dirigé par Sally de Kunst, n'est pas en reste pour sortir de l'anonymatde jeunes artistes prometteurs. Lors de l'édition 2011, cinq d'entre euxy ont été invités pour assister au festival après avoir bénéficié d’unerésidence au Theaterspektakel de Zurich : la metteure en scènelausannoise Muriel Imbach, la <strong>dans</strong>euse et chorégraphe Valentine Paley(originaire de Vevey), l'auteure et dramaturge zurichoise Anna Papst,l'indisciplinaire Gregory Stauffer, qui a étudié aux Beaux-arts et quitravaille principalement <strong>dans</strong> l'espace urbain où il intervient avec desinstallations sonores et des sculptures in situ, et la <strong>dans</strong>euse LucieEidenbenz. Après avoir suivi la formation EX.E.R.CE au Centrechorégraphique national de Montpellier, cette dernière a étésélectionnée pour participer en 2006 au Danceweb du festivalImpulstanz à Vienne, où elle a bénéficié des ateliers de Loïc Touzé,Marco Berrettini, Benoît <strong>La</strong>chambre et DD D'Orviller. Tout entravaillant avec Jennifer <strong>La</strong>cey et Nadia <strong>La</strong>uro, avec la compagnieQuivala puis Oskar Gómez Mata, et en participant au projet Inferno 6au théâtre du Grütli, elle commence à créer <strong>ses</strong> premiers solos et duos :Dreaming pool est présenté à la Rote Fabrik, à Zurich, en 2008, et TraumProject au théâtre de l'Usine en 2010. Dans le cadre de la formationaccompagnée Transforme à la Fondation Royaumont (sous la directionde Myriam Gourfink), elle crée le solo The Boiling Point, puis en 2011,à la Tanzhaus de Zurich, Animals Are Like Water in Water. Ces deuxderniers projets ont été soutenus par Brøcøliwald, une structureassociative fondée en 2009 qui se donne précisément pour missionde soutenir des artistes émergents en Suisse et à l'étranger.Avec son compatriote Chris Leuenberger, lui aussi promis à un belavenir, Lucie Eidenbenz est par ailleurs fort active au sein du réseauinformel Sweet and tender collaborations, constitué en 2006 parde jeunes artistes chorégraphes ayant participé cette année-làau Danceweb du festival Impulstanz. A l'exact opposé d'un espritde compétition qui pourrait animer de jeunes artistes en quête dereconnaissance, Sweet and tender collaborations offre une basecommune pour impulser des projets collaboratifs, visant à créer desarticulations nouvelles entre recherche, production et diffusion, touten respectant la diversité artistique de <strong>ses</strong> participants : « Cetteresponsabilité constante de maintenir le groupe actif incombe doncà chacun des membres du réseau, qui partage ce désir commun d'apprendreen collaborant, par-delà les filiations esthétiques particulières. […]<strong>La</strong> mutualisation des ressources vise à générer une dynamique de groupepropice à l'émancipation artistique de chacun des membres qui lacompose. » L'une des prochaines actions de Sweet and tender auraprécisément lieu en Suisse, à Berne, à l'initiative de Lucie Eindenbezet Chris Leuenberger. Du 25 juillet au 19 août, « Sweet&Tender forthe End of the World » réunira dix artistes <strong>suisse</strong>s et sept jeunes artistesinternationaux. Ce sera un nouveau petit Monte Verità ! Autant direqu'en Suisse, l'émergence a encore de beaux jours devant elle. Pour peu,cependant, que son écosystème reste suffisamment bien irrigué. Caril ne suffit pas d’émerger. Encore faut-il durer…Lucie Eidenbenz. Photo :Thomas Nie.scène <strong>suisse</strong> / 32
Quand jouer,c'est faire/ Anna HohlerPlus directs, plus efficaces, plusproches des spectateurs : qu'ils viennentdes arts visuels ou du spectacle vivant,les artistes d'aujourd'hui appréhendentla performance comme un espaced'expérimentation et de remise enquestion des codes de la représentation.« Who's afraid of performance art ? » <strong>La</strong> question a récemment faitl'affiche du théâtre du Grütli et de Piano Nobile et Ex-Machina, deuxespaces d'art contemporain genevois. En fait, il s'agit du nom,légèrement ironique, d'un nouveau festival dédié exclusivement à laperformance qui a eu lieu en novembre dernier, parallèlement au Prix<strong>suisse</strong> de la performance 2011, attribué pour la première fois àGenève (1) . Organisée au Bâtiment d'art contemporain selon trois axesde progammation indépendants, cette belle quinzaine a fait défiler plusde quarante intervenants, <strong>suisse</strong>s ou non, connus ou moins connus, quise sont interrogés tour à tour sur l'histoire