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La Femme de trente ans - Lecteurs.com

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triple tableau <strong>de</strong> cette scène, dont les aspects sont à peine indiqués,procure à l’âme un <strong>de</strong> ces spectacles qu’elle inscrit à jamaisd<strong>ans</strong> son souvenir ; et, quand un poète en a joui, ses rêvesviennent souvent lui en reconstruire fabuleusement les effetsromantiques. Au moment où la voiture parvint sur le pont <strong>de</strong> laCise, plusieurs voiles blanches débouchèrent entre les îles <strong>de</strong>la Loire, et donnèrent une nouvelle harmonie à ce site harmonieux.<strong>La</strong> senteur <strong>de</strong>s saules qui bor<strong>de</strong>nt le fleuve ajoutait <strong>de</strong>pénétrants parfums au goût <strong>de</strong> la brise humi<strong>de</strong>. Les oiseauxfaisaient entendre leurs prolixes concerts ; le chant monotoned’un gar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> chèvres y joignait une sorte <strong>de</strong> mélancolie,tandis que les cris <strong>de</strong>s mariniers annonçaient une agitationlointaine. De molles vapeurs, capricieusement arrêtées autour<strong>de</strong>s arbres épars d<strong>ans</strong> ce vaste paysage, y imprimaient une<strong>de</strong>rnière grâce. C’était la Touraine d<strong>ans</strong> toute sa gloire, le printempsd<strong>ans</strong> toute sa splen<strong>de</strong>ur. Cette partie <strong>de</strong> la France, laseule que les armées étrangères ne <strong>de</strong>vaient point troubler,était en ce moment la seule qui fût tranquille, et l’on eût ditqu’elle défiait l’Invasion.Une tête coiffée d’un bonnet <strong>de</strong> police se montra hors <strong>de</strong> lacalèche aussitôt qu’elle ne roula plus ; bientôt un militaire impatienten ouvrit lui-même la portière, et sauta sur la route<strong>com</strong>me pour aller quereller le postillon. L’intelligence avec laquellece Tourangeau rac<strong>com</strong>modait le trait cassé rassura lecolonel <strong>com</strong>te d’Aiglemont, qui revint vers la portière en étendantses bras <strong>com</strong>me pour détirer ses muscles endormis ; ilbâilla, regarda le paysage, et posa la main sur le bras d’unejeune femme soigneusement enveloppée d<strong>ans</strong> un vitchoura.– Tiens, Julie, lui dit-il d’une voix enrouée, réveille-toi doncpour examiner le pays ! Il est magnifique.Julie avança la tête hors <strong>de</strong> la calèche. Un bonnet <strong>de</strong> martrelui servait <strong>de</strong> coiffure, et les plis du manteau fourré d<strong>ans</strong> lequelelle était enveloppée déguisaient si bien ses formes qu’on nepouvait plus voir que sa figure. Julie d’Aiglemont ne ressemblaitdéjà plus à la jeune fille qui courait naguère avec joie etbonheur à la revue <strong>de</strong>s Tuileries. Son visage, toujours délicat,était privé <strong>de</strong>s couleurs roses qui jadis lui donnaient un si richeéclat. Les touffes noires <strong>de</strong> quelques cheveux défrisés par l’humidité<strong>de</strong> la nuit faisaient ressortir la blancheur mate <strong>de</strong> satête, dont la vivacité semblait engourdie. Cependant ses yeux18

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