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Monde du travail et emploi: bref tour d'horizon - SP Schweiz

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Parti socialiste suisse<br />

Congrès extraordinaire <strong>du</strong> 29 mai 1999 à Neuchâtel<br />

<strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> :<br />

<strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon<br />

Par Urs Hänsenberger 1<br />

Les informations présentées dans ce document de <strong>travail</strong> doivent servir d’arrière-plan<br />

au document « Un <strong>emploi</strong> <strong>et</strong> un salaire pour toutes <strong>et</strong> tous ». Il porte principalement<br />

sur le thème <strong>du</strong> <strong>travail</strong> rémunéré ainsi que sur le contexte économique <strong>et</strong> les aspects<br />

de la politique de la formation qui y sont liés. Nous y avons également abordé<br />

quelquefois le thème de la « globalisation ».<br />

Étant donné sa brièv<strong>et</strong>é, ce texte présente nécessairement de nombreuses lacunes.<br />

Nous avons avant tout voulu proposer une analyse de la situation <strong>et</strong> c’est pourquoi<br />

nous n’avançons pas ici de revendications. On trouvera ces dernières dans le train de<br />

mesures « Un <strong>emploi</strong> <strong>et</strong> un salaire pour toutes <strong>et</strong> tous », qui sera discuté au congrès<br />

extraordinaire <strong>du</strong> 29 mai 1999 à Neuchâtel (fin de la rédaction : 21.01.1999).<br />

SOMMAIRE :<br />

1. Situation générale initiale............................................................................... 2<br />

2. Les principales tendances.............................................................................. 4<br />

3. La Suisse comme place économique............................................................... 6<br />

5. Le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> en Suisse <strong>et</strong> le chômage dans les années 90 ................. 11<br />

6. La <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> <strong>travail</strong> ....................................................................................... 15<br />

7. Les syndicats sous pression !....................................................................... 16<br />

8. Qualification <strong>et</strong> capital humain ..................................................................... 17<br />

9. Conclusions ................................................................................................ 19<br />

AVERTISSEMENT À L’ÉDITION FRANÇAISE :<br />

Le présent document a été rédigé en allemand. La tra<strong>du</strong>ction française a été<br />

effectuée par Médiatrice Tra<strong>du</strong>ctions (Sylvie Colbois <strong>et</strong> Alain Perrinjaqu<strong>et</strong>). Toutes<br />

questions <strong>et</strong> remarques à propos de la tra<strong>du</strong>ction sont reçues volontiers par Jean-<br />

Philippe Jeannerat, secrétaire central romand, à l’adresse de courrier électronique :<br />

jpjeannerat@sp-ps.ch ou par télécopie au 031 / 329 69 70. Merci !<br />

1 Collaborateur scientifique <strong>du</strong> Groupe socialiste de l’Assemblée fédérale. Comité de lecture : Armin<br />

Jans, Ursula Koch, Christof Moser, P<strong>et</strong>er Peyer, Jean-François Steiert <strong>et</strong> Rudolf Strahm.<br />

H:\GREMIEN\Parteitag\1999 Mai\documents en français\monde <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong>.doc


1. Situation générale initiale<br />

2<br />

Le chômage constitue un des problèmes majeurs de notre monde. Depuis 1970, la<br />

population apte au <strong>travail</strong> a doublé, pour atteindre en 1996 près de 3,5 milliards de<br />

personnes. Seuls deux tiers d’entre elles environ exercent une activité<br />

professionnelle. 15 % seulement de ces <strong>travail</strong>leurs actifs habitent dans les deux<br />

douzaines de pays à hauts revenus. Selon la Banque mondiale, en 1993 1,3 milliard<br />

d’indivi<strong>du</strong>s vivaient dans la misère, disposant de moins de 1 dollar par jour. Des<br />

millions d’habitants des pays en voie de développement, surtout des jeunes femmes<br />

<strong>et</strong> des enfants, <strong>travail</strong>lent dans des conditions inhumaines <strong>et</strong> pour des salaires de<br />

misère. Les flux migratoires mondiaux sont aussi une conséquence de c<strong>et</strong>te situation<br />

précaire. On a estimé à au moins 125 millions le nombre de migrants <strong>et</strong> de migrantes<br />

au milieu des années 90. Un revenu inexistant ou trop faible entraîne une vie<br />

misérable <strong>et</strong> représente un obstacle matériel qui empêche de participer à la vie<br />

sociale <strong>et</strong> économique. Notons tout de même que, dans la dernière décennie, les<br />

soins médicaux <strong>et</strong> l’é<strong>du</strong>cation délivrés aux populations des pays pauvres ont pu<br />

connaître une légère amélioration – avec bien sûr quelques exceptions. 2<br />

Si, dans les dernières années, le chômage <strong>et</strong> la pauvr<strong>et</strong>é ont quelque peu reculé<br />

dans les pays nouvellement in<strong>du</strong>strialisés 3 , la crise asiatique a provoqué un véritable<br />

r<strong>et</strong>our de bâton, menaçant de ré<strong>du</strong>ire à néant toutes les améliorations qui ont été<br />

réalisées. La crise financière en Asie a entraîné à elle seule au moins 10 millions de<br />

chômeurs supplémentaires. On peut également craindre de telles régressions en<br />

Amérique latine ; quant à la Russie, qui se trouve de toute façon en crise, elle est<br />

également touchée par ce bouleversement.<br />

Bien que la globalisation ait donné un coup d’accélérateur à un grand nombre<br />

d’évolutions problématiques, on ne peut lui imputer l’ensemble de ces problèmes.<br />

Ainsi, le marché intérieur <strong>et</strong> la demande intérieure continuent de jouer un rôle central,<br />

même pour les entreprises multinationales : celles-ci continuent en eff<strong>et</strong> de réaliser<br />

75 % de leur valeur ajoutée dans le pays où elles ont leur siège (même si les firmes<br />

helvétiques font exception à c<strong>et</strong>te règle). Les investissements directs sont cependant<br />

répartis de façon très inégale : 10 pays se partagent environ les 2/3 de l’ensemble<br />

de ces investissements, alors que les 100 pays les moins bien dotés n’en attirent<br />

que 1 %. La globalisation a essuyé un certain échec avec la « crise asiatique » <strong>et</strong> elle<br />

s’est ralentie. Au sein de l’OMC, plusieurs proj<strong>et</strong>s ont été fortement r<strong>et</strong>ardés 4 . C’est<br />

aussi dans ce contexte qu’il faut situer l’échec de l’accord multilatéral sur les<br />

investissements (AMI). Mais parallèlement à la globalisation, des espaces<br />

économiques <strong>et</strong> des accords économiques régionaux (par exemple l’UE, l’AFTA,<br />

l’APEC <strong>et</strong> le Mercosur) tendent à se développer.<br />

Désormais, les services <strong>et</strong> les branches de l’in<strong>du</strong>strie qui se consacrent aux<br />

technologies nouvelles sont les secteurs dynamiques de l’économie <strong>et</strong> il sont<br />

l’apanage <strong>du</strong> peloton de tête des pays in<strong>du</strong>strialisés <strong>et</strong> des entreprises<br />

multinationales qui y ont leur siège. Les nouvelles technologies de l’information <strong>et</strong> la<br />

globalisation représentent aussi les plus grands défis auxquels soit confronté le<br />

monde <strong>du</strong> <strong>travail</strong>. Nous devons constater, avec lucidité <strong>et</strong> pragmatisme, que l’accès à<br />

2 Ainsi, l’indicateur sur le développement humain (IDH) établi par le Programme des Nations Unies pour<br />

le développement (PNUD) a évolué positivement pour la plupart des « pays en voie de<br />

développement ».<br />

3 On parle aussi à ce propos des « marchés émergents », des marchés en expansion.<br />

4 « Unerledigte Geschäfte der WTO », dans : NZZ <strong>du</strong> 12.1.1999<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


3<br />

la culture, à l’é<strong>du</strong>cation, à la formation continue <strong>et</strong> aux technologies nouvelles est<br />

bien le facteur-clé perm<strong>et</strong>tant d’avoir aujourd’hui une chance dans le « nouvel ordre<br />

économique mondial » <strong>et</strong> d’assurer son existence pour l’avenir.<br />

La globalisation <strong>et</strong> la mise en œ uvre massive des technologies de l’information <strong>et</strong> de<br />

la communication accélèrent le processus d’innovation <strong>et</strong> de réorganisation (globale)<br />

dans presque tous les secteurs de l’économie, ce qui entraîne des rationalisations <strong>et</strong><br />

un remplacement des formes de pro<strong>du</strong>ction traditionnelles. En eff<strong>et</strong>, de nouvelles<br />

formes de division <strong>du</strong> <strong>travail</strong> à grande distance deviennent possibles. Tant <strong>du</strong> point<br />

de vue spatial <strong>et</strong> temporel que social, la flexibilité <strong>et</strong> le morcellement <strong>du</strong> <strong>travail</strong> vont<br />

croissant. Le <strong>travail</strong> lié à l’information <strong>et</strong> au savoir devient ainsi la source principale<br />

de la pro<strong>du</strong>ction de valeur. La pression de la concurrence augmente <strong>et</strong>, par là même,<br />

la pression qui s’exerce sur les <strong>travail</strong>leurs.<br />

Il ne faut cependant pas oublier que l’évolution de la société entraîne toujours<br />

certaines mutations structurelles <strong>et</strong> que celles-ci offrent aussi certaines chances<br />

nouvelles. Par exemple, les nouvelles technologies deviennent meilleur marché <strong>et</strong> ces<br />

processus entraînent la création de nombreuses places de <strong>travail</strong>. Ce qui est décisif,<br />

c’est de savoir quels mécanismes de régulation on pourra imposer au niveau<br />

politique face à ces mutations.<br />

Les instruments susceptibles de réguler les conditions de <strong>travail</strong> au niveau <strong>du</strong> globe<br />

sont plutôt modestes. À Genève, l’Organisation internationale <strong>du</strong> <strong>travail</strong> (OIT) essaie<br />

d’établir des normes internationales (minimales), qui sont fixées dans plus de 180<br />

conventions (par exemple celle qui interdit le <strong>travail</strong> des enfants) <strong>et</strong> dans plus de 188<br />

recommandations. Mais, contrairement à l’OMC, à la Banque mondiale ou au FMI,<br />

l’OIT n’a pas le pouvoir d’infliger des sanctions. On n’a pas encore obtenu que des<br />

normes sociales (clauses sociales) soient intégrées dans les accords commerciaux,<br />

par exemple dans le cadre de l’OMC 5 . C’est pourquoi des actions à d’autres niveaux<br />

sont aussi importantes ; elles sont la plupart <strong>du</strong> temps menées par des organisations<br />

non gouvernementales (ONG), comme dans le cas de l’encouragement <strong>du</strong> commerce<br />

équitable (par ex. le café Max Havelaar), des campagnes de boycott contre les biens<br />

de consommation pro<strong>du</strong>its par <strong>travail</strong> des enfants (par ex. les pro<strong>du</strong>its Adidas ou<br />

Nike) ou de la récente campagne de sensibilisation « Vêtements Propres » 6 .<br />

On comprend donc pourquoi la politique de l’<strong>emploi</strong> <strong>et</strong> <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>, ainsi que<br />

la régulation des conditions de <strong>travail</strong> sont encore demeurées jusqu’à aujourd’hui<br />

presque exclusivement une affaire nationale. Certes, l’UE connaît un certain nombre<br />

de normes minimales, meilleures que celles en vigueur en Suisse (assurance<br />

maternité, participation, charte sociale). C’est en particulier sous l’impulsion <strong>du</strong><br />

gouvernement français, qu’on a inclus dans le Traité d’Amsterdam (1997) un chapitre<br />

sur l’<strong>emploi</strong>, conférant ainsi à la politique européenne de l’<strong>emploi</strong> une importance<br />

nouvelle. Il faut pourtant aller au-delà de ces premiers balbutiements.<br />

5 Le PS suisse a signé la « Déclaration pour la clause sociale des syndicats, des organisations en<br />

faveur <strong>du</strong> développement, de l’environnement, des droits des femmes <strong>et</strong> pour la promotion des droits<br />

de la personne ».<br />

6 La campagne, lancée le 12.1.1999, est menée par « Pain pour le prochain », la « Déclaration de<br />

Berne » <strong>et</strong> l’« Action de carême ».<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


