recueil de jurisprudence contentieux du genocide tome iii - ASF
recueil de jurisprudence contentieux du genocide tome iii - ASF
recueil de jurisprudence contentieux du genocide tome iii - ASF
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
<strong>ASF</strong>-Belgium<br />
RECUEIL DE JURISPRUDENCE<br />
CONTENTIEUX DU GENOCIDE<br />
TOME III<br />
�<br />
Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique<br />
en partenariat avec le Département <strong>de</strong>s Cours et Tribunaux<br />
<strong>de</strong> la Cour Suprême <strong>du</strong> Rwanda avec le soutien<br />
<strong>de</strong> l'Agence Intergouvernementale <strong>de</strong> la Francophonie,<br />
<strong>de</strong> la Commission Européenne,<br />
<strong>de</strong> la Coopération Belge et <strong>de</strong> la Coopération Néerlandaise.
TABLE DES MATIERES<br />
PREFACE………………………………………………………………………………………...5<br />
PREMIERE PARTIE : TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE ET<br />
CHAMBRES SPECIALISEES<br />
A. T.P.I. BUTARE :<br />
N°1 : Le 30/11/2001, Ministère Public C/NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts ……………..11<br />
B. CS BYUMBA :<br />
N°2 : Le 02/05/1997, Ministère Public C/KANYABUGANDE François et Consorts…………..55<br />
C. CS CYANGUGU :<br />
N°3 : Le 06/08/1998, Ministère Public C/RWAMULINDA Antoine et Consorts ………………95<br />
D. T.P.I. GIKONGORO :<br />
N° 4 : Le 20/02/2002, Ministère Public C/BIZIMANA Antoine……………………………….115<br />
E. CS GISENYI :<br />
N°5 : Le 26/06/1997, Ministère Public C/BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie………..143<br />
F. CS GITARAMA :<br />
N°6 : Le 02/04/1999, Ministère Public C/BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts …………159<br />
G. CS KIBUNGO :<br />
N°7 : Le 22/09/2000, Ministère Public C/BIZURU André et Consorts………………………..175<br />
H. CS KIBUYE :<br />
N°8 :Le 22/03/2000, Ministère Public C/BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard ……..193<br />
I. CS KIGALI :<br />
N°9 : Le15/01/1999 : Ministère Public C/MUKAKAYIJUKA Hadidja ………………………205<br />
J. CS NYAMATA :<br />
N°10 : Le 31/07/2000, Ministère Public C/MUKANSANGWA Pascasie……………………..221<br />
3
K. CS RUHENGERI :<br />
N°11 : Le 12/12/2000, Ministère Public C/NTAHONDI Ildéphonse…………………………..229<br />
L. CS RUSHASHI :<br />
N°12 : Le 21/09/2000, Ministère Public C/GASANA Apollinaire et Consorts………………..239<br />
DEUXIEME PARTIE : COURS D’APPEL<br />
A. CA CYANGUGU :<br />
N° 13 : Le 06/07/1999, MUNYANGABE Théodore C/Ministère Public……………………...255<br />
B. CA KIGALI :<br />
N°14 : Le 26/12/2000, KAYIJUKA Célestin C/Ministère Public……………………………...271<br />
C. CA NYABISINDU :<br />
N°15 : Le 20/03/1998, NEMEYIMANA Israël C/Ministère Public……………………………285<br />
D. CA RUHENGERI :<br />
N°16 : Le 25/11/1998, BARITIMA Jules C/Ministère Public………………………………….295<br />
TROISIEME PARTIE : JURIDICTION MILITAIRE<br />
CONSEIL DE GUERRE<br />
N°17 : Le 26/11/1998, Auditorat Militaire C/SGT GD BARAYAGWIZA Il<strong>de</strong>phonse ……….309<br />
ANNEXES<br />
TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS ……………………………………………381<br />
INDEX ANALYTIQUE DES DECISIONS………………………………………………….383<br />
LOI ORGANIQUE N°8/96 DU 30/08/1996 SUR L’ORGANISATION DES<br />
POURSUITES DES INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE<br />
GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE, COMMISES A<br />
PARTIR DU 1 er OCTOBRE 1990 ……………………………………………………………387<br />
4
PREFACE<br />
Ce troisième <strong>tome</strong> <strong>du</strong> « Recueil <strong>de</strong> jurispru<strong>de</strong>nce » concernant le <strong>contentieux</strong> <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s<br />
crimes contre l’humanité tel qu’il est traité par les juridictions rwandaises est le fruit <strong>de</strong> la<br />
poursuite d’un important travail, ren<strong>du</strong> possible grâce à la confiance que le Département <strong>de</strong>s<br />
Cours et Tribunaux <strong>de</strong> la Cour Suprême a accordée à Avocats Sans Frontières.<br />
Depuis la parution <strong>du</strong> 1 er <strong>tome</strong>, en janvier 2002, la métho<strong>de</strong> s’est affinée. D’une part,<br />
l’expérience a permis d’améliorer la qualité <strong>de</strong>s tra<strong>du</strong>ctions. D’autre part, les réactions<br />
<strong>recueil</strong>lies <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s acteurs judiciaires –magistrats, avocats et défenseurs judiciaires – nous<br />
ont amenés à ajuster la métho<strong>de</strong> d’in<strong>de</strong>xation, <strong>de</strong> manière à répondre au plus près à leurs attentes<br />
et à leurs besoins. Enfin, les contacts systématiques instaurés avec l’ensemble <strong>de</strong>s juridictions<br />
<strong>du</strong> pays ont permis <strong>de</strong> <strong>recueil</strong>lir <strong>de</strong>s décisions émanant <strong>de</strong> chacune d’entre elles : c’est ainsi que<br />
ce <strong>recueil</strong> rassemble <strong>de</strong>s décisions prononcées par tous les Tribunaux <strong>de</strong> première instance,<br />
par le Conseil <strong>de</strong> Guerre, et par toutes les Cours d’appel. Dix-sept décisions qui nous<br />
paraissent représentatives <strong>de</strong> la justice ren<strong>du</strong>e à ce jour par les tribunaux rwandais.<br />
Elles sont présentées ici dans leur intégralité. Certaines d’entre elles sont très longues : c’est le<br />
prix <strong>de</strong> la pratique qui consiste à retranscrire l’ensemble <strong>de</strong>s débats dans le corps <strong>du</strong> jugement,<br />
pratique grâce à laquelle le lecteur dispose d’une source d’information unique sur l’histoire<br />
et le déroulement <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s massacres.<br />
L’observateur relèvera également le souci grandissant <strong>de</strong>s magistrats <strong>de</strong> motiver leurs décisions<br />
en droit, d’entendre les victimes, <strong>de</strong> respecter les droits <strong>de</strong> la défense, <strong>de</strong> distinguer selon le<br />
<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> responsabilité, mais également <strong>de</strong> sanctionner par un acquittement les accusations<br />
abusives.<br />
Le présent <strong>recueil</strong> paraît à l’heure où les juridictions gacaca ont entamé leur travail.<br />
Dans l’immédiat, les juridictions ordinaires restent saisies <strong>de</strong>s affaires qui leur avaient été<br />
transmises par le Parquet avant le 15 mars 2001, date d’entrée en vigueur <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong><br />
26 janvier 2001 portant création <strong>de</strong>s « juridictions gacaca » et organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s<br />
infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité. Elles continuent,<br />
dans ces dossiers, à appliquer la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996 (publiée ici en annexe).<br />
Certaines <strong>de</strong>s dispositions contenues dans la Loi organique <strong>de</strong> 2001 sont cependant<br />
d’application immédiate : c’est le cas notamment <strong>de</strong> son article 96 qui supprime les Chambres<br />
spécialisées <strong>de</strong>s Tribunaux <strong>de</strong> première instance et <strong>de</strong>s juridictions militaires, et prévoit que les<br />
affaires dont elles avaient été saisies seront jugées par les juridictions dont faisaient partie ces<br />
Chambres spécialisées : c’est ainsi que figurent, parmi les décisions sélectionnées, <strong>de</strong>ux<br />
décisions postérieures au 15 mars 2001, prononcées par <strong>de</strong>s Tribunaux <strong>de</strong> première instance, et<br />
non plus par <strong>de</strong>s Chambres spécialisées.<br />
Rappelons par ailleurs qu’en vertu <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 26 janvier 2001 portant création <strong>de</strong>s<br />
« juridictions gacaca » et organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité, et la Loi <strong>du</strong> 22 juin 2001 qui la modifie et la complète,<br />
les personnes relevant <strong>de</strong> la première catégorie restent justiciables <strong>de</strong>s juridictions ordinaires.<br />
5
A l’issue <strong>de</strong> l'«instruction » menée par les assemblées générales <strong>de</strong>s juridictions gacaca <strong>de</strong><br />
cellules, les juridictions ordinaires seront donc prochainement appelées à appliquer<br />
intégralement la Loi organique <strong>de</strong> 2001.<br />
La jurispru<strong>de</strong>nce et l’expérience développées par les Chambres Spécialisées et les Cours d’appel<br />
sous l’empire <strong>de</strong> la Loi organique <strong>de</strong> 1996 constituera, à cet égard, une importante source<br />
d’interprétation. En mettant à la disposition <strong>de</strong>s praticiens <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> nouvelles décisions, nous<br />
espérons leur offrir un outil <strong>de</strong> travail pertinent et nourrir le débat juridique.<br />
Enfin, en poursuivant la publication <strong>de</strong> ces jugements qui témoignent <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s<br />
massacres et <strong>de</strong> leur répression, nous souhaitons rendre hommage à ceux qui, en âme et<br />
conscience, œuvrent au quotidien à rendre justice à toutes les victimes.<br />
6<br />
Caroline STAINIER,<br />
Responsable <strong>de</strong> projet,<br />
Avocats Sans Frontières.
PREMIERE PARTIE<br />
TRIBUNAUX DE<br />
PREMIERE INSTANCE<br />
ET<br />
CHAMBRES<br />
SPECIALISEES<br />
7
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE<br />
BUTARE<br />
9
N°1<br />
Jugement <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> BUTARE<br />
<strong>du</strong><br />
30 novembre 2001.<br />
Ministère Public et parties civiles C/ NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts.<br />
ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE (FONDEMENT; LIEN DE CAUSALITE) –<br />
ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281 ET 282<br />
CP) – AVEUX (COMPLETS; FORCE PROBANTE A L'EGARD DES TIERS) –<br />
CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE; ART. 2 L.O. 30/08/1996) – CRIME DE<br />
GENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE DU TRIBUNAL SUR<br />
LE LIEU DES FAITS – DEVASTATION DU PAYS PAR MASSACRES, DESTRUCTION<br />
ET PILLAGE (ART. 168 CP) – DOMMAGES ET INTERETS<br />
(CONDAMNATION IN SOLIDUM) – DROITS DE LA DEFENSE (DROIT D'ETRE<br />
ASSISTE) – PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ET DEGRADATION<br />
CIVIQUE) – PREUVE (ABSENCE DE; FORCE PROBANTE DE) – PROCEDURE<br />
D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT PUBLICATION DU NOM<br />
SUR LA LISTE DES PERSONNES DE PREMIERE CATEGORIE : ART 9 L.O.<br />
30/08/1996; RECEVABILITE: ART. 6 L.O. 30/08/1996) – RESPONSABILITE DE<br />
L’ETAT (ART. 91 L.O. 26/01/01) – TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE;<br />
CONCORDANTS) – VIOLATION DE DOMICILE ( ARTS. 304 ET 305 CP) – ZELE ET<br />
MECHANCETE EXCESSIVE ( ART. 2 CATEGORIE 1c L.O. 30/08/1996).<br />
1. Droit d'être assisté d'un défenseur – remise.<br />
2. Procé<strong>du</strong>re – témoins tenus hors <strong>de</strong>s débats avant déposition – <strong>de</strong>scente <strong>du</strong> Tribunal sur le<br />
lieu <strong>de</strong>s faits.<br />
3. 1 er prévenu – défaut <strong>de</strong> preuve - témoignages à décharge – infractions non établies –<br />
acquittement et ordre <strong>de</strong> libération immédiate.<br />
4. 2 ème prévenu – procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant publication <strong>du</strong> nom sur<br />
la liste <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> première catégorie – conformité à l'article 6 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong><br />
30/08/1996 – infractions établies.<br />
5. 2 ème prévenu – zèle et méchanceté excessive – première catégorie déclassée en <strong>de</strong>uxième<br />
catégorie (article 9 alinéa 2 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996) – emprisonnement à<br />
perpétuité et dégradation civique (article 18 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996).<br />
6. Action civile – responsabilité civile <strong>de</strong> l'Etat dans le génoci<strong>de</strong> (article 91 <strong>de</strong> la Loi organique<br />
<strong>du</strong> 26/01/2001) – condamnation solidaire <strong>du</strong> 2 ème prévenu et <strong>de</strong> l'Etat – dommages moraux<br />
ex- æquo et bono – dommages matériels suivant la valeur <strong>du</strong> préjudice.<br />
7. Action civile liée à une infraction non poursuivie – <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sans fon<strong>de</strong>ment – rejet.<br />
8. Disjonction <strong>de</strong> l'action publique – prévenus non i<strong>de</strong>ntifiés.<br />
11
1. L'audience est remise afin <strong>de</strong> permettre aux prévenus d'accomplir les démarches nécessaires<br />
pour bénéficier <strong>de</strong> l'assistance d'un conseil.<br />
2. Les témoins tant à charge qu'à décharge sont exclus <strong>de</strong> la salle d'audience jusqu'au moment<br />
<strong>de</strong> leur déposition. Le Tribunal déci<strong>de</strong> d'effectuer une <strong>de</strong>scente sur le lieu <strong>de</strong>s faits afin<br />
d'interroger la population.<br />
3. Ni les éléments pro<strong>du</strong>its par le Ministère Public, ni les témoignages à charge ne permettent<br />
d’établir la part <strong>de</strong> responsabilité que le 1 er prévenu aurait eue dans le génoci<strong>de</strong>.<br />
- Doit être écartée comme inexacte l’allégation selon laquelle le prévenu aurait désigné un<br />
comité <strong>de</strong> dix personnes chargé d’assurer la sécurité, comité dont certains membres ont ensuite<br />
été impliqués dans <strong>de</strong>s massacres, les témoignages <strong>recueil</strong>lis établissant que ces personnes<br />
avaient été élues par la population.<br />
- Est également inexacte l’affirmation selon laquelle il ordonnait les assassinats, les témoignages<br />
<strong>recueil</strong>lis lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scente sur le lieu <strong>de</strong>s faits établissant au contraire qu’il a fait ce qui était en<br />
son pouvoir pour que les victimes soient épargnées, notamment en fournissant aux personnes<br />
menacées <strong>de</strong>s pièces d’i<strong>de</strong>ntité en remplacement <strong>de</strong> celles qui faisaient mention <strong>de</strong> leur ethnie<br />
Tutsi.<br />
Il est acquitté <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s infractions et sa libération immédiate est ordonnée.<br />
4. La procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>du</strong> 2 ème prévenu est acceptée tant par le<br />
Ministère Public que par le Tribunal comme conforme au prescrit <strong>de</strong> l'article 6 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique <strong>du</strong> 30/08/1996. Le prévenu est reconnu coupable <strong>de</strong> l'ensemble <strong>de</strong>s infractions à sa<br />
charge.<br />
5. Le zèle et la méchanceté excessive dont a fait preuve le 2 ème prévenu, notamment en utilisant<br />
une hache pour tuer une dame âgée avec laquelle il entretenait <strong>de</strong> bonnes relations,<br />
permettent <strong>de</strong> le ranger en première catégorie; en raison <strong>de</strong> son plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité<br />
intervenu avant la publication <strong>de</strong> son nom sur la liste <strong>de</strong>s personnes relevant <strong>de</strong> la première<br />
catégorie, il doit être rangé en <strong>de</strong>uxième catégorie conformément à l'article 9 alinéa 2 <strong>de</strong> la<br />
Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
Il est condamné à l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique.<br />
6. L’Etat, qui a reconnu sa responsabilité dans le génoci<strong>de</strong>, doit être condamné au paiement <strong>de</strong>s<br />
dommages et intérêts alloués aux parties civiles, solidairement avec le prévenu reconnu<br />
coupable, selon les dispositions <strong>de</strong> l'article 91 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 26/01/2001 portant<br />
création <strong>de</strong>s juridictions Gacaca.<br />
Les dommages et intérêts moraux réclamés apparaissent excessifs; tenant compte <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong><br />
parenté, ils sont fixés ex- æquo et bono car « un être humain n’a pas <strong>de</strong> prix ». Les<br />
dommages matériels doivent être alloués en tenant compte <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong>s biens<br />
endommagés.<br />
7. Ne peut être reçue, l'action civile d'une partie qui est fondée sur une infraction dont le<br />
Tribunal n'a pas été saisi.<br />
8. L’action publique concernant les prévenus dont l’i<strong>de</strong>ntification est restée incomplète est<br />
disjointe.<br />
(NDLR: L'appel <strong>du</strong> Ministère Public est pendant <strong>de</strong>vant la Cour d'appel <strong>de</strong> NYABISINDU).<br />
12
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
13
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
14<br />
1 er feuillet.<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE EN ITINERANCE A<br />
NYANZA, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES<br />
CONTRE L’HUMANITE, A RENDU LE 30/11/2001 LE JUGEMENT DONT LA<br />
TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
1. NTEZIRYAYO Emmanuel fils <strong>de</strong> KAJANGWE ET NYIRANDIMURWANGO, né en<br />
1950 à KIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié à<br />
KABAGEMA, père <strong>de</strong> 8 enfants, Rwandais, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus ;<br />
2. NSANGANIRA Eugène fils <strong>de</strong> ZIKAMABAHARI et NYIRADURI, né en 1959 à<br />
KIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié à<br />
NYIRAMARIZA, père <strong>de</strong> 6 enfants, Rwandais, cultivateur, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus ;<br />
3. MUSAFIRI : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
4. NKUNDABAGENZI : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
5. HABIYAMBERE : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
6. MUNYANKINDI : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
7. SEMBU : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
8. NTAGANZWA : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
9. MASONGA François : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
10. NDAGIJIMANA : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
11. SEGEMA : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
12. MPUNGIREHE Laurent : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
13. MIKWEGE : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
14. NCAMIHIGO Idrissa : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
15. RUGAMBA : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
16. BAJENEZA Damascène : non autrement i<strong>de</strong>ntifié .
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
17. RUFANGURA : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
18. JUMA : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
19. MISAGO Vianney : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
20. Gérard : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
21. KAREGE Il<strong>de</strong>phonse : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
22. MUNYAMBUGA Phénéas : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
23. SHEMU : non autrement i<strong>de</strong>ntifié.<br />
PREVENTIONS :<br />
A charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène, NKUNDABAGENZI<br />
Alphonse, MPUNGIREHE Laurent, MIKWEGE, NCAMIHIGO Idrissa, RUGAMBA,<br />
BAJENEZA Damascène, RUFANGURA, JUMA, MISAGO Vianney, NDAGIJIMANA<br />
Gérard, KAREGE Il<strong>de</strong>phonse et MUNYAMBUGA Phénéas :<br />
- Avoir à KAVUMU, BUSASAMANA, NYABISINDU, BUTARE, République Rwandaise,<br />
entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les<br />
articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal, organisé et mis à exécution le plan <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et<br />
d’autres crimes contre l’humanité, infraction<br />
15<br />
2 ème feuillet.<br />
prévue par la Convention <strong>du</strong> 09/12/1994 sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, la Convention<br />
<strong>du</strong> 12/08/1949 sur la protection <strong>de</strong>s personnes civiles en temps <strong>de</strong> guerre et les Protocoles<br />
Additionnels, la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s<br />
crimes contre l’humanité telles que ratifiées par Décret-loi n° 08/75 <strong>du</strong> 12/02/1975, ainsi que par<br />
la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/96 en son article premier.<br />
A)- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteurs, coauteurs ou<br />
complices, commis l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs prévue et réprimée par les articles<br />
89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I (sic).<br />
B)- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> lieu, en date <strong>du</strong> 22/04/1994, comme auteurs,<br />
coauteurs ou complices, assassiné NYIRABANANI Cécile, NYIRABAKEKA, Pauline et son<br />
enfant, MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE, l’épouse <strong>de</strong> KADENESI et ses <strong>de</strong>ux enfants,<br />
l’épouse <strong>de</strong> Gervais, l’épouse <strong>de</strong> NYAMBIRIRA, l’épouse <strong>de</strong> KANYABIHAHO Xavier , la fille<br />
<strong>de</strong> RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI, infraction prévue et réprimée par l’article 3 <strong>de</strong> la<br />
Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/96, les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> livre I et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
Livre II.<br />
A charge <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène, HAVUGIMANA Mussa, BAJENEZA,<br />
NKUNDABAGENZI et SHEMU.
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
C)- Avoir, au même endroit que ci-<strong>de</strong>ssus au cours <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> d’avril à juillet, comme auteurs,<br />
coauteurs ou complices, commis l’infraction <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong> pays par les massacres, les<br />
<strong>de</strong>structions <strong>de</strong> maisons et <strong>de</strong> bétail ainsi que les pillages, infraction prévue et réprimée par les<br />
articles 89, 90 <strong>du</strong> livre I ainsi que les articles 169, 144 <strong>du</strong> livre II <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal(sic).<br />
D)- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, commis l’infraction <strong>de</strong> violation<br />
<strong>de</strong> domiciles d’autrui, infraction prévue et réprimée par les articles 304 et 305 <strong>du</strong> livre II <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal.<br />
PARTIES CIVILES.<br />
1. MUSAYIDIRE Eugénie fille <strong>de</strong> BWICAMANUMA et MUKANGWIJE Suzanne, née le<br />
25/12/1952 à BUSASAMANA, ville <strong>de</strong> NYANZA, province <strong>de</strong> BUTARE, résidant<br />
actuellement en Allemagne.<br />
2. NYIRANTEGEYINKA Véronique fille <strong>de</strong> RUCEGE Charles et MUTWAKAZI Marie,<br />
résidant à BUSASAMANA, ville <strong>de</strong> NYANZA, province <strong>de</strong> BUTARE.<br />
3. MUNYANSHONGORE Mussa fils <strong>de</strong> NDEKEZI et NYIRABANAMA Cécile, résidant à<br />
BUSASAMANA, ville <strong>de</strong> NYANZA, province <strong>de</strong> BUTARE.<br />
4. MUKARUBAYIZA Virginie fille <strong>de</strong> NDEKEZI et NYIRABANAMA, résidant à<br />
BUSASAMANA, ville <strong>de</strong> NYANZA, province <strong>de</strong> BUTARE.<br />
16<br />
3 ème feuillet.<br />
5. RWAGATARE Jean fils <strong>de</strong> KIMONYO Grégoire et MUKAMUZIMA, né à RUHASHYA,<br />
résidant à BUSASAMANA, ville <strong>de</strong> NYANZA.<br />
LE TRIBUNAL,<br />
Vu l’instruction préparatoire <strong>de</strong> cette affaire par le parquet <strong>de</strong> la République à BUTARE après<br />
laquelle le dossier a été transmis pour fixation au Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> BUTARE et<br />
a été inscrit au rôle sous le n° RP 84/2/2001 ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> Tribunal pris en date <strong>du</strong> 11/06/2001 fixant l’audience au<br />
22/11/2001 à NYANZA à 8 heures <strong>du</strong> matin ;<br />
Vu que seuls <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s vingt-<strong>de</strong>ux prévenus poursuivis par le Ministère Public ont été i<strong>de</strong>ntifiés,<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugène ont été régulièrement cités à<br />
comparaître, qu’ils ont comparu à cette date en présence <strong>du</strong> représentant <strong>du</strong> Ministère Public et<br />
<strong>de</strong> quelques-unes <strong>de</strong>s parties civiles ;<br />
Vu que l’une <strong>de</strong>s parties civiles à savoir MUSAYIDIRE Eugénie résidant à BUSASAMANA est<br />
accompagnée par <strong>de</strong>s journalistes allemands et par un journaliste rwandais <strong>de</strong> la télévision<br />
nationale en la personne <strong>de</strong> RUTAREKA Alexis qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt au Tribunal <strong>de</strong> les autoriser à<br />
faire un reportage sur le déroulement <strong>de</strong> l’audience, qu’après avis <strong>du</strong> Ministère Public, cette<br />
autorisation leur est accordée dans le cadre <strong>de</strong>s bonnes relations entre le Rwanda et l’Allemagne
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
et notamment certains <strong>de</strong> ses Lands, que le reportage ne doit pas servir à <strong>de</strong>s fins commerciales ;<br />
Vu la lettre que NTEZIRYAYO Emmanuel a remise au Tribunal au cours <strong>de</strong> la matinée à 10<br />
heures dix minutes avant le début <strong>de</strong> l’audience et par laquelle il sollicite le report d’audience au<br />
motif qu’il s’est adressé au Bureau <strong>de</strong> Consultation et <strong>de</strong> Défense <strong>du</strong> Corps <strong>de</strong>s Défenseurs en<br />
date <strong>du</strong> 09/11/2001 pour solliciter une assistance judiciaire, qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il ne<br />
peut pas assurer personnellement sa défense, il répond par la négative et dit qu’il espère qu’un<br />
défenseur sera disponible dans les prochains jours ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question posée à NSANGANIRA Eugène <strong>de</strong> savoir s’il accepte <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r sa<br />
cause, celui-ci répond qu’il le souhaite ar<strong>de</strong>mment surtout qu’il entend plai<strong>de</strong>r coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à quelques-unes <strong>de</strong>s parties civiles pour émettre leur avis, que<br />
MUSAYIDIRE Eugénie dit qu’elle a accusé NSANGANIRA Eugène seul, mais que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel peut faire un effort pour assurer personnellement sa défense étant<br />
donné qu’ils ont fait un long voyage à partir <strong>de</strong> l’Allemagne pour suivre l’audience, que<br />
NYIRANTEGEYINKA dit quant à elle qu’elle et MUSAYIDIRE Eugénie poursuivent la même<br />
action civile et qu’à ce titre, elle ne saurait s’en tirer seule au cas où cette <strong>de</strong>rnière partirait sans<br />
que l’affaire soit clôturée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public SHUMBUSHO Daniel <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong><br />
téléphoner au Bureau <strong>de</strong> Consultation et <strong>de</strong> Défense pour savoir si la lettre <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
d’assistance judiciaire <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel y a été reçue et si elle fera l’objet d’une<br />
suite favorable ;<br />
17<br />
4 ème feuillet.<br />
Vu que l’audience est suspen<strong>du</strong>e jusqu’à 14 heures pour que le Tribunal puisse entrer en<br />
communication avec le Bureau <strong>de</strong> Consultation et <strong>de</strong> Défense avant <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r la date à laquelle<br />
l’audience doit être reportée ;<br />
Vu que le Bureau <strong>de</strong> Consultation et <strong>de</strong> Défense informe le Tribunal qu’il n’a pas reçu la lettre<br />
<strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel datée <strong>du</strong> 09/11/2001 ;<br />
Vu que l’audience est reportée au 27/11/2001 pour qu’une copie <strong>de</strong> la lettre <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
d’assistance judiciaire soit envoyée à KIGALI (au BCD et au CDDH) par FAX ;<br />
Vu qu’en date <strong>du</strong> 27/11/2001 les <strong>de</strong>ux prévenus comparaissent, NTEZIRYAYO Emmanuel étant<br />
assisté par Maître SAYINZOGA J. Pierre, NSANGANIRA Eugène étant quant à lui assisté par<br />
Maître SENDAMA Cyrdion, les parties civiles ayant pour Conseil Maître NKURIKIYIMFURA<br />
Innocent ;<br />
Vu que d’autres parties civiles se sont constituées et qu’elles sont ainsi au total au nombre <strong>de</strong><br />
cinq ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il est fait lecture <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s prévenus et <strong>de</strong>s préventions libellées à leur charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si <strong>de</strong>s témoins tant à charge qu’à décharge se trouvent dans la<br />
salle d’audience, l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit qu’il y a <strong>de</strong>s détenus qui ont été cités comme
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
témoins à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’ils sont tous invités à sortir pour être appelés<br />
à la barre au moment opportun ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> lui aussi que les témoins à décharge soient<br />
exclus <strong>de</strong> la salle d’audience pour être enten<strong>du</strong>s le moment venu ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après un rappel <strong>de</strong>s préventions à charge <strong>de</strong>s prévenus, NSANGANIRA Eugène est<br />
invité à dire s’il maintient son recours à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité et<br />
qu’il répond par l’affirmative, que l’audience se déroule alors selon la procé<strong>du</strong>re prévue par<br />
l’article 10 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er<br />
octobre 1990 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée au Ministère Public pour présenter son réquisitoire, que<br />
l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public requiert que NSANGANIRA Eugène soit rangé dans la <strong>de</strong>uxième<br />
catégorie et bénéficie d’une diminution <strong>de</strong> la peine suite à son plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le greffier fait lecture <strong>de</strong> tous les procès-verbaux contenant les aveux <strong>de</strong><br />
NSANGANIRA Eugène portant sur le lieu, les dates et les victimes <strong>de</strong> ses actes, l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> ses<br />
coauteurs ainsi que les excuses qu’il présente ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a volontairement recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et s’il a<br />
été informé <strong>de</strong> la peine prévue par la loi pour les actes à propos <strong>de</strong>squels il plai<strong>de</strong> coupable, ainsi<br />
que <strong>de</strong> l’impossibilité d’interjeter appel contre le jugement <strong>de</strong> condamnation consécutif à cette<br />
procé<strong>du</strong>re, il répond qu’il a volontairement avoué mais que le Ministère Public ne l’a pas<br />
informé <strong>de</strong> l’interdiction d’interjeter appel en pareille circonstance, qu’à la question <strong>de</strong> savoir<br />
18<br />
5 ème feuillet.<br />
s’il est prêt à accepter la peine qui sera prononcée par le Tribunal en vertu <strong>de</strong> la Loi organique<br />
n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, il répond par l’affirmative mais dit que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public a<br />
été injuste à son égard en requérant qu’il soit rangé dans la première catégorie alors qu’il n’a pas<br />
agi en qualité d’autorité ;<br />
Vu que NSANGANIRA Eugène est informé que la décision sur la recevabilité <strong>de</strong> ses aveux sera<br />
prononcée le 28/11/2001, qu’ensuite l’audience se poursuit ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, dit qu’il a <strong>de</strong>s<br />
inquiétu<strong>de</strong>s sur le cas <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène à cause <strong>de</strong> la méchanceté excessive dont il a<br />
fait preuve lors <strong>du</strong> meurtre d’une vieille dame au cours <strong>du</strong>quel il a fait usage d’une hache qui<br />
d’ordinaire est lour<strong>de</strong> et <strong>du</strong> fait qu’il ne précise pas le nombre <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> hache qu’il a donnés à<br />
la victime, et que par ailleurs, tout en reconnaissant qu’ils ont gardé <strong>de</strong>s gens pendant la nuit, il<br />
ne donne aucun renseignement sur les actes qu’ils ont commis sur eux, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que les<br />
prévenus soient poursuivis <strong>du</strong> chef <strong>de</strong> l’infraction <strong>de</strong> séquestration prévue par l’article 388 <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal livre II, que la peine requise par le Ministère Public soit majorée dès lors que<br />
l’intéressé n’indique pas pourquoi il s’en est pris à cette vieille dame mais se plaint plutôt <strong>de</strong> ce<br />
que la peine requise par le Ministère Public est élevée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SEMANDA Cyrdion, Conseil <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène, dit qu’il parlera<br />
en temps opportun <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong> son client, mais qu'il
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> que la loi soit respectée car il ne comprend pas comment le Tribunal peut prononcer<br />
une peine non prévue par la loi, qu’il reconnaît le caractère extrêmement grave <strong>de</strong>s infractions<br />
commises par NSANGANIRA Eugène, mais qu’il en plai<strong>de</strong> justement coupable et notamment<br />
celle d’avoir tué une vieille dame alors qu’il était en patrouille pendant la journée et que, selon<br />
l’entretien qu’il a eu avec son client, celui-ci a commis ce crime sur ordre <strong>de</strong><br />
NKUNDABAGENZI Alphonse ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que l’action intro<strong>du</strong>ite par le Conseil <strong>de</strong>s parties<br />
civiles sur base <strong>de</strong> l’article 388 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre II est irrégulière en la forme, car il <strong>de</strong>vrait<br />
plutôt porter plainte auprès <strong>du</strong> Ministère Public dont l’inaction pendant une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 6 mois<br />
pourrait alors ouvrir la voie à la citation directe ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s partis civiles, dit que l’article 39<br />
<strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 dispose que toutes les formes <strong>de</strong> saisine <strong>de</strong>s juridictions non<br />
contraires aux lois ordinaires <strong>de</strong>meurent d’application en matière <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, qu'ainsi l'on ne<br />
peut empêcher les parties civiles <strong>de</strong> faire la citation directe et qu’il a d’autres éléments qu’il<br />
souhaite soumettre aux membres <strong>du</strong> siège dans cette affaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’ils ne<br />
s’opposent pas à la sanction <strong>de</strong> toutes les infractions qui ont été commises, mais qu’il faut<br />
respecter la procé<strong>du</strong>re ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public pour qu’il donne son avis sur<br />
l’inci<strong>de</strong>nt soulevé par l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles, qu’il dit que le Ministère Public a libellé huit<br />
(8) préventions après l’instruction préparatoire, mais que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public est<br />
également compétent pour relever d’autres infractions non découvertes auparavant, qu’il<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> que cet inci<strong>de</strong>nt soit examiné conformément à la loi et dit que NSANGANIRA Eugène,<br />
en faisant valoir être victime d’injustice <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public qui le<br />
19<br />
6 ème feuillet.<br />
range dans la première catégorie alors qu’il n’était pas une autorité, fait semblant d’ignorer que<br />
certains prévenus ont acquis une renommée à cause <strong>du</strong> zèle qui les a caractérisés en tuant les<br />
victimes à coups <strong>de</strong> petites houes usagées ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir le but qu’il vise en invoquant <strong>de</strong>vant le Tribunal <strong>de</strong>s<br />
infractions dont celui-ci n’a pas été saisi et s’il souhaite que l’audience soit reportée pour que le<br />
Ministère Public puisse engager <strong>de</strong>s poursuites <strong>du</strong> chef <strong>de</strong>s infractions concernées, Maître<br />
NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s partis civiles, répond que son objectif est la<br />
manifestation <strong>de</strong> la vérité, qu’à celle <strong>de</strong> savoir si le Tribunal peut connaître <strong>de</strong> ces infractions<br />
sans en avoir été saisi il répond qu’il y a lieu <strong>de</strong> voir si les prévenus veulent présenter leurs<br />
moyens <strong>de</strong> défense sur le champ ou à une autre date mais qu’il vaudrait mieux que l’affaire soit<br />
examinée rapi<strong>de</strong>ment ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après examen <strong>de</strong>s avis respectifs <strong>de</strong> l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles en la personne <strong>de</strong><br />
NKURIKIYIMFURA Innocent, <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel et <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong><br />
Ministère Public, le Tribunal constate que la détermination <strong>de</strong> la peine à charge <strong>de</strong><br />
NSANGANIRA Eugène se fera selon le prescrit <strong>de</strong> la loi, spécialement la Loi organique sur<br />
l’organisation <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, que l’action relative aux faits<br />
qualifiés <strong>de</strong> nouveaux par NKURIKIYIMFURA Innocent est irrecevable car elle est irrégulière<br />
en la forme dès lors qu’il ne précise pas s’il s’agit d’une exception qui par ailleurs <strong>de</strong>vrait être
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
invoquée au seuil <strong>de</strong>s débats sur le fond, qu’il déci<strong>de</strong> à cet égard que l’audience doit se<br />
poursuivre par la défense <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les infractions qui lui sont reprochées, NTEZIRYAYO Emmanuel dit<br />
qu’il plai<strong>de</strong> non coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public est invité à rapporter les preuves à la base <strong>de</strong>s poursuites à<br />
charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel pour lui permettre d’y répliquer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel était conseiller <strong>de</strong><br />
secteur et qu’il a agi en coaction avec un groupe <strong>de</strong> 10 indivi<strong>du</strong>s qu’il a choisis lui-même pour la<br />
mise en exécution <strong>du</strong> plan <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ; qu’en date <strong>du</strong> 21/04/1994, ils ont mené une expédition<br />
au cours <strong>de</strong> laquelle ils se sont saisis <strong>de</strong> 13 tutsi et les ont con<strong>du</strong>its à l’endroit où une barrière<br />
était érigée et où ils ont passé la nuit, qu’ils les ont tués le len<strong>de</strong>main dans un boisement se<br />
trouvant à proximité, qu’il poursuit en disant que les intéressés, après avoir tué les victimes,<br />
incendiaient et détruisaient leurs maisons et mangeaient leur bétail, que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel reconnaît les faits et notamment la formation d’une association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
composée <strong>de</strong> 10 personnes, que c’est lui qui donnait chaque fois l’ordre <strong>de</strong> tuer tel que cela<br />
apparaît dans les procès-verbaux portant les cotes 6 et 10 <strong>du</strong> dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter ses moyens <strong>de</strong> défense, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il y a<br />
lieu d’interroger la population <strong>du</strong> secteur qu’il dirigeait sur sa con<strong>du</strong>ite au cours <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>,<br />
qu’il n’a fait aucune discrimination entre les Rwandais et qu’il s’est plutôt opposé aux massacres<br />
tel que NSANGANIRA l’a confirmé, qu’il poursuit en <strong>de</strong>mandant au Tribunal d’interroger la<br />
population <strong>de</strong> tout le secteur <strong>de</strong> BUSASAMANA et dit qu’il a en vain formulé le même souhait<br />
auprès <strong>du</strong> Ministère Public, qu’il déclare avoir, à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, secouru<br />
MUKAMURIGO et sa fille, KAMASHARA, les membres <strong>de</strong> la famille NZAYISOMA (cellule<br />
BUNYESHYIRA) si bien qu’ils ont même attrapé <strong>de</strong>s tueurs auxquels ils ont pris une petite<br />
hache, qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> ces tueurs il répond qu’ils ont établi un procès-verbal qu’ils<br />
ont remis au responsable <strong>de</strong> la cellule, et que parmi eux figuraient les nommés Chadrack,<br />
SHEMBU, le fils <strong>de</strong> MUNYENDAMUTSA, le fils <strong>de</strong><br />
20<br />
7 ème feuillet.<br />
KIMONYO qui est mort, ainsi que celui <strong>de</strong> BIMENYIMANA, que cette liste se trouve entre les<br />
mains <strong>de</strong> l’actuel conseiller <strong>de</strong> secteur qui était le responsable <strong>de</strong> cellule à l’époque <strong>de</strong>s faits ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à s’expliquer sur la liste <strong>de</strong>s tueurs qu’il lui est reproché d’avoir établie,<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel répond qu’il ne l’a pas dressée et que ces indivi<strong>du</strong>s ont été au<br />
contraire choisis par toute la population pour assurer la sécurité dans tout le secteur ; que<br />
concernant les quatre barrières il dit qu’elles ont été érigées par les militaires et qu’il ne<br />
comprend pas pourquoi le Ministère Public l'en rend responsable, qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il<br />
a participé à la réunion relative aux massacres (réunion <strong>de</strong>s conseillers <strong>de</strong> secteurs), il répond ne<br />
pas avoir pris part à une quelconque réunion autre que celle qui a eu lieu un mercredi au cours <strong>de</strong><br />
laquelle le commandant <strong>de</strong> gendarmerie s’est informé sur la situation sécuritaire et qu’on lui a<br />
<strong>de</strong>mandé à cette occasion d’expliquer pourquoi il plaçait <strong>de</strong>s tutsi aux barrières à l’exemple <strong>du</strong><br />
père <strong>de</strong> GISAGARA JMV qui a été tué parce qu’il s’opposait aux massacres ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si KAREGE ne lui a pas fait parvenir un message émanant <strong>du</strong><br />
bourgmestre, NTEZIRYAYO Emmanuel répond par la négative et dit que ces affirmations sont
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
<strong>de</strong> pures inventions <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s autres prévenus qui visent l’acceptation <strong>de</strong> leurs aveux, qu’il<br />
poursuit en disant que GISAGARA qui était bourgmestre à cette époque venait d’être tué alors<br />
qu’ils s’étaient tous <strong>de</strong>ux opposés aux massacres, que lui-même a subi à son domicile une<br />
attaque à la grena<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît avoir<br />
participé à une réunion au cours <strong>de</strong> laquelle les massacres ont été planifiés mais qu’il n’explique<br />
pas pourquoi ceux-ci ont commencé dans le secteur immédiatement après cette réunion, que cela<br />
prouve qu’il a mis en exécution les décisions prises ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que le Ministère Public se fon<strong>de</strong> essentiellement sur<br />
les déclarations <strong>de</strong>s plaignants figurant dans différents dossiers sans daigner tenir compte <strong>du</strong> fait<br />
qu’il y avait d’autres personnes dans ce secteur qui peuvent confirmer que ladite réunion n’avait<br />
pas pour objet la planification <strong>de</strong>s massacres, qu’il est cependant vrai que ceux qui l’ont dirigée<br />
étaient <strong>de</strong>s tueurs si bien que quelques-uns d’entre eux avaient déjà commis <strong>de</strong>s tueries et<br />
menaçaient <strong>de</strong> s’en prendre à son secteur (le secteur <strong>de</strong> BUSASAMANA) dont la population ne<br />
s’était pas impliquée dans les massacres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J . Pierre, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que le<br />
bourgmestre GISAGARA JMV et NTEZIRYAYO E. étaient tous <strong>de</strong>ux membres d’un même<br />
parti politique (PSD) et s’opposaient aux massacres, qu’après la mort <strong>de</strong> GISAGARA JMV, le<br />
nommé MASONGA François a été désigné bourgmestre et s’en est pris à NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel, lui en voulant <strong>de</strong> ne pas avoir pris part aux tueries, que les dix personnes dont il est<br />
question dans l’accusation ont été choisies par la population <strong>de</strong> toutes les ethnies au cours d’une<br />
réunion convoquée par le conseiller <strong>de</strong> secteur mais sur ordre <strong>du</strong> bourgmestre GISAGARA JMV<br />
dans le but <strong>de</strong> veiller à leur sécurité, qu’il poursuit en disant qu’il était reproché au PSD <strong>de</strong><br />
collaborer avec les INKOTANYI si bien qu’une réunion a eu lieu au cours <strong>de</strong> laquelle son client<br />
a été réprimandé et que, en prenant ses fonctions, MASONGA François a vivement reproché à<br />
l’intéressé le fait que rien n’avait été fait dans son secteur relativement aux massacres, que la<br />
population charge le conseiller d’avoir dirigé une réunion sans cependant indiquer une victime<br />
qu’il aurait tuée ou menacée, que l’acceptation <strong>de</strong>s aveux d’un prévenu ne confère point à ses<br />
déclarations la force probante et que, NSANGANIRA dit lui-même que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel était pourchassé parce qu’il cachait les tutsi, qu’il termine en <strong>de</strong>mandant au Ministère<br />
Public <strong>de</strong> rapporter un quelconque acte répréhensible commis par NTEZIRYAYO Emmanuel ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir quand GISAGARA JMV est mort, NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel répond que c’est en avril, qu’à celle <strong>de</strong> savoir si <strong>de</strong>s victimes n’étaient pas<br />
21<br />
8 ème feuillet.<br />
mortes auparavant il répond qu’elles ont été tuées par les militaires et <strong>de</strong>s jeunes hommes, que<br />
concernant le message émanant <strong>du</strong> bourgmestre dont il est question, il dit qu’il n’a jamais existé<br />
et qu’il est par ailleurs prêt à se plier à la sanction s’il est établi qu’il a désigné les 10 personnes<br />
qu’on l’accuse d’avoir réunies dans une association <strong>de</strong> malfaiteurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que Maître SAYINZOGA J . Pierre fait valoir que<br />
le Ministère Public n’a pas rapporté <strong>de</strong> preuves, alors que le prévenu n’a pas nié la tenue <strong>de</strong> la<br />
réunion incriminée et que les 10 personnes dont il est question qui ont été désignés pour assurer<br />
la sécurité ont plutôt contribué à l’insécurité ; que Maître NKURIKIYIMFURA Emmanuel,
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
avocat <strong>de</strong>s parties civiles, renchérit en disant que NTEZIRYAYO Emmanuel a <strong>de</strong>mandé au<br />
Tribunal d’entendre la population <strong>du</strong> secteur qu’il dirigeait sur sa con<strong>du</strong>ite à l’époque <strong>du</strong><br />
génoci<strong>de</strong> alors que ceux qui ont été interrogés, dont NSANGANIRA, en font partie et qu’ils ont<br />
affirmé que c’est NTEZIRYAYO qui a formé un comité <strong>de</strong> 10 personnes auxquelles il a donné<br />
<strong>de</strong>s instructions et que, dans la soirée, celles-ci ont commencé à ériger <strong>de</strong>s barrières et à tuer,<br />
qu’il <strong>de</strong>vrait dès lors indiquer la nature <strong>du</strong> conflit qui l’oppose à ces personnes qui le mettent en<br />
cause ; qu’il continue en disant que si <strong>de</strong>s personnes qui étaient pourchassées et que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel aurait défen<strong>du</strong>es sont encore en vie, elles <strong>de</strong>vraient être citées à<br />
comparaître aux fins <strong>de</strong> témoigner sur les circonstances dans lesquelles il les a secourues, qu’il<br />
arrivait cependant que quelqu’un sauve certaines personnes et en tue d’autres plus nombreuses ;<br />
qu’il termine en <strong>de</strong>mandant que NTEZIRYAYO poursuive sa défense sur les faits qui lui sont<br />
reprochés et que les personnes qu’il a sauvées puissent témoigner par la suite ; que relativement<br />
au moyen <strong>de</strong> défense <strong>du</strong> prévenu qui dit avoir été réprimandé lors <strong>de</strong>s réunions pour l'inactivité<br />
<strong>de</strong> son secteur dans les tueries, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le prévenu pro<strong>du</strong>ise le compte ren<strong>du</strong> <strong>de</strong> la<br />
réunion au cours <strong>de</strong> laquelle ces faits ont eu lieu ; que le prévenu rétorque cependant que le<br />
bourgmestre ne l'a pas invité à ladite réunion ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les nommés KABERA Adiel, RUKEBESHA<br />
Aloys, HATEGEKIMANA et MPUNGIREHE qui ont été condamnés à la peine <strong>de</strong> mort dans<br />
l’affaire RMP 49457/S7 ainsi que DUSINGIZIMANA Israël (ex-conseiller) qui est encore<br />
prévenu mais est passé aux aveux ont mis NTEZIRYAYO Emmanuel en cause ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que son confrère, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles,<br />
invoque comme preuves les déclarations figurant au dossier et faisant état <strong>de</strong> la réunion <strong>de</strong> la<br />
population qui a eu lieu, que cependant NTEZIRYAYO Emmanuel ne nie pas la tenue <strong>de</strong> cette<br />
réunion à laquelle a pris part la population <strong>de</strong> toutes les ethnies, que <strong>de</strong>s gens peuvent se révéler<br />
bons lors <strong>de</strong> leur élection et changer par la suite, mais que NTEZIRYAYO Emmanuel ne saurait<br />
aucunement répondre <strong>de</strong> ce changement, qu’il termine en <strong>de</strong>mandant au Tribunal <strong>de</strong> bien vérifier<br />
si les 10 personnes ont été désignées par NTEZIRYAYO E. ou choisies par la population et qu'il<br />
dit que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public s’appesantit sur les réunions comme preuves à charge sans<br />
cependant en indiquer la date ni démontrer ce qui y a été débattu, qu’il déclare également ne<br />
point approuver les déclarations <strong>de</strong>s détenus qui ont été définitivement condamnés ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les victimes que DUSABEMARIYA Marguerite l’accuse d’avoir tuées<br />
tel que cela apparaît à la cote 20 <strong>du</strong> dossier, NTEZIRYAYO répond que l’intéressée <strong>de</strong>vrait<br />
expliquer au Tribunal les circonstances <strong>de</strong>s faits allégués et qu’il estime quant à lui que cette<br />
accusation relève <strong>de</strong> l’habitu<strong>de</strong> que les gens avaient adoptée à la fin <strong>de</strong> la guerre en 1994 <strong>de</strong> faire<br />
<strong>de</strong> fausses dénonciations ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que la<br />
déclaration <strong>de</strong> DUSABEMARIYA figurant à la cote 20 n’est point crédible car une seule<br />
personne ne peut pas en toute logique tuer d’aussi nombreuses victimes qui sont au nombre <strong>de</strong><br />
15 personnes, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’en faire un examen avec délicatesse et <strong>de</strong> punir son<br />
client si les faits sont avérés ;<br />
22<br />
9 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à répliquer aux déclarations <strong>de</strong>s témoins à sa charge, NTEZIRYAYO dit que<br />
ces témoins se fon<strong>de</strong>nt sur l’unique réunion qu’il a dirigée, qu’il estime que Israël peut le
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
disculper s’il le veut, car il sait bien que les massacres ont commencé quand MASONGA<br />
François est entré en fonction, qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a envoyé à Hassan un message lui<br />
interdisant <strong>de</strong> relâcher toute personne arrêtée même s’il ne s’agissait que d’un simple passant, il<br />
répond que c’est une fausse accusation et termine en disant qu’il n’a jamais pratiqué la<br />
discrimination ethnique et que le compte ren<strong>du</strong> <strong>de</strong> la réunion au cours <strong>de</strong> laquelle les 10<br />
personnes ont été choisies est gardé par le responsable <strong>de</strong> cellule qui est l’actuel conseiller <strong>de</strong><br />
secteur ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO E, dit que le procèsverbal<br />
portant la cote 20 n’a aucune force probante car il n’a pas été établi conformément aux<br />
règles <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re et que le verbalisant n’est pas clairement i<strong>de</strong>ntifié ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter ses moyens <strong>de</strong> défense sur les preuves rapportées par le Ministère<br />
Public et spécialement les déclarations <strong>de</strong>s détenus condamnés, il répond que même en prison où<br />
ils se trouvent, ces détenus lui en veulent beaucoup, notamment le nommé RUKEBESHA, car<br />
celui-ci a été fortement ébranlé par la peine d’emprisonnement à perpétuité à laquelle il a été<br />
condamné, que ces détenus ne supportent pas qu’il n’ait pas subi le même sort si bien que lors<br />
<strong>de</strong>s séances dites Gacaca, RUKEBESHA a dit aux autres <strong>de</strong> lui attribuer faussement <strong>de</strong>s<br />
infractions, qu'il ne leur en tient cependant pas rigueur quant à lui, mais qu’il va prier pour eux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les déclarations faites par les détenus avant<br />
leur condamnation doivent être considérées comme crédibles ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, dit que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel persiste à plai<strong>de</strong>r non coupable alors qu’après l’élection <strong>de</strong>s 10<br />
personnes il est resté avec elles et que par la suite <strong>de</strong>s gens sont morts, qu’il n’explique ni<br />
pourquoi il est resté avec eux ni comment il a fait un suivi <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> ce comité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à répliquer aux arguments <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel dit que les 10 personnes ont été choisies par toute la population et qu’elles ont<br />
entretemps été utiles jusqu’à l’arrivée <strong>de</strong>s militaires qui a provoqué une scission au sein <strong>de</strong> ce<br />
comité si bien que quelques-unes d’entre elles ont pris part aux massacres, qu’il a fait au mieux<br />
pour faire un suivi <strong>de</strong> ses activités ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par le prévenu<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel, NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, dit que<br />
c’est avant la mise sur pied <strong>du</strong> comité dont il est question que le prévenu a sauvé <strong>de</strong>s gens mais<br />
que les victimes ont été tuées après la désignation <strong>du</strong>dit comité, que ses moyens <strong>de</strong> défense n’ont<br />
pour but que <strong>de</strong> semer le doute dans l’esprit <strong>du</strong> Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il est resté avec les personnes qui venaient d’être<br />
choisies, NTEZIRYAYO Emmanuel répond que c’était pour les enregistrer, que ce comité n'était<br />
pas <strong>de</strong>stiné à exécuter les massacres et qu’il n’en faisait pas partie, qu’à celle <strong>de</strong> savoir s’il a<br />
collaboré avec MASONGA François après la mort <strong>de</strong> GISAGARA JMV il répond par<br />
l’affirmative et dit qu’ils avaient une réunion chaque vendredi et que MASONGA l’accusait <strong>de</strong><br />
placer les Tutsi à la barrière si bien qu’il lui est arrivé d’amener 6 militaires pour vérifier cette<br />
accusation, qu’il poursuit en disant que la population peut confirmer ce qu’il dit, que les gens qui<br />
fréquentaient les cabarets où ils mangeaient <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> grillée avaient pour objectif <strong>de</strong><br />
perpétrer <strong>de</strong>s tueries dans le secteur BUSASAMANA où la population s’était abstenue <strong>de</strong> les<br />
commettre ;<br />
23
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
24<br />
10 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la façon dont MASONGA François l’a persécuté, NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel répond qu’ils étaient en réunion au bureau communal quand il lui a <strong>de</strong>mandé<br />
pourquoi il place <strong>de</strong>s Tutsi à la barrière et notamment le père <strong>de</strong> GISAGARA JMV, qu’ils l’ont<br />
mis à bord d’un véhicule pour aller vérifier le fait sur les lieux, qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a<br />
changé <strong>de</strong> comportement à l’époque où MASONGA François était en fonction après la mort <strong>de</strong><br />
GISAGARA JMV qui s’opposait aux massacres, il répond qu’il s’est gardé <strong>de</strong> participer aux<br />
méfaits, que la déclaration <strong>de</strong> NSANGANIRA selon laquelle le bourgmestre lui a envoyé un<br />
message est fausse, car GISAGARA JMV avait fui et qu’il a gardé ses distances à l’égard <strong>de</strong><br />
MASONGA François si bien qu’il n’allait au bureau communal que les vendredi dans les<br />
réunions hebdomadaires ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que NTEZIRYAYO a lui aussi supervisé les<br />
massacres car il reconnaît que MASONGA François est venu lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s informations ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre souhaite que NSANGANIRA E soit interrogé sur les<br />
circonstances dans lesquelles il a enten<strong>du</strong> parler <strong>du</strong> message que le bourgmestre a envoyé à<br />
NTEZIRYAYO le menaçant <strong>de</strong> commencer par tuer les membres <strong>de</strong> sa famille s’il continuait à<br />
s’abstenir <strong>de</strong> prendre part aux massacres ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à donner <strong>de</strong>s éclaircissements sur ce message qui a été envoyé au conseiller<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène dit qu’il a participé aux réunions comme il<br />
l’a déjà dit dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant la cote 1 et que même Israël qui<br />
participait à cette réunion le charge, qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment ce message a été<br />
communiqué à NTEZIRYAYO, il répond que c’est son collègue <strong>de</strong> service à la laiterie, en la<br />
personne <strong>de</strong> KAREGE, qui le lui a rapporté au moment où ils étaient au service ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par NSANGANIRA,<br />
Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il se peut que, contrairement à cette affirmation, ce<br />
message n’ait pas été communiqué à NTEZIRYAYO ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il est sûr que ce message dont il a eu connaissance au<br />
service à la laiterie est effectivement parvenu à NTEZIRYAYO, NSANGANIRA répond par<br />
l’affirmative et dit que NTEZIRYAYO s’est d’abord opposé aux tueries mais qu’il a par la suite<br />
fait preuve <strong>de</strong> faiblesse et a participé à une réunion au bureau communal, qu’interrogé sur la<br />
nature <strong>de</strong> cette faiblesse et sur les moyens dont disposait le prévenu, il répond que l’intéressé a<br />
une part <strong>de</strong> responsabilité dans les massacres car, dès qu’ils ont commencé, il n’a organisé<br />
aucune réunion en vue <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi <strong>de</strong>s gens étaient tués, qu’il doit ainsi en répondre<br />
<strong>de</strong>vant le Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SENDAMA Cyrdion, Conseil <strong>de</strong> NSANGANIRA, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que<br />
NTEZIRYAYO soit invité à expliciter son propos selon lequel aucun message ne lui est parvenu<br />
parce que le bourgmestre avait fui, que l’intéressé répond que ce message ne lui est pas parvenu,<br />
mais que le bourgmestre dont parle NSANGANIRA est GISAGARA qui avait fui car il était<br />
menacé, que NSANGANIRA affirme quant à lui qu’il parle <strong>du</strong> bourgmestre MASONGA<br />
François ;
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question posée par Maître NKURIKIYIMFURA Innocent <strong>de</strong> savoir si la<br />
fonction <strong>de</strong> bourgmestre était assurée par GISAGARA ou MASONGA quand les victimes ont<br />
été tuées après la constitution <strong>du</strong> comité, NTEZIRYAYO répond que c’est à l’époque où cette<br />
fonction était exercée par MASONGA François ;<br />
25<br />
11 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, dit que la<br />
population était divisée et que MASONGA François est allé rendre visite à NTEZIRYAYO,<br />
qu’ils se sont alors concertés et que celui-ci lui a obéi, que c’est à ce moment que les victimes<br />
innocentes ont commencé à être tuées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que maître SAYINZOGA J. PIERRE, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO, dit que <strong>du</strong>rant la<br />
pério<strong>de</strong> où GISAGARA était encore bourgmestre, les gens n’ont pas été tués, que la population a<br />
changé <strong>de</strong> comportement et a participé aux massacres à l’époque où cette fonction était exercée<br />
par MASONGA François qui a été un meurtrier, qu’il se peut que le message envoyé à<br />
NTEZIRYAYO ait existé mais qu’il ne lui soit pas parvenu, qu’il termine en disant que seul le<br />
bourgmestre doit répondre <strong>de</strong>s tueries qui ont été commises étant donné que le conseiller ne<br />
pouvait d’ailleurs rien faire pour résister à six militaires ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’il estime que c’est le conseiller qui a<br />
ordonné les massacres car il est resté avec les membres <strong>du</strong> comité après sa constitution et que les<br />
victimes ont été tuées le len<strong>de</strong>main ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à répliquer aux arguments <strong>de</strong> Maître NKURIKIYIMFURA Innocent,<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ce comité a été constitué par la population, que cela peut être<br />
confirmé par les militaires qui étaient en service à cette époque et qui sont encore en vie ainsi<br />
que par la population qu’il dirigeait à l’exception <strong>de</strong> ceux qui ont commis les tueries qui<br />
actuellement le mettent injustement en cause ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît que les<br />
indivi<strong>du</strong>s qui ont été élus par la population sont restés pour se faire enregistrer après la réunion,<br />
que Maître NKURIKIYIMFURA argumente que ces personnes sont restées pour recevoir <strong>de</strong>s<br />
instructions sans cependant indiquer comment celles-ci ont été données ni la voie par laquelle il<br />
en a eu connaissance ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire quelque chose sur la réunion au cours <strong>de</strong> laquelle les personnes chargées<br />
<strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité dans le secteur BUSASAMANA ont été élues, l’Officier <strong>du</strong> Ministère<br />
public répond que NTEZIRYAYO <strong>de</strong>vrait lui aussi dire au Tribunal si cette réunion <strong>de</strong> sécurité a<br />
atteint ses objectifs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTEZIRYAYO dit que ce comité a mené ses activités dans la cellule<br />
BUNYESHWA <strong>de</strong> façon qu’il a même pris à un groupe <strong>de</strong> malfaiteurs une hache qui <strong>de</strong>vait<br />
servir à commettre les tueries, mais qu’il s’est dissout après que <strong>de</strong>s gens ont été tués par balles à<br />
la laiterie par les militaires, que par ailleurs, <strong>de</strong>s gens avaient reçu <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sorte qu’il ne<br />
pouvait pas les affronter, qu’il termine en disant que quelques- uns <strong>de</strong> ces indivi<strong>du</strong>s ont commis<br />
les massacres mais qu’en ce qui le concerne, il y a lieu d’interroger la population qu’il dirigeait<br />
pour qu’elle témoigne à sa décharge ; qu’à la question <strong>de</strong> savoir si quelques-uns <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong><br />
ce comité chargé <strong>de</strong> la sécurité n’ont pas pris part aux massacres il répond par l’affirmative et
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
cite KAMATALI et AMULI, qu’interrogé sur l’ordre <strong>du</strong> jour <strong>de</strong>s réunions hebdomadaires qu’ils<br />
tenaient au bureau communal à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, il dit qu’ils examinaient <strong>de</strong>s questions<br />
relatives à la sécurité ainsi que la situation qui prévalait aux barrières, qu’à la question <strong>de</strong> savoir<br />
si <strong>de</strong>s victimes ont été tuées aux endroits où <strong>de</strong>s barrières étaient érigées dans son secteur, il dit<br />
que cela est arrivé aux barrières que surveillaient NSANGANIRA et sa ban<strong>de</strong>, mais qu’aucune<br />
victime n’a été tuée aux autres barrières où il a pu se rendre et notamment celle érigée chez<br />
KITUMVA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSANGANIRA dit qu’il ne connaît pas KAMATALI mais qu’il a vu AMULI<br />
portant une tenue militaire emmener <strong>de</strong>s victimes, que NTEZIRYAYO relève que le recours à la<br />
procé<strong>du</strong>re d’aveu emporte le fait <strong>de</strong> dire toute la vérité, que si NSANGANIRA n’a pas dénoncé<br />
AMULI auparavant, cela est la preuve qu’il ment, que Maître SAYINZOGA J. Pierre <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
au Tribunal d’examiner attentivement le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong> NSANGANIRA<br />
26<br />
12 ème feuillet.<br />
étant donné qu’il ajoute <strong>de</strong> nouveaux éléments si bien qu’il y a lieu <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi il<br />
n’a pas fait ces révélations auparavant ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que NTEZIRYAYO Emmanuel<br />
soit interrogé sur le contenu <strong>de</strong>s rapports qu’il faisait lors <strong>de</strong>s réunions hebdomadaires qui<br />
avaient lieu chaque vendredi au bureau communal, que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’au<br />
cours <strong>de</strong> ces réunions, il lui était reproché <strong>de</strong> placer les Tutsi aux barrières et qu’on lui<br />
<strong>de</strong>mandait <strong>de</strong> dire où se trouvait GISAGARA, que le conseiller <strong>du</strong> secteur GAHONDO peut<br />
témoigner sur les persécutions dont il faisait l’objet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à NTEZIRYAYO Emmanuel s’il a, lors <strong>de</strong><br />
ces réunions, parlé <strong>de</strong>s victimes qui ont été tuées dans son secteur ; que le prévenu répond que<br />
ces victimes n’avaient pas encore été tuées et qu’il n’a appris l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> quelques-unes d’entre<br />
elles que lors <strong>de</strong>s séances Gacaca en prison ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit que la responsabilité d’une personne ne<br />
se limite pas aux seuls faits dommageables commis par elle, mais qu’elle s’étend également aux<br />
dommages causés par ceux qu’elle a la charge <strong>de</strong> diriger et qu’à cet égard le prévenu n’a fait<br />
aucun suivi <strong>de</strong>s activités <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> sécurité, qu’il termine en <strong>de</strong>mandant que<br />
KANYANDEKWE, KANAZI et NYIRANTEGEYINKA soient admis à faire leur témoignage ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il lui est reproché <strong>de</strong> n’avoir pas fait <strong>de</strong> rapports<br />
sur les crimes qui étaient commis alors qu’il en a fait une fois quand une victime avait été tuée<br />
par balle mais que, l’ayant remis au commandant <strong>de</strong> place, celui-ci lui a dit qu’il ne voulait pas<br />
un quelconque rapport <strong>de</strong> ce genre au motif que c’était l’état <strong>de</strong> guerre ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à donner l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s victimes tuées et ayant <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> parenté avec lui, la<br />
partie civile KANYANDEKWE Eugène dit que ce sont son père KANYANDEKWE Canisius,<br />
ses oncles paternels NSABIMANA et NSHUNGUYINKA Jean, son beau-frère MBARAGA<br />
Egi<strong>de</strong>, sa sœur MUGIRANEZA Renata, sa cousine KAYISIRE Béata, sa sœur UMUHOZA, son<br />
petit frère GISAGARA JMV, son petit frère KAYIRANGA J. Clau<strong>de</strong> et sa mère<br />
MUKANDUTIYE Vénantie, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si toutes ces victimes ont été tuées dans<br />
le secteur BUSASAMANA il répond que les trois <strong>de</strong>rnières ont été emmenées d’autres endroits
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
pour être tuées à NYANZA, qu’à celle <strong>de</strong> savoir s’il vivait à cette époque à NYANZA il répond<br />
qu’il vivait à KIGALI et qu’il n’est arrivé à NYANZA que le 19/04/1994, qu’interrogé sur ce<br />
qu’il a vu après son arrivée à NYANZA il répond qu’il a vu beaucoup <strong>de</strong> choses mais qu’il<br />
entend principalement parler <strong>du</strong> cas <strong>du</strong> conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’il s’excuse<br />
quand même pour ne pas s’être constitué partie civile auparavant car il ignorait que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel avait été retrouvé, qu’il poursuit en disant que l’exercice <strong>de</strong>s<br />
fonctions <strong>de</strong> bourgmestre <strong>de</strong> la commune par son frère GISAGARA a été caractérisé par l’unité<br />
<strong>de</strong> la population mais que tout a changé à partir <strong>du</strong> 24/04/1994 quand les massacres ont<br />
commencé à MWOGO après une réunion qui a été dirigée à BUTARE par le Prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong><br />
gouvernement intérimaire et à laquelle son petit frère a assisté, qu’entre temps GISAGARA est<br />
intervenu à MWOGO avec les policiers communaux pour mettre fin aux massacres qui étaient<br />
commis par <strong>de</strong>s gens venus <strong>de</strong> GIKONGORO pour rechercher à NYANZA les personnes<br />
pourchassées qui y avaient trouvé refuge, qu’il dit avoir, <strong>du</strong> champ <strong>de</strong> sorgho où il se cachait, vu<br />
NTEZIRYAYO dans le véhicule qui a servi au transport <strong>de</strong> 7 personnes qui se trouvaient au<br />
domicile <strong>de</strong> la famille KANYANDEKWE et qui ont été con<strong>du</strong>ites au sta<strong>de</strong> et tuées, que le<br />
nommé RUKEBESHA Aloys, lors <strong>de</strong> sa défense <strong>de</strong>vant le Tribunal dans l’affaire à sa charge, a<br />
également témoigné à charge <strong>du</strong> prévenu en affirmant que c’est lui qui lui a montré ces victimes<br />
qui ont été tuées au sta<strong>de</strong> ; qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il sait quelque chose sur le cas <strong>de</strong><br />
NSANGANIRA il répond qu’il ne le connaissait pas et qu’il l’a vu pour la première fois au<br />
Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que toute action doit être intro<strong>du</strong>ite dans la<br />
