Extrait du Feuillet rapide fiscal social - janviers 2016
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FISCALITE INTERNATIONALE Fiscal<br />
Le projet Beps : une refondation de l’ordre<br />
<strong>fiscal</strong> international ? (1 e partie)<br />
Par Olivier Debat et Jean-Pierre Lieb<br />
Deux ans après la présentation <strong>du</strong> projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et<br />
le transfert de bénéfices (Beps), l’OCDE a publié quinze rapports, approuvés au plus haut<br />
niveau politique, qui sont autant de plans d’actions sur des thèmes phares de la <strong>fiscal</strong>ité<br />
internationale. Cette refondation de l’ordre <strong>fiscal</strong> international est l’occasion d’une série<br />
d’articles pour comprendre la dynamique de ce processus et en mesurer les conséquences<br />
opérationnelles. Voici le premier de ces articles.<br />
Fiscal<br />
Fiscal<br />
1 Probablement personne n’avait imaginé, il y a trois ans et<br />
demi, qu’une simple expression dans la dernière phrase de la<br />
partie <strong>du</strong> communiqué <strong>du</strong> G20 de Los Cabos le 19 juin 2012,<br />
consacrée à la <strong>fiscal</strong>ité, allait donner naissance au projet Beps<br />
(« Base Erosion and Profit Shifting », ou Erosion des bases<br />
d’imposition et transfert de bénéfices) de l’OCDE qui allait<br />
bouleverser si <strong>rapide</strong>ment le monde de la <strong>fiscal</strong>ité.<br />
Les Etats, après avoir rappelé leur engagement en matière de<br />
renforcement de la transparence et l’échange compréhensible<br />
d’informations, après s’être félicités aussi des progrès réalisés et<br />
avoir exprimé leurs espoirs dans le renforcement de l’assistance<br />
administrative mutuelle et de la coopération internationale,<br />
ajoutaient : « Nous réitérons le besoin de prévenir l’érosion de la<br />
base et les transferts de bénéfices et nous suivrons avec attention<br />
le travail en cours de l’OCDE dans ce domaine. »<br />
2 De là, naîtra le projet Beps en 2013, visant à organiser la lutte<br />
coordonnée contre les pratiques d’érosion des bases d’imposition<br />
et de transfert de bénéfices, dans le respect de la souveraineté.<br />
Il s’agit d’un projet ambitieux, éminemment politique et sans<br />
précédent par son ampleur mondiale. Son apparition ne doit<br />
toutefois rien au hasard, alors même que celui-ci s’impose de plus<br />
en plus à la réflexion <strong>du</strong> juriste (voir sur ce dernier constat,<br />
J. Mestre, « Petit regard juridique sur le hasard », in Ecrits de droit<br />
de l’entreprise, Mélanges en l’honneur de Patrick Serlooten,<br />
Dalloz, 2015, p. 381 s.).<br />
En comprendre la dynamique et en apprécier les conséquences<br />
opérationnelles tant pour les Etats que pour les<br />
acteurs économiques, telle est l’ambition <strong>du</strong> présent dossier,<br />
composé d’une série d’articles qui couvriront l’ensemble des<br />
champs abordés par les travaux de l’OCDE désormais arrivés à<br />
maturité.<br />
Les études dont il est question seront rédigées par C. Acard,<br />
J. Ardouin, B. Auberton, D. Brandstaetter, K. Chauveau, O. Debat, E.<br />
Fourel, B. Gabelle, N. Genestier, Ph. Legentil, E. Leroy, J.-P. Lieb, O.<br />
Marichal, J. Martens et M. Vail.<br />
3 Un calendrier ambitieux a été bâti autour de rendez-vous<br />
clés (notamment septembre 2014 et octobre 2015) et émaillé de<br />
différentes consultations sur les documents majeurs <strong>du</strong> projet. En<br />
effet, ces documents initialement rédigés par les équipes de<br />
l’OCDE ont été successivement soumis à l’approbation des<br />
Etats participants puis à consultation publique, revus et<br />
amendés puis publiés de manière définitive avant validation<br />
finale par le G20.<br />
Par ailleurs, l’OCDE a manifesté une volonté claire d’associer le<br />
maximum d’acteurs à ces travaux : pays <strong>du</strong> G20, pays de<br />
Olivier DEBAT<br />
Agrégé des facultés de droit<br />
Professeur à l’Université<br />
Toulouse 1 Capitole<br />
Jean-Pierre LIEB<br />
Avocat associé<br />
Cabinet Ernst & Young<br />
l’OCDE, pays invités, pays émergents non présents lors des<br />
travaux de rédaction (plus de 80 pays en développement et autres<br />
économies non membres de l’OCDE/<strong>du</strong> G20 ont pris part à quatre<br />
consultations approfondies de portée régionale et à cinq forums<br />
mondiaux thématiques), représentants des entreprises et des<br />
praticiens de la <strong>fiscal</strong>ité, organisations non gouvernementales...<br />
4 Ce dialogue avec toutes les parties prenantes à une cadence<br />
quasi fordienne a permis à l’OCDE de publier les rapports<br />
définitifs le 5 octobre dernier (si la plupart des rapports publiés<br />
le 5 octobre 2015 sont définitifs, certains ne le sont toutefois pas,<br />
comme le rapport sur l’Action 6 et les rapports sur les Actions<br />
8-9-10, lesquels demeurent incomplets sur les « profits splits »).<br />
Ils ont été approuvés par les ministres des finances des pays <strong>du</strong><br />
G20 le 8 octobre à Lima et endossés par les chefs d’Etat lors <strong>du</strong><br />
sommet des 15 et 16 novembre à Antalya, en Turquie, offrant<br />
ainsi à l’OCDE un incontestable succès politique.<br />
La réussite <strong>du</strong> projet Beps résulte plus généralement d’une<br />
conjonction de facteurs, ce qui amène à analyser les raisons<br />
profondes de l’érosion des bases <strong>fiscal</strong>es, les circonstances qui ont<br />
provoqué la prise de conscience collective de la nécessité d’y<br />
mettre un coup d’arrêt et enfin les ressorts qui ont assuré la<br />
dynamique <strong>du</strong> projet. Ce faisant, cette initiative hors <strong>du</strong><br />
commun révèle plus profondément l’amorce d’une révision,<br />
d’une rénovation, de la relation entre les sociétés globales, donc<br />
les Etats, et les grands acteurs privés.<br />
La structure politique qu’est l’Etat, présentée souvent comme<br />
étant en crise et impotente pour appréhender des groupes<br />
mondiaux devenus les véritables maîtres d’un jeu économique<br />
mondialisé, y trouve une vitalité et une assise postmoderne<br />
qui tra<strong>du</strong>isent l’affermissement de son rôle et démontrent que<br />
l’Etat demeure une structure essentielle de gouvernance <strong>du</strong><br />
monde.<br />
7<br />
/ Editions Francis Lefebvre e FR 4/16