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La Femme de trente ans - Lecteurs.com

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l’âme trop belle, l’esprit trop délicat, et surtout trop <strong>de</strong> franchisepour être long-temps <strong>com</strong>plice <strong>de</strong> ces frau<strong>de</strong>s. Habituéeà lire en elle-même, au premier pas d<strong>ans</strong> le vice, car ceci étaitdu vice, le cri <strong>de</strong> sa conscience <strong>de</strong>vait étouffer celui <strong>de</strong>s passionset <strong>de</strong> l’égoïsme. En effet, chez une jeune femme dont lecœur est encore pur, et où l’amour est resté vierge, le sentiment<strong>de</strong> la maternité même est soumis à la voix <strong>de</strong> la pu<strong>de</strong>ur.<strong>La</strong> pu<strong>de</strong>ur n’est-elle pas toute la femme ? Mais Julie ne voulutapercevoir aucun danger, aucune faute d<strong>ans</strong> sa nouvelle vie.Elle vint chez madame <strong>de</strong> Sérizy. Sa rivale <strong>com</strong>ptait voir unefemme pâle, languissante ; la marquise avait mis du rouge, etse présenta d<strong>ans</strong> tout l’éclat d’une parure qui rehaussait encoresa beauté. Madame la <strong>com</strong>tesse <strong>de</strong> Sérizy était une <strong>de</strong> cesfemmes qui préten<strong>de</strong>nt exercer à Paris une sorte d’empire surla mo<strong>de</strong> et sur le mon<strong>de</strong> ; elle dictait <strong>de</strong>s arrêts, qui, reçusd<strong>ans</strong> le cercle où elle régnait, lui semblaient universellementadoptés ; elle avait la prétention <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s mots ; elle étaitsouverainement jugeuse. Littérature, politique, hommes etfemmes, tout subissait sa censure ; et madame <strong>de</strong> Sérizy semblaitdéfier celle <strong>de</strong>s autres. Sa maison était, en toute chose, unmodèle <strong>de</strong> bon goût. Au milieu <strong>de</strong> ces salons remplis <strong>de</strong>femmes élégantes et belles, Julie triompha <strong>de</strong> la <strong>com</strong>tesse. Spirituelle,vive, sémillante, elle eut autour d’elle les hommes lesplus distingués <strong>de</strong> la soirée. Pour le désespoir <strong>de</strong>s femmes, satoilette était irréprochable, et toutes lui envièrent une coupe<strong>de</strong> robe, une forme <strong>de</strong> corsage dont l’effet fut attribué généralementà quelque génie <strong>de</strong> couturière inconnue, car les femmesaiment mieux croire à la science <strong>de</strong>s chiffons qu’à la grâce et àla perfection <strong>de</strong> celles qui sont faites <strong>de</strong> manière à les bien porter.Lorsque Julie se leva pour aller au piano chanter la romance<strong>de</strong> Desdémone, les hommes accoururent <strong>de</strong> tous les salonspour entendre cette célèbre voix, muette <strong>de</strong>puis si longtemps,et il se fit un profond silence. <strong>La</strong> marquise éprouva <strong>de</strong>vives émotions en voyant les têtes pressées aux portes et tousles regards attachés sur elle. Elle chercha son mari, lui lançaune œilla<strong>de</strong> pleine <strong>de</strong> coquetterie, et vit avec plaisir qu’en cemoment son amour-propre était extraordinairement flatté.Heureuse <strong>de</strong> ce triomphe, elle ravit l’assemblée d<strong>ans</strong> la premièrepartie d’al piu salice. Jamais ni la Malibran, ni la Pastan’avaient fait entendre <strong>de</strong>s chants si parfaits <strong>de</strong> sentiment et44

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