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Numéro 35 - Le libraire

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BOUQUINVERTD A VIDS UZUKI« Noussommes desanimaux.Pour vivre,nous avonsbesoin quel’air, l’eau etla terre soientpropres. »<strong>Le</strong>s sources de cette hyperactivitéproviennent, comme ill’écrit dans Ma vie, d’uneexpérience plutôt traumatisantevécue alors qu’il avaitsix ans : Canadien d’originejaponaise, il se voit expulsé dechez lui et envoyé dans uncamp dans les Rocheuses en1942, alors qu’une peurpanique et xénophobe s’emparedu pays au lendemain dePearl Harbor.« Ça a donné deux choses,explique-t-il aujourd’hui. Êtrecaptif dans les Rocheuses,sans école et au milieu desmontagnes m’a permis dem’attacher profondément à lanature. De l’autre côté, ça asuscité un sentiment d’aliénationdouble. D’abord, face aupays qui nous traitait ainsi ----pendant longtemps, je suisresté nerveux et réservé faceaux Blancs ---- mais aussi faceaux autres Japonais, qui semoquaient de moi parce queje ne parlais pas japonais etque je ne comprenais pas lamoitié de ce qu’ils disaient. »Petite parenthèse sur cetteambiguïté : l’internement subipendant la DeuxièmeGuerre mondiale devait conduireDavid Suzuki à devenir l’un des rares auCanada anglais qui se sont opposés à l’instaurationde la Loi des mesures de guerre à la suite de la crised’Octobre. Quelques années plus tard, alors qu’ilapprenait le français à Chicoutimi, il fut toutefois unbrin choqué de voir que ses professeurs nationalistesne voyaient pas pour autant le parallèle avec lesort subi par les Canadiens d’origine japonaise…Pas étonnant que Suzuki ait l’impression d’être unéternel outsider. Au point qu’il a d’abord songé à intitulerson livre L’Outsider, jusqu’à ce que sa fille luifasse remarquer que tout le monde se sent commeça un jour où l’autre, et que le déluge d’honneurs etde compliments que le Canada lui a décernés au fildes ans contredisait quelque peu cette idée.Qu’à cela ne tienne : le sentiment a eu des effetsprofonds sur toute l’existence de Suzuki. Sonchoix de la génétique, souligne-t-il, est venu enréaction au fait que sa différence raciale ait pu justifierson internement. Et de façon plus profonde,L’éternel combattant<strong>Le</strong> moins qu’on puisse dire, c’est que David Suzuki ne manquait pas de choses à raconter, en préparant Ma vie, son autobiographiepubliée ce printemps chez Boréal. Généticien de formation et vulgarisateur scientifique bien connu pour ses émissions de télé etde radio à la CBC, militant écologiste de longue date, professeur émérite de l’Université de la Colombie-Britannique, président dela fondation qui porte son nom, auteur d’une trentaine de livres et d’une chronique hebdomadaire sur le site de sa fondation (davidsuzuki.org),récipiendaire de dix-huit doctorats honorifiques et de huit titres honorifiques conférés par les nations autochtones,Suzuki est depuis toujours un véritable boulimique des causes environnementales, sociales et politiques. Et aussi un fier mari etpapa et un grand amateur de pêche, comme plusieurs passages du livre le montrent.précise-t-il encore :« Ça a créé chez moiune sorte de maladie. Jeme suis toujours sentiobligé de montrer auxCanadiens que j’étais à lahauteur. Si je reçois unappel de quelqu’un, monsentiment immédiat estqu’il faut que je fassequelque chose. » Unequalité et un défaut,à son propre avis, carl’énergie déployée danstoutes ces causes se voitaussi dispersée.L’échec écoloUne grande partie des énergies de David Suzukis’est quand même concentrée sur les causes environnementales.Un mouvement dont il a puconstater les immenses progrès, des années 60 audébut des années 90, mais dont il constate l’affaiblissementdepuis. Peut-on même parler d’échec?«Et comment! », acquiesce-t-il sans l’ombred’une hésitation.L’animateur de The Nature of Things rappellequ’en 1962, quand la biologiste américaine RachelCarson a publié Silent Spring, considéré parplusieurs comme le livre fondateur du mouvementécologiste, « il n’y avait pas un seul ministre del’Environnement dans le monde. De là, le mouvementa grandi de façon spectaculaire, au point queGeorge Bush père, en 1988, avait même déclaréqu’il serait un président environnementaliste. »Une affirmation que Suzuki assimile, a posteriori,à une mauvaise blague, mais qui démontrait aussila pression réelle ressentie alors par les politiciens.Mais depuis Rio, les gains ne se matérialisent pas,bien au contraire, tandis que le protocole de Kyotoest passablement affaibli, encore plus avec lesrécentes décisions du gouvernement Harper.Pourquoi? Pour Suzuki, il faut regarder la difficultéremarquable que nous avons, collectivement, àvoir les choses de façon globale et à long terme.Par exemple, il rappelle que 12% des adolescentscanadiens souffrent d’asthme : « J’ai fait une émissionsur l’asthme. J’ai choisi une journée de smog, àToronto, et on est allés voir les urgences. Il y avaitdes paquets de jeunes en crise d’asthme, et la plupartétaient reconduits par leurs parents en VUS(véhicules utilitaires sports) ! <strong>Le</strong>s gens ne font pasle lien avec leurs propres décisions. Pourtant, pasbesoin d’être un génie pour voir le rapport avecJ U I L L E T - A O Û T 2 0 0 620Par Rémy Charest© Chik RiceDAVID SUZUKItoute la merde qu’il y a dansl’air, dans l’eau et dans le sol! »De même, ajoute-t-il, les médiasrendent compte des grandestempêtes, des feux enIndonésie, des sécheresses, maisfont rarement le lien entre cesphénomènes pour expliquer leschangements climatiques. Et lemonde politique fonctionne àcourt terme, alors que l’actionenvironnementale demanderaitde mettre en place des mesuresdont on récoltera les fruits dansquinze, vingt ou trente ans.« On ne voit pas les choses encontexte », résume-t-il.Face à ces problèmes considérables, face à la complaisancerelative des citoyens, Suzuki l’infatigablerefuse de baisser les bras et sonne encore le rappeldes troupes : « Il faut réclamer que les politiciensagissent. Il y aura des élections fédérales d’ici deuxans. Il faut qu’on demande que les questions environnementalesfassent partie du débat. Il faut enfaire plus. »N’hésitant pas à recourir à des images colorées, il faitmême de la lutte aux changements climatiques unequestion identitaire pour le Canada : « WayneGretzky a appris à jouer au hockey sur une patinoireque son père lui préparait dans la cour familiale.Avec le réchauffement, il ne pourrait plus. Au Nord,les ours polaires sont menacés de disparaître. Ditesmoi,que serait le Canada sans hockey et sans ourspolaires? »Plus sérieusement, il ajoute que les principesécologiques sont tout ce qu’il y a de plus simple etde plus évident : « Il n’y a rien de compliqué làdedans.Nous sommes des animaux. Pour vivre,nous avons besoin que l’air, l’eau et la terre soientpropres. » Alors, au travail…Ma vieDavid Suzuki, Boréal,512 p., 29,95$L’Arbre, une vieDavid Suzukiet Wayne Grady,Boréal,268 p., 25,95$

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