forme légale, qu’il estime que son client ne peut pas présenter ses moyens <strong>de</strong> défense sur cette<br />
nouvelle prévention qui n’a point été libellée par le Ministère Public, que la vérité doit triompher<br />
car il se peut que le témoin ne mente pas mais, qu’ils doivent se borner à se défendre sur les<br />
crimes faisant l’objet <strong>de</strong>s présentes poursuites ;<br />
13 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, dit que le<br />
témoignage <strong>de</strong> KANYANDEKWE est une façon <strong>de</strong> montrer les autres actes répréhensibles<br />
commis par NTEZIRYAYO, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’en connaître car à son avis<br />
NTEZIRYAYO est accusé <strong>de</strong> peu d’infractions, que Maître SAYINZOGA J. Pierre, conseil <strong>du</strong><br />
prévenu, dit qu’ils ne s’opposent pas à ce que d’autres plaintes soient déposées, mais qu’il faut<br />
respecter la procé<strong>du</strong>re prévue à cet effet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la partie civile NYIRANTEGEYINKA Véronique dit que ses proches parents ont<br />
été tués à savoir sa belle-sœur Catherine MUJAWAYEZU, sa nièce KAYIREBWA, sa bellesœur<br />
MUKARUZIGA Marguerite, sa belle-fille MUKARUSHEMA et ses quatre enfants ainsi<br />
que UWAYEZU Alphonsine, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle se trouvait dans la région lors <strong>de</strong>s<br />
événements qui ont coûté la vie à ces victimes elle répond qu’elle s’y trouvait au début <strong>de</strong>s<br />
massacres et dit que ce sont les prévenus qui dirigeaient les expéditions meurtrières et que<br />
NTEZIRYAYO a donné l’ordre d’ériger <strong>de</strong>s barrières dont l’une se trouvait <strong>de</strong>vant le domicile<br />
<strong>de</strong> sa famille (sur la route) ; qu’elle poursuit en disant que NSANGANIRA a dit au nommé<br />
TWAGIRAYEZU, le fils <strong>de</strong> KADENESI, que la barrière <strong>de</strong>vait être déplacée et surveillée par<br />
<strong>de</strong>s personnes munies <strong>de</strong> cartes d’i<strong>de</strong>ntité complètes ; qu’un samedi, un groupe <strong>de</strong> gens en<br />
provenance <strong>de</strong> BUSASAMANA a emporté <strong>de</strong>ux vaches, qu’ils sont revenus et ont pillé les biens<br />
se trouvant dans les maisons ; qu’interrogée sur la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>du</strong> conseiller<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel, elle dit que c’est lui qui envoyait <strong>de</strong>s messagers mais qu’elle n’en a<br />
27
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
pas été témoin à part en avoir enten<strong>du</strong> parler, car même NSANGANIRA qui a déplacé la barrière<br />
a dit que c’est sur ordre <strong>du</strong> conseiller qu’il le fait ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle a autre chose à ajouter à sa déclaration,<br />
NYIRANTEGEYINKA dit qu’elle n’était pas dans la région tout au long <strong>de</strong>s massacres à part<br />
qu’elle s’y trouvait au début;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, déclare vouloir<br />
apporter quelques précisions sur les victimes car les renseignements que le Ministère Public a<br />
donnés sont incomplèts, qu’il dit que Pauline est l’épouse <strong>de</strong> NSABUMUKUNZI tandis que le<br />
mari <strong>de</strong> KADENESI est TWAGIRAYEZU, que le Ministère Public a parlé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants<br />
victimes alors qu’ils sont quatre, que MUKAMUZIMA est l’épouse <strong>de</strong> Grégoire et non <strong>de</strong><br />
Gervais, qu’il y a l’épouse <strong>de</strong> NYARUHIRIRA nommée MUJAWAYEZU Catherine, l’épouse<br />
<strong>de</strong> KANYABIHORO qui est également la fille <strong>de</strong> RUBINDO et s’appelait KAYITESI, que les<br />
noms <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> KADENESI sont MUKASHYAKA Olive, KIBWANA,<br />
NKURIKIYIMFURA et SHEMA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SEMANDA Cyrdion <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si Véronique a vu NSANGANIRA Eugène<br />
lors <strong>de</strong>s pillages ; qu’elle répond avoir dit au Tribunal qu’elle l’a vu portant une machette, qu’à<br />
la question <strong>de</strong> savoir si elle l’a vu porter un bagage, elle répond qu’ils étaient nombreux quand<br />
elle les a vus, qu’ils transportaient une vache morte et con<strong>du</strong>isaient d’autres encore en vie,<br />
qu’elle termine en disant qu’elle n’a rien à ajouter ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à témoigner sur les prévenus qui ont comparu, KANAZI dit que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel était un ami <strong>de</strong> la vieille dame MUKANGWIJE à qui il avait<br />
d'ailleurs offert un poste radio à son retour d'Europe ; que le jour <strong>de</strong> l'assassinat, la victime avait<br />
été rendre visite à KANAZI et que, en rentrant, elle a croisé les prévenus qui l'ont alors tuée,<br />
qu’il poursuit en disant que NSANGANIRA l'a tuée à un endroit où était érigée une barrière,<br />
qu’invité à faire <strong>de</strong>s observations sur le moyen<br />
28<br />
14 ème feuillet.<br />
<strong>de</strong> défense <strong>de</strong> NTEZIRYAYO selon lequel la population peut le disculper, il dit qu’il ne peut pas<br />
le disculper et que ceux qui peuvent le faire sont ses coauteurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil <strong>de</strong> Emmanuel NTEZIRYAYO, dit qu’il y a<br />
lieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à KANAZI s’il a été témoin oculaire <strong>de</strong> ce qu’il rapporte ou s’il l’a appris,<br />
qu’il répond que c’est son épouse qui le lui a dit et qu’elle ne peut pas lui mentir ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que la déclaration <strong>de</strong> NTWALI figurant à la<br />
cote 10 ne concor<strong>de</strong> pas avec celle <strong>de</strong> KANAZI en ce que NTWALI a dit que MUKANGWIJE a<br />
accouru pour voir son fils qui avait été appréhendé et qu’elle lui apportait <strong>du</strong> thé ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire laquelle <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux déclarations différentes est véridique, KANAZI dit<br />
qu’elle a communiqué au Tribunal l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la personne qui lui a appris les faits ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, dit que les <strong>de</strong>ux<br />
déclarations sont complémentaires car l’objectif <strong>de</strong> tuer MUKANGWIJE a été atteint ;
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que ces <strong>de</strong>ux déclarations sont plutôt<br />
contradictoires dès lors que selon l’une, cette vieille dame a été emmenée <strong>de</strong> la maison pour être<br />
tuée et que selon l’autre, elle apportait <strong>du</strong> thé à la barrière, qu’il y a lieu <strong>de</strong> les examiner<br />
attentivement ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Innocent NKURIKIYIMFURA, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que<br />
NSANGANIRA qui a tué cette vieille dame en explique les circonstances ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à répliquer aux témoignages à sa charge, NTEZIRYAYO Emmanuel dit que<br />
toux ceux qui témoignent à sa charge déclarent rapporter ce qu’ils ont enten<strong>du</strong> dire, que<br />
NDAHAYO est le gendre <strong>de</strong> ces témoins si bien qu’ils se sont enten<strong>du</strong>s sur le témoignage à<br />
faire, que la sœur <strong>de</strong> RUKEBESHA nommée Marie se trouvait à la barrière et donnait le<br />
signalement <strong>de</strong>s victimes et qu’il a quant à lui expliqué les circonstances dans lesquelles il a été<br />
appréhendé, qu’interrogé sur la barrière dont il a ordonné le déplacement ainsi que sur <strong>de</strong>ux<br />
vaches qui ont été pillées, il dit qu’il n’en sait rien ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est suspen<strong>du</strong>e pour continuer le 28/11/2001 par l’audition <strong>de</strong>s témoins <strong>de</strong><br />
toutes les parties c’est-à-dire à charge ou à décharge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, dit que chaque<br />
prévenu <strong>de</strong>vrait indiquer les faits sur lesquels il souhaite que les témoins le disculpent, qu’il<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> également au Tribunal <strong>de</strong> faire une <strong>de</strong>scente sur les lieux <strong>de</strong>s infractions en vue d’une<br />
meilleure manifestation <strong>de</strong> la vérité, qu’à cette date six témoins en liberté ainsi que quatre<br />
témoins détenus présentés par le ministère Public ont comparu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il revient en principe au Tribunal <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r<br />
les faits sur lesquels il va interroger chaque témoin ou que le témoin à décharge répond selon les<br />
questions qui lui sont posées, qu’il désapprouve dès lors l’argument <strong>de</strong> Maître<br />
NKURIKIYIMFURA Innocent ;<br />
29<br />
15 ème feuillet.<br />
Vu que seul le Tribunal doit diriger les débats en audience en se conformant à la loi en vue d’une<br />
meilleure manifestation <strong>de</strong> la vérité, qu’à cet égard NTEZIRYAYO Emmanuel est invité à<br />
préciser les éléments sur lesquels il souhaite voir RWANDENZI Donatus le disculper, qu’il<br />
répond que l’intéressé peut témoigner à sa décharge sur les circonstances dans lesquelles<br />
MASONGA et les militaires sont venus à bord d’un véhicule et celles dans lesquelles il a<br />
secouru les personnes qui étaient sur le point d’être tuées dans un boisement, que l’une <strong>de</strong>s<br />
personnes sauvées peut le confirmer et que le témoin, peut par ailleurs parler <strong>de</strong> sa con<strong>du</strong>ite à<br />
l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> car ils sont voisins ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RWANDENZI Donatus prête serment <strong>de</strong> dire la vérité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel,<br />
RWANDENZI Donatus dit qu’il n’en a pas, qu’ils sont voisins, qu’il poursuit en disant que<br />
l’intéressé a été élu conseiller <strong>de</strong> secteur en 1991, qu’interrogé sur les crimes atroces commis<br />
dans son secteur il dit qu’il se trouvait à la maison et n'a pas suivi le déroulement <strong>de</strong> ces crimes,<br />
qu’interrogé également sur les circonstances dans lesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel, en sa<br />
qualité d’autorité, a défen<strong>du</strong> selon ses moyens les personnes qui étaient pourchassées, il répond
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
qu’il a protégé MUJAWIMANA et UWAMAHORO Béatrice quant l’une d’entre elles lui a dit<br />
que ses beaux-frères étaient sur le point d’être tués, qu’il n’avait cependant pas les moyens <strong>de</strong> les<br />
secourir sinon qu’il a requis l’intervention d’un gendarme qui avait accepté <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>r, qu’ils se<br />
sont ren<strong>du</strong>s ensemble dans un boisement où ils ont trouvé une vieille dame qui avait été tuée et<br />
que NTEZIRYAYO Emmanuel et MUJAWIMANA Collette y étaient, qu’à la question <strong>de</strong> savoir<br />
ce que NTEZIRYAYO faisait dans ce boisement il répond que seul l’intéressé peut y répondre,<br />
qu’interrogé sur le rôle qu’a joué NTEZIRYAYO dans la protection <strong>de</strong> cette enfant il dit qu’il a<br />
empêché les tueurs <strong>de</strong> la tuer et l’a gardée près <strong>de</strong> lui jusqu’à ce qu’elle soit sauvée, qu’interrogé<br />
sur les moyens qu’avait NTEZIRYAYO Emmanuel pour protéger les victimes, il dit qu’il n’en<br />
avait pas et que ce sont les militaires qui disposaient <strong>de</strong>s moyens, qu’il poursuit en disant que<br />
NTEZIRYAYO se comportait bien en interdisant aux gens <strong>de</strong> s’entre-tuer et qu’il ne sait pas si<br />
l’intéressé a par la suite changé <strong>de</strong> comportement;<br />
Atten<strong>du</strong> que RWANDENZI Donatus est interrogé sur l’endroit d’où son beau-frère qui allait être<br />
tué a été emmené, qu’il répond que l’intéressé a été emmené <strong>de</strong> GATUMBA où la mère <strong>de</strong><br />
MUNYESHYAKA avait été tuée, qu’invité à parler <strong>du</strong> véhicule qui a transporté les membres <strong>de</strong><br />
la famille KANYANDEKWE et <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> mise sur pied <strong>du</strong> comité chargé <strong>de</strong> la<br />
sécurité, il dit ne pas avoir vu ce véhicule car il n’était pas présent, qu’il n’était pas présent non<br />
plus lors <strong>de</strong> la désignation <strong>de</strong>s membres <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> sécurité, qu’il dit cependant qu’il a appris<br />
que ce sont dix personnes qui ont été désignées pour assurer la sécurité en faisant le tour et<br />
pourchasser les INYENZI ; qu’à la question <strong>de</strong> savoir si <strong>de</strong> son point <strong>de</strong> vue ces gens assuraient<br />
réellement la sécurité, il répond ne pas avoir eu le temps <strong>de</strong> le vérifier car les INKOTANYI sont<br />
très vite arrivés et que la population a fui ; qu’à celle <strong>de</strong> savoir pourquoi à son avis les massacres<br />
ont tardé à commencer dans son secteur, il répond que c’est parce que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel empêchait les gens <strong>de</strong> s’entre-tuer, que même s’il y a eu <strong>de</strong>s victimes, il a fait <strong>de</strong> son<br />
mieux pour empêcher les gens <strong>de</strong> s’impliquer dans les tueries ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à faire ses observations sur les témoignages faits au cours <strong>de</strong> l’audience <strong>du</strong><br />
27/11/2001 selon lesquels le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté au<br />
moment où GISAGARA était encore bourgmestre et s’opposait aux massacres au point d'avoir<br />
été tué pour cette raison, mais que l’intéressé a changé <strong>de</strong> con<strong>du</strong>ite quand MASONGA François<br />
qui encourageait les tueries est entré en fonction,<br />
30<br />
16 ème feuillet.<br />
il répond qu’il ne l'a pas, quant à lui, vu changer <strong>de</strong> comportement à moins qu’il ait commis <strong>de</strong>s<br />
tueries ailleurs, mais qu’il n’entretenait pas <strong>de</strong> conversation avec lui, qu’à la question <strong>de</strong> savoir<br />
s’il connaît NSANGANIRA Eugène il répond qu’ils ne sont pas voisins et qu’il ne peut pas le<br />
charger car il ne l’a pas vu, qu’il dit également qu’il ne connaissait pas la vieille dame nommée<br />
MUKANGWIJE Suzanne ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que<br />
RWANDENZI dévoile le nom <strong>du</strong> gendarme qui était son ami, que l’intéressé répond qu’il<br />
s’appelait MBARAGA, que l’avocat renchérit en disant que ce MBARAGA était un tueur et<br />
collaborait avec le conseiller et qu’il en veut pour preuve la déclaration selon laquelle<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel et MBARAGA se trouvaient dans un boisement où il y avait <strong>de</strong>s<br />
victimes tuées et d’autres en vie, que cela démontre le pouvoir qu’avait NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel <strong>de</strong> tuer ou sauver qui il voulait, qu’il poursuit en disant que RWANDENZI est un ami<br />
<strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel car il semble le protéger dès lors qu’il dit d’une part qu’il ne sait
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
pas s’il a commis <strong>de</strong>s crimes et d’autre part qu’il empêchait aux gens <strong>de</strong> s’entre-tuer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que le nommé RUKEBESHA Aloys a, dans<br />
l’affaire RMP 49457/S7 dont le jugement a été ren<strong>du</strong> le 27/11/2000, affirmé que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel se trouvait à bord <strong>du</strong> véhicule qui transportait les militaires ; que Maître<br />
SAYINZOGA J. Pierre, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, relève que l’Officier <strong>du</strong><br />
Ministère Public invoque <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> preuve qu’il n a pas versés au dossier pour qu’ils<br />
puissent y répliquer, que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public rétorque que le jugement existe et qu’il<br />
peut être remis à quiconque le souhaite pour consultation ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à parler <strong>du</strong> cadavre qu’il a trouvé dans un boisement, NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel dit qu’il y est arrivé après avoir été alerté et y a vu <strong>de</strong>s gens qu’il n’approchait jamais<br />
et qui ont tué cette vieille dame, que Maître NKURIKIYIMFURA l’accuse injustement car il<br />
essayait au contraire <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s pièces aux personnes pourchassées pour les ai<strong>de</strong>r à passer<br />
aux endroits où les barrières avaient été érigées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RWANDENZI dit que ce n’est pas en compagnie <strong>de</strong> MBARAGA qu’il est allé dans<br />
le boisement mais bien un autre gendarme, qu’il a appris cependant que ce <strong>de</strong>rnier est mort ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, ICYIMPAYE dit qu’il n’a aucun lien <strong>de</strong> parenté avec<br />
NTEZIRYAYO et que, au cours <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, il l’a vu une fois être con<strong>du</strong>it par <strong>de</strong>s militaires<br />
dans leur camp, qu’interrogé sur le comportement <strong>de</strong> l’intéressé quand <strong>de</strong>ux personnes n’ayant<br />
pas la même position sur les massacres ont successivement exercé les fonctions <strong>de</strong> bourgmestre,<br />
il répond que GISAGARA s’est opposé aux massacres, qu’il a été tué pour cette raison mais<br />
qu’il avait d’abord fui, qu’il ignore cependant quel a été le climat <strong>de</strong> collaboration entre<br />
NTEZIRYAYO et MASONGA, qu’il accuse le nommé DUSINGIZIMANA d’être arrivé dans le<br />
secteur BUSASAMANA à bord d’une motocyclette en possession <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux fusils et d’avoir dit<br />
que rien n’y avait été fait alors qu’ailleurs les tueries étaient terminées, que les Interahamwe sont<br />
venus le len<strong>de</strong>main pour tuer, qu’à cette époque la fonction <strong>de</strong> bourgmestre était assurée par<br />
MASONGA François, qu’il poursuit en déclarant ignorer comment MASONGA François<br />
collaborait avec les conseillers NTEZIRYAYO Emmanuel et Israël DUSINGIZIMANA, qu’il<br />
n’a cependant jamais vu MASONGA François chez NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’interrogé sur<br />
l’endroit d’où les militaires ont emmené NTEZIRYAYO Emmanuel et l’ont con<strong>du</strong>it au camp<br />
militaire en vue <strong>de</strong> lui faire signer pour que les Tutsi soient tués, il répond qu’ils l’ont emmené<br />
<strong>de</strong> chez lui par force et qu’il leur a dit qu’il n’y avait pas <strong>de</strong> Tutsi dans son secteur, qu’il est<br />
directement tombé mala<strong>de</strong> à son retour <strong>du</strong> camp militaire <strong>de</strong> sorte qu'il ne l’a plus revu,<br />
31<br />
17 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si <strong>de</strong>s victimes n’ont pas été tuées là où il habite,<br />
ICYIMPAYE Z. répond qu’elles ont été tuées par <strong>de</strong>s Interahamwe envoyés par le conseiller <strong>du</strong><br />
secteur MUSHIRARUNGU et qu’on affirmait que NTEZIRYAYO Emmanuel <strong>de</strong>vait lui aussi<br />
être tué parce qu’il était un complice ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, dit que<br />
ICYIMPAYE intro<strong>du</strong>it dans son témoignage <strong>de</strong>s éléments que le prévenu n’a pas fait valoir et<br />
qu’à cet égard il veut le protéger, que sa déclaration ne doit pas être considérée comme crédible,<br />
que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève qu’il ne revient pas à son confrère d’accor<strong>de</strong>r une<br />
valeur probante aux déclarations faites, mais que cela est <strong>de</strong> la compétence <strong>du</strong> Tribunal, que
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
concernant les moyens <strong>de</strong> défense que NTEZIRYAYO n’a pas invoqués, il dit que l’audience se<br />
poursuit et qu’il a donc encore le temps <strong>de</strong> s’en prévaloir ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à faire ses observations sur le témoignage et les arguments <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux avocats,<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ICYIMPAYE dit la vérité, que relativement aux éléments<br />
dont il n’a pas parlé, il dit que cela est dû au fait qu’il vient <strong>de</strong> passer un temps long en prison si<br />
bien qu’il oublie au fur et à mesure certaines preuves dont il <strong>de</strong>vrait se prévaloir à sa décharge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public souhaite que le Tribunal <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au prévenu s’il<br />
participait aux réunions qui avaient lieu au bureau communal, que l’intéressé répond que c’est<br />
par force qu’il prenait part aux réunions administratives mais qu’il se gardait <strong>de</strong> mettre en<br />
exécution les recommandations qui y étaient formulées et disait qu’il n’y avait pas <strong>de</strong> Tutsi dans<br />
son secteur ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si les Tutsi n’ont plus été tués à son retour <strong>du</strong> camp militaire,<br />
il répond que quelques-uns ont été tués par les militaires et d’autres par les malfaiteurs qui se<br />
promenaient pendant la nuit, qu’à celle <strong>de</strong> savoir s’il n’a pas eu <strong>de</strong> problème avec les militaires<br />
quand les gens ont commencé à être tués alors qu’il leur avait dit qu’il n’y avait pas <strong>de</strong> Tutsi<br />
dans son secteur, il répond qu’il n’a plus paru en public pour cause <strong>de</strong> maladie ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il n’a rien fait pour sauver MUKANGWIJE Suzanne<br />
alors que les éléments <strong>recueil</strong>lis au cours <strong>de</strong> l’instruction préparatoire et le témoignage <strong>de</strong><br />
KANAZI Athanase montrent qu’ils entretenaient <strong>de</strong>s relations amicales, NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel répond que l’endroit où habitait cette vieille dame n’était pas très proche <strong>de</strong> chez lui<br />
et qu’il était par ailleurs mala<strong>de</strong>, que concernant le témoignage <strong>de</strong> KANAZI, il dit qu’il n’est pas<br />
véridique ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte dit qu’elle n’a pas <strong>de</strong><br />
lien <strong>de</strong> parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’à la question <strong>de</strong> savoir ce qu’elle a à dire sur<br />
les préventions mises par le Ministère Public à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel d’avoir<br />
incité la population aux tueries et pillages et d’avoir désigné dix personnes dans le secteur<br />
chargés <strong>de</strong> pourchasser les gens menacés, elle répond que les dix personnes ont été désignées par<br />
la population en vue <strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité, mais qu’elle ignore comment ils sont finalement<br />
<strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s tueurs, qu’elle était elle aussi présente lors <strong>de</strong> leur élection, qu’elle poursuit en<br />
disant que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté et qu’elle n’a enten<strong>du</strong> parler d’aucune<br />
victime qu’il aurait tuée, mais qu’ils ne se promenaient pas ensemble, qu’à la question <strong>de</strong> savoir<br />
s’il y a <strong>de</strong>s tueurs que NTEZIRYAYO Emmanuel envoyait commettre ces crimes, elle répond ne<br />
pas en avoir enten<strong>du</strong> parler, qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaissait<br />
MUKANGWIJE Suzanne,<br />
32<br />
18 ème feuillet.<br />
elle dit qu’elle la connaissait, mais qu’elle n’a appris sa mort que le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> son assassinat<br />
et qu’elle n’a eu aucun renseignement sur les circonstances <strong>de</strong> ce crime tout comme celles <strong>de</strong><br />
l’assassinat d’autres victimes qui ont été tuées sur sa colline ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle faisait partie <strong>de</strong>s Rwandais pourchassés,<br />
MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte répond par l’affirmative et dit qu’elle figurait au nombre<br />
<strong>de</strong>s gens qui <strong>de</strong>vaient mourir, qu’elle n’a été sauvée que par les INKOTANYI à leur arrivée à
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
NYANZA, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel est arrivé là où elle se<br />
trouvait au cours <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong> elle répond par la négative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur le comportement <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel au moment où<br />
MASONGA François était bourgmestre <strong>de</strong> leur commune, MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte<br />
dit qu’elle ignore quand NTEZIRYAYO Emmanuel et MASONGA François se sont vus, qu’à la<br />
question <strong>de</strong> savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas changé <strong>de</strong> comportement à l’époque où<br />
MASONGA François exerçait les fonctions <strong>de</strong> bourgmestre, elle répond qu’elle n’a remarqué<br />
aucun changement dans le chef <strong>du</strong> prévenu à son égard ; qu’à celle <strong>de</strong> savoir pourquoi le prévenu<br />
est resté avec les dix personnes qui venaient d’être désignées pour le maintien <strong>de</strong> la sécurité elle<br />
répond que la réunion <strong>de</strong> la population a été immédiatement suivie par celle <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s<br />
comités <strong>de</strong> cellule au cours <strong>de</strong> laquelle <strong>de</strong>s instructions relatives à la sécurité ont été données,<br />
qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir s’il est arrivé à NTEZIRYAYO Emmanuel d’être agressé<br />
pour ne pas avoir exécuté les ordres <strong>de</strong>s autres tueurs, elle dit que l’intéressé était convoqué au<br />
camp militaire, mais qu’elle ignore quel était le motif <strong>de</strong> ces convocations, qu’elle l’a cependant<br />
vu une fois s’y rendre car elle habitait à proximité <strong>du</strong> camp militaire, qu’elle termine en disant<br />
que NTEZIRYAYO Emmanuel doit expliquer comment les victimes ont été tuées dans le secteur<br />
dont il avait la charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il est difficile d’expliquer comment les victimes<br />
ont été tuées, mais qu’il a fait <strong>de</strong> son mieux pour contrecarrer les tueurs comme le confirme<br />
MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte, mais que les victimes sont quand même mortes, que<br />
Berna<strong>de</strong>tte le sait, car elle était membre <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> cellule ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
que MUKASHARANGABO soit interrogée sur le comportement <strong>du</strong> prévenu face au problème<br />
ethnique, qu’elle répond que l’intéressé considérait les gens sur un pied d’égalité sans<br />
discrimination ethnique, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si le conseiller <strong>de</strong> secteur a donné aux<br />
membres <strong>de</strong>s comités <strong>de</strong> cellules <strong>de</strong>s consignes pour commettre les massacres lors <strong>de</strong> leur<br />
réunion, elle répond par la négative et dit qu’il leur a au contraire <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> veiller à la<br />
sécurité pour éviter que <strong>de</strong>s malfaiteurs sans pièces administratives n’entrent dans leurs cellules,<br />
qu’interrogée sur celui qui, <strong>de</strong> GISAGARA et MASONGA François, était bourgmestre à<br />
l’époque <strong>de</strong> cette réunion <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s comités <strong>de</strong> cellule elle répond qu’il se peut que ce<br />
soit MASONGA François, mais qu’elle ne s’en souvient pas bien, que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel intervient et dit que c’est MASONGA François ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, souhaite qu’il soit<br />
<strong>de</strong>mandé à MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte si, quand elle a vu NTEZIRYAYO Emmanuel se<br />
rendre au camp militaire, celui-ci était accompagné par <strong>de</strong>s militaires, et si, quand il l’a informé<br />
<strong>de</strong> son renvoi, il lui en a appris le motif, qu’elle répond qu’aucun militaire ne con<strong>du</strong>isait<br />
NTEZIRYAYO quand ils se sont ren<strong>du</strong>s au camp militaire et que concernant son renvoi, il lui a<br />
dit qu’il attendait l’acte émanant <strong>de</strong> l’autorité communale ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, dit qu’il est<br />
clairement établi que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est volontairement ren<strong>du</strong> au camp militaire,<br />
qu’il allait donc faire son rapport et que le fait que<br />
19 ème feuillet.<br />
Berna<strong>de</strong>tte a été exclue <strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong>s cellules constitue lui aussi la preuve qu’elle était<br />
33
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
réellement pourchassée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre, avocat <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’il<br />
ignore d’où Maître NKURIKIYIMFURA Innocent tire les arguments qu’il fait valoir car ils ne<br />
figurent pas au dossier comme par exemple celui consistant à dire que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel a apporté un rapport au camp militaire alors que le concerné dit qu’il y a été con<strong>du</strong>it<br />
par les militaires, qu’il est faux <strong>de</strong> dire que MUKASHARANGABO a été exclue <strong>de</strong>s membres<br />
<strong>de</strong>s comités <strong>de</strong> cellule car il l’a laissée assister à la réunion alors qu’il avait le pouvoir <strong>de</strong> l’en<br />
écarter, mais qu’il ne l’a pas fait car aucun conflit ne les opposait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que ICYIMPAYE est invité à dire si sa déclaration est plus véridique que celle <strong>de</strong><br />
Berna<strong>de</strong>tte qui dit que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est ren<strong>du</strong> lui-même au camp militaire alors<br />
qu’il affirme quant à lui qu’il était con<strong>du</strong>it par les militaires ; qu’il répond avoir vu lui-même ce<br />
qu’il a dit car l’intéressé était con<strong>du</strong>it par <strong>de</strong>ux militaires et qu’ils se trouvaient encore sur la<br />
route et n’avaient pas encore atteint le camp militaire quand ils l’ont interrogé, que les victimes<br />
ont été tuées par les gens qui sont actuellement en fuite et d’autres qui sont décédés, que<br />
MUKASHARANGABO termine quant à elle en disant qu’elle n’a rien à ajouter ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à donner l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la personne qui l’a chargé <strong>de</strong> dire à<br />
MUKASHARANGABO qu’elle ne faisait plus partie <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s comités <strong>de</strong> cellules,<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel dit que c’était une façon <strong>de</strong> la protéger car on l’accusait <strong>de</strong> placer<br />
<strong>de</strong>s Tutsi aux barrières ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKAMURINA Julienne dit qu’elle n’a pas <strong>de</strong> lien <strong>de</strong><br />
parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel ; qu’interrogée sur l’endroit où elle vivait à l’époque <strong>du</strong><br />
génoci<strong>de</strong> et sur le comportement <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel qui était conseiller <strong>de</strong> secteur,<br />
elle répond qu’elle vivait à BUSASAMANA et qu’elle ignore la con<strong>du</strong>ite <strong>du</strong> prévenu car ditelle,<br />
après l’assassinat <strong>de</strong> son fils Emmanuel, elle a commencé à se cacher dans <strong>de</strong>s boisements<br />
avec d’autres membres <strong>de</strong> sa famille, qu’à la question <strong>de</strong> savoir <strong>de</strong> quoi elle disculpe<br />
NTEZIRYAYO qui l’a présentée comme témoin à décharge elle dit qu’à un moment, on a dit<br />
que la paix avait été rétablie et que ceux qui se cachaient sont sortis <strong>de</strong> leur cachette, qu’il y a eu<br />
par la suite une attaque au cours <strong>de</strong> laquelle elle a reçu un coup <strong>de</strong> hache, que ceux qui étaient<br />
avec elle sont morts sur le coup, mais qu’elle n’est pas morte quant à elle, que le nommé<br />
MUREGO est arrivé sur les lieux et que, constatant qu’elle respirait encore, il l’a con<strong>du</strong>ite chez<br />
le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel qui lui a donné une lettre <strong>de</strong> recommandation qu’elle a<br />
remise à BISOMA chez qui elle est restée jusqu’à l’arrivée <strong>de</strong>s INKOTANYI à NYANZA ;<br />
qu’interrogé sur la con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel avant la guerre elle répond que la<br />
situation était bonne ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que MUKAMURINA Julienne a crié au secours et<br />
qu’il a accouru en compagnie <strong>de</strong>s dix personnes chargées <strong>de</strong> la sécurité et élues par la population<br />
si bien qu’ils ont attrapé ceux qui lui ont donné les coups d’une petite hache, qu’ils en ont établi<br />
un procès-verbal, qu’il poursuit en disant que l’attaque avait été menée chez KAMASHARA et<br />
chez MUKAMURIGO la fille <strong>de</strong> NZAYISOMA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, dit que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel sauvait qui il voulait et faisait tuer qui il voulait, que c’est ainsi qu’il<br />
donnait <strong>de</strong>s pièces à qui il voulait et que ceux à qui il les refusait étaient tués ;<br />
34
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Jean Pierre SAYINZOGA, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que<br />
si Maître NKURIKIYIMFURA Innocent a besoin <strong>de</strong> plus amples explications, il peut s’adresser<br />
au Tribunal pour qu’il pose <strong>de</strong>s questions y relatives, que le prévenu NTEZIRYAYO Emmanuel<br />
a suffisamment et clairement dit que même ceux à qui il donnait ces pièces les présentaient en<br />
cachette ;<br />
35<br />
20 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKAMAZINA dit qu’elle n’a pas <strong>de</strong> lien <strong>de</strong> parenté<br />
avec NTEZIRYAYO Emmanuel, mais qu’ils sont voisins, qu’interrogée sur ce dont elle le<br />
disculpe puisqu’il l’a présentée comme témoin à décharge, elle dit qu’elle n’en sait rien, qu’à la<br />
question <strong>de</strong> savoir où elle se trouvait à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> elle répond qu’elle était à la maison<br />
attendant <strong>de</strong> mourir, qu’interrogée sur l’origine <strong>de</strong> la chance qu’elle a eu elle répond qu’elle ne<br />
doit son salut qu’à Dieu, mais que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel leur donnait <strong>de</strong>s<br />
pièces tenant lieu <strong>de</strong> cartes d’i<strong>de</strong>ntité et attestant que celles mentionnant leur ethnie ont été<br />
per<strong>du</strong>es, qu’elle poursuit en disant que NTEZIRYAYO ne refusait ces pièces à personne ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à faire <strong>de</strong>s observations sur les témoignages selon lesquels NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel a bien agi au moment où GISAGARA assumait les fonctions <strong>de</strong> bourgmestre mais<br />
qu’il a changé quand ce poste a été occupé par MASONGA après l’assassinat <strong>du</strong> premier,<br />
MUKAMAZINA répond qu’ils l’ont vu être emmené <strong>de</strong> force pour signer en vue <strong>de</strong> l’exécution<br />
<strong>de</strong>s massacres, qu’il est immédiatement tombé mala<strong>de</strong> à son retour et qu’il n’a commis aucun<br />
méfait, mais qu’un militaire nommé MUSAFIRI s’est révélé méchant, qu’à la question <strong>de</strong> savoir<br />
si NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas changé après avoir signé, elle répond par la négative et dit<br />
que les gens lui ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong>s pièces, qu’il les leur a données et que le cachet <strong>de</strong> la commune<br />
y était apposé et ce, dans le but <strong>de</strong> les protéger ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire ce qu’il pense <strong>du</strong> témoignage <strong>de</strong> MUKAMAZINA, NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel dit que ce qu’elle affirme est vrai ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKARUGOMWA J. d’Arc dit qu’elle n’a pas <strong>de</strong> lien <strong>de</strong><br />
parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’elle vivait dans le secteur BUSASAMANA à<br />
l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et qu’elle faisait partie <strong>de</strong>s personnes recherchées, qu’interrogée sur les<br />
circonstances dans lesquelles elle a échappé aux massacres elle répond qu’ils se sont d’abord<br />
cachés, mais qu’il a été dit que ceux qui se cachent ont quelque chose à se reprocher, qu’ils ont<br />
quitté leurs cachettes et ont regagné leurs domiciles où ils sont restés, qu’interrogée sur les<br />
préventions mises à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel par le Ministère Public dont celle<br />
d’incitation au génoci<strong>de</strong>, elle répond qu’elle ne l’a pas vu commettre ces infractions, qu’il n’est<br />
pas arrivé chez elle et qu’elle ne l’a pas vu emmener <strong>de</strong>s gens, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle<br />
n’a pas enten<strong>du</strong> après la guerre parler <strong>de</strong>s faits répréhensibles qu’il aurait commis, elle répond<br />
qu’il exerçait les fonctions <strong>de</strong> conseiller <strong>de</strong> secteur, mais qu’elle n’a pas personnellement<br />
enten<strong>du</strong> parler d’une personne à qui il aurait fait <strong>du</strong> mal ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaît <strong>de</strong>s personnes qui étaient pourchassées et que<br />
le conseiller aurait protégées, elle répond qu’au début <strong>de</strong>s massacres, elle lui a personnellement<br />
envoyé son enfant à qui il a donné <strong>de</strong>s pièces tenant lieu <strong>de</strong> cartes d'i<strong>de</strong>ntité pour elle et ledit<br />
enfant, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si le conseiller ne fait pas partie <strong>de</strong> ceux qui les ont empêchés<br />
<strong>de</strong> se cacher, elle répond que c’est le nommé SEMBU qui le leur a interdit en disant qu’ils les
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
trouveraient chez eux quand ils le voudraient ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire s’il a un démenti à apporter au témoignage <strong>de</strong> MUKARUGOMWA J.<br />
d’Arc, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il n’a rien à y ajouter, que Maître<br />
NKURIKIYIMFURA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que NTEZIRYAYO Emmanuel dise si c’est lui qui a envoyé<br />
SEMBU aux personnes qui se cachaient, que le prévenu répond par la négative et dit que<br />
l’intéressé faisait partie <strong>de</strong>s tueurs qu’il combattait ;<br />
Vu que l’audience est suspen<strong>du</strong>e pour reprendre à 15 heures par le prononcé <strong>de</strong> la décision <strong>du</strong><br />
Tribunal sur la recevabilité <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong><br />
NSANGANIRA Eugène ;<br />
36<br />
21 ème feuillet.<br />
Vu qu’après examen <strong>du</strong> prescrit <strong>de</strong> l’article 6 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, le<br />
Tribunal constate que la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong> NSANGANIRA<br />
Eugène est recevable en vertu <strong>de</strong> l’article 10 <strong>de</strong> cette même loi (sic);<br />
Vu qu’il y a <strong>de</strong>s témoins qui ont été présentés par le Ministère Public qui ne peuvent pas être<br />
admis à faire <strong>de</strong>s dépositions car ils ont été définitivement condamnés à la dégradation civique<br />
prévue à l’article 66 <strong>du</strong> livre I <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal à savoir les nommés KABERA, RUKEBESHA et<br />
HATEGEKIMANA, qu’il y a cependant lieu <strong>de</strong> faire recours aux procès-verbaux <strong>de</strong> leur<br />
audition établis dans l’affaire à leur charge dont le jugement a été déjà ren<strong>du</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, SHUMBUSHO Daniel dit qu’il y a également lieu<br />
d’entendre les membres <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> sécurité <strong>du</strong> secteur BUSASAMANA dont font partie<br />
MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte, KABANDA et KIMONYO Aaron ainsi que d’autres<br />
témoins qui sont en liberté à savoir Antoine SIBOMANA, NAHAYO Hassan et<br />
SINDIKUBWABO ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que le Ministère Public a indiqué dans le dossier<br />
judiciaire les témoins qu’il voulait faire citer <strong>de</strong>vant le Tribunal et qui ont été enten<strong>du</strong>s au cours<br />
<strong>de</strong> l’instruction préparatoire, que ceux qu’il présente actuellement auraient dû être enten<strong>du</strong>s eux<br />
aussi <strong>de</strong> façon que les procès-verbaux <strong>de</strong> leurs déclarations soient versés au dossier, qu’il estime<br />
dès lors que le Ministère Public a eu un retard dans cette tâche <strong>du</strong> moment que l’affaire est déjà<br />
passée en audience ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que la loi autorise le Tribunal à rechercher <strong>de</strong>s<br />
preuves pour pallier à la carence <strong>du</strong> Ministère Public, qu’il peut à ce titre entendre ces témoins<br />
surtout quand le Ministère public les lui indique ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J . Pierre dit que les témoignages déjà <strong>recueil</strong>lis suffisent,<br />
mais que le Tribunal peut entendre d’autres témoins s’il le juge nécessaire, que Maître<br />
SEMANDA Cyrdion, Conseil <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène, dit qu’il y a <strong>de</strong>s témoins que le<br />
Ministère Public a enten<strong>du</strong>s, mais qu’il veut faire citer <strong>de</strong>vant le Tribunal, qu’il estime que c’est<br />
une façon <strong>de</strong> faire traîner le procès, qu’il y a lieu pour le Ministère Public d’entendre ces témoins<br />
s’il le faut, et <strong>de</strong> verser au dossier les procès-verbaux subséquents ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que le Tribunal <strong>de</strong>vrait faire une <strong>de</strong>scente sur les<br />
lieux <strong>de</strong>s infractions s'il le souhaite, que le Tribunal pourrait à cette occasion <strong>recueil</strong>lir d’autres<br />
témoignages qu’il estime nécessaires ;
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Atten<strong>du</strong> que le Tribunal estime nécessaire d’interroger le témoin DUSINGIZIMANA Israël, l’un<br />
<strong>de</strong>s témoins présentés par le Ministère Public mais qui est prévenu dans une autre affaire non<br />
encore jugée et qui a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité et était à<br />
l’époque <strong>de</strong>s faits le conseiller <strong>du</strong> secteur MUSHIRARUNGU ; qu’après avoir prêté serment et à<br />
la question <strong>de</strong> savoir combien <strong>de</strong> fois GISAGARA qui était bourgmestre <strong>de</strong> la commune<br />
NYABISINDU a tenu <strong>de</strong>s réunions avec eux, il répond que <strong>de</strong> nombreuses réunions ont eu lieu<br />
mais que, au début <strong>de</strong>s massacres, il a fui si bien qu’il n’a tenu aucune autre réunion,<br />
qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la personne qui les a conviés à <strong>de</strong>s réunions après la fuite <strong>de</strong><br />
GISAGARA, il répond que ce sont le capitaine BILIKUNZIRA, le conseiller remplaçant le<br />
bourgmestre en la personne <strong>de</strong> MASONGA François et le Sous-Préfet KAYITANA G. qui ont<br />
tenu environ trois réunions, que le but <strong>de</strong>sdites réunions était l’extermination <strong>de</strong>s Tutsi et qu’ils<br />
écoutaient les ordres donnés et les mettaient à exécution dès leur arrivée dans les secteurs sous<br />
leur autorité si bien que celui qui s’abstenait <strong>de</strong> le faire ne retournait pas à la réunion, mais était<br />
plutôt pourchassé et tué à l’exemple <strong>de</strong><br />
22 ème feuillet.<br />
MPIRWA Azarias qui était le conseiller <strong>du</strong> secteur GAHONDO et MUTAGANDA qui était le<br />
conseiller <strong>du</strong> secteur NYANZA qui ont été tués pour cette raison ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment NTEZIRYAYO Emmanuel se comportait lors <strong>de</strong><br />
ces réunions, DISINGIZIMANA Israël dit qu’ils étaient ensemble mais qu’ils ne prenaient pas la<br />
parole à part qu’un jour le capitaine BILIKIUNZIRA a donné l’ordre <strong>de</strong> rechercher GISAGARA<br />
que l’on soupçonnait <strong>de</strong> se cacher dans le secteur BUSASAMANA et que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel n’a rien dit sinon que l’intéressé serait retrouvé s’il se cachait réellement dans ce<br />
secteur ; qu’interrogé sur le temps pendant lequel il a exercé les fonctions <strong>de</strong> conseiller <strong>de</strong><br />
secteur, il répond qu’il les a assumées <strong>de</strong>puis le 20/01/1990 en même temps que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel ; qu’à la question <strong>de</strong> savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel se caractérisait auparavant<br />
par un esprit divisionniste, il répond par la négative et dit que cet esprit leur a été inculqué par<br />
les autorités qui leur ont fait comprendre que leur ennemi était le Tutsi ; qu’à celle <strong>de</strong> savoir si<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel a lui aussi participé aux massacres il répond que chaque conseiller,<br />
après avoir reçu les ordres, essayait <strong>de</strong> faire quelque chose à son arrivée dans son secteur, que<br />
dans le cas où <strong>de</strong>s victimes ne seraient pas mortes dans le secteur <strong>de</strong> BUSASAMANA, cela<br />
signifierait que NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas commis <strong>de</strong>s tueries ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir si <strong>de</strong>s listes <strong>de</strong>s Tutsi pourchassés ou <strong>de</strong> ceux qui<br />
avaient été tués n’ont pas été établies, DUSINGIZIMANA Israël répond qu’ils n’en faisaient pas<br />
usage car chacun connaissait les Tutsi habitant dans son secteur surtout que la mention ethnique<br />
figuraient sur les cartes d’i<strong>de</strong>ntité ; qu’interrogé sur la façon dont ils obtenaient les<br />
renseignements sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s Tutsi qui étaient morts et ceux qui étaient encore en vie, il<br />
répond que ceux qui étaient morts étaient directement i<strong>de</strong>ntifiés à part qu’ils ont été tués à<br />
différents endroits, qu’il dit que le comité <strong>de</strong> dix personnes chargées <strong>de</strong> la sécurité n’a pas existé<br />
dans le secteur MUSHIRARUNGU et qu’il ne sait rien <strong>de</strong> ce comité dans le secteur<br />
BUSASAMANA ; qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a enten<strong>du</strong> dire que NTEZIRYAYO Emmanuel<br />
a été persécuté pour avoir placé <strong>de</strong>s Tutsi aux barrières, il répond par la négative ; qu’à celle <strong>de</strong><br />
savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel était opposé à la manière dont le bourgmestre MASONGA<br />
François exerçait ses fonctions, il répond qu’ils ont collaboré avec l’intéressé jusqu’à leur fuite<br />
et que ceux qui étaient opposés à MASONGA ont été tués comme dit plus haut ;<br />
37
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir dans quelle partie il peut ranger les conseillers qui ont eu le<br />
courage <strong>de</strong> sauver <strong>de</strong>s gens malgré l’adhésion au plan <strong>de</strong>s massacres comme il le dit, à<br />
l’exception <strong>de</strong> ceux qui ont été tués et notamment ceux <strong>de</strong>s secteurs NYANZA et GAHONDO, il<br />
répond qu’il a commis <strong>de</strong>s tueries et a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité, qu’il a sauvé certaines victimes mais en a tué d’autres ; qu’à la question <strong>de</strong> savoir<br />
dans quelle partie il classe un conseiller <strong>de</strong> secteur qui présente les victimes qu’il a sauvées et<br />
contre lequel il n’existe pas la preuve qu’il a comploté contre une victime et n’a tué personne<br />
tout en ayant pris part aux réunions au cours <strong>de</strong>squelles <strong>de</strong>s ordres <strong>de</strong> commettre le génoci<strong>de</strong> ont<br />
été donnés, il répond que la participation aux réunions ne constitue pas une infraction, mais que<br />
<strong>de</strong>s gens ont commis les massacres dans le secteur BUSASAMANA dont certains sont en aveu à<br />
l’exemple <strong>de</strong> HATEGEKIMANA qui a mis en cause le conseiller NTEZIRYAYO affirmant que<br />
l’intéressé a dirigé l’attaque au cours <strong>de</strong> laquelle Ma<strong>de</strong>leine et Langui<strong>de</strong> ont été tuées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il reviendra au Tribunal d’apprécier la validité<br />
<strong>du</strong> témoignage <strong>de</strong> DUSINGIZIMANA Israël mais qu’ils estiment quant à eux qu’il n’est pas<br />
crédible dès lors que ICYIMPAYE a dit que c’est DUSINGIZIMANA Israël qui a déclenché les<br />
massacres dans le secteur BUSASAMANA quand il est arrivé là à bord d’une motocyclette et<br />
portant <strong>de</strong>ux fusils ; qu’il ne peut pas dire la vérité surtout qu’il ne fait que rapporter ce qui lui a<br />
été dit par <strong>de</strong>s détenus condamnés à l’emprisonnement à perpétuité, qu’il ne sait rien d’autre que<br />
ce qu’ils lui ont dit, qu’il <strong>de</strong>vrait plutôt se préoccuper <strong>de</strong>s faits à sa charge même s’il n’a pas<br />
encore comparu pour présenter ses moyens <strong>de</strong> défense, qu’il n’était pas en mesure <strong>de</strong> savoir ce<br />
qui s’est passé dans le secteur BUSASAMANA à part que c’est lui qui y a entraîné les<br />
massacres ;<br />
38<br />
23 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les arguments <strong>de</strong> Maître SAYINZOGA J.<br />
Pierre semblent être une intimidation <strong>du</strong> témoin DUSINGIZIMANA pour le contraindre à se<br />
rétracter dans son témoignage, qu’il aimerait néanmoins que le Tribunal <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au témoin <strong>de</strong><br />
dire ce qu’il a fait lorsqu’il s’est ren<strong>du</strong> dans le secteur BUSASAMANA à bord d’une<br />
motocyclette, ou si NTEZIRYAYO Emmanuel et lui se sont vus ;<br />
Atten<strong>du</strong> que DUSINGIZIMANA dit que Maître J. Pierre SAYINZOGA <strong>de</strong>vrait conseiller à<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r coupable <strong>de</strong>s infractions qu’il a commises ; qu’il est arrivé<br />
à BUSASAMANA à <strong>de</strong>ux reprises, qu’il est cependant faux <strong>de</strong> dire qu’il portait <strong>de</strong>ux fusils car il<br />
n’en avait pas encore reçu à cette époque, qu’il était effectivement à bord d’une motocyclette et<br />
était allé voir le policier communal que le capitaine BIRIKUNZIRA l’avait envoyé chercher<br />
pour qu’il remette le fusil qu’il avait, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel<br />
était complimenté ou réprimandé au cours <strong>de</strong>s réunions, il répond qu’on lui disait qu’il n’aurait<br />
pas <strong>de</strong> problème dans son secteur <strong>de</strong> BUSASAMANA car il pourrait bénéficier <strong>de</strong> l’intervention<br />
<strong>de</strong>s militaires dont le camp se trouvait là, que les conseillers <strong>de</strong>mandaient plus <strong>de</strong> moyens en<br />
général ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment il a décidé <strong>de</strong> mettre sur pied un comité <strong>de</strong> dix<br />
personnes dans son secteur alors que cela ne se faisait pas ailleurs, NTEZIRYAYO Emmanuel<br />
répond que cela a été fait à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> la population ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’objet <strong>de</strong>s réunions qui avaient lieu tous les mercredis,<br />
DUSINGIZIMANA Israël dit que ces réunions qui se tenaient les mercredis ont eu lieu à<br />
l’époque où GISAGARA exerçait les fonctions <strong>de</strong> bourgmestre, qu’il a parlé plus haut <strong>de</strong> celles
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
qui ont eu lieu au cours <strong>de</strong> la guerre, que NTEZIRYAYO intervient et dit que Israël ment car<br />
d’autres conseillers qui sont en détention avec eux savent ce que l’intéressé disait auparavant ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire ce qu’il ajoute à sa déclaration, Israël DUSINGIZIMANA dit que ce<br />
qu’il dit est vrai et qu’il conseille aux autres <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r coupable sans crainte ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience se poursuit sur les lieux <strong>de</strong>s faits dans le secteur BUSASAMANA chez<br />
le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel et que le Tribunal interroge par surprise la population ;<br />
Que le Tribunal arrive dans le secteur BUSASAMANA dans la ville <strong>de</strong> NYANZA en province<br />
<strong>de</strong> BUTARE et ce, en présence <strong>de</strong>s prévenus et <strong>de</strong> leurs Conseils, celle <strong>de</strong>s parties civiles et <strong>de</strong><br />
leur avocat, ainsi qu’une population nombreuse <strong>de</strong> la colline où habite NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel et où se trouve le boisement dans lequel a été tuée la vieille dame qui était l’épouse<br />
<strong>de</strong> MUNYESHYAKA et où RWANDENZI a dit avoir trouvé NTEZIRYAYO Emmanuel en<br />
compagnie d’une jeune fille nommée Goretti MUJAWIMANA qu’ils <strong>de</strong>vaient secourir ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il est arrivé dans ce boisement,<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il a été alerté par un militaire qui lui a dit que dans ce<br />
boisement se trouvaient <strong>de</strong>s personnes qui allaient être tuées et qu’il <strong>de</strong>vrait intervenir, qu’il s’y<br />
est ren<strong>du</strong> et y a trouvé <strong>de</strong>s tueurs ayant en leurs mains MUJAWIMANA, qu’ils ont<br />
immédiatement donné à une vieille dame un coup à la tête et qu’elle est tombée, que le militaire<br />
a alors effectué les manœuvres <strong>de</strong> maniement <strong>de</strong> son fusil et qu’ils se sont sauvés en courant ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la question <strong>de</strong> savoir s’il y a quelqu’un qui a un témoignage à faire à charge <strong>de</strong><br />
NTEZIRYAYO Emmanuel, l’ex- conseiller <strong>de</strong> secteur, est posée à la population présente ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, la nommée NYINAWINGERI dit que NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel est leur protecteur car c’est à lui qu’ils doivent d’être encore en vie,<br />
39<br />
24 ème feuillet.<br />
qu’il a bien agi à leur égard en leur donnant <strong>de</strong>s pièces tenant lieu <strong>de</strong> cartes d’i<strong>de</strong>ntité qui leur<br />
ont permis d'échapper au génoci<strong>de</strong>, qu’elle pro<strong>du</strong>it sur le champ la pièce qu’il lui a donnée et<br />
dont lecture est faite en public, qu’à la question <strong>de</strong> savoir ce qu’elle dit sur les déclarations selon<br />
lesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté au moment où les fonctions <strong>de</strong><br />
bourgmestre étaient encore exercées par GISAGARA, mais qu’il a changé quand MASONGA<br />
François est entré en fonction, elle répond que le prévenu n’a jamais mal agi à part que <strong>de</strong>s gens<br />
l’ont contourné et ont déclenché les massacres dans le secteur BUSASAMANA, qu’elle n’a<br />
cependant pas pu connaître leur i<strong>de</strong>ntité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUJAWIMANA Collette dit qu’elle n’a pas <strong>de</strong> lien <strong>de</strong><br />
parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel à part que c’est un voisin ; qu’interrogée sur le<br />
témoignage fait au Tribunal sur elle et selon lequel <strong>de</strong>s malfaiteurs étaient sur le point <strong>de</strong> la tuer<br />
dans ce boisement, elle répond que <strong>de</strong> nombreuses personnes sont arrivées là dont<br />
NSABIMANA, Fidèle et NTEZIRYAYO, mais que celui-ci n’avait pas d’arme, qu’à la question<br />
<strong>de</strong> savoir comment elle a finalement échappé aux massacres, elle répond qu’un militaire <strong>du</strong> nom<br />
<strong>de</strong> RWAKIBIBI Emmanuel et le sieur RUTEBUKA ont eu connaissance <strong>du</strong> plan <strong>de</strong> les tuer et<br />
les en ont avisé, qu’ils leur ont dit <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> leur cachette et que rien ne leur arriverait, qu’il<br />
sont alors allés à la maison et qu’un jour, elle a été emmenée au cours d’une attaque, que
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel la suivait <strong>de</strong> près, disant aux tueurs <strong>de</strong> ne pas la tuer ni la toucher,<br />
qu’ils ont été con<strong>du</strong>its dans un vallon où ils ont été sommés <strong>de</strong> s’asseoir par terre, qu’entretemps<br />
NTEZIRYAYO s’est empressé d’alerter le militaire qui était au camp concerné ainsi que son<br />
beau-frère RWANDENZI qui sont immédiatement accourus et sont arrivés après que la vieille<br />
dame MUKAMUGEMA Ma<strong>de</strong>leine venait d’être tuée, que les tueurs se sont sauvés en courant<br />
et que c’est ainsi qu’ils ont échappé à ces crimes ; qu’elle continue en disant qu’elle témoigne à<br />
décharge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel car il l’a sauvée quand il a empêché les tueurs <strong>de</strong> la<br />
toucher au moment où le militaire et son beau-frère n’étaient pas encore arrivés là où elle se<br />
trouvait, qu’elle termine en disant que le prévenu leur avait donné auparavant <strong>de</strong>s pièces tenant<br />
lieu <strong>de</strong> cartes d’i<strong>de</strong>ntité au vu lesquelles ils étaient considérés comme étant <strong>de</strong> l’ethnie Hutu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'heure est avancée, que l’enquête se poursuivra le 29/11/2001 à KAGURI dans le<br />
secteur BUSASAMANA où <strong>de</strong>s victimes ont été tuées et où habitait la vieille dame<br />
MUKANGWIJE Suzanne ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans la matinée <strong>du</strong> 29/11/2001, le Tribunal se rend à KAGURI où <strong>de</strong> nombreuses<br />
victimes ont été tuées dont la vieille dame MUKANGWIJE Suzanne, son fils NGARAMBE,<br />
NYIRABANAMA Cécile, NYIRABAHEKA, les membres <strong>de</strong> la famille KADENESI et d’autres,<br />
ce souhait ayant été exprimé par Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties<br />
civiles, ainsi que par MUSAYIDIRE Eugénie qui a per<strong>du</strong> <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> sa famille ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSANGANIRA Eugène relate les circonstances dans lesquelles ces victimes ont été<br />
tuées en disant qu’ils les ont emmenées en date <strong>du</strong> 22/04/9194, mais qu’ils ont d’abord tenu une<br />
petite réunion à laquelle participaient MURINDABYUMA, SEBIRAZA, NSANGANIRA et<br />
d’autres à l’issue <strong>de</strong> laquelle ils ont convenu <strong>de</strong> ce que la décision finale appartenait au conseiller<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel, que le messager qu’ils lui ont envoyé est revenu en disant que le<br />
conseiller venait <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r que les victimes <strong>de</strong>vaient être tuées, que c’est alors que<br />
NKUNDABAGENZI Alphonse a ordonné aux victimes <strong>de</strong> se coucher par terre et a commencé à<br />
les tuer à coups <strong>de</strong> massue, qu’il a été relayé par les gens originaires <strong>de</strong> GIKONGORO qui<br />
logeaient chez MUHAMUDU, que NKUNDABAGENZI a donné à NSANGANIRA l’ordre <strong>de</strong><br />
tuer MUKANGWIJE Suzanne et que celui-ci s’est exécuté en donnant à la victime <strong>de</strong>ux coups<br />
<strong>de</strong> hache à la tempe, que le nommé NTWALI a été quant à lui sommé <strong>de</strong> tuer sa marâtre parce<br />
qu’il l’avait cachée et qu’il l’a tuée à coups <strong>de</strong> massue ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la parole et dit que l’allégation selon<br />
laquelle c’est NTEZIRYAYO Emmanuel, alors conseiller <strong>de</strong> secteur, qui a donné l’ordre<br />
40<br />
25 ème feuillet.<br />
<strong>de</strong> tuer ces victimes est un moyen <strong>de</strong> défense invoqué en désespoir <strong>de</strong> cause par les malfaiteurs<br />
dont fait partie NSANGANIRA Eugène car ils ne pro<strong>du</strong>isent pas une pièce attestant cet ordre<br />
qu’il leur aurait donné surtout qu’il aurait pu se rendre sur les lieux lui-même, que la preuve que<br />
NSANGANIRA ment est qu’il n’a pas fait part <strong>de</strong> ce fait dans ses aveux qu’il a présentés<br />
antérieurement ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la<br />
parole et dit que c’est avec une méchanceté extrême que NSANGANIRA a commis les faits à sa<br />
charge et que ses aveux sont incomplets dès lors qu’il ne précise pas si ceux qu’il met en cause<br />
pour lui avoir donné l’ordre <strong>de</strong> les commettre lui ont également ordonné <strong>de</strong> se promener en<br />
portant une hache, qu’il veut ainsi se décharger <strong>de</strong> sa responsabilité dans les actes atroces qu’il a
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
commis dont l’assassinat <strong>de</strong> la marâtre <strong>de</strong> NTWALI qu’il attribue faussement à ce <strong>de</strong>rnier alors<br />
qu’il est <strong>de</strong> notoriété publique que c’est lui qui l’a fait arrêter pour être mise en détention ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à répliquer au témoignage <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène, NTEZIRYAYO<br />
Emmanuel dit que ce que dit l’intéressé est faux car il ne leur a pas envoyé un messager, qu’il<br />
s’opposait quant à lui aux tueries comme le confirme la population ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’enquête sur les lieux <strong>de</strong>s faits est terminée et que l’audience se poursuit là où le<br />
Tribunal siège en itinérance ; que l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles dit qu’une dame veut dire quelque<br />
chose sur la con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel lors <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la<br />
famille GISAGARA, que la parole est accordée à cette dame nommée MUKESHIMANA<br />
Marthe qui dit qu’elle veut porter plainte contre NTEZIRYAYO Emmanuel pour avoir fait tuer<br />
son mari RURANGIRWA Emmanuel, que le Tribunal lui dit qu’elle <strong>de</strong>vrait suivre la voie légale<br />
pour déposer sa plainte et lui conseille <strong>de</strong> s’adresser à l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, est invité à<br />
expliciter les dommages et intérêts qu’ils réclament ainsi qu’à pro<strong>du</strong>ire les preuves à la base <strong>de</strong><br />
leur action, qu’il commence par faire la genèse <strong>de</strong>s actes atroces qui ont eu lieu au Rwanda et qui<br />
ont coûté la vie à <strong>de</strong> nombreuses victimes dont celles dont la mort sert <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment aux<br />
dommages intérêts réclamés, qu’il dit que dès le début <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> libération <strong>du</strong> pays en<br />
1990, la population <strong>de</strong> l’ethnie Tutsi a été persécutée par le régime en place, qu’elle a été tuée et<br />
fait l’objet <strong>de</strong> pillages et d’autres méfaits, qu’un plan <strong>de</strong> son extermination a été conçu et mis en<br />
exécution après la mort <strong>de</strong> l’ex-Prési<strong>de</strong>nt, que ce plan a été déclenché dans la province <strong>de</strong><br />
BUTARE par le Prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> régime qui s’est déclaré être un régime <strong>de</strong>s sauveurs quand, dans<br />
un discours tenu à GISAGARA dans la commune NDORA, il a dit que la population <strong>de</strong><br />
BUTARE se comportait comme si elle n’était pas concernée, ainsi que par le Premier Ministre<br />
<strong>de</strong> ce régime quand il a dit que toute la population doit pourchasser l’ennemi partout où il est,<br />
l’ennemi à cette époque étant le Tutsi, que c’est dans ce cadre qu’ont été institués <strong>de</strong>s comités <strong>de</strong><br />
sécurité qui en réalité avaient pour mission <strong>de</strong> rassembler tous les Tutsi pour qu’ils soient tués,<br />
que le conseiller NTEZIRYAYO a agi <strong>de</strong> la même manière dans son secteur ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMLFURA dit que les dommages et intérêts réclamés par ses<br />
clients sont fondés sur trois motifs qui sont avoir per<strong>du</strong> les moyens par lesquels ils subsistaient,<br />
avoir per<strong>du</strong> toute valeur dans leur vie <strong>de</strong> sorte que quelques-uns sont désespérés et d’autres<br />
mènent une vie solitaire, que les actes <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel et sa ban<strong>de</strong> dont fait partie<br />
NSANGANIRA Eugène en sont l’origine, et que c’est pour ce motif qu’ils doivent réparer<br />
solidairement les dommages causés ;<br />
41<br />
26 ème feuillet.<br />
Que concernant les preuves, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’ils fon<strong>de</strong>nt leur action<br />
sur le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong> NSANGANIRA qui a expliqué comment les massacres ont été<br />
planifiés et mis à exécution, sur le fait que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel a reconnu<br />
que c’est lui qui a mis sur pied le comité qualifié comme étant chargé <strong>de</strong> la sécurité et ce, <strong>de</strong> sa<br />
propre initiative, ainsi que sur les témoignages <strong>recueil</strong>lis tant par le parquet que par le Tribunal<br />
dont celui <strong>du</strong> conseiller DUSINGIZIMANA Israël qui a expliqué comment ils ont été autorisés à<br />
tuer les Tutsi et à s’emparer <strong>de</strong> leurs biens, qu’il relève que le Tribunal a effectué une <strong>de</strong>scente<br />
sur les lieux <strong>de</strong>s faits ;<br />
Que Maître NKIRIKIYIMFURA Innocent dit qu’en droit, leur action est fondée spécialement
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
sur les Conventions internationales dont celle <strong>du</strong> 09/12/48 relative à la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité, celle <strong>de</strong> Genève portant sur la protection <strong>de</strong>s<br />
personnes civiles en temps <strong>de</strong> guerre ainsi que celle <strong>du</strong> 26/11/1968 relative à l’imprescriptibilité<br />
<strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité, <strong>de</strong> même que sur la Loi organique n°<br />
08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s crimes contre l'humanité commises entre le 1/10/1990 et le 31/12/1994, sur le<br />
Co<strong>de</strong> pénal rwandais en ce qui concerne les infractions d’assassinat, <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s biens et<br />
d’animaux, <strong>de</strong> pillage, <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles, d’enlèvement et séquestration et d’autres ;<br />
Que l’action en dommages et intérêts est fondée sur les articles 135 et 136 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
d’organisation et compétence judiciaires, sur les articles 71 et 72 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale,<br />
sur l’article 91 <strong>de</strong> la Loi organique n° 40/2000 <strong>du</strong> 26/01/2001 portant création <strong>de</strong>s juridictions<br />
GACACA, sur les articles 27 à 32 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/01/1996 sur la répression<br />
<strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, sur les articles 258, 259 et 260 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> civil livre V ainsi que les articles 197 à 211<br />
<strong>du</strong> Co<strong>de</strong> civil livre I ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, dit qu’elles<br />
réclament <strong>de</strong>s dommages moraux fondés sur la douleur ressentie suite à la perte <strong>de</strong>s parents<br />
proches qui leur étaient chers ainsi que <strong>de</strong>s dommages matériels fondés sur la perte <strong>de</strong> leurs<br />
biens qui ont été pillés, détruits, et <strong>de</strong>s maisons incendiées, ces dommages étant conçus ainsi<br />
comme suit :<br />
1. DOMMAGES MORAUX<br />
LIENS DE PARENTE DOMMAGES MORAUX RECLAMES<br />
Perte d’un parent, père ou mère 10.000.000 Frw<br />
Perte d’un enfant 8.000.000 Frw<br />
Perte d’un frère ou sœur<br />
Perte <strong>de</strong> tout autre parent proche (neveu ou<br />
5.000.000 Frw<br />
nièce, oncle paternel, tante maternelle, …)<br />
3.000.000 Frw<br />
1. DOMMAGES MATERIELS<br />
BIENS ENDOMMAGES DOMMAGES MATERIELS RECLAMES<br />
1. Une vache d’origine rwandaise (sic)<br />
2. Une vache d’origine étrangère 300.000 Frw<br />
3. Une chèvre 20.000 Frw<br />
4. Une poule 2.000 Frw<br />
5. Un lapin 1.000 Frw<br />
6. Une maison en bois couverte <strong>de</strong> tôles 2.000.000 Frw<br />
7. Une maison en briques cuites avec <strong>de</strong>s<br />
portes métalliques 5.000.000 Frw<br />
8. Articles ménagers 5.000.000 Frw<br />
9. Récoltes 1.000.000 Frw<br />
42<br />
27 ème feuillet
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’il réclame en faveur <strong>de</strong><br />
MUSAYIDIRE Eugénie <strong>de</strong>s dommages moraux <strong>de</strong> 10.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> sa mère<br />
MUKANGWIJE Suzanne, 5.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> son frère NGARAMBE, 3.000.000<br />
Frw pour la perte <strong>de</strong> sa tante maternelle MUKARUBUGA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent réclame en faveur <strong>de</strong><br />
NYIRANTEGEYINKA Véronique <strong>de</strong>s dommages moraux <strong>de</strong> 3.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong><br />
MUJAWAYEZU Catherine l’épouse <strong>de</strong> NYAMPIRIRA qui était sa belle-sœur, 3.000.000 Frw<br />
pour la perte <strong>de</strong> KAYITESI la fille <strong>de</strong> RUBINDO qui était sa nièce, ainsi que <strong>de</strong>s dommages<br />
matériels <strong>de</strong> 23.200.000 Frw ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles réclame en faveur <strong>de</strong> MUNYANSHONGORE<br />
10.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> sa mère NYIRABANAMA, 10.000.000 Frw en faveur <strong>de</strong><br />
MUKARUBAYIZA pour la perte <strong>de</strong> sa mère NYIRABANAMA Cécile, qu’il ne réclame<br />
cependant pas <strong>de</strong> dommages matériels en faveur <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux parties civiles ;<br />
Atten<strong>du</strong> également que le Conseil <strong>de</strong>s parties civiles réclame en faveur <strong>de</strong> RWAGATARE Jean<br />
<strong>de</strong>s dommages moraux <strong>de</strong> 10.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> sa mère MUKARUZIMA qui était<br />
l’épouse <strong>de</strong> KIMONYO G., 5.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> sa sœur UWAYEZU qui était<br />
l’épouse <strong>de</strong> KANYABIHOHO, 3.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>s victimes suivantes :<br />
