Extrait du Feuillet rapide fiscal social - janviers 2016
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FISCALITE INTERNATIONALE<br />
..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................I Fiscal<br />
Fiscal<br />
transfrontalier, quand il ne s’agit pas d’une prestation immatérielle<br />
délivrée d’un « cloud » difficilement localisable.<br />
Un terrain de jeu propice pour les grands acteurs<br />
économiques<br />
Un jeu dangereux de minimisation de la charge <strong>fiscal</strong>e favorisé par<br />
le culte de la performance et la pression des marchés<br />
14 Or, les grandes entreprises internationales soumises aux<br />
pressions des marchés financiers et de leurs actionnaires ont<br />
depuis longtemps fait <strong>du</strong> taux effectif d’imposition un objectif<br />
de performance économique et financier. Dans ces conditions,<br />
la planification et l’optimisation <strong>fiscal</strong>e étaient devenues des<br />
composantes courantes d’une gestion affûtée <strong>du</strong> compte de<br />
résultat et des résultats financiers consolidés communiqués aux<br />
analystes financiers, sans pour autant en faire des pratiques<br />
systématiques.<br />
Des stratégies de planification <strong>fiscal</strong>e pour les groupes<br />
15 Le monde non coopératif résultant d’une compétition <strong>fiscal</strong>e<br />
exacerbée des Etats a ainsi offert un terrain de jeu aux attraits<br />
et aux opportunités innombrables pour les acteurs économiques<br />
internationaux, ce que l’on désigne sous la terminologie de<br />
planification <strong>fiscal</strong>e ou « tax planning » (sur ce thème en général,<br />
E. Dinh, « La planification <strong>fiscal</strong>e internationale », thèse Paris<br />
Dauphine, 2009).<br />
16 Ces derniers, profitant de l’hétérogénéité voire de l’incohérence<br />
des règles <strong>fiscal</strong>es, juridiques, financières et prudentielles<br />
entre juridictions, ont pu imaginer le plus souvent en<br />
toute légalité, parfois de manière agressive et pariant sur<br />
l’inertie des administrations, des schémas permettant doubles<br />
dé<strong>du</strong>ctions de charges ou doubles exonérations de flux transfrontaliers.<br />
Ainsi en est-il des montages hybrides – étudiés par<br />
le projet Beps – qui sont apparus comme l’exemple le plus<br />
évocateur des dysfonctionnements <strong>du</strong> système <strong>fiscal</strong> international<br />
car mettant en lumière le manque de cohérence dans<br />
l’analyse juridique et les qualifications <strong>fiscal</strong>es et comptables<br />
d’une même opération économique.<br />
Toutefois, de nombreuses entreprises sont demeurées vertueuses,<br />
que ce soit par choix ou par impossibilité de ne pas<br />
l’être (la planification <strong>fiscal</strong>e ayant un coût de conception que<br />
seules les grandes entreprises peuvent se permettre de supporter,<br />
contrairement aux PME).<br />
17 La planification <strong>fiscal</strong>e agressive, enten<strong>du</strong>e comme une<br />
finalité en soi et non comme une planification procédant de la<br />
recherche rationnelle et mesurée d’économies <strong>fiscal</strong>es sans<br />
recours à des artifices, est régulièrement décriée par certaines<br />
organisations non gouvernementales qui y voient, par-delà ses<br />
conséquences budgétaires, une rupture d’égalité entre les acteurs<br />
économiques d’un point de vue concurrentiel, qui s’apparente<br />
alors à un procédé déloyal.<br />
La crise mondiale d’un jeu sans véritables règles<br />
18 Ces pratiques débridées ne pouvaient qu’aboutir à une crise<br />
budgétaire et <strong>fiscal</strong>e, et se joindre à une crise d’ensemble <strong>du</strong><br />
système financier et économique. Il en a résulté la prise de<br />
conscience d’une nécessaire délimitation des règles <strong>du</strong> jeu, dans<br />
une perspective de loyauté et d’intérêts mutuellement compris,<br />
puis une logique de lutte concertée.<br />
De la prise de conscience d’une nécessaire délimitation<br />
des règles <strong>du</strong> jeu...<br />