2. Les principales tendances<br />

4<br />

La globalisation de l’économie entraîne aussi de nouvelles tendances, refl<strong>et</strong>s<br />

d’évolutions qui vont en se renforçant. Mais ces évolutions ne sont généralement pas<br />

universelles, pas plus que ne l’est la globalisation elle-même.<br />

Le secteur des services gagne <strong>du</strong> terrain : Lorsque l’on parle aujourd’hui de la<br />

marche vers la société de l’information, il faut demeurer conscient <strong>du</strong> fait que la<br />

structure de l’<strong>emploi</strong> au niveau mondial ne recouvre pas <strong>du</strong> tout celle des pays<br />

in<strong>du</strong>strialisés. À l’échelle <strong>du</strong> globe, on trouvait encore, en 1995, 46 % des <strong>travail</strong>leurs<br />

dans l’agriculture, alors que 21 % d’entre eux étaient actifs dans l’in<strong>du</strong>strie <strong>et</strong> 33 %<br />

dans le secteur des services. Dans l’UE, en revanche, on ne compte plus, en 1996,<br />

que 5,1 % de <strong>travail</strong>leurs (CH : 4,7 %) dans l’agriculture, pour 64,9 % (CH : 68,7 %)<br />

dans les services. C’est surtout dans les pays à faibles revenus que le secteur<br />

agricole domine. On note aussi des disparités importantes dans la répartition des<br />

<strong>travail</strong>leurs entre secteur formel <strong>et</strong> informel : alors que dans les pays les plus<br />

pauvres, seuls 15 % des personnes actives <strong>travail</strong>lent dans le secteur formel, elles<br />

sont quelque 46 % dans les pays à revenus moyens <strong>et</strong> 90 % environ dans les pays<br />

riches (1994).<br />

Les marchés financiers sont dominants : Les marchés financiers sont dans de<br />

nombreux domaines le principal moteur de la globalisation. Les transferts financiers<br />

<strong>et</strong> la d<strong>et</strong>te internationale augmentent plus rapidement que le commerce mondial <strong>et</strong><br />

celui-ci se développe plus vite que la pro<strong>du</strong>ction mondiale. Rien n’est aussi mobile<br />

que le capital <strong>et</strong> rien n’est aussi globalement interdépendant que les marchés<br />

financiers. Ceux-ci se m<strong>et</strong>tent pour ainsi dire à vivre d’une vie propre, ils se détachent<br />

de l’économie réelle <strong>et</strong> cessent pratiquement d’être contrôlables. La domination des<br />

marchés financiers con<strong>du</strong>it aussi à un alignement unilatéral des stratégies<br />

d’entreprise sur la maximalisation de la cotation des actions, en général aux dépens<br />

des <strong>travail</strong>leurs. Dans ce capitalisme de casino, les placements en bourse à court<br />

terme sont plus prom<strong>et</strong>teurs que les investissements à moyen <strong>et</strong> à long terme dans<br />

l’économie réelle qui, eux, sont créateurs de places de <strong>travail</strong>.<br />

Les entreprises multinationales : Depuis 1970, le nombre des multinationales est<br />

passé de 7000 à plus de 40’000 <strong>et</strong> leur chiffre d’affaire dépasse désormais le<br />

volume <strong>du</strong> commerce mondial. Elles représentent le deuxième moteur de la<br />

globalisation. Leur puissance financière <strong>et</strong> leur capitaux ne cessent de croître : à<br />

elles seules, les 100 plus grosses multinationales possédaient au milieu des années<br />

90 une fortune totale de 3500 milliards de dollars. Difficiles à contrôler, elles<br />

détiennent de fait, face aux États, aux forces politiques <strong>et</strong> aux syndicats, une marge<br />

de négociation <strong>et</strong> un pouvoir de pression qui vont toujours croissant. Au niveau<br />

international, il n’existe toujours pas d’autorités compétentes en matière de<br />

concurrence, ni de législation sur les cartels. C’est pourquoi les méga-fusions, qui ont<br />

atteint l’an dernier un volume de 2500 milliards de dollars, ne rencontrent<br />

pratiquement aucune résistance. 7<br />

Déréglementation <strong>et</strong> flexibilisation des conditions de <strong>travail</strong> : La réorganisation des<br />

entreprises, la nouvelle division internationale <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> les nouvelles technologies<br />

7 En 1998, le volume mondial des transactions liées à des fusions <strong>et</strong> à des reprises d’entreprises a<br />

augmenté de 55 %, pour atteindre 2500 milliards de dollars ; le volume correspondant pour les<br />

entreprises européennes s’est élevé de 45 %, atteignant 524,8 milliards de dollars. Ce sont surtout le<br />

secteur financier, la branche des télécommunications, l’in<strong>du</strong>strie automobile <strong>et</strong> celle <strong>du</strong> pétrole qui ont<br />

été touchés. (cf. NZZ <strong>du</strong> 14.1.1999)<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


5<br />

entraînent une précarisation croissante des conditions de <strong>travail</strong>. De nouveaux types<br />

d’<strong>emploi</strong>s se répandent, qui – comparés aux « rapports de <strong>travail</strong> normaux » –<br />

s’avèrent atypiques, flexibles, précaires ou vulnérables <strong>et</strong> porteurs de nouvelles<br />

formes de dépendance. On assiste aussi au développement d’une catégorie nouvelle,<br />

les « indépendants dépendants », pour qui la limite entre <strong>emploi</strong> dépendant <strong>et</strong><br />

indépendant tend à s’effacer. Ces nouveaux types d’<strong>emploi</strong> se transforment en<br />

pièges, surtout lorsqu’ils se trouvent en porte-à-faux par rapport au système de<br />

sécurité sociale <strong>et</strong> que les <strong>travail</strong>leurs ne bénéficient par conséquent d’aucune<br />

protection.<br />

La flexibilisation <strong>du</strong> <strong>travail</strong> a en outre des répercussions sur la personnalité des<br />

hommes <strong>et</strong> des femmes, dont les parcours de vie sont marqués par une discontinuité<br />

<strong>et</strong> une instabilité toujours plus importantes. De ce fait, c’est aussi la stabilité des<br />

institutions, au niveau de l’État <strong>et</strong> de la société civile, qui est ici en jeu. 8<br />

La segmentation <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> : Avec l’évolution en cours vers un <strong>travail</strong><br />

requérant toujours plus de connaissances, il semble bien que le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong><br />

s’articulera à l’avenir en trois principales catégories : 1. un p<strong>et</strong>it noyau de personnel<br />

hautement qualifié – de moins en moins nombreux – qui aura des conditions de<br />

<strong>travail</strong> garanties ; 2. des « salariés » qualifiés <strong>et</strong> des « nouveaux indépendants » sans<br />

contrats permanents qui, grâce à une qualification spécifique <strong>et</strong> de haut niveau,<br />

pourront acquérir une certaine autonomie ; 3. des <strong>travail</strong>leurs moins bien qualifiés, ou<br />

non qualifiés, dont le statut professionnel n’assurera plus l’existence au niveau<br />

économique (les <strong>travail</strong>leurs paupérisés, ou working poors). C<strong>et</strong>te évolution s’étend à<br />

tout le globe, touchant aussi les pays in<strong>du</strong>strialisés (<strong>et</strong> avant tout le secteur des<br />

services). L’augmentation des disparités salariales dans la plupart des pays est une<br />

des manifestations actuelles de c<strong>et</strong>te évolution.<br />

Dans tous les pays <strong>du</strong> globe, on compte moins de femmes actives que d’hommes.<br />

Pourtant, depuis 1970, l’activité professionnelle des femmes a augmenté dans le<br />

monde (Afrique exceptée) plus rapidement que celle des hommes (on recensait en<br />

1970 37 femmes actives pour 100 hommes employés ; on en compte aujourd’hui<br />

plus de 62). Elles représentent la majeure partie des personnes employées à temps<br />

partiel. À <strong>travail</strong> égal, elles continuent de recevoir partout un salaire inférieur à celui<br />

des hommes : en moyenne internationale, leur rémunération s’élève à 75 % de celle<br />

des hommes. En outre, de nombreux obstacles les empêchent d’accéder à une<br />

meilleure formation. Sur l’ensemble de la planète, la féminisation de la misère va en<br />

augmentant. Si les récents développements ne suppriment pas les inégalités entre<br />

les sexes sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>, celles-ci peuvent par contre prendre de nouvelles<br />

formes. On peut cependant aussi observer que, dans les pays nouvellement<br />

in<strong>du</strong>strialisés, les nouvelles technologies de l’information <strong>et</strong> de la communication<br />

ouvrent à une partie des femmes des perspectives encore inédites sur le marché <strong>du</strong><br />

<strong>travail</strong>.<br />

Les tendances signalées ci-dessus affaiblissent les <strong>travail</strong>leurs : Face au pouvoir de<br />

pression des multinationales, à la segmentation <strong>et</strong> à la flexibilisation <strong>du</strong> marché <strong>du</strong><br />

<strong>travail</strong>, les syndicats ne sont guère parvenus jusqu’ici à développer un contre-pouvoir<br />

qui s’étende à toute une branche, au-delà des frontières nationales. De plus, les<br />

multinationales ont la possibilité de m<strong>et</strong>tre en concurrence les <strong>travail</strong>leurs de leurs<br />

8 Richard Senn<strong>et</strong>t se demande ainsi (1998, p. 12) : « Mais comment poursuivre des buts à long terme<br />

lorsque l’on vit dans une économie complètement orientée vers le court terme ? Comment défendre<br />

l’idée d’une loyauté <strong>et</strong> d’obligations vis-à-vis d’institutions qui se désagrègent constamment ou se<br />

restructurent sans cesse ? Comment peut-on déterminer des valeurs <strong>du</strong>rables lorsque l’on vit dans<br />

une société impatiente qui ne peut se concentrer que sur l’instant présent ? Tels sont les problèmes<br />

posés au caractère humain par le nouveau “capitalisme de la flexibilisation” » [tra<strong>du</strong>ction par nos<br />

soins].<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


6<br />

différents lieux d’implantation. C’est ainsi que de nombreux obstacles contre lesquels<br />

il serait en principe possible de lutter au niveau syndical, mais aussi politique,<br />

prennent l’apparence d’une contrainte objective. Les idéologues néolibéraux ne se<br />

lassent en eff<strong>et</strong> jamais de faire passer leurs credos économiques pour des lois<br />

naturelles immuables. Une nouvelle régulation de l’économie demeure donc à juste<br />

titre la revendication centrale des syndicats.<br />

Les ONG, qui dans leurs campagnes font désormais d’un outil comme Intern<strong>et</strong> une<br />

utilisation professionnelle, ont rencontré jusqu’à présent un peu plus de succès.<br />

L’exemple <strong>et</strong> le plus marquant en est leur combat contre l’Accord multilatéral sur<br />

l’investissement (AMI) de l’OCDE.<br />

3. La Suisse comme place économique<br />

Le « mythe » de la concurrence entre les sites d’implantation : Aujourd’hui, toute<br />

occasion est bonne pour tirer argument de la globalisation <strong>et</strong> de la concurrence<br />

croissante entre les sites d’implantation, afin de justifier des mesures de<br />

libéralisation <strong>et</strong> de déréglementation. D’un point de vue strictement économique, il<br />

n’y a pourtant de concurrence qu’entre les entreprises. Les conditions-cadres établies<br />

par l’État jouent naturellement un rôle important pour le développement de<br />

l’économie. Mais c’est une multiplicité de facteurs qui constituent ces conditions <strong>et</strong><br />

ces différents facteurs peuvent varier considérablement, même d’un pays<br />

in<strong>du</strong>strialisé à l’autre, de même que dans la façon dont ils se combinent. Souvent les<br />

entreprises dirigent le feu de leur critique contre le niveau des salaires <strong>et</strong> des impôts<br />

en Suisse <strong>et</strong> elles brandissent la menace de transférer des places de <strong>travail</strong> à<br />

l’étranger. Mais, malgré leurs lamentations permanentes, les entreprises suisses<br />

d’exportation se placent tout en haut des palmarès internationaux. L’économie<br />

suisse est donc bien concurrentielle. On le constate par exemple en observant le fait<br />

que, dans ces dernières années, notre pays a toujours eu, face aux « Tigres » de<br />

l’Asie <strong>du</strong> Sud-Est un excédent élevé de sa balance commerciale, malgré les salaires<br />

n<strong>et</strong>tement plus bas de ces pays. 9<br />

Les investissements : Pour expliquer le fait que les entreprises helvétiques créent<br />

plus de places de <strong>travail</strong> à l’étranger qu’en Suisse, on se borne à renvoyer aux<br />

mauvaises conditions-cadres qu’offrirait notre pays. Mais ce phénomène n’a que peu<br />

de choses à voir avec les conditions-cadres : une telle explication s’appliquerait tout<br />

au plus au cas des scientifiques, auxquels un pays comme les USA offre souvent des<br />

possibilités <strong>et</strong> des perspectives de <strong>travail</strong> plus attrayantes que la Suisse. Pourtant,<br />

l’effectif <strong>du</strong> personnel des entreprises suisses à l’étranger augmente en eff<strong>et</strong><br />

constamment : en 1997, il s’est accru de 130’000 unités, pour atteindre 1,59 million<br />

de <strong>travail</strong>leurs, les 2/3 de c<strong>et</strong>te augmentation étant le fait <strong>du</strong> groupe des holdings <strong>et</strong><br />

des sociétés financières. Cela tient principalement à trois facteurs : premièrement, la<br />

