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12cision finale. La démarche que nous adoptons va à l’encontre de ce schémabinaire. A l’instar de ce que Bruno Latour a développé dans Les politiques de lanature 7 , ou encore Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe dansAgir dans un monde incertain 8 , nous visons la mise en place d’un dispositif oùla science et la politique ne s’informent pas mutuellement, mais se déformentdans un mouvement de composition d’un monde que les acteurs – chercheursou non – rendent progressivement commun. La production de connaissancesne relève plus dès lors uniquement de la science, mais de l’ensemble des acteursconcernés 9 . Dans cette perspective, le partage des tâches passe entre,d’un côté, le moment de la définition commune du problème et, de l’autre, latransposition de ce problème dans des laboratoires où ils sont éprouvés. Or,c’est très précisément le but de l’étude que de participer à l’instauration de cettenouvelle manière de concevoir les rapports entre science et société. De cepoint de vu, l’utilité de notre recherche est pleinement confirmée.Le court-circuit de ce travail de composition se traduit en particulier parl’usage massif de la notion de système pour désigner le monde des transportsindividuels. Il ne s’agit pas ici de rentrer dans des débats sur la nature effectivementsystémique de ce monde 10 , mais de reconnaître que l’idée de systèmeconstitue une ressource du sens commun qui sert aux acteurs du domaine àcharger le monde auquel ils s’adressent d’un certain sens. En tant que ressourcepartagée, la notion de système nous semble précieuse : puisqu’elle apparaîtinvariablement dans l’ensemble des entretiens, elle est un agent deconnexion susceptible d’accrocher entre eux des discours qui s’ignorent large-7. Latour, Politiques de la nature, op. cit.8. M. Callon, P. Lascoumes, Y. Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratietechnique, Paris, Editions du Seuil, 2001.9. B. Latour, « Why Has Critique Run Out of Steam ? From Matters of Fact to Matters ofConcern », Critical Inquiry, vol. 30, n° 2, 2004, p. 225-248.10. Sur cette question, cf. G. Dobias, Vers la voiture automate. Circulation et sécurité, Paris,Odile Jacob, 2003.
13ment. Elle est, autrement dit, la catégorie élémentaire qui permet un premiertraitement des entretiens. Pour ce faire, cependant, il convient de tenir comptedes points suivants :D’une part, négativement, l’omniprésence de la notion de système empêchele travail, de problématisation tel que nous venons de le définir et renforce lestendances au cloisonnement. En découpant le monde en segments ou en« boîtes » caractérisés par des flux d’entrée et de sortie – qu’on représentesouvent par des schémas simples tel que le fameux triangle conducteurvéhicule-infrastructure–, elle assigne chacun à « sa » place, à « son » domaineet à « sa » spécialité. Elle attribue à chacun une zone de compétence qui définit,par ricochet, les zones d’ignorance pour lesquelles la compétence est attribuéeà d’autres. Ce mode de figuration, associée à la conception de la circulationdes savoirs en termes d’information, s’adosse à l’idée qu’il y a quelque partune représentation complète du système en tant que tel. Or, c’est précisémentcette idée qui est illusoire. En réalité, chacun dispose de « sa » manière de sereprésenter « le » système et y compris les instances dont la tâche est a prioriune tâche de collecte de l’ensemble, ne proposent que des représentations localementproduites d’« un » système dont elles sont parties intégrantes. Il fautdonc, à terme, tenter de rompre avec la notion de système pour y substituerune autre vision du collectif, une vision qui ne juxtapose pas les domaines, maisen dévoile les articulations.Ceci étant, c’est précisément en tenant compte de ce qui vient d’être dit quela notion de système constitue un point d’entrée empirique privilégié. Dès lorsque l’on ne se berce plus de l’illusion qu’il y aurait un système et un seul dontles segments seraient déjà connus, il est possible de s’en servir comme d’unmarqueur : lorsque l’idée systémique apparaît, l’acteur définit sa « vision dumonde », il y dresse la liste des êtres qui lui paraissent importants, il trace lesbords des « boites » et les remplit d’un contenu spécifique, il définit les réservoirsde savoirs et les manques de connaissance, les différents paradigmes etles disciplines participantes, bref : en dessinant « le » système, il procède déjà
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