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La scène suisse dans tous ses éclats - Mouvement

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Uneconstellationde singularités/ Jean-Marc Adolphe<strong>La</strong> Suisse fut au début du XX e siècle l'undes berceaux de la <strong>dans</strong>e moderne. Aprèsle tournant manqué des années 1970-1980,elle retrouve une incontestable vigueurchorégraphique sous de multiples formes.« Je ne pourrais croire qu'à un dieu qui saurait <strong>dans</strong>er », écrivait Nietzsche<strong>dans</strong> Ainsi parlait Zarathoustra. C'est sans doute en Suisse, où il séjourneen mai 1882 avec Paul Rée et Lou Andreas-Salomé, que le philosopheallemand, qui fut professeur de philologie à l'université de Bâle, couchasur papier les développements du Gai Savoir. En effet, où, ailleurs qu'enSuisse, l'idée d'un dieu <strong>dans</strong>ant aurait-elle pu germer ? Si le monde estinachevé, c'est bien que Dieu, las de travailler du lundi au samedi, auraconsacré son dimanche non à se reposer, comme le prétend la vulgate,mais à <strong>dans</strong>er ! Et d'ailleurs, ajouterions-nous avec l'écrivain zurichoisHugo Loetscher (1) , si Dieu avait été <strong>suisse</strong>, le monde serait-il ce qu'ilest ? Pas sûr ! Car, comme tout bon Helvète qui se respecte, il attendraittoujours et encore le moment propice pour agir. Si Dieu avait été <strong>suisse</strong>,le monde n'existerait donc pas. Tout comme n'existe toujours pas, enSuisse, une véritable Maison de la Danse digne de ce nom : les politiquesattendent le moment propice… Dieu lui-même est pourtant venu jeterun œil sur l'avancement d'éventuels travaux, ainsi que l'attestent desimages de Google Street View pri<strong>ses</strong> <strong>dans</strong> différentes régions de Suisseallemande en octobre 2010 !Un berceau de la <strong>dans</strong>e moderneBon, trêve d'hallucinations : la Suisse est bel et bien un terrain propicepour la <strong>dans</strong>e (et pas seulement pour la célébrissime Danse macabre quiornait au Moyen-Age le cimetière du couvent des Dominicains, sur larive gauche du Rhin à Bâle, et dont les fragments sauvegardés reposentaujourd'hui au Musée historique de Bâle). Elle fut même l'un desberceaux de la <strong>dans</strong>e moderne. Certes, exception faite d'Emile Jaques-Dalcroze – génial créateur d'une méthode de rythmique, fondateur d'unInstitut à Genève dès 1915, auprès de qui un certain « fou de Dieu »(Nijinsky) vint chercher conseil (mais à Hellerau, en Allemagne) avantd'attaquer la chorégraphie du Sacre du Printemps –, elle doit davantagece privilège aux bienfaits de sa légendaire neutralité qu'à un éventuelgénie national ! En effet, qu'eut été, en Europe, l'art chorégraphiquedu XX e siècle, si Rudolf <strong>La</strong>ban et Mary Wigman n'avaient, de la collinede Monte Verità (<strong>dans</strong> le Tessin, au bord du <strong>La</strong>c Majeur) à Zurich, oùils se réfugièrent de 1913 à 1919, jeté les ba<strong>ses</strong> de la <strong>dans</strong>e moderne ?Les y accompagnèrent certes les <strong>dans</strong>eu<strong>ses</strong> <strong>suisse</strong>s Suzanne Perrottet,Berthe Trümpy ou Sophie Täuber, laquelle devenue Sophie Täuber-Arp,égaya de quelques happenings précurseurs les soirées du CabaretVoltaire à Zurich. Ce sont toutefois surtout des étrangers de passagequi marquèrent, en ce début de siècle, l'histoire de la <strong>dans</strong>e <strong>suisse</strong> :de Charlotte Bara (d'origine belge, qui fonda à la fin des années 1920,à Ascona, le théâtre de poche San Materno où se produisirent TrudiSchoop, Valeska Gert ou Rosalia Chladek) à Serge Diaghilev, quireforma les Ballets rus<strong>ses</strong> en 1916 à <strong>La</strong>usanne (où il rencontra IgorStravinski) avant de partir en tournée aux Etats-Unis. Cette histoiremigratoire se poursuivra avec les expressionnistes allemands HaraldKreutzberg et Sigurd Leeder, qui firent école après-guerre à Berneet Herisau, sans oublier, évidemment, le maestro Maurice Béjart avecla création du Béjart Ballet <strong>La</strong>usanne en 1987.Inversement, nombre de <strong>dans</strong>eurs <strong>suisse</strong>s s'exileront pour faire carrière.Citons, parmi les plus connus, Fritz Lüdin, admis en 1963 <strong>dans</strong> lacompagnie de José Limon, aux Etats-Unis (où il épousera Betty Jones),et Hans Züllig, le légendaire interprète de Kurt Jooss (<strong>dans</strong> <strong>La</strong> TableVerte, notamment) qui enseignera après-guerre à l'école d'Essen, où ilaura comme élève une certaine Pina Bausch. En Suisse, les années 1970et 1980 semblent à peu près ignorer l'effervescence chorégraphiqueL'ADC, une structuredont le rôle fondateurest aujourd'huiincontesté.que connaissent la France et la Belgique. L'heure est à l'esthétique néoclassique,avec Heinz Spoerli au Ballet de Bâle et le sous-balanchinienAlfonso Cata au Ballet du Grand Théâtre de Genève. Ni l'abstractioncunninghamienne, ni le Tanztheater cher à Pina Bausch, ne franchissentalors la barrière des Alpes. Pour prendre le relais, la Suisse n'a eu niun Dominique Bagouet, ni un Jean-Claude Gallotta, ni une Anne TeresaDe Keersmaeker.Années 1980, amorce d'un renouveauPionnière parmi les pionnières, Noemi <strong>La</strong>pzeson. Argentine denaissance, <strong>dans</strong>euse, chorégraphe et grande pédagogue, issue de lacompagnie Martha Graham, elle s'installe à Genève en 1980, mais n'yfonde sa compagnie qu'en 1989, en même temps qu'elle prend ladirection d'une structure dont le rôle fédérateur est aujourd'huiincontesté, l'ADC (Association pour la Danse Contemporaine).scène <strong>suisse</strong> / 20

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