Suisse réalise chaque année, <strong>et</strong> depuis des années, un excédent considérable de sa<br />

balance commerciale (de 33,1 milliards de francs en 1997) 10 , qui ne peut être<br />

réinvesti seulement en Suisse.<br />

9 En 1997, face aux nouveaux pays in<strong>du</strong>strialisés d’Asie, les importations se montaient à 2366,6<br />

millions de francs, les exportations à 7599,5 millions <strong>et</strong> l’excédent de la balance commerciale à<br />

5232,9 millions. Ces chiffres ont quelque peu diminué en 1998, à la suite de la « crise asiatique » :<br />

les importations s’élevaient à 2404,5 millions; les exportations à 5586,4 millions <strong>et</strong> l’excédent de la<br />

balance commerciale à 3181,9 millions.<br />

10 1993 : 28,8 ; 1994 : 23,9 ; 1995 : 25,2 ; 1996 : 27,2 milliards<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


7<br />

Deuxièmement, on compte aussi au nombre des investissements directs à l’étranger<br />

les acquisitions d’entreprises, par lesquelles aucune nouvelle place de <strong>travail</strong> n’est<br />

créée, <strong>et</strong>, troisièmement, de nombreuses entreprises se réorganisent, dans le cadre<br />

de la globalisation, de façon à développer leur présence à proximité des marchés<br />

qu’elles cherchent à conquérir.<br />

Les investissements directs de capitaux suisses à l’étranger (reprises,<br />

augmentations de capitaux, fondations d’entreprises) ont augmenté régulièrement de<br />

1993 (alors même qu’on était dans une période de désinvestissement) à 1997, pour<br />

atteindre 7,2 milliards de francs. Ils représentaient alors 4,1 milliards de francs pour<br />

le seul secteur de l’in<strong>du</strong>strie (principalement la chimie <strong>et</strong> la métallurgie).<br />

Le lieu d’imposition : Les partis bourgeois sont particulièrement friands de ré<strong>du</strong>ctions<br />

d’impôt <strong>et</strong> ne tarissent pas d’éloges sur la concurrence fiscale. Leur principal<br />

argument est le suivant : baisser les impôts des entreprises favorise les<br />

investissements <strong>et</strong> donc la création de places de <strong>travail</strong>. Mais un tel rapport de cause<br />

à eff<strong>et</strong> est loin d’être prouvé empiriquement. Aux USA, on a même pu observer<br />

l’inverse : Ronald Reagan a annoncé une baisse des impôts <strong>et</strong>, dans la même<br />

période, les investissements ont diminué. Naturellement, ici non plus il n’y a pas de<br />

lien de causalité. C<strong>et</strong> exemple montre toutefois que d’autres facteurs déterminent le<br />

comportement des investisseurs d’une façon aussi décisive que les taux de fiscalité.<br />

Un autre thème fréquemment abordé est celui de la concurrence fiscale entre les<br />

États. En avril 1998, l’OCDE a adopté un rapport <strong>et</strong> des recommandations sur la<br />

question de la concurrence fiscale malsaine. La Suisse, de même que le<br />

Luxembourg, s’est abstenue de voter, en particulier parce que les recommandations<br />

rem<strong>et</strong>taient en cause la pratique suisse d’entraide judiciaire <strong>et</strong> administrative<br />

internationale ainsi que le secr<strong>et</strong> bancaire. On débat également de ce thème dans<br />

l’UE, notamment par rapport à la pratique de certains pays membres (tels que<br />

l’Irlande) qui accordent des privilèges fiscaux considérables aux investisseurs<br />

étrangers (paradis fiscaux). Une convention devrait m<strong>et</strong>tre fin à ces pratiques. Les<br />

cantons suisses ont aussi adopté une telle convention contre les abus en matière de<br />

concurrence fiscale. Mais on ne voit pas venir de résultats, bien au contraire. Et<br />

pourtant, des voix s’élèvent, même dans les cercles de l’économie, pour dénoncer le<br />

fédéralisme fiscal helvétique comme un désavantage concurrentiel.<br />

On peut affirmer sans crainte d’exagérer que la Suisse est aujourd’hui, dans son<br />

ensemble, un paradis fiscal. Depuis la réforme de la fiscalité des entreprises (en<br />

1997) son taux maximal d’imposition des entreprises est en comparaison<br />

internationale le plus bas qui soit, si l’on excepte la Hongrie 11 . La situation des firmes<br />

en Suisse s’avère encore plus confortable si l’on prend en considération toutes les<br />

dé<strong>du</strong>ctions fiscales possibles, qui sont chez nous extrêmement généreuses.<br />

Le coût <strong>du</strong> <strong>travail</strong> : La Suisse est un pays à salaires élevés. Les partis bourgeois en<br />

tirent prétexte pour fustiger à tout bout de champ son incapacité à être<br />

concurrentielle. Dans les statistiques internationales, notre pays figure au 3 e rang en<br />

ce qui concerne le coût horaire <strong>du</strong> <strong>travail</strong> (in<strong>du</strong>strie, 1997), au 4 e rang pour les<br />

salaires horaires <strong>et</strong> légèrement au-dessus de la moyenne pour les charges<br />

accessoires <strong>du</strong> salaire 12 . Seules l’Allemagne <strong>et</strong> la Norvège sont mieux classées.<br />

Pourtant, si l’on prend comme base de comparaison le coût salarial unitaire, qui<br />

prend en compte la pro<strong>du</strong>ctivité <strong>du</strong> <strong>travail</strong>, on remarque que la Suisse peut se<br />

mesurer sans complexes au peloton de tête des pays in<strong>du</strong>strialisés, d’autant plus<br />

que, dans les dernières années, la pro<strong>du</strong>ctivité s’y est accrue dans une proportion<br />

11 Chiffres établis par KPMG Fides, cf. NZZ <strong>du</strong> 7.5.1998<br />

12 UBS : Outlook <strong>Schweiz</strong>, 4/98<br />

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8<br />

que n’égale guère un autre pays. La motivation au <strong>travail</strong> la plus forte au monde, les<br />

longs horaires de <strong>travail</strong>, le faible taux d’absentéisme <strong>et</strong> le nombre restreint de jours<br />

de grève y sont pour quelque chose.<br />

Les Suisses sont en eff<strong>et</strong> les champions <strong>du</strong> monde de la pro<strong>du</strong>ctivité <strong>du</strong> <strong>travail</strong> 13 :<br />

dans l’in<strong>du</strong>strie des machines, elle a augmenté d’environ un tiers depuis 1990 14 . Si<br />

l’on fait une comparaison internationale, il est évident que les pays qui ont les coûts<br />

salariaux les plus élevés ont aussi la plus haute pro<strong>du</strong>ctivité <strong>du</strong> <strong>travail</strong> – <strong>et</strong><br />

réciproquement. C’est là que se joue la capacité concurrentielle de l’économie<br />

helvétique. Ceux qui cherchent toujours à comparer notre pays avec les pays à bas<br />

salaires parient donc sur le mauvais cheval.<br />

Souvent le patronat ne considère les salaires <strong>et</strong> les charges accessoires que comme<br />

des facteurs de coût. C’est une erreur, car les salaires <strong>et</strong> les revenus provenant des<br />

assurances sociales génèrent aussi une demande de biens <strong>et</strong> de services. Sans<br />

c<strong>et</strong>te demande, les entreprises resteraient avec leurs pro<strong>du</strong>its sur les bras. On ne<br />

cesse d’entendre qu’un franc sur deux est gagné à l’étranger, mais, même dans<br />

l’économie suisse, si fortement <strong>tour</strong>née vers l’étranger, les trois quarts des biens <strong>et</strong><br />

des services sont pro<strong>du</strong>its par les habitants <strong>du</strong> pays <strong>et</strong> pour les habitants <strong>du</strong> pays. 15<br />

Les salaires génèrent une demande <strong>et</strong>, l’année dernière, c’est en Suisse la demande<br />

intérieure qui, de plus en plus n<strong>et</strong>tement, a soutenu la conjoncture.<br />

La récession des années 90 a été en grande partie une pro<strong>du</strong>ction maison : La<br />

récession des années 90 <strong>et</strong> ses suppressions massives de places de <strong>travail</strong> n’ont<br />

qu’un très lointain rapport avec la globalisation. On le constate aussi en observant<br />

qu’aucun autre pays in<strong>du</strong>strialisé n’a connu une croissance économique à ce point<br />

négative 16 . Deux acteurs ont principalement contribué à aggraver la crise : la<br />

Banque nationale suisse <strong>et</strong> les pouvoirs publics 17 .<br />

En 1991/1992, la Suisse a connu une période de taux d’intérêts extrêmement<br />

élevés (7-8 % à court terme), qui ont eu des répercussions négatives sur les intérêts<br />

hypothécaires, les loyers <strong>et</strong> les intérêts des crédits commerciaux. Puis il y a eu la<br />

récession de l’économie mondiale (USA 1991/92; Europe occidentale 1993/94). La<br />

situation économique de la Suisse s’est dégradée de façon constante, encore<br />

aggravée par le crash de l’immobilier. C<strong>et</strong>te période de taux d’intérêts élevés nous a<br />

coûté au moins 50’000 places de <strong>travail</strong>. La Banque nationale a sacrifié au combat<br />

contre l’inflation (à la stabilité monétaire) tous les objectifs de politique<br />

conjoncturelle.<br />

Lorsqu’ensuite les intérêts ont amorcé leur baisse, en 1995, le franc s’est fortement<br />

apprécié, d’environ 15 % (par rapport à la valeur des exportations). Les pro<strong>du</strong>its<br />

suisses d’exportation ont renchéri en proportion. Les entreprises helvétiques ont<br />

réagi en entreprenant des rationalisations <strong>et</strong> restructurations brutales.<br />

13 Cf. le graphique de Strahm (1997), page 156<br />

14 Cf. NZZ <strong>du</strong> 12.3.1998<br />

15 Cf. Vontobel (1998), p. 110 sqq. « D’une part, il va de soi que les prestations des sous-traitants<br />

sont déjà incluses dans la valeur à l’exportation <strong>et</strong> qu’il ne faudrait pas les compter deux fois. D’autre<br />

part, ni les exportations, ni les importations, prises en elles-mêmes, ne font partie <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it intérieur<br />

brut. Pour calculer la part des exportations dans le PIB, il faut donc dé<strong>du</strong>ire, dans les exportations<br />

d’une année, toutes les importations qu’elles recèlent. Il faudrait enfin comparer ce transfert n<strong>et</strong> [… ]<br />

avec le PIB. » (111, tra<strong>du</strong>ction par nos soins)<br />

16 En 1996, le pro<strong>du</strong>it national brut réel était encore légèrement inférieur à celui de 1990.<br />

17 Cf. à ce propos Gaillard, Serge / Hänsenberger Urs: Mon<strong>et</strong>arische Politik führt in die Defizite. Die<br />

Finanzen der öffentlichen Hand in den 90er Jahren. Dans : Rote Revue 2/98 (non tra<strong>du</strong>it)<br />