sa belle-sœur MUKARUSHEMA Grâce l’épouse <strong>de</strong> KADENESI et ses quatre enfants<br />
MUKASHYAKA Olive, KIBWANA, NKURIKIYIMFURA et SHEMA, ainsi que <strong>de</strong>s<br />
dommages matériels <strong>de</strong> 15.342.000 Frw, tous étant à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel et<br />
NSANGANIRA Eugène ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat <strong>de</strong>s parties civiles, poursuit en disant<br />
que sur base <strong>de</strong> l’article 207 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> d’organisation et compétence judiciaires il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Tribunal <strong>de</strong> leur accor<strong>de</strong>r le bénéfice <strong>de</strong> l’exécution provisoire, qu’il termine en <strong>de</strong>mandant<br />
également au Tribunal <strong>de</strong> déclarer recevables et fondées l'action <strong>du</strong> Ministère Public et l’action<br />
civile, les prévenus reconnus coupables <strong>de</strong>vant être condamnés au paiement <strong>de</strong>s dommages<br />
intérêts en fonction <strong>de</strong> la catégorie à laquelle ils sont rattachés ;<br />
43<br />
28 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter son réquisitoire, l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit qu’il ne peut<br />
rien dire d’autre sinon faire ses réquisitions à charge <strong>de</strong>s prévenus, qu’il poursuit en disant que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel était une autorité au niveau <strong>du</strong> secteur à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, qu’il<br />
fait dès lors partie <strong>de</strong>s organisateurs et <strong>de</strong>s exécutants <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, que c’est ainsi qu’il a pris<br />
part à <strong>de</strong>ux réunions après lesquelles il a érigé <strong>de</strong>s barrières et mis sur pied <strong>de</strong>s comités soidisant<br />
chargés <strong>de</strong> la sécurité dont les membres ont tué <strong>de</strong> nombreuses victimes tel que cela figure<br />
au dossier, qu'il a personnellement pris part aux attaques comme le dit MUJAWIMANA qui<br />
affirme que NTEZIRYAYO Emmanuel dirigeait l’attaque qui a été menée chez eux, qu’il<br />
disposait <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> mort dans son secteur ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public poursuit en disant que NSANGANIRA plai<strong>de</strong><br />
coupable et met en cause son coprévenu, que même si NTEZIRYAYO ne pouvait pas sortir <strong>de</strong> la<br />
maison, il doit cependant répondre <strong>de</strong>s actes qui ont été commis par les personnes qu’il avait la<br />
charge <strong>de</strong> diriger, que même s’il plai<strong>de</strong> non coupable il reconnaît avoir mis sur pied le comité<br />
préten<strong>du</strong>ment chargé <strong>de</strong> la sécurité, qu’il requiert que l’intéressé soit rangé dans la première
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
catégorie et puni <strong>de</strong> la peine <strong>de</strong> mort, que NSANGANIRA Eugène ayant recouru à la procé<strong>du</strong>re<br />
d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité qui a été acceptée, il requiert qu’il soit rangé dans la<br />
<strong>de</strong>uxième catégorie et puni <strong>de</strong> la peine d’emprisonnement à perpétuité, qu’il requiert enfin que<br />
NTEZIRYAYO et NSANGANIRA soient condamnés au paiement <strong>de</strong>s frais d’instance et qu’il y<br />
ait disjonction <strong>de</strong>s poursuites à charge <strong>de</strong>s prévenus non i<strong>de</strong>ntifiés ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il<br />
ne peut pas payer les dommages intérêts car il n’a commis aucune infraction, que si cependant le<br />
Tribunal estime sa culpabilité établie, <strong>de</strong>s dommages intérêts peuvent être alloués aux parties<br />
civiles ; qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il n’y a pas une exagération dans les dommages intérêts<br />
réclamés relativement aux maisons, il répond que c’est la vérité et qu’il ne peut formuler aucune<br />
contestation sur ce point, qu’il dit que ce que dit l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public est faux car le<br />
comité dont il est question a été désigné par la population qui l’a d’ailleurs confirmé lors <strong>de</strong>s<br />
témoignages, qu’il n’a pas procédé par discrimination dans la délivrance <strong>de</strong>s pièces aux gens<br />
comme le dit l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public car, il délivrait ces pièces à ceux qui avaient per<strong>du</strong><br />
leurs cartes d’i<strong>de</strong>ntité et à ceux qui le lui <strong>de</strong>mandaient, qu’il termine en disant que la<br />
catégorisation d’un prévenu doit être faite en fonction <strong>de</strong>s infractions commises par lui, qu’il<br />
revient au Tribunal d’examiner s’il en a réellement commis ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NSANGANIRA Eugène dit qu’il n’a<br />
pas suffisamment <strong>de</strong> connaissances juridiques, et qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à son Conseil d’intervenir, que<br />
le Tribunal lui dit que celui-ci peut l’assister mais qu’il faut qu’il présente sa défense d’abord,<br />
que l’intéressé dit alors qu’il plai<strong>de</strong> coupable d’avoir mangé <strong>du</strong> bétail et emporté <strong>de</strong>s tuiles, <strong>de</strong>s<br />
tôles, ainsi que la baratte <strong>de</strong> MUKANGWIJE, qu’il doit en principe répondre <strong>de</strong>s dommages<br />
qu’il a causés, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’examiner attentivement les faits et qu’il est prêt à se<br />
plier à sa décision à part qu’il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment il pourra payer les dommages intérêts dès<br />
lors qu’il est en prison ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit au Tribunal <strong>de</strong> leur accor<strong>de</strong>r une<br />
exécution provisoire en ce qui concerne les dommages et intérêts car les actes qui ont été<br />
perpétrés sont atroces ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SEMANDA Cyridion, Conseil <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène, invité à faire sa<br />
plaidoirie, commence par rappeler les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène est<br />
poursuivi et le fait qu’il a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ; qu’il dit<br />
que cela est un acte courageux <strong>de</strong> sa part, que les aveux <strong>de</strong> son client concor<strong>de</strong>nt par ailleurs<br />
avec les éléments que le Ministère Public a <strong>recueil</strong>lis au cours <strong>de</strong> l’enquête et que c’est pourquoi<br />
il les a acceptés, qu’il ne comprend cependant pas comment il est qualifié <strong>de</strong> tueur <strong>de</strong> renom<br />
alors qu’il n’a tué qu’une seule victime étant donné qu’en général, le tueur <strong>de</strong> renom est celui qui<br />
a eu une renommée à cause <strong>du</strong> zèle qui l'a caractérisé et qui a tué beaucoup <strong>de</strong> victimes tel que<br />
cela figure dans le commentaire <strong>de</strong> Daniel <strong>de</strong> BEER sur la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996<br />
relative à la répression <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
44<br />
29 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NSANGANIRA Emmanuel dit que son client <strong>de</strong>vrait être rangé dans la
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
<strong>de</strong>uxième catégorie et bénéficier d’une diminution <strong>de</strong> la peine, qu’il mérite à ce titre d’être<br />
condamné à la peine allant <strong>de</strong> 7 à 11 ans car il a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité avant les poursuites et que cela constitue une circonstance atténuante qui <strong>de</strong>vrait<br />
entraîner une diminution <strong>de</strong> la peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertu <strong>de</strong> l’article 83, 3°<br />
<strong>du</strong> livre I <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que relativement aux dommages intérêts réclamés, Maître SEMANDA Cyridion dit<br />
qu’ils doivent être alloués en fonction <strong>de</strong> l’économie <strong>du</strong> pays, que les biens qui ont fait l’objet <strong>de</strong><br />
réparation ne doivent pas être pris en compte, que les parties civiles doivent en outre prouver les<br />
liens <strong>de</strong> parenté qu’ils ont avec les victimes tuées ainsi que le lien <strong>de</strong> causalité entre les<br />
dommages subis et les actes commis par les prévenus ; que chacun <strong>de</strong>s prévenus doit être<br />
responsable <strong>de</strong>s dommages qu’il a causés sans que ceux-ci soient l’objet d’une évaluation<br />
excessive, que celui qui réclame <strong>de</strong>s dommages intérêts en faveur <strong>de</strong>s orphelins doit pro<strong>du</strong>ire<br />
l’acte attestant que c’est lui qui a la charge <strong>de</strong> les é<strong>du</strong>quer, que <strong>de</strong>s dommages intérêts ne<br />
peuvent pas être alloués pour les biens qui ont été endommagés mais dont la valeur n’est pas<br />
clairement déterminée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SEMANDA Cyridion termine en <strong>de</strong>mandant au Tribunal <strong>de</strong> déclarer que<br />
NSANGANIRA a été entraîné dans les massacres par les autorités, et <strong>de</strong> lui accor<strong>de</strong>r le bénéfice<br />
d’une diminution <strong>de</strong> peine car il a dit la vérité sur les événements <strong>de</strong> 1994 et a ainsi facilité la<br />
tâche au Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, après avoir<br />
rappelé les préventions mises à charge <strong>de</strong> l’intéressé, dit qu’il en a plaidé non coupable car il n’a<br />
à aucune fois pratiqué la discrimination, qu’au contraire, en 1994, l’ex-conseiller <strong>du</strong> secteur<br />
BUSASAMANA en la personne <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, en collaboration avec le<br />
bourgmestre GISAGARA JMV, a poursuivi les miliciens Interahamwe et <strong>de</strong> la CDR si bien que<br />
GISAGARA a été tué pour cette raison, que face à cette situation la population <strong>de</strong><br />
BUSASAMANA a <strong>de</strong>mandé au conseiller <strong>de</strong> convoquer une réunion au cours <strong>de</strong> laquelle 10<br />
personnes ont été choisies pour être chargées <strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité, mais que le nommé<br />
MASONGA François, après avoir accédé au poste <strong>de</strong> bourgmestre, s’en est mêlé et a persécuté<br />
NTEZIRYAYO au motif qu’il a refusé <strong>de</strong> tuer les Tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre poursuit en disant que les preuves sur lesquelles le<br />
Ministère Public fon<strong>de</strong> ses poursuites à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO ne sont point fondées dès lors<br />
que les témoignages invoqués ne font pas ressortir clairement la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> son<br />
client, qu’ils évoquent seulement le fait qu’il a dirigé la réunion au cours <strong>de</strong> laquelle les dix<br />
personnes ont été désignées alors que cela ne constitue pas une infraction étant donné que ces<br />
personnes ont été élues par la population comme le témoin SINKUNDWANABOSE V. présenté<br />
par le Ministère Public l’a confirmé dans son audition figurant à la cote 17 <strong>du</strong> dossier, que le<br />
nommé NAHAYO Hassan parle <strong>de</strong> cette réunion sans en indiquer l’objet, que d’autres<br />
témoignages sont divergents à l’exemple <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> KANAZI Athanase et NTWALI Selemani<br />
relativement à l’assassinat <strong>de</strong> MUKANGWIJE Suzanne ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre continue en <strong>de</strong>mandant au Tribunal <strong>de</strong> ne point<br />
prendre en considération le témoignage <strong>du</strong> détenu DUSINGIZIMANA Israël, l’ex-conseiller <strong>du</strong><br />
secteur MUSHIRARUNGU, qui veut attribuer à NTEZIRYAYO Emmanuel les actes qu’il a<br />
personnellement commis tels qu’ils sont confirmés par les rescapés qui, tout en affirmant que<br />
l’intéressé tuait les victimes et s’abreuvait <strong>de</strong> leur sang, remercient cependant NTEZIRYAYO <strong>de</strong><br />
45
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
les avoir sauvées, qu’une personne dont les mains sont tâchées <strong>de</strong> sang ne peut nullement<br />
souhaiter à quelqu’un d’autre <strong>de</strong> vivre en toute tranquillité, surtout que l’intéressé est allé dans le<br />
secteur que dirigeait le prévenu comme les témoins enten<strong>du</strong>s l’ont confirmé ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’environ 9 témoins enten<strong>du</strong>s par le Tribunal et<br />
dont la majorité est constituée <strong>de</strong> rescapés, ont affirmé qu’ils doivent d’être encore en vie à<br />
Emmanuel car il les a aidés en<br />
30 ème feuillet.<br />
leur délivrant <strong>de</strong>s pièces qui les faisaient passer pour <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> l’ethnie Hutu, qu’il l’a<br />
fait pour MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte qui était responsable <strong>de</strong> cellule qui a dit n’avoir<br />
connaissance d’aucun méfait <strong>de</strong> la part <strong>du</strong> prévenu, ainsi que pour MUKAMAZINA E. ,<br />
MUKAMURIGO Julienne, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, NYINAWINGERI et<br />
MUJAWIMANA qui ont toutes affirmé que le conseiller NTEZIRYAYO les a aidées,<br />
MUKAMAZINA ayant d’ailleurs remis au Tribunal la pièce qu’il lui a donnée dans ce but, que<br />
la déclaration <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène qui plai<strong>de</strong> coupable par laquelle il dit que c’est le<br />
conseiller qui, par l’intermédiaire <strong>du</strong> nommé Enéas, a autorisé l’assassinat <strong>de</strong>s victimes dont<br />
faisait partie MUKANGWIJE Suzanne est une pure invention, car il n’a pas fait cette révélation<br />
lors <strong>de</strong> son recours à la procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité figurant aux cotes 6, 7 et<br />
8 <strong>du</strong> dossier, que les témoignages <strong>de</strong>s détenus définitivement condamnés ne peuvent être<br />
examinés dès lors qu’ils sont frappés par la dégradation civique prévue à l’article 66 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal et sont donc déchus <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> témoigner ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître SAYINZOGA J. Pierre termine en <strong>de</strong>mandant au Tribunal <strong>de</strong> déclarer que<br />
NTEZIRYAYO a protégé sa population jusqu’au moment où il a été surpassé par les attaques<br />
venues d’autres secteurs, <strong>de</strong> déclarer non fondée l’action <strong>du</strong> Ministère Public, d’ordonner la<br />
libération immédiate <strong>de</strong> NTEZIRYAYO et <strong>de</strong> mettre les frais d’instance à charge <strong>de</strong><br />
NSANGANIRA Eugène qui plai<strong>de</strong> coupable ;<br />
Vu qu’en date <strong>du</strong> 30/11/2001, les parties ont dépose au Tribunal <strong>de</strong>s conclusions écrites, que<br />
Maître NKURIKIYIMFURA a saisi l’occasion pour remettre les pièces portant sur les liens <strong>de</strong><br />
parenté existant entre les parties civiles et les victimes et sur les biens endommagés ou pillés,<br />
toutes ces pièces ayant été délivrées par la mairie <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> NYANZA le 29/11/2001 ;<br />
Vu que les débats sont clos et que la date <strong>du</strong> prononcé est fixée au 30/11/2001 à 13 heures, que<br />
l’affaire est mise en délibéré ;<br />
Constate que l’action <strong>du</strong> Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;<br />
Constate que l’action civile est elle aussi recevable car elle est régulière en la forme ;<br />
Constate que le Ministère Public a engagé les poursuites à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel,<br />
NSANGANIRA Eugène et 21 autres prévenus non i<strong>de</strong>ntifiés pour les infractions suivantes :<br />
A charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène, NKUNDABAGENZI<br />
Alphonse, MPUNGIREHE Laurent, MIKWEGE, NCAMIHIGO Idrissa, RUGAMBA,<br />
BAJENEZA Damascène, RUFANGURA, JUMA, MISAGO Vianney, NDAGIJIMANA<br />
46
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Gérard, KAREGE Il<strong>de</strong>phonse et MUNYAMBUGA Phénéas :<br />
- Avoir à KAVUMU, BUSASAMANA, NYABISINDU, BUTARE, République Rwandaise,<br />
entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les<br />
articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal, organisé et mis à exécution le plan <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et<br />
d’autres crimes contre l’humanité.<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteurs, coauteurs ou<br />
complices, commis l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> lieu, en date <strong>du</strong> 22/04/1994, comme auteurs,<br />
coauteurs ou complices,<br />
47<br />
31 ème feuillet.<br />
assassiné NYIRABANAMA Cécile, NYIRABAKEKA Pauline et son enfant,<br />
MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE l’épouse <strong>de</strong> KADENESI et ses <strong>de</strong>ux enfants,<br />
l’épouse <strong>de</strong> Gervais, l’épouse <strong>de</strong> NYAMBIRIRA, l’épouse <strong>de</strong> KANYABIHOHO Xavier , la<br />
fille <strong>de</strong> RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI.<br />
A charge <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène, HAVUGIMANA Mussa, BAJENEZA,<br />
NKUNDABAGENZI et SHEMU :<br />
- Avoir, au même endroit que ci-<strong>de</strong>ssus, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis<br />
l’infraction <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong> pays par les massacres, les <strong>de</strong>structions <strong>de</strong> maisons et <strong>de</strong> bétail<br />
ainsi que les pillages<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, commis l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong><br />
domiciles d’autrui.<br />
Constate que seuls ont comparu NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugène<br />
respectivement assistés par Maître SAYINZOGA J. Pierre et Maître SEMANDA Cyridion <strong>du</strong><br />
Corps <strong>de</strong>s Défenseurs <strong>de</strong> KIGALI, que les 21 autres prévenus ne sont pas i<strong>de</strong>ntifiés ;<br />
Constate que 6 parties civiles se sont constituées à savoir MUSAYIDIRE Eugène,<br />
NYIRANTEGEYINKA Véronique, MUNYANSHONGORE Mussa, MUKARUBAYIZA,<br />
RWAGATARE Jean et KANYANDEKWE Eugène, toutes étant assistées par Maître<br />
NKURIKIYIMFURA I. lui aussi <strong>du</strong> Corps <strong>de</strong>s Défenseurs <strong>de</strong> KIGALI ;<br />
Constate que NSANGANIRA Eugène a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité qui a été acceptée par le Ministère Public et ensuite reçue par le Tribunal ;<br />
Constate que les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène plai<strong>de</strong> coupable à savoir<br />
celles <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, d’assassinat et spécialement les assassinats <strong>de</strong><br />
la vieille dame MUKANGWIJE Suzanne et d’une autre dame dont il n’a pas pu connaître le<br />
nom, <strong>de</strong> pillage, <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> bétail et <strong>de</strong> maisons, <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles, sont en<br />
concours idéal et qu’elles le rangent dans la catégorie 1 c à cause <strong>du</strong> zèle et <strong>de</strong> la méchanceté<br />
excessive qui l’ont caractérisé (L.O 08/96 art.2 cat.1c) ;
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Constate que même si les infractions commises par NSANGANIRA Eugène le rangent dans la<br />
première catégorie, son nom n’avait pas encore été publié sur la liste <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> la<br />
première catégorie tel que prévu par l’article 9 alinéa 2 <strong>de</strong> la Loi organique ci-haut citée, que son<br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ayant été reçu, il doit être classé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie et puni en<br />
vertu <strong>de</strong> l’article 18 <strong>de</strong> cette Loi organique ;<br />
Constate que le Ministère Public fon<strong>de</strong> ses poursuites à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel<br />
sur les témoignages affirmant que c’est lui qui a mis sur pied une association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
composée <strong>de</strong> 10 personnes dans le secteur dont il était le conseiller (BUSASAMANA) chargées<br />
<strong>de</strong> pourchasser les tutsi et qu’il a décidé les massacres <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers, ces témoignages émanant<br />
principalement <strong>de</strong> NTWALI Selemani, NAHAYO Hassan, SINKUNDWANABOSE Vérédianne<br />
et NSANGANIRA Eugène qui plai<strong>de</strong> coupable, et d’autres dont l’un a été condamné dans<br />
l’affaire RMP 49457/S7/NKR/MSD ;<br />
48<br />
32 ème feuillet.<br />
Constate que NTEZIRYAYO Emmanuel plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong> toutes les infractions en disant<br />
que le Ministère Public n’a pas accédé à son souhait exprimé <strong>de</strong> voir mener une enquête dans le<br />
secteur qu’il dirigeait, qu’il affirme n’avoir tué ou agressé personne, mais qu’il a au contraire<br />
protégé <strong>de</strong> nombreuses personnes parmi celles qui étaient pourchassées et cite comme témoins à<br />
sa décharge quelques-unes d’elles notamment MUKASHARANGABO Berna<strong>de</strong>tte qui était<br />
responsable <strong>de</strong> cellule KIVUMU dans le secteur BUSASAMANA, MUKAMURIGO Julienne,<br />
MUKAMAZINA Eustochie, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, et d’autres qui ont été témoins<br />
<strong>de</strong> sa con<strong>du</strong>ite dont RWANDENZI et ICYIMPAYE ;<br />
Constate que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, affirme que<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel a été un bon dirigeant à l’époque où les fonctions <strong>de</strong> bourgmestre<br />
étaient exercées par GISAGARA JMV qui a été tué au motif qu’il avait rejeté toute<br />
discrimination au sein <strong>de</strong> la population sous ses ordres, mais qu’il a changé quand MASONGA<br />
François a accédé à ce poste et s’est joint aux malfaiteurs, cette affirmation étant également<br />
soutenue par KANYANDEKWE Eugène le frère <strong>de</strong> feu GISAGARA ;<br />
Constate que le Tribunal, lors <strong>de</strong> son enquête faite dans le secteur BUSASAMANA, ville <strong>de</strong><br />
NYANZA, où une population nombreuse étai présente, a <strong>de</strong>mandé si quelqu’un a quelque chose<br />
à dire sur NTEZIRYAYO Emmanuel qui exerçait les fonctions <strong>de</strong> conseiller à l’époque <strong>du</strong><br />
génoci<strong>de</strong>, que seuls <strong>de</strong>s témoins à décharge ont pris la parole à savoir NYINAWINGERI qui a<br />
affirmé qu’elle lui doit la vie et a pro<strong>du</strong>it la pièce tenant lieu <strong>de</strong> carte d’i<strong>de</strong>ntité qu’il lui a donnée<br />
le 27/05/1994 mentionnant qu’elle est <strong>de</strong> l’ethnie Hutu pour la protéger en cas <strong>de</strong> nécessité, ainsi<br />
que MUJAWIMANA Collette qui a affirmé que NTEZIRYAYO Emmanuel l’a aidée jusqu’à ce<br />
que le militaire <strong>du</strong> nom <strong>de</strong> RWAKIBIBI Emmanuel intervienne ;<br />
Constate que les preuves invoquées par le Ministère Public en soutien aux poursuites contre<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel ne sont pas fondées car aucun <strong>de</strong>s témoignages pro<strong>du</strong>its ne montre la<br />
part <strong>de</strong> responsabilité <strong>du</strong> prévenu dans le génoci<strong>de</strong> et les autres infractions qui ont été commis<br />
dans le secteur qu’il dirigeait, l’accusation d’avoir désigné les 10 personnes dont il est question<br />
étant fausse, car les personnes enten<strong>du</strong>es dont <strong>de</strong>s rescapés affirment que ces personnes ont été<br />
élues par toute la population sans distinction, qu’il est également faux <strong>de</strong> dire que c’est lui qui<br />
décidait <strong>de</strong> tuer les victimes, car au contraire, la population a affirmé qu’il a tout fait pour les<br />
protéger en leur donnant <strong>de</strong>s pièces, en remplacement <strong>de</strong> cartes d’i<strong>de</strong>ntité qui mentionnaient<br />
l’ethnie menacée à savoir celle <strong>de</strong>s Tutsi ;
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Constate qu’il est aussi faux <strong>de</strong> dire que NTEZIRYAYO Emmanuel a changé quand<br />
MASONGA François a accédé au poste <strong>de</strong> bourgmestre et s’est joint aux malfaiteurs car il a été<br />
établi qu’il n’a jamais été caractérisé par <strong>de</strong>s idées discriminatoires, surtout qu’il a délivrés les<br />
pièces susmentionnées à l’époque où MASONGA François était en fonction ;<br />
Constate que l’argument <strong>de</strong> Maître SEMANDA Cyridion tendant à obtenir que NSANGANIRA<br />
Eugène puisse bénéficier d’une diminution <strong>de</strong> peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertu<br />
<strong>de</strong>s articles 15 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 et 83 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal au motif qu’il a été entraîné<br />
dans les massacres par les autorités et qu’il ne peut être rangé dans la première catégorie car il<br />
n’a tué qu’une seule victime n’est pas fondé car son client a avoué avoir tué <strong>de</strong>ux victimes en<br />
compagnie d’autres tueurs et qu’il a fait preuve d’une méchanceté excessive en faisant usage<br />
d’une arme particulière que les autres ne portaient pas (une hache) lors <strong>de</strong> l’assassinat d’une<br />
vieille dame avec laquelle il avait vécu en très bonnes relations ;<br />
Constate que l’argument <strong>de</strong> Maître SAYINZOGA J. Pierre tendant à obtenir l’acquittement <strong>de</strong><br />
NTEZIRYAYO Emmanuel pour défaut <strong>de</strong> preuves tangibles est fondé tel que dit aux 13 ème et<br />
14 ème exposés <strong>de</strong>s motifs ;<br />
49<br />
33 ème feuillet.<br />
Constate que les dommages intérêts réclamés doivent être alloués en fonction <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong><br />
parenté existant entre les parties civiles et les victimes tuées, mais qu’ils doivent être évalués ex<br />
æquo et bono car ceux qui sont réclamés sont excessifs alors qu’en principe l’être humain n’a<br />
pas <strong>de</strong> prix, et que les dommages matériels doivent être alloués en fonction <strong>de</strong> la valeur réelle<br />
<strong>de</strong>s biens endommagés, pillés ou détruits, que ces dommages intérêts doivent être mis<br />
solidairement à charge <strong>de</strong>s personnes reconnues coupables et <strong>de</strong> l’Etat qui reconnaît sa<br />
responsabilité dans le génoci<strong>de</strong> et ce, conformément à l’article 91 <strong>de</strong> la Loi organique n°<br />
40/2000 <strong>du</strong> 26/01/2001 portant création <strong>de</strong>s juridictions GACACA ;<br />
Constate que <strong>de</strong>s dommages intérêts ne peuvent être alloués à KANYANDEKWE qui s’est<br />
constitué partie civile en cette affaire car le Tribunal n’a pas été saisi <strong>de</strong> l’infraction à la base <strong>de</strong><br />
son action ;<br />
PAR CES MOTIFS ;<br />
Vu la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, la Convention <strong>de</strong><br />
Genève <strong>du</strong> 12 août 1949 sur la protection <strong>de</strong>s personnes civiles en temps <strong>de</strong> guerre et celle <strong>du</strong><br />
26/11/1968 sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité ;<br />
Vu la Loi fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise, spécialement la Constitution <strong>du</strong> 10 juin<br />
1991 telle que modifiée et complétée à ce jour, spécialement aux articles non modifiés, 12, 14,<br />
16, 22, 34, 86-88, 91,95 et le Protocole <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong> Paix relatifs au partage <strong>du</strong> pouvoir,<br />
spécialement aux articles 25-26 ;<br />
Vu le Décret-loi n° 09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et <strong>de</strong> compétence<br />
judiciaires, spécialement les articles 6-12, 47, 57, 76, 77, 85, 87, 88, 104, 107, 108, 118, 119,<br />
129, 135, 136, 199, 201 ;<br />
Vu la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er<br />
octobre 1990, spécialement les articles 1, 2, 4, 6, 8, 9, 10, 17, 18, 24, 29, 36, 37, et 39 ;
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée à ce jour,<br />
spécialement les articles non modifiés à savoir 16, 19, 20, 24, 25, 26, 37, 40, 41, 59, 61, 63, 71,<br />
73, 80, 81, 90, 130, 138 ;<br />
Vu le Décret-loi n° 21/77 <strong>du</strong> 18/08/1977 instituant le Co<strong>de</strong> pénal tel que complété à ce jour,<br />
spécialement les articles 28, 30, 32, 33, 34, 39-39, 66,(1°,3° et 5°), 90-92, 93, 94, 95, 168, 281,-<br />
283, 304, et 311 ;<br />
Vu l’article 258 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> civil livre III ;<br />
Vu la Loi n° 03/97 <strong>du</strong> 19/03/1997 portant création <strong>du</strong> barreau rwandais, spécialement les articles<br />
1, 2, 6, 49-50 ;<br />
50<br />
34 ème feuillet.<br />
Vu la Loi n° 40/2000 <strong>du</strong> 26/01/2001 portant création <strong>de</strong>s juridictions GACACA spécialement<br />
l’article 91 ;<br />
STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;<br />
Déclare recevables, l’action <strong>du</strong> ministère Public et l’action civile car elles sont régulières en la<br />
forme, et les déclare partiellement fondées ;<br />
Déclare établies à charge <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène les infractions qui lui sont reprochées,<br />
qu’elles le rangent dans le première catégorie et sont en concours idéal, qu’il doit en être puni tel<br />
qu’expliqué <strong>du</strong> 6 ème au 8 ème exposés <strong>de</strong>s motifs, qu’il doit être puni par la peine la plus sévère ;<br />
Déclare non établies à charge <strong>de</strong> NTEZIRYAYO Emmanuel les infractions qui lui sont<br />
reprochées tel qu’expliqué <strong>du</strong> 12 ème au 14 ème et au 16 ème exposés <strong>de</strong>s motifs ;<br />
Déclare que <strong>de</strong>s dommages intérêts doivent être alloués à MUSAYIDIRE Eugène,<br />
NYIRANTEGEYINKA Véronique, MUNYANSHONGORE Mussa, MUKARUBAYIZA et<br />
RWAGATARE Jean car ils ont pro<strong>du</strong>it les attestations qui leur ont été délivrées par la mairie <strong>de</strong><br />
la ville <strong>de</strong> NYANZA sur leurs liens <strong>de</strong> parenté avec les victimes tuées tel qu’expliqué eu 17 ème<br />
exposé <strong>de</strong>s motifs ;<br />
Déclare que NSANGANIRA Eugène perd la cause, que NTEZIRYAYO Emmanuel obtient gain<br />
<strong>de</strong> cause ;<br />
Ordonne à NSANGANIRA Eugène <strong>de</strong> payer la ½ <strong>de</strong>s frais d’instance s’élevant à 13.400 Frw<br />
dans le délai légal et édicte une contrainte par corps <strong>de</strong> 10 jours faute d’exécution volontaire,<br />
suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur ses biens ;<br />
Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à celle <strong>de</strong> dégradation civique prévue<br />
à l’article 66, 2°, 3°, et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
Acquitte NTEZIRYAYO Emmanuel <strong>de</strong>s infractions qui lui sont reprochées et ordonne sa<br />
libération immédiate ;
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
Condamne NSANGANIRA Eugène au paiement solidaire avec l’Etat rwandais <strong>de</strong> dommages<br />
moraux <strong>de</strong> 34.000.000 Frw et <strong>de</strong> dommages matériels <strong>de</strong> 15.202.000 Frw tel que figurant au<br />
tableau annexé à ce jugement, soit au total 49.202.000 Frw payables dans les trois mois et édicte<br />
une contrainte par corps d’un mois à l’encontre <strong>de</strong> NSANGANIRA Eugène faute d’exécution<br />
volontaire <strong>de</strong> sa part, suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée ;<br />
Ordonne à NSANGANIRA Eugène <strong>de</strong> payer le droit proportionnel <strong>de</strong> 4% équivalent à 1.196.080<br />
Frw : 2 = 984.040 Frw dans le délai légal sinon exécution forcée sur ses biens ;<br />
Déci<strong>de</strong> la disjonction <strong>de</strong>s poursuites à charge <strong>de</strong>s prévenus ci-après :<br />
1. MUSAFIRI<br />
51<br />
35 ème feuillet.<br />
2. NKUNDABAGENZI Alphonse 13. RUGAMBA<br />
3. HABIYAMBERE 14. BAJENEZA Damascène<br />
4. MNYANKUNDI 15. RUFANGURA<br />
5. SEMBU 16. JUMA<br />
6. NTAGANZWA 17. MISAGO Vianney<br />
7. MASONGA François 18. Gérard<br />
8. NDAGIJIMANA 19. KAREGE Ildéphonse<br />
9. SEGEMA 20. MUNYAMBUGA Phénéas<br />
10. MPUNGIREHE Laurent 21. SHEMU<br />
11. MIKWEGE<br />
12. NCAMIHIGO<br />
Rappelle que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 30/11/2001 PAR LE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE SIEGEANT EN ITINERANCE A<br />
NYANZA DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE : MUHIZI Samuel, Prési<strong>de</strong>nt,<br />
RWENYAGUZA Emmanuel ET MUREKEZI Eugène, Juges, EN PRESENCE DE<br />
L’OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC SHUMBUSHO Daniel ET DU GREFFIER<br />
NAKAREMA Nadine.<br />
JUGE PRESIDENT JUGE<br />
RWENYAGUZA Emmanuel MUHIZI Samuel MUREKEZI Eugène<br />
(sé) (sé) (sé)<br />
Victimes tuées Liens <strong>de</strong><br />
parenté<br />
GREFFIER<br />
NAKAREMA Nadine<br />
Dommages<br />
moraux<br />
Dommages<br />
matériels<br />
Condamnés au<br />
paiement <strong>de</strong>s<br />
dommages<br />
intérêts
RP 84/2/2001 JUGEMENT <strong>du</strong> 30/11/2001<br />
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE<br />
1.Musayidire<br />
Eugénie<br />
1.Mukangwije<br />
Suzanne<br />
Sa mère 5.000.000 Frw 6.200.000 Frw Nsanganira<br />
Eugène et l’Etat<br />
rwandais<br />
2. Ngarambe Son frère 3.000.000 Frw - ‘’<br />
3.Mukarubuga Sa tante 1.000.000 Frw - ‘’<br />
Catherine maternelle<br />
TOTAL 9.000.000 Frw 6.200.000 Frw ‘’<br />
2. Nyirantegeyinka 1. Mujawayezu Sa belle 1.000.000 Frw ‘’<br />
Véronique Catherine soeur<br />
2. Kayitesi Sa nièce 1.000.000 Frw 5.240.000Frw ‘’<br />
TOTAL 2.000.000Frw 5.240.000 Frw ‘’<br />
3. Munyanshongore 1.Nyirabanani Sa mère 5.000.000 Frw - ‘’<br />
Mussa<br />
Cécile<br />
TOTAL 5.000.000 Frw<br />
4. Mukarubayiza Nyirabanama<br />
Cécile<br />
5. Rwagatare Jean 1.Mukamuzima<br />
52<br />
36 ème feuillet.<br />
Sa mère 5.000.000 Frw - Nsanganira<br />
Eugène et l’Etat<br />
rwandais<br />
Sa mère 5.000.000 Frw<br />
2.Uwayezu Son frère 3.000.000 Frw<br />
3.Mukarushema Sa belle 1.000.000 Frw 3.962.000 Frw<br />
Grâce sœur<br />
4.Mukashyaka Sa belle 1.000.000 Frw<br />
Olive sœur<br />
5.Kibwana Son beau<br />
frère<br />
1.000.000 Frw<br />
6.Nkurikiyimfu Son beau 1.000.000 Frw<br />
ra<br />
frère<br />
Son beau 1.000.000 Frw<br />
7.Shema frère<br />
TOTAL 13.000.000 Frw 3.962.000 Frw
. 53
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE BYUMBA<br />
. 54
. 55
N°2<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> BYUMBA<br />
<strong>du</strong><br />
02 mai 1997.<br />
MINISTÈRE PUBLIC C/ KANYABUGANDE François et Consorts.<br />
ACQUITTEMENT − ACTION CIVILE (DISJONCTION DE) − ASSASSINAT (ART. 312<br />
CP) − ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281 ET 282 CP) − ATTENTAT<br />
AYANT POUR BUT DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE OU LE<br />
PILLAGE (ART.168 CP) − AVEUX (COMPLETS; VALIDITE DE; RETRACTATION<br />
DE) − CATEGORISATION (ART. 2 L.O. 30/8/96; 1 ère CATEGORIE; PLANIFICATION,<br />
POSITION D'AUTORITE - TUEUR DE GRAND RENOM ; 2 ème CATEGORIE) −<br />
CIRCONSTANCES ATTENUANTES − CONNEXITE -CONFLIT D'INTERETS DANS<br />
LA DEFENSE − CRIME DE GENOCIDE − DEGRADATION CIVIQUE −<br />
DEONTOLOGIE DES AVOCATS – DESTRUCTION VOLONTAIRE DE<br />
CONSTRUCTIONS APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) − DETENTION<br />
ILLEGALE D'ARME A FEU (DECRET-LOI DU 7 MAI 1979) −DROIT DE<br />
COMPARUTION PERSONNELLE − DROIT DE LA DEFENSE - DROIT D'ETRE<br />
ASSISTE D’UN AVOCAT− ENQUETE (COMPLEMENT D’) - JONCTION DE<br />
DOSSIERS − MEURTRE - NON-ASSISTANCE A PERSONNES EN DANGER (ART.<br />
256 al.1 CP) − PEINES (DE MORT; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE;<br />
EMPRISONNEMENT A TEMPS) − PREUVE (ABSENCE DE; TEMOIGNAGES;<br />
VALIDITE DE) -PROCEDURE D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE<br />
(AVANT POURSUITES; APRES POURSUITES ; POUR LA PREMIERE FOIS A<br />
L’AUDIENCE) − TENTATIVE D'ASSASSINAT (ARTS. 21, 22 ET 312 CP) −<br />
USURPATION DE FONCTIONS OU TITRES (ART. 217 CP) − VIOLATION DE<br />
DOMICILE (ART. 304 CP) − VOL AVEC VIOLENCE (ART. 401 CP).<br />
1. Procé<strong>du</strong>re - nouveaux dossiers liés au dossier initial − jonction <strong>de</strong>s dossiers – complément<br />
d’enquête - remise.<br />
2. Défense <strong>de</strong>s prévenus − conflit d'intérêts entre prévenus − déontologie - désistement <strong>de</strong><br />
l’avocat.<br />
3. Droit <strong>de</strong> comparution personnelle <strong>de</strong>s prévenus − droit <strong>de</strong> prendre part aux débats sur sa<br />
cause.<br />
4. 1 er prévenu − infractions non établies (détention illégale d'armes à feu, usurpation <strong>de</strong><br />
fonctions ou titres pour ériger <strong>de</strong>s barrières et vols à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> violence).<br />
. 56
5. 1 er prévenu − infractions établies (association <strong>de</strong> malfaiteurs, assassinat, tentative<br />
d'assassinat, pillage et <strong>de</strong>struction, non-assistance à personnes en danger, violation <strong>de</strong><br />
domicile).<br />
6. 1 er prévenu – position d'autorité au niveau <strong>de</strong> la cellule − première catégorie (article 2- 1 b,<br />
Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996) − peine <strong>de</strong> mort et dégradation civique totale et perpétuelle.<br />
7. 2 ème prévenu − infractions établies (crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, non-assistance à personnes en<br />
danger) − infraction non établie (détention illégale d'arme à feu).<br />
8. 2 ème prévenu − position d'autorité (conseiller <strong>de</strong> secteur) − organisateur, encadreur et<br />
superviseur <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> − première catégorie (article 2-1 a et b Loi organique <strong>du</strong><br />
30/08/1996) − peine <strong>de</strong> mort et dégradation civique totale et perpétuelle.<br />
9. 3 ème prévenu − infractions établies (association <strong>de</strong> malfaiteurs, complicité d'assassinat,<br />
violation <strong>de</strong> domiciles, pillage et <strong>de</strong>struction).<br />
10. 3 ème prévenu - position d'autorité (responsable <strong>du</strong> parti MRND au niveau <strong>de</strong> cellule) −<br />
première catégorie − peine <strong>de</strong> mort et dégradation civique totale et perpétuelle.<br />
11. 4 ème et 6 ème prévenus − procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant poursuites 4 ème<br />
prévenu - tueur <strong>de</strong> grand renom (non) ;<br />
4 ème et 6 ème prévenus − <strong>de</strong>uxième catégorie −10 ans <strong>de</strong> prison (article 15 Loi organique <strong>du</strong><br />
30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).<br />
12. 10 ème , 12 ème , 14 ème et 16 ème prévenus − infractions établies (associations <strong>de</strong> malfaiteurs,<br />
assassinat, violation <strong>de</strong> domicile, pillage et <strong>de</strong>struction) − <strong>de</strong>uxième catégorie −<br />
emprisonnement à perpétuité et dégradation civique totale et perpétuelle.<br />
13. 5 ème , 7 ème , 8 ème , 11 ème 15 ème et 17 ème prévenus − procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité pour la première fois à l’audience − 2 ème catégorie − 12 ans <strong>de</strong> prison (article 16<br />
Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).<br />
14. 18 ème prévenu − infraction d'assassinat seule établie − <strong>de</strong>uxième catégorie − contrainte à la<br />
participation criminelle − circonstances atténuantes − 2 ans d'emprisonnement.<br />
15. 9 ème prévenu − absence <strong>de</strong> preuve <strong>du</strong> Ministère Public − témoignage à charge non crédible<br />
(vengeance) − prévenu ayant intercédé en vain pour les victimes − acquittement.<br />
1. Le Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et obtient la jonction au dossier initial <strong>de</strong>s dossiers connexes<br />
<strong>de</strong> personnes poursuivies comme coauteurs <strong>du</strong> prévenu principal et qui viennent <strong>de</strong> rentrer<br />
d'exil. Une remise est prononcée, afin <strong>de</strong> permettre au Ministère Public d’approfondir ses<br />
enquêtes.<br />
. 57
2. L’existence <strong>de</strong> conflits d’intérêts entre différents prévenus assistés par un même avocat<br />
justifie que celui-ci se retire <strong>de</strong> la défense <strong>de</strong> ceux qui n’avouent pas et sont mis en cause par<br />
d’autres qui eux, sont en aveux. Une remise est prononcée, afin <strong>de</strong> permettre aux prévenus<br />
dépourvus d’avocat d’exercer leur droit d’être assisté d’un conseil.<br />
3. Est écartée la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>du</strong> Ministère Public visant à ce que les prévenus qui n'avouent pas<br />
soient exclus <strong>de</strong> la salle d'audience au moment <strong>de</strong>s dépositions <strong>de</strong> ceux qui avouent; il est<br />
fait droit à l’argument <strong>de</strong> la défense selon lequel ces prévenus doivent pouvoir suivre<br />
l'affaire à leur charge et préparer ainsi leur défense, d’autant plus qu'ils sont mis en cause par<br />
ceux qui avouent.<br />
4. Les infractions <strong>de</strong> détention illégale d'armes à feu, d’usurpation <strong>de</strong> fonctions ou <strong>de</strong> titres par<br />
l’érection <strong>de</strong> barrières et celle <strong>de</strong> vols à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> violence ne sont pas établies à charge <strong>du</strong> 1 er<br />
prévenu:<br />
− La détention illégale d'armes à feu n'est pas établie, car le prévenu avait reçu le fusil qu'il<br />
détenait <strong>de</strong>s autorités compétentes.<br />
− L'infraction d'usurpation <strong>de</strong> fonctions ou <strong>de</strong> titres par l’érection <strong>de</strong> barrières n'est pas<br />
établie, car lesdites barrières ont été instituées par le régime <strong>de</strong> l'époque auquel il <strong>de</strong>vait<br />
obéissance en sa qualité <strong>de</strong> responsable <strong>de</strong> cellule.<br />
− L'infraction <strong>de</strong> vol avec violences n'est pas établie, car le Ministère Public n'a pas spécifié<br />
les objets qui auraient fait l’objet <strong>du</strong> vol et le prévenu n'en est pas accusé par les témoins<br />
à l'exception d'une plaignante dont la seule déclaration ne peut emporter la conviction <strong>du</strong><br />
Tribunal.<br />
5. Sont déclarées établies à charge <strong>du</strong> 1 er prévenu, les infractions <strong>de</strong> :<br />
− Association <strong>de</strong> malfaiteurs, car il est mis en cause par ceux qu'il dirigeait en sa qualité <strong>de</strong><br />
responsable <strong>de</strong> cellule, ainsi que par les membres <strong>de</strong>s familles <strong>de</strong>s victimes.<br />
− Assassinat, car les accusations <strong>de</strong> ses coprévenus, <strong>de</strong>s témoins résidant dans la cellule<br />
dont il était responsable et <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s familles <strong>de</strong>s victimes concor<strong>de</strong>nt à établir<br />
que toutes les victimes ont péri dans <strong>de</strong>s attaques qu’il dirigeait dans ce but.<br />
− Tentative d’assassinat, car il est constant que c’est lui qui a donné l’ordre <strong>de</strong> tirer sur trois<br />
personnes qui ont eu la chance <strong>de</strong> ne pas être atteintes.<br />
− Pillage et <strong>de</strong>struction, car <strong>de</strong> nombreux témoins l'en accusent, ces actes ayant été commis<br />
lors <strong>de</strong>s attaques menées par le prévenu.<br />
− Non-assistance à personnes en danger, car le prévenu, fort <strong>de</strong> sa qualité d’autorité et<br />
possédant un fusil, aurait pu défendre les victimes s'il n’avait pas fait partie <strong>de</strong>s attaques.<br />
− Violation <strong>de</strong> domicile, car ses co-prévenus ont confirmé que les membres <strong>de</strong>s attaques<br />
qu’il dirigeait s’intro<strong>du</strong>isaient dans les maisons à la recherche <strong>de</strong>s victimes à tuer.<br />
6. Le 1 er prévenu a commis les infractions établies à sa charge en qualité <strong>de</strong> responsable <strong>de</strong><br />
cellule. Le Tribunal le range en première catégorie en tant que personne ayant agi en<br />
position d'autorité et le condamne à la peine <strong>de</strong> mort et à la dégradation civique totale et<br />
perpétuelle.<br />
. 58
7. Les allégations <strong>du</strong> <strong>de</strong>uxième prévenu selon lesquelles les aveux qu’il avait formulés en cours<br />
d’instruction lui auraient été soutirés sous la contrainte ne sont pas crédibles, les aveux en<br />
question, consignés par écrit, proposant une <strong>de</strong>scription précise <strong>de</strong> la façon dont les<br />
massacres ont été organisés, et le prévenu ne fournissant aucune preuve <strong>de</strong> la torture qu’il<br />
invoque, comme <strong>de</strong>s certificats médicaux indiquant qu’il aurait dû se faire soigner par la<br />
suite. Le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est établi à sa charge, le prévenu ayant organisé, encadré et mis à<br />
exécution le génoci<strong>de</strong> en tenant <strong>de</strong>s réunions, en tant que conseiller <strong>de</strong> secteur, avec les<br />
responsables <strong>de</strong> cellules, réunions au cours <strong>de</strong>squelles il ordonnait que lui soient<br />
communiquées les listes <strong>de</strong>s victimes à tuer. L’infraction <strong>de</strong> non-assistance à personne en<br />
danger est établie, le prévenu ayant lui-même reconnu qu'il n'a pas mis fin aux massacres<br />
perpétrés dans le secteur dont il était le conseiller, et soutenant qu'il a défen<strong>du</strong> les biens <strong>de</strong> sa<br />
famille au détriment <strong>de</strong> la population.<br />
N'est pas, par contre, établie à charge <strong>du</strong> 2 ème prévenu, l'infraction <strong>de</strong> détention illégale<br />
d'arme à feu, le fusil qu'il détenait lui ayant été remis par l'autorité compétente.<br />
8. Le Tribunal range le 2 ème prévenu en première catégorie en tant que personne ayant agi en<br />
position d'autorité comme conseiller <strong>de</strong> secteur et en tant qu'organisateur, encadreur et<br />
superviseur <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>. Il le condamne à la peine <strong>de</strong> mort et à la dégradation civique totale<br />
et perpétuelle.<br />
9. Sont déclarées établies à charge <strong>du</strong> 3 ème prévenu, les infractions <strong>de</strong> :<br />
− Association <strong>de</strong> malfaiteurs, car les personnes qu'il prétend avoir secourues lors <strong>de</strong><br />
l'attaque le mettent en cause, <strong>de</strong> même que ses propres témoins à décharge.<br />
− Complicité d'assassinat, car les victimes ont été tuées par <strong>de</strong>s gens qui étaient dans le<br />
même groupe que lui, et il était responsable <strong>du</strong> parti MRND au niveau <strong>de</strong> la cellule<br />
− Violation <strong>de</strong> domicile, car le prévenu et les gens <strong>de</strong> son groupe s’intro<strong>du</strong>isaient dans les<br />
maisons pour en déloger les victimes.<br />
− Pillage et <strong>de</strong>struction, car ces actes ont été commis publiquement par le groupe dont il<br />
faisait partie au moment <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>.<br />
10. Les infractions retenues à charge <strong>du</strong> 3 ème prévenu ont été commises alors qu'il était<br />
responsable <strong>du</strong> parti politique MRND au niveau <strong>de</strong> la cellule. Le Tribunal le range en<br />
première catégorie en tant que personne ayant agi en position d'autorité au sein d'un parti<br />
politique au niveau <strong>de</strong> la cellule. Il est condamné à la peine <strong>de</strong> mort et à la dégradation<br />
civique totale et perpétuelle.<br />
11. Les aveux <strong>du</strong> 4 ème et <strong>du</strong> 6 ème prévenus qui ont recouru à la procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer<br />
<strong>de</strong> culpabilité avant les poursuites, sont acceptés.<br />
En dépit <strong>de</strong>s réquisitions <strong>du</strong> Ministère Public visant le classement <strong>du</strong> 4 ème prévenu en<br />
première catégorie en tant que tueur <strong>de</strong> grand renom, il est fait droit aux arguments <strong>de</strong> la<br />
défense selon laquelle les aveux d’un prévenu n’impliquent pas nécessairement la<br />
reconnaissance <strong>de</strong> la catégorisation proposée par le Ministère Public et l’acceptation <strong>de</strong> la<br />
peine requise. Les nombreux témoignages à charge <strong>de</strong> ce prévenu ne peuvent suffire à le<br />
qualifier <strong>de</strong> tueur <strong>de</strong> grand renom, aucun élément n’indiquant qu’il se serait « caractérisé par<br />
un zèle ou une méchanceté particulière par rapport à ses coauteurs ».<br />
. 59
Les <strong>de</strong>ux prévenus sont rangés dans la <strong>de</strong>uxième catégorie et en application <strong>de</strong>s ré<strong>du</strong>ctions<br />
<strong>de</strong> peines prévues à l'article 15 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996, ils sont condamnés<br />
chacun à 10 ans d'emprisonnement et à la dégradation civique limitée telle que prévue à<br />
l'article 66, 2°, 3° et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal.<br />
12. En dépit <strong>du</strong> fait qu’ils plai<strong>de</strong>nt non coupable, les infractions d'association <strong>de</strong> malfaiteurs,<br />
d’assassinat, <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domicile, <strong>de</strong> pillage et <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction sont établies à charge <strong>de</strong>s<br />
10 ème , 12 ème , 14 ème et 16 ème prévenus, car ils sont mis en cause par ceux qui, parmi leurs coprévenus,<br />
ont recouru à la procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité Ils sont rangés en<br />
<strong>de</strong>uxième catégorie et sont condamnés à l'emprisonnement à perpétuité ainsi qu'à la<br />
dégradation civique totale et perpétuelle.<br />
13. En application <strong>de</strong> l'article 11 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996, et nonobstant les<br />
réquisitions contraires <strong>du</strong> Ministère Public, tout prévenu peut recourir à la procé<strong>du</strong>re d'aveu<br />
tant que son audition n'est pas close; le bénéfice <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité présentée après poursuites est accordé aux 7 ème , 8 ème , 11 ème , 15 ème et 17 ème<br />
prévenus, qui avouent pour la première fois à l’audience et au 5 ème prévenu qui a avoué<br />
<strong>de</strong>vant le Tribunal, après avoir tenté <strong>de</strong> rétracter <strong>de</strong>s aveux qu’il avait faits <strong>de</strong>vant le<br />
Ministère Public . Ils sont rangés en <strong>de</strong>uxième catégorie et, en application <strong>de</strong>s ré<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong><br />
peines prévues à l'article 16 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996, sont condamnés chacun à<br />
12 ans <strong>de</strong> prison et à la dégradation civique limitée telle que prévue à l'article 66, 2°, 3°, 5°,<br />
<strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal.<br />
14. Seule l'infraction d'assassinat est établie à charge <strong>du</strong> 18 ème prévenu. Il est rangé en <strong>de</strong>uxième<br />
catégorie. Mais pour avoir été contraint à la participation criminelle par ses coauteurs qui lui<br />
ont donné un coup <strong>de</strong> machette pour l'obliger à tuer, il doit bénéficier <strong>de</strong> la clémence <strong>du</strong><br />
Tribunal. En raison <strong>de</strong> cette circonstance atténuante, il est condamné à 2 ans<br />
d'emprisonnement.<br />
15. Doivent être écartés comme non probants les témoignages <strong>de</strong>s personnes qui mettent en<br />
cause le 9 ème prévenu qui a toujours nié les faits, car il apparaît que leurs auteurs sont mus<br />
par la vengeance, le prévenu ayant tenté <strong>de</strong> les empêcher <strong>de</strong> tuer.<br />
En l'absence <strong>de</strong> preuves <strong>du</strong> Ministère Public, et au regard <strong>de</strong>s témoignages qui attestent <strong>de</strong> ce<br />
que ce prévenu a souvent intercédé, en vain, en faveur <strong>de</strong>s personnes qui allaient être tuées,<br />
le Tribunal le reconnaît innocent et l'acquitte <strong>de</strong> l'ensemble <strong>de</strong>s préventions à sa charge.<br />
(NDLR: Par arrêt en date <strong>du</strong> 09/12/1997 la Cour d’appel <strong>de</strong> Kigali a déclaré irrecevable<br />
l’appel <strong>de</strong>s prévenus et confirmé ce jugement).<br />
. 60
. 61
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
. 62<br />
1 er feuillet.<br />
LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE<br />
BYUMBA, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES<br />
CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 02/05/1997 LE JUGEMENT DONT LA<br />
TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE :LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
1- KANYABUGANDE François, fils <strong>de</strong> RWABUZISONI et GATO Alvère, né dans la cellule<br />
UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, âgé <strong>de</strong> 40 ans, marié à GATO<br />
Annonciata, possédant une propriété foncière, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus,<br />
actuellement en détention préventive.<br />
2- KAREKEZI Augustin, fils <strong>de</strong> KANGABO et NYIRAMAKUMI Daphrose , né en 1935 à<br />
AKURUSIZI, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, veuf, père <strong>de</strong> six enfants, <strong>de</strong> nationalité rwandaise,<br />
ancien conseiller <strong>du</strong> secteur GAKENKE, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus,<br />
actuellement en détention préventive.<br />
3- NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong>, fils <strong>de</strong> MPOGOMA Isidore et NYIRAMILIMA Astérie, né en<br />
1964 à GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA , République Rwandaise,<br />
sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention préventive.<br />
4- MUHOZI Samuel, fils <strong>de</strong> MPOGOMA et KANKINDI né en 1963 dans la cellule<br />
UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA ,<br />
République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, père d’un enfant, cultivateur,<br />
sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention préventive.<br />
5- NYILINKWAYA Pierre Damien alias Flèche, fils <strong>de</strong> GAKWAYA et KANZAYISA, né en<br />
1960 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture<br />
UMUTARA, République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, père <strong>de</strong> 4 enfants,<br />
possédant une propriété foncière et une plantation d’eucalyptus, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus, actuellement en détention préventive.<br />
6- RWAMAKUBA Hamada, fils <strong>de</strong> GAHILIMA et NYIRABAGENZI, né en 1960 dans la<br />
cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, marié, père <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants,<br />
cultivateur, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention préventive.<br />
7- MAKUZA Jean Damascène, fils <strong>de</strong> NGURUBE et KABAGWIRA, né en 1968 dans la<br />
cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, père d’un enfant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, cultivateur, possédant<br />
une propriété foncière, actuellement en détention préventive.<br />
2 ème feuillet.
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
8- GACACA Jérémie, fils <strong>de</strong> BINUGWA et NYIRAMPOGOMA, né en 1955 dans la cellule<br />
UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, marié, père <strong>de</strong> 8 enfants, <strong>de</strong> nationalité rwandaise,<br />
cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention<br />
préventive.<br />
9- NTUYEHE Simon, fils <strong>de</strong> GATEGABONDO et NYIRAMASENGESHO, né en 1954 à<br />
KAWANGIRE, commune RUKARA, préfecture UMUTARA, résidant dans la cellule<br />
UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA, <strong>de</strong><br />
nationalité rwandaise, marié à MUKANDANGA, père <strong>de</strong> 3 enfants, commerçant, possédant<br />
une maison et une propriété foncière, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en<br />
détention préventive.<br />
10- MUGABUSHAKA Jean Bosco, fils <strong>de</strong> RUKINGA Pierre et <strong>de</strong> MUKABAKUNDA Hélène,<br />
né en 1970 dans la cellule UMUREHE, commune GAKENKE, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, marié à UWIZEYE Vestine,<br />
père d’un enfant, cultivateur, possédant une propriété foncière, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus, actuellement en détention préventive.<br />
11- KARANGWA Jean, fils <strong>de</strong> GAKWAYA Cyprien et <strong>de</strong> KANSAYIZA Daphrose, né en<br />
1954 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture<br />
UMUTARA, République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, marié à<br />
MUKAKARANGWA Marie Jeanne, père <strong>de</strong> 6 enfants, cultivateur, possédant une propriété<br />
foncière, actuellement en détention préventive.<br />
12- RUKESHA Obed, fils <strong>de</strong> GAHENE et MUKANDANGA Thérésie, né en 1968 dans la<br />
cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, marié à MUKAGAFURAMA Marianne, père d’un<br />
enfant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, cultivateur, possédant une propriété foncière, sans<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention préventive<br />
13- NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney, fils <strong>de</strong> SEMBWA André et KAGAJU P., né en<br />
1964 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture<br />
UMUTARA, en République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, marié à<br />
MUKARUBAYIZA Bélancille, père <strong>de</strong> 4 enfants, cultivateur, possédant une propriété<br />
foncière, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention préventive.<br />
14- NTUYEMBARUSHA Jean Clau<strong>de</strong>, fils <strong>de</strong> GAKWAVU Tharcisse et NIBAGWIRE<br />
Consolée, né en 1968 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune<br />
MURAMBI, préfecture UMUTARA, République rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité<br />
rwandaise, marié à MUKAGASANA Daphrose, père <strong>de</strong> 3 enfants, cultivateur, possédant une<br />
propriété foncière et une maison, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en<br />
détention préventive.<br />
15- MUNYABUGINGO Augustin, fils <strong>de</strong> BINEGURO et <strong>de</strong> NYIRAMAREMBO, né en 1956<br />
dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture<br />
UMUTARA, République Rwandaise, y résidant, marié à MANIRAGUHA, père <strong>de</strong> 6 enfants,<br />
cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, en détention préventive.<br />
. 63
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
. 64<br />
3 ème feuillet.<br />
16- MBONABUCYA Cyprien, fils <strong>de</strong> GAKINGA et <strong>de</strong> NYIRABUHIHI, né en 1943 dans la<br />
cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, marié à MUKANGARAMBE,<br />
père <strong>de</strong> 9 enfants, cultivateur, possédant une bananeraie, un champ <strong>de</strong> caféiers et une<br />
plantation d’eucalyptus, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention<br />
préventive.<br />
17- HAVUGIMANA Jean Bosco, fils <strong>de</strong> GATARAYIHA et NIWEMUGORE, né en 1965 dans<br />
la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, marié à UWIMANA, père <strong>de</strong> 3<br />
enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention<br />
préventive.<br />
18- KAGINA Félicien, fils <strong>de</strong> SEMBWA André et KAGAJU Thérèse, né en 1953 dans la<br />
cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,<br />
République Rwandaise, y résidant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, marié à UWIMANA Marcienne,<br />
cultivateur, possédant une propriété foncière, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus,<br />
actuellement en détention préventive.<br />
PREVENTIONS :<br />
A) A charge <strong>de</strong> KANYABUGANDE François.<br />
Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture<br />
UMUTARA, République Rwandaise, entre le 1 er octobre 1990 et le 11 avril 1994, étant<br />
responsable <strong>de</strong> la cellule UMUREHE, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, infraction prévue par la<br />
Convention internationale <strong>du</strong> 9 décembre 1948 relative à la prévention et la répression <strong>du</strong> crime<br />
<strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, la Convention <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong> 12 août 1949 relative à la protection <strong>de</strong>s personnes<br />
civiles en temps <strong>de</strong> guerre et les Protocoles Additionnels et la Convention <strong>du</strong> 26 novembre 1968<br />
sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, formé, dirigé et supervisé un groupe <strong>de</strong><br />
malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi et les autres adversaires politiques au MRND<br />
et à la CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, et les articles 281 et 282 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, dirigé les expéditions meurtrières qui<br />
ont coûté la vie à GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIYINDA,<br />
BAZIGAGA Thérésie, NZEYIMANA, les membres <strong>de</strong> la famille NJONGO, la sœur <strong>de</strong><br />
SANKARA Aloys nommée UWIMANA, 6 fils <strong>de</strong> GATERA Claver qui se cachaient avec leur<br />
mère SUMWIZA Philomène, KAYIRANGA, et HABIMANA, infraction prévue et réprimée par<br />
les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) <strong>de</strong> la Loi organique supra-citée, et l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal rwandais livre II.<br />
Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/79 <strong>du</strong> 07<br />
mai 1979.<br />
Avoir, portant ce fusil, érigé une barrière à RUBILI où il a placé ses hommes pour intercepter les
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
gens qu’il qualifiait <strong>de</strong> complices <strong>de</strong>s INKOTANYI,<br />
. 65<br />
4 ème feuillet.<br />
infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) <strong>de</strong> la Loi organique ci-haut<br />
citée, et l’article 217 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
Avoir tenté d’assassiner les nommés Charles, NTAGANZWA Yahaya et MUNYANEZA<br />
Selemani sur lesquels il a tiré en les qualifiant <strong>de</strong> complices <strong>de</strong>s INKOTANYI mais n’a pas pu<br />
les atteindre suite aux circonstances indépendantes <strong>de</strong> sa volonté, infraction prévue et réprimée<br />
par l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique précitée, et les articles 21, 22 et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal.<br />
Avoir mené <strong>de</strong>ux attaques chez GATERA Claver entre les mois d’octobre 1990 et décembre<br />
1992 et y avoir commis <strong>de</strong>s vols avec violences et menaces en traitant l’intéressé d'Inkotanyi,<br />
infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 4 <strong>de</strong> la Loi organique sus-citée, et l’article<br />
401 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
Avoir, en compagnie <strong>de</strong> ses acolytes, en avril 1994, commis <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pillages et <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>structions, et mangé le bétail <strong>de</strong>s victimes tuées, infraction prévue et réprimée par l’article 2<br />
catégorie 4 <strong>de</strong> la Loi organique sus-citée, et les articles 168 alinéa 1 et 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
rwandais.<br />
S’être abstenu <strong>de</strong> porter secours aux personnes menacées <strong>de</strong> mort alors qu’il en était capable et<br />
qu’il était chargé <strong>de</strong> leur sécurité, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 2 et<br />
14(b) <strong>de</strong> la Loi organique sus-citée, et l’article 256 alinéa 1 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
S’être intro<strong>du</strong>it, hors les cas où la loi le permet, aux domiciles d’autrui, infraction prévue et<br />
réprimée par l’article 2 catégorie 3 <strong>de</strong> la Loi organique sus-citée, et l’article 304 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
rwandais.<br />
B) A charge <strong>de</strong> KAREKEZI Augustin.<br />
Avoir, dans le secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture d’UMUTARA,<br />
République Rwandaise, en avril 1994, étant conseiller <strong>du</strong> secteur GAKENKE, commis le crime<br />
<strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, infraction prévue et réprimée par la Convention internationale <strong>du</strong> 9 décembre 1948<br />
sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, la Convention internationale <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong> 12 août 1949<br />
sur la protection <strong>de</strong>s personnes civiles en temps <strong>de</strong> guerre et les Protocoles Additionnels, ainsi<br />
que la Convention internationale <strong>du</strong> 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong><br />
guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, organisé, encadré et mis à exécution les<br />
actes <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> en tenant <strong>de</strong>s réunions <strong>de</strong>s responsables <strong>de</strong>s cellules <strong>de</strong> son ressort auxquels il<br />
a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> lui remettre les listes <strong>de</strong>s victimes à tuer, infraction prévue et réprimée par l’article<br />
2 catégorie 1(a et b) et 14(a) <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, et par l’article 312 <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
5 ème feuillet.
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret loi n° 12/79 <strong>du</strong> 7<br />
mai 1979.<br />
S’être abstenu <strong>de</strong> porter secours aux personnes menacées <strong>de</strong> mort alors qu’il en était capable et<br />
qu’il était chargé <strong>de</strong> leur sécurité, infraction prévue les articles 2 alinéa 3 et 14 b <strong>de</strong> la Loi<br />
organique sus-citée et par l’article 256 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
C) A charge <strong>de</strong> NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong><br />
Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture<br />
d’UMUTARA, République Rwandaise, en avril 1994, étant le prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> MRND au niveau <strong>de</strong><br />
la cellule UMUREHE, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, infraction prévue par les Conventions<br />
internationales citées plus haut.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, fait partie d’une association <strong>de</strong>s<br />
malfaiteurs dont le but était <strong>de</strong> porter atteinte aux personnes et à leurs propriétés, infraction<br />
prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) <strong>de</strong> la Loi organique supracitée, et par<br />
les articles 281 et 282 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteur ou complice , assassiné<br />
les nommés GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIKIYINDA,<br />
BAZIGAGA Thérèsie, NZEYIMANA , les membres <strong>de</strong> la famille Pie NJONGO, la soeur <strong>de</strong><br />
SANKARA nommée UWIMANA, 6 fils <strong>de</strong> GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANA<br />
en raison <strong>de</strong> leur ethnie, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) <strong>de</strong><br />
la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, intro<strong>du</strong>it dans les domiciles<br />
d’autrui contre leur gré dans l’intention <strong>de</strong> tuer; infraction prévue et réprimée par l’article 2<br />
catégorie 3 <strong>de</strong> la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal rwandais.<br />
D) A charge <strong>de</strong> MUHOZI Samuel<br />
Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, Préfecture<br />
d’UMUTARA, République Rwandaise , au cours <strong>du</strong> mois d’avril 1994, commis le crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong>, infraction prévue par les Conventions internationales citées plus haut.<br />
S’être distingué dans le milieu où il résidait et partout où il est passé à cause <strong>du</strong> zèle et <strong>de</strong> la<br />
méchanceté qui l’ont caractérisé dans les tueries, infraction prévue et réprimée par<br />
. 66<br />
6 ème feuillet.<br />
les articles 2 catégorie 1(c) et 14(a) <strong>de</strong> la Loi organique précitée, et par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal rwandais.<br />
S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, intro<strong>du</strong>it dans les domiciles<br />
d’autrui contre la volonté <strong>de</strong>s occupants avec l’intention <strong>de</strong> tuer et piller, infraction prévue et<br />
réprimée par l’article 2 catégorie 3 <strong>de</strong> la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
304 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
Avoir, comme auteur ou complice, commis <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pillage et <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction et mangé le<br />
bétail appartenant aux victimes tuées. Infraction prévue par l’article 2 catégorie 4 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique précitée, et par les articles 89, 90, 91,168 al.1 et 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
E) A charge <strong>de</strong> :<br />
1. NYILINKWAYA Pierre Damien alias FLECHE<br />
2. RWAMAKUBA Hamada<br />
3. MAKUZA Jean Damascène<br />
4. GACACA Jérémie<br />
5. NTUYEHE Simon<br />
6. MUGABUSHAKA Jean Bosco<br />
7. KARANGWA Jean<br />
8. RUKESHA Obed<br />
9. NTIVUGURUZWA J.M.Vianney<br />
10. NTUYEMBARUSHA Jean Clau<strong>de</strong><br />
11. MUNYABUGINGO Augustin<br />
12. MBONABUCYA Cyprien<br />
13. HAVUGIMANA Jean Bosco<br />
14. KAGINA Félicien :<br />
Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture<br />
d’UMUTARA, République Rwandaise, comme auteurs ou complices :<br />
- commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, infraction prévue et réprimée par les Conventions<br />
internationales ci-haut citées.<br />
- créé une association <strong>de</strong> malfaiteurs dans le but d’exterminer les Tutsi et d’autres personnes<br />
opposées au MRND – CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90, 91, 281 et<br />
282 <strong>du</strong> 89, 90, 91 et 311 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais.<br />
- assassiné les personnes précitées à cause <strong>de</strong> leur appartenance ethnique, infraction prévue et<br />
réprimée par les articles 2 catégorie 2 et 14(b) <strong>de</strong> la Loi organique précitée, et par les articles<br />
89, 90, 91 et 311 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal.<br />
- Etre entrés illégalement dans les domiciles d’autrui contre la volonté <strong>de</strong>s occupants avec<br />
l’intention <strong>de</strong> tuer et <strong>de</strong> piller, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 3 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal.<br />
- Avoir volé et tué le bétail <strong>de</strong> leurs victimes, fait prévu par la Loi organique précitée en son<br />
article 2 catégorie 4, prévu et puni également par les articles 89, 90, 91, 168 alinéa 1 et 444 <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal.<br />
. 67<br />
7 ème feuillet.
