Yves Mettler, 2011. Photo :Nelly RodiguezFurlan, Yan Duyvendak, Velma, Marco Berrettini, Gilles Jobin, <strong>La</strong>Ribot…). Thierry Spicher, ancien directeur de l'Arsenic, évoque la findes années 1990 : « Il fallait être inattaquable au niveau de la gestiondu lieu, afin d'assurer la liberté de programmation. <strong>La</strong> gratuité du festival« Les Urbaines offraitune occasion uniquede développer desprojets exigeants. »Les Urbaines offrait une occasion unique de développer des projetsexigeants, via des financements spécifiques. <strong>La</strong> gratuité pour les spectateursnous semblait une bonne raison pour oser la radicalité. <strong>La</strong> consigne était deprésenter tout ce que nous n'aurions jamais osé programmer en saison.C'était ainsi un moment privilégié pour amener un large public vers denouvelles esthétiques. » Grâce à une communication percutante et à uneinscription <strong>dans</strong> un réseau international avec le succès du chorégrapheGilles Jobin et du collectif musical Velma, l'Arsenic – dirigé par SandrineKuster depuis 2003 – affirme petit à petit son identité de laboratoire,dévolu aux expériences esthétiques aventureu<strong>ses</strong>, tant auprès du publicque des autorités.L'opposition entre culture alternative et culture institutionnelle s'estainsi atténuée au fil des années. Aujourd'hui, les lieux et les compagniesn'ont plus d'attaches identitaires aussi fortes. Si cette confrontationproductive des années 1980 et 1990 a perdu de sa réalité, où se situentaujourd'hui ces espaces de frottement, de tensions entre un désird'intégration et une volonté de démarcation propice à la créationd'esthétiques originales ?De l'éclosion des lieux à des dynamiques d'éclosionOn peut se demander si le modèle contestataire ne s'est pas transforméen un modèle plus « intégrationniste », <strong>dans</strong> lequel il s'agit d'inventerles conditions d'éclosion et d'émulation. Certains festivals et théâtresmettent en place des mécanismes de repérage et d'accompagnementtrès originaux, intégrant à leur programmation la question du risqueet la réactivité aux besoins artistiques.Focus subjectif sur trois festivals, petits par la taille et le budget, maisscène <strong>suisse</strong> / 12
Cynthia Odier, âme de FluxPourquoi évoquer ici le Flux <strong>La</strong>boratory, espace genevois dédié auxarts <strong>dans</strong> un sens large – expositions, concerts, performances,projections, résidences – et sa fondatrice et directrice artistiqueCynthia Odier ? Cynthia Odier est née en Egypte, et c’est peutêtrede là que lui vient sa passion première, la <strong>dans</strong>e. Car sanounou, le soir venu, ouvrait la fenêtre et faisait la <strong>dans</strong>e du ventre,pour séduire le garçon d’en face. Cynthia l’observait, puis semettait à <strong>dans</strong>er elle aussi. Arrivée en Suisse, la jeune fille suit uneformation classique au Conservatoire de Genève, passe enprofessionnelle et fait <strong>ses</strong> débuts sur scène. Plus tard, mariée etmère de quatre enfants, elle renoue avec la <strong>dans</strong>e à l’occasiond’une exposition que le Musée d’art et d’histoire de Genèveconsacre à Fernand Léger. Cynthia Odier produit la reconstructionet la représentation <strong>dans</strong> la cour du Musée de <strong>La</strong> Création dumonde, ballet de Darius Milhaud, avec costumes et décor de Léger.Puis Cynthia Odier a créé, il y a dix ans, la Fluxum Foundation, oùelle officie comme vice-présidente. Le Flux <strong>La</strong>boratory, lui, est unlieu indépendant sis à Carouge ; il héberge la fondation et uneboîte de production. Espace expérimental de rencontres, deperformances et d’expositions, il a pour mission de susciter uneinteraction entre les milieux culturels et le monde des affaires. Desartistes y répètent, s’y produisent, et des entrepri<strong>ses</strong> peuvent yorganiser des séminaires ou autres manifestations. Sonbouillonnement créatif, le Flux le tient de sa directrice, de sacuriosité, de <strong>ses</strong> passions. Cynthia Odier possède en effet cettecapacité de s’enflammer, de s’acharner, aussi quand elle s’estdonné un but, qui confère son âme à un projet artistique qui osefaire le premier pas en direction de l’économie. Anna Hohlerwww.fluxumfoundation.orgwww.fluxlaboratory.comqui développent, chacun à leur manière, des stratégies audacieu<strong>ses</strong>.Le far° – festival des arts vivants à Nyon – associe un artiste à saprogrammation pour une durée de deux ans. Outre un soutien à laproduction, cette formule d'artiste associé se traduit par uncompagnonnage avec diver<strong>ses</strong> personnalités avec lesquelles l'artistedésire dialoguer et partager <strong>ses</strong> préoccupations. Celles-ci concernent lesprojets en cours, mais aussi des questions méthodologiques et deprocessus créatif, ou une problématique particulière. Pour VéroniqueFerrero Delacoste, directrice du far°, il s'agit par le biais de cette cellulede réflexion de provoquer des rencontres qui puissent nourrirl'expérience de création. Dans cette mise en perspective, l'artisteassocié du festival se voit également offrir plusieurs plages deprogrammation : « Pour encourager la prise de risque, il me paraîtimportant de multiplier les regards et d'offrir plusieurs entrées à laprésentation du travail d'un artiste. Ceci met les projets d'un même artisteen parallèle, tant pour lui-même que pour le public. Cette multiplicité deplages permet aussi à de petites explorations d'exister. Elles peuvent paraîtrebalbutiantes parfois, mais je pense qu'elles sont des occasions de rebondsprivilégiés <strong>dans</strong> une démarche artistique plus large. » Le festival proposeégalement aux artistes associés de travailler en dehors de leur disciplinehabituelle. Ainsi, par exemple, la chorégraphe Young Soon Cho Jaqueta-t-elle pu éditer un livre : une manière de déterritorialiser sa pratiqueet d'élargir le champ de recherche.A Fribourg, outre les productions du festival, le Belluard BollwerkInternational lance chaque année un concours de création. Depuis 2008,le concours est thématique et s'adresse aussi bien à des professionnelsdes arts qu'à des spécialistes d'autres domaines, aux habitants deFribourg ou d'ailleurs, à des individus ou à des associations. Pour Sallyde Kunst, directrice du Belluard Festival, le concours représente uneoccasion d'ouverture et de risque <strong>dans</strong> sa programmation : il permetla rencontre d'artistes hors des réseaux habituels. <strong>La</strong> sélection par unjury invite aussi à diversifier les regards. « Le concours est comme unepierre que l'on jette <strong>dans</strong> l'eau et qui fait des ondes. On ne sait pas vraimentoù ces ondes vont s'arrêter. Les artistes lauréats se retrouvent en amont dufestival pour une semaine de résidence à Fribourg. Pour leur séjour, ils ontla possibilité d'inviter des spécialistes de différentes questions techniques,thématiques liées à leur projet. Ces différentes personnes de Fribourg invitéescomme "spécialistes" constituent au fil des années une communauté active,impliquée <strong>dans</strong> les projets du festival. » Le concours, dont les projetss'inscrivent bien souvent <strong>dans</strong> l'espace public, offre ainsi l'occasiond'élargir la programmation du festival tout en créant des liens privilégiésavec les habitants de la ville de Fribourg.Festival de pure découverte, concentré sur un week-end, Les Urbainesà <strong>La</strong>usanne propose gratuitement au public des projets contemporains,toutes disciplines confondues. A l'époque, les lieux qui accueillaient lefestival étaient en charge de la programmation. Aujourd'hui, à sa missionde défricheur, les Urbaines répondent à l'inverse par une structure deprogrammation extérieure aux lieux. « Les programmateurs sont despersonnalités étrangères aux institutions existantes, des non-programmateursen quelque sorte, parfois des artistes, qui viennent défendre, au sein de cecomité, des démarches artistiques qui leur tiennent à cœur. Le festival LesUrbaines est ainsi un terrain pour éprouver ces propositions <strong>dans</strong> la plusgrande liberté, y compris le droit à l'erreur, explique Patrick de Rham,directeur du festival. Il y a toujours quelque chose de l'ordre de lacontestation <strong>dans</strong> l'émergence, une remise en question des anciennesformes. Un surgissement là où on ne l'attend pas. »Décloisonnement des disciplines, des publics, des espaces, de laprogrammation. Ces trois exemples témoignent des déplacementsnécessaires pour la vitalité des pôles culturels. On retrouve certaines deces préoccupations <strong>dans</strong> des manifestations telles que le Festival de laCité à <strong>La</strong>usanne, qui a fêté <strong>ses</strong> 40 ans en 2011, et le tout jeune festivalAntigel à Genève. De pareilles dynamiques de programmation nesauraient toutefois pallier le besoin de lieux de production forts, offrantdes espaces-temps indispensables à l'affirmation de nouvelle<strong>ses</strong>thétiques./ Anne-Pascale Mittaz est responsable de la formation continue à la Manufacture - Hauteécole de théâtre de Suisse romande.1 Virginie Bercher et Vincent Barras, <strong>La</strong> Bâtie, Festivalde Genève, chap. « Le Festival de <strong>La</strong> Bâtie et son histoire »,éd. Saint-Gervais Genève, 1997, p. 20.
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