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9<br />

La Banque nationale aurait pu empêcher c<strong>et</strong>te appréciation <strong>du</strong> franc, si elle avait opté<br />

pour une politique active. Mais, au lieu de cela, elle a con<strong>du</strong>it, par sa politique<br />

monétaire restrictive, la Suisse à la déflation. Selon l’OCDE, c<strong>et</strong>te politique a coûté à<br />

notre pays quelque 100’000 places de <strong>travail</strong>.<br />

Les pouvoirs publics ont, eux aussi, contribué à aggraver la crise. Au lieu d’augmenter<br />

leurs dépenses de façon anticyclique, ils ont essayé, à partir de 1995, de résorber<br />

les déficits qu’ils avaient amoncelés entre 1991 <strong>et</strong> 1994. Dans la seule année 1995,<br />

ils ont ainsi freiné, par leur politique financière, la croissance <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it intérieur brut<br />

d’environ 1 pour cent.<br />

Depuis lors, la Banque nationale a fortement assoupli sa politique monétaire <strong>et</strong><br />

contribué, avec la baisse de ses taux d’intérêts, à la relance conjoncturelle. Mais,<br />

comme si on n’en avait tiré aucune leçon, on élève maintenant les « erreurs <strong>du</strong><br />

passé » au rang d’objectif suprême de la politique monétaire <strong>et</strong> on proclame la<br />

stabilité monétaire comme l’objectif prioritaire 18 . L’année 1998 a montré qu’une forte<br />

conjoncture est le meilleur moyen d’assainir les finances fédérales. Selon les<br />

premières estimations, le déficit sera inférieur d’environ 4 milliards de francs à celui<br />

qu’on avait budgété.<br />

La politique des taux d’intérêts élevés <strong>et</strong> le crash de l’immobilier qui en a été la<br />

conséquence ont laissé des traces profondes, encore perceptibles aujourd’hui. Les<br />

banques, qui avaient alors vivement stimulé le boom de l’immobilier <strong>et</strong> <strong>du</strong> bâtiment,<br />

ont dû éponger jusqu’à présent plus de 50 milliards de francs de pertes. Ce sont les<br />

PME, qui voient leurs crédits diminuer <strong>et</strong> leurs intérêts augmenter, qui en subissent<br />

maintenant les conséquences. De plus, les banques encaissent maintenant sans<br />

états d’âme des marges plus importantes qu’auparavant. C<strong>et</strong>te politique est aussi le<br />

résultat – pour l’économie nationale – des objectifs de rendement complètement<br />

irréalistes, allant de 15 à 20 %, que les grandes banques se sont fixés <strong>et</strong> qui<br />

con<strong>du</strong>isent à la ruine de pans entiers de l’économie réelle.<br />

Des programmes d’investissement qu’il faut imposer aux partis bourgeois : Malgré<br />

l’augmentation dramatique <strong>du</strong> nombre des chômeurs (voir ci-dessous), il a fallu de<br />

nombreuses offensives politiques <strong>et</strong> de multiples pressions de la part <strong>du</strong> PS <strong>et</strong> des<br />

syndicats jusqu’à ce que le Conseil fédéral <strong>et</strong> le parlement se décident à remplir un<br />

tant soit peu leur mandat constitutionnel 19 . Ainsi, au printemps 1993, les chambres<br />

fédérales se sont prononcées en faveur d’un programme d’investissement (bonus à<br />

l’investissement) d’un montant de 300 millions de francs <strong>et</strong>, au printemps 1997,<br />

elles ont adopté un second programme de 561 millions de francs, qui comprend<br />

l’« Arrêté sur les places d’apprentissage ». Le premier programme a généré des<br />

investissements s’élevant à quelque 1,4 milliard de francs, 20 alors que le second<br />

devrait engendrer environ 2 milliards d’investissements.<br />

18 Pour le moment, deux propositions de modification de l’article constitutionnel sur la politique<br />

monétaire sont en concurrence. L’article 99 de la nouvelle Constitution fédérale, que le PS soutient,<br />

déclare (al. 2) : « La Banque nationale suisse mène une politique monétaire servant les intérêts<br />

généraux <strong>du</strong> pays,… » Une seconde proposition, que l’on doit au Département des finances, a été<br />

adoptée par le Conseil national <strong>et</strong> sera soumise au Conseil des États en mars 1999. L’article proposé<br />

est le suivant (Cst art. 39 al. 3.) : « La Banque nationale suisse mène une politique monétaire servant<br />

les intérêts généraux <strong>du</strong> pays, dans laquelle le but de la stabilité monétaire est prioritaire. » Le PS<br />

combat fermement la priorité qu’on accorde ici à la stabilité monétaire par rapport aux autres objectifs<br />

de la politique économique.<br />

19 Cst art. 31 quinquies al. 1 : « La Confédération prend des mesures tendant à assurer l’équilibre de<br />

l’évolution conjoncturelle, en particulier à prévenir <strong>et</strong> à combattre le chômage <strong>et</strong> le renchérissement.<br />

Elle collabore avec les cantons <strong>et</strong> l’économie. »<br />

20 Cf. Saurer, P<strong>et</strong>er : Der Investitionsbonus 1993-1995, Schlussbericht. Dans : Mitteilungsblatt für<br />

Konjunkturfragen 3/96.<br />

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4. Salaires <strong>et</strong> revenus<br />

10<br />

Les années 90 ont été marquées par une redistribution massive <strong>du</strong> revenu <strong>et</strong> de la<br />

fortune au profit des classes les plus aisées, qui s’est accompagnée pour une grande<br />

partie de la population d’une perte de pouvoir d’achat. Il faut ajouter à cela le fait que<br />

le taux de consommation des personnes à revenus élevés est plus faible que celui<br />

des personnes modestes <strong>et</strong> que les personnes aisées placent en bourse une<br />

proportion de leurs revenus qui va croissant. La r<strong>et</strong>enue des consommateurs a ainsi<br />

représenté un frein supplémentaire pour le développement conjoncturel.<br />

Durant c<strong>et</strong>te période, les salaires réels moyens ont stagné, quand ils n’ont pas<br />

légèrement reculé, même si l’on observe par ailleurs une légère amélioration des<br />

salaires des femmes par rapport à ceux des hommes. Mais, simultanément, on note<br />

un nouvel accroissement de l’écart entre les hauts <strong>et</strong> les bas revenus. Ce sont<br />

surtout les cadres qui profitent de la forte tendance à indivi<strong>du</strong>aliser les salaires<br />

(salaire au mérite, bonus, <strong>et</strong>c.). En 1999 également, malgré une croissance de la<br />

masse salariale estimée à un pour cent, c<strong>et</strong>te tendance ne faiblira pas. 21 L’évolution<br />

de la situation est cependant très différente d’une branche à l’autre. En ce qui<br />

concerne le pouvoir d’achat, le tableau apparaît encore plus sombre lorsque l’on<br />

prend en considération le fait que les primes d’assurance-maladie, qui ces dernières<br />

années ont littéralement explosé, ne sont pas prises en compte dans l’indice des prix<br />

à la consommation <strong>et</strong> que, pour ces trois dernières années, on a ainsi sous-estimé le<br />

renchérissement, qui en réalité a dépassé de 2,3 pour cent les indices officiels. 22 Il<br />

est vrai que c’est le système de calcul qui entraîne c<strong>et</strong>te sous-évaluation, puisque<br />

l’indice mesure l’évolution des prix <strong>et</strong> non pas les dépenses effectives des<br />

ménages. 23<br />

En parallèle, l’augmentation massive de la pro<strong>du</strong>ctivité <strong>et</strong> des gains ne profite<br />

pratiquement plus à la plus grande partie des salariés, même pas sous la forme de<br />

ré<strong>du</strong>ctions <strong>du</strong> temps de <strong>travail</strong>. Seulement depuis 1996, les gains sur les entreprises<br />

cotées en bourse ont doublé, atteignant 36,1 milliards de francs, <strong>et</strong> ils devraient<br />

encore dépasser le niveau des 50 milliards d’ici l’an 2000. Depuis 1991, la valeur<br />

des actions suisses a quadruplé. 24 En 1997, la croissance de la capitalisation des<br />

entreprises cotées en bourse a, pour la première fois en Suisse, dépassé le revenu<br />

de l’ensemble des salariés en atteignant près de 300 milliards de francs <strong>et</strong>, entre<br />

janvier <strong>et</strong> novembre 1998, c<strong>et</strong>te croissance s’est encore élevée à 100 milliards de<br />

francs, malgré les crises financières. 25 C<strong>et</strong>te situation correspond à une tendance,<br />

qui se manifeste au niveau mondial, à la stagnation des revenus <strong>du</strong> <strong>travail</strong><br />

accompagnée d’une croissance des revenus <strong>du</strong> capital. Mais il faut encore ajouter<br />

21 La tendance toujours plus forte à négocier, au sein d’une entreprise, sur l’ensemble de la masse<br />

salariale <strong>et</strong> non plus sur les revendications indivi<strong>du</strong>elles de salaire con<strong>du</strong>it souvent à un marché de<br />

<strong>du</strong>pes, car on ne peut alors plus guère contrôler si la masse salariale convenue a effectivement été<br />

versée. (cf. Cash <strong>du</strong> 31.10.1997)<br />

22 Cf. Facts 2/1999. Ce sont au moins 5 milliards de francs que l’on a ainsi soustrait aux rentiers <strong>et</strong><br />

aux salariés ! Il faut ajouter à c<strong>et</strong>te somme 11,2 milliards de francs qui auraient dû être ren<strong>du</strong>s aux<br />

locataires à la suite des baisses des taux hypothécaires <strong>et</strong> qui leur ont été confisqués depuis 1990.<br />

En 1998 seulement, grâce à un taux d’intérêt réel qui, sur le marché des hypothèques, n’a jamais été<br />

aussi élevé, les banques ont fait un bénéfice supplémentaire d’environ 8 milliards de francs. (cf.<br />

SonntagsZeitung <strong>du</strong> 13.12.1998)<br />

23 Un changement compl<strong>et</strong> de système représenterait une réponse à ce problème, mais ce<br />

changement entraînerait à son <strong>tour</strong> de nouveaux problèmes.<br />

24 Cf. SonntagsZeitung <strong>du</strong> 13.12.1998.<br />

25 Valeurs basées sur le Swiss Performance Index (Banque nationale suisse)<br />

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11<br />

que les bénéficiaires de ces derniers – contrairement aux salariés – disposent d’une<br />

large pal<strong>et</strong>te de procédés, légaux ou illégaux, leur perm<strong>et</strong>tant de se soustraire à<br />

l’impôt (voir p. ex. l’absence d’une imposition des gains en capitaux).<br />

C’est aussi au chapitre de l’accroissement de l’écart entre hauts <strong>et</strong> bas revenus 26<br />

qu’il faut mentionner les « <strong>travail</strong>leurs paupérisés » (working poor) qui, bien qu’ils<br />

<strong>travail</strong>lent à plein temps, reçoivent un salaire qui ne leur perm<strong>et</strong> pas de vivre<br />

décemment <strong>et</strong> dépendent donc eux aussi de l’aide sociale : en Suisse, plus de<br />

200'000 personnes sont dans c<strong>et</strong>te situation. Face à la revendication d’un salaire<br />

minimal assurant les besoins de base, les partis bourgeois <strong>et</strong> les employeurs<br />

proposent un postulat en faveur de salaires combinés : l’État compléterait ainsi les<br />

salaires les plus bas jusqu’à ce qu’ils atteignent le minimum vital. Mais un tel<br />

modèle, qui généraliserait les mesures d’assistance, con<strong>du</strong>irait certainement à une<br />

vaste sous-enchère salariale, qui pro<strong>du</strong>irait une chute constante des salaires <strong>et</strong><br />

érigerait en règle le subventionnement des entreprises au moyen des revenus <strong>du</strong> fisc.<br />

5. Le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> en Suisse <strong>et</strong> le chômage dans les années 90<br />

Les années 90 ont amené en Suisse une croissance <strong>du</strong> chômage d’une rapidité<br />

surprenante. Dans la dernière décennie, 17,8 pour cent des personnes actives ont<br />

été inscrites au moins une fois auprès d’un office <strong>du</strong> <strong>travail</strong>. Bien que, ces derniers<br />

temps, le nombre des chômeurs enregistrés comme tels ait considérablement reculé<br />

(en novembre 1998 il ne se montait plus qu’à 118'500 personnes) <strong>et</strong> bien que la<br />

