Letzte Welten de ChristophFrick. Photo : MauriceKorbel.
Marges etfrontières,appartenances,familles et clans/ Dagmar WalserEn Suisse alémanique, derrière l'arbreChristoph Marthaler, se dresse une forêtthéâtrale contrastée : des lieux institutionnelsen pleine crise structurelle, une scèneindépendante, foisonnante et stimulante.Fin 2011, au Théâtre de Bâle, Christoph Marthaler se voit décernerl'Anneau Hans-Reinhart (1) , la plus haute distinction du théâtre helvétique.Jubilation autour du maître. Une seule question reste sans réponse :pourquoi si tard ?Marthaler est sans aucun doute l'homme de théâtre <strong>suisse</strong> le plus connu,ici comme à l'étranger. En Suisse, depuis <strong>ses</strong> années mouvementées dedirecteur artistique au Schauspielhaus de Zurich, de 2000 à 2004, <strong>tous</strong>connaissent son nom, même ceux qui ne s'intéressent pas à son art et,à l'étranger, son travail a comme nul autre marqué l'idée qu'on se faitdu théâtre <strong>suisse</strong>.<strong>La</strong> mélancolie du chant, l'individualisme extravagant des personnages,cette façon de persister <strong>dans</strong> l'impasse : les œuvres créées parMarthaler et son ensemble prennent racine <strong>dans</strong> la culture populaire<strong>suisse</strong>, ainsi que <strong>dans</strong> le Lied, sous sa forme théâtrale de récital. Lemusicien de théâtre et diplômé de l'Ecole Lecoq, qui, au début desannées 1990, avait percé au firmament international comme une étoileà vocation tardive – il avait 40 ans –, s'éleva en un temps record austatut de star établie dont la réputation n'est plus à faire. Et même si lelangage de Marthaler est resté à plus d'un égard « <strong>suisse</strong> », nombreuxsont ceux qui à l'étranger ont pu s'identifier aux paysages subjectifs qu'ildessine. Cela montre bien qu'un enracinement local et un écho plusglobal ne sont pas nécessairement antinomiques, au contraire.Aujourd'hui, quantité de <strong>ses</strong> spectacles sont de si lourdes coproductionsinternationales que la plupart ne peuvent même pas être présentés enSuisse : trop grands, trop coûteux.Son travail n'est possible que grâce à <strong>ses</strong> interprètes, a insisté Marthalerlors de la remise du prix à Bâle. Certains l'accompagnent depuis desdécennies – ce n'est pas un hasard si l'on parle souvent d'une familleMarthaler. Ce même soir, il a aussi rappelé, avec un brin de nostalgiepeut-être, qu'il venait de la scène indépendante. C'est là qu'il a puréaliser <strong>ses</strong> premières créations, et même si <strong>ses</strong> conditions deproduction ne peuvent plus se comparer à celles du milieu indépendantdepuis longtemps, son esthétique débordant les genres renvoieaujourd'hui encore à des libertés et tendances qu'on trouve plusspécifiquement <strong>dans</strong> ce milieu. Il n'y a pas à proprement parler d'élèvesou d'épigones de Marthaler, mais il représente une référenceincontestable <strong>dans</strong> le théâtre <strong>suisse</strong>. Et il a tout aussi incontestablementconféré la légitimité de l'évidence à un théâtre performatif qui se jouedes frontières, en allant au-delà du « faire comme si » classique et del'interprétation de textes dramatiques existants.Un système théâtral bipartiteL'on dit volontiers que les innovations viennent de la périphérie. Dans lemême ordre d'idées, il y a controverse, en Suisse comme en Allemagne,autour de la thèse selon laquelle les théâtres municipaux, subventionnéspar l'Etat, soignent la norme et l'institution, tandis que les impulsion<strong>ses</strong>thétiques sont données par la scène indépendante, moins bien dotéefinancièrement.Cette opposition est bien sûr réductrice à plus d'un titre, maisla diversité et la vivacité du théâtre de langue allemande résidentcertainement <strong>dans</strong> les différences entre ces deux modes de production :ici les théâtres municipaux avec leurs ensembles fixes et leur programmede répertoire, là les compagnies indépendantes, qui travaillent surprojet <strong>dans</strong> les maisons de production. Et si, depuis la fin des années1990, la démarcation entre théâtres institutionnels et scèneindépendante s'est assouplie, au regard de l'esthétique aussi bienque du personnel, les deux systèmes de théâtre se sont au cours desdernières années à nouveau différenciés, avant tout du point de vuede leur fonction sociale.Un théâtre performatifqui se jouedes frontières.Qui parle de théâtre <strong>suisse</strong> alémanique doit avoir à l'esprit que ni lesthéâtres municipaux, ni la scène indépendante ne peuvent être pensésindépendamment des pays germanophones voisins. Outre le fait que lesstructures sont similaires (système bipartite), les praticiens <strong>suisse</strong>sapprennent souvent leur métier <strong>dans</strong> des écoles allemandes et lesmetteurs en scène travaillent en Suisse comme en Allemagne ou enAutriche, liés par la langue au sein d'espaces culturels qui par là mêmese rejoignent. Et lorsqu'on parle, comme souvent actuellement, d'unecrise de légitimité du système théâtral municipal, c'est, de part et d'autredes frontières, sur fond de questions politiques et sociales semblables.Ainsi les structures démographiques ont-elles beaucoup évolué au cours
- Page 1: cahier spécialLa scènesuissedans
- Page 5 and 6: Le théâtre Equilibreà Fribourg.
- Page 7 and 8: Sous la glace, mise en scèneAndrea
- Page 9 and 10: Le théâtre de Genève :cet obscur
- Page 11 and 12: Les voitures renversées,installati
- Page 13 and 14: Domenico Billari, 2010.Photo : Nell
- Page 15: Cynthia Odier, âme de FluxPourquoi
- Page 19 and 20: Sand de Sebastian Nübling.Photo :
- Page 21 and 22: Valaisans ont changé leur regard s
- Page 23 and 24: Foofwa d'Imobilité,Musings, 2009,
- Page 25 and 26: Claude Ratzé, fluide antigelNe dit
- Page 27 and 28: L'Avenir seulement, deMathieu Berth
- Page 29 and 30: Quartier Lointain,librement adapté
- Page 31 and 32: Comme unyoghourt nature/ Eric Demey
- Page 33 and 34: Plusieurs plates-formespermettent a
- Page 35 and 36: Quand jouer,c'est faire/ Anna Hohle
- Page 37 and 38: Glassed, de YannMarussich, Théâtr
- Page 39 and 40: « Nous voulionstordre les codesde
- Page 41 and 42: Fritz Hauser. Photo : PriskaKettere
- Page 43 and 44: Une redéfinitionde la notion de th
- Page 45 and 46: Faire école/ Bruno TackelsLes « a
- Page 47 and 48: Matthieu Fayette, FlorianeMésenge,