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La Femme de trente ans - Lecteurs.com

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dissiper. Il était difficile que la gaieté naquît sous <strong>de</strong> si vieuxlambris, entre <strong>de</strong>s meubles séculaires. Néanmoins la jeune Parisienneprit une sorte <strong>de</strong> plaisir à entrer d<strong>ans</strong> cette solitu<strong>de</strong>profon<strong>de</strong>, et d<strong>ans</strong> le silence solennel <strong>de</strong> la province. Aprèsavoir échangé quelques mots avec cette tante, à laquelle elleavait écrit naguère une lettre <strong>de</strong> nouvelle mariée, elle resta silencieuse<strong>com</strong>me si elle eût écouté la musique d’un opéra. Cene fut qu’après <strong>de</strong>ux heures d’un calme digne <strong>de</strong> la Trappequ’elle s’aperçut <strong>de</strong> son impolitesse envers sa tante, elle sesouvint <strong>de</strong> ne lui avoir fait que <strong>de</strong> froi<strong>de</strong>s réponses. <strong>La</strong> vieillefemme avait respecté le caprice <strong>de</strong> sa nièce par cet instinctplein <strong>de</strong> grâce qui caractérise les gens <strong>de</strong> l’ancien temps. En cemoment la douairière tricotait. Elle s’était, à la vérité, absentéeplusieurs fois pour s’occuper d’une certaine chambre verte où<strong>de</strong>vait coucher la <strong>com</strong>tesse et où les gens <strong>de</strong> la maison plaçaientles bagages ; mais alors elle avait repris sa place d<strong>ans</strong>un grand fauteuil, et regardait la jeune femme à la dérobée.Honteuse <strong>de</strong> s’être abandonnée à son irrésistible méditation,Julie essaya <strong>de</strong> se la faire pardonner en s’en moquant.– Ma chère petite, nous connaissons la douleur <strong>de</strong>s veuves,répondit la tante.Il fallait avoir quarante <strong>ans</strong> pour <strong>de</strong>viner l’ironie qu’exprimèrentles lèvres <strong>de</strong> la vieille dame. Le len<strong>de</strong>main, la <strong>com</strong>tessefut beaucoup mieux, elle causa. Madame <strong>de</strong> Listomère nedésespéra plus d’apprivoiser cette nouvelle mariée, qu’elleavait d’abord jugée <strong>com</strong>me un être sauvage et stupi<strong>de</strong> ; ellel’entretint <strong>de</strong>s joies du pays, <strong>de</strong>s bals et <strong>de</strong>s maisons où ellespouvaient aller. Toutes les questions <strong>de</strong> la marquise furent,pendant cette journée, autant <strong>de</strong> piéges que, par une anciennehabitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cour, elle ne put s’empêcher <strong>de</strong> tendre à sa niècepour en <strong>de</strong>viner le caractère. Julie résista à toutes les instancesqui lui furent faites pendant quelques jours d’aller chercher<strong>de</strong>s distractions au <strong>de</strong>hors. Aussi, malgré l’envie qu’avait lavieille dame <strong>de</strong> promener orgueilleusement sa jolie nièce, finitellepar renoncer à vouloir la mener d<strong>ans</strong> le mon<strong>de</strong>. <strong>La</strong> <strong>com</strong>tesseavait trouvé un prétexte à sa solitu<strong>de</strong> et à sa tristessed<strong>ans</strong> le chagrin que lui avait causé la mort <strong>de</strong> son père, <strong>de</strong> quielle portait encore le <strong>de</strong>uil. Au bout <strong>de</strong> huit jours, la douairièreadmira la douceur angélique, les grâces mo<strong>de</strong>stes, l’esprit indulgent<strong>de</strong> Julie, et s’intéressa, dès lors, prodigieusement à la24

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