Suisse, comparée aux autres pays européens 27 , fasse encore relativement bonne<br />

figure, on ne saurait proclamer la fin de l’alerte. Ainsi, c<strong>et</strong>te année <strong>et</strong> l’année<br />

prochaine ce seront chaque mois entre 3000 <strong>et</strong> 3500 chômeurs qui perdront leur<br />

droit aux prestations. La proportion de personnes en quête d’<strong>emploi</strong> s’élevait encore,<br />

en septembre 1998, à 6 %, avec 218'000 personnes. De plus, les différentes<br />

régions <strong>du</strong> pays continuent d’être touchées par le chômage de façons très<br />

différentes.<br />

Les causes principales : Entre 1991 <strong>et</strong> 1996, la récession a entraîné une croissance<br />

pratiquement nulle <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it intérieur brut réel. De plus, avec une augmentation<br />

moyenne de la pro<strong>du</strong>ctivité de 1,0 à 2,0 %, on a besoin d’un <strong>travail</strong> toujours moindre<br />

pour le même niveau de pro<strong>du</strong>ction. À ceci s’est ajoutée une modification structurelle<br />

de l’importance respective des secteurs <strong>et</strong> des branches de pro<strong>du</strong>ction. Enfin,<br />

contrairement à ce qui s’est passé <strong>du</strong>rant la récession des années 70, on ne peut<br />

plus aujourd’hui exporter une partie aussi importante <strong>du</strong> chômage en renvoyant chez<br />

eux les <strong>travail</strong>leurs étrangers.<br />

Les tendances principales : Le taux d’<strong>emploi</strong> global a connu entre 1991 <strong>et</strong> 1997 une<br />

baisse de 3 %. Quant au nombre d’heures de <strong>travail</strong> fournies (le volume <strong>du</strong> <strong>travail</strong>), il<br />

a diminué d’environ 4 % ; c<strong>et</strong> écart s’explique par une plus grande proportion de<br />

personnes employées à temps partiel, en particulier parmi les femmes. Le recul de<br />

26 D’après une étude effectuée par le Professeur Flückiger de l’Université de Genève, sur mandat de<br />

l’USS, la proportion de salaires extrêmement bas (moins de 30'000 fr par année) est demeurée<br />

pratiquement constante de 1991 à 1997. En revanche, dans la même période les salaires annuels<br />

situés entre 30'000 <strong>et</strong> 40'000 fr, qui restent très modestes, se sont multipliés. À l’autre bout de<br />

l’échelle, le nombre des hauts salaires a augmenté.<br />

27 À la fin novembre 1998, le taux de chômage de la Suisse s’élevait à 3,3 %. Il se situait en moyenne<br />

à 9,8 % dans l’UE <strong>et</strong> à 10,8 % dans la zone euro. On trouvait les taux les plus bas au Luxembourg<br />

(2,1 %), aux Pays-Bas (3,6 %), au Danemark (4,2 %), ainsi qu’en Autriche <strong>et</strong> au Portugal (4,4 %). Le<br />

taux était de 10,2 % en Allemagne <strong>et</strong> c’était en Espagne qu’il était le plus élevé, avec 18,2 %. En tout,<br />

on comptait dans l’UE 16,5 millions de chômeurs recensés par les statistiques.<br />

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12<br />

l’<strong>emploi</strong> a particulièrement frappé le secteur secondaire (in<strong>du</strong>strie <strong>et</strong> bâtiment), les<br />

hommes, les personnes de nationalité étrangère, les jeunes de 15 à 24 ans, de<br />

même que la Suisse romande <strong>et</strong> le Tessin. La part des salariés peu qualifiés a<br />

légèrement augmenté par rapport à l’occupation globale.<br />

Dans l’ensemble, on peut dire que la moitié de l’augmentation des personnes en<br />

quête d’<strong>emploi</strong> constatée entre 1991 <strong>et</strong> 1997 ne provient pas d’une hausse <strong>du</strong><br />

nombre des chômeurs, mais de l’apparition sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> de nouvelles<br />

personnes en quête d’une occupation rémunérée. Il y a parmi elles surtout des<br />

femmes, des personnes de nationalité étrangère <strong>et</strong> des personnes entre 40 <strong>et</strong> 54<br />

ans. En revanche, les hommes, les résidants de la Suisse romande <strong>et</strong> les jeunes de<br />

15 à 24 ans se sont r<strong>et</strong>irés <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>.<br />

Depuis 1997, avec le redressement conjoncturel <strong>et</strong> la croissance économique qui<br />

l’accompagne, la situation s’est quelque peu déten<strong>du</strong>e. Même si le nombre des sans<strong>emploi</strong><br />

dépasse encore la cote des 200'000, le nombre des personnes actives ne se<br />

situait, en automne 1998, que très peu au-dessous <strong>du</strong> niveau de 1991, ce qui<br />

montre encore qu’une partie considérable des personnes en quête d’<strong>emploi</strong> est<br />

arrivée récemment sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>.<br />

Dans ces dix dernières années, la structure de l’économie suisse, considérée <strong>du</strong><br />

point de vue de ses différentes branches, s’est fortement modifiée. Des branches<br />

traditionnelles telles que l’in<strong>du</strong>strie des machines ont subi des pertes d’<strong>emploi</strong>s<br />

considérables, alors que des branches de service telles que les secteurs de la santé,<br />

<strong>du</strong> social <strong>et</strong> de l’enseignement ont connu une forte croissance. En liaison avec c<strong>et</strong>te<br />

évolution, on observe aussi une tendance à aller vers des entreprises plus p<strong>et</strong>ites.<br />

C’est ainsi qu’en 1995 99,6 % des entreprises comprenaient moins de 250 postes<br />

compl<strong>et</strong>s <strong>et</strong> que 75 % de l’ensemble des personnes employées <strong>travail</strong>laient dans ces<br />

entreprises. C’est d’ailleurs surtout dans le domaine des p<strong>et</strong>ites <strong>et</strong> moyennes<br />

entreprises (PME), <strong>et</strong> non pas chez les « acteurs globaux » avides de fusions, qu’ont<br />

été créées de nouvelles places de <strong>travail</strong>.<br />

Avec la loi sur l’assurance-chômage actuellement en vigueur, on a créé des<br />

instruments nouveaux pour réinsérer les chômeurs dans le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>, les<br />

mesures actives relatives au marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> les offices régionaux de placement<br />

(ORP). On ne dispose cependant pas encore d’enquêtes approfondies sur leur<br />

efficacité.<br />

Perspectives : 28 D’ici l’an 2000, l’<strong>emploi</strong> devrait progresser de 0,9 %, soit de 36'000<br />

places de <strong>travail</strong>, <strong>et</strong> ce presque exclusivement dans le secteur des services. Le<br />

nombre des chômeurs devrait en même temps diminuer de 35'000 personnes. Selon<br />

toute probabilité, ce seront presque exclusivement les femmes, plus précisément les<br />

Suissesses (Romandes <strong>et</strong> Tessinoises mises à part) qui en profiteront. Le nombre<br />

des personnes en quête d’<strong>emploi</strong> devrait se ré<strong>du</strong>ire à 189'000 personnes d’ici l’an<br />

2000. Le problème des chômeurs de longue <strong>du</strong>rée <strong>et</strong> de ceux qui n’ont plus droit aux<br />

prestations devrait encore s’aggraver.<br />

Chômeurs, personnes sans <strong>emploi</strong> <strong>et</strong> demandeurs d’<strong>emploi</strong> : Outre la statistique des<br />

chômeurs de l’Office fédéral <strong>du</strong> développement économique <strong>et</strong> de l'<strong>emploi</strong> (OFDE),<br />

qui recense les chômeurs enregistrés auprès des offices <strong>du</strong> <strong>travail</strong>, on dispose d'une<br />

statistique des sans-<strong>emploi</strong> établie par l'Office fédéral de la statistique. 29<br />

28 Étude de l’Institut de recherches conjoncturelles KOF, de l’EPFZ, sur mandat de l’OSEO, <strong>du</strong><br />

16.11.1998.<br />

29 D’après les normes internationales, les sans-<strong>emploi</strong> sont des personnes qui a) n’exerçaient pas<br />

d’activité professionnelle dans la semaine de référence ; b) avaient recherché activement un <strong>travail</strong><br />

dans les quatre semaines précédentes <strong>et</strong> c) étaient en mesure de commencer une activité rémunérée<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


13<br />

Cependant, même c<strong>et</strong>te statistique des sans-<strong>emploi</strong> ne tient pas compte des<br />

personnes qui vivent de « p<strong>et</strong>its boulots » ou d’un <strong>travail</strong> provisoire, de celles qui<br />

<strong>travail</strong>lent dans le cadre d’un programme d’occupation 30 ou suivent un programme de<br />

perfectionnement. Si l’on tient compte de ces personnes, le taux des demandeurs<br />

d’<strong>emploi</strong> s’élevait en 1998 à 6 % de la population active, soit 218'000 personnes 31 .<br />

Le <strong>travail</strong> non rémunéré : On sait qu’à côté <strong>du</strong> <strong>travail</strong> rémunéré, il existe un <strong>travail</strong><br />

non rémunéré, qui est en grande partie accompli par les femmes. Une étude de la<br />

Wochenzeitung Woz 32 estime (pour 1996) qu’en Suisse les femmes fournissent en<br />

moyenne 31,9 heures par semaine de <strong>travail</strong> gratuit <strong>et</strong> les hommes 10,9. Si l’on<br />

additionne ce <strong>travail</strong> au <strong>travail</strong> rémunéré, on constate que pour le <strong>travail</strong> nécessaire<br />

au fonctionnement social chaque femme effectue en moyenne annuelle 2580 heures<br />

de <strong>travail</strong>, alors que chaque homme en fournit 2339. Converti en monnaie, le <strong>travail</strong><br />

gratuit accompli par les femmes représente bien 120 milliards, ce qui correspond à<br />

1/3 <strong>du</strong> PIB, celui des hommes se montant à 42 milliards de francs. 33<br />

Les personnes actives : 34 Entre l’été 1991 <strong>et</strong> l’été 1997, le nombre des personnes<br />

actives a diminué de 117'000 unités, soit près de 3 %. Les Suisses ont été touchés<br />

par ce recul à raison de 2000 unités, alors que parmi les étrangers on compte<br />

115'000 personnes actives en moins (surtout des <strong>travail</strong>leurs saisonniers ou<br />

frontaliers). Le secteur secondaire a encore per<strong>du</strong> une partie de ses <strong>travail</strong>leurs (–<br />

208'000). En revanche, le secteur tertiaire s’est accru de 85'000 unités, alors que<br />

les chiffres des personnes employées dans le secteur primaire sont pratiquement<br />

demeurés stables (+ 6'000) 35 .<br />

On a atteint le creux de la vague en 1994, avec 3'789'000 personnes actives. Au 3 e<br />

trimestre 1998, on avait déjà atteint le niveau de 3'878'000 personnes actives, soit<br />

presque autant que le record de 1991, à savoir 3'891'000.<br />

Les personnes actives par catégories socio-professionnelles : Entre 1997 <strong>et</strong> 1998<br />

ce sont les cadres qui ont connu la croissance la plus forte (plus de 20 %), suivis par<br />

les universitaires <strong>et</strong> les professions analogues (plus de 7 %). En ce qui concerne les<br />

employés de bureau <strong>et</strong> les employés de commerce, les hommes ont per<strong>du</strong> <strong>du</strong> terrain<br />

(environ – 8 %), alors que les femmes ont légèrement progressé (à peine + 2 %). Les<br />

professions techniques ont connu un léger recul (environ – 2 %). Dans le personnel<br />

dans les quatre semaines suivantes. Les chômeurs qui n’ont plus droit aux prestations en font donc<br />

partie, de même que les femmes au foyer qui souhaitent reprendre une activité professionnelle après<br />

s’être consacrées à leur famille. Les chiffres correspondant à c<strong>et</strong>te définition sont rassemblés chaque<br />

trimestre dans l’Enquête suisse sur la population active (E<strong>SP</strong>A).<br />

Dans le deuxième trimestre de 1998, 142'000 personnes étaient sans <strong>emploi</strong> selon c<strong>et</strong>te définition,<br />

représentant un taux de 3,6 %.<br />

30 Il y a environ 34'000 places de <strong>travail</strong> dans le cadre des programmes d’occupation.<br />

31 En août 1977 ils étaient 250'000, soit 6,9 % de la population active.<br />

32 Voir la bibliographie. L’étude a pris en considération la population entre 18 <strong>et</strong> 61/64 ans.<br />

33 Une autre enquête de l’Office fédéral de la statistique, « Unbezahlte Arbeit im Rahmen der<br />

<strong>Schweiz</strong>erischen Arbeitskräfteerhebung 1997 / Unpaid Work within the framework of the Swiss Labour<br />

