un paradigme nouve<strong>au</strong><br />

serait un premier pas vers la crédibilité et l’efficacité. Les<br />

pistes sont nombreuses, mais elles nécessitent du courage et<br />

de la persévérance.<br />

Pour sortir de la posture d’impuissance qui est généralement<br />

attribuée <strong>au</strong>x écologistes et à leurs alliés, une nouvelle<br />

radicalité semble nécessaire, sur la forme comme sur le fond.<br />

Enfin, une vision ne peut se contenter de discours et de quelques<br />

propositions, d’éléments de programme issu de compromis<br />

et de négociations multiples. Si le socialisme a été porteur<br />

d’espoir, si le libéralisme a transformé la philosophie politique<br />

occidentale, c’est qu’ils ont su rompre avec la doxa de leur temps<br />

en proposant une <strong>au</strong>tre façon de penser le monde, une vision<br />

chargée d’un arrière-plan symbolique, un imaginaire social. Et<br />

comme le relève Serge Moscovici 11 , « L’écologie est la seule idée<br />

neuve de la fin du XX e siècle ».<br />

L’urgence : agir et proposer une <strong>au</strong>tre vision du monde<br />

Les écologistes, qu’ils soient impliqués en politique ou dans<br />

divers mouvements, semblent encore trop souvent hésitants à<br />

répliquer de façon précise, argumentée, sérieuse, à la h<strong>au</strong>teur<br />

de l’enjeu. Pourtant, l’urgence est là. Il n’y <strong>au</strong>ra pas place pour<br />

deux alternatives <strong>au</strong> système actuel. Cette position d’influence<br />

se conquiert en passant par un conflit et en acceptant de<br />

mener la lutte qui oppose deux camps politiques, mais <strong>au</strong>ssi<br />

et surtout deux visions du monde. Et on sait qu’il n’y a que les<br />

combats que l’on ne mène pas (par forfait, paresse, ou manque<br />

de volonté) que l’on perd à coup sûr.<br />

<strong>Face</strong> <strong>au</strong>x crises qui s’accumulent jusqu’à former un « système<br />

crisique » qui implique une « métamorphose » (E. Morin), il<br />

y a urgence à trouver des solutions et la force de les mettre<br />

en œuvre, à devenir une force sociale et politique, « une idée<br />

dont le temps est venu »… C’est le rôle que s’est attribué<br />

l’écologie. En face, il y a d’<strong>au</strong>tres forces et d’<strong>au</strong>tres idées qui se<br />

nourrissent des crises pour proposer une <strong>au</strong>tre voie de sortie,<br />

d’<strong>au</strong>tres solutions, celles du bouc émissaire, de l’exclusion, une<br />

« politique du rétroviseur », qui fait l’apologie du simplisme et<br />

du retour à un « âge d’or » imaginaire et chimérique. Sortir nos<br />

sociétés du c<strong>au</strong>chemar que l’extrême droite propose en guise<br />

d’avenir collectif est d’une urgence bien réelle.<br />

11. Psychologue<br />

social inventeur<br />

de la théorie des<br />

minorités actives,<br />

ancien porte-parole<br />

écologiste.<br />

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