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La scène suisse dans tous ses éclats - Mouvement

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Les bâtisseurs/ Anne-Pascale MittazEn Suisse, nombre de lieux de création et demanifestations se sont construits sur desrevendications culturelles et sociales. Regardssur les années des débuts et sur les pratiquesactuelles de programmateurs sensibles à laquestion de nouvelles esthétiques.En 1989, le centre d'arts scéniques contemporains – Arsenic – voyait lejour à <strong>La</strong>usanne <strong>dans</strong> un contexte où les compagnies ditesindépendantes avaient peu de lieux de création. Une vingtaine d'entreelles revendiquait un espace que la ville leur attribua en mettant à leurdisposition d'anciens ateliers industriels. Aujourd'hui, en pleine mutation,avec d'importants travaux de rénovation et de transformations, l'Arsenicfera peau neuve en 2013 avec des espaces de répétitionsupplémentaires et des salles aménagées, signe d'un développementfortement soutenu par les autorités.Revendications culturelles et sociales de la baseCet engagement actif de la scène indépendante ne constitue pas un faitunique en Suisse. De nombreux lieux de la création contemporaine sontnés de cette impulsion (Dampfzentrale à Berne, TheaterhausGessnerallee à Zurich) ou suite à des actions plus individuelles, commele Festival Belluard Bollwerk International, fondé par des artistes etorganisateurs de la région de Fribourg en 1983, le Théâtre Sévelin 36créé par la Cie Philippe Saire, ou encore le far° festival des arts vivants àNyon, imaginé par une association d'animation théâtrale en 1984.Si l'Arsenic a eu pour origine la volonté de compagnies de s'émanciperdes institutions et de se mobiliser face au manque d'espaces de création,d'autres théâtres et festivals en Suisse ont vu le jour au travers demotivations sociales plus vastes. Ainsi, en 1977, le festival de <strong>La</strong> Bâtie estconçu <strong>dans</strong> le « désir de donner un espace à une idéologie – qui était aussiun mode de vie – alors marginale, où fusionnent mouvement artistique ditd'avant-garde, mouvement politique de contestation, mouvement sociald'aspiration à une vie conviviale non conventionnelle. » <strong>La</strong> programmationd'artistes locaux absents des scènes institutionnelles est un autreélément déterminant de cette initiative festivalière. Celle-cis'accompagne de formes de militantisme social, d'une utopiecommunautaire et d'une remise en question des valeurs dominantes quise traduisent par la préférence pour des spectacles à forte chargepolitique, la gratuité, l'absence de hiérarchie <strong>dans</strong> la structureorganisationnelle, la proximité des artistes et du public. L'idée du festivalcomme moment libre de fête, en plein air, et le bois de <strong>La</strong> Bâtie, <strong>dans</strong>lequel le festival se déroulait initialement, symbolisaient un espace detransgression potentiel.Cette origine militante <strong>dans</strong> la fondation de lieux et de manifestationsculturelles se retrouve d'un bout à l'autre de la Suisse. Lesrevendications de la jeunesse des années 1980 contribuent égalementà la création de plusieurs lieux de rassemblement culturel, autonomeset autogérés, défendant souvent une vision plurielle de la culture. AGenève, quelques années après la fondation du festival de <strong>La</strong> Bâtie, lecollectif Etat d'urgences dénonce la disparition de lieux culturels pourles jeunes. En 1989, les autorités lui attribuent l'Usine, qui rassembleplusieurs associations culturelles, dont le Théâtre de l'Usine, défendantdes productions en marge de la diffusion dominante. Au début desannées 1980, la Rote Fabrik à Zurich ouvre <strong>ses</strong> portes, aprèsl'occupation du bâtiment par des jeunes Zurichois dont le mouvement,face à la votation du crédit de 60 millions de francs <strong>suisse</strong>s pour l'Opéra,se transforma en révolte <strong>dans</strong> les rues de la ville. <strong>La</strong> Reithalle à Berne,Fri-son à Fribourg, la Dolce Vita à <strong>La</strong>usanne et la Kultur Kaserne à Bâlenaissent sous l'impulsion de mouvements similaires.Portés par les professionnels de la scène indépendante et desmouvements sociaux, issus de la société civile, ces anciens ateliers,usines, casernes, réhabilités en théâtre, marquaient, <strong>dans</strong> l'espacecomme <strong>dans</strong> leur programmation, leur distance avec une culture« officielle » et défendaient une culture alternative à celle des théâtresmunicipaux et des grandes institutions.Un processusd'institutionnalisationdes scènes alternatives.Vers une institutionnalisationCes revendications culturelles et sociales satisfaites, les identités de ceslieux se sont peu à peu modifiées au gré des directions, poussées par undésir de professionnalisation et de reconnaissance. Les structuresalternatives, comme le théâtre de l'Usine, deviennent des lieuxsubventionnés. Les liens avec les autorités se resserrent, certainesstructures (Arsenic, les Urbaines) passent du statut d'association à celuide fondation, plus stable politiquement. Très vite, le festival de <strong>La</strong> Bâtiequitte le bois pour investir la ville et <strong>ses</strong> salles, abandonnant la gratuitéet devenant un événement majeur de la vie culturelle genevoise.<strong>La</strong> quête d'une reconnaissance des nouvelles formes artistiquesdéfendues par ces lieux participe également à ce processusd'institutionnalisation des scènes indépendantes et alternatives. Le<strong>ses</strong>thétiques ne sont pas toujours compri<strong>ses</strong> par les autorités quimanquent de commissions spécialisées. Il faut convaincre de la nécessitéd'offrir les conditions de production à des formes hybrides quibousculent les codes, à des performances, des projets interdisciplinairesportés par des artistes venant d'autres champs que le théâtre (Massimoscène <strong>suisse</strong> / 10

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