Force Survey 1997 » (juill<strong>et</strong> 1998) distingue différents types de <strong>travail</strong> non rémunéré <strong>et</strong> tient encore<br />

compte des différents groupes d’âge, mais il n’est pas possible de comparer directement ses résultats<br />

chiffrés avec ceux de l’enquête de la WoZ. Elle montre que dans le domaine des travaux ménagers <strong>et</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>travail</strong> non institutionnel en dehors <strong>du</strong> ménage, les femmes fournissent un temps de <strong>travail</strong><br />

n<strong>et</strong>tement plus important que les hommes. On est dans la situation opposée en ce qui concerne les<br />

activités honorifiques <strong>et</strong> bénévoles qui sont souvent accompagnées d’un plus grand prestige.<br />

34 Sont ici prises en compte toutes les personnes actives dans le pays qui ont une activité lucrative<br />

d’au moins 6 heures par semaine.<br />

35 C<strong>et</strong>te légère croissance est une réaction à la récession. À long terme, le taux d’occupation dans le<br />

secteur primaire tend à baisser.<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


14<br />

agricole qualifié, les femmes ont avancé de 8 %, alors que les hommes ont<br />

légèrement reculé (environ – 2 %). Ces chiffres montrent que les personnes bien ou<br />

très bien qualifiées sont fortement demandées sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>.<br />

Davantage de <strong>travail</strong> à temps partiel : Entre 1991 <strong>et</strong> 1997, le <strong>travail</strong> à temps partiel<br />

a augmenté, chez les hommes comme chez les femmes, sans toutefois parvenir à<br />

compenser le recul constaté chez les uns <strong>et</strong> chez les autres au niveau <strong>du</strong> <strong>travail</strong> à<br />

plein temps. Le nombre des personnes employées à temps partiel s’est accru de<br />

145'000 personnes (dont 116'000 femmes) 36 , alors que les effectifs des <strong>travail</strong>leurs<br />

à plein temps 37 diminuaient de 262'000 personnes (dont 80'000 femmes). L’année<br />

dernière, on a pour la première fois recommencé à créer des postes à plein temps,<br />

alors que la tendance au <strong>travail</strong> à temps partiel continuait à se manifester, tout en<br />

s’affaiblissant.<br />

Plus de femmes : Les statistiques des personnes actives montrent que la proportion<br />

de femmes est en croissance, en particulier parmi les indépendants. Entre 1991 <strong>et</strong><br />

1997, leur nombre s’est accru de 14'000 personnes chez les salariés, passant de<br />

39,5 % à 42 % <strong>et</strong> de 49'000 chez les indépendants, passant de 28 % à 34 %. La<br />

proportion de personnes enregistrées au chômage reste cependant plus haute chez<br />

les femmes que chez les hommes. 38 Ceci montre que la croissance <strong>du</strong> nombre des<br />

personnes actives est en partie le fait de femmes qui font nouvellement leur<br />

apparition sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>. La proportion de femmes s’élève aujourd’hui à<br />

50 % dans le secteur des services <strong>et</strong> à 23 % dans le secteur secondaire.<br />

Les étrangères <strong>et</strong> étrangers : Nous avons vu que ce sont surtout les personnes de<br />

nationalité étrangère qui sont touchées par le recul de l’<strong>emploi</strong>. 39 Elles ont toujours<br />

représenté près de 45-50 % des chômeurs inscrits <strong>et</strong> leur taux de chômage a souvent<br />

été le triple de celui des Suisses. En novembre 1998, alors que le taux de chômage<br />

des Suisses était en moyenne de 2 %, il était encore de 7,0 % chez les étrangers. C<strong>et</strong><br />

écart est lié en particulier au fait que ceux-ci ont une qualification professionnelle<br />

inférieure à la moyenne, ce qui est la conséquence d’une mauvaise politique de<br />

gestion <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> de la part de la Suisse <strong>du</strong>rant les années de haute<br />

conjoncture. Or ce sont précisément les branches employant une grande proportion<br />

de <strong>travail</strong>leurs non qualifiés qui ont jusqu’à présent le plus souffert de la récession.<br />

Durant c<strong>et</strong>te récession, la Suisse a visiblement per<strong>du</strong> de son attractivité pour les<br />

<strong>travail</strong>leurs de l’UE. En 1997 le nombre d’Italiens, Espagnols <strong>et</strong> Portugais rentrant<br />

dans leur pays était plus grand que celui de leurs compatriotes immigrant en Suisse<br />

(émigration n<strong>et</strong>te). Pour ce qui est des saisonniers, une pratique restrictive des<br />

autorisations <strong>et</strong>, parfois, la transformation de leur statut en celui de résidant à<br />

l’année a ramené leur nombre, entre 1991 <strong>et</strong> 1997, de 108'000 à 28'000<br />

personnes. Il y a déjà longtemps que les contingents de permis saisonniers ne sont<br />

plus utilisés intégralement.<br />

Le chômage régional : La Suisse romande <strong>et</strong> le Tessin continuent de souffrir d’un<br />

taux de chômage supérieur à la moyenne. C’est en 1997 que le taux moyen y a été le<br />

plus élevé avec un niveau de 7,0 % (Suisse alémanique : 4,5 %). Avec le recul général<br />

<strong>du</strong> chômage, ce taux s’était ré<strong>du</strong>it à 4,8 % (Suisse alémanique : 2,7 %) en novembre<br />

1998. En Suisse centrale, il est aujourd’hui inférieur à 2 %.<br />

36 Ceci représente chez les femmes une croissance de + 17 % <strong>et</strong> chez les hommes de + 22 %.<br />

37 C’est-à-dire ceux dont le taux d’occupation est de 90 à 100 %.<br />

38 La proportion de chômeuses <strong>et</strong> chômeurs enregistrés était, en novembre 1998, de 3,9 % <strong>et</strong> de<br />

2,9 %. Mais si l’on considère le taux de personnes sans <strong>emploi</strong>, les hommes (4,2 %) ont dépassé les<br />

femmes (4,1 %) en juin 1997.<br />

39 La proportion importante d’étrangers en comparaison avec les autres pays européens est bien sûr<br />

aussi une conséquence de la pratique de naturalisation restrictive de la Suisse.<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


15<br />

Malgré de longs horaires de <strong>travail</strong>, le taux d’activité est élevé : L’horaire de <strong>travail</strong><br />

annuel ordinairement appliqué en Suisse, qui est certes suj<strong>et</strong> à des variations<br />

importantes d’une branche à l’autre, est un des plus élevés des pays in<strong>du</strong>strialisés.<br />

Ceci n’empêche pas le taux de chômage d’y être considérablement inférieur à la<br />

moyenne de l’UE. La proportion de personnes actives 40 , au contraire, y était, en<br />

1996, de loin plus élevée que la moyenne de l’UE, aussi bien parmi les hommes<br />

(78,6 % / UE : 59,9 %) que parmi les femmes (56,9 % / UE : 39,7 %). Même les<br />

Pays-Bas, dont la politique de gestion <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> reçoit beaucoup d’éloges,<br />

se trouvent à un niveau inférieur (66,7 % <strong>et</strong> 45,3 %) à celui de la Suisse 41 , malgré<br />

leur grand nombre d’<strong>emploi</strong>s à temps partiel. Il en va de même de la Suède (58,6 %<br />

<strong>et</strong> 52,4 %), où l’on est tout au plus frappé par la proportion élevée de femmes<br />

exerçant une activité lucrative.<br />

6. La <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> <strong>travail</strong><br />

On sait que l’horaire de <strong>travail</strong> hebdomadaire moyen des entreprises est en Suisse<br />

un des plus élevés de l’OCDE <strong>et</strong> que, dans ces 5 dernières années, il est resté<br />

stable, à près de 41,9 heures. 42 En ce qui concerne l’horaire de <strong>travail</strong> annuel moyen,<br />

en Europe seule la Grande-Br<strong>et</strong>agne dépasse (avec 1949 h.) le niveau de la Suisse<br />

(1848 h.). Du fait des taux de chômage élevés, il y a longtemps que, dans toute<br />

l’Europe, on a commencé à discuter de la ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> temps de <strong>travail</strong> légal ; dans<br />

ce domaine, la France fait manifestement figure de pionnière avec l’intro<strong>du</strong>ction de la<br />

semaine de <strong>travail</strong> de 35 heures. 43 Il existe en outre une multitude de modèles <strong>et</strong> de<br />

proj<strong>et</strong>s de ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> temps de <strong>travail</strong>, dont la nouvelle initiative populaire des<br />

syndicats. Mais les propositions de ré<strong>du</strong>ction générale <strong>du</strong> temps de <strong>travail</strong> continuent<br />

de se heurter à des résistances extrêmement fortes. Dans la pratique, on se dirige<br />

plutôt, en Suisse en particulier, vers une flexibilisation de l’horaire de <strong>travail</strong> – en<br />

partie indivi<strong>du</strong>alisée – <strong>et</strong> vers un développement <strong>du</strong> <strong>travail</strong> à temps partiel.<br />

Le volume <strong>du</strong> <strong>travail</strong> : Ces tendances sont confirmées par la statistique <strong>du</strong> volume <strong>du</strong><br />

<strong>travail</strong> 44 . Par rapport à 1991, on a effectué en 1996 207 millions d’heures de <strong>travail</strong><br />

en moins (– 3,1 %). Pour c<strong>et</strong>te période, on peut expliquer ce recul par la diminution<br />

des <strong>emploi</strong>s à plein temps (– 153'000) <strong>et</strong> par l’augmentation des postes partiels<br />

(+ 56'000). En 1996, la proportion <strong>du</strong> volume général de <strong>travail</strong> fourni par des<br />

personnes <strong>travail</strong>lant à temps partiel a été de 14,5 %. La croissance <strong>du</strong> nombre des<br />

personnes actives parmi les femmes est à expliquer par le fait que le temps de <strong>travail</strong><br />

moyen par personne employée s’est ré<strong>du</strong>it plus fortement (– 4,2 %) que le volume <strong>du</strong><br />

<strong>travail</strong> (– 3,6 %).<br />

Les heures supplémentaires : Le volume annuel des heures supplémentaires a aussi<br />

légèrement reculé. Le somm<strong>et</strong> a été atteint en 1994, avec 174 millions d’heures. En<br />

1996, on comptait encore 148 millions d’heures supplémentaires : 127 millions ont<br />

été fournies par les salariés <strong>et</strong> 18 millions par les indépendants, qui ont aussi des<br />

40 Le nombre de personnes actives divisé par celui de la population au-dessus de 15 ans. Chiffres de<br />

l’Office fédéral de la statistique.<br />

41 Ceci tient aussi au fait que le point de départ des Pays-Bas était modeste : en 1976 la proportion<br />

de personnes actives y était de 50 % (CH : 75 %), <strong>et</strong>, en 1983, celle des femmes de 29 %.<br />

42 Ces données sont rassemblées par le Service de centralisation des statistiques de l'assurance-<br />

accidents (SSAA).<br />

43 Pour comparaison : Suède (1803 h.), Italie (1800 h.), France (1730 h.), Autriche (1721 h.),<br />

Allemagne (1687 h.) <strong>et</strong> Pays-Bas (1661 h.).<br />

44 Office fédéral de la statistique.<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


16<br />

horaires de <strong>travail</strong> annuels plus élevés que les salariés. Un calcul approximatif nous<br />

montre que les heures supplémentaires effectuées représentent environ 75'000<br />

postes de <strong>travail</strong> à plein temps.<br />

7. Les syndicats sous pression !<br />

Avec la récession, mais aussi avec la globalisation, les syndicats ont été mis sous<br />

pression. Dans les années 90, ils ont dû se résigner à voir leurs effectifs diminuer,<br />

passant de 867'213 (1992) à 792'042 membres (1997). 45 Les causes principales<br />

de ces pertes sont la disparition de plus de 200'000 places de <strong>travail</strong> <strong>et</strong> le fait que<br />

souvent les personnes sans <strong>travail</strong> ne trouvent un nouvel <strong>emploi</strong> que dans les<br />

branches à bas salaires, où les syndicats sont faiblement représentés. Depuis lors,<br />

c<strong>et</strong>te évolution, ainsi que les nouveaux défis rencontrés sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>, qui<br />

exigent une stratégie syndicale nouvelle <strong>et</strong> énergique, ont amené différentes fusions<br />

syndicales <strong>et</strong> des formes de collaboration plus étroites entre les diverses<br />

organisations. 46 On a même pu assister à la fondation de nouvelles organisations<br />

avec le syndicat Unia <strong>et</strong> la section ONG <strong>du</strong> S<strong>SP</strong>. Les syndicats des employés <strong>du</strong><br />

secteur public sont tout particulièrement confrontés à une situation nouvelle. Avec les<br />

réformes qui ont amené à la fondation de Swisscom, à la réorganisation de la Poste<br />