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Le Tribunal,<br />
Atten<strong>du</strong> que les enquêtes préliminaires terminées, le Ministère Public a transmis le dossier au<br />
Tribunal en date <strong>du</strong> 04/12/1996 pour fixation, que ce dossier a été inscrit au rôle sous le<br />
n°RP003/I/C.SP/96/BY ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> 1 ère Instance <strong>de</strong><br />
BYUMBA <strong>du</strong> 27/12/1996 fixant la date d’audience au 08/01/1997 à 8 heures <strong>du</strong> matin ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’aux jour et heure indiqués, KANYABUGANDE François comparait assurant<br />
personnellement sa défense ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE François reconnaît comme sienne l’i<strong>de</strong>ntité qui lui est lue par<br />
le greffier mais plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong> toutes les infractions ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public précise que d’autres personnes ayant participé avec<br />
KANYABUGANDE François à la perpétration <strong>de</strong>s infractions poursuivies s’étaient exilées mais<br />
viennent <strong>de</strong> rentrer, qu’il estime mieux <strong>de</strong> joindre leur dossier et celui <strong>de</strong> KANYABUGANDE<br />
François et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> surseoir à statuer sur le fond <strong>de</strong> la présente affaire pour<br />
permettre au Ministère Public <strong>de</strong> faire une enquête rapi<strong>de</strong> et approfondie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE François dit qu’à son avis l’audience <strong>de</strong>vrait continuer car il<br />
ne sait pas si d’autres personnes seront impliquées dans cette affaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public indique que d’autres infractions ont été constatées,<br />
qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’elles puissent être examinées dans ce dossier et que les parties civiles aient la<br />
possibilité <strong>de</strong> comparaître ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE François dit que le Ministère Public peut faire les enquêtes<br />
nécessaires pour qu’à son tour il puisse connaître l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> ces personnes ainsi que les faits<br />
qu’elles vont mettre à sa charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est reportée pour permettre au Ministère Public d’approfondir les<br />
enquêtes, qu’elle aura lieu lorsque ces enquêtes seront terminées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public a transmis en date <strong>du</strong> 06/02/1997 à la Chambre Spécialisée une<br />
note <strong>de</strong> versement <strong>de</strong>s dossiers portant les numéros RMP 11513, 11527, 11301. 11414, 11324,<br />
11413, 11525, 11515, 11516, 11526, 11521, 11522, 11523, 11529, 11518 et11517/S3/CT/KB<br />
dans celui portant le n°10529/S3/ND/KB à charge <strong>de</strong> KANYABUGANDE François ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après la clôture <strong>de</strong>s enquêtes sollicitées par lui, le Ministère Public a porté une<br />
nouvelle action <strong>de</strong>vant le Tribunal par sa lettre n°1/0063 <strong>du</strong> 17/02/1997 ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’aucune nouvelle inscription au rôle n’a eu lieu et que le n°RP003/1/C.SP/96/BY a<br />
été seul maintenu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les prévenus ont été régulièrement cités à comparaître en date <strong>du</strong> 09/04/1997 à 8<br />
heures <strong>du</strong> matin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les prévenus comparaissent au jour et à l’heure indiqués, KANYABUGANDE<br />
François, KAREKEZI Augustin, MUHOZI Samuel et NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> étant assistés par<br />
. 68
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Maître Luc WALLEYN tel qu’attesté par l’autorisation <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r n°1314/06.25 qui lui a été<br />
délivrée en date <strong>du</strong> 08/04/1997 par le Ministre <strong>de</strong> la Justice, les autres prévenus étant assistés par<br />
BIMENYIMANA André, tandis que les parties civiles sont représentées par Maître Josette<br />
KADJI, en présence <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> ministère Public MUSUHUKE François ;<br />
. 69<br />
8 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE reconnaît comme sienne l’i<strong>de</strong>ntité telle que lue par le greffier,<br />
que KAREKEZI Augustin relève qu’on a omis <strong>de</strong> mentionner les biens qu’il possè<strong>de</strong> à savoir un<br />
bois <strong>de</strong> 5 ha, une plantation <strong>de</strong> caféiers, une bananeraie <strong>de</strong> 60 ares, un champ cultivable <strong>de</strong> 2ha,<br />
une maison au centre commercial <strong>de</strong> KIRAMURUZI et qu’il est père <strong>de</strong> 4 enfants, que<br />
NSENGIYUMVA fait observer qu’il a été omis dans son i<strong>de</strong>ntité le fait qu’il est marié à<br />
MUKARUSAGARA et père <strong>de</strong> 3 enfants et qu’il possè<strong>de</strong> 3 boisements sis à l’endroit où il<br />
habite, que MUHOZI Samuel dit quant à lui qu’il possè<strong>de</strong> un bois et une bananeraie, que<br />
RWAMAKUBA Hamada reconnaît son i<strong>de</strong>ntité mais précise qu’il est aussi marié, que<br />
GACACA Jérémie reconnaît que son i<strong>de</strong>ntité telle que lue par le greffier est exacte mais ajoute<br />
qu’il est marié à NYIRANEZA E, que MAKUZA Jean Damascène reconnaît comme exacte son<br />
i<strong>de</strong>ntité mais dit qu’il faut mentionner qu’il est marié à NIYONSABA Joséphine, que<br />
NTUYEHE Simon reconnaît que son i<strong>de</strong>ntité est exacte mais dit qu’il n’est plus commerçant,<br />
que MUGABUSHAKA Jean Bosco, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA JMV,<br />
KARANGWA Jean Baptiste et RUKESHA Obed reconnaissent comme exacte chacun en ce qui<br />
le concerne, l’i<strong>de</strong>ntité lue par le greffier, que MUNYABUGINGO Augustin reconnaît comme<br />
exacte son i<strong>de</strong>ntité ajoutant cependant qu’il possè<strong>de</strong> une maison couverte <strong>de</strong> tôles et une<br />
bananeraie, que MBONABUCYA Cyprien, HAVUGIMANA Jean Bosco, KAGINA Félicien et<br />
NYILINKWAYA Pierre reconnaissent eux aussi comme exacte l’i<strong>de</strong>ntité lue ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HABIMANA Aloys, fils <strong>de</strong> MAYIRA et MUKANGIRENTE, né en 1969 à<br />
KANOMBE, commune KANOMBE, préfecture <strong>de</strong> KIGALI NGALI, interprète <strong>de</strong> Maître Luc<br />
WALLEYN , prête serment <strong>de</strong> remplir sa mission en honneur et conscience ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître BIMENYIMANA André déclare qu’il assiste les quatorze prévenus<br />
restants ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître WALLEYN, ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il a <strong>de</strong>mandé<br />
au Ministre <strong>de</strong> la Justice l’autorisation <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r à BYUMBA mais qu’une erreur s’est glissée<br />
dans la réponse, qu’il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si celle-ci ne peut pas constituer un motif <strong>de</strong> remise<br />
d’audience ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit avoir adressé<br />
au Ministre <strong>de</strong> la Justice en date <strong>du</strong> 2/4/1997 une lettre qui est parvenue dans ses bureaux le<br />
04/04/1997, que le délai <strong>de</strong> l’autorisation a commencé à courir à partir <strong>du</strong> 08/04/1997, date à<br />
laquelle il a reçu la réponse à sa lettre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète déclare qu’il avait<br />
mandat d’assister 4 prévenus mais qu’il a constaté que <strong>de</strong>s contradictions ressortent <strong>de</strong> leurs<br />
moyens <strong>de</strong> défense, qu’il ne peut pas assurer la défense <strong>de</strong>s prévenus ayant <strong>de</strong>s conflits<br />
d’intérêt ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit que<br />
KANYABUGANDE est victime d’une certaine injustice, que MUHOZI Samuel avoue les faits<br />
mis à sa charge et charge KANYABUGANDE, que la déontologie professionnelle interdit
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
d’assister <strong>de</strong>s personnes ayant <strong>de</strong>s conflits d’intérêts ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il va<br />
assister MUHOZI Samuel et qu’il va se charger <strong>de</strong> chercher un autre avocat pour assister<br />
KANYABUGANDE et les autres qui ne sont pas assistés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE François déclare qu’il ne peut plai<strong>de</strong>r sans être assisté par un<br />
défenseur, mais qu’il pourrait plai<strong>de</strong>r pour éviter <strong>de</strong> retar<strong>de</strong>r le procès ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIMENYIMANA André dit qu’il ne peut pas lui aussi assister KANYABUGANDE<br />
François et ses coaccusés sous peine <strong>de</strong> violer la déontologie professionnelle, et qu’il y a lieu <strong>de</strong><br />
leur chercher un autre avocat ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SIBOMANA Mo<strong>de</strong>ste, fils <strong>de</strong> KARERA Simon et <strong>de</strong> NYIRAMBYUKO D., né à<br />
RUTONDE, commune RUTONDE, préfecture KIBUNGO prête serment d’accomplir sa<br />
mission en honneur et conscience en servant d’interprète à Maître KADJI Josette, avocat <strong>de</strong>s<br />
parties civiles ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KADJI Josette, ayant SIBOMANA Mo<strong>de</strong>ste pour interprète déclare que la<br />
liste <strong>de</strong>s parties civiles n’est pas complète puisqu’il y a d’autres qu’elle n’a pas pu joindre,<br />
qu’elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> le report d’audience en vue <strong>de</strong> permettre aux parties civiles constituées <strong>de</strong><br />
chercher les pièces administratives requises pour soutenir leur action ;<br />
. 70<br />
9 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Mo<strong>de</strong>ste déclare que<br />
seules 3 parties civiles ont été assignées et que les autres ont spontanément comparu, que<br />
d’autres enfin l’ont contactée après cette comparution et que c’est à ce moment qu’il leur a<br />
donné les formulaires à remplir, qu’elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que l’affaire soit renvoyée à une autre date,<br />
soulignant que les parties civiles ne sont pas instruites sur la procé<strong>du</strong>re judiciaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Mo<strong>de</strong>ste dit qu’elle<br />
souhaite d’abord obtenir les attestations à délivrer par l’autorité communale, que même les<br />
parties civiles qu’elle <strong>de</strong>vait représenter en ce jour n’en ont pas encore obtenu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître BIMENYIMANA André dit qu’il assiste les prévenus qui avouent et<br />
plai<strong>de</strong>nt coupables ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que les prévenus qui plai<strong>de</strong>nt non coupable<br />
soient invités à sortir <strong>de</strong> la salle d’audience au moment où ceux qui plai<strong>de</strong>nt coupable vont être<br />
enten<strong>du</strong>s ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il n’est<br />
pas <strong>de</strong> l’avis <strong>du</strong> Ministère Public, car même les prévenus qui n’avouent pas doivent suivre les<br />
débats en audience et être informés <strong>de</strong>s faits dont leurs co-prévenus les accusent pour pouvoir<br />
présenter leurs moyens <strong>de</strong> défense le moment venu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que l’objection <strong>de</strong> Maître WALLEYN n’est pas<br />
fondée car les prévenus qui avouent <strong>de</strong>vront, le moment venu, être appelés à la barre pour
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
témoigner à charge <strong>de</strong>s prévenus qui plai<strong>de</strong>nt non coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il ne<br />
comprend pas pourquoi les prévenus qui plai<strong>de</strong>nt non coupable ne pourraient pas suivre les<br />
débats en audience sur l’affaire à leur charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les prévenus qui plai<strong>de</strong>nt coupable mettent en<br />
cause ceux qui plai<strong>de</strong>nt non coupable, que c’est le motif pour lequel il estime que ces <strong>de</strong>rniers ne<br />
doivent pas assister à l’audition <strong>de</strong> leurs co-prévenus, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> prendre une<br />
décision à ce sujet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le représentant <strong>du</strong> Ministère Public dit que <strong>de</strong> tous les prévenus qui ont recouru à la<br />
procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, seuls MUHOZI Samuel, RWAMAKUBA<br />
Hamada, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA Jean Bosco ont maintenu leurs<br />
aveux que le Tribunal est appelé à examiner ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public dit que ces prévenus doivent être rangés dans la <strong>de</strong>uxième<br />
catégorie en vertu <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 au vu <strong>de</strong> leurs aveux et plaidoyer<br />
<strong>de</strong> culpabilité, qu’il requiert la peine d’emprisonnement à perpétuité à charge <strong>de</strong> MUHOZI<br />
Samuel au motif qu’il a été un tueur <strong>de</strong> renom, 15 ans d’emprisonnement à charge <strong>de</strong>s autres<br />
ainsi que la dégradation civique <strong>de</strong> chacun d’eux, <strong>de</strong> même que la condamnation au paiement <strong>de</strong>s<br />
frais <strong>de</strong> justice, les parties civiles pouvant se constituer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUHOZI Samuel dit qu’il plai<strong>de</strong> coupable comme il l’a fait <strong>de</strong>vant le Ministère<br />
Public ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN, avocat <strong>de</strong> MUHOZI Samuel, ayant pour interprète<br />
HABIMANA Aloys, dit qu’il existe une différence entre les faits infractionnels que son client<br />
avoue et ceux dont parle le Ministère Public qui range l’intéressé dans la première catégorie, que<br />
le prévenu désapprouve la peine requise à son encontre par le Ministère Public, qu’il <strong>de</strong>vrait être<br />
rangé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie pour les <strong>de</strong>ux motifs suivants : 1°. Il ne suffit pas <strong>de</strong> dire que<br />
son client est un tueur <strong>de</strong> renom, il faut en pro<strong>du</strong>ire les preuves, et 2°, il a participé à <strong>de</strong>ux<br />
meurtres et ce, faisant partie d’un groupe d’autres meurtriers, il doit être rangé dans la même<br />
catégorie que les autres qui plai<strong>de</strong>nt coupables ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit que même au<br />
cas où MUHOZI Samuel aurait été un tueur <strong>de</strong> renom, il ne <strong>de</strong>vrait pas être fait application <strong>de</strong><br />
l'article 5 al.3 mais plutôt <strong>de</strong> l'art. 9 al.2 qui dispose que la personne qui a recouru à la procé<strong>du</strong>re<br />
d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant la publication <strong>de</strong> son nom sur liste <strong>de</strong> la première<br />
catégorie et dont les aveux sont sincères, doit être rangé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie,<br />
. 71<br />
10 ème feuillet.<br />
qu’il ne <strong>de</strong>vrait pas encourir la peine d’emprisonnement à perpétuité mais plutôt la peine <strong>de</strong> 12 à<br />
15 ans d’emprisonnement, qu’il ajoute par ailleurs qu’il <strong>de</strong>vrait être fait application <strong>de</strong> l’article<br />
15 au lieu <strong>de</strong> l’article 16 car son client a spontanément avoué l’infraction avant toute poursuite<br />
quand il s’est livré lui-même à la gendarmerie en date <strong>du</strong> 26/12/1996, que ses déclarations <strong>du</strong><br />
20/01/1997 ne sont appuyées par aucune preuve à part les faits qu’il avait avoués, qu’il a recouru<br />
à cette procé<strong>du</strong>re <strong>de</strong>puis le début jusqu'à ce jour pour pouvoir bénéficier <strong>de</strong> l’avantage <strong>de</strong> ne pas
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
être condamné à la peine <strong>de</strong> mort, qu’il doit être condamné à la peine prévue par l’article 15 (a) à<br />
savoir 7 à 11 ans d’emprisonnement ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN, avocat <strong>de</strong> MUHOZI Samuel ayant HABIMANA Aloys<br />
pour interprète, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> condamner son client à une peine ré<strong>du</strong>ite au motif qu’il<br />
n’a pas fait d’étu<strong>de</strong>s, est jeune et a exécuté les ordres reçus <strong>de</strong>s autorités, qu’il a ren<strong>du</strong> visite à<br />
l’intéressé en prison où il a constaté qu’il regrettait profondément ses crimes et était tellement<br />
traumatisé qu’il n’a pas su lui dire l’âge <strong>de</strong> son enfant, qu’il poursuit en implorant la mansuétu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s juges, en leur <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong>s excuses que MUHOZI continue à présenter et<br />
<strong>de</strong> lui appliquer une peine qui peut lui permettre <strong>de</strong> dédommager les victimes <strong>de</strong> ses actes ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public déclare qu’il n’est pas d’accord avec Maître Luc<br />
WALLEYN, Conseil <strong>de</strong> MUHOZI, quand il dit que son client ne peut pas être rangé dans la<br />
première catégorie mais plutôt dans la <strong>de</strong>uxième, qu’en application <strong>de</strong> la Loi organique, ce sont<br />
ses actes qui le rangent dans la première catégorie, lesquels actes sont rapportés par les témoins à<br />
sa charge et ont fait <strong>de</strong> lui un tueur <strong>de</strong> renom dans la région où il habitait, qu’il s’est ren<strong>du</strong><br />
célèbre par le zèle qui l’a caractérisé dans les tueries qu’il a perpétrées partout où il est passé,<br />
ceci étant par ailleurs attesté par les témoins à sa charge dont le nombre s’élève à plus <strong>de</strong> 13 et<br />
dont les déclarations sont consignées dans les procès-verbaux cotés 7, 14, 24, 34, 45, 66, 69,<br />
115, 138, 195, 197 et 227 dans le dossier, qu’ainsi l’avis selon lequel MUHOZI doit être rangé<br />
dans la première catégorie est fondé sur ses actes, qu’il n’est pas exact <strong>de</strong> dire que l’article 9 n’a<br />
pas été observé car ses actes le rangent dans la première catégorie mais que, suite à son recours<br />
à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant la publication <strong>de</strong> son nom sur la liste<br />
<strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> la première catégorie, il a été rangé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie, que le<br />
ministère Public estime non fondée l’application <strong>de</strong> l’article 15 au lieu <strong>de</strong> l’article 16 tel<br />
qu’invoqué par Maître Luc WALLEYN car il est faux <strong>de</strong> prétendre que MUHOZI a avoué <strong>de</strong><br />
son propre gré étant donné qu’il était recherché quand il s’est livré à la briga<strong>de</strong> à son retour<br />
d’exil ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Josette KADJI, avocat <strong>de</strong>s parties civiles ayant pour interprète SIBOMANA<br />
Mo<strong>de</strong>ste, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’appeler les témoins à charge à la barre pour qu’ils puissent<br />
appuyer le Ministère Public par leurs témoignages ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il ne voit<br />
pas pourquoi SUMWIZA Philomène doit être interrogée comme témoin à charge dès lors que<br />
MUHOZI Samuel a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, qu’il ne peut y<br />
avoir <strong>de</strong> déposition <strong>de</strong> témoins en pareilles circonstances et que la partie civile ne doit rien<br />
réclamer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est suspen<strong>du</strong>e à 13 heures pour prendre un repos, qu’elle se poursuit à 14<br />
heures ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RWAMAKUBA Hamada dit qu’il a avoué sans contrainte les faits qui lui sont<br />
reprochés et qu’il maintient ses aveux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître BIMENYIMANA André, Conseil <strong>de</strong> RWAMAKUBA Hamada, dit que son<br />
client a effectivement avoué les infractions pour faciliter la tâche à la justice, que cela constitue<br />
un repentir et une façon <strong>de</strong> présenter <strong>de</strong>s excuses aux victimes <strong>de</strong> ses actes, que l’intéressé est<br />
jeune et a été entraîné dans les crimes comme l’ont été beaucoup d’habitants <strong>de</strong> ce pays, que<br />
RWAMAKUBA Hamada est prêt à réparer les dommages qu’il a causés et à entretenir <strong>de</strong> bonnes<br />
. 72
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
relations avec ceux qui ont subi un préjudice résultant <strong>de</strong> ses actes, que c’est pour cette raison<br />
qu’il insiste pour implorer la clémence <strong>du</strong> Tribunal, cette clémence pouvant se fon<strong>de</strong>r sur <strong>de</strong>s<br />
circonstances atténuantes consistant en ce que RWAMAKUBA Hamada a fait preuve d’une<br />
bonne con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong>puis sa naissance jusqu’au jour où il fut entraîné dans les crimes, qu’il n’a pas<br />
d’antécé<strong>de</strong>nts judiciaires, qu’il n’a pas pu résister aux ordres émanant <strong>de</strong> mauvais dirigeants qui<br />
l’ont contraint à prendre part à <strong>de</strong>s actes criminels, qu’ainsi le Tribunal peut faire preuve <strong>de</strong><br />
perspicacité et <strong>de</strong> clémence dans la fixation <strong>de</strong> la peine, qu’il continue en disant que<br />
RWAMAKUBA Hamada et ses coaccusés sont <strong>de</strong>s jeunes gens constituant les forces vives <strong>du</strong><br />
pays et qu’à cet égard, ils ne faudrait pas qu’ils continuent à croupir en prison où ils doivent être<br />
nourris au lieu <strong>de</strong> reconstruire le pays dans ces mauvais moments où il a besoin <strong>de</strong> tous ses<br />
citoyens qui doivent resserrer les cou<strong>de</strong>s pour que le Rwanda recouvre son image d'antan ;<br />
. 73<br />
11 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que MUNYABUGINGO dit qu’il continue à avouer les infractions à sa charge comme il<br />
l’a fait auparavant sans contrainte et qu’il présente ses excuses ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître BIMENYIMANA André, Conseil <strong>de</strong> MUNYABUGINGO, dit qu’il<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal, comme il l’a fait pour le cas <strong>de</strong> RWAMAKUBA Hamada, <strong>de</strong> faire preuve<br />
<strong>de</strong> mansuétu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> prononcer une peine ré<strong>du</strong>ite ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HAVUGIMANA dit qu’il maintient ses aveux tels que faits antérieurement sans<br />
contrainte ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître BIMENYIMANA André, Conseil <strong>de</strong> HAVUGIMANA, implore la clémence<br />
<strong>du</strong> Tribunal à l’égard <strong>de</strong> HAVUGIMANA pour qu’il puisse travailler pour le pays ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il est prêt<br />
à assister n’importe quel prévenu dont les intérêts ne sont pas en conflit avec ceux <strong>de</strong>s<br />
prévenus qu’il a assistés le même jour, mais qu’il compte quitter le pays à la fin <strong>de</strong> la semaine et<br />
qu’il vaudrait mieux que ces prévenus sollicitent l’assistance d’autres avocats lorsqu’ils auront<br />
obtenu l’autorisation <strong>du</strong> Ministre <strong>de</strong> la Justice dans une semaine environ ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA dit qu’elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un<br />
délai <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux semaines pour permettre aux parties civiles <strong>de</strong> se faire délivrer les attestations<br />
requises car elles habitent <strong>de</strong>s endroits séparés et éloignés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que compte tenu <strong>de</strong>s souhaits <strong>de</strong>s avocats, il y a<br />
lieu <strong>de</strong> reporter l’audience dans <strong>de</strong>ux semaines ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est remise dans <strong>de</strong>ux semaines pour permettre aux prévenus qui plai<strong>de</strong>nt<br />
non coupable <strong>de</strong> chercher <strong>de</strong>s avocats pour les assister ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il a <strong>de</strong>s<br />
observations à faire sur ce qu’a dit le Ministère Public, que concernant la catégorie dans laquelle<br />
son client doit être rangé, le contenu <strong>de</strong> l’article 2 dans son point c ne se réfère point à la gravité<br />
<strong>de</strong>s faits reprochés au prévenu mais plutôt au fait que le prévenu a été qualifié <strong>de</strong> meurtrier <strong>de</strong><br />
grand renom, que s’il en avait été ainsi pour son client MUHOZI, celui-ci n’aurait pas été<br />
chargé par 13 personnes seulement, mais par plus d’une centaine <strong>de</strong> personnes <strong>de</strong> sa région, <strong>de</strong>
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
sa commune et voire même <strong>de</strong> tous les lieux où il est passé, que l’article 9 alinéa 2 doit être<br />
interprété d’une seule façon relativement aux personnes <strong>de</strong> la première catégorie qui sont<br />
rangées dans la <strong>de</strong>uxième catégorie, que même en cas d’interprétations différentes <strong>de</strong> la loi, seule<br />
celle qui est favorable au prévenu doit prévaloir, que relativement au recours à la procé<strong>du</strong>re<br />
d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant les poursuites, le Ministère Public allègue que son<br />
client était recherché avant qu’il ne se livre aux autorités habilitées mais que rien ne prouve cette<br />
allégation car aucune pièce y relative ne figure au dossier, qu’il relève par ailleurs que le fait<br />
d’être recherché ne signifie pas être poursuivi et qu’à cet égard, il n’estime pas que son client a<br />
été poursuivi, que les lois pénales accor<strong>de</strong>nt aux Officiers <strong>de</strong> Police Judiciaire et Inspecteurs <strong>de</strong><br />
Police Judiciaire la compétence <strong>de</strong> constater et <strong>de</strong> rechercher les infractions, mais que les<br />
poursuites relèvent <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, le parquet étant seul<br />
compétent pour les exercer, qu’aucune pièce émanant <strong>du</strong> parquet et datée d’avant le 22/12/1997<br />
ne figure au dossier, que cela démontre que MUHOZI a avoué et présenté ses excuses avant les<br />
poursuites ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il termine<br />
en <strong>de</strong>mandant au Tribunal d’appliquer la loi et d’être clément à l’égard <strong>de</strong> son client MUHOZI,<br />
que cela constituera un signe d’encouragement aux autres prévenus à recourir à la procé<strong>du</strong>re<br />
d’aveu et <strong>de</strong> faciliter ainsi la tâche à la justice ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Luc WALLEYN, Conseil <strong>de</strong> MUHOZI, ayant pour interprète HABIMANA<br />
Aloys explique qu’un meurtrier <strong>de</strong> grand renom doit être connu <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> dans la région<br />
où il rési<strong>de</strong> et doit avoir été caractérisé par le zèle et la méchanceté extrême avec lesquels il a<br />
perpétré les tueries, qu’il ajoute qu’il est regrettable que le législateur n’ait pas explicité ce qu’il<br />
faut entendre par un meurtrier <strong>de</strong> grand renom mais qu’en pareille circonstance, seule<br />
l’interprétation favorable au prévenu doit être retenue ;<br />
. 74<br />
12 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à cette date l’audience est reportée au 24/04/1997 à huit heures <strong>du</strong> matin pour<br />
permettre aux prévenus n’ayant pas d’avocats <strong>de</strong> pouvoir bénéficier d’une assistance judiciaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en date <strong>du</strong> 24/04/1997, l’audience reprend en présence <strong>de</strong>s prévenus, <strong>de</strong> Maître<br />
Georges RAYMOND qui a pour interprète RUBANGO Epimaque et assiste les personnes<br />
précisées sur l’autorisation <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r portant le n°1416/06.25 <strong>du</strong> 7/4/1997, ainsi que <strong>de</strong> Maître<br />
Josette KADJI, avocat <strong>de</strong>s parties civiles ayant pour interprète NDIKUBWIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les interprètes prêtent serment d’accomplir leur mission en honneur et conscience ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KADJI Josette ayant pour interprète RUBANGO Epimaque <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Tribunal <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à la disjonction <strong>de</strong> l’action civile au motif qu’elle ne s’est pas suffisamment<br />
préparée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI Augustin dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong> toutes les infractions qui lui<br />
sont reprochées à l’exception <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> détention d’une arme à feu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE François, NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong>, MAKUZA, NTUYEHE,<br />
MUGABUSHAKA, KARANGWA Jean, RUKESHA Obed, NTIVUGURUZWA,<br />
NTUYEMBARUSHA, MBONABUCYA et KAGINA Félicien plai<strong>de</strong>nt non coupable tandis que
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
GACACA Jérémie plai<strong>de</strong> coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GACACA Jérémie dit qu’il a nié les faits en date <strong>du</strong> 09/04/1997 parce qu’il croyait<br />
que son avocat allait venir avant la date d’audience <strong>de</strong> façon qu’ils puissent étudier le dossier<br />
ensemble, que lui et ses co-prévenus pensaient que cet avocat pouvait leur être utile en vue d’une<br />
éventuelle ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GACACA Jérémie dit que ce n’est pas volontairement qu’il a nié les faits à lui<br />
reprochés lors <strong>de</strong> son interrogatoire par l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère <strong>du</strong> Ministère Public relève que GACACA avait plaidé non<br />
coupable lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière audience mais qu’il plai<strong>de</strong> coupable aujourd’hui, que son recours à<br />
la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité peut être acceptée en application <strong>de</strong> l’article<br />
11 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Georges RAYMOND ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit qu’il<br />
accepte d’assister GACACA Jérémie et qu’il présente <strong>de</strong>s excuses pour lui, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Tribunal <strong>de</strong> ne pas considérer seulement le fait que l’intéressé a auparavant plaidé non coupable<br />
mais <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong> l’article 15 <strong>de</strong> la Loi organique se rapportant à la procé<strong>du</strong>re d’aveu<br />
et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant la ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> la peine <strong>de</strong>mandée par Maître Georges RAYMOND en<br />
faveur <strong>de</strong> GACACA, l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit qu’il y a lieu d’appliquer l’article 16 a)<br />
qui dispose que le prévenu qui recourt à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité après<br />
les poursuites est puni <strong>de</strong> la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 12 à 15 ans, qu’il requiert à cet égard 15<br />
ans d’emprisonnement à charge <strong>de</strong> GACACA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GACACA dit que chacun <strong>de</strong>s prévenus est poursuivi indivi<strong>du</strong>ellement pour les<br />
infractions qu’il a commises, qu’il n’était pas en compagnie <strong>de</strong> ses co-prévenus lors <strong>de</strong>s faits ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KADJI Josette ayant pour interprète NDIKUBWIMANA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Tribunal d’autoriser les parties civiles à témoigner à charge <strong>de</strong>s prévenus car elles sont sorties <strong>de</strong><br />
la salle d’audience ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI dit que les aveux qu’il a faits lors <strong>de</strong> son interrogatoire lui ont été<br />
extorqués au moyen <strong>de</strong>s coups qui lui ont été administrés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE François dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong> toutes les infractions<br />
et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r par chaque infraction pour qu’il puisse présenter ses moyens<br />
<strong>de</strong> défense, que concernant la première infraction d’organisation <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, il dit qu’il n’était<br />
pas en bons termes avec ceux qui l’en accusent car il a fait emprisonner celui qui a tiré, qu’il ne<br />
pouvait donc pas oser aller commettre les infractions avec eux, qu’il plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong>s<br />
assassinats dont il est question dans le dossier en disant que ce sont ceux qui l’en chargent qui<br />
les ont commis eux-mêmes car il n’était plus membre <strong>du</strong> parti politique MRND au moment <strong>de</strong>s<br />
faits, que le meeting dont il est question a été organisé par KAREKEZI qui était le conseiller <strong>de</strong><br />
secteur,<br />
. 75<br />
13 ème feuillet.
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
car il avait quant à lui intégré le parti politique MDR, qu’il ne tranchait plus <strong>de</strong> litiges entre les<br />
gens, que ceux qui l’accusent ont per<strong>du</strong> <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> leurs familles et s’en sont pris à lui<br />
parce qu’il était seul présent étant donné que les auteurs <strong>de</strong> ces crimes étaient en exil ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong> détention illégale d’arme à<br />
feu, que le fusil dont il est question était détenu par le milicien Interahamwe <strong>du</strong> nom <strong>de</strong><br />
MUSHIMIYIMANA Laurent et que le conseiller <strong>de</strong> secteur en était au courant, qu’il n’a pas<br />
érigé la barrière à RUBIRI car seule l’autorité communale décidait <strong>de</strong> l’endroit où il faut placer<br />
une barrière, qu’il ne pouvait donc pas s’opposer à ce que cette barrière soit érigée à cet endroit<br />
dès lors qu’il n’en était pas chargé ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s personnes qui ont surveillé la barrière,<br />
KANYABUGANDE dit qu’il s’agit <strong>de</strong> KAGINA, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA,<br />
KARANGWA et d’autres, qu’il déclare ignorer les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> KAYIRANGA<br />
qui a été tué par les gens qui se trouvaient à AKAMASINE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE dit qu’il n’a pas voulu tirer sur Yahaya et MUNYANEZA<br />
Salomon qui ont été abattus par MUSHIMIYIMANA Laurent en sa présence et d’autres<br />
personnes, qu’il ne pouvait pas l’empêcher <strong>de</strong> le faire car il n’avait aucune autorité sur lui,<br />
l’intéressé étant sous les ordres <strong>de</strong>s militaires ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE nie avoir mené une attaque au domicile <strong>de</strong> GATERA en le<br />
traitant <strong>de</strong> complice <strong>de</strong>s INKOTANYI et dit que SUMWIZA l’en accuse faussement car il est<br />
inconcevable qu’il ait attaqué quelqu’un et que celui-ci n’ait pas fait appel à ses voisins pour le<br />
secourir, qu’il y a lieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au conseiller qui est présent si une plainte relative à cette<br />
accusation aurait été portée <strong>de</strong>vant lui, qu’il continue en disant que ceux qui témoignent contre<br />
lui disaient à qui voulait les entendre quand ils étaient encore en exil en Tanzanie que, dès leur<br />
retour, ils impliqueraient les gens qu’ils trouveraient au Rwanda ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE dit qu’il a sauvé les gens qu’il a pu secourir <strong>de</strong> façon qu’ils<br />
ont échappé au génoci<strong>de</strong>, qu’il poursuit en disant que HABINEZA a emmené et livré<br />
SUMWIZA à ses acolytes Interahamwe pour qu’ils la tuent, que ces <strong>de</strong>rniers l’ont cependant<br />
épargnée et n’ont tué que ses enfants, qu’il ignore l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> ces crimes ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE nie avoir commis <strong>de</strong>s pillages et avoir mangé le bétail<br />
d’autrui, qu’il dit qu’il en est accusé à tort ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Georges Raymond ayant pour interprété NDIKUBWIMANA, dit qu’il ne<br />
peut pas assister KANYABUGANDE, à moins que celui-ci le <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> façon expresse s’il le<br />
désire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI dit qu’il était mala<strong>de</strong> à son arrivée et que c’est à la gendarmerie et à la<br />
commune qu’il a rédigé les déclarations écrites que fait valoir le Parquet, que c’est suite aux<br />
coups qui lui ont été administrés qu’il a fait ces aveux pour sauver sa vie, que ce qu’il a écrit lui<br />
était même dicté au fur et à mesure, qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il dispose <strong>de</strong>s pièces médicales<br />
attestant qu’il s’est fait soigner il répond les avoir données à son avocat ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI dit qu’il réfute les témoignages à sa charge car leurs auteurs habitent<br />
. 76
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
dans le secteur UMUREHE qui est très éloigné <strong>de</strong> son domicile et dans lequel il n’est pas arrivé,<br />
que KANYABUGANDE qui était responsable <strong>de</strong> cellule peut le confirmer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI dit qu’il n’a pas su que <strong>de</strong>s personnes ont été tuées après la mort <strong>de</strong><br />
l’ex- chef <strong>de</strong> l'Etat HABYARIMANA, qu’il ne l’a appris qu’une fois en exil car, sitôt après la<br />
mort <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt, un communiqué <strong>de</strong>s Forces Armées interdisant toute sortie à la population a<br />
été diffusé et qu’il l’a observé en restant sur place avec ses voisins ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI dit qu’il détenait un fusil pour assurer sa sécurité et celle <strong>de</strong> la<br />
population, qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il n’a pas porté secours aux personnes qui étaient<br />
tuées, il répond qu’il n’était pas à la hauteur <strong>de</strong> combattre les militaires ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong>s infractions qui lui sont<br />
reprochées, que ceux qui le chargent le font pour <strong>de</strong>s motifs inavoués étant donné qu’il n’a<br />
jamais quitté son domicile, que les massacres ont été commis par KANYABUGANDE et son<br />
groupe <strong>de</strong> miliciens Interahamwe à l’exception <strong>de</strong> NTUYEHE Simon ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> dit qu’il pense que c’est le nommé SANKARA qui le met<br />
injustement en cause, que ZILINYINSHI et l’épouse <strong>de</strong> GATARE peuvent témoigner à sa<br />
décharge parce qu’il leur a sauvé la vie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> dit que BARAHIRA le charge par peur d’être poursuivi<br />
car il s’est approprié leurs biens <strong>de</strong> manière illicite et qu’il était jaloux <strong>du</strong> fait que<br />
NSENGIYUMVA avait une plus gran<strong>de</strong> clientèle à l’époque où tous les <strong>de</strong>ux vendaient <strong>de</strong><br />
l’essence ;<br />
. 77<br />
14 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI dit qu’il ne sait pas si NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> a participé aux<br />
massacres car il n’est jamais arrivé dans la cellule UMUREHE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA dit que la famille <strong>de</strong> BUGINGO n’a jamais été en sécurité à<br />
partir <strong>du</strong> moment où KANYABUGANDE a eu un fusil en sa possession , qu’il s’y est ren<strong>du</strong> en<br />
leur portant secours , que HAVUGIMANA dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconque<br />
méfait que NSENGIYUMVA aurait commis ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUHOZI Samuel dit que les déclarations <strong>de</strong> NSENGIYUMVA renferment <strong>de</strong>s<br />
mensonges car il dirigeait lui aussi <strong>de</strong>s expéditions meurtrières en compagnie <strong>du</strong> conseiller, que<br />
RWAMAKUBA dit que NSENGIYUMVA est victime d’injustice car il n’a aucune part <strong>de</strong><br />
responsabilité dans les massacres, que GACACA dit que NSENGIYUMVA est allé porter<br />
secours à la famille <strong>de</strong> BUGINGO tandis que NYILINKWAYA dit qu’il n’a pas vu<br />
NSENGIYUMVA tuer qui que ce soit à part qu’il l’a vu chez BUGINGO ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA dit qu’il n’a jamais eu l’intention <strong>de</strong> tuer les membres <strong>de</strong>s<br />
familles <strong>de</strong> BUGINGO et <strong>de</strong> GATARE, qu’il y est allé pour leur porter secours car cette famille<br />
leur avait donné une vache en ca<strong>de</strong>au, qu’il est prêt à se reconnaître perdant si quelqu’un vient à<br />
affirmer l’avoir vu commettre <strong>de</strong>s pillages aux domiciles <strong>de</strong>s victimes après leur assassinat ou<br />
manger leurs vaches ;
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> dit qu’il s’est réfugié en compagnie <strong>de</strong> ZIHINJISHI, que<br />
celui-ci le charge sur l’instigation <strong>de</strong> SANKARA car ce <strong>de</strong>rnier tient <strong>de</strong>s réunions pour inciter<br />
ses codétenus à porter <strong>de</strong>s accusations;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA dit que le conflit qu’il a avec SANKARA vient <strong>du</strong> fait que<br />
SANKARA qui lui avait donné sa maison en location l'en a expulsé avant le terme parce qu'il<br />
était persécuté, qu'ils se sont tous exilés, mais que SANKARA est rentré d’exil avant lui et a fait<br />
assassiner les membres <strong>de</strong> sa famille ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SUMWIZA Philomène, après avoir prêté serment <strong>de</strong> dire la vérité, affirme que<br />
l’attaque qui a été menée à leur domicile était dirigée par NSENGIYUMVA qui a tué son mari<br />
GATERA Claver et qu’il n’a rien fait pour les protéger malgré qu’ils lui avaient donné une<br />
vache en ca<strong>de</strong>au ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> dit que ce que vient <strong>de</strong> dire SUMWIZA n’a aucun<br />
fon<strong>de</strong>ment car si cela était vrai, sa belle-mère ZIHINJISHI n’aurait pas cherché refuge auprès <strong>de</strong><br />
lui si elle savait qu’il avait commis <strong>de</strong>s crimes à leur encontre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SUMWIZA dit qu’en date <strong>du</strong> 11/04/1994, NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong>, en provenance<br />
<strong>de</strong> chez son beau-père, est venu tuer ses enfants, qu’elle affirme disposer <strong>de</strong> témoins qui peuvent<br />
confirmer les faits ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SUMWIZA dit qu’elle a vu NSENGIYUMVA tuer son mari à coups <strong>de</strong> machette,<br />
que l’intéressé n’exerçait pas <strong>de</strong> fonction particulière dans la cellule sinon qu’il était le chef <strong>de</strong> la<br />
milice Interahamwe ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA dit que SUMWIZA ne peut pas être ren<strong>du</strong>e responsable <strong>de</strong> ses<br />
allégations car il y a <strong>de</strong>s gens qui les lui dictent, qu’il n’aurait pas fui avec sa belle-mère si ce<br />
qu’elle dit était vrai ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, ZIHINJISHI dit que NSENGIYUMVA a effectivement<br />
accouru à leur secours mais qu’il faisait partie <strong>de</strong> l’expédition qui a coûté la vie à GATARE et à<br />
son mari ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense, NYILINKWAYA dit qu’il n’a jamais rencontré ceux qui le mettent<br />
en cause et planifié les massacres avec eux, qu’il poursuit en disant être allé chez BUGINGO<br />
sous la contrainte <strong>de</strong> HABIYAKARE Fro<strong>du</strong>ald et KANYABUGANDE qu’il venait <strong>de</strong> croiser en<br />
chemin au moment où il allait pulvériser un pestici<strong>de</strong> sur ses tomates, qu’à leur arrivée sur les<br />
lieux, BUGINGO avait déjà été tué par MUHOZI et MUNYABUGINGO, ainsi que<br />
RUTAREMARA, MANIRAGUHA et HATEGEKA qui ne sont pas présents, qu’il a seulement<br />
aperçu NSENGIYUMVA mais ne l’a pas vu tuer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYILINKWAYA dit que NSENGIYUMVA le charge injustement car ils ne se sont<br />
vus que dans les circonstances qu’il vient <strong>de</strong> décrire et qu’il n’a par ailleurs pas commis d’actes<br />
<strong>de</strong> pillage ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Georges RAYMOND, conseil <strong>de</strong> NYILINKWAYA, ayant comme interprète<br />
NDIKUBWIMANA, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à NYILINKWAYA s’il n’a pas <strong>de</strong> témoins à décharge, que<br />
NSENGIYUMVA dit avoir trouvé NYILINKWAYA chez BUGINGO mais qu’il n’a pas<br />
connaissance d’un quelconque acte répréhensible sur son compte, tandis que NTUYEHE précise<br />
. 78
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
que ce qu’il peut dire sur le compte <strong>de</strong> NYILINKWAYA est que, quand le parquet l’a interrogé<br />
sur la mort <strong>de</strong> BUGINGO, il a dit que l’intéressé y a pris part ;<br />
. 79<br />
15 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la parole et dit qu’il voudrait réagir à la<br />
suggestion <strong>de</strong> Maître Georges RAYMOND qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à NYILINKWAYA <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire <strong>de</strong>s<br />
témoins à sa décharge, qu’il veut dire au Tribunal à ce sujet que <strong>de</strong>s témoignages à charge <strong>du</strong><br />
prévenu figurent aux côtes 7, 14, 26, 42, 66, 69, 78, 115, 139, 166, 167, 178, 187, 227 et 239 <strong>du</strong><br />
dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYILINKWAYA dit qu’il ne connaît pas certains <strong>de</strong>s témoins à sa charge, que les<br />
aveux qu’il a faits lors <strong>de</strong> son interrogatoire lui ont été extorqués au moyen <strong>de</strong>s coups qui lui ont<br />
été administrés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYILINKWAYA dit qu’il mérite d’être acquitté <strong>de</strong>s préventions à sa charge, que<br />
c’est parce qu’il était dans un état critique qu’il a avoué les faits <strong>de</strong>vant l’Officier <strong>du</strong> Ministère<br />
Public et qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> mener une enquête à ce sujet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est suspen<strong>du</strong>e pour prendre une pause et qu’elle reprend à quatorze<br />
heures trente ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Georges RAYMOND, Conseil <strong>de</strong>s prévenus ayant pour interprète<br />
NDIKUBWIMANA, dit qu’il y a d’autres prévenus qui veulent recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et<br />
<strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité à savoir KARANGWA Jean, MAKUZA Damien et<br />
NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit qu’aux termes <strong>de</strong> l’article 11 <strong>de</strong> la Loi organique,<br />
les aveux et le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong> KARANGWA, MAKUZA et NTIVUGURUZWA ne<br />
peuvent pas être acceptés dès lors qu’il n’en ont pas formulé la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> directement après la<br />
lecture <strong>de</strong>s préventions à leur charge par le greffier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réplique à l’intervention <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, Maître RAYMOND<br />
Georges, Conseil <strong>de</strong>s prévenus ayant pour interprète NDIKUBWIMANA, dit qu’il estime que<br />
les aveux et le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong> ses clients peuvent être acceptés car le Tribunal n’a<br />
pas encore clôturé leur interrogatoire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit qu’en vertu <strong>de</strong> l’article 11 alinéa 2, lorsque le<br />
prévenu en fait la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> directement après la lecture <strong>de</strong>s préventions à sa charge, le recours à<br />
la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité est acceptée à l’exemple <strong>du</strong> cas <strong>de</strong> GACACA,<br />
que les concernés n’ont rien dit après la lecture <strong>de</strong>s infractions à leur charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Raymond Georges ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit que selon<br />
l’article 11 <strong>de</strong> la Loi organique, le prévenu peut présenter <strong>de</strong>s aveux et plai<strong>de</strong>r coupable à<br />
n’importe quelle étape <strong>de</strong> l’audience avant la clôture <strong>de</strong>s débats, que le rejet par le Tribunal <strong>de</strong>s<br />
aveux <strong>de</strong> ses clients peut avoir <strong>de</strong>s conséquences préjudiciables au pays, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> dès lors<br />
que leur procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité soit acceptée, que le retard mis pour y<br />
recourir est dû au fait qu’ils n’a jamais eu d’entretien avec eux pour leur expliquer l’intérêt <strong>de</strong><br />
cette procé<strong>du</strong>re, que si le Tribunal estime que l’acceptation <strong>de</strong>s ces aveux est impossible sur base
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
<strong>de</strong> l’article 12, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que l’affaire soit renvoyée à une autre date ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYILINKWAYA dit qu’il a auparavant préten<strong>du</strong> pouvoir pro<strong>du</strong>ire <strong>de</strong>s témoins à sa<br />
décharge mais que, après réflexion, il se rend compte qu’il ne peut pas en disposer, qu’il préfère<br />
dès lors avouer, que l’expédition meurtrière à laquelle il a pris part a causé la mort <strong>de</strong> GATERA,<br />
GATARE et BUGINGO, que ses coauteurs sont MUHOZI, HATEGEKA qui n’est plus en vie,<br />
KANYABUGANDE, NSENGIYUMVA et NTUYEHE Simon ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à NYILINKWAYA <strong>de</strong> faire une <strong>de</strong>scription<br />
détaillée <strong>de</strong>s faits conformément au prescrit <strong>de</strong> l’article 6 <strong>de</strong> la Loi organique ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Georges RAYMOND, Conseil <strong>de</strong> NYILINKWAYA ayant pour interprète<br />
NDIKUBWIMANA, dit que son client avait déjà avoué au parquet, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal<br />
d’accepter ses aveux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que NYILINKWAYA avait présenté les aveux<br />
mais qu’il s’est rétracté <strong>de</strong>vant le Tribunal, que cela pourrait être envisagé également pour les<br />
autres prévenus qui n’ont pas avoué <strong>de</strong>vant le parquet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KARANGWA dit avoir pris part en date <strong>du</strong> 07/04/1994, en compagnie <strong>de</strong><br />
NSENGIYUMVA, à une attaque dirigée par HABIYAKARE le chef <strong>de</strong>s miliciens, que les<br />
victimes ci-haut citées avaient déjà été tuées à son arrivée, qu’il a intercédé en faveur <strong>de</strong><br />
ZIHINJISHI, qu’il présente ses excuses pour avoir participé à cette attaque, que quand il est<br />
retourné à la maison, soucieux <strong>du</strong> sort <strong>de</strong>s enfants qui s’étaient cachés à son domicile, il les y a<br />
retrouvés et qu’ils sont encore en vie ;<br />
. 80<br />
16 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que MAKUZA dit qu’il avoue avoir mangé <strong>de</strong>s vaches et pillé <strong>de</strong>s haricots chez<br />
KARASIRA, que les victimes NZEYIMANA et GATARE ont été tuées en sa présence par<br />
MUHOZI, RUTAREMARA, HATEGEKA et NTIRENGANYA, que sont eux qu’il a vus ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTIVUGURUZWA dit qu’il reconnaît être parti en compagnie <strong>du</strong> responsable <strong>de</strong><br />
cellule en la personne <strong>de</strong> KANYABUGANDE et que, arrivés chez HABAMUNGU, ils ont<br />
constaté que celui-ci s’était caché, qu’ils ont <strong>de</strong>mandé à sa sœur où il était mais qu’elle leur a<br />
répon<strong>du</strong> qu’elle n’en savait rien, qu’ils ont dit qu’il n’y avait pas <strong>de</strong> différence entre<br />
NTIVUGURUZWA et les complices <strong>de</strong>s INKOTANYI dès lors qu’il ne les aidait pas à tuer les<br />
Tutsi, qu’il a été emmené <strong>de</strong> force en compagnie <strong>de</strong> HABIYAKARE Fro<strong>du</strong>ald qui avait un fusil<br />
et que c’est dans ces circonstances qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vie à NJONGO Pie,<br />
KAMBANDA et NYAMULINDA, qu’après ces crimes qui ont été commis en date <strong>du</strong><br />
07/04/1994 il est rentré chez lui où il est resté pendant la journée <strong>du</strong> 08/04/1994, qu’il a fui en<br />
date <strong>du</strong> 09/04/1994 vers KAWANGIRE en compagnie <strong>de</strong>s personnes qui avaient trouvé refuge<br />
chez lui et avec lesquelles il est rentré d’ailleurs, qu’il présente ses excuses pour avoir pris part à<br />
cette attaque mais qu’il n’a pas tué ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTUYEHE Simon dit qu’il a lui aussi pris part à une expédition mais qu’il n’a<br />
toutefois tué personne, qu’il est allé au domicile <strong>de</strong> BUGINGO pour lui porter secours et qu’il a<br />
sauvé <strong>de</strong>s gens tels que ZIHINJISHI et SUMWIZA Philomène, que cependant ZIHINJISHI qui
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
se trouve dans la salle d’audience affirme que NTUYEHE ne lui a été d’aucune utilité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTUYEHE dit qu’il a quitté son domicile suite au cri d’alarme poussé par un jeune<br />
homme nommé Mustafa à cause d’une attaque qui était menée chez BUGINGO, qu’ils sont<br />
partis ensemble et que GATERA avait déjà été tué quand ils sont arrivés sur les lieux, qu’il a<br />
alors intercédé auprès <strong>de</strong>s tueurs en faveur <strong>de</strong> GATARE, ZIHINJISHI, le beau-frère <strong>de</strong><br />
SUMWIZA et MUKANYILIGIRA qui étaient encore en vie, que les tueurs auxquels il s’est<br />
adressé sont NTEZIRYAYO John, NYILINKWAYA, MANIRAGABA et BAPFAKURERA<br />
mais que ceux-ci ont malgré tout tué GATARE, qu’il était en compagnie <strong>de</strong> NSENGIYUMVA,<br />
BARAHIRA, RUDASINGWA Mustafa et HABINEZA qui l’ont aidé à supplier les tueurs en<br />
vue d’épargner les personnes citées ci-haut, que MUHOZI était sur les lieux et peut en<br />
témoigner, qu’il relève enfin qu’il ne figure pas sur la liste que ZIHINJISHI a établie<br />
relativement à l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s personnes qui ont tué les membres <strong>de</strong> sa famille, qu’il est prêt à se<br />
reconnaître perdant s’il est avéré qu’il figurait sur la dite liste ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SUMWIZA Philomène qui est dans la salle d’audience dit qu’elle n’a pas vu<br />
NTUYEHE à cette date où une attaque a été menée à leur domicile ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUGABUSHAKA dit qu’il a enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s cris dans la matinée <strong>du</strong> 07/04/1994, qu’il<br />
est allé voir <strong>de</strong> quoi il s’agissait et a vu un groupe <strong>de</strong> gens dont faisaient partie<br />
KANYABUGANDE et MUHOZI, mais que NSENGIYUMVA n’a pas su quant à lui ce qu’il en<br />
était, qu’il a constaté que c’était une attaque menée chez GATERA et que les intéressés étaient<br />
en train <strong>de</strong> rechercher son épouse, qu’il a, à son arrivée, intercédé en faveur <strong>de</strong>s personnes<br />
menacées en disant qu’elles n’ont jamais été complices <strong>de</strong>s INKOTANYI, qu’ils les ont alors<br />
envoyées loger chez HABINEZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a tué personne mais qu’il avoue avoir pourchassé <strong>de</strong>s<br />
gens, que c’est cette infraction qu’il estime établie à sa charge et que c’est pourquoi il en<br />
présente ses excuses, qu’il poursuit en disant qu’il était en compagnie <strong>de</strong> RUTAREMARA,<br />
NTEZIRYAYO, MANIRAGABA, NTEZIRIZAZA, HATEGEKA et RUKESHA, qu’il n’a<br />
jamais chargé KANYABUGANDE, NYILINKWAYA, NTUYEHE et les autres dont il n’a pas<br />
cité les noms plus haut ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RUKESHA dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong>s infractions qui lui sont reprochées car<br />
tout au long <strong>de</strong>s faits, il s’était fait une foulure au moment où il se trouvait à l’endroit où était<br />
érigée la barrière que lui et KANYABUGANDE contrôlaient, qu’il n’a cependant pas en sa<br />
possession les ordonnances médicales qui lui ont été délivrées quand il s’est fait soigner, mais<br />
que KANYABUGANDE est au courant <strong>de</strong> son acci<strong>de</strong>nt, qu’il poursuit en disant qu’il réfute la<br />
déclaration <strong>de</strong> MUGABUSHAKA par laquelle il le met en cause car il n’est allé nulle part à<br />
cause <strong>de</strong> l’entorse dont il souffrait si bien que même ZIHINJISHI lui a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> la con<strong>du</strong>ire<br />
aux Interahamwe pour qu’ils la tuent, mais qu’il lui a répon<strong>du</strong> par la négative parce qu’il était<br />
mala<strong>de</strong>, qu’il est prêt à accepter d’être puni si <strong>de</strong>s gens viennent à l’inculper ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTUYEMBARUSHA plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong>s faits qui lui sont reprochés et<br />
poursuit sa défense en disant qu’il n’a jamais pris part aux expéditions meurtrières, qu’il y a eu<br />
<strong>de</strong>s cris en date <strong>du</strong> 07/04/1994 et qu’il a remarqué un va-et-vient ininterrompu <strong>de</strong> gens, que<br />
quelques instants plus tard, il a enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s gens dire que les maisons <strong>de</strong> BUGINGO et <strong>de</strong><br />
KARASIRA étaient en feu, que KANYABUGANDE le charge par vengeance par suite <strong>de</strong> son<br />
refus <strong>de</strong> surveiller la barrière, qu’il se trouvait au centre <strong>de</strong> RUBILI quand il appris tout cela, que<br />
les membres <strong>de</strong>s familles <strong>de</strong> GATERA et BUGINGO ont été tués par MUHOZI qui a par ailleurs<br />
. 81
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
commis plusieurs infractions et est un voleur ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MBONABUCYA dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong>s infractions qui lui sont<br />
reprochées car le génoci<strong>de</strong> a commencé <strong>de</strong>ux jours après sa sortie <strong>de</strong> l’hôpital <strong>de</strong><br />
RWAMAGANA , qu’il a appris que HABYARIMANA qui était chef <strong>de</strong> l'Etat était mort et que<br />
vers 11 heures, un communiqué radiodiffusé a donné injonction à la population <strong>de</strong> rester chez<br />
elle, que c’est à ce moment qu’il a vu KANYABUGANDE et son fils commettre <strong>de</strong>s tueries,<br />
que la raison qui pousse KANYABUGANDE à le mettre injustement en cause est qu’ils<br />
n’étaient pas membres d’un même parti politique et que KANYABUGANDE le mettait souvent<br />
en prison pour ce motif, qu’il poursuit en disant que les biens qui ont été retrouvés dans sa<br />
maison appartenaient à KANYABUGANDE et à son fils qui les lui avaient confiés pour qu’il les<br />
gar<strong>de</strong> pour eux ;<br />
. 82<br />
17 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que KAGINA dit que sa défense consiste en ce qu’il disposait <strong>de</strong> la bière <strong>de</strong> sorgho<br />
qu’il avait fait fermenter chez lui, qu’il n’est donc allé nulle part et n’a tué personne, qu’il n’a<br />
pris part à aucune attaque, que cependant, RWAMAKUBA Hamada le charge d’avoir tué<br />
MUHIRE et KARANGWA à KABARONDO, que dans sa défense, KAGINA dit que les<br />
miliciens Interahamwe l’ont trouvé à KABARONDO, l’ont traité <strong>de</strong> vaurien et lui ont donné un<br />
coup <strong>de</strong> machette au cou, que c’est sous la contrainte qu’il a tué ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que KAGINA est mis en cause par <strong>de</strong> nombreux<br />
témoins d’avoir notamment, en compagnie <strong>de</strong> NTIVUGURUZWA, incendié la maison <strong>de</strong><br />
NDAMAGE Protais et d’avoir commis beaucoup d’autres actes répréhensibles qui sont<br />
mentionnés dans le dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAGINA dit que tous les témoins qui le chargent le font injustement par haine<br />
surtout qu’ils habitent dans les propriétés foncières <strong>de</strong> sa famille, qu’il n’était ni membre <strong>du</strong><br />
comité <strong>de</strong> cellule, ni conseiller <strong>de</strong> secteur ou une quelconque autre autorité, que RWAMAKUBA<br />
Hamada le charge dans le cadre d’un complot ourdi contre sa personne et visant à ce qu’il soit<br />
mis en prison avec eux, que les rescapés <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> savent très bien qu’il n’a pas pris part aux<br />
tueries ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public , sur base <strong>de</strong> l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong><br />
30/8/1996, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> ranger KANYABUGANDE dans la catégorie 1(b) pour<br />
avoir agi en position d’autorité au niveau <strong>de</strong> la cellule dont il était le responsable et requiert les<br />
peines ainsi qu’il suit :<br />
Pour l’infraction d’encadrement, incitation et supervision d’un groupe <strong>de</strong> malfaiteurs : 15 ans<br />
d’emprisonnement ;<br />
Pour l’infraction d’avoir dirigé les attaques ayant occasionné la mort <strong>de</strong>s victimes : peine <strong>de</strong><br />
mort ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> détention illégale d’arme à feu : un an d’emprisonnement;<br />
Pour l’infraction d’avoir été un milicien et avoir érigé <strong>de</strong>s barrières : 2 ans d’emprisonnement ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> tentative d’assassinat : peine <strong>de</strong> mort ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> vol commis à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> violences ou menaces : 10 ans d’emprisonnement<br />
Pour les infractions <strong>de</strong> pillage, <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s animaux : 20 ans<br />
d’emprisonnement ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> non assistance à personnes en danger : 5 ans d’emprisonnement ;
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>du</strong> domicile : 2 ans d’emprisonnement, et en vertu <strong>de</strong> l’article 18<br />
<strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, il requiert la peine <strong>de</strong> mort ;<br />
Pour KAREKEZI Augustin, qu'il doit être rangé dans la catégorie 1 ( a et b) pour avoir été<br />
incitateur, superviseur, encadreur <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et avoir agi en position d’autorité en tant<br />
que conseiller <strong>de</strong> secteur. Que les peines requises à sa charge sont :<br />
Pour les infractions d’organisation, supervision et encadrement <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> : peine <strong>de</strong><br />
mort ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> détention illégale d’arme à feu : 1 an d’emprisonnement ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> non assistance à personnes en danger : 5 ans d’emprisonnement, et, en vertu<br />
<strong>de</strong> l’article 18 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, il requiert la peine <strong>de</strong> mort.<br />
Pour NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong>, qu'il doit être rangé dans la catégorie 1(b) car il a commis les<br />
infractions citées plus haut en qualité <strong>de</strong> responsable <strong>du</strong> parti MRND au niveau <strong>de</strong> la cellule :<br />
Pour l’infraction d’avoir été membre d’une association <strong>de</strong>s malfaiteurs : 15 ans<br />
d’emprisonnement ;<br />
Pour l’infraction d’assassinat : peine <strong>de</strong> mort ;<br />
. 83<br />
18 ème feuillet.<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles : 2 ans d’emprisonnement ;<br />
Pour les infractions <strong>de</strong> pillage , <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s animaux : 20 ans<br />
d’emprisonnement et, en vertu <strong>de</strong> l’article 18 <strong>de</strong> la Loi organique n° 8/96 <strong>du</strong> 30/8/96, il requiert<br />
la peine <strong>de</strong> mort.<br />
Pour MUHOZI Samuel, qu'il doit être rangé dans la catégorie I (c) pour avoir été un meurtrier<br />
<strong>de</strong> grand renom qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partout où il est passé à cause<br />
<strong>du</strong> zèle et <strong>de</strong> la méchanceté excessive qui l’ont caractérise dans les tueries.<br />
Pour l’infraction d’assassinat : peine mort ;<br />
Pour l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs : 15 ans d’emprisonnement ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles : 2 ans d’emprisonnement;<br />
Pour les infractions <strong>de</strong> participation criminelle, <strong>de</strong> pillage , <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s<br />
animaux : 20 ans d’emprisonnement soit par cumul la peine <strong>de</strong> mort en vertu <strong>de</strong> l’article 18 <strong>de</strong> la<br />
Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/96, mais, qu'en application <strong>de</strong> l’article 9 alinéa 2, il doit être<br />
rangé dans le 2 ème catégorie car il a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité<br />
avant que son nom soit publié sur la liste <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> la première catégorie et à cet égard, il<br />
est requis la peine d’emprisonnement à perpétuité ;<br />
A charge <strong>de</strong> :<br />
MAKUZA, NTUYEHE, KARANGWA Jean , RUKESHA Obed, NTIVUGURUZWA Cyprien,<br />
KAGINA Félicien et NYILINKWAYA : ils doivent être rangés dans la 2 ème catégorie car leurs<br />
actes <strong>de</strong> participation criminelle ont causé la mort ;<br />
Pour l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs : 20 ans d’emprisonnement chacun ;<br />
Pour l’infraction d’assassinat : peine <strong>de</strong> mort chacun ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles : 2 ans d’emprisonnement chacun ;<br />
Pour les infractions <strong>de</strong> pillage, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s animaux : 20 d’emprisonnement<br />
chacun et, en vertu <strong>de</strong>s articles 14 (b) et 18 <strong>de</strong> la loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/96, il requiert la
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
peine d’emprisonnement à perpétuité à charge <strong>de</strong> chacun ;<br />
A charge <strong>de</strong> :<br />
RWAMAKUBA Hamada, GACACA Jérémie, MUNYABUGINGO Auguste et<br />
HAVUGIMANA J. Bosco qui ont plaidé coupable. Ils doivent être rangés dans la 2 ème catégorie<br />
car leurs actes criminels ou <strong>de</strong> participation criminelle ont causé la mort :<br />
Pour l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs : 20 ans d’emprisonnement chacun ;<br />
Pour l’infraction d’assassinat : 20 ans d’emprisonnement chacun ;<br />
Pour l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles : 2 ans d’emprisonnement chacun ;<br />
Pour les infractions <strong>de</strong> pillage , <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s biens et <strong>du</strong> animaux : 20 ans d’emprisonnement ,<br />
et, en vertu <strong>de</strong> l’article 18 <strong>de</strong> la loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/96, la peine d’emprisonnement à<br />
perpétuité, mais étant donné qu’ils ont recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité, il requiert, sur base <strong>de</strong> l’article 16(a), 15 ans d’emprisonnement ;<br />
Il requiert en outre que les frais d’instance soient mis à leur charge, la disjonction <strong>de</strong> l’action<br />
civile, la saisie <strong>de</strong> leurs biens, <strong>de</strong> même que la dégradation civique totale à charge <strong>de</strong><br />
KANYABUGANDE François, KAREKEZI Augustin, NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> et MUHOZI<br />
Samuel tel que prévu à l'article 17 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, la dégradation<br />
civique à charge <strong>de</strong> NYILINKWAYA alias Flèche, RWAMAKUBA Hamada, GACACA<br />
Jérémie, MAKUZA J. Damascène, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA J. Bosco.<br />
. 84<br />
19 ème feuillet.<br />
Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> par ailleurs au Tribunal d’allouer <strong>de</strong>s dommages et intérêts aux victimes non encore<br />
i<strong>de</strong>ntifiées (art. 30 alinéa 3 <strong>de</strong> a Loi organique <strong>du</strong> 30/08/96) ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUHOZI dit qu’il n’a rien à ajouter à ses moyens <strong>de</strong> défense à part présenter ses<br />
excuses ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUNYABUGINGO , GACACA, NTIVUGURUZWA , NYIRINKWAYA et<br />
MAKUZA disent qu’ils présentent leurs excuses, tandis que KARANGWA dit qu’il a plaidé<br />
coupable mais que le Ministère Public l’a rangé dans une autre catégorie;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANYABUGANDE dit qu’il est victime d’injustice et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal<br />
d’examiner son cas ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREKEZI dit qu’il a rédigé ses aveux sous la torture à cause <strong>de</strong>s coups qui lui<br />
étaient administrés, que le fusil qu’il avait lui avait été donné par l’autorité communale et qu’il<br />
n’a pas participé aux tueries ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> dit qu’il réfute les déclarations <strong>de</strong> SANKARA, MUHOZI<br />
et NYILINKWAYA, que les faits dont ils parlent ne sauraient être établis à sa charge et qu’il n’a<br />
pris part à aucune attaque ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTUYEHE dit qu’il ne figure pas sur la liste <strong>de</strong> ceux qui ont commis <strong>de</strong>s tueries<br />
chez BUGINGO, qu’il ne faisait pas non plus partie <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a rien à ajouter sinon présenter ses excuses ;
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Atten<strong>du</strong> que RUKEBESHA Obed dit qu’il n’ajoute rien à ses moyens <strong>de</strong> défense et qu’il n’a pris<br />
part à aucune attaque ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTUYEMBARUSHA dit qu’il réfute les déclarations <strong>de</strong> MUHOZI et<br />
KANYABUGANDE, qu’il est victime d’injustice ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MBONABUCYA dit qu’il rappelle au Tribunal qu’il était mala<strong>de</strong>; que KAGINA dit<br />
quant à lui qu’un conflit l’oppose à RWAMAKUBA , NDAMAGE, SANKARA, et Marie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Georges RAYMOND, Conseil <strong>de</strong> quelques-uns <strong>de</strong>s prévenus et ayant pour<br />
interprète NDIKUBWIMANA , dit qu’il n’est pas facile d’assister 14 prévenus à la fois, mais<br />
qu’ils ont beaucoup <strong>de</strong> points communs, qu’aucun d’entre eux n’était une autorité mais qu’ils<br />
étaient <strong>de</strong> simples citoyens qui ont reçu les ordres <strong>de</strong> commettre les infractions, qu’ils ne<br />
pouvaient pas agir autrement car toute résistance leur aurait coûté la vie, qu’après un examen<br />
attentif le Tribunal constatera que les intéressés n’ont eu aucune responsabilité dans les faits qui<br />
ont eu lieu, qu’il estime lour<strong>de</strong>s les peines requises par le Ministère Public à l’encontre <strong>de</strong> ses<br />
clients, qu’ils <strong>de</strong>vraient à son avis être rangés dans la 3 ème catégorie eu égard à la responsabilité<br />
<strong>de</strong> chacun, qu’il y a lieu pour le Tribunal <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à la catégorisation <strong>de</strong>s 14 prévenus étant<br />
enten<strong>du</strong> qu’il doit être fait application <strong>de</strong> l’article 15 <strong>de</strong> la Loi organique aux 6 prévenus qui ont<br />
recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité car ils ont avoué avant leur poursuite<br />
par le Ministère Public, mais non l’article 16 <strong>de</strong> cette Loi organique, que le Tribunal doit tenir<br />
compte <strong>de</strong>s excuses qu’ils ont présentées, que concernant les prévenus qui ont cité <strong>de</strong>s témoins à<br />
leur décharge, il y a lieu d’entendre ceux-ci, que pour ceux qui n’en ont pas pro<strong>du</strong>it il faudra<br />
considérer leurs propres témoignages, qu’ils ont participé aux attaques mais n’ont commis aucun<br />
acte criminel, qu’il y a <strong>de</strong>s circonstances atténuantes en leur faveur, que la dégradation civique<br />
doit être prononcée par le Tribunal mais qu’il implore sa mansuétu<strong>de</strong> car les prévenus n’étaient<br />
pas <strong>de</strong>s autorités, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’entendre les témoins que KAGINA souhaite<br />
présenter à sa décharge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Tribunal, après examen <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> défense <strong>de</strong>s prévenus, <strong>de</strong>s arguments<br />
développés par les avocats <strong>de</strong> la défense ainsi que <strong>de</strong>s réquisitions <strong>du</strong> Ministère Public ;<br />
Constate que l’action intro<strong>du</strong>ite par le Ministère Public est recevable car elle est régulière en la<br />
forme ;<br />
Constate que la responsabilité <strong>de</strong>s 18 prévenus diffère par les actes qu’ils ont commis et par le<br />
recours à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong> quelques-uns qui ont en outre<br />
présenté leurs excuses ;<br />
. 85<br />
20 ème feuillet.<br />
Constate que l’infraction reprochée à KANYABUGANDE et consistant dans le fait d’avoir créé,<br />
encadré, incité et supervisé un groupe <strong>de</strong> malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi et<br />
d’autres personnes qui étaient opposées au MRND et à la CDR et d’avoir mis ce plan en<br />
exécution est établie à sa charge sans aucun doute car, même s’il en plai<strong>de</strong> non coupable, il est<br />
mis en cause par ceux qu’il dirigeait en sa qualité <strong>de</strong> responsable <strong>de</strong> la cellule UMUREHE dans<br />
le secteur GAKENKE en commune MURAMBI et notamment les nommés MUHOZI Samuel,<br />