de la performance, sur <strong>ses</strong>liens avec la sculpture et l'image, avec la narration et la parole.Février 2012, à Genève de nouveau. Un dimanche après-midi, pointculminant de la quatrième édition de TRANS, « chantier rayonnant »du Grütli (encore) consacré aux petites formes pluridisciplinaires,Cindy van Acker et trois de <strong>ses</strong> interprètes interviennent au milieud'une exposition consacrée aux « partitions matérialisées » de lachorégraphe – maquettes, installations lumineu<strong>ses</strong>, panneaux noircisde signes que l'on déchiffre comme un alphabet inconnu. Quatre corpsexécutent des extraits de ces modes d'emploi chorégraphiques, clésde lecture intrigantes. Le soir même, Yann Marussich présente saperformance Glassed, la tête enfouie sous 25 kilos de débris de verre,sur une musique live de Franz Treichler.A Paris, le performeur <strong>suisse</strong> Yan Duyvendak et son acolyte égyptienOmar Ghayatt ont investi en janvier dernier les 2 000 mètres carrés dela mosquée provisoire installée depuis l'automne dernier <strong>dans</strong> uneancienne caserne de pompiers du XVIII e arrondissement. Prèsde 150 personnes ont assisté à plus de quatre heures de spectacle.Intitulée Made in Paradise, cette pièce en constante évolution consisteen une collection de « fragments performatifs » sur la mise en jeude nos préjugés envers l'autre, qui sont interprétés <strong>dans</strong> l'ordre choisipar les spectateurs.Tout aussi insolite, si ce n'est plus, Massimo Furlan, en collaborationavec l'historienne de l'art et dramaturge Claire de Ribaupierre, arécemment mis en scène Les Héros de la pensée, une performanced'un après-midi, d'une nuit et d'une matinée, <strong>dans</strong> un café-bar, organiséeen coproduction avec le Centre d'Art de Neuchâtel. Troisanthropologues, trois philosophes, un historien et un artiste ont étéinvités à débattre selon un abécédaire (26 heures, 26 lettres) etd'après des règles préci<strong>ses</strong> (temps de parole, temps de repos, interludesmusicaux improvisés) tout en buvant régulièrement de l'alcool.Pour Massimo Furlan, il y avait là « la question du savoir, de l'intelligencejoyeuse, du jeu. Celle de la résistance aussi : à l'alcool, à la fatigue,au temps pour ainsi dire infini. »Si besoin était, ce petit tour d'horizon montre que les performeurshelvétiques ont le vent en poupe. De nombreu<strong>ses</strong> institutions et festivalsse dédient explicitement aux arts vivants et font du croisement desdisciplines leur pain frais. Assiste-t-on alors à un nouvel essor de laperformance ? Si oui, pourquoi ? Ou, au contraire, le mélange desgenres serait-il devenu banal ? <strong>La</strong> performance aurait-elle perdu l'acuitéqui a marqué <strong>ses</strong> débuts, de Dada aux dernières décennies du XX esiècle, moment où la scène helvétique – <strong>suisse</strong> alémanique surtout –« fait partie des plus influentes du monde entier » (2) ? Pour la critique de<strong>dans</strong>e Christina Thurner, les performances plus spécifiquementchorégraphiques ont en tout cas « perdu leur position dominante – aucontraire de ce qui se passait <strong>dans</strong> les années 1990 ». D'après elle, « iln'est plus d'abord question de décloisonner l'art – il y a longtemps que cesfrontières-là sont perméables. <strong>La</strong> performance a bien plutôt comme objectifaujourd'hui, à l'ère des médias virtuels, de transmettre l'expérience duphysique, du réel. » (3)Les performeurshelvétiques ont le venten poupe.Interrogée sur les raisons qui la poussent à faire des performances,l'artiste Marie-Caroline Hominal, <strong>dans</strong>euse de formation classique,évoque « quelque chose de simple, d'honnête, de direct qui me touche,quelque chose qui fait que je suis plus facilement à l'aise en faisant uneperformance qu'en interprétant un spectacle ». Elle réfléchit, puis prend ducoup <strong>ses</strong> propos par le revers, en une sorte de conclusion spontanée etséduisante : « En fait, je préfère assister à de mauvai<strong>ses</strong> performancesplutôt qu'à de mauvais spectacles. »Yan Duyvendak, d'origine hollandaise mais établi à Genève depuis fortlongtemps, vient des arts visuels, mais apprécie lui aussi le genre de laperformance pour son immédiateté. « A l'époque, je me sentais gêné parl'objet physique – toile, sculpture, installation – qui empêche le contact
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