<strong>et</strong> à la transformation des CFF en une société anonyme de droit public, ces<br />

entreprises en tout ou en partie libéralisées sont davantage exposées à la logique <strong>du</strong><br />

marché <strong>et</strong> à la concurrence. De plus, on va au-devant de débats importants à propos<br />

de la Loi sur le personnel de la Confédération présentée par le Conseil fédéral à la fin<br />

1998 ; en eff<strong>et</strong>, celle-ci abolit à juste titre l’ancien statut de fonctionnaire, mais il faut<br />

empêcher qu’elle devienne <strong>du</strong> même coup un programme de déréglementation.<br />

La plupart des salariés continuent de ne pas être organisés dans les syndicats. Les<br />

conventions collectives de <strong>travail</strong> (CCT) ne couvrent qu’environ 50 % des personnes<br />

actives. C’est justement dans beaucoup de secteurs à bas salaires (p. ex. dans ceux<br />

de la vente <strong>et</strong> de la restauration) que les syndicats sont extrêmement mal<br />

représentés. Les CCT risquent d’être vidées de leur signification <strong>et</strong>, sous la pression<br />

des employeurs, des éléments essentiels des contrats de <strong>travail</strong>, tels que les<br />

salaires, sont de plus en plus négociés au niveau de l’entreprise ou indivi<strong>du</strong>ellement.<br />

Certains employeurs sortent de leur union professionnelle, afin de con<strong>tour</strong>ner les<br />

CCT. Du fait de la flexibilisation <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>du</strong> temps de <strong>travail</strong> ainsi que de<br />

l’augmentation <strong>du</strong> <strong>travail</strong> sur appel, les syndicats risquent de perdre le contrôle de la<br />

situation <strong>et</strong> de ne plus pouvoir s’en faire une idée d’ensemble. Il leur est difficile<br />

d’organiser les nouvelles formes d’<strong>emploi</strong> (les nouveaux indépendants, les « télé<strong>travail</strong>leurs<br />

»).<br />

Dans une large mesure, on manque en Suisse de formes de participation des<br />

<strong>travail</strong>leurs effectivement praticables <strong>et</strong> il y a d’ailleurs assez longtemps qu’on ne<br />

parle plus guère de participation. Une adhésion à l’UE apporterait sur ce point<br />

quelques améliorations. Ces derniers temps, la pression de la situation a entraîné un<br />

certain nombre de grèves, aussi <strong>du</strong> côté des employés des services publics,<br />

notamment en Suisse romande. Mais, dans l’ensemble, ces grèves ne sont pas<br />

parvenues à empêcher la stagnation des salaires susmentionnée.<br />

45 Dans les secteurs où les syndicats sont par tradition fortement ancrés, le taux de syndicalisation<br />

est cependant resté stable.<br />

46 Voir p. ex. les syndicats SIB, Comedia, Syna <strong>et</strong> la collaboration <strong>du</strong> SIB <strong>et</strong> de la FTMH dans le cadre<br />

de la maison syndicale.<br />

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17<br />

Dans quelques grandes fédérations syndicales, on rencontre aujourd’hui une<br />

tendance à adopter une stratégie plus offensive <strong>et</strong> à aller vers une repolitisation, qui<br />

doit en quelque sorte faire office de contrepoids à la flexibilisation, à la dérégulation<br />

<strong>et</strong> à l’é<strong>du</strong>lcoration des CCT. Le référen<strong>du</strong>m contre la Loi sur le <strong>travail</strong> accepté par le<br />

peuple <strong>et</strong> le « bouqu<strong>et</strong> d’initiatives » lancé récemment en témoignent. On rencontre<br />

pourtant aussi des indices d’un courant opposé, qui tend à aller vers un renforcement<br />

des CCT <strong>et</strong> des commissions tripartites.<br />

8. Qualification <strong>et</strong> capital humain 47<br />

La globalisation <strong>et</strong> l’intro<strong>du</strong>ction de nouvelles technologies ont entraîné un<br />

développement de la demande de <strong>travail</strong>leurs qualifiés. Avec l’accès aux nouvelles<br />

technologies, la qualification des <strong>travail</strong>leurs est le facteur décisif qui détermine le<br />

succès de l’économie d’un pays. C’est pourquoi l’Organisation internationale <strong>du</strong><br />

<strong>travail</strong> a consacré à ce thème son rapport sur le <strong>travail</strong> 1998-99. 48 Elle recense six<br />

raisons essentielles qui expliquent pourquoi l’investissement dans l’é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> la<br />

formation a une telle importance :<br />

� La libéralisation politique <strong>et</strong> la démocratisation des sociétés nécessitent un<br />

fondement solide.<br />

� L’accélération des changements technologiques exige une formation toujours<br />

meilleure <strong>et</strong> un constant perfectionnement.<br />

� Du fait de la globalisation <strong>et</strong> <strong>du</strong> <strong>du</strong>rcissement de la concurrence, un pays n’a de<br />

chances de succès que si sa population est dotée des connaissances requises<br />

par c<strong>et</strong>te situation.<br />

� Une é<strong>du</strong>cation de qualité <strong>et</strong> une bonne formation empêchent que des personnes<br />

soient exclues de la société.<br />

� L’absence de qualifications représente un goulot d’étranglement pour la création<br />

de nouvelles places de <strong>travail</strong>. 49<br />

On peut constater à quel point le « destin » indivi<strong>du</strong>el dépend de la qualification<br />

professionnelle en observant les différentes interdépendances qui se manifestent<br />

dans la croissance économique. Dans 19 pays de l’OCDE, un recul de 1 % <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />

intérieur brut (PIB) a entraîné un accroissement <strong>du</strong> chômage des <strong>travail</strong>leurs non<br />

qualifiés de près de 23 %. En revanche, le taux d’<strong>emploi</strong> des personnes qualifiées est<br />

demeuré stable. Lorsqu’au contraire le PIB a augmenté, le chômage a baissé de<br />

4,8 % chez les personnes non qualifiées <strong>et</strong> de 2,1 % chez les <strong>travail</strong>leurs qualifiés.<br />

Ces résultats ne sont pas fondamentalement différents chez les femmes <strong>et</strong> chez les<br />

hommes. Les <strong>travail</strong>leurs non qualifiés ne sont donc pas seulement exposés au<br />

danger de tomber plus rapidement au chômage : d’une façon générale, ils sont plus<br />

exposés aux fluctuations conjoncturelles. On le constate également en observant la<br />

proportion de population active : en Suisse, celle-ci s’élevait en 1995 à 73 % pour les<br />

personnes sans formation postscolaire, à 83 % pour les détenteurs d’un diplôme de<br />

l’enseignement secondaire supérieur <strong>et</strong> à 90 % pour les titulaires d’un diplôme d’une<br />

haute école.<br />

47 Nous nous occuperons ici essentiellement des processus en cours dans les pays in<strong>du</strong>strialisés.<br />

Bornons-nous à mentionner au passage le fait que les « pays en voie de développement » sont<br />

confrontés dans ce domaine à des problèmes tout différents <strong>et</strong> bien plus graves, tels que des taux<br />

d’analphabétisme souvent élevés, la prépondérance <strong>du</strong> secteur informel, <strong>et</strong>c.<br />

48 Cf. bibliographie.<br />

49 C’est par exemple déjà le cas, en Suisse, dans la branche des télécommunications.<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


18<br />

En général, les entreprises investissent aussi davantage pour la formation continue <strong>et</strong><br />

le perfectionnement des <strong>travail</strong>leurs qualifiés. Pour ceux-ci, c<strong>et</strong> avantage est encore<br />

renforcé par la sûr<strong>et</strong>é relative de leur place de <strong>travail</strong>. Au contraire, les personnes mal<br />

qualifiées ne sont pas seulement davantage exposées au chômage : elles risquent en<br />

plus de se déqualifier encore <strong>du</strong>rant leur chômage. Il s’agit d’un sérieux problème,<br />

qui touche surtout les chômeurs de longue <strong>du</strong>rée, ceux qui n’ont plus droit aux<br />

prestations, les <strong>travail</strong>leurs d’un certain âge, ainsi que les jeunes se trouvant au seuil<br />

de leur vie professionnelle, qui connaissent un taux de chômage n<strong>et</strong>tement audessus<br />

de la moyenne <strong>et</strong> se voient ainsi dépossédés de leurs perspectives d’avenir,<br />

en n’ayant pas l’occasion d’acquérir une expérience professionnelle.<br />

Dans les entreprises, la nouvelle organisation <strong>du</strong> <strong>travail</strong> (îlots de pro<strong>du</strong>ction, groupes<br />

de <strong>travail</strong> autonomes, rotation des tâches, contrôles de qualité globaux, <strong>et</strong>c.), qui est<br />

souvent liée à un <strong>travail</strong> requérant des connaissances importantes, entraîne des<br />

exigences nouvelles en matière de qualification. Les <strong>travail</strong>leurs doivent être qualifiés<br />

dans les domaines-clés, polyvalents <strong>et</strong> plus indépendants qu’auparavant. Aux États-<br />

Unis, plus de la moitié des entreprises <strong>et</strong> des personnes actives <strong>travail</strong>lent déjà<br />

d’une façon ou d’une autre dans le cadre de c<strong>et</strong>te nouvelle organisation <strong>du</strong> <strong>travail</strong>.<br />

Les États membres de l’OCDE ont donc entrepris de transformer <strong>et</strong> de développer<br />

massivement leurs systèmes nationaux de formation. 50 L’OCDE observe que depuis<br />

1990 la demande de formation va croissant. Le temps moyen de formation s’est<br />

élevé de deux ans. En parallèle, l’enseignement supérieur gagne en importance :<br />

dans la moitié des pays de l’OCDE, le nombre des étudiants inscrits dans une haute<br />

école ou dans une haute école spécialisée s’est accru de plus d’un tiers entre 1990<br />

<strong>et</strong> 1996. Par ailleurs, la plupart des États ont augmenté leurs investissements dans<br />

le système de formation ; la part des dépenses de formation par rapport au PIB est<br />

en croissance.<br />

Mais, en Suisse, une telle dynamique est en grande partie absente. Certes, notre<br />

situation de départ est bonne : les 80 % de la population ont au moins fait un<br />

apprentissage ou terminé une école secondaire supérieure. En 1996, la Suisse a<br />

dépensé 6,76 % de son PIB pour la formation, se plaçant ainsi à la 3 ème position<br />

derrière le Canada <strong>et</strong> le Danemark. Pourtant, le temps moyen de formation est<br />

stagnant <strong>et</strong>, pour ce qui est des diplômes de l’enseignement supérieur, la Suisse se<br />

situe en comparaison internationale en milieu de peloton. Dans les conditions<br />

actuelles, ni les hautes écoles, ni les hautes écoles spécialisées ne seront en<br />

mesure d’augmenter substantiellement le nombre de leurs étudiants. Les dépenses<br />

réelles consenties par la Confédération pour la formation <strong>et</strong> la science sont en eff<strong>et</strong><br />

depuis quelques années pratiquement stagnantes. Ceci est d’autant plus<br />

incompréhensible que, depuis des décennies, les spécialistes suisses de la politique<br />

de la formation ne cessent d’insister sur le fait que pour notre pays– qui possède peu<br />

de richesses naturelles – la formation est la « matière première » la plus importante.<br />

Certes, quelques réformes sont en cours ou en préparation (réforme des hautes<br />

écoles, réforme de la formation professionnelle, réformes dans le domaine<br />

scientifique 51 ), mais on est en droit de se demander si, avec l’actuelle obsession des<br />

économies, elles pourront apporter les innovations nécessaires.<br />

On constate aussi dans le domaine de la formation professionnelle à quel point la<br />

situation est explosive. Il y a actuellement chaque année entre 8000 <strong>et</strong> 9000 jeunes<br />

qui ne commencent pas un apprentissage ou une autre formation postscolaire <strong>et</strong> la<br />

50 Cf. à ce suj<strong>et</strong> le communiqué de presse de l’Office fédéral de la statistique <strong>du</strong> 23.11.1998.<br />

51 Cf. aussi le Message <strong>du</strong> Conseil fédéral relatif à l’encouragement de la formation, de la recherche <strong>et</strong><br />

de la technologie pendant les années 2000 à 2003, <strong>du</strong> 25.11.1998. On prévoit jusqu’en 2001 une<br />

croissance réelle de niveau zéro.<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


