Positiv GRÜtli/ Sylvia BotellaAvant que cela ne prenne fin, faire retour(s)sur le GRÜ/Transthéâtre, première plateformetransdisciplinaire institutionnelle<strong>suisse</strong>, avec la dramaturge Michèle Pralonget la metteure en scène / performeuseMaya Bösch. Coulis<strong>ses</strong> d'un duo à la bombequi a normalisé l'exceptionnel.« Je fuis le théâtre qui m'a jusqu'à présent dégoûtée et voudrais le voir mesuivre. » Elfriede Jelinek« Le GRÜ n'est pas un musée, prévient Maya Bösch. C'est une tentativequi reste une tentative. » « A côté », précise Michèle Pralong. Un lieu quidoit son intensité aux rêves de liberté créatrice mis en œuvre auquotidien qui creusent des sillons <strong>dans</strong> le champ institutionnel culturelgenevois, depuis 2006. Une sorte de petite cour des miraclesexpérimentale, revendiquée par l'alliance Pralong/Bösch qui porte un« Revendiquer lapossibilité de l’échec,créer une générationtransversale. »regard hors champ, conscient de la déchirure existant entre lesnécessités propres à la création et la réalité des conditions deproduction étrangère à l'errance, un peu « mono-corps », souvent glacée.« L'art, c'est le meurtre de l'habitude », dit Jean Cocteau. « Ça sert à sedéporter, dit Michèle Pralong. A se confronter à de nouvelles exigences afinde trouver d’autres formes. » Une black box et une white box auxdimensions et couleurs presque « dangereu<strong>ses</strong> », intensément exploréespar les artistes, où le miracle est celui d'une singulière radicalitéartistique, intime, – non recluse – qui décide quel chemin prendre, quel'on ne maîtrise pas. Au risque d'un spectateur souvent ébranlé, devenu,au fil des saisons, complice réel d'un projet d'évasion transdisciplinaire.« Revendiquer la possibilité de l'échec », « briser les lignes narratives »,« créer une nouvelle socialisation, une génération transversale », « se donnerson art », prend généralement trois ans pour être visible, recevable.Une « mise en visions » pour Genève – toujours prête à imploser.Un transthéâtre qui tire sa puissance expressive de sa capacité aiguëà donner le monde tel qu'il est, sans complaisance, toujours à l'affûtde frictions créatives, collaboratives. A rendre plausibles cesexpérimentations artistiques en « offrant du temps et de l'espace à desartistes qui les transforment et les restituent au public », précise MichèlePralong. En proposant des saisons en fonction de thématiques oumots/moteurs de recherche puisés <strong>dans</strong> les ob<strong>ses</strong>sions des artistes.Et inventant des protocoles de travail adéquats – longs ou courts. Desprototypes de recherche. Pour mieux éventrer le plateau à plusieurs,rêver à un langage autre, interrogeant le vivant qui peut déraper versdes zones artistiques, culturelles, économiques dérangeantes.Richard Maxwell, Claudia Bosse, Mathieu Bertholet, Marc Liebens,Josef Szeiler, Dorothea Schürch, Jacques Demierre, Maya Bösch, CindyVan Acker, Sylvie Kleiber ou des collectifs « agitant autant l'engagementscène <strong>suisse</strong> / 8
Les voitures renversées,installation Régis Golay /federal studio, Théâtredu Grütli, Genève, 2006.Photo : Régis Golay.contractuel – interprètes salariés pendant six ou dix mois – quel'engagement physique, intellectuel d'un interprète <strong>dans</strong> un lieu », pointeMichèle Pralong. Autant d'artistes expérimentaux, metteurs en scène,chorégraphes, plasticiens, comédiens défricheurs accueillis, parmid'autres, par le GRÜ. Selon Maya Bösch, les artistes sont les seuls « réelsavant-gardistes qui peuvent redéfinir une scène, penser de nouveaux lieux,de nouvelles relations, de nouvelles perspectives ». Des gestes d'horizonsdifférents partagés, des formes XXL ou XXS, un festival TRANS axé surdes petites créations/laboratoires in situ – et de nombreux« contrepoints » à la programmation qui transmuent le plateau enmachine émancipatrice, vibrante, fabriquant du contrechamp. Le GRÜcoproduit, programme ou collabore avec écoles d'art, festivals demusiques électroniques et maintes institutions ou lieux contemporainsnationaux et internationaux… Le but affirmé : performer, expérimenter,cliver plus que simplement produire et diffuser des mi<strong>ses</strong> en scène.Là où est le corps, la voix est ici. L'espace-temps bouleversé du GRÜs'affirme absolument politique. « Cela pourrait devenir une référence pourl'élaboration des cahiers des charges de nouveaux lieux, influençant ainsi laconscience politique de ce que peut-être un lieu de création pour le futur »,souligne Maya Bösch.En juin 2012, le duo de directrices quittera les lieux. Une page se tournepeut-être. Mais les énergies sont toujours présentes, prêtes à resurgircomme des « virus » <strong>dans</strong> les marges ou ailleurs. Car c'est précisémentlorsque cela « dégénère » que le plateau devient le plus intéressant.Pas seulement lorsque les creusets métamorphiques l'emportent plusloin que lui-même, branché à des matériaux, des objets peu habituels.Ou lorsque que tout s'y retrouve de manière syncrétique ettransformatrice. Mais surtout lorsque s'y agencent et ré-agencent,<strong>dans</strong> une logique de chocs, les défis violents, les métamorpho<strong>ses</strong> d'unecommunauté artistique et d'une communauté humaine en constanteévolution. Une contemporanéité souvent insuffisamment lue./ Sylvia Botella est rédactrice en chef de la revue Scènes (Bruxelles).En juin 2012, le GRÜ produira deux traces de mémoire : un site d'archives rassemblant demanière exhaustive toutes les propositions artistiques qui ont fait vibrer ces six saisonstransdisciplinaires et expérimentales (textes, photos, vidéos) ; un livre GRÜ. Ecrire un théâtreexpérimental, coédité par A*Types Editions et <strong>Mouvement</strong>.
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