Echo de la Réhab - N°14 - Décembre 2014
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
« Perdue » dans<br />
l’hôpital<br />
Mémé d’où vienstu<br />
?<br />
Où vas-tu ?<br />
Elle ne le sait même<br />
pas elle-même.<br />
Comme ils disent :<br />
« elle est perdue »<br />
Perdue pour qui ?<br />
Perdue pour quoi ?<br />
Tu es belle mémé<br />
Les ri<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ta peau<br />
Marquent le temps.<br />
Pourquoi n'y<br />
aurait-il plus<br />
d’espérance pour<br />
toi ?<br />
Pourquoi !<br />
Posez-vous <strong>la</strong><br />
question<br />
Est-elle « perdue » ?<br />
Jean-Michel, 25<br />
octobre 14<br />
La nuit <strong>de</strong> l'angoisse<br />
« Ça fait peur » disons-nous, car ce qui est redouté semble être<br />
c<strong>la</strong>irement évitable. L’avoir-peur est ce moment où l’on se sent<br />
concerné par ce qui est menaçant. On peut avoir peur pour soi ou<br />
pour l’autre.<br />
(...)Si j’ai peur, j’ai nécessairement peur <strong>de</strong> quelque chose. Par<br />
exemple, je peux avoir peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort, je peux avoir peur <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die, je peux avoir peur <strong>de</strong> perdre mon emploi. La peur est<br />
donc un affect qui surgit <strong>de</strong>vant quelque chose <strong>de</strong> déterminé.<br />
Lorsque j’ai peur, j’ai peur <strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong> menaçant qui<br />
vient d’une direction déterminée, et met en péril quelque chose <strong>de</strong><br />
déterminée.<br />
En revanche, lorsque j’angoisse, je redoute une inconnue venant<br />
<strong>de</strong> partout et <strong>de</strong> nulle part.<br />
Si <strong>la</strong> peur, dans son état <strong>de</strong> peur, me révèle ce qui <strong>la</strong> provoque,<br />
l’angoisse ne me révèle rien. Je reste prostré avec mon angoisse.<br />
Devant ma peur, je suis certes seul, mais autrui peut me venir en<br />
ai<strong>de</strong>. Dans l’angoisse, je ne suis pas seulement seul, je suis très<br />
précisément isolé.<br />
Avec l’angoisse, l’horizon qui était le mien s’effondre. Je n’ai plus<br />
<strong>de</strong> lointain. Je n’ai plus <strong>de</strong> ciel, plus <strong>de</strong> sol, le paysage s’est<br />
écroulé <strong>de</strong>vant mes yeux comme un décor <strong>de</strong> cinéma. Les repères<br />
spatiaux sont brouillés. Je n’ai plus <strong>de</strong> frontières, plus <strong>de</strong><br />
distances. Ni « ici » ni « Là-bas ». Le mon<strong>de</strong> ambiant, <strong>la</strong><br />
préoccupation <strong>de</strong>venant soudain une symphonie égarée, un<br />
vacarme silencieux. Voilà pourquoi <strong>la</strong> menace qui pèse sur moi<br />
n’est plus localisable. » Marc Apozzo<br />
Je ne sais pas où est <strong>la</strong> menace car je ne sais plus où je suis<br />
comme si le mon<strong>de</strong> et moi-même entretenaient un rapport mutuel.<br />
Je suis désormais « isolé », seul au milieu d’un mon<strong>de</strong> qui s’est<br />
effondré et qui, désormais, n'offre plus aucun refuge, plus aucun<br />
sens.<br />
Hei<strong>de</strong>gger thématise là l’effet dévastateur <strong>de</strong> l’angoisse comme un<br />
moment crucial à <strong>la</strong> fois <strong>de</strong> perte, perte <strong>de</strong> ses repères, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
compréhension <strong>de</strong> soi et <strong>de</strong>s autres, mais aussi <strong>de</strong> l’effondrement<br />
du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> signification. Et en même temps, l'angoisse est un<br />
moment crucial <strong>de</strong> confrontation à soi-même où l'on a à faire face<br />
à sa liberté, n'étant plus soumis à <strong>la</strong> dictature du « On » et <strong>de</strong>vant<br />
« se choisir » et « se saisir soi-même ».<br />
D'après « La nuit <strong>de</strong> l'angoisse » <strong>de</strong> Marc Apozzo 1. Note sur<br />
Hei<strong>de</strong>gger<br />
Les carnets <strong>de</strong> <strong>la</strong> Phiolosophie, n°15, Janv.Fév.Mars 2011)