NYILINKWAYA Pierre Damien, NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong>, GACACA Jérémie, MAKUZA Jean<br />
Damascène, MUNYABUGINGO Augustin, RWAMAKUBA Hamada, NTUYEHE Simon,<br />
KARANGWA Jean Baptiste, BAPFAKURERA Innocent, RUKESHA Obed, ainsi que par les
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
membres <strong>de</strong>s familles auxquelles appartenaient les victimes qu’il a tuées ;<br />
Constate que l’infraction d’avoir dirigé les attaques qui ont coûté la vie à GATERA Claver,<br />
BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKURIKIYINKA, BAZIGAGA Thérèse,<br />
NZEYIMANA, les membres <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> Pie NJONGO, la sœur <strong>de</strong> SANKARA Aloys<br />
nommée UWIMANA, 6 fils <strong>de</strong> GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANA est également<br />
établie à sa charge car toutes ces victimes ont péri lors <strong>de</strong>s attaques dirigées par lui dans ce but,<br />
et il en est chargé par ses co-prévenus, les membres <strong>de</strong>s familles auxquelles appartenaient les<br />
victimes qui ont été tuées ainsi que les témoins enten<strong>du</strong>s qui rési<strong>de</strong>nt dans la cellule dont il était<br />
responsable ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> détention illégale <strong>de</strong> fusil reprochée à KANYABUGANDE F. n’est<br />
pas établie à sa charge car il l’a reçu <strong>de</strong>s autorités compétentes ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> s’être comporté en milicien en érigeant <strong>de</strong>s barrières alors qu’il<br />
portait un fusil, et d’avoir placé <strong>de</strong>s hommes sous ses ordres en vue d’intercepter ceux qu’il<br />
qualifiait <strong>de</strong> complices <strong>de</strong>s INKOTANYI n’est pas établie à sa charge car lesdites barrières ont<br />
été instituées par le régime <strong>de</strong> l’époque auquel il <strong>de</strong>vait obéissance en sa qualité <strong>de</strong> responsable<br />
<strong>de</strong> la cellule UMUREHE, qu’ainsi aucune intention délictueuse ne peut lui être imputée dans la<br />
mise en place <strong>de</strong> cette barrière ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> tentative d’assassinat <strong>de</strong> Charles NTAGANZWA, YAHAYA et<br />
MUNYANEZA Selemani est établie à charge <strong>de</strong> KANYABUGANDE car c’est lui qui a donné<br />
au nommé BENDA Laurent l’ordre <strong>de</strong> tirer et que l’intéressé s’est exécuté, à part que les<br />
victimes visées ont eu la chance <strong>de</strong> ne pas être atteintes par les balles ;<br />
Constate que l’infraction à charge <strong>de</strong> KANYABUGANDE d’avoir commis <strong>de</strong>s vols à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
violences et menaces au préjudice <strong>de</strong> GATERA Claver en le traitant <strong>de</strong> complice <strong>de</strong>s<br />
INKOTANYI entre octobre 1990 et décembre 1992 ne peut être retenue car le Ministère Public<br />
n’a pas précisé les objets qu’il aurait volés et que les témoins enten<strong>du</strong>s ne l’en chargent pas à<br />
l’exception <strong>de</strong> SUMWIZA Philomène qui est plaignante, cette seule déclaration ne pouvant pas<br />
être considérée comme crédible par le Tribunal ;<br />
Constate que l’infraction d’avoir, en compagnie <strong>de</strong> ses acolytes, commis <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pillage, <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>structions <strong>de</strong>s maisons et <strong>du</strong> bétail appartenant aux victimes qu’ils venaient <strong>de</strong> tuer telle que<br />
reprochée à KANYABUGANDE est établie à sa charge car <strong>de</strong> nombreux témoins l’en chargent<br />
et que ce bétail a été effectivement mangé et <strong>de</strong>s maisons ont été détruites, qu’ainsi ces actes ont<br />
été commis lors <strong>de</strong>s attaques menées par lui ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> non assistance à personnes en danger reprochée à<br />
KANYABUGANDE est établie à sa charge car, en sa qualité d’autorité et étant en possession<br />
d’un fusil, il avait les moyens <strong>de</strong> s’opposer aux attaques et aurait pu défendre les victimes s’il ne<br />
faisait pas partie <strong>de</strong>sdites attaques ;<br />
Constate que KANYABUGANDE est coupable <strong>de</strong> l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles après la<br />
mort <strong>de</strong> Juvénal HABYARIMANA ancien chef <strong>de</strong> l’Etat (en avril 1994) car les membres <strong>de</strong>s<br />
attaques dirigées par lui se sont intro<strong>du</strong>its dans <strong>de</strong>s maisons à la recherche <strong>de</strong>s victimes à tuer<br />
ainsi que dans tous les endroits où elles avaient trouvé refuge et se cachaient, ces actes ayant été<br />
confirmés par certains <strong>de</strong> ses co-prévenus ;<br />
. 86
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Constate que toutes les infractions établies à charge <strong>de</strong> KANYABUGANDE sont en concours<br />
réel ;<br />
Constate que KAREKEZI est coupable <strong>de</strong> l’infraction à lui reprochée d’avoir organisé, encadré<br />
et mis en exécution le génoci<strong>de</strong> en tenant <strong>de</strong>s réunions <strong>de</strong>s responsables <strong>de</strong>s cellules <strong>du</strong> secteur<br />
dont il était le conseiller au cours <strong>de</strong>squelles il leur intimait l'ordre <strong>de</strong> lui communiquer la liste<br />
<strong>de</strong>s victimes à tuer même s’il en plai<strong>de</strong> non coupable en alléguant que les aveux qu’il a faits<br />
<strong>de</strong>vant l’Officier <strong>de</strong> Police Judiciaire lui ont été extorqués au moyen <strong>de</strong> coups, ce moyen <strong>de</strong><br />
défense ne pouvant pas lui être utile dès lors que ses aveux rédigés<br />
. 87<br />
21 ème feuillet.<br />
en date <strong>du</strong> 18 janvier 1997 contiennent une <strong>de</strong>scription qui lève tout doute sur les circonstances<br />
dans lesquelles les faits ont été organisés, et que rien ne prouve qu’il a rédigé ces aveux sous la<br />
contrainte, que si même il avait été réellement battu, il n’a pas pro<strong>du</strong>it les ordonnances médicales<br />
qui lui auraient été délivrées à l’occasion <strong>de</strong>s soins médicaux reçus suite à ces coups ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> détention illégale <strong>de</strong> fusil n’est pas établie à charge <strong>de</strong> KAREKEZI<br />
car il l’a reçu <strong>de</strong> l’autorité compétente ;<br />
Constate que malgré son changement <strong>de</strong> déclaration, KAREKEZI Augustin a auparavant accepté<br />
<strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r coupable <strong>de</strong> non assistance à personnes en danger, que cette infraction est établie à sa<br />
charge car il reconnaît lui-même qu’il n’a pas mis fin aux massacres qui ont été commis dans le<br />
secteur GAKENKE dont il était le conseiller, disant qu’il a défen<strong>du</strong> les biens <strong>de</strong> sa famille au<br />
détriment <strong>de</strong> la population ;<br />
Constate que les infractions à charge <strong>de</strong> KAREKEZI Augustin sont en concours réel,<br />
Constate que NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> est coupable <strong>de</strong> l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
qui lui est reprochée car, même s’il prétend avoir porté secours à la famille <strong>de</strong> BUGINGO, ce<br />
moyen <strong>de</strong> défense ne peut pas lui être utile dès lors que les personnes qu’il dit avoir secourues<br />
sont les premières à le mettre en cause tout comme ses co-prévenus MUHOZI Samuel,<br />
NYILINKWAYA alias Flèche et HAVUGIMANA J.B, surtout que les témoins qu’il a présentés<br />
à sa décharge l’ont eux aussi mis en cause tel SUMWIZA Philomène et ZIHINJISHI ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> complicité d’assassinat <strong>de</strong> GATERA, BUGINGO, GATARE,<br />
RWABAGABO, NKULIKIYINKA, BAZIGAGA, NZEYIMANA, <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille<br />
NJONGO, UWIMANA, 6 fils <strong>de</strong> GATERA claver, KAYIRANGA et HABIMANA est établie à<br />
charge <strong>de</strong> NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> car ces victimes ont été tuées par <strong>de</strong>s gens qui étaient dans le<br />
même groupe que lui, et qu’il était par ailleurs le responsable <strong>du</strong> parti politique MRND dans la<br />
cellule UMUREHE, le fait <strong>de</strong> nier simplement les faits ne pouvant lui être d’aucune utilité ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles est établie à charge <strong>de</strong> NSENGIYUMVA car<br />
les victimes ont été tuées après avoir été dénichées <strong>de</strong> leurs maisons où <strong>de</strong>s endroits où elles<br />
avaient cherché refuge et se cachaient, la preuve éclatante étant qu’il prétend avoir été chez<br />
BUGINGO pour porter secours à sa famille alors que l’épouse <strong>de</strong> la victime, en la personne <strong>de</strong><br />
SUMWIZA, affirme que son objectif n’était point <strong>de</strong> leur porter assistance ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> pillage, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maisons et <strong>de</strong> bétail est établie à sa charge car<br />
ces actes ont été commis publiquement à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> par le groupe <strong>de</strong> malfaiteurs dont
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
il faisait partie ;<br />
Constate que les infractions d’association <strong>de</strong> malfaiteurs dans le but <strong>de</strong> tuer les Tutsi et autres<br />
opposants au MRND-CDR, d’assassinat <strong>de</strong> GATERA et <strong>de</strong>s autres victimes dont il est question<br />
au 5 ème exposé <strong>de</strong>s motifs et ce, en raison <strong>de</strong> leur ethnie, <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles dans le but <strong>de</strong><br />
commettre <strong>de</strong>s tueries, <strong>de</strong>s pillages, ainsi que celles <strong>de</strong> pillage, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maisons et <strong>de</strong><br />
bétail sont établies à charge <strong>de</strong> MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA, RUKESHA<br />
Obed et MUGABUSAHAKA Jean Bosco car ils sont mis en cause par leurs co-prévenus qui ont<br />
recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ;<br />
Constate que MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada ont recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et<br />
<strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant les poursuites et qu’ils se sont livrés eux-mêmes à l’autorité<br />
compétente à cause <strong>de</strong>s infractions qu’ils ont commises ;<br />
Constate que les infractions mises à charge <strong>de</strong> MUHOZI Samuel par le Ministère Public sont les<br />
suivantes :<br />
1. Avoir été un meurtrier <strong>de</strong> grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou<br />
partout où il est passé à cause <strong>du</strong> zèle qui l’a caractérisé dans les tueries et <strong>de</strong> la méchanceté<br />
excessive avec laquelle elles ont été exécutées ;<br />
22 ème feuillet.<br />
2. Avoir fait partie d’une association <strong>de</strong>s malfaiteurs dont le but était <strong>de</strong> porter atteinte aux Tutsi<br />
et à leurs biens à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
3. Violation <strong>de</strong> domiciles en vue <strong>de</strong> piller et <strong>de</strong> tuer ;<br />
4. Pillage, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maisons et <strong>de</strong> bétail ;<br />
que rien ne prouve cependant que MUHOZI Samuel a été un meurtrier <strong>de</strong> grand renom tel qu’il<br />
en est accusé, les 13 témoignages à sa charge ne pouvant pas suffire pour qu’il soit qualifié<br />
comme tel dès lors qu’aucun élément <strong>du</strong> dossier ne montre qu’il a été caractérisé par un zèle ou<br />
une méchanceté excessive particulière par rapport à ses coauteurs, qu’ainsi le Tribunal estime<br />
qu’il doit être rangé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie tel que prévu par l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique<br />
n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 ;<br />
Constate que les infractions mises à charge <strong>de</strong> RWAMAKUBA Hamada par le Ministère Public<br />
sont les suivantes :<br />
1. Avoir formé une association <strong>de</strong> malfaiteurs dans le but <strong>de</strong> massacrer les Tutsi et d’autres<br />
adversaires politiques <strong>du</strong> MRND et <strong>de</strong> la CDR ;<br />
2. Avoir tué avec préméditation les personnes citées plus haut en raison <strong>de</strong> leur ethnie ;<br />
3. Violation <strong>de</strong> domiciles d’autrui dans le but <strong>de</strong> tuer et <strong>de</strong> piller <strong>de</strong>s biens ;<br />
4. Avoir pillé <strong>de</strong>s biens, détruit <strong>de</strong>s maisons, abattu le bétail appartenant aux victimes tuées en<br />
raison <strong>de</strong> leur ethnie ;<br />
Constate que les infractions reprochées à MUHOZI Samuel et <strong>de</strong> RWAMAKUBA Hamada et<br />
dont ils ont plaidé coupables sont en concours réel tel que prévu par l’article 18 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 et par l’article 94 <strong>du</strong> co<strong>de</strong> pénal, Livre I ;<br />
Constate que MUNYABUGINGO Augustin, HAVUGIMANA Jean Bosco, GACACA Jérémie,<br />
NYILINKWAYA Pierre Damien alias « Flèche », KARANGWA Jean, MAKUZA Jean<br />
Damascène, NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ont avoué et plaidé coupables <strong>de</strong>s<br />
infractions suivantes :<br />
1. Avoir formé une association <strong>de</strong> malfaiteurs dans le but <strong>de</strong> massacrer les Tutsi et d’autres<br />
. 88
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
adversaires politiques <strong>du</strong> MRND et <strong>de</strong> la CDR ;<br />
2. Avoir volontairement tué GATERA et ses six enfants, BUGINGO, GATARE,<br />
RWABAGABO, NKULIYINKA, BAZIGAGA, NZEYIMANA, les membres <strong>de</strong> la famille<br />
Pie NJONGO, KAYIRANGA, UWIMANA et HABIMANA ;<br />
3. Violation <strong>de</strong> domiciles ;<br />
4. Pillage, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maisons et <strong>de</strong> bétail appartenant aux victimes qu’ils venaient <strong>de</strong> tuer ;<br />
ces infractions étant en concours réel ;<br />
Constate que seule l’infraction <strong>de</strong> meurtre <strong>de</strong> KARANGWA et MUHIRE à KABARONDO est<br />
établie à charge <strong>de</strong> KAGINA Félicien car RWAMAKUBA et MUGABUSHAKA l’en chargent,<br />
que le Tribunal doit cependant faire preuve <strong>de</strong> clémence en sa faveur eu égard à la contrainte qui<br />
a été exercée sur lui par ses coauteurs dont RWAMAKUBA qui le charge dès lors qu’ils lui ont<br />
d’abord donné un coup <strong>de</strong> machette au cou pour le forcer à accepter <strong>de</strong> tuer, qu’il doit être<br />
acquitté <strong>de</strong>s autres infractions pour absence <strong>de</strong> preuves à sa charge ;<br />
Constate que NTUYEHE Simon doit être acquitté <strong>de</strong> toutes les infractions à sa charge car le<br />
Ministère Public n’en a pas rapporté <strong>de</strong> preuves tangibles, qu’il apparaît clairement au contraire<br />
que c’est pour porter secours qu’il est arrivé au même moment que l’attaque, cela étant confirmé<br />
par le fait qu’il n’a pas hésité à intercé<strong>de</strong>r en faveur <strong>de</strong>s personnes qui étaient menacées d’être<br />
tuées même si ses supplications n’ont servi à rien puisque ces personnes ont malgré tout été<br />
emmenées et tuées, que par ailleurs les personnes qui le chargent parmi lesquelles figurent<br />
MUHOZI Samuel, MAKUZA, NYILINKWAYA et GACACA, le font par vengeance parce qu’il<br />
les empêchait <strong>de</strong> tuer, l’autre preuve <strong>de</strong> son innocence étant que la majorité <strong>de</strong> ses co-prévenus<br />
l’ont disculpé au cours <strong>de</strong>s débats en audience et qu’il a lui-même nié les faits tout au long <strong>de</strong> la<br />
procé<strong>du</strong>re ;<br />
PAR CES MOTIFS ;<br />
. 89<br />
23 ème feuillet.<br />
Vu la Convention internationale <strong>du</strong> 9/12/1948 relative à la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et<br />
<strong>de</strong>s crimes contre l’humanité ;<br />
Vu l’article I <strong>de</strong> la Loi Fondamentale <strong>du</strong> 26/5/1995 ;<br />
Vu la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité spécialement en ses articles 1<br />
et 2, 1 ère catégorie a et b, 2 ème et 4 ème catégories, 4, 6, 9, 19, 11, 14a, 15, 16, 17, 18, 30 alinéas 1<br />
et 2, 37 et 39 ;<br />
Vu les articles 6, 12, 57, 1 04, 118, 119, 129, 199, 200 et 201 <strong>du</strong> Décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 7/7/1998<br />
portant Co<strong>de</strong> d’organisation et <strong>de</strong> compétence judiciaires au Rwanda ;<br />
Vu les articles 58, 59, 61, 62, 63, 71, 73, 75, 76, 80, 83, 90, 129, 130 et 138 <strong>de</strong> la Loi <strong>du</strong><br />
23/3/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale tel que modifiée jusqu'à ce jour par le Décret-loi<br />
n°07/82 <strong>du</strong> 07/01/1992 ;<br />
Vu les articles 25, 66 al.2, 3 et 5, 68, 69, 82, 83, 89, 90, 91, 94, 168 al.1, 256 al.1, 281, 282, 304,<br />
311, 312 et 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal, livre I ;
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Vu l’article 81 al.2 <strong>de</strong> la Loi <strong>du</strong> 15/07/1964 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re civile et commerciale tel<br />
que modifiée par la Loi n°32/85 <strong>du</strong> 08/11/1985 ;<br />
Vu la Loi n°12/84 <strong>du</strong> 12/5/1984 relative au mandat <strong>de</strong> représentation ou d’assistance en justice ;<br />
STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT<br />
Déclare recevable l’action <strong>du</strong> Ministère Public car régulière en la forme et la dit partiellement<br />
fondée ;<br />
Déclare KANYABUGANDE François coupable <strong>de</strong>s infractions à sa charge mais l’acquitte <strong>de</strong>s<br />
infractions <strong>de</strong> détention illégale d’arme à feu et <strong>de</strong> participation à un groupe paramilitaire en<br />
érigeant une barrière, comme cela est expliqué dans les motifs et le range dans la première<br />
catégorie (b) ;<br />
Déclare KAREKEZI Augustin coupable <strong>de</strong>s infractions à sa charge mais l’acquitte <strong>de</strong><br />
l’infraction <strong>de</strong> détention illégale d’arme à feu comme expliqué dans les motifs et le range dans la<br />
première catégorie (a et b) ;<br />
Déclare NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> coupable <strong>de</strong>s infractions à sa charge comme expliqué dans les<br />
motifs et le range dans la catégorie 1(b) ;<br />
Déclare MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA Jean Clau<strong>de</strong>, RUKESHA Obed et<br />
MUGABUSHAKA Jean Bosco coupables <strong>de</strong>s infractions à leur charge tel qu’expliqué dans les<br />
motifs et les range dans la 2 ème catégorie ;<br />
Déclare MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada coupables <strong>de</strong>s infractions à leur charge<br />
comme expliqué dans les motifs, mais comme ils ont recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong><br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant les poursuites, ils doivent bénéficier d’une ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine<br />
comme prévu par la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 en son article 15 et sont rangés dans la<br />
2 ème catégorie ;<br />
Déclare que MUNYABUGINGO Augustin, HAVUGIMANA J.Bosco, GACACA Jérémie,<br />
NYILINKWAYA P. Damier alias Flèche, KARANGWA Jean, MAKUZA J. Damascène et<br />
NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ont eux aussi recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong><br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité mais après les poursuites, qu’ils doivent donc être punis en vertu <strong>de</strong><br />
l’article 16 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 et qu’ils sont rangés dans la 2 ème<br />
catégorie ;<br />
. 90<br />
24 ème feuillet.<br />
Déclare KAGINA Félicien coupable <strong>de</strong> la seule infraction <strong>de</strong> meurtre commis sous la contrainte,<br />
qu’il doit bénéficier d’une ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine à cause <strong>de</strong> cette circonstance atténuante comme<br />
expliqué dans les motifs et qu’il est rangé dans la 2 ème catégorie ;<br />
Acquitte NTUYEHE Simon <strong>de</strong> toutes les infractions qui lui sont reprochées comme expliqué<br />
dans le <strong>de</strong>rnier exposé <strong>de</strong>s motifs;<br />
Déclare KANYABUGANDE François, KAREKEZI Augustin, NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong>,<br />
MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA Jean Clau<strong>de</strong>, RUKESHA Obed,<br />
MUGABUSHAKA Jean Bosco, GACACA Jérémie, NYILINKWAYA Pierre Damien alias<br />
Flèche, KARANGWA Jean, MAKUZA Jean Damascène et NTIVUGURUZWA Jean Marie
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
Vianney coupables, et NTUYEHE Simon innocent ;<br />
Condamne KANYABUGANDE François à :<br />
- 15 ans d’emprisonnement pour la première infraction ;<br />
- la peine <strong>de</strong> mort pour la <strong>de</strong>uxième infraction ;<br />
- acquittement pour le troisième infraction ;<br />
- acquittement pour la quatrième infraction ;<br />
- la peine <strong>de</strong> mort pour la cinquième infraction ;<br />
- acquittement pour la sixième infraction ;<br />
- 20 ans d’emprisonnement pour la septième infraction ;<br />
- 5ans d’emprisonnement pour la huitième infraction ;<br />
- 2 ans d’emprisonnement pour la neuvième infraction ;<br />
Soit par cumul : la peine <strong>de</strong> mort et <strong>de</strong> dégradation civique totale et perpétuelle ;<br />
Condamne KAREKEZI Augustin à :<br />
- la peine <strong>de</strong> mort pour la première infraction ;<br />
- acquittement pour la <strong>de</strong>uxième infraction ;<br />
- 5 ans d’emprisonnement pour la troisième infraction ;<br />
Soit par cumul : la peine <strong>de</strong> mort et <strong>de</strong> dégradation civique totale et perpétuelle ;<br />
Condamne NSENGIYUMVA Ab<strong>du</strong> à :<br />
- 15 ans d’emprisonnement pour la première infraction ;<br />
- la peine <strong>de</strong> mort pour la <strong>de</strong>uxième infraction ;<br />
- 2 ans d’emprisonnement pour la troisième infraction ;<br />
- 20 ans d’emprisonnement pour la quatrième infraction ;<br />
Soit par cumul : la peine <strong>de</strong> mort et <strong>de</strong> dégradation civique totale et perpétuelle.<br />
Condamne MBONABUCYA, NTUYEMBARUSHA, RUKESHA et MUGABUSHA à :<br />
- 20 ans d’emprisonnement chacun pour la première infraction ;<br />
- la peine d’emprisonnement à perpétuité chacun pour la <strong>de</strong>uxième infraction ;<br />
- 2 ans d’emprisonnement chacun pour la troisième infraction ;<br />
- 20 ans d’emprisonnement chacun pour la quatrième infraction ;<br />
Soit par cumul :peine d’emprisonnement à perpétuité et dégradation civique perpétuelle et totale<br />
à charge <strong>de</strong> chacun.<br />
Condamne MUNYABUGINGO, HAVUGIMANA, GACACA, NYILINKWAYA,<br />
KARANGWA, MAKUZA et NTIVUGURUZWA à 12 ans d’emprisonnement chacun et à la<br />
dégradation civique prévue par l’article 66, 2°,3°et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I ;<br />
Condamne MUHOZI et RWAMAKUBA Hamada à 10 ans d’emprisonnement chacun et à la<br />
dégradation civique prévue par l’article 66,2°,3° et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I ;<br />
Condamne KAGINA Félicien à 2 ans d’emprisonnement ;<br />
Déclare NTUYEHE Simon acquitté <strong>de</strong> toutes les infractions ;<br />
. 91<br />
25 ème feuillet.<br />
Ordonne aux condamnés <strong>de</strong> payer solidairement les frais <strong>de</strong> justice correspondant aux 17/18 <strong>de</strong>
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997<br />
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA<br />
45.775, soit 43.231 francs, dans le délai légal (15 jours), et édicte une contrainte par corps <strong>de</strong> 30<br />
jours chacun, suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur leurs biens ;<br />
Déci<strong>de</strong> la disjonction <strong>de</strong> l’action civile ;<br />
Dit que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours à partir <strong>du</strong> prononcé <strong>de</strong> ce jugement, mais que ceux qui<br />
ont recouru à le procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité n’ont pas le droit d’interjeter<br />
appel ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 2 MAI 1997 PAR LA<br />
CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BYUMBA<br />
COMPOSEE DES MAGISTRATS : Prési<strong>de</strong>nt : RWAMAKUBA Laurent ; Juges :<br />
GWAKANDI Jean et RUSENGATABARO Isidore, en présence <strong>de</strong> Barnabé<br />
KABANDANA et François MUSUHUKE, Officiers <strong>du</strong> Ministère Public, et <strong>du</strong> Greffier<br />
NTAGWABIRA Innocent.<br />
SIEGE<br />
Juge Prési<strong>de</strong>nt Juge Greffier<br />
GAKWANDI RWAMAKUBA RUSENGATABARO NTAGWABIRA<br />
Jean Laurent Isidore Innocent<br />
(sé) (sé) (sé) sé)<br />
. 92
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE CYANGUGU<br />
94
N°3<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> CYANGUGU<br />
<strong>du</strong><br />
6 août 1998.<br />
Ministère Public et parties civiles C/ RWAMULINDA Antoine et Consorts.<br />
ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ARRESTATION EN COURS DE PROCES<br />
(NON ; ART. 55 CPP) – ARRESTATION ILLEGALE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –<br />
ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 et 283 CP) – AVEUX<br />
(COMPLETS; PARTIELS) – CATEGORISATION (ART. 2 L.O. 30/08/1996 ; 1 ère<br />
CATEGORIE ; 2 ème CATEGORIE) – CRIME DE GENOCIDE– CRIMES CONTRE<br />
L’HUMANITE – DESTRUCTION DE BIENS APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444<br />
CP) – DOMMAGES ET INTERETS –PEINE (DEGRADATION CIVIQUE ;<br />
EMPRISONNEMENT A TEMPS; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE; PEINE DE<br />
MORT) – PROCEDURE D’AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT<br />
POURSUITES : ART. 15 L.O. 30/08/1996 ; DEROULEMENT DE L’AUDIENCE : ART.<br />
10 L.O. 30/08/1996) –PREUVE (CHARGE DE LA) – REDUCTION DE PEINE –<br />
TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE; CONCORDANTS).<br />
1. Procé<strong>du</strong>re – 2 ème prévenu – procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité – déroulement<br />
<strong>de</strong> l’audience (art. 10 L.O. <strong>du</strong> 30/08/1996).<br />
2. 7 ème prévenu – détention préventive – <strong>de</strong>man<strong>de</strong> formulée par le Ministère Public en cours<br />
<strong>de</strong> procès – rejet (art. 55 CPP).<br />
3. 2 ème prévenu – aveux et plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant poursuites acceptés – infractions<br />
établies (association <strong>de</strong> malfaiteurs, assassinat, génoci<strong>de</strong>) – <strong>de</strong>uxième catégorie – ré<strong>du</strong>ction<br />
<strong>de</strong> peine (art. 15 L.O. <strong>du</strong> 30/08/1996).<br />
4. 1 er , 6 ème et 7 ème prévenus – charge <strong>de</strong> la preuve – absence ou insuffisance <strong>de</strong> preuve –<br />
acquittement.<br />
5. 7 ème prévenu – arrestation provisoire intervenue – illégalité – libération immédiate.<br />
6. 4 ème et 5 ème prévenus – preuve – aveux partiels – témoignages – infraction établies –<br />
assassinat (art. 312 CP) – association <strong>de</strong> malfaiteurs (arts. 281, 282 et 283 CP) - génoci<strong>de</strong> –<br />
catégorisation (art.2 L.O. <strong>du</strong> 30/08/1996)- <strong>de</strong>uxième catégorie – emprisonnement à<br />
perpétuité.<br />
7. 3 ème prévenu – témoignages - infractions établies – assassinat (art. 312 CP) – association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs (arts. 281,282 et 283 CP) – génoci<strong>de</strong> – catégorisation (art.2 L.O. <strong>du</strong><br />
30/08/1996) – prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s jeunes <strong>du</strong> MRND - première catégorie – peine <strong>de</strong> mort et<br />
dégradation civique.<br />
8. Destruction volontaire d’habitations (art. 444 CP) – charge <strong>de</strong> la preuve – infraction non<br />
établie.<br />
9. Dommages et intérêts - préjudice moral – appréciation souveraine quant au montant.<br />
96
1- Le <strong>de</strong>uxième prévenu ayant recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité<br />
avant poursuites, l’audience est organisée à son égard conformément au prescrit <strong>de</strong> l’article<br />
10 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996.<br />
2- La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>du</strong> Ministère Public visant la mise en détention provisoire <strong>du</strong> 7 ème prévenu qui<br />
comparaît librement est rejetée, l’article 55 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale exigeant que le<br />
prévenu <strong>de</strong>meure jusqu’à la fin <strong>du</strong> procès dans la condition qui était la sienne au moment<br />
où le Tribunal a été saisi.<br />
3- Le bénéfice <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité offerte avant les<br />
poursuites est accordé au 2 ème prévenu qui a confirmé ses aveux et ses excuses <strong>de</strong>vant le<br />
Tribunal. Les infractions d’assassinat, d’association <strong>de</strong> mafaiteur et <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ainsi<br />
établies le classent dans la <strong>de</strong>uxième catégorie visée à l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30<br />
août 1996. La ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine prévue à l’article 15 <strong>de</strong> la Loi organique lui est accordée.<br />
Il est condamné à une peine <strong>de</strong> 7 ans d’emprisonnement.<br />
4- Il appartient au Ministère Public <strong>de</strong> prouver les faits objet <strong>de</strong> la poursuite ainsi que leur<br />
imputabilité aux prévenus. Les 1 er , 6 ème et 7 ème prévenus sont acquittés aux motifs qu’aucun<br />
élément figurant au dossier répressif, et aucun <strong>de</strong>s témoignages reçus à l’audience ne<br />
permet d’établir leur culpabilité.<br />
5- L’arrestation <strong>du</strong> 7 ème prévenu, intervenue au cours <strong>du</strong> procès en dépit même <strong>de</strong> la décision<br />
contraire <strong>du</strong> Tribunal est illégale.<br />
6- Il résulte <strong>de</strong> leurs aveux partiels et <strong>de</strong>s témoignages <strong>recueil</strong>lis que les 4 ème et 5 ème prévenus<br />
ont participé aux attaques qui leur sont imputées. Les infractions d’assassinat,<br />
d’association <strong>de</strong> malfaiteurs et <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> sont établies à leur égard. Leurs actes <strong>de</strong><br />
participation criminelle les rangent dans la <strong>de</strong>uxième catégorie. Ils sont condamnés à la<br />
peine <strong>de</strong> prison à perpétuité et à la dégradation civique.<br />
7- En dépit ses dénégations, les témoignages <strong>recueil</strong>lis concor<strong>de</strong>nt à établir que le 3 ème<br />
prévenu était le chef <strong>de</strong>s Interahamwe <strong>du</strong> secteur et qu’il a dirigé les massacres d’avril<br />
1994 au cours <strong>de</strong>squels l’ont tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions. Les<br />
infractions d’assassinat, d’association <strong>de</strong> malfaiteurs et <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> sont établies à son<br />
égard. Il est classé en première catégorie et condamné à la peine <strong>de</strong> mort et à la<br />
dégradation civique perpétuelle.<br />
8- Ni les éléments <strong>du</strong> dossier ni les témoignages <strong>recueil</strong>lis ne permettent <strong>de</strong> retenir la<br />
prévention <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction volontaire d’habitations à charge <strong>de</strong>s prévenus. Ils sont tous<br />
acquittés <strong>de</strong> cette prévention.<br />
9- Le Tribunal reçoit en la forme les actions civiles qui ont été intro<strong>du</strong>ites suivant les formes<br />
prescrites. Les 2 ème , 4 ème et 5 ème prévenus sont condamnés solidairement au paiement <strong>de</strong>s<br />
dommages moraux dont le montant est fixé souverainement.<br />
(NDLR: par arrêt <strong>de</strong> la Cour d'appel <strong>de</strong> CYANGUGU en date <strong>du</strong> 07/10/1999 ce jugement a<br />
été partiellement réformé :<br />
− le 3 ème prévenu classé en première catégorie et condamné à mort en première instance<br />
est acquitté ;<br />
97
− Sur appel <strong>du</strong> Ministère Public, le 7 ème prévenu acquitté en première instance est rangé en<br />
première catégorie et condamné à la peine <strong>de</strong> mort.<br />
− Sur appel <strong>du</strong> Ministère Public, le 6 ème prévenu acquitté en première instance est rangé en<br />
<strong>de</strong>uxième catégorie et condamné à l'emprisonnement à perpétuité.<br />
− L'appel <strong>du</strong> 2 ème prévenu est déclaré irrecevable.<br />
99
100
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
101<br />
1 er feuillet.<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CYANGUGU, CHAMBRE<br />
SPECIALISEE, Y SIEGEANT EN MATIERE D’INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU<br />
CRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE COMMISES A<br />
PARTIR DU 1 er OCTOBRE 1990, A RENDU EN DATE DU 06/08/1998, LE JUGEMENT<br />
DONT LA TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
1. RWAMULINDA Antoine fils <strong>de</strong> NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO Agathe,<br />
né en 1954 dans la cellule KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA,<br />
préfecture CYANGUGU, y résidant, marié à MUTUMWINKA Marie Immaculée, père <strong>de</strong> 4<br />
enfants, agriculteur, possédant un cochon et 2 chèvres, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus,<br />
en détention préventive <strong>de</strong>puis le 10/11/1997 ;<br />
2. GAHUNGU Célestin, fils <strong>de</strong> KAYONGA Il<strong>de</strong>phonse et MUKANYUNDO, né en 1958<br />
dans la cellule KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture<br />
CYANGUGU, y résidant, marié à MUKARUGINA Anastasie, père <strong>de</strong> 4 enfants, agriculteur,<br />
possédant une plantation <strong>de</strong> café, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, en détention<br />
préventive <strong>de</strong>puis le 01/12/1994 ;<br />
3. UWIBAMBE Jean Pierre fils <strong>de</strong> KISHI Crispe et NYIRAMINANI Suzanne, né en 1963 à<br />
KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, y<br />
résidant, marié à MUKAKALISA Spéciose, père d’un enfant, agriculteur, sans biens ni<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, en détention préventive <strong>de</strong>puis le 17/11/1997 ;<br />
4. HABIMANA Vénuste fils <strong>de</strong> NGARUKIYE Charles et NYIRAMUGOBOKA Geneviève,<br />
né en 1967 à KARENGE, RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, y<br />
résidant, célibataire, agriculteur, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, en détention préventive<br />
<strong>de</strong>puis le 13/08/1997 ;<br />
5. TWAGIRAMUNGU Trojan fils <strong>de</strong> MAHURURU Athanase et KANKINDI Candi<strong>de</strong>, né en<br />
1953 à KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU,<br />
y résidant, divorcé, père <strong>de</strong> 2 enfants, agriculteur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus, en détention préventive <strong>de</strong>puis le 21/08/1995 ;<br />
2 ème feuillet.<br />
6. RUHINGUBUGI Jean fils <strong>de</strong> NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO Agathe,<br />
né en 1960 à KARENGERA, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture<br />
CYANGUGU, y résidant, marié à NYIRASHYIRAMBERE Marie Agnès, père <strong>de</strong> 2 enfants,<br />
agriculteur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, en détention préventive <strong>de</strong>puis le<br />
10/11/1997 ;
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
7. BAZABAZWA Déogratias fils <strong>de</strong> NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO<br />
Agathe, né en 1948 à KARENGERA, secteur RWAMBOGO, commune GISHOMA,<br />
préfecture CYANGUGU, y résidant, marié à MUKAMUGEMA Antoinette, père <strong>de</strong> 4<br />
enfants, ex- inspecteur scolaire, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
PARTIES CIVILES<br />
1. NYIRANTIBIRAMIRA Cécile fille <strong>de</strong> RUSATSI Luc et NYARABAGWIZA Cansil<strong>de</strong>,<br />
née dans le secteur NTENYI, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, résidant dans<br />
le secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, mariée à<br />
MIRUHO Casimir fils <strong>de</strong> BIZERINKA et KANGEYO Cécile ;<br />
2. NYIRANDARUHUTSE Eugènie fille <strong>de</strong> SEKAMANZI et NYIRANKIRE, née à NTENZI,<br />
commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU et résidant à RWIMBOGO, commune<br />
GISHOMA, préfecture CYANGUGU, marié à MUNYANKINDI fils <strong>de</strong> RUVURA et<br />
NYIRABAJUMBURA ;<br />
PREVENTIONS :<br />
1. Avoir, dans le secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU,<br />
République Rwandaise, en avril 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis le<br />
crime d’assassinat, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90, 91 et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal ;<br />
2. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteurs, coauteurs ou<br />
complices commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, infraction prévue et réprimée par les articles IIIa,<br />
IIIc, et IIIe <strong>de</strong> la Convention internationale <strong>du</strong> 9/12/1948 sur la prévention et la répression <strong>du</strong><br />
crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, et l’article 1b <strong>de</strong> la Convention internationale <strong>du</strong> 26/11/1968 sur<br />
l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité, infraction prévue et<br />
réprimée également par les articles 1, 2, 3, 14, 17 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/8/1996;<br />
102<br />
3 ème feuillet.<br />
3. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteurs, coauteurs ou<br />
complices, volontairement détruit les maisons appartenant à autrui, infraction prévue et<br />
réprimée par l’article 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal et l’article 14d <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/8/1996;<br />
4. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, crée une association <strong>de</strong> malfaiteurs,<br />
infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal;<br />
LE TRIBUNAL,<br />
Vu l’action publique intro<strong>du</strong>ite par le Premier Substitut <strong>du</strong> Procureur <strong>de</strong> la République à<br />
CYANGUGU par sa lettre n° 0120/RMP 78.868/S12/KRL <strong>du</strong> 29/04/1998 et l’affaire inscrite au<br />
rôle sous le n° RP 0010/98/C.S.C;<br />
Vu l'ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée fixant la date d’audience au<br />
21/05/1998;
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
Vu que les prévenus se sont vus régulièrement signifier la date d’audience à laquelle ils ont<br />
comparu, le Ministère Public étant représenté par KARANGWA R. Laurent et en présence <strong>de</strong>s<br />
parties civiles ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le greffier fait lecture <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> tous les prévenus et <strong>de</strong>s préventions mises à<br />
leur charge à savoir celles d’assassinat, <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction volontaire <strong>de</strong>s maisons et<br />
d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, que les prévenus reconnaissent chacun en ce qui le concerne,<br />
l’exactitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité lue ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les parties civiles NYIRABATIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSE<br />
Eugènie déclinent elles aussi leurs i<strong>de</strong>ntités ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le greffier fait lecture <strong>du</strong> procès-verbal <strong>de</strong> <strong>recueil</strong> <strong>de</strong>s aveux <strong>de</strong> GAHUNGA<br />
Célestin par l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, que GAHUNGA reconnaît comme sienne la<br />
déclaration contenue dans ledit procès-verbal et confirme ses aveux tout en présentant ses<br />
excuses, qu’il dit avoir avoué volontairement en toute conscience et sachant les avantages <strong>de</strong><br />
recourir à cette procé<strong>du</strong>re ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans son réquisitoire, le Ministère Public dit que les vérifications faites ont établi la<br />
sincérité <strong>de</strong>s aveux <strong>de</strong> GAHUNGA qui portent notamment sur le fait d’avoir, dans la cellule<br />
103<br />
4 ème feuillet.<br />
KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, le 21/04/1995 à 15 heures, donné un<br />
coup <strong>de</strong> bâton (massue) à un jeune garçon nommé Révocate le fils <strong>de</strong> MIRUHO Casimir et<br />
NYRANTIBIRAMIRA Cécile, que HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan l’ont<br />
achevé ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYIRANTIBIRAMIRA Cécile réclame à GAHUNGU <strong>de</strong>s dommages moraux<br />
s’élevant à 20.000.000 Frw pour avoir tué son fils nommé Révocate qui était âgé <strong>de</strong> 25 ans, que<br />
GAHUNGU Célestin dit que ces dommages moraux sont fondés mais qu’il estime que<br />
NYIRANTIBIRAMIRA mérite 2.000.000 Frw <strong>de</strong> dommages-intérêts, qu’il ajoute être prêt à se<br />
plier à la décision <strong>du</strong> Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que lecture <strong>de</strong>s préventions d’assassinat, <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et d’association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
mises à sa charge lui faite, UWIBAMBE Jean Pierre est invité à présenter ses moyens <strong>de</strong> défense<br />
sur chacune d’elles ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu'il n'a commis aucune <strong>de</strong>s infractions qui lui sont<br />
reprochées, qu’il est victime <strong>de</strong> fausses accusations ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public affirme que UWIBAMBE Jean Pierre a tué le mari <strong>de</strong><br />
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile (MIRUHO Casimir), ses cinq enfants et ceux <strong>de</strong><br />
NYIRANDARUHUTSE Eugènie, que UWIBAMBE réfute catégoriquement les faits en disant<br />
que les enfants <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA à savoir Révocate et Samuel sont morts après son<br />
arrivée sur les lieux mais qu’il ne les a pas tués, qu’il y a trouvé GAHUNGU Célestin et<br />
beaucoup d'autres personnes en train <strong>de</strong> discuter sur le meurtre <strong>de</strong> ces enfants qui étaient chez<br />
HATEGEKIMANA Ladislas, qu’ils les ont tués sous ses yeux;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s personnes qui ont tué les enfants <strong>de</strong>
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile, UWIBAMBE Jean Pierre dit que ce sont GAHUNGU Célestin,<br />
TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir d’où il venait quand il est arrivé sur le lieu où ces enfants<br />
Révocate et Samuel ont été tués et pourquoi il y est resté, UWIBAMBE J. Pierre répond qu’il se<br />
trouvait dans un centre <strong>de</strong> négoce local et que le vieil homme BAYAVUGE Cyprien les a alertés<br />
en disant qu’il était attaqué par <strong>de</strong>s animaux, qu’ils ont accouru et ont constaté qu’il s’agissait<br />
d'êtres humains et non <strong>de</strong>s animaux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIBAMBE Jean Pierre dit que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas,<br />
Madame Félicitée, NDEREYA, CYUMA et MUSHEDIYO résidant à GISHOMA peuvent<br />
confirmer ce qu’il dit ;<br />
104<br />
5 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> BAYAVUGE Cyprien dans l’assassinat <strong>de</strong><br />
ces enfants, UWIBAMBE Jean Pierre dit que l’intéressé a alerté ceux qui les ont tués ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter sa défense sur l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs,<br />
UWIBAMBE Jean Pierre dit qu’il en plai<strong>de</strong> non coupable car il n’est pas parti en compagnie <strong>de</strong><br />
ceux qui ont tué Samuel et Révocate ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si, comme le dit le Ministère Public, il était le chef <strong>de</strong>s<br />
miliciens Interahamwe au niveau <strong>du</strong> secteur, UWIBAMBE Jean Pierre répond qu’il était le chef<br />
<strong>de</strong> la jeunesse <strong>du</strong> MRND dans le cadre <strong>de</strong> l’animation ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu’il y avait dans son secteur <strong>de</strong>ux groupes <strong>de</strong> jeunes<br />
<strong>du</strong> MRND, qu’il était le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> toute la jeunesse <strong>du</strong> MRND ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIBAMBE Jean Pierre dit que TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA<br />
Vénuste font partie <strong>de</strong> la jeunesse dont il était le prési<strong>de</strong>nt ;<br />
Atten<strong>du</strong> que lecture <strong>de</strong>s préventions à sa charge lui étant faite, HABIMANA Vénuste dit qu’il a<br />
décidé <strong>de</strong> dire la vérité sans fatiguer inutilement les juges ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HABIMANA Vénuste dit qu’il plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> REBAHINO<br />
Samuel et NGABONZIZA Révocate qu’il a commis en compagnie <strong>de</strong> GAHUNGA Célestin et<br />
TWAGIRAMUNGU Trojan ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que sa part <strong>de</strong> responsabilité consiste en ce qu’il a donné <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> massue à<br />
ces enfants, que TWAGIRAMUNGU leur a quant à lui donné <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> machettes;<br />
Atten<strong>du</strong> que HABIMANA déclare n’avoir pas vu UWIBAMBE faire quoi que ce soit à ces<br />
enfants sinon qu’ils sont partis ensemble jusqu’à l’endroit où ils étaient ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HABIMANA Vénuste dit que ces enfants ont été tués à cause <strong>de</strong> leur appartenance<br />
à l'ethnie Tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>s autres enfants <strong>de</strong> MIRUHO, Vénuste
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
dit qu’il n’en sait rien ;<br />
105<br />
6 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur sa part <strong>de</strong> responsabilité dans l’assassinat <strong>de</strong>s trois enfants <strong>de</strong><br />
NYIRANDARUHUTSE Eugènie, HABIMANA Vénuste dit qu’il n’a pas participé à ce crime et<br />
qu’il n’en connaît pas les auteurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après lecture <strong>de</strong>s préventions à sa charge, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il<br />
plai<strong>de</strong> coupable d’avoir tué à coups <strong>de</strong> machettes <strong>de</strong>ux enfants <strong>de</strong> MIRUHO Casimir à savoir<br />
REBAHINO Samuel et NGABONZIZA Révocate ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire la raison pour laquelle il s’en est pris à ces enfants, TWAGIRAMUNGU<br />
dit qu’il n’en sait rien, sinon qu’il avait enten<strong>du</strong> dire que ces enfants avaient pourchassé ceux <strong>de</strong><br />
Cyprien ;<br />
Atten<strong>du</strong> que TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il entendait dire que les personnes qui étaient<br />
tuées à cette époque étaient <strong>de</strong>s Tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> que TWAGIRAMUNGU Trojan nie catégoriquement avoir fait partie d’un groupe <strong>de</strong><br />
malfaiteurs et dit qu'il ne pouvait pas refuser <strong>de</strong> tuer REBAHINO Samuel et NGABONZIZA<br />
Révocate car la situation était mauvaise ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>s autres enfants <strong>de</strong> MIRUHO Casimir et<br />
<strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> NYIRANDARUHUTSE Eugénie, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il n’en sait<br />
rien ;<br />
Atten<strong>du</strong> que lecture <strong>de</strong>s préventions à charge <strong>de</strong> BAZABAZWA Déogratias lui est faite ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense, BAZABAZWA dit qu’il n’a pas pris part au génoci<strong>de</strong>, qu’il a<br />
plutôt été attaqué par les Interahamwe qui voulaient piller ses biens et tuer son épouse qui était<br />
<strong>de</strong> l’ethnie Tutsi et qui vivait dans un buisson où elle se cachait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BAZABAZWA dit qu’en date <strong>du</strong> 13/04/94, il a été victime d’actes <strong>de</strong> pillage et <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>struction commis par la ban<strong>de</strong> dirigée par MUGUNDA et dont faisaient partie<br />
TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BAZABAZWA dit qu'il a encore été la cible <strong>de</strong> l’attaque <strong>du</strong> 16/04/94 dirigée par<br />
KANYAMAHANGA Vianney et dont faisaient partie TWAGIRAMUNGU Trojan et<br />
HABIMANA Vénuste, au cours <strong>de</strong> laquelle quelques-uns <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong><br />
MIRUHO Casimir ont été tués ;<br />
7 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment il ose nier faire partie <strong>de</strong>s personnes qui ont tué les<br />
enfants <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA Cécile alors qu’il a pris les <strong>de</strong>vants pour s’approprier sa<br />
propriété foncière, il répond qu’elle lui a été octroyée par la commune et qu’une quittance lui a<br />
été délivrée à cet effet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense sur l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, BAZABAZWA dit<br />
qu’il n’a pas pris part aux attaques et n’a pas appris comment elles étaient organisées ;
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
Atten<strong>du</strong> que les témoins présentés à sa décharge par BAZABAZWA sont enten<strong>du</strong>s à savoir<br />
HATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, qu’ils disent que BAZABAZWA ne fait<br />
pas partie <strong>de</strong>s personnes qu’ils ont vues prendre part aux massacres car il était tout le temps chez<br />
lui, qu’il était d’ailleurs seul à la maison car son épouse était pourchassée et se cachait dans <strong>de</strong>s<br />
buissons où BAZABAZWA lui envoyait à manger par l’intermédiaire <strong>de</strong> son petit frère<br />
RWAMULINDA Antoine ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RWAMULINDA Antoine nie avoir commis les infractions qui lui sont reprochées,<br />
que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, interrogés, affirment ne<br />
jamais l’avoir vu dans une attaque ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa déclaration, NYIRANTIBIRAMIRA Cécile n’apporte pas<br />
d’éclaircissements sur la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> RWAMULINDA Antoine dans les infractions<br />
qui lui sont reprochées à savoir celles d’assassinat et d’association <strong>de</strong> malfaiteurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RUHINGUBUGI Jean plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong>s infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>,<br />
d’assassinat et d’association <strong>de</strong> malfaiteurs en disant qu’il n’y a pas pris part, les témoins<br />
enten<strong>du</strong>s ayant affirmé ne pas l’avoir vu dans les attaques ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à expliquer les dommages et intérêts qu'elle réclame,<br />
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile dit que son action est dirigée contre BAZABAZWA Déogratias,<br />
GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan, RUHINGUBUGI<br />
Jean et RWAMULINDA Antoine, qu’elle réclame <strong>de</strong>s dommages moraux <strong>de</strong> 20.000.000 Frw à<br />
BAZABAZWA au motif que celui-ci était à la tête <strong>de</strong> ceux qui ont tué les membres <strong>de</strong> sa famille<br />
à savoir KAYIRANGA Canisius, NGABONZIZA Révocat, REBAHINO Samuel,<br />
MURWANASHYAKA Théogène, RUGEMINTWAZA et son père Casimir ;<br />
106<br />
8 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que NYIRANDARUHUTSE Eugénie dit qu’elle réclame à TWAGIRAMUNGU Trojan<br />
et HABIMANA Vénuste <strong>de</strong>s dommages moraux <strong>de</strong> 10.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> ses enfants<br />
NIYIBIZI Théoneste et HABIMANA Théodore, ainsi que <strong>de</strong>s dommages matériels <strong>de</strong> 5.000.000<br />
Frw pour ses biens endommagés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public fait un exposé <strong>de</strong>s preuves à charge <strong>de</strong> GAHUNGA Célestin,<br />
TWAGIRAMUNGU Trojan, HABIMANA Vénuste, BAZABAZWA Déogratias,<br />
RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDA Antoine ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public requiert à l’encontre <strong>de</strong> UWIBAMBE Jean Pierre, HABIMANA<br />
Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan et BAZABAZWA Déogratias la peine <strong>de</strong> mort sur base <strong>de</strong><br />
l’article 14 <strong>de</strong> la Loi organique, ainsi que la dégradation civique perpétuelle sur base <strong>de</strong> l’article<br />
17 a <strong>de</strong> la Loi organique ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public requiert à charge <strong>de</strong> RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDA<br />
Antoine la peine d’emprisonnement à perpétuité sur base <strong>de</strong> l’article 14 <strong>de</strong> la Loi organique,<br />
ainsi que la dégradation civique perpétuelle sur base <strong>de</strong> l’article 66, 2°, 3°, 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public dit que GAHUNGA Célestin a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et<br />
<strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, qu’il requiert contre lui la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 11 ans sur<br />
base <strong>de</strong> l’article 15 <strong>de</strong> la Loi organique, ainsi que la dégradation civique perpétuelle prévue à
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
l’article 66, 2°, 3°, 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère conclut la présentation <strong>de</strong> ses réquisitions ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'audience est suspen<strong>du</strong>e pour reprendre le 22/05/1998;<br />
Atten<strong>du</strong> que le 22/05/1998 toutes les parties comparaissent <strong>de</strong>vant le Tribunal et que l'audience<br />
continue;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIBAMBE Jean Pierre plai<strong>de</strong> non coupable en disant qu’il n’a pas pris part aux<br />
assassinats qui lui sont reprochés, mais qu’il en a été témoin oculaire car il se trouvait sur les<br />
lieux ;<br />
107<br />
9 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIBAMBE dit que la preuve qu'il n'a pas commis ces crimes est qu’aucun <strong>de</strong> ses<br />
coprévenus ne l'en accuse ;<br />
Atten<strong>du</strong> que relativement à l’action civile, UWIBAMBE dit qu’il ne peut pas être re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong>s<br />
dommages et intérêts car il ne se reconnaît pas coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HABIMANA Vénuste dit qu’il plai<strong>de</strong> coupable mais qu’il réfute le fait d’avoir<br />
détruit un boisement et une bananeraie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HABIMANA dit qu’il peut être ren<strong>du</strong> re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong>s dommages et intérêts en faveur<br />
<strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA mais qu’il n’a pas les moyens <strong>de</strong> les payer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est donnée à TWAGIRAMUNGU Trojan qui dit qu’il plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong><br />
l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA Cécile mais qu’il rejette toute part <strong>de</strong><br />
responsabilité dans l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> NYIRANDARUHUTSE Eugénie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant l’action civile, TWAGIRAMUNGU reconnaît qu’il est re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong><br />
dommages moraux à NYIRANTIBIRAMIRA mais dit qu’il n’en a pas les moyens ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BAZABAZWA Déogratias dit qu’un conflit l'oppose au nommé KAYINAMURA<br />
qui a été présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, que ce conflit est né <strong>du</strong> fait<br />
qu’il a acheté la propriété foncière <strong>de</strong> KAYINAMURA lors d’une vente aux enchères et qu’un<br />
sentiment <strong>de</strong> haine s’est installé entre eux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère public émet le souhait que BAZABAZWA soit immédiatement mis en<br />
détention préventive parce qu’il y a lieu <strong>de</strong> craindre sa fuite après les réquisitions à son<br />
encontre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BAZABAZWA Déogratias <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> ne point prendre en<br />
considération l’argument <strong>du</strong> Ministère public et ce, sur base <strong>de</strong> la présomption d’innocence<br />
reconnue au prévenu par la loi tant qu’un jugement définitif <strong>de</strong> condamnation n’est pas encore<br />
intervenu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BAZABAZWA Déogratias dit qu’il sera re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong>s dommages-intérêts s’il est<br />
reconnu coupable ;
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
108<br />
10 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que le Tribunal se retire en délibéré en date <strong>du</strong> 22/05/1998 sur l’inci<strong>de</strong>nt soulevé par le<br />
Ministère Public concernant la mise en détention préventive <strong>de</strong> BAZABAZWA Déogratias<br />
jusqu'au prononcé <strong>du</strong> jugement, que sur base <strong>de</strong> l'article 55 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale qui<br />
dispose que le prévenu reste dans l’état où il se trouve au moment où la juridiction est saisie<br />
jusqu’au jugement, il déclare la requête <strong>du</strong> Ministère Public non fondée et que BAZABAZWA<br />
doit rester en liberté jusqu'à ce que le Tribunal se prononce définitivement sur les infractions qui<br />
lui sont reprochées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que quelques-uns <strong>de</strong>s prévenus <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt que <strong>de</strong>s témoins à leur décharge soient cités,<br />
que quelques-unes <strong>de</strong>s parties civiles formulent une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> dans le même sens ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Tribunal rend un jugement avant dire droit en date <strong>du</strong> 25/05/1998 et déci<strong>de</strong> que<br />
les témoins présentés par les parties doivent être cités avant le jugement définitif, que la<br />
réouverture <strong>de</strong>s débats est fixé au 11/06/1998 ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à cette date le prévenu BAZABAZWA ne comparait pas, que Me<br />
RUGERINYANGE Eloi et Me SINGENDA Gérard, avocats <strong>de</strong> la défense, disent que le défaut<br />
<strong>de</strong> comparution <strong>de</strong> BAZABAZWA Déogratias est dû au fait qu’il est en détention au siège <strong>de</strong> la<br />
commune GISHOMA, qu’ils ne peuvent pas le représenter en son absence ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public est invité à expliquer cette détention <strong>de</strong><br />
BAZABAZWA et qu’il dit que le Ministère Public n’en est pas informé ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'un <strong>de</strong>s prévenus n’ayant pas comparu parce qu’il est en détention, l’audience est<br />
reportée au 26/06/1998;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience se poursuit en date <strong>du</strong> 26/06/1998 par l’audition <strong>de</strong>s témoins à savoir<br />
MPIMUYE François qui dit qu'il ne sait rien sur les infractions reprochées à BAZABAZWA<br />
sinon qu’il le voyait chez lui entrain <strong>de</strong> veiller sur son épouse, HATEGEKIMANA Ladislas qui<br />
dit avoir été témoin oculaire <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA à savoir<br />
NGABONZIZA Révocate et <strong>de</strong> REBAHINO Samuel qui ont été tués par TWAGIRAMUNGU<br />
Trojan, HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin mais que BAZABAZWA n'a aucune part<br />
<strong>de</strong> responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés, MUKANDOLI Candi<strong>de</strong> qui dit qu'elle n'a<br />
pas vu BAZABAZWA, RUHINGUBUGI et RWAMULINDA dans les expéditions meurtrières,<br />
qu’elle a cependant enten<strong>du</strong> dire qu’ils participaient aux ron<strong>de</strong>s ;<br />
Atten<strong>du</strong> que tous les témoins n'ayant pas été enten<strong>du</strong>s, l'audience est remise au 09/07/98;<br />
11 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu'à cette date l'audience se poursuit en présence <strong>de</strong> toutes les parties par l'audition <strong>de</strong>s<br />
témoins, que NSABIMANA André dit qu'il sait que les enfants <strong>de</strong> Casimir à savoir<br />
NGABONZIZA Révocate et REBAHINO Samuel ont été tués par TWAGIRAMUNGU Trojan,<br />
HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin BARANZAMBIYE Jacques, invité à parler <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong><br />
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et <strong>de</strong> son mari ainsi que <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong>
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
NYIRANDARUHUTSE Eugénie, dit au Tribunal qu’il a un lien <strong>de</strong> parenté avec<br />
NYIRANTIBIRAMIRA mais qu’il ne sait rien sur les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>s enfants et <strong>du</strong><br />
mari <strong>de</strong> celle-ci, ainsi que <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> NYIRANDARUHUTSE Eugénie car il n’en a pas été<br />
témoin oculaire, qu’il ne peut pas ainsi être utile au Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Boubou DIABIRA, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles, dit qu’il ne change rien sur<br />
les déclarations <strong>de</strong>s témoins enten<strong>du</strong>s mais qu’il faudrait en entendre d’autres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RUGERINYANGE Eloi et Me SINGENDA Gérard, avocats <strong>de</strong> la défense, ont<br />
été remplacés par Me Véronique et Me MANIRAGUHA Damien ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Véronique dit qu’aucune preuve sur l’implication <strong>de</strong> BAZABAZWA,<br />
RWAMULINDA et RUHINGUBUGI dans le génoci<strong>de</strong> ou dans <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction ne<br />
ressort ni <strong>de</strong>s débats ni <strong>de</strong>s preuves rapportées par le Ministère Public, et encore moins <strong>de</strong>s<br />
témoignages <strong>recueil</strong>lis ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me MANIRAGUHA P. Damien, Conseil <strong>de</strong> GAHUNGA Célestin, HABIMANA<br />
Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan, dit que <strong>de</strong> tous les témoins enten<strong>du</strong>s, seule<br />
MUKANDOLI Candi<strong>de</strong> a dit que ses clients ont tué les enfants <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA<br />
Cécile et ceux <strong>de</strong> NYIRNDARUHUTSE Eugénie et qu’elle est la tante <strong>de</strong> ces enfants, qu’elle a<br />
donc un intérêt dans l’affaire et qu’à ce titre, elle ne peut pas être considérée comme témoin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est donnée en <strong>de</strong>rnier lieu aux prévenus et que les débats sont ensuite clos,<br />
le prononcé étant fixé au 16/7/1998 ;<br />
109<br />
12 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à cette date le prononcé n’a pas lieu car l’un <strong>de</strong>s membres <strong>du</strong> siège est mala<strong>de</strong>, qu’en<br />
date <strong>du</strong> 21/07/1998, le Tribunal reçoit un procès-verbal subséquent émanant <strong>du</strong> parquet et relatif<br />
au cas <strong>de</strong> BAZABAZWA Déogratias seul, faisant état <strong>du</strong> motif <strong>de</strong> détention <strong>du</strong> prévenu, qu'il dit<br />
que ce motif n'a aucun lien avec les faits criminels poursuivis en cette affaire, mais que le<br />
Tribunal déclare que cela n'est pas fondé ;<br />
Quant au pénal<br />
Constate que l’action intro<strong>du</strong>ite par le Ministère public est recevable car elle est régulière en la<br />
forme et, après examen, constate qu’elle est partiellement fondée ;<br />
Constate que GAHUNGA Célestin est poursuivi pour génoci<strong>de</strong>, assassinat et association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs ;<br />
Constate que GAHUNGA Célestin a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité ;<br />
Constate que lors <strong>de</strong>s débats en audience, GAHUNGA Célestin a confirmé son plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité et présenté ses excuses ;<br />
Constate que les infractions pour lesquelles GAHUNGA Célestin est poursuivi sont en concours<br />
idéal, qu’il doit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle <strong>de</strong>
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que les infractions reprochées à GAHUNGA Célestin le rangent dans la 2 ème catégorie ;<br />
Constate que GAHUNGA a avoué et plaidé coupable <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, qu’il doit bénéficier<br />
d’une ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine tel que prévu par l’article 15 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong><br />
30/08/1996 ;<br />
Constate que UWIBAMBE Jean Pierre est poursuivi pour assassinat, génoci<strong>de</strong> et association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs ;<br />
Constate que UWIBAMBE Jean Pierre a nié catégoriquement toutes les infractions à sa charge,<br />
mais qu’il ressort <strong>de</strong>s témoignages <strong>de</strong> KAYINAMURA Callixte, MURANGA Faustin et<br />
HATEGEKIMANA Ladislas qui a été cité par BAZABAZWA, que UWIBAMBE J. Pierre était<br />
le chef <strong>de</strong>s Interahamwe au niveau <strong>du</strong> secteur, et qu’il a dirigé les massacres en avril 1994 à<br />
l’époque où l’on tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions ;<br />
110<br />
13 ème feuillet.<br />
Constate que les infractions reprochées à UWIBAMBE sont en concours idéal, qu’il doit être<br />
condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que les infractions à charge <strong>de</strong> UWIBAMBE Jean Pierre le rangent dans la première<br />
catégorie ;<br />
Constate que HABIMANA Vénuste est poursuivi pour assassinat, génoci<strong>de</strong> et association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs ;<br />
Constate que <strong>de</strong> toutes les infractions qui lui sont reprochées, HABIMANA Vénuste plai<strong>de</strong><br />
coupable <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA Cécile à savoir NGABONZIZA<br />
Révocate et REBAHINO Samuel à cause <strong>de</strong> leur appartenance à l’ethnie Tutsi, qu’il plai<strong>de</strong> non<br />
coupable <strong>de</strong>s autres infractions, mais qu’il est établi qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vie<br />
à MIRUHO Casimir le mari <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et ses 3 fils KAYIRANGA<br />
Canisius, MURWANASHYAKA Théogène et RUGEMINTWAZA Louis, et qu’il a participé<br />
également à l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> NYIRANDARUHUTSE Eugénie à savoir NIYIBIZI<br />
Théoneste et HABIMANA Théodore ;<br />
Constate que ces infractions reprochées à HABIMANA Vénuste sont en concours idéal, qu’il<br />
doit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que les infractions reprochées à TWAGIRAMUNGU Trojan le rangent dans la 2 ème<br />
catégorie ;<br />
Constate que RWAMULINDA Antoine est poursuivi pour assassinat, génoci<strong>de</strong> et association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs ;<br />
Constate qu’aucune preuve tangible <strong>de</strong> la culpabilité <strong>de</strong> RWAMULINDA ne se dégage ni <strong>de</strong>s<br />
éléments <strong>du</strong> dossier établi par le Ministère Public ni <strong>de</strong>s témoignages <strong>recueil</strong>lis, qu’il doit en être
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
acquitté ;<br />
Constate que RUHINGUBUGI Jean est poursuivi pour assassinat, génoci<strong>de</strong> et association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs ;<br />
Constate cependant qu’il n’y a aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour le<br />
déclarer coupable, qu’aucune infraction n’est établie à sa charge et qu’il doit être acquitté ;<br />
111<br />
14 ème feuillet.<br />
Constate que BAZABAZWA Déogratias est poursuivi pour assassinat, génoci<strong>de</strong> et association<br />
<strong>de</strong> malfaiteurs ;<br />
Constate cependant qu’aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour le déclarer<br />
coupable ne se dégage ni <strong>du</strong> dossier établi par le Ministère Public ni <strong>de</strong>s témoignages <strong>recueil</strong>lis ;<br />
Constate que concernant l’arrestation <strong>de</strong> BAZABAZWA Déogratias dont il est question dans le<br />
procès-verbal subséquent transmis au Tribunal par le Ministère Public, il ressort <strong>de</strong> l'examen <strong>de</strong><br />
ce procès-verbal que cette détention <strong>de</strong> BAZABAZWA est illégale, qu’il doit être libéré;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction volontaire <strong>de</strong> maisons habitées n’est établie à charge<br />
d’aucun prévenu car le Ministère Public n’en a pas rapporté la preuve et que les témoins<br />
enten<strong>du</strong>s ne l’ont pas confirmée ;<br />
2° Quant à l’action civile<br />
Constate que l’action intro<strong>du</strong>ite par NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSE<br />
Eugénie est recevable car elle est régulière en la forme ;<br />
Constate que HABIMANA Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan et GAHUNGA Célestin ont eu<br />
une part <strong>de</strong> responsabilité dans l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et <strong>de</strong><br />
NYIRANDARUHUTSE Eugénie, qu’ils doivent être condamnés au paiement <strong>de</strong>s dommagesintérêts<br />
en cette affaire ;<br />
Constate que GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan<br />
doivent payer solidairement <strong>de</strong>s dommages moraux s’élevant à 6.100.000 Frw à allouer à<br />
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile, soit 1.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> chaque enfant ainsi que<br />
1.100.000 Frw pour celle <strong>de</strong> leur père ;<br />
Constate également que HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan doivent payer<br />
solidairement <strong>de</strong>s dommages moraux s’élevant à 2.000.000 Frw à allouer à<br />
NYIRANDARUHUTSE Eugénie, soit 1.000.000 Frw pour la perte <strong>de</strong> chaque enfant ;<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
112<br />
15 ème feuillet.<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise, spécialement la Constitution <strong>du</strong> 10 juin<br />
1991 telle que modifiée à ce jour en ses articles 12, 14, 92, 93 et 94, et les Accords <strong>de</strong> Paix<br />
d’Arusha dans leur partie relative au partage <strong>du</strong> pouvoir spécialement en ses articles 27 et 33 ;<br />
Vu le Décret-loi n° 09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et compétence judiciaires<br />
au Rwanda tel que modifié à ce jour en ses articles 6, 12, 104, 123, 135, 136, 139, 199 et 200 ;<br />
Vu la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité commises <strong>de</strong>puis le 1 er<br />
octobre 1990 spécialement en ses articles 12, 14, 15, 17, 20, 21, 23, 30, 36, 37, 39 ;<br />
Vu le Décret-loi <strong>du</strong> 23 novembre 1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée à ce<br />
jour en ses articles 16, 17, 19, 20, 58, 61, 71, 76, 83, 90 ;<br />
Vu le Décret-loi n°21/77 <strong>du</strong> 18 août 1977 instituant le Co<strong>de</strong> pénal rwandais tel que modifié à ce<br />
jour spécialement en ses articles 82, 83 et 312 ;<br />
Déclare recevable l’action intro<strong>du</strong>ite par le Ministère Public car elle est régulière en la forme et,<br />
après examen, la déclare partiellement fondée ;<br />
Déclare que GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan<br />
per<strong>de</strong>nt le procès, que NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSE Eugènie<br />
obtiennent gain <strong>de</strong> cause ;<br />
Déclare que RWAMULINDA Antoine, RUHINGUBUGI Jean et BAZABAZWA<br />
Déogratias ne sont pas coupables ;<br />
Condamne GAHUNGA Célestin à 7 ans d’emprisonnement ;<br />
Condamne HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan à la peine d’emprisonnement à<br />
perpétuité et à la dégradation civique prévue à l’article 66, 2°, 3° et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
Condamne UWIBAMBE Jean Pierre à la peine <strong>de</strong> mort et à la dégradation civique perpétuelle ;<br />
16 ème feuillet.<br />
Déclare RWAMULINDA Antoine, RUHINGUBUGI Jean et BAZABAZWA Déogratias<br />
acquittés ;<br />
Ordonne à GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste, et TWAGIRAMUNGU Trojan <strong>de</strong><br />
payer solidairement à NYIRANTIBIRAMIRA Cécile 6.100.000 Frw <strong>de</strong> dommages moraux dans<br />
le délai légal sinon exécution forcée sur leurs biens ;<br />
Ordonne à HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan <strong>de</strong> payer à<br />
NYIRANDARUHUTSE Eugènie 2.000.000 Frw <strong>de</strong> dommages moraux dans le délai légal sinon
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998<br />
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU<br />
exécution forcée sur leur biens ;<br />
Ordonne à HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan <strong>de</strong> payer solidairement le droit<br />
proportionnel <strong>de</strong> 4% équivalent à 80.000 Frw dans le délai légal sinon exécution forcée sur leurs<br />
biens ;<br />
Ordonne à GAHUNGU Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan <strong>de</strong> payer<br />
solidairement les frais d’instance s’élevant à 62.900 Frw dans le délai légal sinon exécution<br />
forcée sur leurs biens ;<br />
Rappelle aux parties que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 06/08/1998 PAR<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CYANGUGU CHAMBRE<br />
SPECIALISEE DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE HABIMANA Védaste,<br />
PRESIDENT, SEBAHIZI Alexandre ET BITSINDINKUMI Innocent, JUGES, EN<br />
PRESENCE DE KARANGWA Laurent, OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC, ET DU<br />
GREFFIER NYIRAHAGENIMANA Enatha.<br />
SIEGE<br />
JUGE PRESIDENT JUGE<br />
SEBAHIZI Al. HABIMANA V. BITSINDINKUMI I.<br />
(Sé) (Sé) (Sé)<br />
GREFFIER<br />
NYIRAHAGENIMANA E.<br />
113
114
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE<br />
GIKONGORO<br />
115
116
N°4<br />