19<br />

tendance est à la hausse. Aujourd’hui, à 25 ans 35 % des personnes actives ne<br />

<strong>travail</strong>lent déjà plus dans la profession qu’elles ont apprise. À 45 ans, on compte<br />

déjà 50 % des gens qui ont changé au moins une fois de profession. Or le système<br />

suisse de formation professionnelle n’est pas armé pour faire face à ces problèmes.<br />

Il est trop rigide <strong>et</strong> réagit trop lentement aux nombreuses évolutions <strong>du</strong> profil des<br />

professions, en particulier dans le secteur en croissance des services (problème de<br />

la « société de l’information »). D’une part, on forme des professionnels dont les<br />

qualifications ne sont déjà plus demandées sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong>, d’autre part,<br />

on dispose de beaucoup trop peu de places de formation pour des professions où<br />

l’on constate un manque important de spécialistes (voir le domaine de<br />

l’informatique). De plus, en l’absence de programmes spéciaux de motivation <strong>et</strong><br />

d’encouragement, les femmes se tiennent le plus souvent éloignées de ces<br />

professions d’avenir. Par ailleurs, alors que l’on exige aujourd’hui des <strong>travail</strong>leurs<br />

qu’ils ne cessent d’apprendre, tout au long de leur vie, il n’existe pas d’offre<br />

mo<strong>du</strong>laire de formation continue <strong>et</strong> de perfectionnement qui corresponde à c<strong>et</strong>te<br />

exigence. Dans ce domaine, la situation est souvent chaotique <strong>et</strong> embrouillée <strong>et</strong> on<br />

manque de diplômes garantis par la Confédération. Mais la situation des <strong>travail</strong>leurs<br />

non qualifiés, qui représentent près de 70 % des chômeurs de longue <strong>du</strong>rée, n’est<br />

pas un défi de moindre importance. Il faut développer des proj<strong>et</strong>s pour une formation<br />

de rattrapage. La prochaine révision de la loi sur la formation professionnelle nous<br />

offre ici une grande chance à saisir.<br />

Il est clair que nous ne pouvons plus nous perm<strong>et</strong>tre aujourd’hui de dormir sur nos<br />

lauriers. Même si, en comparaison des efforts fournis par l’UE, la Confédération n’est<br />

pas encore bien réveillée, elle a, elle aussi, élaboré des programmes d’action<br />

spécifiques pour préparer le passage à la société de l’information.<br />

9. Conclusions<br />

Il est à prévoir que les problèmes <strong>et</strong> les défis que nous venons de décrire ne<br />

diminueront en rien, ni en nombre, ni en importance. On s’en persuade en particulier<br />

si, au-delà de la Suisse <strong>et</strong> de l’Europe, on étend son regard au contexte global.<br />

Garantir un accès suffisant à un <strong>travail</strong> rémunéré couvrant les besoins de base <strong>et</strong><br />

exercé dans des conditions dignes de l’homme, un accès à l’é<strong>du</strong>cation, à la<br />

formation <strong>et</strong> à la formation permanente : voilà qui restera des exigences<br />

fondamentales ! À long terme, une redistribution <strong>du</strong> <strong>travail</strong> lucratif <strong>et</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> non<br />

rémunéré relève également de telles exigences. Un large accès au <strong>travail</strong> est une<br />

condition nécessaire de la sûr<strong>et</strong>é de la société <strong>et</strong> de la participation des personnes –<br />

femmes <strong>et</strong> hommes – à la vie sociale, culturelle <strong>et</strong> politique ; il détermine ainsi le<br />

développement de la démocratie <strong>et</strong> la stabilité politique.<br />

Promouvoir la répartition <strong>du</strong> <strong>travail</strong> lucratif entre toutes les personnes qui se<br />

présentent sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> demeure donc une tâche primordiale pour tous<br />

ceux qui s’engagent pour plus de justice sociale. L’expérience montre qu’une<br />

croissance minimale de l’économie est nécessaire pour venir à bout <strong>du</strong> chômage. Il<br />

faudra qu’une telle croissance aille de pair avec une transformation de l’économie, la<br />

rendant compatible avec l’écologie, pour que nous laissions aux générations à venir<br />

un monde vraiment vivable. Sur ce point, nous n’en sommes qu’aux balbutiements.<br />

En Suisse aussi, nous avons le devoir de renverser la redistribution des revenus <strong>et</strong><br />

des fortunes qui s’exerce actuellement au profit des plus riches. Pour que soient<br />

créées assez de places de <strong>travail</strong>, il faut en eff<strong>et</strong> que la demande de biens <strong>et</strong> de<br />

services soit suffisante.<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


20<br />

En même temps, il faudra changer les conditions-cadres <strong>et</strong> modifier les incitations<br />

fiscales, de telle façon qu’il soit de nouveau rentable d’investir dans l’économie<br />

réelle.<br />

C’est dans le cadre <strong>du</strong> processus d’intégration européenne que les Suissesses <strong>et</strong> les<br />

Suisses pourront faire l’expérience la plus directe de l’intégration mondiale, dans<br />

toute sa diversité. Il faudra que la procé<strong>du</strong>re de consultation sur les négociations<br />

bilatérales tienne compte des craintes réelles de la population, si l’on veut que<br />

l’issue <strong>du</strong> scrutin populaire soit positive. Mais la notion de mesures<br />

d’accompagnement montre justement que, malgré les processus d’intégration <strong>et</strong> de<br />

globalisation, les États conservent, même dans leur politique de gestion <strong>du</strong> marché<br />

<strong>du</strong> <strong>travail</strong>, une marge de manœ uvre qu’il faut utiliser en corrélation avec la libre<br />

circulation des personnes. C<strong>et</strong>te dernière ouvrira des perspectives nouvelles<br />

également aux Suisses <strong>et</strong> Suissesses, qui auront ainsi la possibilité d’acquérir des<br />

qualifications dans de nouveaux contextes <strong>et</strong> d’élargir avec souplesse leur horizon : il<br />

n’y trouveront pas seulement un enrichissement personnel, mais aussi des qualités<br />

qui sont toujours plus demandées sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>.<br />

L’intro<strong>du</strong>ction de l’euro représente un défi nouveau pour la politique de la Banque<br />

nationale. Il est aujourd’hui difficile de faire des pronostics clairs ; on peut cependant<br />

mentionner deux principaux dangers.<br />

Premièrement : si l’euro est faible ou si l’on assiste à d’importantes variations des<br />

cours entre lui <strong>et</strong> les autres monnaies importantes, le franc suisse deviendra<br />

inévitablement une valeur-refuge. L’appréciation <strong>du</strong> franc qui en résulterait<br />

renchérirait nos pro<strong>du</strong>its d’exportation, freinerait la conjoncture <strong>et</strong> entraînerait une<br />

dégradation de la situation sur le marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong>.<br />

Secondement : si la Banque nationale réagissait en essayant de lier le franc à l’euro,<br />

les taux d’intérêt modestes de la Suisse ne tarderaient pas à s’aligner sur les taux<br />

élevés de l’UE. Il en résulterait un renchérissement des hypothèques (<strong>et</strong> donc des<br />

loyers) <strong>et</strong> des crédits d’affaire, ce qui, au niveau économique, ne serait pas<br />

supportable. Mais la Banque nationale a une marge de manœ uvre suffisante pour<br />

combattre avec succès ces deux scénarios, au moyen d’une politique monétaire plus<br />

souple.<br />

Il faudra aussi, à l’avenir, prendre un soin particulier à réintégrer les personnes qui<br />

ont été exclues <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> – <strong>et</strong>, <strong>du</strong> même coup, de la société – <strong>et</strong> à leur<br />

offrir de nouvelles perspectives. Les expériences faites dans presque tous les pays<br />

montrent que ce ne sera pas une tâche aisée. Mais la stabilité sociale de la société<br />

de demain dépend <strong>du</strong> succès de c<strong>et</strong>te intégration <strong>et</strong> peut-être même le<br />

fonctionnement de notre démocratie. Porter remède à c<strong>et</strong>te situation signifie aussi<br />

briser une tendance qui, sous la pression de l’économie en voie de globalisation,<br />

con<strong>du</strong>it à la fracture sociale, avant que ne soient exclues d’encore plus larges<br />

couches de la population.<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon


Bibliographie sélective<br />

21<br />

Bericht zur Aussenwirtschaftspolitik : 97/1+2 vom 19.1.1998 und 98/1+2 vom<br />

13.01.1999<br />

BWA : Das Magazin für Wirtschaftspolitik (erscheint monatlich)<br />

Bundesamt für Statistik. Arbeitsmarktindikatoren 1997, Bern 1998<br />

Bureau International <strong>du</strong> Travail : Rapport sur l’<strong>emploi</strong> dans le monde 1998-99.<br />

Employabilité <strong>et</strong> mondialisation. Le rôle crucial de la formation. Genève 1998<br />

Globale Trends 1998 (Fischer), S. 170-191<br />

van Haaren, Kurt / Hensche, D<strong>et</strong>lev (Hsg.) : Arbeit im Multimediazeitalter. Die<br />

Trends in der Informationsgesellschaft. Hamburg 1997<br />

International Labour Organisation : World of Work. No. 25, June / July 1998.<br />

Konjunkturforschungsstelle der ETH Zürich KOF (Roland Aeppli, Andres Frick) :<br />

Szenario des schweizerischen Arbeitsmarktes 1999/2000. Studie im Auftrag des<br />

<strong>Schweiz</strong>erischen Arbeitshilfswerks (SAH). Zürich, 176.11.1998<br />

OECD : Concurrence fiscale dommageable. Un problème mondial, 1998<br />

OECD : Situation des salariés au regard de l’impôt <strong>et</strong> des transferts sociaux, 1995-96<br />

OECD : Politiques <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> en Suisse. 1996<br />

Pedrina, Vasco : „Sechs Thesen zur Globalisierung aus gewerkschaftlicher Sicht.» In:<br />

SGB-Pressedienst, 8.4.1998<br />

Rote Revue : 2/1998 (Schwerpunkt öffentliche Finanzen)<br />

<strong>Schweiz</strong>erische Nationalbank : Zahlungsbilanz der <strong>Schweiz</strong>. 1997<br />

<strong>Schweiz</strong>erische Nationalbank : Quartalsheft 4, Dezember 1998 (Entwicklung der<br />

Direktinvestitionen)<br />

<strong>Schweiz</strong>erische Nationalbank : Statistisches Monatsheft<br />

Senn<strong>et</strong>t, Richard : Der flexible Mensch. Die Kultur des neuen Kapitalismus.<br />

Regensburg 1998<br />

<strong>SP</strong>-Kommission Wissenschaft / Forschung / Technologie : Zukunft<br />

Informationsgesellschaft. Thesen – Trends – Postulate. Bern, Oktober 1997<br />

<strong>SP</strong> <strong>Schweiz</strong> : Arbeitsplätze schaffen – Arbeit umverteilen. 14 Thesen der <strong>SP</strong> <strong>Schweiz</strong><br />

gegen die Erwerbslosigkeit (1995)<br />

<strong>SP</strong> <strong>Schweiz</strong> : Mit radikalen Reformen die Zukunft gestalten. Vorschläge der <strong>SP</strong><br />

<strong>Schweiz</strong> zur Wirtschaftspolitik für die Jahre 1994-2005. Verabschied<strong>et</strong> vom Parteitag<br />

am 18./19.6.1994 in Bern<br />

<strong>SP</strong> <strong>Schweiz</strong> : Bezahlte und unbezahlte Arbeit umverteilen – per Anreiz oder Zwang?<br />

Dossier der Diskussionstagung vom 11.11.1995 in Bern<br />

Strahm, Rudolf H. : Arbeit und Sozialstaat. Zürich 1997<br />

Vontobel, Werner : Die Wohlstandsmaschine. Das Desaster des Neoliberalismus.<br />

Baden-Baden, Zürich 1998<br />

WochenZeitung : Wieviel ist die Gratisarbeit der Frauen wert? Eine WoZ-Studie zur<br />

Umverteilung von den Frauen zugunsten der Männer. Zürich, 14.06.1997<br />

Parti socialiste suisse – Congrès <strong>du</strong> 29 mai 1999 ?? <strong>Monde</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> <strong>et</strong> <strong>emploi</strong> : <strong>bref</strong> <strong>tour</strong> d’horizon

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