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Depuis son émergence au cours des années 90,<br />

l’Intelligence Economique fut rarement prise en compte<br />

au niveau de la direction des organisations. En résumé,<br />

elle a connu deux grandes époques. Durant la<br />

première, qui couvre globalement les années 1995-2005,<br />

elle fut associée le plus souvent – comme on l’a précisé<br />

précédemment – à de simples « barbouzeries ». On la<br />

considérait essentiellement comme une pratique<br />

d’espionnage mise à disposition des entreprises.<br />

Association hasardeuse et pour tout dire désastreuse qui<br />

venait de la parenté originelle entre le monde du<br />

renseignement et celui de l’Intelligence Economique.<br />

Or, l’univers de la clandestinité ne se superpose pas à<br />

celui du renseignement. L’espionnage au sens strict (les<br />

activités qui sortent du cadre légal) ne représente<br />

qu’une partie des dispositifs, des acteurs et des<br />

stratégies des services qui exercent ces activités. Ces<br />

dernières comprennent une insigne part de travail<br />

intellectuel, d’analyse et de synthèse qui se structure en<br />

fait d’après les lois de la logique, les raisonnements<br />

argumentatifs, et les logiques de l’induction et de la<br />

déduction. Par conséquent, l’Intelligence Economique<br />

emprunte effectivement à cette partie de la sphère du<br />

renseignement qui réalise un travail de compréhension<br />

de différents environnements, de leurs acteurs, et des<br />

échiquiers d’affrontement mettant aux prises une<br />

pluralité d’intervenants. Mais elle ne sort jamais du<br />

cadre de la légalité dans les différentes initiatives qui la<br />

constituent et les différentes techniques qu’elle peut<br />

employer. Elle sert en revanche à protéger légalement<br />

l’organisation contre les manœuvres illicites.<br />

La deuxième phase de l’Intelligence Economique, dans<br />

laquelle nous nous trouvons encore, a débuté entre<br />

2004 et 2006. Ce qui correspond à la rédaction et à la<br />

diffusion du rapport fondateur du député Bernard<br />

Carayon, et à la mise en place qui suivit d’une politique<br />

publique d’Intelligence Economique centrale et<br />

territoriale. Cet épisode peut se définir comme la<br />

réduction de l’Intelligence Economique à la sûreté des<br />

entreprises. La dimension positive de cette situation est<br />

de faire échapper la discipline aux clichés de<br />

l’espionnage industriel. L’inconvénient est de laisser<br />

penser qu’elle se réduit à son volet protection en<br />

occultant ses deux autres piliers : la veille (un moyen) et<br />

l’influence (une finalité). C’est ce qui explique bien<br />

entendu que l’Intelligence Economique n’est toujours<br />

pas perçue comme un élément déterminant de la<br />

stratégie de l’organisation. En se résumant à la fonction<br />

sûreté, elle tend à être perçue par les dirigeants comme<br />

une activité certes importante en regard des menaces<br />

contemporaines pesant sur toutes les organisations<br />

privées (sûreté à l’international, cyberattaques, vols<br />

d’informations stratégiques, etc.), mais pas comme une<br />

perspective intellectuelle radicalement innovante<br />

autorisant à faire évoluer positivement la fabrication de<br />

la stratégie des firmes.<br />

Pour être extrêmement concret, la démarche de veille<br />

n’apparaît toujours pas comme une pratique<br />

systématique dans l’intégralité des fonctions des<br />

sociétés. Or, dans un monde complexe, la nécessité de<br />

l’anticipation n’est plus contestable. Ne pas pouvoir<br />

observer puis comprendre un échiquier et ses acteurs<br />

conduit de manière fatale à l’échec de ses ambitions.<br />

On peut faire le même type de constat pour le domaine<br />

de l’influence : ignorer l’obligation de construire une<br />

capacité à façonner son environnement d’action et les<br />

perceptions de ses partenaires et rivaux revient à<br />

préparer tôt ou tard l’échec de son développement, et<br />

même à mettre en danger sa pérennité. Parmi les<br />

partisans de cette approche exhaustive de l’IE, on peut<br />

mentionner en particulier Jean-Renaud Fayol, praticien<br />

de la matière qui a par ailleurs formalisé son activité<br />

quotidienne dans plusieurs textes.<br />

« La démarche de veille<br />

n’apparaît toujours pas<br />

comme une pratique<br />

systématique dans l’intégralité<br />

des fonctions des sociétés »<br />

S E C E M M a g n ° 7 • J a n v i e r │ M a r s 2 0 1 6 23

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