Jugement <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> GIKONGORO<br />
<strong>du</strong><br />
20 Février 2002.<br />
Ministère Public C/ BIZIMANA Antoine Alias MABUYE.<br />
ACTION CIVILE (LIEN DE CAUSALITE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –<br />
ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) –<br />
CATEGORISATION (3 ème CATEGORIE – ART 2 L.O. 30/08.96) – CRIME DE<br />
GENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE DU TRIBUNAL SUR<br />
LE LIEU DES FAITS – DESTRUCTION DE MAISON D'AUTRUI (ART. 444 CP) – HUIS<br />
CLOS – NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER (ART. 256 CP) -PEINE (5 ANS<br />
D'EMPRSIONNEMENT; DEGRADATION CIVIQUE) – PREUVE (ADMINISTRATION<br />
DE; VALIDITE DE) –– SUSPICION LEGITIME - TEMOIGNAGES (A CHARGE; A<br />
DECHARGE; CONTRADICTION ET FAUX TEMOIGNAGES; SUBORNATION DE) –<br />
VIOLATION DE DOMICILE (ART. 305 CP).<br />
1. Saisine <strong>du</strong> Tribunal – renvoi par la Cour <strong>de</strong> Cassation suite à requête en suspicion légitime.<br />
2. Descente sur les lieux.<br />
3. Témoins – huis clos – dénonciation <strong>de</strong> faux témoignages organisés et <strong>de</strong> subornation <strong>de</strong><br />
témoins.<br />
4. Témoin ayant suivi les débats – témoin ayant un lien <strong>de</strong> parenté avec le prévenu – audition<br />
hors serment.<br />
5. Prévenu – infractions non établies (assassinat, violation <strong>de</strong> domicile, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maison,<br />
non-assistance à personnes en danger, détention illégale d'arme à feu).<br />
6. Prévenu – infraction établie (association <strong>de</strong> malfaiteurs) – troisième catégorie – cinq ans<br />
d'emprisonnement et dégradation civique.<br />
7. Action civile – préjudice lié à <strong>de</strong>s infractions non établies –action recevable mais non fondée.<br />
1. Le Tribunal est saisi sur renvoi prononcé par la Cour <strong>de</strong> cassation qui a fait droit à la requête<br />
en suspicion légitime intro<strong>du</strong>ite par le prévenu à l’encontre <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong><br />
Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> Butare <strong>de</strong>vant laquelle l’examen <strong>de</strong> l’affaire avait été<br />
entamé.<br />
2. Le Tribunal procè<strong>de</strong> à une <strong>de</strong>scente sur les lieux <strong>de</strong>s faits.<br />
3. L’huis clos est accordé à un témoin qui dénonce l’organisation <strong>de</strong> faux témoignages, afin<br />
qu’il puisse dénoncer ceux qui ont l’ont incité à mettre en cause le prévenu.<br />
117
4. Le Tribunal fait droit à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>du</strong> prévenu visant à ce que un témoin à charge qui a suivi<br />
les débats lors <strong>de</strong>s audiences précédant sa déposition ne soit pas enten<strong>du</strong> sous serment Il fait<br />
également droit à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'avocat <strong>de</strong>s parties civiles visant à ce que un témoin qui a un<br />
lien <strong>de</strong> parenté avec le prévenu ne soit pas enten<strong>du</strong> son serment.<br />
5. Sont déclarées non établies à charge <strong>du</strong> prévenu, les infractions <strong>de</strong>:<br />
− Assassinat, car les témoins qui le mettent en cause ne précisent pas l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s victimes <strong>de</strong><br />
la mort <strong>de</strong>squelles il serait responsable, et même son principal accusateur ne lui attribue pas<br />
cette infraction. Les témoignages concernant l’arme dont il aurait fait usage ne peuvent être<br />
considérés comme probants dès lors qu’ils se contredisent.<br />
− Violation <strong>de</strong> domicile, car les témoins enten<strong>du</strong>s ne l’accusent pas d’être entré dans <strong>de</strong>s<br />
maisons.<br />
− Destruction <strong>de</strong> maisons, dont il est disculpé par les différents témoignages <strong>recueil</strong>lis,<br />
l’accusation restant en défaut <strong>de</strong> réfuter les affirmations <strong>du</strong> prévenu selon lesquelles la<br />
maison en cause aurait été détruite avant son arrivée dans la région, et selon lesquelles les<br />
matériaux qu’il déclare avoir achetés ne provenaient pas <strong>de</strong>s maisons détruites.<br />
− Non-assistance à personnes en danger, car d'une part, l’accusation reste en défaut <strong>de</strong><br />
démontrer que le prévenu avait les moyens <strong>de</strong> porter secours aux victimes sans risque pour<br />
lui et se serait abstenu <strong>de</strong> le faire, et d'autre part, le prévenu ne peut se voir reprocher <strong>de</strong><br />
s’être abstenu <strong>de</strong> secourir les personnes dont il est en même temps accusé d’avoir voulu la<br />
mort.<br />
− Détention illégale d'arme à feu car les infractions constitutives <strong>du</strong> crimes <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> visées<br />
par la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996 sont celles prévues par le Co<strong>de</strong> pénal. L’infraction <strong>de</strong><br />
détention illégale d’arme à feu n'étant pas prévue par le Co<strong>de</strong> pénal, elle ne peut faire l’objet<br />
<strong>de</strong> poursuites dans un procès <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>.<br />
6. Est déclarée établie à charge <strong>du</strong> prévenu, l'infraction d'association <strong>de</strong> malfaiteurs, car même<br />
s'il n'a pas commis <strong>de</strong> meurtre, les témoignages enten<strong>du</strong>s démontrent qu'« il avait l'habitu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> se promener en compagnie <strong>de</strong> quelques-uns <strong>de</strong>s tueurs» parmi lesquels figurait son petit<br />
frère, qu’il a participé à <strong>de</strong>s réunions, qu’il a pris part à une perquisition en compagnie <strong>de</strong>s<br />
malfaiteurs, et qu’il suivait <strong>de</strong> près les actes <strong>de</strong>s tueurs. L’infraction établie range le prévenu<br />
en troisième catégorie. Il est condamné à 5 ans d'emprisonnement ainsi qu'à la dégradation<br />
civique.<br />
7. L’action <strong>de</strong>s parties civiles est déclarée recevable mais non fondée, le préjudice qu’elles<br />
invoquent étant lié à la perte <strong>de</strong> membres <strong>de</strong> leur famille ou à <strong>de</strong>s atteintes à leurs biens pour<br />
lesquels la responsabilité <strong>du</strong> prévenu n’a pas été retenue.<br />
(NDLR: Par arrêt <strong>de</strong> la Cour d'appel <strong>de</strong> NYABISINDU en date <strong>du</strong> 11/12/2002, ce jugement a<br />
été réformé : l’appel <strong>du</strong> prévenu y est déclaré recevable et fondé, et il est acquitté <strong>de</strong><br />
l’ensemble <strong>de</strong>s infractions).<br />
118
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre) 1 er Feuillet.<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GIKONGORO SIEGEANT A<br />
GIKONGORO EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES CONTRE<br />
L’HUMANITE, A RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
BIZIMANA Antoine alias MABUYE, fils <strong>de</strong> KANYAMIGANDA André et<br />
MUKAGAKWAYA Marie, né en 1954 à NDOBOGO, secteur GIHINDAMUYAGA, Commune<br />
MBAZI, Préfecture BUTARE, République Rwandaise, résidant dans la cellule KANSEREGE,<br />
secteur KAMUTWA, commune KICUKIRO, Préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, marié à<br />
MUKASINE Marie Claire, père <strong>de</strong> 3 enfants, ex-agent <strong>de</strong> l’Etat, possédant <strong>de</strong>ux maisons sises<br />
respectivement à NDOBOGO et KACYIRU, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
PREVENTIONS :<br />
- Avoir, dans le secteur GIHINDAMUYAGA, Commune MBAZI, Préfecture BUTARE,<br />
République Rwandaise, entre avril et juillet 1994, comme auteur, coauteur ou complice tel<br />
que prévu par l’article 3 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 et les articles 89, 90 et<br />
91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et d’autres crimes contre l’humanité<br />
prévus par la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, la<br />
Convention <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong> 12/08/1949 sur la protection <strong>de</strong>s personnes civiles en temps <strong>de</strong><br />
guerre ainsi que les Protocoles Additionnels, la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 sur<br />
l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées<br />
par le Rwanda par le Décret-loi n°08/75 <strong>du</strong> 12/02/1975 ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, comme auteur, coauteur ou<br />
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, commis <strong>de</strong>s<br />
assassinats dans le but <strong>de</strong> détruire le groupe ethnique Tutsi, infraction prévue et réprimée par<br />
l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux comme auteur, coauteur ou<br />
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, fait partie d’une<br />
association <strong>de</strong> malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi, infraction prévue et<br />
réprimée par les articles 281, 282 et 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, violé les domiciles d’autrui,<br />
infraction prévue et réprimée par l’article 305 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, comme auteur, coauteur ou<br />
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, détruit les maisons<br />
d’autrui, infraction prévue et réprimée par l’article 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
119
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
120<br />
2 ème Feuillet.<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, comme auteur, coauteur ou<br />
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, omis <strong>de</strong> porter<br />
assistance ou <strong>de</strong> provoquer <strong>du</strong> secours en faveur <strong>de</strong>s personnes en péril alors qu’il ne pouvait<br />
en résulter aucun danger pour lui, infraction prévue et réprimée par l’article 256 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal livre II ;<br />
LE TRIBUNAL :<br />
Vu qu’après l’instruction préparatoire par le Parquet <strong>de</strong> la République à BUTARE, les pièces <strong>de</strong><br />
la procé<strong>du</strong>re ont été communiquées au Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> BUTARE, que<br />
l’instruction d’audience qui avait commencé a dû être suspen<strong>du</strong>e suite à la requête <strong>de</strong> renvoi<br />
pour cause <strong>de</strong> suspicion légitime intro<strong>du</strong>ite à la Cour <strong>de</strong> Cassation ;<br />
Vu que par arrêt <strong>de</strong> renvoi RPP006 <strong>du</strong> 24/10/2000 ren<strong>du</strong> par la section Cour <strong>de</strong> Cassation <strong>de</strong> la<br />
Cour Suprême, l’affaire a été renvoyée pour connaissance au fond à la Chambre Spécialisée <strong>du</strong><br />
Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> GIKONGORO ;<br />
Vu l’inscription <strong>de</strong> la présente affaire au rôle en date <strong>du</strong> 10/12/2000 sous le N° RP<br />
0098/3/GIRO ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> Tribunal pris en date <strong>du</strong> 12/06/2001 et fixant l’affaire au<br />
18/09/2001 ;<br />
Vu qu’à cette date l’audience n’a pas lieu car <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s magistrats <strong>du</strong> siège participaient à un<br />
séminaire <strong>de</strong> formation à KIGALI, qu’elle est reportée au 18/10/2001, date à laquelle elle a lieu,<br />
le prévenu BIZIMANA Antoine ayant pour Conseil Me GRACIAS NOUTAIS-HOLO <strong>de</strong><br />
l’association « Avocats Sans Frontières » et Me BIZINDORI Robert, les parties civiles étant<br />
représentées par Me RWANGAMPUHWE François, avocat au barreau <strong>du</strong> Rwanda ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine plai<strong>de</strong> non coupable et dit que les accusations portées contre<br />
lui sont <strong>de</strong> pures inventions, que ceux qui le mettent en cause n’ont pas été témoins oculaires <strong>de</strong><br />
ce qu’ils allèguent et qu’il y a <strong>de</strong> nombreux témoins qui peuvent le disculper ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit qu’il y a <strong>de</strong> nombreuses pièces irrégulières, soit celles qui<br />
sont incomplètes, soit celles qui lui attribuent mensongèrement les faits qui lui sont reprochés,<br />
qu’ainsi les accusations portées à son encontre ne sont pas fondées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit que l’allégation <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public selon<br />
laquelle le prévenu avait accès à toute correspondance parvenue aux services <strong>du</strong> Premier<br />
Ministre est fausse dès lors qu’il n’était pas, en date <strong>du</strong> 20/06/1997, un agent <strong>de</strong> ces services, que<br />
même la lettre écrite par le Bourgmestre <strong>de</strong> la commune MBAZI n’a pas <strong>de</strong> valeur dès lors<br />
qu’elle n’a pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>stinataire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine soulève l’irrégularité <strong>de</strong>s procès-verbaux cotés <strong>de</strong> 285 à 289<br />
ainsi que ceux cotés <strong>de</strong> 298 à 303,
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
121<br />
3 ème Feuillet.<br />
en ce que les premiers ne mentionnent pas leur auteur et ne sont même pas signés, et que ce n’est<br />
pas la lettre envoyée au Premier Ministre qui a fait l’objet <strong>du</strong> rapport établi mais que c’est plutôt<br />
le procès-verbal dressé par le Sergent KABASHA qui a été envoyé sans cependant comporter la<br />
formule <strong>de</strong> serment <strong>de</strong> cet officier <strong>de</strong> police judiciaire, qu’il poursuit en disant qu’il conteste<br />
également les procès-verbaux cotés <strong>de</strong> 304 à 309 car le Procureur Général près la Cour d’Appel<br />
<strong>de</strong> NYABISINDU a relevé les noms <strong>de</strong>s témoins à charge <strong>de</strong> BIZIMANA Antoine ainsi que les<br />
faits dont ils l'incriminent sans que les procès- verbaux <strong>de</strong> leurs auditions aient été établis et qu’il<br />
est fait mention d’un Officier <strong>du</strong> Ministère Public inexistant nommé MUYOBOKE Félicien,<br />
qu’il dit qu’aucune force probante ne doit être attachée à ce procès-verbal dès lors que le dossier<br />
n’était pas encore au <strong>de</strong>gré d’appel quand le Procureur Général à NYABISINDU l’a dressé ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit qu’aucune force probante ne doit également être attachée<br />
aux procès-verbaux cotés <strong>de</strong> 274 à 283 ainsi qu’à celui <strong>du</strong> Dr. RUCYAHANA même s’il ne<br />
l’incrimine en rien, qu’il poursuit en disant qu’il n’était pas au Rwanda avant la guerre et n’a pas<br />
pris part aux activités <strong>de</strong>s partis politiques, qu’il en pro<strong>du</strong>it pour preuve un passeport et souligne<br />
qu’il aurait quitté le pays s’il avait réellement commis le génoci<strong>de</strong>, qu’il dit qu’il avait reçu un<br />
éclat aux jambes <strong>de</strong> sorte qu’il était incapable <strong>de</strong> se livrer à <strong>de</strong>s meurtres et pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong>s<br />
documents médicaux délivrés à BUTARE qui sont versés au dossier;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit qu’il existe <strong>de</strong>s rapports établis par le Parquet <strong>de</strong> BUTARE<br />
qui confirment son innocence et notamment ceux cotés <strong>de</strong> 290 à 294 et <strong>de</strong> 295 à 297, que leur<br />
contenu concor<strong>de</strong> avec celui <strong>de</strong>s rapports établis par les services <strong>de</strong> renseignements ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit qu’il se trouvait à KIBABARA mais qu’il est accusé <strong>de</strong><br />
faits perpétrés à GIHINDAMUYAGA, qu’il pro<strong>du</strong>it la carte portant sur les emplacements <strong>de</strong> ces<br />
endroits qui est versée au dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit que l’autre preuve <strong>de</strong> son innocence est que quarante trois<br />
personnes qui ont été interrogées par le parquet ont dit qu’il n’a pas participé au génoci<strong>de</strong>, que le<br />
nommé "M" a par ailleurs indiqué dans un écrit que ceux qui accusent BIZIMANA Antoine lui<br />
ont <strong>de</strong>mandé un concours à cet effet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est suspen<strong>du</strong>e et reportée au 19/10/2001 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience continue le 19/10/2001 et que BIZIMANA poursuit sa défense en disant<br />
que les accusations à sa charge ne sont pas étayées par <strong>de</strong>s preuves palpables, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Tribunal d’inviter le Ministère Public à pro<strong>du</strong>ire les preuves afin qu’il puisse présenter ses<br />
moyens <strong>de</strong> défense en connaissance <strong>de</strong> cause ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public fait un exposé sur les circonstances <strong>de</strong> lieux <strong>de</strong>s<br />
infractions reprochées à BIZIMANA Antoine ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est d’une très gran<strong>de</strong> gravité si bien qu’il<br />
faudrait en pro<strong>du</strong>ire <strong>de</strong>s preuves formelles, que cela n’est cependant pas le cas <strong>de</strong> la part <strong>du</strong><br />
Ministère Public ;
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit qu’il va abor<strong>de</strong>r sa défense par le témoignage <strong>du</strong> Dr.<br />
RUCYAHANA Alexandre qui est à l’origine <strong>de</strong> toutes ces accusations, qu’il explique qu’il se<br />
trouvait à GISENYI avant la guerre et qu’il est venu à BUTARE pour la fête <strong>de</strong> Pâques mais<br />
que, arrivé à KIGALI, il a logé à KACYIRU jusqu’au 18/04/1994, date à laquelle un projectile<br />
tiré sur son domicile l’a blessé ainsi que son épouse, qu’ils sont passés par BUTARE mais que,<br />
suite aux nombreuses barrières qui jalonnaient leur itinéraire, le con<strong>du</strong>cteur <strong>du</strong> véhicule à bord<br />
<strong>du</strong>quel ils se trouvaient a refusé <strong>de</strong> les con<strong>du</strong>ire au Monastère <strong>de</strong> GIHINDAMUYAGA<br />
122<br />
4 ème Feuillet.<br />
où il a vécu chez son petit frère HABYARIMANA Joseph qui était le voisin <strong>du</strong> Dr.<br />
RUCYAHANA Alexandre et où ils sont arrivés dans la soirée <strong>du</strong> 19/04/1994, car ils <strong>de</strong>vaient se<br />
faire soigner et chercher comment survivre étant donné qu’ils n’avaient rien sur eux, que cela<br />
dément les affirmations <strong>du</strong> Dr. RUCYAHANA selon lesquelles il est arrivé là le 15/04/1994,<br />
qu’il n’était donc pas sur les lieux quand <strong>de</strong>s jeunes hommes ont commis, aux dates <strong>de</strong>s 18 et<br />
19/04/1994, les faits dont parle le Dr. RUCYAHANA qui va jusqu’à affirmer que BIZIMANA<br />
était présent ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il n’a pas assisté à un quelconque meurtre <strong>du</strong>rant son séjour à<br />
GIHINDAMUYAGA car même ceux qui sont morts à GIHINDAMUYAGA ont été tués en date<br />
<strong>du</strong> 22/04/1994 au camp <strong>de</strong>s jeunes en face <strong>du</strong> domicile <strong>de</strong> son petit frère où il se trouvait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit qu’ils sont allés se faire soigner à BUTARE le 20/04/1994<br />
et sont revenus le 21/04/1994, date à laquelle les miliciens Interahamwe venus <strong>de</strong> tous les coins<br />
ont encerclé RUGANGO, le camp <strong>de</strong>s jeunes et SOVU sous la direction <strong>de</strong> REKERAHO, que<br />
BIZIMANA était à ce moment chez son petit frère en compagnie <strong>de</strong> celui-ci, et que c’est là où se<br />
cachait Bonifri<strong>de</strong> si bien que BIZIMANA était présent quand REKERAHO et les miliciens<br />
Interahamwe l’ont enlevée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que <strong>de</strong> nombreuses personnes étaient dans les différentes chambres<br />
<strong>de</strong> cette maison, que BIZIMANA se cachait car il était opposé aux miliciens Interahamwe et<br />
pouvait même être tué à cause <strong>de</strong>s fonctions qu’il exerçait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit que KAYITESI qui le charge d’avoir trempé dans le<br />
meurtre <strong>de</strong> Bonifri<strong>de</strong> se trouvait à cette date à KIGALI, qu’il relève que KAMPOGO Jeanne,<br />
dans son témoignage figurant à la cote 28, affirme avoir vu BIZIMANA dans l’attaque qui a<br />
coûté la vie à Bonifri<strong>de</strong> au moment où elle se cachait dans <strong>de</strong>s bambous mais change <strong>de</strong><br />
déclaration à la cote 140 et dit qu’elle ignore où la victime a été tuée, que cela prouve que<br />
KAMPOGO ment ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que MUKAMULIGO Bonifri<strong>de</strong> a vu REKERAHO amener<br />
Bonifri<strong>de</strong> car elle a été tuée au camp <strong>de</strong>s jeunes alors que BIZIMANA était toujours au lit pour<br />
cause <strong>de</strong> maladie, qu’il n'a pas parlé à REKERAHO et n’est pas arrivé à SOVU ou au camp <strong>de</strong>s<br />
jeunes à cette date, qu’ils ne sont arrivés au camp <strong>de</strong>s jeunes qu’en date <strong>du</strong> 26/04/1994 pour<br />
enterrer les victimes sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Abbé Jean, qu’il ne sait rien sur les victimes qui y ont été<br />
tuées ;
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que KAMPOGO ment quand elle affirme l’avoir vu à SOVU le<br />
20/04/1994, car elle se trouvait chez MUKANTAGARA Jacqueline à cette date, que même<br />
REKERAHO, lors <strong>de</strong> ses aveux <strong>de</strong>s crimes commis à SOVU, n’a point dit que BIZIMANA en a<br />
été son coauteur ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA déclare être arrivé à la paroisse <strong>de</strong> RUGANGO en date <strong>du</strong> 26/04/1994<br />
juste à la fin <strong>de</strong> l’enterrement <strong>de</strong>s victimes qui avaient été tuées le 22/04/1994, que c’est avant<br />
l’enterrement qu’on leur a dit qu’il y avait dans les cadavres un enfant encore en vie, que la<br />
population a alors décidé <strong>de</strong> chercher le Dr. RUCYAHANA qui est venu et que l’enfant a été<br />
transporté à l’hôpital, mais qu’ils ne sont pas arrivés là où se trouvait l’enfant ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit qu’il n’a eu aucune part <strong>de</strong> responsabilité dans les<br />
assassinats <strong>de</strong> KAREMERA Vital, BUTERA J. Paul, BUTERA Marthe et BUTERA Antoine car<br />
l’auteur <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> KAREMERA est mentionné dans les procès-verbaux cotés <strong>de</strong> 280 à<br />
294 et que le curé <strong>du</strong> monastère en a détaillé les circonstances, et que<br />
123<br />
5 ème Feuillet.<br />
MUKAMULIGO et SERUSATSI qui était le responsable <strong>de</strong> la cellule affirment que<br />
BIZIMANA n’a tué personne ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il se trouvait à KIBABARA lors <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong><br />
Marceline en date <strong>du</strong> 25/04/1994 et que cela est confirmé par les témoignages <strong>de</strong><br />
MUKAKARUTA, BAKUNDUKIZE Isaïe, NDASUBIRA Alphonse, BAGARAGAZA Thadée<br />
et SEKAMANA Déo, qu’il continue en disant qu’il était également à KIBABARA lors <strong>de</strong><br />
l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> MBUNGIRA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que ce n’est pas lui qui a tué les moines car le curé a donné<br />
l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> leurs assassins et a bien spécifié que BIZIMANA n’en faisait pas partie, que même<br />
les autres frères religieux ont dit que les auteurs <strong>de</strong> ces assassinats sont REKERAHO et les<br />
miliciens Interahamwe ;<br />
Vu que l’audience est reportée au 24/10/2001, qu’à cette date BIZIMANA poursuit sa défense en<br />
disant qu’il ne pouvait rien faire pour défendre Bonifri<strong>de</strong> étant donné que REKERAHO dirigeait<br />
les attaques en appliquant les consignes qui lui étaient données par les autorités et étant avec <strong>de</strong>s<br />
militaires ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il y a lieu d’entendre le mé<strong>de</strong>cin qui l’a soigné le 21/04/1994<br />
pour établir qu’il n’est pas personnellement arrivé au camp <strong>de</strong>s jeunes à cette date car il avait<br />
subi un examen <strong>de</strong> radiographie le 20/04/1994 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la partie civile UWIRINGIYE Agnès dit que les tueries qui ont été perpétrées au<br />
camp <strong>de</strong>s jeunes n’ont pas eu lieu le 22/04/1994 mais plutôt le 21/04/1994, qu’elle a vu, en date<br />
<strong>du</strong> 25/05/1994, BIZIMANA en compagnie <strong>de</strong> REMERA et HABYARIMANA et que c’est à<br />
cette date que les 4 enfants <strong>de</strong> NYIRAMUKAMISHA ont été tués et jetés dans les latrines <strong>de</strong><br />
MBUNGIRA, <strong>de</strong> même que <strong>de</strong>ux fils <strong>de</strong> KARUYUNDO et les enfants <strong>de</strong><br />
MUKARUTEGANYA, que la responsabilité <strong>de</strong> BIZIMANA rési<strong>de</strong> en ce qu’il disait qu’il ne<br />
voulait plus les revoir et qu’il avait une massue ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, car il est
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
faux <strong>de</strong> dire qu’il se trouvait au camp <strong>de</strong>s jeunes en date <strong>du</strong> 21/04/1994 en compagnie <strong>de</strong><br />
REKERAHO et HABYARIMANA étant donné qu’il était allé voir le mé<strong>de</strong>cin à BUTARE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA relève que tous ceux qui le chargent ne sont pas unanimes quant aux<br />
habits qu’il portait quand ils l’ont vu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKARUTEGANYA Spéciose déclare avoir vu BIZIMANA le 25/04/1994 dans<br />
l’attaque qui a eu lieu chez MBUNGIRA quand elle apportait <strong>de</strong> la nourriture aux enfants qui y<br />
avaient trouvé refuge, que l’intéressé n’avait rien à part qu’il avait un bandage au bras et qu’il<br />
boitait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA émet le souhait que le Tribunal <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à MUKARUTEGANYA<br />
pourquoi, l’ayant vu dans cette attaque, elle ne l’a point dénoncé auparavant, que<br />
MUKARUTEGANYA répond l’avoir mis en cause après les inhumations qui ont eu lieu à<br />
MBAZI ;<br />
Vu que l’audience est reportée au 26/10/2001, mais qu’à cette date, les parties sont informées <strong>de</strong><br />
la décision ordonnant une enquête préalable, que l’audience est encore remise au 30/10/2001 ;<br />
124<br />
6 ème Feuillet.<br />
Vu qu’à cette date <strong>du</strong> 26/10/2001 le Tribunal fait une <strong>de</strong>scente à KIBABARA, et à NDOBOGO,<br />
lieu <strong>de</strong> naissance <strong>de</strong> BIZIMANA Antoine et que, après une visite <strong>de</strong>s lieux, il entend la mère <strong>de</strong><br />
BIZIMANA en la personne <strong>de</strong> MUKAGAKWAYA Marie qui dit que la maison <strong>de</strong><br />
HABYARIMANA a été construite en 1976, que les briques qui ont servi à la construction <strong>de</strong>s<br />
murs <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> BIZIMANA leur ont été données par un frère religieux blanc ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la sœur <strong>de</strong> BIZIMANA nommée NYIRAHABIMANA Antoinette dit que les<br />
maisons qui sont là existaient quand elle a atteint l'âge <strong>de</strong> raison, que les murs ont été construits<br />
après, que celui se trouvant <strong>du</strong> côté méridional et sans crépissage a été construit en 1994 au<br />
moyen <strong>de</strong>s briques que Antoine a achetées à MATENE, BAKUNDUKIZE Isaïe et<br />
BAGARAGAZA Thadée qui les lui apportaient ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYIRAHABIMANA dit qu’elle ne se souvient pas <strong>de</strong> la date à laquelle<br />
BIZIMANA est arrivé chez eux, mais qu’il avait été blessé et que les tueries avaient pris fin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’enquête s’est poursuivie à KABAKONO et que MUKANDEKEZI Vestine, après<br />
avoir prêté serment, dit qu’elle connaît BIZIMANA et que celui-ci vivait à GISENYI, que les<br />
miliciens Interahamwe l’ont blessé à coups <strong>de</strong> machettes et que le nommé Joseph l’a fait soigner,<br />
qu’interrogée sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s victimes que BIZIMANA a tuées, elle répond qu’il ne vivait pas<br />
dans la région à moins qu’il n’ait commis <strong>de</strong>s tueries à GISENYI ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIMANA Françoise, après avoir prêté serment, déclare ne pas avoir vu<br />
BIZIMANA en 1994 car il ne vivait pas dans la région, qu’elle n’entend pas dire que<br />
BIZIMANA s’est livré aux massacres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYIRASONI Ma<strong>de</strong>leine, après avoir prêté serment, dit que son mari et ses enfants
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
ont été tués à SOVU au cours <strong>de</strong>s attaques dirigées par REKERAHO et KAMANAYO, que les<br />
attaques qui ont eu lieu à NDOBOGO étaient dirigées par NDAGIJIMANA, NTAMUNOZA et<br />
BIHEHE, que HABYARIMANA s'est lui aussi mal comporté mais qu’elle ne connaît pas<br />
BIZIMANA et n’a pas connaissance <strong>de</strong>s tueries qu'il aurait commis ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKANDEKEZI Anastasie, après avoir prêté serment, dit qu’elle a vu le nommé<br />
Xavier originaire <strong>de</strong> NYANZA lors <strong>de</strong>s massacres commis à SOVU, que BIZIMANA n’y est pas<br />
arrivé car il ne vivait pas dans la région et qu’elle ne sait rien sur lui à cette époque ;<br />
Atten<strong>du</strong> que poursuivant son enquête, le Tribunal arrive à la paroisse RUGANGO où elle trouve<br />
Sœur Suzanne qui lui dit qu’elle se trouvait au BURUNDI où elle avait été mutée à l’époque <strong>de</strong>s<br />
faits, que constatant qu’elle ne peut pas lui être utile, le Tribunal se rend à RUGANGO à<br />
l’endroit où se trouvait le domicile <strong>de</strong> MBUNGIRA avant les massacres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAMUSONI Thacienne, après avoir prêté serment, dit qu’elle était la voisine<br />
<strong>de</strong> MBUNGIRA et que celui-ci est mort en avril 1994 tandis que son épouse et morte <strong>de</strong>s suites<br />
d’une maladie avant le génoci<strong>de</strong>, que les tueurs avaient cependant épargné MBUNGIRA et qu’il<br />
est décédé environ une semaine après l’attaque à son domicile ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYIRANSEKANABO Dorothée, après avoir prêté serment, dit que les sieurs<br />
NYANDWI, NTIBAHANGANA et SINYAGIRA ont pris part à l’attaque qui a eu lieu au<br />
domicile <strong>de</strong> MBUNGIRA sous la direction <strong>de</strong> l’Adjudant REKERAHO Emmanuel, que<br />
HABYARIMANA n’en faisait pas partie ;<br />
125<br />
7 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que MAYONGA Fidèle, employé <strong>du</strong> monastère <strong>de</strong> GIHINDAMUYAGA, après avoir<br />
prêté serment, dit qu’il était le voisin <strong>de</strong> MBUNGIRA et que celui-ci est mort <strong>de</strong>s suites d’une<br />
maladie à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> tandis que son épouse est décédée avant le génoci<strong>de</strong>, que<br />
l’attaque au domicile <strong>de</strong> MBUNGIRA était dirigée par HABYARIMANA Joseph et un homme<br />
qui habite à KIGALI ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MAYONGA dit que ce sont REMERA et REKERAHO qui dirigeaient les attaques,<br />
qu’il ne connaît pas BIZIMANA à part entendre parler <strong>de</strong> lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’enquête est clôturée à 16 heures et <strong>de</strong>mie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience continue le 30/10/2001, que les témoins qui ont comparu sont priés <strong>de</strong><br />
rester en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la salle d’audience et que BIZIMANA Antoine et les parties civiles sont<br />
informées <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> l’enquête <strong>du</strong> 26/10/2001 ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à y répliquer, BIZIMANA dit que ce qui a été dit au cours <strong>de</strong> l’enquête est vrai<br />
car il n’a pas trempé dans <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que les actes <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maison qui lui sont reprochés sont<br />
<strong>de</strong>s accusations mensongères car le Ministère Public n’indique ni les maisons détruites ni leurs<br />
propriétaires et qu’au contraire le nommé BAGARAGAZA est mis en cause par<br />
BAKUNDUKIZE d’avoir détruit la maison <strong>de</strong> MBARAGA à une date à laquelle BIZIMANA
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
n’était pas encore arrivé à KIBABARA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense sur l’infraction <strong>de</strong> non assistance aux personnes en danger, il dit<br />
qu’il n’avait pas les moyens d’assister ces personnes étant donné qu’il était mala<strong>de</strong>, qu’il<br />
poursuit en disant qu’il n’était membre d’aucun parti politique pour que <strong>de</strong>s a<strong>de</strong>ptes aient pu<br />
l’ai<strong>de</strong>r à s’opposer aux actes qui étaient commis surtout que Bonifri<strong>de</strong> a été tuée au cours d’une<br />
attaque dirigée par REKERAHO et composée <strong>de</strong> nombreuses personnes armées <strong>de</strong> fusils <strong>de</strong><br />
manière que BIZIMANA n’aurait pas pu lui barrer la route, qu’il ne pouvait pas non plus<br />
provoquer <strong>du</strong> secours dès lors que ces actes étaient soutenus par les autorités ;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant l’infraction <strong>de</strong> détention illégale <strong>de</strong> fusil, il dit qu’elle n’est pas fondée<br />
car ceux qui l’accusent n’indiquent pas le type <strong>de</strong> fusil qu’il avait ou l’endroit où ils l’ont vu le<br />
porter et notamment à KIBABARA, alors que le nommé NYIRAMUKAMISHA a dit lors <strong>de</strong> son<br />
audition que BIZIMANA se promenait armé <strong>de</strong> massue d’une part, et qu’elle a dit d’autre part<br />
qu’il n’a jamais eu un fusil au moment où les uns parlent <strong>de</strong> gourdin, d’autres <strong>de</strong> massues et<br />
d’autres enfin affirment qu’il n’avait pas d’arme ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est suspen<strong>du</strong>e pour reprendre le len<strong>de</strong>main 31/10/2001 par les<br />
dépositions <strong>de</strong>s témoins ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que MUKAKARUTA Spéciose peut témoigner à sa décharge sur<br />
les tueries qui ont été commises au camp <strong>de</strong>s jeunes et qu’elle sait que MUKARUTEGANYA a<br />
amené ses enfants chez MBUNGIRA où elle les a laissés et s’en est aussitôt allée ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait chez<br />
elle au moment <strong>de</strong>s massacres commis au camp <strong>de</strong>s jeunes, qu’elle a enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s explosions <strong>de</strong><br />
grena<strong>de</strong>s mais qu’elle n’a pas vu les tueurs à part qu’elle a enten<strong>du</strong> par la suite parler <strong>de</strong><br />
SEKUGABANYA et NYIRIMANA ;<br />
126<br />
8 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKARUTA dit que ceux qu’elle a vu emmener Bonifri<strong>de</strong> sont NDANGA<br />
Alfred, SEKUGABANYA et <strong>de</strong> nombreux autres qu’elle n’a pas i<strong>de</strong>ntifiés, que REKERAHO<br />
était à la tête <strong>de</strong> ces assaillants ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait sur les lieux lorsque BIZIMANA<br />
Antoine a été arrêté à MBAZI, que NZAMWITAKUZE Claire lui a <strong>de</strong>mandé d’affirmer que<br />
Antoine porte les habits <strong>de</strong> son mari mais qu’elle a refusé, qu’elle termine en soulignant qu’au<br />
contraire, Antoine n’a pas pris part au génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les faits relatifs aux infractions dont peut le disculper "M",<br />
BIZIMANA dit qu’il peut parler <strong>du</strong> contenu <strong>de</strong> sa lettre ainsi que <strong>de</strong>s tueries commises au camp<br />
<strong>de</strong>s jeunes car il était sur les lieux et qu’à ce titre, il peut donner l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s personnes qu’il a<br />
vues sur place ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, "M" dit qu’il était au camp <strong>de</strong>s jeunes quand les massacres<br />
y ont été perpétrés, que cela peut être confirmé par son cousin DUSABE, sa mère Salomée et ses<br />
enfants qui étaient avec elle ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit que NYIRAMARIZA ne sait pas ce qui s’est passé au camp <strong>de</strong>s jeunes car<br />
elle a quitté le camp <strong>de</strong>s jeunes auparavant tandis que Spéciose a emmené ses enfants et n’est
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
revenue qu’une fois quand elle apportait à son mari <strong>de</strong>s patates douces, qu’il est parti avec sa<br />
mère, mais que celle-ci est restée chez Suzanne, que "M" a poursuivi sa route avec sa grandmère,<br />
DUSABE et DUSENGUMUREMYI, que NDAMAGE n’est pas quant à lui arrivé au<br />
camp <strong>de</strong>s jeunes même s’il a fui avec les autres personnes <strong>de</strong> chez lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit que, lors <strong>de</strong> l’attaque au camp <strong>de</strong>s jeunes, il est sorti avec sa mère mais que<br />
celle-ci a été tuée après <strong>de</strong>s discussions, les uns disant qu’il ne fallait pas la tuer car elle a été<br />
mariée à un Hutu, que leur employé Fidèle a été tué, qu’il dit que son petit frère a été brûlé à<br />
l’intérieur <strong>de</strong> la maison car il l’a atten<strong>du</strong> mais en vain, qu’il a alors regagné leur domicile à<br />
MPUNGWE et est revenu après 6 jours, qu’il a croisé MUSENGAMANA qui avait alors forcé<br />
DUSABE Alice à s’unir avec lui et que celui-ci l’a poursuivi en courant, que quand ils sont<br />
arrivés à SOVU, l’intéressé lui a <strong>de</strong>mandé pourquoi il ne lui a pas donné <strong>de</strong> l’argent alors qu’il a<br />
bien tué sa mère ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NDAMAGE dit qu’il ne se trouvait pas au camp <strong>de</strong>s jeunes au cours <strong>de</strong>s tueries<br />
mais qu'il se cachait près <strong>de</strong> là, qu’il a appris que "M" n’était pas sur les lieux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit que les tueurs qui sont venus au camp <strong>de</strong>s jeunes sont REKERAHO,<br />
KABAGEMA, RUGAMBWA, MUSENGAMANA, HABYARIMANA Joseph, NTIGURA et<br />
MACUMU, que BIZIMANA n’est pas arrivé au camp <strong>de</strong>s jeunes ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit qu’il se trouvait sur les lieux au moment <strong>de</strong> l’arrestation <strong>de</strong> BIZIMANA à<br />
MBAZI car il était allé participer à l’inhumation <strong>de</strong>s restes <strong>de</strong>s victimes en compagnie <strong>de</strong><br />
NDAMAGE, KAYITESI Béatrice, MUKAKALISA Régine et Gertru<strong>de</strong>, qu’il était environ dix<br />
heures et qu’ils étaient en train <strong>de</strong> causer en disant que VORIVORI a lui aussi été inhumé avec<br />
les leurs, que BIZIMANA est alors arrivé et les a salués, que NDAMAGE a dit que BIZIMANA<br />
est bon mais que HABYARIMANA Joseph est un meurtrier, qu'après la messe, le bourgmestre a<br />
pris la parole et parlé <strong>de</strong>s circonstances <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> à MBAZI, que lorsque lecture <strong>de</strong> la liste <strong>de</strong>s<br />
tueurs a été faite, HABYARIMANA le petit frère <strong>de</strong> BIZIMANA a été mentionné et que c’est<br />
alors que Régine s’est adressée aux autres en se <strong>de</strong>mandant ce qu’est venu faire son "salaud" <strong>de</strong><br />
grand frère, qu’il était alors entre midi et quatorze heures, que Marie BUTERA est arrivée et<br />
que, ayant enten<strong>du</strong> <strong>de</strong> quoi ils parlaient, elle leur a <strong>de</strong>mandé qui était BIZIMANA car elle ne le<br />
connaissait pas ;<br />
127<br />
9 ème Feuillet.<br />
qu’ils le lui ont montré là où il se tenait <strong>de</strong>bout, qu’elle leur a dit <strong>de</strong> faire en sorte qu’il ne leur<br />
échappe pas, que la dame qui était avec Marie BUTERA a dit que c’est bien d’agir contre une<br />
personne <strong>de</strong> haut rang comme lui car les instances supérieures en seront informées et les a<br />
exhortés à le faire, que BIZIMANA est alors <strong>de</strong>scen<strong>du</strong> <strong>de</strong> la tribune et que Marie BUTERA l’a<br />
attrapé <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière en disant que même les habits qu’il portait appartenaient à son mari ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit que le militaire qui assurait la gar<strong>de</strong> rapprochée <strong>de</strong> BIZIMANA a failli tirer<br />
sur NDAMAGE et ceux qui étaient avec lui, mais que les agents <strong>de</strong> l’ordre se sont saisis <strong>de</strong><br />
BIZIMANA et ont invité ceux qui ont <strong>de</strong>s accusations à formuler contre lui à aller témoigner à<br />
sa charge, que Marie BUTERA est venue au moment où Marcella disait à "M" qu’elle ne sait<br />
rien sur BIZIMANA, et a <strong>de</strong>mandé à sa camara<strong>de</strong> si elle a déjà oublié ses enfants qui ont été tués<br />
et à "M" s’il a oublié sa mère, que Marcella a alors pleuré ;
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit que Marcella est <strong>de</strong>scen<strong>du</strong>e et allée là où on avait con<strong>du</strong>it BIZIMANA et<br />
que, interrogée sur ce qu’elle sait sur son compte, elle a pleuré sans répondre, que les militaires<br />
l’ont alors chassée disant qu’elle est en état d’ivresse, qu’elle est rentrée aussitôt et que "M" en a<br />
fait <strong>de</strong> même ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit qu’il a <strong>de</strong>mandé à MUKARUTEGANYA ce qu’elle en sait et qu’elle lui a<br />
répon<strong>du</strong> qu’elle ne peut pas faire un faux témoignage à charge d’un fils rwandais, que c’est à<br />
cette date et en peu <strong>de</strong> minutes que le dossier <strong>de</strong> BIZIMANA a été ainsi monté, que par la suite,<br />
quand il croyait que l’affaire était terminée, "M" s’est vu contacter par <strong>de</strong>s gens qui lui disaient<br />
<strong>de</strong> témoigner à charge <strong>de</strong> BIZIMANA, qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la personne qui l’a contacté,<br />
il répond qu’il ne peut pas le dire en audience publique, que le Tribunal déci<strong>de</strong> alors <strong>de</strong><br />
l’entendre à huis clos ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit que toutes ces dames qui sont venues témoigner à charge <strong>de</strong> BIZIMANA y<br />
ont été incitées par l’Association <strong>de</strong>s Rescapés <strong>du</strong> Génoci<strong>de</strong>, qu’ils sont arrivés à<br />
GIHINDAMUYAGA et ont invité "M" à venir témoigner à charge <strong>de</strong> BIZIMANA, qu’ils ont<br />
tenu <strong>de</strong>s réunions à cet effet, mais que tous ceux qui étaient avec "M" à MBAZI plaignaient le<br />
prévenu disant qu’il est victime <strong>de</strong>s actes perpétrés par son petit frère HABYARIMANA Joseph,<br />
qu’il poursuit en disant que ce problème l’a brouillé avec sa sœur NYIRAMARIZA et<br />
NYIRAMUKAMISHA Marcella qui a dit une fois qu’il faut que BIZIMANA livre ses "salauds"<br />
d’enfants pour qu’on les tue afin qu’ils soient sur un pied d’égalité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit qu’après avoir constaté qu’il n’adhérait pas à leur projet, elles sont allées<br />
dire à l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public nommé Azarias qu’il ne faut pas que "M" fasse un<br />
témoignage, que ledit Officier <strong>du</strong> Ministère Public est venu le voir au service à KIGALI et lui a<br />
enjoint <strong>de</strong> faire un témoignage écrit, qu’il l’a fait car l’autre croyait qu’il s’agit d’un témoignage<br />
à charge <strong>de</strong> BIZIMANA, mais que, constatant que ce n’est pas le cas, on a commencé à le<br />
menacer d’emprisonnement ;<br />
Atten<strong>du</strong> que "M" dit qu’aucune <strong>de</strong>s personnes qui sont venues témoigner à charge <strong>de</strong><br />
BIZIMANA n’était avec lui au camp <strong>de</strong>s jeunes, que leur attitu<strong>de</strong> est en gran<strong>de</strong> partie guidée par<br />
la volonté <strong>de</strong> se voir allouer <strong>de</strong>s dommages intérêts car, avant le début <strong>du</strong> procès à BUTARE,<br />
l’Association <strong>de</strong>s Rescapés <strong>du</strong> Génoci<strong>de</strong> leur a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> faire l’inventaire <strong>de</strong>s biens<br />
endommagés auxquels ils ont affecté <strong>de</strong>s sommes très élevées comme contre-valeur à leur<br />
allouer, que la majorité d’entre elles agissent par convoitise <strong>de</strong> l’argent car on leur promettait<br />
d’être désintéressées sitôt après le procès, qu’il précise que ces témoins à charge sont les<br />
membres <strong>de</strong> sa famille ;<br />
128<br />
10 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA Antoine dit que MUKAMULIGO Bonifri<strong>de</strong> peut témoigner en sa<br />
faveur sur les tueries qui ont été commises au centre <strong>de</strong>s jeunes tandis que Agnès peut le faire<br />
sur celles qui ont été perpétrées au domicile <strong>de</strong> MBUNGIRA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, UMUHOZA Agnès déclare avoir <strong>de</strong>mandé à Spéciose <strong>de</strong><br />
lui dire ceux qui ont emmené <strong>de</strong> chez son grand-père MBUNGIRA les enfants pour les tuer et
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
qu’elle lui a parlé <strong>de</strong> NYIRIMANA et SEKAZUNGU, mais qu’elle ne lui a pas dit que<br />
BIZIMANA Antoine participait à cette attaque ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, DUSABE Alice dit qu’elle se cachait chez<br />
MUSENGIMANA lors <strong>de</strong> l’attaque qui a été menée chez son grand-père MBUNGIRA, que cette<br />
attaque était composée <strong>de</strong> Fidèle, NSENGIMANA, Emmanuel originaire <strong>de</strong> RUGANGO,<br />
MINANI le fils <strong>de</strong> NDIMUBANZI, KALISA et MUSENGIMANA, qu’elle ne connaît pas<br />
BIZIMANA Antoine mais qu’elle a enten<strong>du</strong> dire que l’intéressé n’était pas présent lors <strong>de</strong><br />
l’assassinat <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> MUKARUTEGANYA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que DUSABE Alice dit qu’elle a cherché refuge au camp <strong>de</strong>s jeunes après l’incendie <strong>de</strong><br />
la maison <strong>de</strong> sa famille, qu’elle a quitté le camp un mercredi et que les tueries y ont été<br />
commises un jeudi, qu’elle était avec "M" au camp <strong>de</strong>s jeunes et que celui-ci n’aurait pas<br />
manqué d’i<strong>de</strong>ntifier une nouvelle figure si BIZIMANA avait pris part à cette attaque car celle-ci<br />
n’était composée que <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la population locale ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAMULIGO Bonifri<strong>de</strong> prête serment et dit que c’est NYIRAMUKAMISHA<br />
qui lui a appris l’attaque qui a eu lieu chez MBUNGIRA en lui parlant <strong>de</strong> ses enfants tués, que<br />
les enfants <strong>de</strong> NYIRAMUKAMISHA ont été emmenés par SEKAZUNGU, MAREMBO, un<br />
policier <strong>du</strong> nom <strong>de</strong> MPOZENZA Charles, MUROGORO et NYIRIMANA, mais que<br />
BIZIMANA n’était pas présent tout comme REKERAHO et HABYARIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que DUSABE dit que Spéciose n’était pas présente lors <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> ses enfants<br />
car elle s’en était allée, que DUSABE dit qu'il a suggéré à Spéciose d’aller chercher refuge pour<br />
ses enfants chez KAMANZI, mais qu’elle lui a répon<strong>du</strong> qu’elle n’a pas à se préoccuper <strong>de</strong> ceux<br />
dont le sort est réglé, qui vont inévitablement périr;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKABONERA prête elle aussi serment et dit que SEKAZUNGU,<br />
SEKUGABANYA et NYANDWI sont passés à son domicile et ont perquisitionné sa maison<br />
quand ils se rendaient chez MBUNGIRA, qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment les enfants <strong>de</strong><br />
Spéciose sont arrivés chez MBUNGIRA, elle répond que c’est Spéciose qui les y a con<strong>du</strong>its et<br />
que quand SEBAZUNGU lui a <strong>de</strong>mandé pourquoi elle les amenait là, elle a dit que quand Dieu<br />
veut reprendre ce qu’il t’a prêté, tu ne discutes pas ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKABONERA dit qu’elle connaissait BIZIMANA mais qu’il n’est pas arrivé sur<br />
les lieux, qu’il se peut que les gens lui en veuillent à cause <strong>de</strong> son petit frère HABYARIMANA ;<br />
129<br />
11 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, NYIRAHABIYAMBERE Salomée déclare avoir réchappé<br />
aux massacres qui ont été commis au camp <strong>de</strong>s jeunes où elle a passé <strong>de</strong>ux jours car elle s’est<br />
cachée dans les chambres quand les tirs ont été déclenchés, que quand les tueurs se sont<br />
retrouvés à court <strong>de</strong> munitions, les victimes ont couru, qu’elle est sortie et que GAKURU<br />
Emmanuel lui a donné un coup <strong>de</strong> bâton, qu’il y avait là SORINYA, le fils <strong>de</strong><br />
MUVUZANKWAYA, GAKURU, KALISA et d’autres qui tuaient, qu’elle connaît BIZIMANA,<br />
mais que celui-ci n’est pas arrivé au camp et qu’elle ne l’a vu aller chez lui que lorsque les<br />
tueries au camp <strong>de</strong>s jeunes avaient déjà été commises ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKARWEGO Marguerite dit qu’elle connaît<br />
BIZIMANA, que la maison <strong>de</strong> MBARAGA a été détruite à la fin <strong>du</strong> mois d’avril 1994, mais que
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
BIZIMANA n’était pas encore arrivé à KIBABARA, que les maisons <strong>de</strong> MBARAGA avaient<br />
déjà été détruites quand elle a vu BIZIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKARWEGO poursuit en disant qu’elle est arrivée chez BIZIMANA vers le<br />
mois <strong>de</strong> mai alors que le nommé HITIYAREMYE construisait un mur, qu’elle y a vu un petit<br />
tas <strong>de</strong> briques ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKAMBONYI Béata déclare avoir été témoin oculaire<br />
<strong>de</strong> l’attaque qui a été menée chez MBUNGIRA et composée <strong>de</strong> SEKAZUNGU Joseph,<br />
KUBWIMANA Fidèle, MUSENGIMANA et d’autres, qu’elle se trouvait chez MBUNGIRA et<br />
qu’elle les a vus emmener les enfants <strong>de</strong> Marcella, que Spéciose n’était pas présente mais qu’elle<br />
se trouvait plutôt à MBOGO, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA ne faisait pas partie <strong>de</strong><br />
ladite attaque mais qu’elle a plutôt vu REMERA et REKERAHO ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est suspen<strong>du</strong>e en vue <strong>de</strong> continuer le 06/11/2001 par l’audition <strong>de</strong>s<br />
témoins à charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKANGENZI Aloysie, présentée comme témoin par les parties civiles, dit que ce<br />
qu’elle sait est que, en 1994, BIZIMANA faisait partie d’un groupe <strong>de</strong> meurtriers à NDOBOGO,<br />
que c’est lui qui, au cours <strong>de</strong> la réunion qui a eu lieu chez BIHEHE et dont son père<br />
NZABAMWITA a été exclu, a précisé comment les choses <strong>de</strong>vaient se passer, que les dirigeants<br />
<strong>de</strong>s attaques qui ont été désignés sont BUCYANA Pascal, BIHEHE, MUTALI Pancrace et <strong>de</strong><br />
nombreux autres, que BIZIMANA dirigeait cette réunion mais qu’il est parti aussitôt et n’a pas<br />
dirigé d’attaque ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKANGENZI Aloysie dit que les victimes qui ont été tuées à NDOBOGO après<br />
cette réunion sont tous les Tutsi qui y résidaient tels NZABAMWITA, NGARAMBE Vincent et<br />
ses 7 enfants, <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s sœurs <strong>de</strong> MUKANGENZI à savoir NIKUZE et HATEGEKIMANA<br />
ainsi que les membres <strong>de</strong> la famille HABIMANA, qu’elle poursuit en disant qu’au cours <strong>de</strong> la<br />
réunion, BIZIMANA a dit qu’il faut tuer les victimes et détruire les maisons, mais qu’elle ne se<br />
souvient pas <strong>de</strong> l’arme qu’il avait, qu’elle ne le connaissait pas et qu’elle a plutôt enten<strong>du</strong> parler<br />
<strong>de</strong> lui, que d’autres réunions se sont tenues sous la direction <strong>de</strong> BIHEHE et ses acolytes ;<br />
130<br />
12 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à parler <strong>de</strong> la con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong> BIZIMANA à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, NDAMAGE<br />
dit que l’intéressé s’est manifesté à GIHINDAMUYAGA comme incitateur au génoci<strong>de</strong>, qu’il ne<br />
vivait pas là, qu’à son arrivée la population <strong>de</strong> MBAZI était unie, qu’il est arrivé à BUTARE le<br />
19/04/1994 quand une réunion y avait été organisée, que SIBOMANA a transporté ceux qui<br />
étaient chargés <strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité aux limites <strong>de</strong>s communes MBAZI et MARABA, que<br />
KABAGEMA est arrivé et quand il a enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s cris, il a dit qu’il fallait séparer le bon grain <strong>de</strong><br />
l’ivraie, que KABAGEMA voulait s’approprier les vaches que NDAMAGE avait confiées à<br />
HABYARIMANA, mais que cela n’a pas marché, qu’il a dit que NYIRAMASUHUKO a décrété<br />
la mort <strong>de</strong>s Tutsi et que MABUYE est venu, qu’il s’en est suivi une chasse à l’homme, que<br />
NDAMAGE est allé en vain chercher refuge au monastère et que, regagnant son domicile, il a<br />
constaté que les autres étaient allés se cacher dans <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> haricots, qu’il est allé se cacher<br />
dans un buisson tout près <strong>du</strong> monastère dans la nuit <strong>du</strong> 19/04/1994, qu’il est allé chez Marie<br />
BUTERA dans la matinée <strong>du</strong> 20/04/1994, mais a regagné le buisson dans la soirée, que
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
l’insécurité s’est maintenue le 21/04/1994 et qu’une attaque d’envergure a eu lieu là où il était,<br />
ceux qui la composaient poussant <strong>de</strong>s cris, qu’ensuite sont venus BIZIMANA, REKERAHO,<br />
REBERO et HABYARIMANA qui se dirigeaient vers le camp <strong>de</strong>s jeunes, que les gens <strong>de</strong><br />
MBAZI étaient solidaires et que ce sont plutôt les attaques en provenance <strong>de</strong> MARABA qui<br />
étaient les plus dangereuses, qu’il est apparu que BIZIMANA est un planificateur <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong><br />
car REKERAHO l’en a chargé en disant qu’ils étaient ensemble dans toutes les réunions, qu’il a<br />
également joué le rôle <strong>de</strong> superviseur <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> à GIHINDAMUYAGA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NDAMAGE dit que les témoins qui ont déposé à décharge <strong>de</strong> BIZIMANA ont été<br />
contactés par "M", que celui-ci était présent lors <strong>de</strong> l'arrestation <strong>de</strong> BIZIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que c’est à tort que NDAMAGE le qualifie d’instigateur,<br />
planificateur et superviseur car il ressort <strong>de</strong> la copie <strong>du</strong> jugement à charge <strong>de</strong> REKERAHO que<br />
ce <strong>de</strong>rnier ne l’a point mis en cause ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est suspen<strong>du</strong>e pour continuer le 24/11/2001, date à laquelle la partie<br />
civile KARUYUNDO Stéphanie dit qu’elle ne s’est pas cachée, qu’elle habite à<br />
GIHINDAMUYAGA, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA a commis le génoci<strong>de</strong> en mai<br />
1994, mais que par la suite elle se ravise et dit que BIZIMANA n’a pas tué mais a plutôt amené<br />
<strong>de</strong>s tueurs qui, après avoir tué les enfants <strong>de</strong> Marcella chez MBUNGIRA, sont venus chez elle et<br />
ont tué ses petits enfants dont MUNYEBWATO Abel et son fils KANYAMUNEZA Innocent,<br />
que BIZIMANA avait une massue mais qu’il n’en a pas fait usage car il ne faisait que donner <strong>de</strong>s<br />
ordres, qu’elle ne l’a pas revu ailleurs dans <strong>de</strong>s attaques ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KARUYUNDO dit qu’elle sait que Spéciose était présente lors <strong>de</strong>s tueries qui ont<br />
eu lieu au domicile <strong>de</strong> MBUNGIRA, qu’elle n’oublie rien sur le comportement <strong>de</strong> BIZIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à propos <strong>de</strong> l’audition <strong>de</strong> BAKUNDUKIZE, BIZIMANA dit que l’intéressé a assisté<br />
aux débats lors <strong>de</strong>s audiences <strong>de</strong>s 18 et 19/10/2001, qu’il ne peut donc être autorisé à faire une<br />
déposition, que, quoique BAKUNDUKIZE nie avoir assisté à une quelconque audience, le<br />
Tribunal déci<strong>de</strong> que l’intéressé ne va pas déposer sous serment pour ce motif ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BAKUNDUKIZE déclare avoir vu REKERAHO Emmanuel, HABYARIMANA et<br />
BIZIMANA Antoine à NDOBOGO le 22/04/1994, que HABYARIMANA était armé d’un fusil,<br />
REKERAHO ayant une grena<strong>de</strong> alors que BIZIMANA n’était pas armé, que c’est à cette date<br />
131<br />
13 ème Feuillet.<br />
que les membres <strong>de</strong> la famille MBARAGA ont été tués mais que ces hommes étaient partis après<br />
en avoir donné l’ordre, qu’il sait également que <strong>de</strong>s gens se rencontraient chez BIZIMANA chez<br />
qui ils apportaient les matériaux provenant <strong>de</strong>s maisons qu’ils détruisaient, que ces actes ont été<br />
commis le 22/04/1994 et le 23/04/1994 sous la supervision <strong>de</strong> BIZIMANA, mais que les<br />
victimes <strong>de</strong> ces actes <strong>de</strong> pillage n’ont pas vu BIZIMANA et que c’est BAKUNDUKIZE qui<br />
assistait aux faits pour son compte ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, UMULISA Agnès dit qu’elle avait trouvé refuge au camp<br />
<strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> GIHINDAMUYAGA au moment <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, qu’elle a quitté les lieux aussitôt<br />
après son arrivée, mais qu’elle sait ce qui s’est passé à cet endroit, qu’elle poursuit en disant
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
avoir vu BIZIMANA et HABYARIMANA à bord d’un véhicule <strong>de</strong> marque SUZUKI et <strong>de</strong><br />
couleur blanche amener <strong>de</strong> l’essence, qu’elle a encore vu BIZIMANA, HABYARIMANA et <strong>de</strong><br />
nombreux autres se rendre au couvent <strong>de</strong>s prêtres, qu’elle a également vu BIZIMANA et le Dr.<br />
RUCYAHANA Alexandre armés <strong>de</strong> fusils et que BIZIMANA a dit, en même temps que les<br />
autres, qu’il faut intercepter UMULISA Agnès ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA relève que, compte tenu <strong>de</strong> ses déclarations faites au cours <strong>de</strong><br />
l’instruction préparatoire, UMULISA se contredit ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UMULISA dit qu’elle était présente lors <strong>de</strong> l’arrestation <strong>de</strong> BIZIMANA, qu’il a été<br />
arrêté après la messe par Marie BUTERA, Jeanne KAMPOGO, MUKASHYAKA Josepha et<br />
NDAMAGE Théophile, que Marie BUTERA lui <strong>de</strong>mandait ses enfants, que BIZIMANA a été<br />
appréhendé par un garçon natif <strong>de</strong> KIBABARA, que UMULISA et d’autres se sont alors saisi <strong>de</strong><br />
lui et l’ont con<strong>du</strong>it à MBAZI ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est reportée au 05/12/2001 mais qu’elle n’a pas lieu pour cause<br />
d’absence <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, que l’affaire est renvoyée au 10/12/2001, date à<br />
laquelle l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> le report <strong>de</strong> l’audience pour permettre à l’avocat<br />
<strong>de</strong>s parties civiles <strong>de</strong> déposer ses conclusions car l’audience a commencé avant qu’il n’arrive ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me ISSA, conseil <strong>du</strong> prévenu, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> concilier les intérêts <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ux parties et <strong>de</strong> remettre l’audience à une date proche, qu’il ajoute cependant qu’il y a lieu <strong>de</strong><br />
poursuivre les débats si le Tribunal l’estime ainsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les parties civiles UWIRINGIYE, MUKARUTEGANYA et NYIRAMARIZA<br />
disent qu’il faut attendre leur avocat ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE, avocat <strong>de</strong>s parties civiles dit que les témoins qui ont été<br />
assignés n’ont pas comparu, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ainsi au Tribunal d’accor<strong>de</strong>r un crédit aux<br />
déclarations qu’ils ont faites à BUTARE et précise qu’ils sont parties civiles ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est reportée au 17/12/2001 en vue <strong>de</strong> permettre la comparution <strong>de</strong> ces<br />
témoins faute <strong>de</strong> quoi l’audience <strong>de</strong>vra continuer, l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles étant alors appelé à<br />
prendre ses conclusions ;<br />
14 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience reprend le 17/12/2001 par l’audition <strong>de</strong>s témoins présentés à charge <strong>de</strong><br />
BIZIMANA, mais qu’un doute sur la qualité <strong>de</strong> Marie BUTERA est soulevé pour savoir si elle<br />
doit être considérée comme témoin ou partie civile, qu’après avoir enten<strong>du</strong> les <strong>de</strong>ux parties, le<br />
Tribunal déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entendre à titre <strong>de</strong> témoin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Marie BUTERA dit qu’elle habitait et vivait à GIHINDAMUYAGA au moment <strong>du</strong><br />
génoci<strong>de</strong>, que ce sont BIZIMANA Antoine, HABYARIMANA Joseph, REMERA,<br />
REKERAHO et KABANZA Innocent qui organisaient et exécutaient les massacres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Marie BUTERA dit qu’elle a cherché refuge chez le Dr. RUCYAHANA et y est<br />
restée, qu’elle a eu connaissance <strong>de</strong>s massacres commis au camp <strong>de</strong>s jeunes car elle a enten<strong>du</strong><br />
les explosions <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s et les détonations ;<br />
132
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Atten<strong>du</strong> que Marie BUTERA dit que BIZIMANA est venu chez le Dr. RUCYAHANA en<br />
compagnie <strong>de</strong> HABYARIMANA et sa ban<strong>de</strong>, qu’ils leur ont dit d’aller chercher <strong>de</strong> la chaux<br />
pour recouvrir les cadavres car ils avaient attiré une nuée <strong>de</strong> mouches, qu’elle les a enten<strong>du</strong>s,<br />
qu’ils ont dit que Bonifri<strong>de</strong> qui était chez HABYARIMANA a été tuée, que RUCYAHANA leur<br />
a dit alors que Marie, l’épouse <strong>de</strong> Vital, se trouvait chez lui, qu’ils ont dit qu’il faut la cacher et<br />
que c’est alors qu’on l’a cachée dans le plafond ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Marie BUTERA dit que le jour où on est allé enterrer les cadavres à RUGANGO,<br />
les intéressés sont, à leur retour, passés chez Alexandre RUCYAHANA et lui ont dit qu’il y a un<br />
enfant encore en vie au milieu <strong>de</strong>s cadavres, qu’elle a regardé à travers les fenêtres et a vu<br />
BIZIMANA mais qu’elle n’a pas vu les armes qu’ils portaient, que la participation <strong>de</strong><br />
BIZIMANA dans les massacres lui a été rapportée par Alexandre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Marie BUTERA déclare avoir quitté le domicile <strong>de</strong> RUCYAHANA le 27/04/1994<br />
après avoir mis au mon<strong>de</strong>, qu’on l’a alors con<strong>du</strong>ite à l’hôpital <strong>de</strong> BUTARE, qu’elle a revu<br />
BIZIMANA à MBAZI lors <strong>de</strong> l’inhumation <strong>de</strong>s restes <strong>de</strong>s victimes car elle vivait à NYAMATA<br />
au BUGESERA.<br />
Atten<strong>du</strong> que Marie BUTERA déclare avoir enten<strong>du</strong> quelqu’un dire : « Voici BIZIMANA », ce<br />
qui l’a surprise, qu’ils se trouvaient à MBAZI, que tous les rescapés <strong>de</strong> cette région ont alors<br />
passé la ceinture <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> l’ordre pour se saisir <strong>de</strong> BIZIMANA qu’ils ont remis aux mains<br />
<strong>de</strong> ces mêmes agents <strong>de</strong> l’ordre, que Marie BUTERA était avec Jeanne, Béatrice, Agnès,<br />
Scolastique et Béatrice <strong>de</strong> GIHINDAMUYAGA, qu’elle dit que "M" était présent car c’est lui<br />
qui lui a rapporté les propos que tenaient les meurtriers à l’instar <strong>de</strong> MACUMU, que<br />
NDAMAGE également était présent ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Marie BUTERA dit qu’elle ne sait rien <strong>de</strong> ce qui est dit sur le fait que BIZIMANA,<br />
lors <strong>de</strong> son arrestation, portait les habits <strong>de</strong> son mari, que cela est possible mais qu’elle ne saurait<br />
en témoigner car les vêtements peuvent se ressembler ;<br />
15 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que Marie BUTERA ment et en donne pour preuve que l’intéressée<br />
a, au cours <strong>de</strong> son audition au parquet, déclaré ne pas l’avoir vu parmi les personnes qui sont<br />
venues chez RUCYAHANA car, répondant à la question qui lui était posée sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s<br />
auteurs <strong>de</strong>s massacres à GIHINDAMUYAGA, elle a cité plus <strong>de</strong> vingt personnes mais n’a à<br />
aucun moment cité le nom <strong>de</strong> BIZIMANA.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, MUKAKALISA Régine dit qu’elle est allée à la paroisse<br />
RUGANGO entre le 10 et le 15/04/1994, qu’il y régnait une insécurité telle qu’elle n’y a pas<br />
passé la nuit et a préféré se cacher sur la colline où elle dormait à la belle étoile, que voulant se<br />
rendre à BUTARE, elle a dû se cacher dans les buissons au monastère où elle a passé un temps<br />
assez long après le 15/04/1994, qu’elle a vu après le 18/04/1994 HABYARIMANA,<br />
NYANDWI, SEKUGABANYA, KIMWETERI et REKERAHO, qu’elle dit que ce sont eux qui<br />
ont commis les massacres à RUGANGO et à GIHINDAMUYAGA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKALISA Régine dit qu’elle s’est cachée seule <strong>du</strong> 18/04/1994 au<br />
27/04/1994, se nourrissant <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> nourriture qu’elle avait emportée <strong>de</strong> la maison ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur la responsabilité <strong>de</strong> BIZIMANA dans le génoci<strong>de</strong>, MUKAKALISA<br />
133
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
répond qu’il disait aux gens rassemblés sur les routes <strong>de</strong> ne pas avoir peur <strong>de</strong> tuer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKALISA déclare avoir revu BIZIMANA à MBAZI quand Marie BUTERA<br />
et d’autres l’avaient arrêté, mais qu’elle n’a pas quant à elle participé à cette arrestation car elle<br />
attendait le début <strong>du</strong> procès au Tribunal pour dire ce qu’elle sait ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si lors <strong>de</strong> son arrestation, BIZIMANA portait les habits <strong>du</strong><br />
mari <strong>de</strong> BUTERA Marie, elle répond qu’elle ne le sait pas car les habits se ressemblent ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA relève que l’actuelle déclaration <strong>de</strong> MUKAKALISA diffère <strong>de</strong> celle<br />
qu’elle a faite <strong>de</strong>vant l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, que par ailleurs, sa gran<strong>de</strong> sœur Scolastique<br />
a dit que MUKAKALISA n’est jamais arrivée à GIHINDAMUYAGA et que même NDAMAGE<br />
et NYIRAMUKAMISHA, eux aussi témoins à charge <strong>de</strong> BIZIMANA, affirment que les tueries<br />
avaient pris fin quand elle y est arrivée ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, KAMPOGO Jeanne dit qu’elle est arrivée au camp <strong>de</strong><br />
jeunes, à SOVU et à GIHINDAMUYAGA, qu’elle a cherché refuge à RUGANGO où elle a<br />
laissé son père, sa mère et son frère, qu’elle est arrivée au camp <strong>de</strong>s jeunes avant les tueries et<br />
que celles-ci ont eu lieu un jour après son arrivée, qu’elle y a passé une seule nuit, qu’elle est<br />
allée à SOVU le 17/04/1994 et le 18/04/1994 où elle a trouvé <strong>de</strong> nombreuses personnes, que<br />
c’est pour cette raison qu’elle est revenue au camp <strong>de</strong>s jeunes où elle a passé la nuit, qu’elle a<br />
quitté ce camp <strong>de</strong>s jeunes le 19/04/1994, qu’elle dit que les tueries ont eu lieu le 21/04/1994<br />
après celles <strong>de</strong> RUGANGO, que lorsque les gens étaient en train <strong>de</strong> dépecer la vache <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> à<br />
midi, elle est allée s’asseoir sur <strong>de</strong>s bambous se trouvant à environ 20 mètres <strong>du</strong> couvent <strong>de</strong>s<br />
prêtres avec ses <strong>de</strong>ux enfants, qu’elle a vu quelques instants après l’abbé Baudouin appeler Vital<br />
mais qu’elle n’a pas vu ce <strong>de</strong>rnier, que c’est à treize heures 20 minutes<br />
134<br />
16 ème Feuillet.<br />
qu’elle a enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> sifflets <strong>de</strong>s Interahamwe qui battaient également le tambour en se<br />
dirigeant vers le camp <strong>de</strong>s jeunes, qu’elle est restée là où elle était, essayant <strong>de</strong> calmer ses<br />
enfants qui avaient peur, que le nommé RUTAYISIRE se cachait également à cet endroit et<br />
qu’elle n’y a vu personne d’autre, que ces miliciens se sont alors livrés aux tueries, qu’elle a vu<br />
BIZIMANA, REMERA, NSHIMIYE, NYANDWI, MUSONI et REKERAHO circuler avec<br />
d’autres qu’elle ne connaît pas en provenance <strong>de</strong> chez HABYARIMANA, que BIZIMANA avait<br />
une grena<strong>de</strong>, HABYARIMANA ayant un fusil, REKERAHO étant lui aussi armé d’un fusil alors<br />
que REMERA avait un morceau <strong>de</strong> bois, que BIZIMANA n’a pas fait usage <strong>de</strong> la grena<strong>de</strong> qu’il<br />
avait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO Jeanne déclare avoir vu BIZIMANA à RUGANGO entre le 16 et le<br />
19/04/1994 chez HABYARIMANA, qu’elle l’a encore vu le 21/04/1994 quand il dirigeait<br />
l’attaque, que l’intéressé avait été légèrement blessé à KIGALI quand elle l’a vu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO Jeanne dit qu’elle a quitté sa cachette après les tueries au camp <strong>de</strong>s<br />
jeunes et est allée passer la nuit au milieu <strong>de</strong>s cadavres, que quand les miliciens Interahamwe<br />
subalternes ont donné <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> sifflets, elle est allée à SOVU à 23 heures ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO dit qu’elle a quitté SOVU en compagnie <strong>de</strong> ses enfants et a rejoint
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
MAKOMBE à la CONFIGI et que celui-ci l’a mise dans une étable, qu’elle a enten<strong>du</strong> par la<br />
suite Victor dire à Clau<strong>de</strong> que <strong>de</strong>s massacres ont été commis au camp <strong>de</strong>s jeunes, que<br />
KAMPOGO est retournée à SOVU et a dit à ceux qui étaient là qu’elle ne va pas rester sur place,<br />
que les Interahamwe sont retournés chez MAKOMBE Siméon à huit heures et que KAMPOGO<br />
est allée <strong>de</strong>rrière la maison <strong>de</strong> Victor, qu’elle a cherché refuge chez Jacqueline à KARUBANDA<br />
quand les militaires ont commencé à rassembler les gens ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO déclare ne pas avoir vu BIZIMANA lors <strong>de</strong> l’attaque qui a eu lieu à<br />
SOVU et qu’il y avait longtemps qu’elle l’avait vu, qu’elle l’a encore vu à MBAZI lors <strong>de</strong><br />
l’inhumation, que BIZIMANA a été appréhendé par elle, BUTERA et d’autres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO dit avoir vu NDAMAGE au camp <strong>de</strong>s jeunes, mais qu’elle ignore si<br />
Marie BUTERA était là ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO déclare avoir survécu en trouvant refuge chez Jacqueline<br />
MUKANTABANA, que la ban<strong>de</strong> à REKERAHO est venue la chercher à KARUBANDA mais<br />
qu’elle n’a pas vu BIZIMANA, qu’elle ne se souvient pas <strong>de</strong> la couleur <strong>de</strong>s habits qu’il portait<br />
au moment où elle l’a vu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO Jeanne déclare avoir enten<strong>du</strong> dire que UMULISA Agnès et Marie<br />
BUTERA se cachaient ensemble au camp <strong>de</strong>s jeunes, que NYIRAMALIZA était avec elle et que<br />
c'est la population qui l'a sauvée en disant qu’elle ignorait son ethnie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAMPOGO dit qu’il reviendra au Tribunal <strong>de</strong> déterminer laquelle <strong>de</strong> ses<br />
déclarations faites <strong>de</strong>vant le Ministère Public et <strong>de</strong>vant le Tribunal est crédible ;<br />
135<br />
17 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que, comparativement à sa déclaration faite <strong>de</strong>vant le Ministère<br />
Public, KAMPOGO ment, étant donné que, ayant dit auparavant que BIZIMANA avait une<br />
massue, elle dit au Tribunal qu’il avait une grena<strong>de</strong> et qu’elle est passée dans <strong>de</strong>s buissons<br />
jusqu’à KARUBANDA, affirmant que les faits ont eu lieu à la même date <strong>du</strong> 21/04/1994 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est reportée au 20/12/2001, qu’elle se poursuit par l’audition <strong>de</strong>s<br />
témoins ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RUTAYISIRE Innocent prête serment et dit qu’il ne peut que témoigner sur les<br />
assassinats <strong>de</strong>s frères religieux <strong>de</strong> GIHINDAMUYAGA ainsi que <strong>de</strong>s voisins <strong>du</strong> monastère <strong>de</strong><br />
GIHINDAMUYAGA car il ne sortait pas ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RUTAYISIRE Innocent dit que les Frères religieux <strong>de</strong> GIHINDAMUYAGA ont été<br />
tués au camp <strong>de</strong>s jeunes avec d’autres membres <strong>de</strong> la population, qu’ils ont été emmenés <strong>de</strong> leur<br />
couvent par REKERAHO Emmanuel, HABYARIMANA Joseph et un motard <strong>de</strong> haute taille qui<br />
habitait près <strong>du</strong> terrain <strong>de</strong> football, que BIZIMANA et REMERA sont arrivés sur les lieux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que RUTAYISIRE ment étant donné qu’il ne fait que reprendre le<br />
contenu <strong>de</strong> la déclaration <strong>de</strong> RUCYAHANA comme le fait d’ailleurs Marie BUTERA, mais<br />