La condamnation progressive des pratiques dommageables par<br />
les Etats<br />
19 Le mouvement a débuté véritablement à travers des<br />
initiatives menées par l’OCDE il y a environ vingt ans. La première<br />
mention de « pratiques dommageables » figure dans un<br />
communiqué <strong>du</strong> G7 de Lyon en 1996. Il offre à l’OCDE<br />
l’opportunité de tenter de définir pour la première fois les paradis<br />
fiscaux dans un rapport publié en 1998, puis de publier en 2000<br />
une première liste des paradis fiscaux.<br />
Mais il faudra attendre la réunion de Berlin de juin 2004 puis de<br />
Melbourne en novembre 2005 pour assister à l’émergence d’une<br />
prise de conscience de la nécessité de lutter de manière<br />
coordonnée contre les paradis fiscaux et d’organiser de<br />
manière plus systématique les échanges de renseignements.<br />
Lacrisegénéraliséeouletempsdesajustementsbudgétairesétatiques<br />
20 Ultérieurement, la crise survenue en 2007 et 2008 a mis en<br />
lumière la fragilité des budgets nationaux pris dans un effet de<br />
ciseau résultant, d’une part, de l’endettement croissant des Etats<br />
in<strong>du</strong>isant une charge d’intérêts de plus en plus lourde érodant<br />
les marges de manœuvre budgétaires annuelles et, d’autre part,<br />
de la ré<strong>du</strong>ction progressive <strong>du</strong> rendement des impôts<br />
commerciaux, conséquences des politiques compétitives menées<br />
depuis de nombreuses années.<br />
21 Dans ces circonstances, l’ajustement financier ren<strong>du</strong> nécessaire<br />
(d’autant plus nécessaire pour les Etats de la zone euro, <strong>du</strong><br />
fait de la nécessité de respecter les contraintes macroéconomiques<br />
découlant des critères de convergence de Maastricht) a<br />
privilégié le recours à une augmentation de la <strong>fiscal</strong>ité<br />
indirecte et à une mise à contribution vigoureuse des<br />
ménages au travers de l’impôt sur le revenu. Ces derniers furent<br />
ainsi triplement fragilisés par une érosion de leur pouvoir d’achat<br />
compte tenu de la hausse des prix à la consommation, par un<br />
revenu net ré<strong>du</strong>it dû à une ponction <strong>fiscal</strong>e alourdie et par une<br />
croissance <strong>du</strong> chômage provoquée par la crise économique.<br />
Parallèlement, les Etats les plus vulnérables, au vu de leur<br />
mauvaise santé économique et budgétaire, ont dû faire face à des<br />
mouvements spéculatifs pariant sur le risque de défaut de<br />
paiement de ces derniers. C’est ce qui fonde l’action de certains<br />
Etats dans la mise en place de taxes sur les transactions<br />
financières (voir O. Debat, « Les transformations de la <strong>fiscal</strong>ité<br />
financière sous l’effet de la crise », RDBF 2012, n o 2, p. 3 s.) mais<br />
sans consensus – ni mondial ni même européen – en ce<br />
domaine, qui n’est pas abordé par le projet Beps.<br />
La propagation de l’idée d’une nécessaire répartition équitable<br />
de l’impôt<br />
22 Dans ces conditions il n’est pas étonnant que l’opinion<br />
publique suivie et encouragée par les médias et les organisations<br />
non gouvernementales, qu’elles soient liées au monde syndical<br />
ou caritatif, se soit inquiétée d’une juste et équitable<br />
contribution de l’ensemble des contribuables à cet effort<br />
collectif favorisant l’éclosion d’un débat public sur la « fair<br />
taxation » et qu’elle ait interpellé les gouvernements sur les<br />
pratiques des grandes entreprises en termes d’optimisation et de<br />
planification <strong>fiscal</strong>es.<br />
Il suffit en ce sens de rappeler la publication des Luxembourg<br />
Leaks (ou « LuxLeaks ». Elle résulta des investigations menées par<br />
l’International Consortium of Investigative Journalists, qui dénonça<br />
les centaines d’accords fiscaux très avantageux<br />
conclus par des groupes internationaux avec l’administration<br />
<strong>fiscal</strong>e luxembourgeoise par l’intermédiaire de cabinets d’audit)<br />
9<br />
/ Editions Francis Lefebvre e FR 4/16