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La Femme de trente ans - Lecteurs.com

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les choses les plus ordinaires <strong>de</strong> la vie. Au moment où la facultéd’aimer se développait en elle plus forte et plus active,l’amour permis, l’amour conjugal s’évanouissait au milieu <strong>de</strong>graves souffrances physiques et morales. Puis elle avait pourson mari cette <strong>com</strong>passion voisine du mépris qui flétrit à lalongue tous les sentiments. Enfin, si ses conversations avecquelques amis, si les exemples, ou si certaines aventures dugrand mon<strong>de</strong> ne lui eussent pas appris que l’amour apportaitd’immenses bonheurs, ses blessures lui auraient fait <strong>de</strong>vinerles plaisirs profonds et purs qui doivent unir <strong>de</strong>s âmes fraternelles.D<strong>ans</strong> le tableau que sa mémoire lui traçait du passé, lacandi<strong>de</strong> figure d’Arthur s’y <strong>de</strong>ssinait chaque jour plus pure etplus belle, mais rapi<strong>de</strong>ment ; car elle n’osait s’arrêter à ce souvenir.Le silencieux et timi<strong>de</strong> amour du jeune Anglais était leseul événement qui, <strong>de</strong>puis le mariage, eût laissé quelquesdoux vestiges d<strong>ans</strong> ce cœur sombre et solitaire. Peut-êtretoutes les espérances trompées, tous les désirs avortés qui,graduellement, attristaient l’esprit <strong>de</strong> Julie, se reportaient-ils,par un jeu naturel <strong>de</strong> l’imagination, sur cet homme, dont lesmanières, les sentiments et le caractère paraissaient offrir tant<strong>de</strong> sympathies avec les siens. Mais cette pensée avait toujoursl’apparence d’un caprice, d’un songe. Après ce rêve impossible,toujours clos par <strong>de</strong>s soupirs, Julie se réveillait plus malheureuse,et sentait encore mieux ses douleurs latentes quan<strong>de</strong>lle les avait endormies sous les ailes d’un bonheur imaginaire.Parfois, ses plaintes prenaient un caractère <strong>de</strong> folie et d’audace,elle voulait <strong>de</strong>s plaisirs à tout prix ; mais, plus souventencore, elle restait en proie à je ne sais quel engourdissementstupi<strong>de</strong>, écoutait s<strong>ans</strong> <strong>com</strong>prendre, ou concevait <strong>de</strong>s pensées sivagues, si indécises, qu’elle n’eût pas trouvé <strong>de</strong> langage pourles rendre. Froissée d<strong>ans</strong> ses plus intimes volontés, d<strong>ans</strong> lesmœurs que, jeune fille, elle avait rêvées jadis, elle était obligée<strong>de</strong> dévorer ses larmes. À qui se serait-elle plainte ? <strong>de</strong> quipouvait-elle être entendue ? Puis, elle avait cette extrême délicatesse<strong>de</strong> la femme, cette ravissante pu<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> sentiment quiconsiste à taire une plainte inutile, à ne pas prendre un avantagequand le triomphe doit humilier le vainqueur et le vaincu.Julie essayait <strong>de</strong> donner sa capacité, ses propres vertus à monsieurd’Aiglemont, et se vantait <strong>de</strong> goûter le bonheur qui luimanquait. Toute sa finesse <strong>de</strong> femme était employée en pure40

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