qu’ils ne le font pas fidèlement car le Dr. RUCYAHANA dit qu’ils étaient au nombre <strong>de</strong> 3 alors<br />
que RUTAYISIRE dit qu’ils étaient <strong>de</strong>ux, qu’il relève par ailleurs qu’il ne pouvait pas être chez<br />
HABYARIMANA et à la plantation <strong>de</strong> café au même moment ;
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Atten<strong>du</strong> que NZABIRINDA Benoît s’apprête à déposer sous serment comme témoin, mais que<br />
l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles, Me RWANGAMPUHWE, dit que l’intéressé a <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> parenté<br />
avec BIZIMANA, que celui-ci dit que son neveu NDAKEMWA est le mari <strong>de</strong> la sœur <strong>de</strong><br />
NZABIRINDA nommée MUKAKINANI Agnès, que le Tribunal déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entendre sans lui<br />
faire prêter serment ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NZABIRINDA dit qu’ils se trouvaient au monastère quand les tueries ont<br />
commencé à GIHINDAMUYAGA, qu’ils ont enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s explosions <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s mais n’ont pas<br />
pu sortir, que les nommés REKERAHO, REMERA, HABYARIMANA et Alexandre sont<br />
arrivés et leur ont dit qu’un colonel voulait les voir, qu’ils ont eu un doute mais sont finalement<br />
partis, qu’un peu en contrebas, ils les ont refoulés leur disant qu’ils voulaient parler à GATERA<br />
Gaëtan, RUTAGWENA Innocent et Antoine, qu’ils emmenaient environ neuf personnes et qu’ils<br />
leur ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> leur montrer leurs pièces d’i<strong>de</strong>ntité, mais que certains d’entre eux n’ont pas<br />
pu les leur montrer car ils les avaient laissées au monastère, qu’ils ont dit que RUTAGWENA a<br />
exercé les fonctions d’inspecteur <strong>de</strong> police judiciaire et a un différend avec REKERAHO, qu’ils<br />
sont restés et que les autres ont été refoulés au monastère à coups <strong>de</strong> pierre, que c’est le groupe<br />
<strong>de</strong>s personnes qu’il a citées qui a commis les massacres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NZABIRINDA dit qu’il n’a pas vu BIZIMANA parmi ceux qui ont emmené les<br />
Frères religieux et qu’il le connaissait ;<br />
136<br />
18 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est reportée au 27/12/2001, date à laquelle l’avocat <strong>de</strong>s parties civiles<br />
prend ses conclusions ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE François dit qu’il n’a pas encore obtenu les pièces <strong>de</strong> ses<br />
clients dont le nombre s’élevait à 305 parties civiles, que la cause en est la réforme<br />
administrative récente, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> également à être autorisé à poser <strong>de</strong>s questions à<br />
BIZIMANA sur les témoignages, qu’il déclare disposer <strong>de</strong> ses conclusions mais qu’il ne les a<br />
pas encore communiquées à la partie adverse, qu’il poursuit en disant qu’il pourrait déposer les<br />
pièces manquantes ultérieurement étant donné que les pièces dont dispose le Tribunal ne<br />
concernent pas plus <strong>de</strong> quarante parties civiles, qu’il lui est pourtant rappelé que le Tribunal n’a<br />
que <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> 9 parties civiles seulement ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE François dit que cinq cent personnes figurent sur la liste<br />
<strong>de</strong>s parties civiles, mais que les pièces disponibles ne concernent que trois cent cinq d’entre elles<br />
seulement ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE dit que REKERAHO était l’épée et que BIZIMANA<br />
était son cerveau, que BIZIMANA a fait suffisamment d’étu<strong>de</strong>s si bien que l’ordre qu’il donnait<br />
était exécuté, que ce sont ses idées qui ont guidé le génoci<strong>de</strong> à MARABA, MBAZI, HUYE et<br />
ailleurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE dit qu’il existe <strong>de</strong>s rapports qui disculpent BIZIMANA à<br />
tort car il est mis en cause d’avoir pris part aux massacres à certains endroits, qu’il a été<br />
vivement touché par la mort <strong>de</strong> NYIRAMUKAMISHA Marcelle qui était un témoin principal,<br />
qu’il espère qu’il y aura justice <strong>de</strong> sorte que le génoci<strong>de</strong> ne se repro<strong>du</strong>ira pas ;
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> lire le procès <strong>de</strong>s sœurs<br />
religieuses <strong>de</strong> SOVU qui, quoique ayant donné <strong>de</strong> l’essence et commis plusieurs actes criminels,<br />
ne sont pas malgré tout inculpées <strong>de</strong> faits aussi graves que BIZIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE dit que les miliciens Interahamwe détruisaient les<br />
maisons et en apportaient les matériaux à BIZIMANA qui s’en servait dans la construction <strong>de</strong><br />
ses maisons, qu’ils ont en vain <strong>de</strong>mandé la jonction <strong>de</strong>s dossiers à charge <strong>de</strong> BIZIMANA et<br />
REKERAHO, que la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> BIZIMANA collaborait avec celle <strong>du</strong> Colonel MUVUNYI, <strong>du</strong><br />
Colonel SIMBA, NZEYIMANA et d’autres, qu’une liste <strong>de</strong> cinq cents personnes qui <strong>de</strong>vaient<br />
être tuées à GIHINDAMUYAGA avait été établie ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE dit que BIZIMANA a été <strong>de</strong>puis longtemps caractérisé<br />
par une idéologie discriminatoire tel que cela ressort <strong>du</strong> rapport établi par l’Association <strong>de</strong>s<br />
Rescapés <strong>du</strong> Génoci<strong>de</strong> – MPUHWE, qu’il a même été un partisan <strong>du</strong> MDR Power ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE dit que les parties civiles fon<strong>de</strong>nt leur action sur quatre<br />
motifs à savoir la perte d’un <strong>de</strong>scendant, l’incapacité <strong>de</strong> travail, l’altération <strong>de</strong> la santé et la perte<br />
<strong>de</strong> considération qui se tra<strong>du</strong>it par la solitu<strong>de</strong> ;<br />
19 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Me RWANGAMPUHWE dit que l’allocation <strong>de</strong>s dommages – intérêts <strong>de</strong>vra se<br />
faire sur base <strong>de</strong>s articles 258 et 260 <strong>du</strong> livre III <strong>du</strong> co<strong>de</strong> civil et d’autres éléments mentionnés<br />
dans les conclusions écrites qu’il va déposer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il n’est pas nécessaire que Me RWANGAMPUHWE fasse<br />
lecture <strong>de</strong> ses conclusions quant aux dommages-intérêts réclamés car il les connaît, qu’il ne va<br />
se préoccuper pour sa part que <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire les preuves <strong>de</strong> son innocence ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience est reportée au 15/01/2002, qu’elle n’a pas lieu à cette date et est remise<br />
au 12/02/2002, date à laquelle la parole est donnée à l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public KANANIYE<br />
Théoneste pour présenter son réquisitoire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public KANANIYE Théoneste, après l’énoncé <strong>de</strong>s<br />
préventions, <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong>s infractions et <strong>de</strong>s preuves à la base <strong>de</strong>s présentes poursuites,<br />
dit que BIZIMANA est rangé dans la première catégorie car il fait partie <strong>de</strong>s instigateurs et<br />
encadreurs <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, qu’il requiert dès lors la peine <strong>de</strong> mort et la dégradation civique totale à<br />
charge <strong>du</strong> prévenu, qu’il dit que l’intéressé doit être ren<strong>du</strong> responsable <strong>de</strong>s dommages causés à<br />
travers tout le pays et que le Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s dommages-intérêts <strong>de</strong> 100.000.000<br />
Frw en faveur <strong>de</strong>s autres victimes non encore i<strong>de</strong>ntifiées qui ont été tuées à<br />
GIHINDAMUYAGA et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que BIZIMANA Antoine soit condamné au frais d’instance ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il a pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong> nombreuses preuves <strong>de</strong> son innocence dès le<br />
début <strong>du</strong> procès, que le Ministère Public n’a pas rapporté <strong>de</strong> preuve <strong>de</strong> sa culpabilité à part les<br />
témoignages mensongers et contradictoires à sa charge, qu’il poursuit en disant que l’action <strong>du</strong><br />
Ministère Public s’appuie sur <strong>de</strong>s procès-verbaux irréguliers ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il existe <strong>de</strong>s rapports établis par le Ministère Public lui-même<br />
sur son innocence et qui ont été communiqués au Ministre <strong>de</strong> la Justice, aux hautes instances <strong>du</strong><br />
137
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
pays et autres, qu’un <strong>de</strong> ces rapports démontre qu’il n’a pas pris part au génoci<strong>de</strong> et prouve<br />
plutôt que le Dr. RUCYAHANA Alexandre a remis à UMULISA Agnès et Marie BUTERA un<br />
écrit sur lequel elles se sont appuyées pour porter plainte contre lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que les services <strong>de</strong> renseignements ont fait une enquête et que,<br />
ayant conclu à son innocence, il a été libéré ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis l’infraction <strong>de</strong> planification et d’incitation au<br />
génoci<strong>de</strong> étant donné qu’il ne pouvait pas en sa qualité <strong>de</strong> diplomate, se livrer à <strong>de</strong>s activités<br />
politiques, qu’il ne pouvait pas quitter GISENYI où il était un agent <strong>de</strong> la CEPGL et dépasser<br />
KIGALI pour aller tuer un citoyen<br />
138<br />
20 ème Feuillet.<br />
à GIHINDAMUYAGA, qu’il a d’ailleurs dit au Ministère Public qu’il avait un éclat dans la<br />
jambe à son arrivée à BUTARE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que NYIRAMUKAMISHA, KAMPOGO et NDAMAGE qui le<br />
chargent affirment qu’il est arrivé à BUTARE au moment où la population fuyait, que même le<br />
Dr. RUCYAHANA a dit que les massacres avaient été déjà organisés quand BIZIMANA est<br />
arrivé à GIHINDAMUYAGA et qu'il était blessé;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que REKERAHO et KAMANAYO ont été jugés par le Conseil <strong>de</strong><br />
Guerre à BUTARE et ont plaidé coupables <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong>s préventions à leur charge, qu’il leur<br />
a été <strong>de</strong>mandé ce qu’ils savent sur la responsabilité <strong>de</strong> BIZIMANA dans les massacres perpétrés<br />
à GIHINDAMUYAGA, mais qu’ils ont répon<strong>du</strong> qu’ils n’ont pas connaissance <strong>de</strong> sa<br />
participation au génoci<strong>de</strong>, que plus <strong>de</strong> quarante personnes enten<strong>du</strong>es par le Ministère Public ont<br />
bien dit que BIZIMANA n’a pas commis le génoci<strong>de</strong>, qu’il ajoute que les autres éléments <strong>de</strong> sa<br />
défense seront consignés dans les conclusions ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’assassinat, que l’Officier <strong>du</strong> Ministère<br />
Public n’a pas indiqué la victime qu’il a tuée et l’endroit <strong>du</strong> crime, que les plaignants<br />
KANAMUGIRE, MUKAREMERA, KARUYUNDO et BAKUNDUKIZE Isaïe se sont<br />
contredits et ont dit que BIZIMANA n’a tué personne ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que le fait qu’il logeait chez son petit frère ne prouve pas qu’il a<br />
commis l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, que REKERAHO a été interrogé sur les<br />
réunions supposées avoir eu lieu au domicile <strong>de</strong> HABYARIMANA, qu’il a répon<strong>du</strong> qu’ils<br />
étaient <strong>de</strong>s amis, mais que <strong>de</strong>s réunions n’ont pas été tenues chez HABYARIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que la prévention <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles n’est pas fondée car, en<br />
parlant <strong>de</strong>s personnes qui sont venues faire une perquisition à son domicile à la recherche <strong>de</strong><br />
Marie BUTERA, le Dr. RUCYAHANA ne l’a point cité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que le Ministère Public l’accuse injustement, que la catégorie dans<br />
laquelle il est rangé ne convient pas car il n’avait aucun intérêt à détruire <strong>de</strong>s maisons et tuer ;
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’actes <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction, qu’il ne pouvait pas le<br />
faire alors qu’il n’était pas présent ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit qu’il ne s’est pas ren<strong>du</strong> coupable <strong>de</strong> détention illégale <strong>de</strong> fusil car il<br />
n’en a jamais eu en sa possession ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZIMANA dit que les peines requises à son encontre n’ont pas <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment dès<br />
lors qu’elles s’appuient sur <strong>de</strong>s mensonges, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> l’acquitter et <strong>de</strong><br />
déclarer l’action civile non fondée ;<br />
139<br />
21 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Laurent KENNES, Conseil <strong>de</strong> BIZIMANA, soutient que BIZIMANA dit la<br />
vérité et fait une plaidoirie à l’appui <strong>de</strong> cette affirmation, qu’il remet au Tribunal les conclusions<br />
écrites ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me BIZINDOLI, Conseil <strong>de</strong> BIZIMANA, dit qu’il se base sur les moyens <strong>de</strong><br />
défense <strong>de</strong> BIZIMANA ainsi que sur ce qu’a dit Me Laurent KENNES, qu’il dit que ceux qui<br />
témoignent à charge <strong>de</strong> BIZIMANA mentent car ils ne font que rapporter ce qui leur a été dit et<br />
que leurs déclarations divergent, que tous ces éléments sont mentionnés dans ses conclusions ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me BIZINDOLI dit que les dommages-intérêts réclamés par Me<br />
RWANGAMPUHWE ne sont plus d'actualité, qu’il <strong>de</strong>vrait réclamer <strong>de</strong>s dommages- intérêts<br />
«actuels et authentiques» ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me BIZINDOLI <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’acquitter purement et simplement<br />
BIZIMANA car toutes les accusations portées contre lui sont mensongères ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir s’il a quelque chose à ajouter, BIZIMANA dit<br />
qu’il a pro<strong>du</strong>it toutes les preuves <strong>de</strong> son innocence, que ses conseils en ont également rapporté,<br />
que la <strong>de</strong>rnière preuve dont il entend se servir est qu’il a été réintégré au service sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>du</strong><br />
Vice Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République et que, en date <strong>du</strong> 11/04/1996, un passeport diplomatique lui a<br />
été délivré et qu’il est allé en Belgique, en Suisse et en Allemagne, qu’il ne serait pas revenu au<br />
pays s’il avait ces crimes sur la conscience, qu’il termine en remettant au Tribunal ledit<br />
passeport ainsi que ses conclusions écrites ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les débats sont clos et que les parties sont informées que la date <strong>du</strong> prononcé est<br />
fixée au 20/02/2002 à 11 heures ;<br />
Atten<strong>du</strong> que tous les moyens sont épuisés ;<br />
Constate que dans cette affaire, BIZIMANA Antoine alias MABUYE est poursuivi pour avoir, à<br />
GIHINDAMUYAGA ex- commune MBAZI, Province <strong>de</strong> BUTARE, République Rwandaise,<br />
entre avril et juillet 1994, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> constitué <strong>de</strong>s assassinats dans le but <strong>de</strong><br />
détruire le groupe ethnique Tutsi, d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles, <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maisons, <strong>de</strong> non-assistance à personnes en danger et <strong>de</strong> détention illégale d’arme à
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
feu ;<br />
Constate que le crime d’assassinat n’est pas établi à charge <strong>de</strong> BIZIMANA Antoine car aucun<br />
<strong>de</strong>s témoins qui le mettent en cause n’indique aucune victime que BIZIMANA a tuée ou fait<br />
tuer, même le Dr. RUCYAHANA Alexandre n’accuse pas BIZIMANA d’assassinat, les<br />
allégations selon lesquelles il avait une arme étant fausses dès lors que les uns parlent <strong>de</strong> massue,<br />
d’autres parlent <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>, d’autres enfin <strong>de</strong> fusil, une autre partie <strong>de</strong> témoins affirmant qu’il<br />
n’avait pas d’arme ;<br />
140<br />
22 ème Feuillet.<br />
Constate que l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs est établie à charge <strong>de</strong> BIZIMANA<br />
Antoine car, même s’il n’a pas commis <strong>de</strong> meurtre, il avait l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> se promener en<br />
compagnie <strong>de</strong> quelques-uns <strong>de</strong>s tueurs tels que REKERAHO, REMERA, KAMANAYO et<br />
HABYARIMANA Joseph son petit frère que l’on dit avoir dirigé les attaques, cela ayant été<br />
confirmé par les témoins enten<strong>du</strong>s tant au cours <strong>de</strong> l’instruction préparatoire qu’au cours <strong>de</strong>s<br />
débats en audience, ces <strong>de</strong>rniers ayant également dit que BIZIMANA participait aux réunions<br />
dont le but était d’organiser les massacres mais ne prenait aucune décision et qu’il a continué à<br />
accompagner ce groupe <strong>de</strong> malfaiteurs notamment lors <strong>de</strong> la perquisition <strong>du</strong> domicile <strong>de</strong><br />
RUCYAHANA Alexandre ou <strong>de</strong>s réunions, surtout que BIZIMANA a dit au Dr. RUCYAHANA<br />
qu’il y avait un enfant qui n’était pas mort et qui se trouvait à la paroisse <strong>de</strong> RUGANGO, cela<br />
étant la preuve qu’il se promenait avec les tueurs car il suivait <strong>de</strong> près leurs actes ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domiciles n’est pas établie à charge <strong>de</strong> BIZIMANA<br />
Antoine car les témoins enten<strong>du</strong>s n’ont pas dit, qu’il est entré dans <strong>de</strong>s maisons surtout que le<br />
crime d’assassinat n’est pas établi à sa charge ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> maisons n’est pas établie à sa charge car les témoins<br />
enten<strong>du</strong>s tant par le Ministère Public que par le Tribunal le disculpent, et que ceux qui l’accusent<br />
<strong>de</strong> cette infraction ne l'ont fait que quand ils ont vu les briques et les tôles dont il s’est servi pour<br />
construire et ont préten<strong>du</strong> que ces matériaux proviennent <strong>de</strong>s maisons qui ont été détruites, alors<br />
que la maison <strong>de</strong> MBARAGA dont il est question a été détruite avant l’arrivée <strong>de</strong> BIZIMANA<br />
dans cette région et que BIZIMANA dit avoir acheté ses briques et tôles, ceux qui le chargent<br />
n’ayant pas prouvé que ces matériaux proviennent <strong>de</strong>s maisons qui ont été détruites ou que<br />
ceux qui ont détruit ces maisons étaient en compagnie <strong>de</strong> BIZIMANA Antoine ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> non-assistance à personnes en danger n’est pas établie à charge <strong>de</strong><br />
BIZIMANA Antoine car rien ne démontre qu’il avait les moyens <strong>de</strong> porter secours à ces<br />
personnes mais qu’il ne l’a pas fait, le Ministère Public et les plaignants étant restés en défaut <strong>de</strong><br />
prouver qu’il pouvait le faire sans risque pour lui, et que, l’intéressé étant accusé <strong>de</strong> vouloir tuer<br />
ces personnes, il s’ensuit qu’il ne pouvait pas porter secours à ceux dont il souhaitait la mort ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> détention illégale <strong>de</strong> fusil n’est pas constitutive <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> car, aux termes <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, les infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> sont celles qui sont prévues par le Co<strong>de</strong> pénal, que cette infraction<br />
n’étant dès lors pas prévue par ce Co<strong>de</strong>, il ne peut, pour cette raison, en être poursuivi dans un<br />
procès <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que l’infraction retenue à charge <strong>de</strong> BIZIMANA Antoine le range dans la troisième
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
catégorie ;<br />
Constate que BIZIMANA Antoine ne peut pas être condamné au paiement <strong>de</strong> dommages-intérêts<br />
car les parties civiles se fon<strong>de</strong>nt sur la mort <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> leurs familles ou sur la perte <strong>de</strong>s<br />
biens qui ont été endommagés, et que BIZIMANA n’a pas commis d’assassinat ou une<br />
quelconque autre infraction qui aurait causé un préjudice aux parties civiles ;<br />
23 ème Feuillet.<br />
Constate que tous les moyens sont épuisés ;<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT :<br />
Vu la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 sur la prévention et la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise, le Protocole <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong> Paix<br />
d’Arusha sur le partage <strong>du</strong> pouvoir aux articles 25 et 26, la Constitution <strong>du</strong> 10 juin 1991<br />
spécialement en ses articles 12, 33, 92, 93 et 94 ;<br />
Vu le Décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et <strong>de</strong> compétence<br />
judiciaires spécialement en ses articles 8, 12, 57, 58, 76, 104, 125, 135, 136, 199, 200 et 201 ;<br />
Vu la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong><br />
01/10/1990 en ses articles 1, 2, 14, 17, 36 et 39 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée à ce jour,<br />
spécialement en ses articles 2, 16, 17, 19, 37, 39, 59, 61, 62, 63, 67, 80, 83, 90, 113, 123, 138,<br />
140, 144, et 145 ;<br />
Vu les articles 1, 6, 7, 20, 25, 27, 35, 36, 48, et 90 <strong>du</strong> livre I <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal, et les articles 281 et<br />
283 <strong>du</strong> livre II <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal,<br />
Déclare recevables l’action <strong>du</strong> Ministère Public et celle <strong>de</strong>s parties civiles car régulières en la<br />
forme, mais déclare celle <strong>du</strong> Ministère Public partiellement fondée et celle <strong>de</strong>s parties civiles non<br />
fondée ;<br />
Déclare établie à charge <strong>de</strong> BIZIMANA Antoine l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs ;<br />
Déclare que BIZIMANA Antoine et les parties civiles per<strong>de</strong>nt le procès ;<br />
Condamne BIZIMANA Antoine à 5 ans d’emprisonnement ;<br />
Le condamne à la dégradation civique tel que prévu par la loi;<br />
Ordonne à BIZIMANA Antoine <strong>de</strong> payer la moitié <strong>de</strong> 161.050 Frw <strong>de</strong> frais <strong>de</strong> justice soit 80.925<br />
Frw dans le délai <strong>de</strong> trois mois et à défaut, édicte une contrainte par corps <strong>de</strong> 30 jours suivie <strong>de</strong><br />
l’exécution forcée sur ses biens ;<br />
Met la moitié <strong>de</strong>s frais à charge <strong>du</strong> Trésor Public ;<br />
141
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002<br />
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO<br />
Rappelle que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours à dater <strong>du</strong> prononcé ;<br />
142<br />
24 ème Feuillet.<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 20 FEVRIER 2002 PAR<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GIKONGORO SIEGEANT A<br />
GIKONGORO ET COMPOSE DE : S. MUNYANEZA (Prési<strong>de</strong>nt), NTAMBARA<br />
NDUSHABANDI Innocent (Vice- Prési<strong>de</strong>nt) ET TH. HABIYAMBERE (Juge) EN<br />
PRESENCE DE BUDENGELI Boniface (O.M.P.) ET J. Damascène NDABAGARUYE<br />
(Greffier- Huissier).<br />
SIEGE<br />
PRESIDENT VICE PRESIDENT<br />
Sacto MUNYANEZA NTAMBARA N.Innocent<br />
(Sé) (Sé)<br />
JUGE GREFFIER<br />
Thadée HABIYAMBERE NDABAGARUYE J.Damascène<br />
(Sé) (Sé)
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE GISENYI<br />
143
144
N°5<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> GISENYI<br />
<strong>du</strong><br />
26 juin 1997.<br />
Ministère Public et parties civiles C./ BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie.<br />
ACTION CIVILE (RECEVABLE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE<br />
MALFAITEURS (ART. 281 CP) - ATTENTAT AYANT POUR BUT LA DEVASTATION,<br />
LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART 168 CP) - CATEGORISATION ( 1 ère et 2 ème<br />
CATEGORIE ; ART. 2 L.O. 30.8.96) ) - COMPLICITE - CONCOURS IDEAL<br />
D'INFRACTIONS – CRIME DE GENOCIDE – DESTRUCTION DE BIEN IMMEUBLE<br />
APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) - DOMMAGES ET INTERETS (EX ÆQUO<br />
ET BONO) – ENQUETE DU TRIBUNAL – PREUVE (MOYENS DE) – PEINE (DE<br />
MORT) – TEMOIGNAGES (CONCORDANTS).<br />
1. Procé<strong>du</strong>re – mise en continuation – enquête et comparution <strong>de</strong>s parties civiles.<br />
2. 1 er prévenu – infractions établies (assassinat – génoci<strong>de</strong> – attentant – association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs) - moyens <strong>de</strong> preuve (témoignages et enquêtes) – zèle – première catégorie –<br />
concours idéal – peine capitale.<br />
3. 2 ème prévenue – infractions établies (complicité d’assassinat et génoci<strong>de</strong>) – moyens <strong>de</strong><br />
preuve (témoignages et enquêtes) – <strong>de</strong>uxième catégorie.<br />
4. Dommages et intérêts – sagesse <strong>du</strong> Tribunal.<br />
1. L’affaire est mise en continuation afin <strong>de</strong> permettre au Tribunal <strong>de</strong> poursuivre ses enquêtes et<br />
d’assurer la comparution <strong>de</strong>s parties civiles.<br />
2. Se fondant sur les témoignages <strong>recueil</strong>lis et les résultats <strong>de</strong>s enquêtes effectuées et nonobstant<br />
ses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre <strong>du</strong> 1 er prévenu les infractions<br />
d’assassinat, <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, d’attentat en vue <strong>de</strong> porter la dévastation, le pillage ou le massacre<br />
et d’association <strong>de</strong> malfaiteurs. Le 1 er prévenu est rangé en première catégorie en raison <strong>du</strong><br />
zèle dont il a fait preuve et <strong>de</strong>s atrocités commises. Les infractions ayant été commises en<br />
concours idéal dans le but d’exterminer une partie <strong>de</strong> la population, seule la peine la plus<br />
lour<strong>de</strong> est prononcée. Il est condamné à la peine <strong>de</strong> mort.<br />
3. Se fondant sur les témoignages <strong>recueil</strong>lis et les résultats <strong>de</strong>s enquêtes effectuées et nonobstant<br />
ses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> prévenue les<br />
infractions <strong>de</strong> complicité d’assassinat et <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, car il apparaît que c’est elle qui est allée<br />
chercher l'une <strong>de</strong>s victimes avant que les Interahamwe viennent chez elle pour l’y tuer. Ses<br />
actes la rangent en <strong>de</strong>uxième catégorie. (NDLR : le tribunal ne précise pas la condamnation<br />
prononcée à son égard).<br />
145
4. Le Tribunal accor<strong>de</strong> <strong>de</strong>s dommages et intérêts aux parties civiles constituées, statuant « dans<br />
sa sagesse » ; les <strong>de</strong>ux prévenus sont condamnés solidairement à leurs paiement.<br />
(NDLR: Par arrêt <strong>de</strong> la Cour d’appel <strong>de</strong> RUHENGERI en date <strong>du</strong> 25/11/1998, ce jugement est<br />
partiellement réformé. L’arrêt est publié dans le présent Recueil, décision n° 16).<br />
146
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
147<br />
1 er feuillet.<br />
LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE<br />
GISENYI, Y SIEGEANT EN MATIERE DE CRIME DE GENOCIDE ET DES CRIMES<br />
CONTRE L’HUMANITE COMMIS A PARTIR DU 1 ER OCTOBRE 19990, A RENDU CE<br />
26 JUIN 1997 LE JUGEMENT DONT VOICI LA TENEUR:<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE:<br />
1. BARITIMA Jules, fils <strong>de</strong> SHYIRAKERA et <strong>de</strong> BAVUGABWOSE, né en 1950, résidant<br />
dans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI, marié à<br />
NYIRARUGERO, menuisier <strong>de</strong> profession, <strong>de</strong> nationalité rwandaise.<br />
2. NYIRASHAKO Lénie, fille <strong>de</strong> SEBARABONA et <strong>de</strong> NTACYOBAMPENZE, née à<br />
KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI et y résidant, mariée à<br />
RUDAHINYURA, agricultrice <strong>de</strong> nationalité rwandaise,<br />
PREVENTIONS :<br />
− Avoir, entre le 07/04/1994 et le 17/07/1994, dans le secteur GISENYI, commune RUBAVU,<br />
préfecture GISENYI en République Rwandaise, comme auteurs, coauteurs ou complices tel<br />
que prévu par les articles 89, 90, et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais livre I, commis le crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> tel que prévu par la Convention <strong>du</strong> 9/12/1948 en ses articles 1, 2, 3, et 4, la<br />
Convention <strong>du</strong> 12/08/1949 en ses articles 146 et 147 et la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 en ses<br />
articles 1 et 2 toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi n° 08/75, et par la Loi<br />
organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/96 en ses articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 ;<br />
A charge <strong>de</strong> BARITIMA Jules :<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteur, coauteur ou<br />
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais livre I, assassiné<br />
KARUHIMBI et RUTAYISIRE ;<br />
A charge <strong>de</strong> tous :<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteurs, assassiné<br />
KABALISA Dieudonné et sa mère KARUHIMBI, infraction réprimée par l'article 312 <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal livre II;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, comme auteurs, coauteurs ou<br />
complices, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, commis<br />
l'infraction <strong>de</strong> dévastation, pillage et massacres, infraction réprimée par l'article 168 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal livre II;<br />
- Avoir dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, intentionnellement détruit et
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
dégradé <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> particuliers, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90 et 91<br />
<strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, et par l'article 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II;<br />
LE TRIBUNAL :<br />
Vu l’instruction préparatoire menée par le parquet <strong>de</strong> GISENYI au terme <strong>de</strong> laquelle le dossier,<br />
enregistré au rôle sous le n°R.P.33/R1/97/G, a été transmis à la présente juridiction pour fixation<br />
et jugement ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> ce Tribunal <strong>du</strong> 26/05/1997 fixant l’audience au 05/06/1997 à 8<br />
heures <strong>du</strong> matin, date à laquelle l’audience n’a pas lieu pour cause <strong>de</strong> rôle chargé, d’où elle est<br />
reportée au 12/06/1997 à 8 heures <strong>du</strong> matin ;<br />
Vu la notification par le greffier aux prévenus <strong>de</strong> leur citation à comparaître à la date fixée par<br />
ordonnance <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt, date à laquelle les prévenus sont effectivement présents ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience a lieu le 12/06/1997, qu’invité à présenter ses moyens <strong>de</strong> défense sur les<br />
préventions à sa charge, BARITIMA Jules déclare qu’il plai<strong>de</strong> non coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à présenter ses moyens <strong>de</strong> défense sur les faits qui lui sont reprochés,<br />
NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle ne les reconnaît pas ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à expliciter les faits à charge <strong>de</strong>s prévenus dès lors que ceux-ci plai<strong>de</strong>nt non<br />
coupable, KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public soutient que les <strong>de</strong>ux<br />
148<br />
2 ème feuillet.<br />
prévenus ont perpétré le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, commis <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pillage et tué KARUHIMBI,<br />
KABALISA et beaucoup d’autres victimes citées dans le présent dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles les victimes qu’il est accusé d’avoir<br />
tuées ont trouvé la mort, BARITIMA répond que c’était le matin lorsqu'est arrivé un militaire<br />
accompagné d’une personne qui allait lui montrer le domicile <strong>de</strong> KAREMERA, qu’ils ont détruit<br />
le plafond <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier en y recherchant <strong>de</strong>s victimes potentielles, que ne les ayant<br />
pas trouvées, le militaire et cet indivi<strong>du</strong> se sont ren<strong>du</strong>s au bureau communal, que pendant ce<br />
temps KAREMERA et sa mère se trouvaient dans la famille <strong>de</strong> BARITIMA, qu’ils leur ont<br />
conseillés <strong>de</strong> fuir <strong>de</strong> peur qu’ils ne se fassent tuer par le militaire et son ami, que dans la foulée,<br />
<strong>de</strong>s Interahamwe ont mené une attaque à laquelle prenait part le nommé KIGINGI, que lorsque<br />
ces miliciens sont arrivés chez NYIRASHAKO ils y ont délogé KABALISA qui leur a échappé<br />
par la suite, mais que celui-ci a finalement été tué par MUSSA à coups <strong>de</strong> massue, qu’enfin la<br />
mère <strong>de</strong> KABALISA aurait été tuée à la barrière par le nommé SEDERI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si MUSSA faisait partie d’un groupe d’assaillants qui sont<br />
venus fouiller chez eux, BATITIMA Jules répond que MUSSA n’était pas présent lors <strong>de</strong> cette<br />
attaque, car il était resté sur la route ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que BARITIMA Jules explique les circonstances dans<br />
lesquelles KABALISA est décédé et qu’il dit que, bien que mis en cause, MUSSA ne pouvait<br />
pas prendre part à cette attaque parce que la victime était sa voisine;
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à expliquer les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> KABALISA et sa mère,<br />
NYIRASHAKO Lénie répond qu’un jour, trois jeunes gens sont venus s’asseoir sur la véranda<br />
<strong>de</strong> sa maison, que lorsqu’elle est allée se mettre à leurs côtés elle a vu <strong>de</strong>s Interahamwe qui se<br />
trouvaient déjà à l’intérieur <strong>de</strong> son enclos, qu'entre-temps KABALISA est venu frapper à sa<br />
porte, qu’après lui avoir ouvert elle lui a conseillé <strong>de</strong> trouver refuge ailleurs, que cependant ce<br />
<strong>de</strong>rnier ne l’a pas enten<strong>du</strong> <strong>de</strong> cette oreille et disait qu’il ne pouvait aller nulle part ailleurs, que le<br />
len<strong>de</strong>main à 11 heures, est arrivé un groupe d’assaillants qui a fouillé sa maison <strong>de</strong> fond en<br />
comble et délogé KABALISA, qu’elle a proposé 80.000 Frw à ces tueurs pour qu’ils laissent la<br />
vie sauve à KABALISA mais en vain, que ces assaillants l’ont sérieusement battue, qu’elle a<br />
préféré rester dans sa maison, que par la suite elle a enten<strong>du</strong> les enfants dire que ces assaillants<br />
avaient assassiné KABALISA sur la route, qu’elle précise cependant ignorer tout <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong><br />
la mère <strong>de</strong> KABALISA à laquelle elle apportait <strong>de</strong> la nourriture dans sa cachette, mais qu’elle a<br />
cessé <strong>de</strong> le faire lorsque elle ne l’a plus retrouvée dans ladite cachette, qu’elle a <strong>de</strong>mandé à<br />
BARITIMA Jules l’endroit où elle pouvait bien se trouver et que celui-ci lui a répon<strong>du</strong> qu’elle<br />
avait été tuée à la barrière ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il aurait été interrogé par le Ministère Public, BARITIMA<br />
répond par l’affirmative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si ses actuelles déclarations ne contredisent pas celles qu’il a<br />
faites <strong>de</strong>vant le Ministère Public, BARITIMA Jules répond par la négative ;<br />
Atten<strong>du</strong> que pour sa part NYIRASHAKO Lénie dit que ce qu’elle vient <strong>de</strong> déclarer n’est<br />
aucunement en contradiction avec les déclarations qu’elle a faites <strong>de</strong>vant le Ministère Public ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO Lénie a reconnu qu’elle s’était<br />
ren<strong>du</strong>e au domicile <strong>de</strong> FAYI pour inviter les membres <strong>de</strong> cette famille à venir se cacher chez elle<br />
et soutenu qu’elle se trouvait à RUHENGERI lorsque la mère <strong>de</strong> KABALISA fut tuée alors que<br />
sa fille affirme qu’elle était bel et bien à la maison ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle s'était ren<strong>du</strong>e chez FAYI, NYIRASHAKO Lénie<br />
répond qu’elle n’y a jamais mis les pieds ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle a <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> parenté avec KABALISA Dieudonné,<br />
elle répond par la négative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles KABALISA a trouvé refuge chez<br />
elle, NYIRASHAKO déclare que KABALISA s’est réfugié chez elle comme il pouvait trouver<br />
refuge partout ailleurs où sa sécurité pouvait être assurée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le représentant <strong>du</strong> Ministère Public est invité à apporter les preuves que<br />
NYIRASHAKO s’est ren<strong>du</strong>e chez FAYI et qu’elle a tué KABALISA, qu’il explique que les<br />
preuves se trouvent dans le dossier et que UWIMBABAZI FAYI a bien expliqué cela;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur l’endroit où elle se trouvait lorsque KABALISA a été emmené et sur<br />
un conflit qui l’opposerait à FAYI, NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle était chez elle parce<br />
que les assaillants venaient <strong>de</strong> la battre et <strong>de</strong> la dépouiller <strong>de</strong> 80.000 Frw, et qu’aucun conflit ne<br />
l’oppose à FAYI ;<br />
149
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur d’autres victimes qui auraient été tuées dans leur quartier,<br />
NYIRASHAKO répond qu’à sa connaissance il n’y a pas eu d’autres victimes sur leur avenue<br />
mais que sur d’autres avenues il y en a eu beaucoup ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi elle continue <strong>de</strong> dire qu’elle n’était pas à la maison<br />
pendant cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s massacres alors que le Ministère Public soutient que sa fille a bien dit<br />
qu’elle n’a jamais quitté son domicile, NYIRASHAKO répond qu’elle ne vivait pas là bas ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi elle a dit à KABALISA <strong>de</strong> retourner d’où il venait<br />
en prétextant que les Interahamwe savaient qu’il y était, après quoi elle l’a mis hors <strong>de</strong> sa<br />
maison, NYIRASHAKO répond que les Interahamwe sont venus la chercher ainsi que son<br />
domestique sans savoir que KABALISA s’y trouvait ;<br />
150<br />
3 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si personne d’autre ne se cachait dans sa maison et si<br />
BARITIMA était un voisin à elle, elle répond qu’il n’y avait personne d’autre dans sa maison et<br />
que BARITIMA était un proche voisin à elle ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BARITIMA Jules est invité à expliquer ses allégations selon lesquelles MUSSA a<br />
tué KABALISA et à préciser l’endroit où il se trouvait lorsque cela a eu lieu, qu’il déclare qu’il<br />
était chez lui et précise qu’on peut voir ce qui se passe sur la route bitumée à partir <strong>de</strong> son<br />
domicile ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à pro<strong>du</strong>ire les preuves tangibles attestant qu’elle a effectivement donné <strong>de</strong><br />
l’argent aux assaillants pour racheter la vie <strong>de</strong> KABALISA, NYIRASHAKO répond que tout le<br />
mon<strong>de</strong> est au courant <strong>de</strong> cette affaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public dit que NYIRASHAKO soutient que seul KABALISA se<br />
cachait chez elle alors que dans son audition <strong>de</strong>vant le Ministère Public( P.V.n°16) la nommée<br />
Vestine a déclaré que beaucoup <strong>de</strong> gens se cachaient chez NYIRASHAKO, que KABALISA a<br />
été tué sur la route et non chez cette <strong>de</strong>rnière et que BARITIMA Jules était en compagnie <strong>de</strong>s<br />
meurtriers <strong>de</strong> KABALISA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le nombre <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> massue administrés à KABALISA, BARITIMA<br />
Jules répond qu’il ne se trouvait pas sur le lieu <strong>de</strong>s faits et qu’il suivait la scène <strong>de</strong> très loin ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à expliquer au Tribunal ce qu’il a fait en sa qualité <strong>de</strong> responsable <strong>de</strong> cellule<br />
pour mettre fin à ces exactions qui étaient commises dans la cellule qu’il dirigeait, BARITIMA<br />
Jules répond que, sans arme, il ne pouvait rien faire face à <strong>de</strong>s gens armés surtout qu’il s’agissait<br />
<strong>de</strong>s militaires <strong>de</strong> la Gar<strong>de</strong> Prési<strong>de</strong>ntielle, <strong>de</strong>s Interahamwe, <strong>de</strong>s partisans <strong>de</strong> la C.D.R et autres ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il n’organisait pas <strong>de</strong> réunions, il répond que c’est le<br />
responsable en personne qui tenait <strong>de</strong>s réunions et que son rôle à lui se limitait à superviser les<br />
travaux communautaires (Umuganda) et à prodiguer <strong>de</strong>s conseils à ceux qui l’entouraient ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public dit que BARITIMA ne dit pas la vérité, que les travaux<br />
communautaires ordinaires avaient cessé pendant cette pério<strong>de</strong> et que la seule activité qui était<br />
faite en commun était celle <strong>de</strong> faire la chasse aux Tutsi et aux opposants au régime <strong>de</strong> l’époque ;
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à réagir aux allégations <strong>du</strong> Ministère Public, il répond qu’il supervisait les<br />
travaux communautaires (Umuganda) même avant la guerre ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à ne prévenir que VESTINE tout en<br />
condamnant les autres à se débrouiller, NYIRASHAKO répond que l’épouse <strong>de</strong> MINGA qui est<br />
la tante maternelle <strong>de</strong> VESTINE a envoyé cette <strong>de</strong>rnière se cacher au domicile <strong>de</strong><br />
NYIRASHAKO ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public soutient que NYIRASHAKO a reconnu que les Interahamwe<br />
sont venus à son domicile chercher sa belle-fille VESTINE, mais que ces miliciens y ont trouvé<br />
KABALISA au lieu <strong>de</strong> VESTINE, ce que NYIRASHAKO réfute catégoriquement ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO s’est activement impliquée dans la<br />
perpétration <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et en donne pour preuve le fait que c’est le militaire qui vivait chez<br />
NYIRASHAKO qui, le premier, frappa KARUHIMBI, que NYIRASHAKO réagit à cette<br />
accusation en disant que ce militaire vivait chez elle parce qu’il y avait trouvé refuge ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir ce que ce militaire aurait dit à KARUHIMBI, si ce militaire<br />
vivait dans la même maison qu’elle et ce qu’elle aurait fait pour voler au secours <strong>de</strong><br />
KARUHIMBI lorsque ce militaire l’a battue au point <strong>de</strong> lui arracher les <strong>de</strong>nts, NYIRASHAKO<br />
répond qu’elle vivait effectivement avec ce militaire, qu’avant <strong>de</strong> fuir, KARUHIMBI lui a dit<br />
qu’elle se rendait au Zaïre et a pris pour toute provision <strong>de</strong> la bière <strong>de</strong> sorgho en se faisant passer<br />
pour une ven<strong>de</strong>use, qu’elle a chauffé <strong>de</strong> l’eau pour masser KARUHIMBI à la suite <strong>de</strong>s coups<br />
qui lui avaient été administrés par ce militaire et qu’enfin elle a saisi <strong>de</strong> ce cas les autorités en<br />
commençant par celles au niveau <strong>de</strong> cellule;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la manière dont on a arraché les <strong>de</strong>nts à KARUHIMBI, BARITIMA<br />
Jules explique qu’il l’a vue saigner mais qu’il n’a rien vu d’autre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public soutient que ce militaire est sorti <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong><br />
NYIRASHAKO en disant que les minables Tutsi lui rendaient la vie difficile, que<br />
NYIRASHAKO était bien là, que ce militaire a aussitôt frappé KARUHIMBI, que celle-ci a<br />
appelé BARITIMA Jules à son secours mais en vain, que cependant Jules explique qu’il n’avait<br />
pas les moyens <strong>de</strong> la secourir ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à émettre son avis, BARITIMA Jules répond que THERESE l’a fait arrêter à<br />
un endroit dit «ETAG » directement après son retour d’exil, que les témoins à sa charge à savoir<br />
NYIRANGIRUMPATSE, KAREMERA, UWIMBABAZI, MUKANYIRIGIRA,<br />
NZAYISENGA, NYIRAMABIRIKA, SAFARI et UZABUMUKOBWA se sont en même<br />
temps constitués parties civile et qu’il ne connaît même pas les trois <strong>de</strong>rniers témoins ;<br />
4 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à émettre son <strong>de</strong>rnier avis, NYIRASHAKO dit que sa belle-fille VESTINE<br />
l’accuse injustement parce qu’à l’époque <strong>de</strong>s faits elle était séparée <strong>de</strong> son mari, qu’elle lui a<br />
conseillé d’aller chez sa tante maternelle qui est aussi l’épouse <strong>de</strong> MINGA parce que <strong>de</strong>ux<br />
enfants se cachaient déjà à son domicile et qu’elle craignait que les Interahamwe ne reviennent et<br />
ne l’y trouvent, qu’elle ajoute que ceux qui l’accusent sont issus d’une même famille et qu’ils lui<br />
en veulent parce qu’elle a plus <strong>de</strong> biens qu’eux, que dès lors, elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong><br />
l’acquitter <strong>de</strong>s infractions à sa charge ;<br />
151
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
Atten<strong>du</strong> que les parties civiles n’ont pas été invitées à se constituer dans les délais, que la seule<br />
partie civile qui a pu se présenter à l’audience a <strong>de</strong>mandé au Tribunal <strong>de</strong> leur accor<strong>de</strong>r<br />
suffisamment <strong>de</strong> temps pour pouvoir se constituer et que le Tribunal a accédé à cette requête ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public et que<br />
dans ses réquisitions il retrace l’historique <strong>du</strong> présent procès, qu’il clôture son réquisitoire en<br />
<strong>de</strong>mandant que les <strong>de</strong>ux prévenus en l’occurrence BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie<br />
soient respectivement rangés dans la première et <strong>de</strong>uxième catégorie en application <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, qu’il requiert contre eux la peine capitale pour le crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> et l’infraction d’assassinat, une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 20 ans pour l’infraction <strong>de</strong><br />
dévastation <strong>du</strong> pays, <strong>de</strong> massacre et <strong>de</strong> pillage, une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 10 ans pour<br />
l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 5 ans pour l’infraction<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>struction et <strong>de</strong> dégradation <strong>de</strong> maisons d’autrui, une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 2 ans pour<br />
l’infraction <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> domicile au moyen <strong>de</strong> menaces, la peine d'emprisonnement à<br />
perpétuité pour l’infraction <strong>de</strong> participation criminelle prévue aux articles 89 et 90, 3° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal Livre I, que dans la mesure où toutes ces infractions sont en concours idéal tel que prévu<br />
par l’article 93 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I, il requiert spécialement contre NYIRASHAKO Léonie la<br />
peine d’emprisonnement à perpétuité et la dégradation civique prévue par l’article 66 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
Pénal Livre I, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> enfin que les frais d’instance soient mis à charge <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
prévenus et que <strong>de</strong>s dommages et intérêts soient alloués aux parties civiles ;<br />
Vu qu’en date <strong>du</strong> 20/06/1997 le Tribunal déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s enquêtes supplémentaires et<br />
reporte l’audience au 26/06/1997, date à laquelle l’audience est mise en continuation ;<br />
Vu que les parties civiles se présentent à l’audience pour se faire enregistrer ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA Clau<strong>de</strong><br />
répond qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s dommages et intérêts sur base <strong>de</strong> la douleur qu’il ressent suite à la<br />
perte <strong>de</strong> sa mère KARUHIMBI et <strong>de</strong> son grand frère KABALISA, qu’il dirige son action contre<br />
ceux qui les ont tués à savoir BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie, qu’il poursuit en<br />
disant que cette <strong>de</strong>rnière a in<strong>du</strong>it en erreur sa mère à laquelle elle a arraché les <strong>de</strong>nts en lui<br />
<strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> trouver refuge ailleurs, que celle-ci a fini par partir mais que dans sa fuite elle est<br />
arrivée sur une barrière tenue par le frère <strong>de</strong> BARITIMA et que c’est là qu’elle a trouvé la mort ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir le nom <strong>du</strong> frère <strong>de</strong> BARITIMA, NDAYISENGA Clau<strong>de</strong><br />
déclare qu’il ne connaît pas son nom mais que tout ce qu’il sait est qu’il était un militaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWIMANA Jeanne d’Arc, fille <strong>de</strong> SAGATWA John et <strong>de</strong> MUKAMKUZA<br />
Anastasie, résidant dans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, préfecture GISENYI, dit qu’elle<br />
accuse BARITIMA d’avoir assassiné son oncle paternel qui s’appelle RINGA parce que c’est<br />
bien lui qui l’a emmené <strong>de</strong> son domicile après avoir pillé tout ce qu’il y avait dans la maison ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAREMERA charge BARITIMA Jules d’avoir assassiné sa mère KARUHIMBI et<br />
son petit frère KABALISA avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> NYIRASHAKO Léonie et qu’il leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l’in<strong>de</strong>mniser, qu’invité à pro<strong>du</strong>ire les preuves <strong>de</strong> ce qu’il avance, il répond que NYIRASHAKO<br />
est venue à leur domicile et y a enlevé KABALISA et qu’une heure plus tard celui-ci a été tué,<br />
que RUTAYISIRE et lui se cachaient ensemble <strong>de</strong>rrière le domicile <strong>de</strong> Jules, que lorsqu’ils ont<br />
voulu se réfugier ailleurs, ils ont dû ai<strong>de</strong>r RUTAYISIRE à escala<strong>de</strong>r la clôture mais que celui-ci<br />
n’y est pas parvenu, que c’est <strong>de</strong> cette façon que Jules l’a trouvé là et l’a tué ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à expliciter les dommages et intérêts qu’elle réclame, MUREKATETE dit<br />
152
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
que ces dommages et intérêts résultent <strong>de</strong> la perte <strong>de</strong> sa mère tuée par BARITIMA, que celui-ci a<br />
vu cette <strong>de</strong>rnière lorsqu’il était venu piller <strong>de</strong>s biens dans leur maison, qu’il est directement allé<br />
alerter les miliciens Interahamwe qui sont venus à bord d’un véhicule dans lequel ils ont<br />
emmené sa mère au bureau communal où il y avait une gran<strong>de</strong> fosse au fond <strong>de</strong> laquelle <strong>de</strong>s<br />
victimes étaient précipitées, que son père à lui a passé trois jours dans cette fosse avant <strong>de</strong> rendre<br />
l’âme, mais que Jules y est retourné pour l’achever, et que Jules a tué beaucoup d’autres victimes<br />
en les brûlant avec <strong>du</strong> pétrole ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI déclare que son<br />
action est dirigée contre BARITIMA Jules qui a assassiné sa tante paternelle KARUHIMBI qui<br />
payait ses frais d’étu<strong>de</strong>s et au domicile <strong>de</strong> laquelle il passait ses vacances, qu’il soutient donc que<br />
c’est bien lui qui a tué sa tante puisqu’après son forfait il a changé la disposition <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> la<br />
maison <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière <strong>de</strong> manière à ce que celle-ci donne directement sur sa maison à lui et<br />
qu’après ces transformations il a mis la maison <strong>de</strong> sa tante en location ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAFARI dit que<br />
BARITIMA a tué son père avec la complicité <strong>de</strong> l’Etat au service <strong>du</strong>quel il agissait, qu’il ne<br />
doute pas un seul instant<br />
5 ème feuillet.<br />
que c’est bien lui et ses acolytes qui l’ont tué parce qu’ils les a vu l’emmener, car il était dans les<br />
environs lorsque cela est arrivé, que pour cette raison il réclame les dommages et intérêts<br />
s’élevant à 50.000.000 Frw parce qu’il a per<strong>du</strong> un père qui les nourrissait, lui et ses six petits<br />
frères à savoir DUSABIMANA, MUGABO, DIANE, DIDIER, BOBO et ASHIHE, et qu’ils ont<br />
tous dû suspendre leurs étu<strong>de</strong>s pour cause <strong>de</strong> manque <strong>de</strong> moyens ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a quelque chose à ajouter à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Tribunal <strong>de</strong> leur rendre justice au plus vite dans la mesure où ils mènent actuellement une vie<br />
très difficile ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, le nommé NGIRUMPATSE explique qu’il a vu <strong>de</strong> ses<br />
propres yeux, à partir <strong>de</strong> chez RUCANANKUBIRI où il se cachait, NYIRASHAKO con<strong>du</strong>ire<br />
KABALISA chez elle d’où BARITIMA l’a ensuite emmené, après quoi ils l’ont directement<br />
tué ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, UMUTONI explique qu’elle se cachait tout près <strong>de</strong> chez<br />
NYIRASHAKO lorsqu’elle a vu KABALISA là où on l’avait fait asseoir, que plus tard elle<br />
entendra BARITIMA se vanter que l’ennemi KABALISA venait <strong>de</strong> mourir ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, NIWEMWANA explique qu’en date <strong>du</strong> 30/04/1994 elle<br />
était avec d’autres personnes lorsqu’elle a croisé BARITIMA Jules en compagnie <strong>de</strong>s miliciens<br />
Interahamwe armés <strong>de</strong> machettes, que ceux-ci leur ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> présenter leurs cartes<br />
d’i<strong>de</strong>ntité après quoi ils sont allés chercher un véhicule pour les emmener, qu’à l’arrivée <strong>du</strong><br />
véhicule ils ne les ont pas fait monter à bord pour <strong>de</strong>s raisons qu’elle ignore, que cette opération<br />
ayant tourné court, BARITIMA est allé piller <strong>de</strong>s biens dans leur domicile suite à quoi ils ont fui,<br />
que cependant il avait vu auparavant BARITIMA brûler avec <strong>du</strong> pétrole une femme inconnue,<br />
ainsi que le nommé Emmanuel qui faisait <strong>du</strong> commerce au marché, qu’elle soutient que toutes<br />
les attaques qui ont été menées dans cette région étaient dirigées par BARITIMA parce qu’il<br />
était responsable <strong>de</strong> cellule ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le montant <strong>de</strong>s dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA<br />
153
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
explique qu’étant donné leurs biens qui ont été pillés et l’importance <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> sa famille<br />
tués, surtout que ce sont eux qui payaient son minerval et subvenaient à ses autres besoins, qu'il<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> que l’Etat rwandais soit condamné solidairement avec les auteurs <strong>de</strong>s faits qui lui ont<br />
causé un préjudice à lui verser les dommages et intérêts <strong>de</strong> 22.000.000 Frw ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à préciser le montant <strong>de</strong>s dommages et intérêts qu’elle réclame,<br />
MUREKATETE dit qu’étant donné tout ce que son père représentait pour sa famille elle<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour cette <strong>de</strong>rnière <strong>de</strong>s dommages et intérêts s’élevant à 15.000.000 Frw ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le montant <strong>de</strong>s dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
qu’il lui soit alloué <strong>de</strong>s dommages et intérêts <strong>de</strong> 10.000.000 Frw ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à préciser le montant <strong>de</strong>s dommages et intérêts qu’elle réclame, UWIMANA<br />
Jeanne d’Arc dit que son oncle RINGA subvenait à tous ses besoins et que pour cela elle<br />
voudrait être in<strong>de</strong>mnisée pour un montant <strong>de</strong> 12.000.000 Frw ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à réagir aux accusations portées contre lui par ceux qui le chargent et dont<br />
certains se sont constitués parties civiles, BARITIMA Jules répond que toutes ces personnes<br />
l’accusent injustement, que concernant les dommages et intérêts, il dit qu’il ne saurait les payer<br />
parce qu’il n’a rien fait ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le sort qui serait le sien au cas où sa culpabilité serait retenue, il répond<br />
qu’il appartient au Tribunal <strong>de</strong> se prononcer et qu’en tout état <strong>de</strong> cause il ne possè<strong>de</strong> pas<br />
suffisamment <strong>de</strong> biens pour désintéresser ces parties civiles ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public et<br />
qu’il dit que les preuves qu’il a pu rassembler contre les prévenus sont amplement suffisantes,<br />
qu’il trouve plutôt que les dommages et intérêts réclamés ne sont pas suffisants au vu <strong>de</strong>s faits<br />
accablants reprochés aux prévenus ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à réagir aux accusations dont elle fait l’objet <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s personnes dont<br />
certaines se sont constitués parties civiles, NYIRASHAKO Lénie répond qu’outre le fait d’être<br />
injustement accusée elle trouve que les dommages et intérêts qui lui sont réclamés dépassent<br />
largement les moyens dont elle dispose, qu’elle rappelle toutefois qu’elle n’a pas encore per<strong>du</strong> la<br />
cause et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que <strong>de</strong>s enquêtes supplémentaires soient menées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public et<br />
qu'il dit que les enquêtes qui ont été menées jusqu’ici sont amplement suffisantes et qu’une<br />
nouvelle enquête serait sans objet, que quant aux dommages et intérêts <strong>de</strong>mandés, il les trouve<br />
très en <strong>de</strong>çà <strong>du</strong> montant qui aurait dû être réclamé compte tenu <strong>du</strong> nombre <strong>de</strong>s victimes tuées par<br />
BARITIMA, surtout que le nombre <strong>de</strong> parties civiles pourrait augmenter à l’avenir, que pour<br />
cette raison, il a ajouté 50.000.000 Frw au montant global <strong>de</strong>s dommages et intérêts réclamés<br />
par les actuelles parties civiles en faveur <strong>de</strong> celles qui sont présentement inconnues ;<br />
Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner et qu’il y a lieu <strong>de</strong> se<br />
retirer pour dire le droit ;<br />
Constate que l’action intro<strong>du</strong>ite par le Ministère Public ainsi que celle intentée par les parties<br />
154
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
civiles sont recevables parce que régulières en la forme ;<br />
Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO ont régulièrement été cités à comparaître<br />
155<br />
6 ème feuillet.<br />
et qu’en date <strong>du</strong> 20/06/97 le Tribunal a suspen<strong>du</strong> l’audience pour mener ses propres enquêtes<br />
puis l’a renvoyée au 26/06/1997, date à laquelle les <strong>de</strong>ux prévenus ont comparu et plaidé<br />
personnellement leur cause ;<br />
Constate qu’une fois <strong>de</strong>vant le Tribunal, BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont été<br />
invités à se défendre sur les préventions dont celle <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> mises à leur charge par le<br />
Ministère Public ;<br />
Constate qu’en date <strong>du</strong> 07/04/1994 et <strong>du</strong> 1707/1994 BARITIMA Jules a assassiné KARUHIMBI<br />
et RUTAYISIRE ;<br />
Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont tué KABALISA Dieudonné et sa<br />
mère KARUHIMBI, que la preuve en est les procès - verbaux d’audition transmis au Tribunal<br />
par le Ministère Public ainsi que les déclarations <strong>de</strong>s témoins en l’occurrence NDAYISENGA,<br />
SAYIDI, NIWEMWANA, MUREKATETE, NGIRUMPATSE, UWIMANA, UMUTONI et<br />
beaucoup d’autres qui chargent BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie <strong>de</strong> ces atrocités,<br />
infractions qu’ils ont commises avec l’unique intention d’exterminer une partie <strong>de</strong> la population ;<br />
Constate que ces témoins sont venus déposer à charge <strong>de</strong> BARITIMA Jules et NYIRASHAKO<br />
Léonie à l’audience <strong>du</strong> 12/06/1997, à celle <strong>du</strong> 15/06/1997 ainsi qu’à celle <strong>du</strong> 26/06/1997 et que<br />
leurs témoignages s’accor<strong>de</strong>nt sur un point, à savoir que les <strong>de</strong>ux prévenus ont perpétré <strong>de</strong>s<br />
tueries ;<br />
Constate que BARITIMA Jules est poursuivi pour génoci<strong>de</strong>, assassinat, association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs et dévastation <strong>du</strong> pays, massacre et pillage ;<br />
Constate que BARITIMA Jules a tué KARUHIMBI, RUTAYISIRE et KABALISA Dieudonné<br />
avec le concours <strong>de</strong> NYIRASHAKO Lénie ;<br />
Constate que la prévention d’assassinat est établie à charge <strong>de</strong> BARITIMA Jules tel qu’il ressort<br />
<strong>de</strong>s déclarations <strong>de</strong>s témoins enten<strong>du</strong>s, <strong>de</strong> l’instruction menée par le Ministère Public et <strong>de</strong>s<br />
résultats <strong>de</strong> l’enquête effectuée par le Tribunal ;<br />
Constate que la prévention d’association <strong>de</strong> malfaiteurs est établie à charge <strong>de</strong> BARITIMA Jules<br />
tel qu’explicité dans les précé<strong>de</strong>nts « Constate » ;<br />
Constate que les préventions à charge <strong>de</strong> BARITIMA Jules sont en concours idéal tel que prévu<br />
par l’article 93 Co<strong>de</strong> Pénal Livre I, qu'ainsi BARITIMA Jules doit être condamné pour la<br />
prévention la plus grave à savoir la prévention <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que BARITIMA a commis toutes ces infractions avec la ferme intention d’exterminer<br />
une partie <strong>de</strong> la population par exemple en portant atteinte à leur intégrité physique, qu’il a<br />
commis ces faits entre le 07/07/1994 et le 17 /07 /1994 avec une extrême méchanceté tel que<br />
prévu par les lois nationales et les conventions internationales ;
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné avec le concours <strong>de</strong><br />
BARITIMA Jules ;<br />
Constate que <strong>de</strong>s témoins chargent NYIRASHAKO Lénie d’avoir été complice <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong><br />
KABALISA car, comme cela est soutenu par ces témoins, elle est allée le prendre à son<br />
domicile, et que par la suite les Interahamwe l’ont trouvé chez NYIRASHAKO et lui ont donné<br />
la mort ;<br />
Constate que NYIRASHAKO est poursuivie pour avoir comploté contre KABALISA<br />
Dieudonné ;<br />
Constate qu’aux dates susmentionnées les témoins se sont présentés à l’audience pour charger<br />
NYIRASHAKO Lénie et qu’ils sont tous unanimes pour dire que cette <strong>de</strong>rnière a fait tuer<br />
KABALISA Dieudonné ;<br />
Constate que NYIRASHAKO Lénie a intentionnellement fait tuer KABALISA Dieudonné ;<br />
Constate que cette complicité d’assassinat est établie à charge <strong>de</strong> NYIRASHAKO Lénie tel qu’il<br />
ressort <strong>de</strong>s déclarations <strong>de</strong>s témoins qui ont déposé à sa charge et qu’elle reconnaît que les<br />
miliciens INTERAHAMWE ont tué KABALISA après l’avoir délogé <strong>de</strong> son domicile à elle ;<br />
Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné par pure méchanceté et<br />
qu’ainsi elle est rangée dans la 2 ème catégorie ;<br />
Constate que pour toutes les raisons développées ci-<strong>de</strong>ssus BARITIMA Jules est rangé dans la<br />
1 ère catégorie ;<br />
Constate que les dommages et intérêts réclamés par KARUHIMBI, MUREKATETE, SAYIDI et<br />
KAREMERA conjointement avec le Ministère Public pour la perte <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> leur famille<br />
et <strong>de</strong> leurs biens sont fondés, mais que le Tribunal va les évaluer dans sa sagesse;<br />
Vu la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 en ses articles 1, 2, 3 et 4, la Convention <strong>du</strong> 12/08/1949 en ses<br />
articles 146 et 147, et la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 en ses articles 1et 2, toutes trois ratifiées par<br />
le Décret-loi n°08/75;<br />
156<br />
7 ème feuillet.<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise spécialement la Constitution <strong>du</strong> 10 juin<br />
1990 en ses articles 14, 92, 93, 94, 95 ;<br />
Vu la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er<br />
octobre 1990 spécialement en ses articles 1, 2, 14, 18, 20, 21, 29, 30, 39 ;<br />
Vu le Décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant organisation et compétence judiciaires<br />
spécialement en ses articles 199, 200, 201 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale en ses articles 16, 58, 59, 61, 71, 73,
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997<br />
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI<br />
76, 90 et 138 telle que modifiée à ce jour ;<br />
Vu la Loi n°21/77 <strong>du</strong> 18/08/1997 portant Co<strong>de</strong> pénal en ses articles 89,90, 91, 93, 168, 281, 282,<br />
283, 304, 305, 312 et 444 ;<br />
Déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> recevoir l’action intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;<br />
Déclare que les infractions à charge <strong>de</strong> BARITIMA Jules sont en concours idéal, qu'ainsi il doit<br />
être condamné pour l’infraction la plus grave c’est à dire celle <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Déclare que BARITIMA Jules perd la cause et le condamne à la peine capitale ;<br />
Lui ordonne <strong>de</strong> verser au trésor public les frais d’instance équivalant à 4.000 Frw sous peine <strong>de</strong><br />
s’exposer, en cas d’inexécution, à une contrainte par corps <strong>de</strong> 30 jours suivie d’une exécution<br />
forcée sur ses biens ;<br />
Lui ordonne <strong>de</strong> verser au titre <strong>de</strong> dommages et intérêts, solidairement avec NYIRASHAKO<br />
Lénie, à la famille KARUHIMBI la somme <strong>de</strong> 5.000.000 Frw, à MUREKATETE la somme <strong>de</strong><br />
4.000.000 Frw, à SAYIDI la somme <strong>de</strong> 2.000.000 Frw et à UWIMANA Jeanne d’Arc la somme<br />
<strong>de</strong> 2.000.000 Frw, que le total <strong>de</strong>s dommages et intérêts dont ils sont re<strong>de</strong>vables est <strong>de</strong><br />
13.500.000 Frw, qu’ils sont tenus <strong>de</strong> payer cette somme dans un délai <strong>de</strong> trois mois sous peine <strong>de</strong><br />
s’exposer, en cas d’inexécution, à une contrainte par corps <strong>de</strong> 10 jours suivie d’une exécution sur<br />
leurs biens ;<br />
Leur ordonne <strong>de</strong> payer dès le prononcé <strong>de</strong> ce jugement la somme <strong>de</strong> 78.000 Frw au titre <strong>de</strong> droit<br />
proportionnel <strong>de</strong> 4 % sinon exécution forcée sur leurs biens ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 26/06/1997 PAR LA<br />
CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GISENYI<br />
EN PRESENCE DES PREVENUS, DE BAMBANZA GREGOIRE (représentant <strong>du</strong><br />
Ministère Public) ET DES PARTIES CIVILES.<br />
PRESIDENT JUGE JUGE<br />
RUMANZI Jean NKAKA Séraphin MUNYAKAYANZA<br />
MUNYAWERA Sophonie<br />
Sé/ Sé/ Sé/<br />
GREFFIER<br />
BAYINGANA J.B<br />
Sé/<br />
157
158
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE GITARAMA<br />
159
160
N° 6<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> GITARAMA<br />
<strong>du</strong><br />
02 avril 1999.<br />
Ministère Public C/ BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts.<br />
ACTION CIVILE (LIEN DE CAUSALITE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –<br />
ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281 ET 282 CP) – AVEUX (COMPLETS<br />
ET SINCERES ; PARTIELS) – CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE ; ART.2 L.O.<br />
30/8/96) – CRIME DE GENOCIDE – DOMMAGES ET INTERETS (EX- ÆQUO ET<br />
BONO) – EXCUSES – NON-ASSISTANCE A PERSONNES EN DANGER (ART. 256<br />
CP ; NON) – PEINE (DIMINUTION DE; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE;<br />
EMPRISONNEMENT A TEMPS; DEGRADATION CIVIQUE) – PREUVE<br />
(ACCUSATIONS RECIPROQUES; TEMOIGNAGES) – PROCEDURE D'AVEU ET<br />
DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT POURSUITES; ARTICLE 6 DE LA<br />
LOI ORGANIQUE DU 30/08/1996) – TEMOIGNAGES (A CHARGE;<br />
CONCORDANTS).<br />
1. Non – assistance à personnes en danger – incompatibilité avec l'assassinat constitutif <strong>du</strong><br />
crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> – acquittement <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s prévenus pour cette prévention.<br />
2. 1 er prévenu – procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité - aveux sincères et complets<br />
(conformité à l'article 6 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996) – <strong>de</strong>uxième catégorie – aveux<br />
avant poursuites – réquisitions contraires - ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine – art. 15a <strong>de</strong> la Loi<br />
organique <strong>du</strong> 30/08/1996 – 10 ans d'emprisonnement.<br />
3. 2 ème , 3 ème , 4 ème et 5 ème prévenus – infractions établies (assassinat ; association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs ) – preuves (accusations <strong>de</strong>s coaccusés et témoignages à charge).<br />
4. 2 ème , 3 ème , 4 ème et 5 ème prévenus –concours idéal d'infractions – <strong>de</strong>uxième catégorie –<br />
emprisonnement à perpétuité et dégradation civique limitée.<br />
5. Action civile – recevable et partiellement fondée - dommages et intérêts moraux -<br />
évaluation ex æquo et bono – dommages et intérêts matériels (non) – défaut <strong>de</strong> preuve et<br />
<strong>de</strong> lien avec les infractions poursuivies.<br />
1. Les prévenus ne pouvant pas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours en<br />
même temps, ils sont tous acquittés <strong>de</strong> l’infraction <strong>de</strong> non-assistance à personnes en<br />
danger, y compris le prévenu qui a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité pour l’ensemble <strong>de</strong>s infractions.<br />
2. Sont acceptés comme complets et sincères, conformément à l'article 6 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique <strong>du</strong> 30/08/1996, les aveux <strong>du</strong> 1 er prévenu qui a reconnu les faits, indiqué les<br />
noms <strong>de</strong> ses victimes, dénoncé ses coauteurs et complices, et présenté ses excuses. Les<br />
161
infractions avouées par le 1 er prévenu le rangent en <strong>de</strong>uxième catégorie; contrairement aux<br />
réquisitions <strong>du</strong> Ministère Public qui soutient que le prévenu a avoué après poursuites et<br />
réclame une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> douze ans, le Tribunal constate que le prévenu a<br />
recouru à la procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant poursuites, dès la<br />
publication <strong>de</strong> la loi.<br />
En application <strong>de</strong> l'article 15a <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996, il est condamné à une<br />
peine d'emprisonnement <strong>de</strong> 10 ans.<br />
3. Sont déclarées établies à charge <strong>de</strong>s 2 ème , 3 ème , 4 ème et 5 ème prévenus, les infractions<br />
d'assassinat et d'association <strong>de</strong> malfaiteurs, car :<br />
- certains prévenus ont avoué, lors <strong>de</strong> l'instruction préparatoire, avoir participé à<br />
l'assassinat <strong>de</strong>s victimes ;<br />
- les prévenus s'accusent mutuellement d'avoir participé aux assassinats ;<br />
- leur coprévenu qui a recouru à la procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité les<br />
met en cause ;<br />
- les prévenus sont accusés par <strong>de</strong> nombreux témoins enten<strong>du</strong>s lors <strong>de</strong> l'instruction<br />
préparatoire ;<br />
- même si certains prévenus disent être mis en cause injustement, ils n'indiquent pas la<br />
raison pour laquelle ils auraient été accusés à tort ;<br />
Les infractions établies sont constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, car les victimes ont été<br />
visées en raison <strong>de</strong> leur appartenance ethnique.<br />
4. Les infractions établies à charge <strong>de</strong>s 2 ème , 3 ème , 4 ème et 5 ème prévenus ont été commises en<br />
concours idéal et les rangent dans la <strong>de</strong>uxième catégorie. Ces prévenus sont condamnés à<br />
l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique telle que prévue par l'article 66,<br />
2°, 3° et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal.<br />
5. L’action <strong>de</strong>s parties civiles est recevable et partiellement fondée. Des dommages moraux<br />
doivent être accordés tant à l’épouse et à la mère <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux victimes qu’aux enfants<br />
survivants. Les montants réclamés à ce titre sont cependant excessifs, et le Tribunal<br />
procè<strong>de</strong> à une évaluation ex æquo et bono. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> visant l’allocation <strong>de</strong> dommages<br />
et intérêts matériels est rejetée, la partie civile restant en défaut <strong>de</strong> rapporter la preuve <strong>de</strong><br />
ces dommages, et les prévenus n’ayant pas été poursuivis pour <strong>de</strong>struction ou dégradation<br />
<strong>de</strong> biens, infractions auxquelles se seraient rattachés les dommages réclamés .<br />
( NDLR : En date <strong>du</strong> 11/03/2001, la Cour d'Appel <strong>de</strong> NYABINSINDU a déclaré recevable,<br />
mais non fondé l'appel <strong>de</strong>s prévenus).<br />
162
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
163<br />
1 er feuillet.<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GITARAMA, CHAMBRE<br />
SPECIALISEE, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE OU D’AUTRES CRIMES<br />
CONTRE L’HUMANITE COMMIS ENTRE LE 1 er OCTOBRE 1990 ET LE 31<br />
DECEMBRE 1994, A RENDU AU PREMIER DEGRE LE JUGEMENT DONT LA<br />
TENEUR SUIT :<br />
JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
1. BUGIRIMFURA Emmanuel fils <strong>de</strong> GATORANO, né en 1952 à KARAMA commune<br />
MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRAMINANI,<br />
père <strong>de</strong> 3 enfants, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus (détenu).<br />
2. RUHANIKA Michel fils <strong>de</strong> MUREKEZI et MUKAKABANDA, né en 1963 à KARAMA,<br />
commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, y résidant, marié à NYIRANGIRENTE,<br />
sans enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus (détenu).<br />
3. HABIMANA Célestin fils <strong>de</strong> GATORANO Dominique et MUKAMUZIMA Marthe, né à<br />
GIHEMBE, secteur KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA et y<br />
résidant, marié à MUKAKAMANZI, père <strong>de</strong> 3 enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires connus (détenu).<br />
4. MUSABYIMANA Théoneste fils <strong>de</strong> MPAKANIYE Athanase et NYIRARUMONDO, né à<br />
NYAMYUMBA, secteur KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, en<br />
1968, célibataire, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus (détenu).<br />
5. FASHAHO Jean, fils <strong>de</strong> BICAMUMPAKA Dismas et NTAMUKIZA Xaverina, né à<br />
KARAMA en 1953 et y résidant, marié à MUKANSHAGAYE Dorothée, père <strong>de</strong> 7 enfants,<br />
maçon, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus (détenu).<br />
Préventions :<br />
Avoir à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, République Rwandaise,<br />
comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
Livre premier, l’article 3a <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s<br />
poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou d’autres crimes contre<br />
l’humanité, entre avril et juillet 1994, commis les infractions ci-après dans le cadre <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong><br />
telles que prévues par le Décret-loi n°08/75 <strong>du</strong> 12/02/1975, la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong><br />
30/08/1996 et la convention <strong>du</strong> 09/12/1948 ;
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
164<br />
2 ème feuillet.<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, comme auteurs, coauteurs ou<br />
complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre premier et l’article 3a<br />
<strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, assassiné NDAGIJIMANA Alexis et son fils<br />
SINGIZIMANA Léonard, infraction prévue et punie par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre II ;<br />
- Avoir, à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, République<br />
Rwandaise, formé une association <strong>de</strong> malfaiteurs, infraction prévue et punie par les articles 281,<br />
282 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, alors qu’ils en étaient capables et<br />
qu’il ne pouvait en résulter aucun danger pour eux et pour les tiers, omis <strong>de</strong> porter secours aux<br />
personnes qui se trouvaient en péril, infraction prévue et punie par l’article 256 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
Livre II ;<br />
PARTIES CIVILES :<br />
NYIRAMASUKA Euphrasie fille <strong>de</strong> NTAMUHANGA et NYIRAMBUGUZA, originaire <strong>de</strong><br />
KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA et y résidant, mariée à feu<br />
NDAGIJIMANA Alexis en 1962 ;<br />
NYIRAGARUKA Eularie fille <strong>de</strong> NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,<br />
cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA,<br />
Rwandaise, née en 1969 ;<br />
HAKIZIMANA Bertin fils <strong>de</strong> NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,<br />
résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, né en 1976,<br />
cultivateur, <strong>de</strong> nationalité rwandaise ;<br />
MUKANYANDWI Annonciata fille <strong>de</strong> NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA<br />
Euphrasie, cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture<br />
GITARAMA, Rwandaise, née en 1979 ;<br />
NIWEMWALI Adria fille <strong>de</strong> NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,<br />
cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA,<br />
Rwandaise, née en 1984 ;<br />
NKURUNZIZA Célestin fils <strong>de</strong> NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,<br />
cultivateur, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, <strong>de</strong><br />
nationalité rwandaise, né en 1981 ;<br />
MUZINDUTSI fils <strong>de</strong> NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie, résidant à<br />
KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, né en<br />
1988, élève ;
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
LE TRIBUNAL,<br />
Vu qu’après l’instruction préparatoire par le Parquet <strong>de</strong> la République à GITARAMA, le dossier<br />
a été transmis à la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> GITARAMA pour<br />
fixation en date <strong>du</strong> 29/12/1998 par lettre n°03/516/D2/B/PRORE <strong>du</strong> Premier Substitut près le<br />
Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> GITARAMA ;<br />
3 ème feuillet.<br />
Vu que le dossier <strong>de</strong> cette affaire a été inscrit au rôle sous le n° RP 70/GIT/CH.S/2/99 en date <strong>du</strong><br />
04/01/1999 ;<br />
Vu que le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée a pris l’ordonnance <strong>du</strong> 11/03/1999 fixant la date<br />
d’audience au 24/03/1999 à 8 heures <strong>du</strong> matin, que notification en a été faite au Ministère<br />
Public et aux prévenus ;<br />
Vu que l’audience a eu lieu à cette date en présence <strong>de</strong> toutes les parties ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée au représentant <strong>du</strong> Ministère Public qui dit que le prévenu<br />
BUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité<br />
prévue par la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s<br />
infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité, qu’il a décrit les<br />
circonstances <strong>de</strong>s faits tout en indiquant les noms <strong>de</strong> ses coauteurs et a présenté ses excuses ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en vertu <strong>de</strong> la loi ci-haut citée, le représentant <strong>du</strong> Ministère Public requiert la peine<br />
<strong>de</strong> 12 ans d’emprisonnement à charge <strong>de</strong> BUGIRIMFURA Emmanuel ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à confirmer les déclarations rapportées par le représentant <strong>du</strong> Ministère<br />
Public, BUGIRIMFURA Emmanuel dit que certaines personnes, à savoir MUTARAMBIRWA<br />
Léonidas, BUGUMYA Eula<strong>de</strong>, MURWANASHYAKA fils <strong>de</strong> NSENGIYAREMYE et<br />
MINANI fils <strong>de</strong> NTAWUGURANAYO, personnes qu’il a dénoncées pour avoir participé à<br />
l’assassinat <strong>de</strong>s regrettés sont encore en liberté ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a avoué volontairement et en connaissance <strong>de</strong> cause,<br />
BUGIRIMFURA Emmanuel répond par l’affirmative et précise qu’il n’a pas voulu mentir alors<br />
que les faits ont eu lieu publiquement ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire s’il ne va pas interjeter appel contre la décision qui sera prise par le<br />
Tribunal sur son cas, il répond par l’affirmative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il continue en disant qu’il est parti en compagnie <strong>de</strong> RUHANIKA Michel,<br />
KABANDA et MUSABYIMANA et qu’ils sont allés voir HABIMANA Célestin avec lequel ils<br />
se sont ren<strong>du</strong>s chez NDAGIJIMANA où ils ont trouvé son épouse et ses trois enfants, qu’à ce<br />
moment KABANDA a <strong>de</strong>mandé à cette dame <strong>de</strong> lui présenter sa carte d’i<strong>de</strong>ntité qu’il a<br />
examinée, que RUHANIKA, MUSABYIMANA et HABIMANA Célestin sont entrés dans la<br />
cuisine d’où ils ont sorti NDAGIJIMANA Alexis qui avait entre ses mains un maïs grillé, que<br />
NCYUYUBUHORO Obald, KABANDA Edouard et Emile le fils <strong>de</strong> Balthazar ont sorti<br />
SINGIZIMANA Léonard d’une autre maison et l’ont placé à côté <strong>de</strong> son père NDAGIJIMANA,<br />
qu’ils leur ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> leur donner leurs cartes d’i<strong>de</strong>ntité mais que NDAGIJIMANA n’a pas<br />
pu en pro<strong>du</strong>ire tandis que SINGIZIMANA leur a montré la sienne ;<br />
165
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il déclare qu’ils ont dit à NDAGIJIMANA qu’étant donné que la carte d’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong><br />
son fils porte la mention <strong>de</strong> l’ethnie Tutsi, il est lui aussi Tutsi, qu’ils les ont alors emmenés chez<br />
le nommé MPARAYE mais qu’ils n’avaient pas encore croisé FASHAHO à ce moment ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BUGIRIMFURA dit qu’arrivés chez FASHAHO, ils lui ont <strong>de</strong>mandé sa carte<br />
d’i<strong>de</strong>ntité, qu’il n’a pas pu la leur montrer et leur a dit l’avoir égarée <strong>de</strong>puis longtemps, qu’ils<br />
lui ont <strong>de</strong>mandé si NDAGIJIMANA n’était pas son oncle, mais qu’il a nié avoir une parenté<br />
quelconque avec lui, qu’il leur a dit être en possession <strong>de</strong> la carte d’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> son grand frère et<br />
qu’il peut la leur montrer pour vérification <strong>de</strong> son ethnie, qu’ils ont alors constaté que ladite<br />
carte d’i<strong>de</strong>ntité portait la mention <strong>de</strong> l’ethnie Hutu ;<br />
166<br />
4 ème feuillet.<br />
qu’ils n’en ont pas été convaincus et sont allés s’informer auprès <strong>de</strong> BICAMUMPAKA qui leur<br />
a confirmé que MPARAYE est <strong>de</strong> l’ethnie Hutu, qu’ils ont emmené NDAGIJIMANA et son fils<br />
SINGIZIMANA Léonard et que, arrivés <strong>de</strong>rrière le domicile <strong>de</strong> BUGUMYA, ils ont croisé<br />
plusieurs personnes en provenance <strong>de</strong> GATONGATI qui ont commencé à donner <strong>de</strong>s coups à<br />
NDAGIJIMANA Alexis en exigeant qu’il pro<strong>du</strong>ise sa carte d’i<strong>de</strong>ntité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il affirme que c’est à ce moment qu’il a suggéré à SINGIZIMANA Léonard <strong>de</strong> se<br />
sauver car son père allait être tué, que SINGIZIMANA est <strong>de</strong>scen<strong>du</strong> en courant mais qu’il a été<br />
rattrapé et ramené, qu’il ne connaît cependant pas ceux qui l’ont rattrapé à part qu’ils étaient<br />
nombreux ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à préciser la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> FASHAHO dans l’assassinat <strong>de</strong><br />
NDAGIJIMANA Alexis et son fils, il répond que FASHAHO faisait partie <strong>du</strong> groupe <strong>de</strong> gens<br />
qui ont emmené SINGIZIMANA Léonard et qu’il lui donnait <strong>de</strong>s coups comme les autres, qu’ils<br />
l’ont par la suite tué au même endroit que son père, que RUHANIKA et HABIMANA ont frappé<br />
et tué les victimes à coups <strong>de</strong> bâtons et <strong>de</strong> gourdins ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong>s faits qui lui sont reprochés,<br />
RUHANIKA Michel avoue avoir participé à l’attaque qui a coûté la vie à NDAGIJIMANA et<br />
son fils, mais dit qu’il a agi sous la contrainte, qu’il n’a cependant rien fait à leur arrivée au<br />
domicile <strong>de</strong> NDAGIJIMANA, qu’il reconnaît seulement avoir fait partie <strong>du</strong> groupe <strong>de</strong> gens qui<br />
les ont emmenés et qui, arrivés <strong>de</strong>rrière le domicile <strong>de</strong> BUGUMYA, ont croisé un groupe <strong>de</strong><br />
personnes en provenance <strong>de</strong> GATONGATI qui leur ont <strong>de</strong>mandé où ils con<strong>du</strong>isaient les<br />
victimes, ce à quoi ils ont répliqué les emmener à KABGAYI où étaient les autres, que c’est<br />
alors qu’ils ont commencé à les rouer <strong>de</strong> coups et qu’il en présente ses excuses ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HABIMANA Célestin plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong> non-assistance à personnes en danger et<br />
reconnaît avoir fait partie <strong>de</strong>s personnes qui ont emmené les victimes pour aller les<br />
tuer, qu’ils ont commencé à leur administrer <strong>de</strong>s coups au moment où ils ont atteint le boisement<br />
appartenant au nommé Sylvain et que c’est à ce moment que SINGIZIMANA<br />
Léonard s’est sauvé en courant, que BUGIRIMFURA a donné l’ordre <strong>de</strong> le ramener et qu’ils<br />
l’ont tué ;
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
Atten<strong>du</strong> que MUSABYIMANA Théoneste dit qu’il plai<strong>de</strong> coupable d’association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
seulement et précise qu’il a été incorporé dans ce groupe par <strong>de</strong>s gens qui l’ont trouvé chez lui,<br />
que ce groupe <strong>de</strong> malfaiteurs n’avait pas pour but <strong>de</strong> sauver <strong>de</strong>s gens mais plutôt <strong>de</strong> tuer et que<br />
c’est ainsi qu’il a tué NDAGIJIMANA Alexis et son fils SINGIZIMANA Léonard, qu’il n’a pas<br />
quant à lui pris part à ce crime auquel il assistait passivement pour cause <strong>de</strong> maladie car il venait<br />
à peine <strong>de</strong> quitter l’hôpital <strong>de</strong> NYARUSANGE, que c’est à tort que FASHAHO et<br />
BUGIRIMFURA le mettent en cause, mais qu’il ne saurait en indiquer le motif ;<br />
Atten<strong>du</strong> que FASHAHO Jean plai<strong>de</strong> non coupable <strong>de</strong> toutes les infractions qui lui sont<br />
reprochées et dit qu’il n’était pas présent au moment <strong>de</strong> leur perpétration, que BUGIRIMFURA<br />
le met injustement en cause, lui en voulant <strong>de</strong> l’avoir vu chez NDAGIJIMANA Alexis qui venait<br />
d’être tué avec son fils, qu’à la question <strong>de</strong> savoir ce qu’il allait faire chez NDAGIJIMANA<br />
alors que celui-ci était mort, il répond qu’il voulait voir ce qui s’était passé là ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RUHANIKA Michel, interrogé sur la présence <strong>de</strong> FASHAHO sur les lieux où se<br />
trouvaient les victimes, répond que l’intéressé était là et fait partie <strong>de</strong> ceux qui leur donnaient <strong>de</strong>s<br />
coups ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question posée à MUSABYIMANA <strong>de</strong> savoir si FASHAHO fait partie <strong>de</strong>s gens<br />
qui donnaient <strong>de</strong>s coups aux victimes NDAGIJIMANA et son fils, il répond l’avoir vu sur les<br />
lieux mais qu’il est arrivé après la mort <strong>de</strong>sdites victimes, que HABIMANA Célestin affirme<br />
quant à lui ne pas l’avoir vu à cet endroit ;<br />
167<br />
5 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée au représentant <strong>du</strong> Ministère Public qui dit que les prévenus<br />
réfutent les faits qui leur sont reprochés alors qu’ils s’en sont ren<strong>du</strong>s coupables, que<br />
RUHANIKA a avoué lors <strong>de</strong> son premier interrogatoire mais qu’il s’est rétracté par la suite<br />
alléguant avoir été soumis à la contrainte sans pouvoir le prouver, que le prévenu prétend qu’il se<br />
trouvait à l’hôpital alors qu’il était en compagnie <strong>de</strong> son frère KABANDA Edouard, que ses coprévenus<br />
qui le mettent en cause n’ont pas confirmé la contrainte dont il aurait été l’objet ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le représentant <strong>du</strong> Ministère Public qualifie <strong>de</strong> mensongères toutes les allégations <strong>de</strong><br />
HABIMANA car dit-il, dans sa déclaration <strong>du</strong> 04/03/1996, il a affirmé avoir croisé ceux qui<br />
venaient <strong>de</strong> tuer les victimes dont il est question dans le présent dossier, mais qu’il ne faisait pas<br />
partie <strong>de</strong> ce groupe, qu’il a par ailleurs reconnu <strong>de</strong>vant le Tribunal avoir fait partie <strong>du</strong> groupe qui<br />
a emmené les victimes, qu’ainsi son système <strong>de</strong> défense n’a pour but que d’in<strong>du</strong>ire le Tribunal<br />
en erreur, ignorant délibérément les témoignages faits à sa charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il poursuit en disant que dans sa défense <strong>de</strong>vant le Tribunal, MUSABYIMANA dit<br />
qu’il était mala<strong>de</strong> quand NDAGIJIMANA et son fils ont été tués, alors que, dans son<br />
interrogatoire <strong>du</strong> 03/11/1997, il a affirmé qu’il venait <strong>de</strong> rendre visite à son petit frère quand il<br />
est arrivé sur les lieux <strong>du</strong> crime, que cependant cette première déclaration ne saurait être prise en<br />
compte surtout que ses co-prévenus le chargent ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que FASHAHO plai<strong>de</strong> non coupable alors qu’il se trouvait sur les lieux où<br />
SINGIZIMANA a été tué et qu’il a participé à ce crime tel qu’il en est chargé par RUHANIKA<br />
et BUGIRIMFURA dans leurs déclarations respectives, que c’est en désespoir <strong>de</strong> cause qu’il<br />
adopte un tel système <strong>de</strong> défense qui ne saurait lui être utile, qu’il n’est pas étonnant par ailleurs
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
que MUSABYIMANA et HABIMANA essaient <strong>de</strong> le disculper dès lors qu’ils ont eux-mêmes<br />
commencé par réfuter les faits à leur charge et n’ont avoué qu’une fois <strong>de</strong>vant le Tribunal, que<br />
partant, le système <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> FASHAHO est sans fon<strong>de</strong>ment ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réplique, FASHAHO <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’entendre le nommé NYANDWI<br />
Faustin qui était son employeur car il sait qu’il est arrivé chez NDAGIJIMANA après avoir<br />
quitté son travail, ainsi que NYIRAMASUKA qui est membre <strong>de</strong> la même famille que les<br />
victimes, car elle l’a croisé au cours <strong>de</strong> sa fuite alors qu’il venait quant à lui <strong>du</strong> lieu où il<br />
travaillait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public prend la parole et dit que FASHAHO ne passait pas<br />
toute la journée au service <strong>de</strong> NYANDWI Faustin, qu’il estime que NYANDWI Faustin ne<br />
pourrait apporter aucun éclaircissement au Tribunal, à moins qu’il soit au courant <strong>de</strong> l’heure <strong>de</strong><br />
la mort <strong>de</strong> NDAGIJIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BUGIRIMFURA dit que FASHAHO ment car il est venu en compagnie <strong>de</strong><br />
BUNANI, faisant partie <strong>de</strong>s personnes qui sont allées emmener SINGIZIMANA Léonard pour le<br />
tuer, et qu’il a appelé NYIRAMASUKA quand ils sont arrivés chez BUGUMYA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Véronique CHAUVEAU, Conseil <strong>de</strong>s parties civiles ayant pour interprète<br />
KAKUZE Joséphine se présente, que l’interprète prête serment <strong>de</strong> remplir fidèlement la mission<br />
qui lui est confiée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Véronique CHAUVEAU pro<strong>du</strong>it l’autorisation <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r qui lui a été<br />
délivrée en date <strong>du</strong> 11/03/1999 par le barreau <strong>du</strong> Rwanda en vue <strong>de</strong> représenter<br />
NYIRAMASUKA et ses enfants qui se sont constitués parties civiles dans cette affaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Véronique CHAUVEAU est accompagné par l’interprète KAKUZE<br />
Joséphine qui prête serment <strong>de</strong> remplir fidèlement sa mission ;<br />
168<br />
6 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à expliciter les dommages-intérêts réclamés par les parties civiles ainsi que<br />
leur fon<strong>de</strong>ment, Maître Véronique CHAUVEAU dit que NYIRAMASUKA Euphrasie s’est<br />
constituée partie civile en cette affaire suite à l’assassinat <strong>de</strong> son mari NDAGIJIMANA Alexis et<br />
<strong>de</strong> son fils SINGIZIMANA Léonard, ainsi qu’à la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> sa maison et la dégradation <strong>de</strong><br />
sa bananeraie et <strong>de</strong>s arbres fruitiers, qu’elle dit que NYIRAMASUKA a per<strong>du</strong> son mari qui<br />
<strong>de</strong>vait l’ai<strong>de</strong>r à é<strong>du</strong>quer tous les enfants y compris ceux qui sont encore en bas âge, qu’elle<br />
précise que leur action vise tant les dommages moraux que matériels ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle dit que les dommages – intérêts qu’elle réclame pour NYIRAMASUKA et ses<br />
ayants cause sont les suivants : 2.461.600 Frw <strong>de</strong> dommages matériels, 82.000.000 Frw <strong>de</strong><br />
dommages moraux pour NYIRAMASUKA et ses enfants suite à l’assassinat <strong>de</strong> son mari et <strong>de</strong><br />
son fils, soit au total 2.461.600 Frw + 82.000.000 Frw =84.461.600 Frw à allouer à<br />
NYIRAMASUKA Euphrasie par tous les prévenus ;<br />
Atten<strong>du</strong> que tous les prévenus présentent leur défense sur l’action civile, que BUGIRIMFURA<br />
dit qu’il n’a rien endommagé au préjudice <strong>de</strong> NYIRAMASUKA Euphrasie et que ses biens ont<br />
été plutôt détruits et dégradés par le groupe venu <strong>de</strong> GITONGATI, que RUHANIKA,<br />
HABIMANA, FASHAHO et MUSABYIMANA disent tous qu’ils sont incapables <strong>de</strong> réunir les<br />
sommes réclamées ;
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée au représentant <strong>du</strong> Ministère Public qui remet au Tribunal la<br />
note <strong>de</strong> fin d’instruction contenant l’exposé <strong>de</strong>s faits et <strong>de</strong>s preuves à charge <strong>de</strong> RUHANIKA<br />
Michel, HABIMANA Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean et dans<br />
laquelle il requiert que BUGIRIMFURA Emmanuel soit rangé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie et soit<br />
condamné à la peine d’emprisonnement à perpétuité pour le crime d’assassinat, à 20 ans<br />
d’emprisonnement pour association <strong>de</strong> malfaiteurs, à 5 ans d’emprisonnement pour nonassistance<br />
aux personnes en danger, mais qu’il requiert en définitive la peine <strong>de</strong> 12 ans<br />
d’emprisonnement prévue par l’article 16 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 au motif<br />
que BUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité<br />
après les poursuites et que ses aveux remplissent les conditions prévues à l'article 6 <strong>de</strong> la loi cihaut<br />
citée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public requiert que RUHANIKA Michel, HABIMANA<br />
Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean soient rangés dans la <strong>de</strong>uxième<br />
catégorie et soient condamnés à l’emprisonnement à perpétuité pour assassinat, 20 ans<br />
d’emprisonnement pour association <strong>de</strong> malfaiteurs, 5 ans d’emprisonnement pour non-assistance<br />
à personnes en danger ainsi qu’à la dégradation civique et au paiement solidaire <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> la<br />
présente instance, l’action civile étant laissée à la diligence <strong>de</strong>s parties lésées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les prévenus sont invités à conclure, que RUHANIKA dit qu’il continue à plai<strong>de</strong>r<br />
coupable, que HABIMANA présente <strong>de</strong>s excuses et dit qu’il a été entraîné dans un crime qui<br />
n'était pas nécessaire, que MUSABYIMANA dit quant à lui qu’il est arrivé sur les lieux <strong>du</strong> crime<br />
mais n’y a pas participé,<br />
169<br />
7 ème feuillet.<br />
qu’il a fait une fausse déclaration au parquet en affirmant qu’il est passé à cet endroit en allant<br />
rendre visite à son petit frère, que FASHAHO <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> faire une enquête ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les débats sont clos, que la date <strong>du</strong> prononcé est fixée au 02/04/1999 à 14 heures et<br />
est annoncée publiquement et signifiée à toutes les parties, que le Tribunal prend l’affaire en<br />
délibéré ;<br />
Constate que l’action <strong>du</strong> Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme et, après<br />
examen, constate que l’une <strong>de</strong>s préventions n’est pas fondée ;<br />
Constate que l’examen <strong>de</strong>s infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou d’autres crimes contre l’humanité mises à<br />
charge <strong>de</strong> BUGIRIMFURA Emmanuel et ses 4 co-prévenus par le Ministère Public doit être<br />
précédé par celui <strong>de</strong> leurs éléments constitutifs ;<br />
Constate que BUGIRIMFURA a, au cours <strong>de</strong> son interrogatoire par l’Officier <strong>du</strong> Ministère<br />
Public et <strong>de</strong>s débats en audience, reconnu les faits qui lui sont imputés et présenté ses excuses,<br />
indiqué les noms <strong>de</strong> ses victimes tels que repris dans la prévention et ceux <strong>de</strong> ses coauteurs et<br />
complices et ce, conformément au prescrit <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur<br />
l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes<br />
contre l’humanité dans son chapitre III relatif à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité ;<br />
Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel s’est conformé sans contrainte à la loi susmentionnée
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
dès sa publication tel qu’il l’a lui-même confirmé au cours <strong>de</strong>s débats, qu’il doit ainsi bénéficier<br />
d’une diminution <strong>de</strong> la peine en vertu <strong>de</strong> l’article 15 a) <strong>de</strong> la loi organique n° 08/96 <strong>du</strong><br />
30/08/1996 ci- haut citée ;<br />
Constate que même s’il plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong> toutes les infractions, BUGIRIMFURA Emmanuel ne<br />
peut être condamné <strong>du</strong> chef <strong>de</strong> non-assistance à personnes en danger étant donné qu’il ne pouvait<br />
pas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours en même temps, qu’il doit ainsi être<br />
puni pour les <strong>de</strong>ux crimes restants qui constituent le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou autres crimes contre<br />
l’humanité ;<br />
Constate que BUGIRIMFURA doit être rangé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie ;<br />
Constate que le crime d’assassinat commis sur les personnes <strong>de</strong> NDAGIJIMANA Alexis et son<br />
fils SINGIZIMANA Léonard en raison <strong>de</strong> leur appartenance à l’ethnie Tutsi est établi à charge<br />
<strong>de</strong> RUHANIKA Michel, MUSABYIMANA Théoneste, HABIMANA Célestin et FASHAHO<br />
Jean, car RUHANIKA Michel a, au cours <strong>de</strong> l’instruction préparatoire, avoué avoir, en<br />
compagnie <strong>de</strong> CYUBUHORO non poursuivi dans la présente affaire, tué NDAGIJIMANA<br />
Alexis à coups <strong>de</strong> massue, et qu’il est par ailleurs mis en cause par son co-prévenu<br />
FASHAHO Jean qui dit qu’ils ont tué SINGIZIMANA Léonard, ainsi que par les témoins<br />
MINANI Pierre, MUTARAMBIRWA Léonidas, MURAGIJEYEZU Hélène, SEBYENDA<br />
Védaste, BUGUMYA Eula<strong>de</strong>, MPARAYE Emmanuel et NTAGUNGIRA Onesphore qui ont été<br />
enten<strong>du</strong>s par le Ministère Public au cours <strong>de</strong> l’instruction préparatoire ;<br />
8 ème feuillet.<br />
Constate que les moyens <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> FASHAHO Jean qui plai<strong>de</strong> non coupable sont non<br />
fondés pour les motifs cités précé<strong>de</strong>mment, surtout que, au cours <strong>de</strong>s débats en audience, son coprévenu<br />
BUGIRIMFURA Emmanuel qui plai<strong>de</strong> coupable l’a mis en cause en affirmant que<br />
FASHAHO Jean faisait partie <strong>du</strong> groupe <strong>de</strong>s personnes qui ont ramené SINGIZIMANA Léonard<br />
pour le tuer au même endroit que son père et qu’il lui donnait <strong>de</strong>s coups, FASHAHO n’ayant pas<br />
pu contredire cette affirmation à part dire qu’il est injustement mis en cause sans cependant<br />
indiquer le conflit qu’il a avec tous ceux qui le chargent, qu’il ne peut dès lors échapper à la<br />
condamnation car tous ceux qui le chargent, y compris BUGIRIMFURA Emmanuel, affirment<br />
l’avoir vu parmi les assassins <strong>de</strong>s victimes, les faits ayant été perpétrés en plein jour ;<br />
Constate que l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs est elle aussi établie à charge <strong>de</strong>s prévenus<br />
tel que ci- haut démontré car ils ont tous ensemble tué NDAGIJIMANA Alexis et son fils<br />
SINGIZIMANA Léonard, qu’ils doivent en être punis ;<br />
Constate que toutes les infractions établies à charge <strong>de</strong>s prévenus en cette affaire sont en<br />
concours idéal car elles ont été commises dans l’intention <strong>de</strong> détruire le groupe ethnique Tutsi,<br />
ainsi que les Hutu opposés au régime <strong>de</strong> l’époque ;<br />
Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel doit bénéficier d’une diminution <strong>de</strong> la peine car il a<br />
plaidé coupable et présenté ses excuses ;<br />
Constate que RUHANIKA Michel, HABIMANA Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et<br />
FASHAHO Jean doivent être rangés dans la <strong>de</strong>uxième catégorie et que chacun doit être<br />
condamné aux peines les plus sévères ;<br />
170
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
Constate que NYIRAMASUKA Euphrasie et ses enfants se sont tous constitués parties civiles<br />
dans la présente affaire, que leur Conseil, Maître Véronique CHAUVEAU, a démontré le<br />
fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s dommages – intérêts et prouvé l’existence <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> parenté entre les parties<br />
civiles et les victimes, que <strong>de</strong>s dommages-intérêts doivent leur être alloués ex aequo et bono par<br />
le Tribunal car ceux réclamés sont excessifs ;<br />
Constate cependant que seuls les dommages moraux doivent être alloués en cette affaire car,<br />
relativement aux dommages matériels, Maître Véronique CHAUVEAU n’en a pas rapporté la<br />
preuve et que le Ministère Public n’a pas initié l’action publique <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction ou dégradation<br />
<strong>de</strong>s biens qui <strong>de</strong>vrait en constituer la base ;<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;<br />
171<br />
9 ème feuillet.<br />
Vu la Loi Fondamentale, spécialement la Constitution <strong>du</strong> 10 juin 1991 en ses articles 12, 14, 16,<br />
33, 92, 93 et 94 ;<br />
Les Accords <strong>de</strong> Paix d'ARUSHA dans sa partie relative au partage <strong>du</strong> pouvoir spécialement en<br />
ses articles 25, 26 ;<br />
Vu la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou d’autres crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er<br />
octobre 1990 jusqu’au 31/12/1994 en ses articles 2, 4, 6, 14, 15, 16, 17, 19, 24 ;<br />
Vu le Décret-loi n° 09/80 <strong>du</strong> 7 juillet 1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et compétence judiciaires<br />
au Rwanda en ses articles 6, 76, 77, 104, 199, 200 et 201 ;<br />
Vu le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale spécialement en ses articles 58, 73, 76, 80, 90 ;<br />
Vu les articles 281, 282 et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal, Livre II ;<br />
Vu le livre III <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> civil spécialement en ses articles 258 et 259 ;<br />
Déclare recevables l’action <strong>du</strong> Ministère Public et celle <strong>de</strong>s parties civiles car elles sont<br />
régulières en la forme ;<br />
Déclare que le contenu <strong>de</strong>s 3 ème , 4 ème , 5 ème , 6 ème , 7 ème , 9 ème , 10 ème , 11 ème et 12 ème « constate » <strong>du</strong><br />
présent jugement doit être respecté ;<br />
Déclare que BUGIRIMFURA Emmanuel, RUHANIKA Michel, HABIMANA Célestin,<br />
MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean per<strong>de</strong>nt la cause ;<br />
Condamne BUGIRIMFURA à la peine principale <strong>de</strong> 10 ans d’emprisonnement ;<br />
Condamne RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste et<br />
FASHAHO Jean à la peine principale <strong>de</strong> 10 ans d’emprisonnement chacun pour la troisième<br />
infraction ;<br />
Condamne également RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
et FASHAHO Jean à l’emprisonnement à perpétuité pour l’assassinat <strong>de</strong> NDAGIJIMANA<br />
Alexis et son fils SINGIZIMANA Léonard tel qu’explicité dans le 7 ème « constate » <strong>du</strong> présent<br />
jugement, soit à charge <strong>de</strong> chacun, l’emprisonnement à perpétuité qui est une peine plus forte<br />
que celle prévue pour l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, car ces infractions sont en<br />
concours idéal tel que dit dans le 11 ème « constate » ;<br />
Déclare tous les prévenus acquittés <strong>de</strong> l’infraction <strong>de</strong> non-assistance à personnes en danger ;<br />
Condamne tous les prévenus à payer les frais <strong>de</strong> la présente instance s’élevant à 29.750 Frw dans<br />
le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps <strong>de</strong> 30 jours suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée<br />
sur leurs biens ;<br />
Condamne RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste et<br />
FASHAHO Jean à la dégradation civique prévue à l’article 66, 2°, 3° et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre<br />
premier ;<br />
172<br />
10 ème feuillet.<br />
Condamne BUGIRIMFURA Emmanuel, RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel,<br />
MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean à allouer solidairement à NYIRAMASUKA<br />
Euphrasie les dommages moraux évalués à 2.000.000 Frw suite à l’assassinat <strong>de</strong> son mari<br />
NDAGIJIMANA Alexis et payables dès le prononcé <strong>du</strong> présent jugement sous peine d’une<br />
contrainte par corps <strong>de</strong> 30 jours suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur leurs biens ;<br />
Les condamne en outre à lui allouer solidairement les dommages moraux évalués à 800.000 Frw<br />
suite à l’assassinat <strong>de</strong> son fils SINGIZIMANA Léonard et payables dans le délai sous peine<br />
d’une contrainte par corps <strong>de</strong> 30 jours suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur leurs biens ;<br />
Les condamne également à allouer solidairement à NYIRAMASUKA Euphrasie les dommages<br />
moraux <strong>de</strong> 500.000 Frw déterminés ex aequo et bono en faveur <strong>de</strong> chaque enfant encore en vie à<br />
savoir NIWEMWALI Adrie, MUKANYANDWI Annonciata, HAKIZIMANA Bertin,<br />
MUZINDUTSI, NYIRAGARUKA, NIYOMUKESHA Vérène et NKURUNZIZA Célestin, soit<br />
au total 3.500.000 Frw payables dans le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps <strong>de</strong><br />
30 jours suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur leurs biens ;<br />
Leur ordonne <strong>de</strong> payer à NYIRAMASUKA Euphrasie tous les dommages moraux s’élevant à<br />
6.300.000 Frw dans le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps <strong>de</strong> 60 jours suivie <strong>de</strong><br />
l’exécution forcée sur leurs biens ;<br />
Leur ordonne <strong>de</strong> payer solidairement 252.000 Frw représentant le droit proportionnel <strong>de</strong> 4% <strong>de</strong>s<br />
dommages intérêts dans le délai immédiat sinon exécution forcée sur leurs biens ;<br />
Rappelle que le délai pour interjeter appel est <strong>de</strong> 15 jours à compter <strong>du</strong> prononcé ; mais que cela<br />
ne concerne pas BUGIRIMFURA Emmanuel qui a plaidé coupable et présenté ses excuses tel<br />
que prévu par la loi ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 02/04/1999 PAR
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999<br />
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA<br />
LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE<br />
GITARAMA, OU SIEGEAIENT : GAKWAVU Marc, Prési<strong>de</strong>nt ; MUJYAMBERE<br />
Prosper et BIHIBINDI Isidore, Juges, EN PRESENCE DE ARIKA Fré<strong>de</strong>ric, Officier <strong>du</strong><br />
Ministère Public, et USHIZIMPUMU Sylver, Greffier.<br />
SIEGE<br />
Juge Prési<strong>de</strong>nt Juge<br />
MUJYAMBERE Prosper GAKWAVU Marc BIHIBINDI Isidore<br />
(Sé) (sé) (sé)<br />
Greffier<br />
USHIZIMPUMU Sylvère<br />
(sé)<br />
173
174
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE KIBUNGO<br />
175
176
N°7<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> KIBUNGO<br />
<strong>du</strong><br />
22 septembre 2000.<br />
Ministère Public C/ BIZURU André et consorts.<br />
ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION<br />
DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 et 283 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT DE<br />
PORTER LA DEVASTATION DU PAYS, LE MASSACRE ET LE PILLAGE (ART. 168<br />
CP) – AVEUX (COMPLETS; PARTIELS) – CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE ;<br />
ART. 2 L.O. 30/08/1996) – CIRCONSTANCES ATTENUANTES (ART. 83 CP) –<br />
CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE<br />
L'HUMANITE – DOMMAGES ET INTERETS (MORAUX; MATERIELS ; EX ÆQUO<br />
ET BONO) – PEINE (DEGRADATION CIVIQUE; EMPRISONNEMENT A TEMPS;<br />
REDUCTION DE) – PREUVE (ABSENCE DE; VALIDITE DE) – PROCEDURE<br />
D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (APRES POURSUITES : ART. 16<br />
L.O. 30/08/1996 ; AVANT POURSUITES : ART. 15 L.O. 30/08/1996 ; ACCEPTEE<br />
APRES REJET DU MP : ART. 11 L.O. 30/08/1996) – TEMOIGNAGES<br />
(CONTRADICTOIRES; RECUSATION DE).<br />
1. 1 er prévenu – procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité examinée et reçue par le<br />
Tribunal après rejet par le Ministère Public (article 11 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996).<br />
2. 1 er ,2 ème , 3 ème 4 ème , 5 ème , 6 ème , 7 ème , 9 ème et 10 ème prévenus – aveux - infractions établies (crime<br />
<strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, assassinat, attentat ayant pour but <strong>de</strong> porter dévastation, massacres et pillage).<br />
3. 1 er prévenu – aveux – infraction <strong>de</strong> création d’une association <strong>de</strong> malfaiteurs établie<br />
2 ème , 3 ème , 4 ème , 5 ème , 6 ème , 7 ème , 9 ème et 10 ème prévenus – aveux – infraction d’appartenance à<br />
une association <strong>de</strong> malfaiteurs établie.<br />
4. 1 er , 2 ème , 3 ème , 4 ème , 5 ème , 6 ème , 7 ème , 9 ème et 10 ème prévenus – intention délictueuse unique –<br />
concours idéal.<br />
5. 1 er prévenu – <strong>de</strong>uxième catégorie – procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité après<br />
poursuites (article 16 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996) - 15 ans d'emprisonnement et<br />
dégradation civique limitée.<br />
6. 2 ème , 3 ème , 4 ème et 5 ème prévenus – <strong>de</strong>uxième catégorie – procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité avant poursuites (article 15 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996) – 11 ans<br />
d’emprisonnement.<br />
7. 6 ème , 7 ème , 9 ème et 10 ème prévenus – aveux pour la première fois <strong>de</strong>vant le Tribunal –<br />
circonstances atténuantes (article 83 CP) – ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peines.<br />
177
8. 8 ème , 11 ème et 12 ème prévenus – absence <strong>de</strong> preuve – infractions non établies – acquittement<br />
et ordre <strong>de</strong> libération immédiate.<br />
9. Action civile – preuve <strong>du</strong> lien <strong>de</strong> parenté – preuve <strong>de</strong>s dommages subis - dommages et<br />
intérêts ex æquo et bono.<br />
1. En application <strong>de</strong> l’article 11 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996, la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong><br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité réitérée à l’audience par le premier prévenu alors qu’elle avait été<br />
rejetée par le Ministère Public, est examinée par le Tribunal. Les aveux qui décrivent les<br />
circonstances <strong>de</strong>s faits mis à sa charge et indiquent l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s coauteurs et complices sont<br />
conformes à l’article 6 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 et sont reçus par le Tribunal.<br />
2. Sur la base <strong>de</strong>s aveux <strong>recueil</strong>lis dans le cadre <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d’aveux et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité présentées par les 1 er , 2 ème , 3 ème , 4 ème et 5 ème prévenus, et sur la base <strong>de</strong>s aveux<br />
partiels que les 6 ème , 7 ème , 9 ème et 10 ème prévenus ont présentés pour la première fois à<br />
l’audience, sont établies à leur charge les infractions <strong>de</strong> :<br />
- génoci<strong>de</strong>, les prévenus ayant formé un groupe et mené <strong>de</strong>s attaques dans l’intention<br />
<strong>de</strong> détruire le groupe ethnique Tutsi, sachant que <strong>de</strong> tels actes étaient commis dans<br />
tout le pays car il s’agissait <strong>de</strong> la mise à exécution <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> l’autorité suprême <strong>du</strong><br />
pays;<br />
- assassinat, les prévenus reconnaissant leur participation aux assassinat <strong>de</strong> certaines<br />
victimes;<br />
- attentat ayant pour but le pillage, les massacres ou la dévastation, les attaques<br />
menées ayant dévasté le secteur, et les tueries ayant été accompagnées d’actes <strong>de</strong><br />
pillage et <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction.<br />
3. La prévention <strong>de</strong> création d’une association <strong>de</strong> malfaiteurs est établie à l’égard <strong>du</strong> premier<br />
prévenu, qui reconnaît avoir appelé <strong>de</strong>s membres <strong>du</strong> secteur à mener <strong>de</strong>s attaques contre les<br />
Tutsi.<br />
La prévention d’appartenance à une association <strong>de</strong> malfaiteurs est établie à l’égard <strong>de</strong>s 2 ème ,<br />
3 ème , 4 ème , 5 ème , 6 ème , 7 ème , 9 ème et 10 ème prévenus, qui ont participé aux attaques dans<br />
l’intention d’exterminer les Tutsi.<br />
4. Les infractions établies à l’encontre <strong>de</strong>s prévenus procè<strong>de</strong>nt d’une intention délictueuse<br />
unique, celle <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>. Elles sont en concours idéal.<br />
5. Les faits établis à charge <strong>du</strong> premier prévenu le rangent en <strong>de</strong>uxième catégorie. Ses aveux<br />
étant intervenus après poursuites, il est condamné à une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 15 ans<br />
en application <strong>de</strong> l'article 16 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
6. Les faits établis à charge <strong>de</strong>s 2 ème , 3 ème , 4 ème , et 5 ème prévenus qui ont recouru à la procé<strong>du</strong>re<br />
d’aveux et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité avant poursuites, et dont les aveux avaient été acceptés<br />
par le Ministère Public, les rangent en <strong>de</strong>uxième catégorie, et en application <strong>de</strong> l'article 15 <strong>de</strong><br />
la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996, ils sont condamnés à 11 d'emprisonnement chacun.<br />
178
7. Les infractions établies à charge <strong>de</strong>s 6 ème , 7 ème , 9 ème et 10 ème prévenus les rangent en<br />
<strong>de</strong>uxième catégorie. Le fait d’avoir facilité la tâche <strong>du</strong> Tribunal par leurs aveux est<br />
constitutif <strong>de</strong> circonstances atténuantes, et le bénéfice <strong>de</strong>s ré<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong> peine prévues par<br />
l’article 83 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal doit leur être accordé.<br />
Les 6 ème , 9 ème et 10 ème prévenus sont condamnés à une peine d'emprisonnement <strong>de</strong> 16 ans,<br />
tandis que le 7 ème prévenu est condamné à une peine d'emprisonnement <strong>de</strong> 8 ans.<br />
8. En l’absence <strong>de</strong> toute preuve tangible pro<strong>du</strong>ite par le Ministère Public et eu égard au fait<br />
que leurs explications relatives aux conflits personnels qui auraient amené le seul<br />
cinquième coaccusé à persister dans sa mise en cause paraissent crédibles, les préventions<br />
<strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, d’assassinat, d’association <strong>de</strong> malfaiteurs et <strong>de</strong> dévastation ne sont pas<br />
établies à l’encontre <strong>de</strong>s 8 ème , 11 ème et 12 ème prévenus qui plai<strong>de</strong>nt non coupable. Ils en<br />
sont acquittés et leur libération immédiate est ordonnée.<br />
9. Le Tribunal ne peut faire droit à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> dommages moraux réclamés par une<br />
partie civile restée en défaut <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire les pièces établissant son lien <strong>de</strong> parenté avec la<br />
victime. Sont déboutées <strong>de</strong> leur action les parties civiles qui ne se sont pas présentées<br />
<strong>de</strong>vant le Tribunal pour la soutenir. Les dommages et intérêts moraux et matériels sont<br />
fixés par le Tribunal ex æquo et bono.<br />
(NDLR : ce jugement n'a pas été frappé d'appel).<br />
179
180
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre).<br />
181<br />
1 er feuillet.<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIBUNGO, CHAMBRE<br />
SPECIALISEE, SIEGEANT EN MATIERE PENALE, A RENDU CE 22 SEPTEMBRE<br />
2000 LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE : Le Ministère Public<br />
CONTRE :<br />
1. BIZURU André fils <strong>de</strong> MUSASI Pierre et NYIRAMPFAKARAMYE, né en 1943, dans<br />
la cellule BUGARURA, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong><br />
KIBUNGO, y résidant, marié à NYABUHORO Félicité, père <strong>de</strong> 5 enfants, cultivateur, exconseiller,<br />
sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
2. MBWIRUWUMVA Claver fils <strong>de</strong> RUTAZIHANA Pierre et MUKAMUGANGA, né en<br />
1956, dans la cellule KIGABIRO, secteur KAGABIRO, commune GITESI, préfecture<br />
KIBUYE, résidant à RWANTERU, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture<br />
KIBUNGO, veuf, père d’un enfant, <strong>de</strong> nationalité rwandaise, cultivateur, sans biens ni<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
3. BUGINGO Célestin fils <strong>de</strong> RUTOZI Christophe et KAHIRE Valentine, né en 1968, dans<br />
la cellule RWANTERU, commune RUSUMO, Préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, y résidant,<br />
marié à MUREKEYISONI Clotil<strong>de</strong>, père d’un enfant, cultivateur, possédant une<br />
bananeraie, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
4. KABAGEMA Célestin fils <strong>de</strong> NDABATEZE Augustin et MUKAMUZUNGU Léocadie,<br />
né en 1955 dans la cellule RWANTERU, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO<br />
résidant à RUGANDO, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, marié à<br />
MUKABATABAZI Agnès, père <strong>de</strong> trois enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires connus.<br />
5. HABUMUGISHA François fils <strong>de</strong> NTAGASIGUMWAMI et KANYANGE, né en 1969<br />
à RWANTERU, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, y résidant, marié à<br />
NYIRANSABIMANA Victoire, père <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires connus.<br />
6. NZIRORERA François fils <strong>de</strong> BARIGIRA et MUKANGWIJE , né en 1949 à<br />
MUSENYI, secteur MUSENYI, commune GISHYITA, préfecture <strong>de</strong> KIBUYE, résidant à<br />
MUSENYI, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, marié à MUKARUBUGA,<br />
sans enfant, maçon, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
182<br />
2 ème feuillet.<br />
7. BUGINGO Wilson fils <strong>de</strong> GATARAYIHA et MBAMBAGWA, né en 1965, dans la<br />
cellule KAVUZO, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, y résidant, célibataire,<br />
cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
8. SEBAGABO fils <strong>de</strong> BIGAHAGA et KANYANGE, né en 1943 à RWANTERU, secteur<br />
KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, y résidant, marié à<br />
MUKABEZA, père <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus<br />
9. NDARUHUTSE fils <strong>de</strong> NYUZAHAYO et NYANGORE, né en 1958 à RWANTERU,<br />
secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, résidant à RUGANDO,<br />
secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, marié à<br />
MUKARUGINA , père <strong>de</strong> quatre enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus.<br />
10. RUGUMIRE fils <strong>de</strong> UWITONZE et KIBAZANYE, né en 1959 à BUGARURA, secteur<br />
KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, y résidant, marié à<br />
NYIRAMUYINGA, père <strong>de</strong> quatre enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires connus.<br />
11. NSABIMANA Siméon fils <strong>de</strong> BUJEJE et NTIBATAMBE, né en 1962 à BUGARURA,<br />
secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, y résidant, marié à<br />
IYAKAREMYE, père <strong>de</strong> six enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires<br />
connus.<br />
12. BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA fils <strong>de</strong> BITUNGWA et NYIRAWEJEJE, né en<br />
1959 à RWANTERU, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, y<br />
résidant, marié à ZIHINJISHI, père <strong>de</strong> cinq enfants, cultivateur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires connus.<br />
Préventions :<br />
Avoir à KIGINA, commune RUSUMO, préfecture <strong>de</strong> KIBUNGO, République Rwandaise,<br />
entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices, tel que prévu par les<br />
articles 89, 90, 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais livre I, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et d’autres<br />
crimes contre l’humanité, infractions prévues par la Convention internationale <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong><br />
09/12/1948 sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et la Convention internationale <strong>du</strong><br />
26/11/1968 sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité,<br />
toutes ratifiées par le Rwanda, par Décret-loi n° 08/75 <strong>du</strong> 12/02/1975, ainsi que par la Loi<br />
organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
3 ème feuillet.<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, commis <strong>de</strong>s assassinats,<br />
infraction prévue et réprimée par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre II et par la Loi<br />
organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, formé une association <strong>de</strong>
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281 et 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
rwandais Livre II et par la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, commis l’infraction d’attentat<br />
ayant pour but <strong>de</strong> porter la dévastation <strong>du</strong> pays par les massacres ou les pillages,<br />
infraction réprimée par l’article 168 Co<strong>de</strong> pénal rwandais Livre II et par la Loi organique<br />
n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
LE TRIBUNAL:<br />
Vu la lettre n° J/0805/D2/B-a/ND/PRORE par laquelle le Premier substitut <strong>du</strong> Procureur <strong>de</strong> la<br />
République a transmis au Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première<br />
Instance <strong>de</strong> KIBUNGO pour fixation le dossier RMP n°80795/S4/ND à charge <strong>de</strong> BUGINGO<br />
Célestin, KABAGEMA Célestin, BIZURU André, MBWIRUWUMVA Claver,<br />
HABUMUGISHA François, NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, SEBAGABO,<br />
NDARUHUTSE, RUGUMIRE Antoine, NSABIMANA Siméon et BUGINGO Célestin alias<br />
KAYIJUKA ;<br />
Vu que le dossier a été enregistré au rôle sous le n° RP 0152/EX/R3/00/KGO, que le<br />
Prési<strong>de</strong>nt a pris l’ordonnance fixant l’audience itinérante à la date <strong>du</strong> 11/09/2000 au Centre<br />
Communal <strong>de</strong> Développement et <strong>de</strong> Formation Permanente <strong>de</strong> la commune RUSUMO, que<br />
notification en a été faite aux prévenus et au Ministère Public ;<br />
Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître MUNYANKINDI, le<br />
Ministère Public étant représenté par MBAYIHA MUSAFIRI Pierre ;<br />
Vu que dans cette affaire, la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong><br />
MBWIRUMVA CLAVER, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et<br />
HABUMUGISHA a été acceptée par le Ministère Public, que malgré le rejet par le Ministère<br />
Public <strong>de</strong>s aveux <strong>de</strong> BIZURU André, celui-ci a confirmé sa volonté d’y recourir <strong>de</strong>vant le<br />
Tribunal qui le lui a accordé, tandis que BUGINGO Wilson, NZIRORERA François,<br />
SEBAGABO, NDARUHUTSE, RUGUMIRE Antoine, NSABIMANA Siméon et BUGINGO<br />
Célestin alias KAYIJUKA ont plaidé suivant la procé<strong>du</strong>re prévue à l’article 76 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Procé<strong>du</strong>re Pénale ;<br />
183<br />
4 e feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public présente son réquisitoire à charge <strong>de</strong> MBWIRUWUMVA,<br />
BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le greffier fait lecture <strong>de</strong>s procès verbaux <strong>de</strong>s aveux <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong><br />
MBWIRUWUMVA, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, et HABUMUGISHA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MBWIRUWUMVA, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et<br />
HABUMUGISHA reconnaissent chacun qu’ils n’ont été soumis à aucune contrainte pour<br />
recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité et qu’ils ont commis ces<br />
infractions sachant que <strong>de</strong> tels actes étaient perpétrés dans d’autres régions <strong>du</strong> pays, qu’ils ont<br />
été informés <strong>de</strong> la catégorie dans laquelle les rangent ces infractions et <strong>du</strong> fait que le jugement<br />
consécutif à la procé<strong>du</strong>re d’aveu n’est pas susceptible d’appel ;
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
Atten<strong>du</strong> que BIZURU André décrit <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong>s faits à sa charge et indique l’i<strong>de</strong>ntité<br />
<strong>de</strong> ses coauteurs et complices, qu’il plai<strong>de</strong> coupable d’avoir dirigé l’expédition au cours <strong>de</strong><br />
laquelle NYIRANDORA a été assassiné, d’avoir encadré le génoci<strong>de</strong> dans le secteur KIGINA<br />
et d’avoir fait partie <strong>de</strong> groupes <strong>de</strong> malfaiteurs dont le but était <strong>de</strong> porter atteinte aux Tutsi et à<br />
leurs propriétés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NZIRORERA François plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, d’assassinat, d’association<br />
<strong>de</strong> malfaiteurs et d’attentat ayant pour but <strong>de</strong> porter la dévastation <strong>du</strong> pays par les massacres<br />
et les pillages en disant qu’il a pris part à l’expédition au cours <strong>de</strong> laquelle NYIRANDORA a<br />
été tuée sur ordre d’un militaire dont il ignore le nom, qu’il a prêté main forte à ceux qui ont<br />
tué MUTYARA l’épouse <strong>de</strong> BUHANDA Louis, NYABUKUMI, GASHONGO et plus <strong>de</strong> 30<br />
autres victimes, qu’il a pillé <strong>de</strong>s tôles chez MUDARA, qu’il a commis tous ces actes après en<br />
avoir enten<strong>du</strong> parler à la radio et qu’il y a été incité par BIZURU qui était conseiller <strong>de</strong><br />
secteur, MBWIRUWUMVA, HABUMUGISHA, KABAGEMA et NYUZAHAYO ainsi<br />
qu’un militaire dont il ignore le nom ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BUGINGO Wilson plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong>s faits qui lui sont reprochés et dit qu’il<br />
faisait partie <strong>de</strong> l’attaque qui était dirigée par HABUMUGISHA et au cours <strong>de</strong> laquelle<br />
MUTYARA a été tuée ainsi que <strong>de</strong> celle qui a été menée chez sa marâtre qui était <strong>de</strong> l’ethnie<br />
Tutsi, qu’il a fait partie d’un groupe <strong>de</strong> malfaiteurs quand, au lieu <strong>de</strong> se rendre à son travail à<br />
la paroisse, il s’est joint à HABUMUGISHA et d’autres pour tuer MUTYARA en raison <strong>de</strong><br />
son ethnie, qu’il reconnaît sa part <strong>de</strong> responsabilité dans l’attentat ayant pour but <strong>de</strong> porter la<br />
dévastation <strong>du</strong> pays, mais nie toute participation aux actes <strong>de</strong> pillage ;<br />
184<br />
5 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que SEBAGABO plai<strong>de</strong> non coupable et dit qu’il était lui-même menacé par ses<br />
frères utérins dont HABUMUGISHA qui lui en voulaient <strong>du</strong> fait qu’il est né d’un père Tutsi<br />
et en sont arrivés à le chasser pour cette raison, que c’est à cause <strong>de</strong> cette haine qu’ils ont<br />
envers lui qu’ils l’ont mis sur la liste <strong>de</strong>s auteurs <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> alors qu’il n’y a pas pris part et<br />
ne peut aucunement être inculpé <strong>de</strong> pillage ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense, NDARUHUTSE plai<strong>de</strong> coupable d’avoir participé à l’attaque au<br />
cours <strong>de</strong> laquelle Vasta et ses <strong>de</strong>ux enfants ont été tués sachant que le but était d’exterminer<br />
les Tutsi, ainsi qu’à celle au cours <strong>de</strong> laquelle GATARE, KAZINGO, NYIRABAJE et<br />
Daphrose ont été tués, qu’il plai<strong>de</strong> également coupable <strong>de</strong> dévastation <strong>de</strong> son secteur <strong>de</strong><br />
KIGINA par les massacres et <strong>de</strong> participation au pillage ;<br />
Atten<strong>du</strong> que RUGUMIRE Antoine plai<strong>de</strong> coupable d’avoir participé à l’attaque au cours <strong>de</strong><br />
laquelle Litira a été tuée sous la direction <strong>de</strong> NGOBOKA et à celle au cours <strong>de</strong> laquelle<br />
ZIHINJISHI et son enfant ainsi que GAKWAYA ont été tués, qu’il a agi sous l’influence <strong>du</strong><br />
pouvoir en place ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSABIMANA Siméon plai<strong>de</strong> non coupable et nie toute participation au<br />
génoci<strong>de</strong> en disant qu’il était lui-même menacé car il était suspecté <strong>de</strong> verser <strong>de</strong>s cotisations<br />
au FPR, que HABUMUGISHA le met en cause par vengeance parce qu’il n’a pas honoré la<br />
promesse qu’il lui avait faite en compagnie d’un militaire dont il ignore le nom <strong>de</strong> leur donner<br />
une vache s’il parvenait à échapper au génoci<strong>de</strong>, tandis que BUGINGO Wilson l’incrimine<br />
pour qu’il soit emprisonné comme eux ;
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense, BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA dit qu’il reconnaît que le<br />
génoci<strong>de</strong> a eu lieu mais nie son implication, qu’il dit qu’il était tout le temps à son travail à la<br />
station service <strong>de</strong> RWANTERU où il était chargé <strong>de</strong> veiller sur les véhicules jour et nuit,<br />
faisait la gar<strong>de</strong> jour et nuit, que HABUMUGISHA le charge à tort à cause <strong>de</strong>s relations<br />
conflictuelles entre leurs familles ayant pour origine le viol que HABUMUGISHA a commis<br />
sur sa sœur ;<br />
6 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public requiert la peine <strong>de</strong> mort et<br />
celle <strong>de</strong> dégradation civique à charge <strong>de</strong> BIZURU André, la peine <strong>de</strong> 20 ans<br />
d’emprisonnement à l’encontre <strong>de</strong> BUGINGO, KAYIJUKA (sic), NDARUHUTSE,<br />
NSABIMANA Siméon et SEBAGABO, 11 ans d’emprisonnement à charge <strong>de</strong> KABAGEMA<br />
et MBWIRUWUMVA, 12 ans d’emprisonnement à charge <strong>de</strong> NZIRORERA, 9 ans<br />
d’emprisonnement à charge <strong>de</strong> BUGINGO Célestin et HABUMUGISHA François, 8 ans<br />
d’emprisonnement à charge <strong>de</strong> BUGINGO Wilson alias KAYIJUKA (sic) ainsi que leur<br />
condamnation au paiement <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> justice, l’action civile étant laissée à la diligence <strong>de</strong>s<br />
parties civiles ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les parties civiles en cette affaire disent que les dommages et intérêts réclamés<br />
sont fondés sur la perte <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> leur famille qui ont été tués par les prévenus qui ont<br />
par ailleurs dégradé leurs biens ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin,<br />
HABUMUGISHA et BIZURU sont invités à présenter leur défense sur l’action civile et que<br />
chacun dit qu’il n’a rien à ajouter sinon présenter <strong>de</strong>s excuses, que les dommages-intérêts<br />
réclamés sont justifiés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BUGINGO Wilson, NZIRORERA François, NDARUHUTSE et RUGUMIRE<br />
Antoine disent eux aussi qu’ils présentent leurs excuses et acceptent <strong>de</strong> payer les dommagesintérêts<br />
réclamés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon,<br />
disent qu’ils sont victimes d’une injustice car ils n’ont commis aucune infraction, qu’ils<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à être rétablis dans leurs droits ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître MUNYANKINDI Joseph, avocat <strong>de</strong> la défense, dit que ses clients sont en<br />
<strong>de</strong>ux catégories à savoir ceux qui ont fait recours à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité et ceux qui ont plaidé selon la procé<strong>du</strong>re ordinaire, que ceux qui plai<strong>de</strong>nt coupable<br />
doivent bénéficier d’une ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine et que ceux contre lesquels le Ministère Public<br />
n’a pas rapporté <strong>de</strong> preuves doivent être libérés ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Tribunal reçoit les aveux <strong>de</strong> BIZURU, MBWIRUWUMVA Claver,<br />
BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA François ;<br />
Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste qu’à dire le droit ;<br />
185<br />
7 ème feuillet.<br />
Constate que le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est établi à charge <strong>de</strong> BIZURU André, BUGINGO<br />
Célestin, KABAGEMA Célestin, MBWIRUWUMVA Claver, HABUMUGISHA François,
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine car<br />
BIZURU André, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, MBWIRUWUMVA Claver et<br />
HABUMUGISHA François ont tous avoué tant <strong>de</strong>vant le Ministère Public que <strong>de</strong>vant le<br />
Tribunal en disant qu’au début <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> en 1994, ils ont formé un groupe et ont mené <strong>de</strong>s<br />
attaques dans tous les coins <strong>du</strong> secteur KIGINA à la recherche <strong>de</strong>s Tutsi qu’ils chassaient<br />
comme <strong>de</strong>s animaux partout où ils étaient, que leur intention était <strong>de</strong> détruire le groupe<br />
ethnique Tutsi sachant que <strong>de</strong> tels actes étaient commis dans tout le pays car il s’agissait <strong>de</strong> la<br />
mise à exécution <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> l’autorité suprême <strong>du</strong> pays et qu’ils ne s’attendaient pas à subir<br />
les conséquences <strong>de</strong> leurs actes ;<br />
Constate que le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est établi à charge <strong>de</strong> NZIRORERA François, BUGINGO<br />
Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine car, dans leur défense, ils avouent avoir<br />
participé aux attaques menées contre les Tutsi dans le secteur KIGINA, munis d’armes<br />
traditionnelles et sachant que <strong>de</strong> tels actes étaient commis dans tout le pays ;<br />
Constate que le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> n’est pas établi à charge <strong>de</strong> BUGINGO Célestin alias<br />
KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère Public ne rapporte pas<br />
<strong>de</strong> preuves tangibles <strong>de</strong> leur véritable part <strong>de</strong> responsabilité dès lors que, même si<br />
HABUMUGISHA François dit qu’ils ont participé aux attaques à ses cotés, il n’indique pas<br />
un quelconque acte répréhensible qu’ils auraient commis avec lui, et que même<br />
MUKABUGINGO, partie civile, dit avoir vu NSABIMANA dans trois attaques sans indiquer<br />
cependant l’acte criminel concret que l’intéressé aurait commis ;<br />
Constate que l’infraction d’assassinat est établie à charge <strong>de</strong> BIZURU André,<br />
MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, HABUMUGISHA<br />
François, NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE<br />
Antoine car chacun d’eux reconnaît sa participation aux assassinats <strong>de</strong>s victimes qui ont été<br />
tuées à savoir NYIRANDORA, Vasta et ses trois enfants, MUTYARA l’épouse <strong>de</strong> Louis, 9<br />
membres <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> RITIRA, ZIHINJISHI et son enfant, GAKWAYA et beaucoup<br />
d’autres ;<br />
186<br />
8 eme feuillet.<br />
Constate que l’infraction d’assassinat n’est pas établie à charge <strong>de</strong> BUGINGO Célestin alias<br />
KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère public n’a pas présenté<br />
<strong>de</strong>s preuves tangibles à leur charge surtout que les prévenus ont rapporté au Tribunal les<br />
raisons qui poussent HABUMUGISHA à les mettre en cause et notamment qu’il n’était pas<br />
en bons termes avec SEBAGABO au motif que celui-ci est son frère utérin si bien que même<br />
le mari <strong>de</strong> la mère <strong>de</strong> l’intéressé le persécutait en lui disant <strong>de</strong> quitter les propriétés foncières<br />
<strong>de</strong> ses enfants, tandis que BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA a dit que HABUMUGISHA<br />
a violé sa sœur qui était encore mineure, ce que ce <strong>de</strong>rnier a reconnu et qui a été à l’origine<br />
d’un climat <strong>de</strong> haine entre les <strong>de</strong>ux familles, NSABIMANA ayant quant à lui invoqué son<br />
refus <strong>de</strong> leur donner la vache qu’il leur avait promise pour qu’ils ne le tuent pas car ils<br />
disaient qu’il versait <strong>de</strong>s cotisations au FPR ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> création d’une association <strong>de</strong> malfaiteurs est établie à charge <strong>de</strong><br />
BIZURU André seul car il avoue avoir, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un militaire dont il ignore le nom,<br />
appelé quelques-uns <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la population qui habitait le secteur dont il était le<br />
conseiller à prendre part aux attaques visant les Tutsi et notamment NYIRANDORA et
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
d’autres, que MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin,<br />
HABUMUGISHA François, NIZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE<br />
et RUGUMIRE Antoine ne sont coupables que d’avoir été membres d’une association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs car ils avouent avoir volontairement participé aux attaques qui ont coûté la vie à<br />
NYIRANDORA , MUTYARA, Vasta et d’autres victimes dans l’intention d’exterminer les<br />
Tutsi ;<br />
Constate que l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs n’est pas établie à charge <strong>de</strong><br />
BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA car le Ministère<br />
Public n’a pas rapporté <strong>de</strong> preuves tangibles à leur charge mis à part la déclaration <strong>de</strong><br />
HABUMUGISHA qui a fait recours à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité,<br />
qu’il est inconcevable qu’il soit le seul <strong>de</strong>s 12 prévenus à affirmer que les intéressés ont pris<br />
part aux attaques alors que ses autres coprévenus ne les mettent pas en cause, surtout que<br />
BUGINGO qui au début incriminait NSABIMANA s’est rétracté par la suite et a dit<br />
publiquement l’avoir mis injustement en cause ;<br />
Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but <strong>de</strong> porter la dévastation <strong>du</strong> pays par les<br />
massacres et les pillages est établie dans le chef <strong>de</strong> BIZURU André, MBIRUWUMVA<br />
Claver, HABUMUGISHA, RUGUMIRE Antoine, BUGINGO Wilson, NDARUHUSTE,<br />
NZIRORERA François, KABAGEMA Célestin et BUGINGO Célestin, car ils avouent tous<br />
que les attaques qu’ils ont menées ont dévasté le secteur KIGINA et que les tueries<br />
auxquelles ils se sont livrés étaient accompagnées d’actes <strong>de</strong> pillage et <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction ;<br />
187<br />
9 ème feuillet.<br />
Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but <strong>de</strong> porter la dévastation <strong>du</strong> pays par les<br />
massacres et les pillages n’est pas établie à charge <strong>de</strong> BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA,<br />
SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car il ressort <strong>de</strong>s déclarations sur lesquelles s’appuie<br />
le Ministère Public à savoir celles <strong>de</strong> BUGINGO Wilson et HABUMUGISHA, que<br />
BUGINGO dit au Tribunal qu’il a menti tandis que HABUMUGISHA maintient sa position<br />
en affirmant qu’ils étaient ensemble dans les attaques, que cette contradiction entre les <strong>de</strong>ux<br />
déclarations provoque dans l’esprit <strong>du</strong> Tribunal le doute qui doit profiter aux prévenus ;<br />
Constate que pour les dommages et intérêts, ils doivent être alloués ex aequo et bono à<br />
quelques unes <strong>de</strong>s parties civiles ainsi qu’il suit ;<br />
1. A BUHANDA Louis et ses 5 enfants :<br />
les dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> son épouse<br />
MUKAMUVARA Colette alias MUTYARA : 2.000.000 Frw<br />
dommages matériels pour : <strong>de</strong>ux maisons détruites 1.000.000 Frw<br />
le matériel ménager 200.000 Frw<br />
Total 3.200.000 Frw<br />
a. A KAYITARAMIRWA Jeannette : dommages moraux pour<br />
la perte <strong>de</strong> sa mère MUKAMUVARA Colette 1.500.000 Frw<br />
b. KARANGWA Diogène : dommages et intérêt moraux pour<br />
la perte <strong>de</strong> sa mère MUKAMUVARA 1.500.000 Frw
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
c. KAYITESI Josiane : dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> sa mère<br />
MUKAMUVARA 1.500.000 Frw<br />
d. KAYIRANGWA Louise : dommages moraux pour la perte<br />
<strong>de</strong> sa mère MUKAMUVARA 1.500.000 Frw<br />
N.B : Total <strong>de</strong>s dommages moraux alloués à ses 5 enfants 7.500.000 Frw<br />
2. A KAGABO Augustin : dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> :<br />
-BARAMUKUNDA 800.000 Frw<br />
- Son grand frère GASHIRABAMBA 800.000 Frw<br />
- Son neveu MUDAHERAMWA 500.000 Frw<br />
- Son neveu NKURUNZIZA 500.000 Frw<br />
Les dommages matériels pour :<br />
- Une maison 200.000 Frw<br />
- Le matériel ménager et récoltes 1.000.000 Frw<br />
- Le bétail 1.000.000 Frw<br />
Total <strong>de</strong>s dommages et intérêts 3.900.000 Frw<br />
3. A HAVUGIMANA Egi<strong>de</strong> : les dommages moraux pour<br />
la perte <strong>de</strong> :<br />
- Son père KABUTO 1.500.000 Frw<br />
- Sa mère NIBOGORE Vasta 1.500.000 Frw<br />
- Son petit frère NKURUNZIZA 800.000 Frw<br />
188<br />
10 eme feuillet.<br />
- Son petit frère BAVUGE 800.000 Frw<br />
- Sa sœur NIRERE 800.000 Frw<br />
- Sa sœur NIKUZE 800.000 Frw<br />
Dommages matériels pour :<br />
- Deux maisons 800.000 Frw<br />
- Le matériel ménager 80.000<br />
Frw<br />
- Le bétail (14 vaches et 15 chèvres) 555.000 Frw<br />
Le total <strong>de</strong> dommages et intérêts 7.630.000 Frw<br />
4. BAZIZANE : les dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> :<br />
- Son père GASHONGO 1.500.000 Frw<br />
- Son frère GISAGARA 800.000 Frw<br />
- Son frère HAKIZAMUNGU 800.000 Frw<br />
- Son frère MUREKEZI 800.000 Frw<br />
Les dommages matériels pour :<br />
- Deux maisons 250.000 Frw<br />
- Le matériel ménager 90.000 Frw<br />
Total 4.270.000 Frw
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
5. MUKAMAHIRANE : Les dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> :<br />
- Son frère GATARE 800.000 Frw<br />
- Son neveu MUGIRANEZA 500.000 Frw<br />
- Son neveu KAREKEZI 500.000 Frw<br />
- Son neveu NYIRANSABIYEZE 500.000 Frw<br />
- Son neveu UWINGABIRE 500.000 Frw<br />
- Son neveu MUKANDERA 500.000 Frw<br />
- Son neveu TWAHIRWA 500.000 Frw<br />
- Son neveu MUKAMWEZI 500.000 Frw<br />
- Son neveu MUKAMUSONI 500.000 Frw<br />
- Sa belle sœur CYIZA 500.000 Frw<br />
6. MUGENDANEZA : les dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> :<br />
- GASHIRABAMBA 2.000.000 Frw<br />
- Son fils GAKURU 1.000.000 Frw<br />
- Son fils BUTOTO 1.000.000 Frw<br />
Les dommages matériels pour :<br />
- Les biens endommagés 600.000 Frw<br />
- 15vaches, 15poules 765.000 Frw<br />
- Matériel ménager 40.000<br />
Frw<br />
Total 5.405.000 Frw<br />
7. MUKAGATARE :<br />
- Des dommages moraux ne peuvent lui être alloués pour la perte <strong>de</strong> NYIRABUKOKO<br />
car elle n’a pas pro<strong>du</strong>it les pièces justifiant ses liens <strong>de</strong> parenté avec elle. Il lui est<br />
alloué <strong>de</strong>s dommages matériels équivalent à ses 10.000Frw qui ont été pillés.<br />
189<br />
11 eme feuillet.<br />
7. MUKABUGINGO Claudine : Dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> :<br />
- Sa mère NYABUKUMI<br />
- Son oncle GATARE 500.000 Frw<br />
Dommages matériels pour :<br />
- Une maison 80.000 Frw<br />
- 6 chèvres et 8 poules 70.000 Frw<br />
- Le matériel ménager<br />
30.000 Frw<br />
- Des récoltes ( Haricot, arachi<strong>de</strong>, 2sacs <strong>de</strong> sorgho) 60.000 Frw<br />
Total 2.240.000 Frw<br />
8. NYAMURINDA Faustin : Dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> :<br />
- Sa femme NIRERE 2.000.000 Frw<br />
- Son enfant MUSHIMIYIMANA 1.000.000 Frw<br />
- Son frère MUNANIRA 800.000 Frw<br />
- Son frère MUHIGIRWA 800.000 Frw<br />
- Sa sœur MUKABATABAZI 800.000 Frw<br />
Dommages matériels pour
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
- Une maison en paille 40.000 Frw<br />
- 7 chèvres et 20 poules 55.000 Frw<br />
- Le matériel ménager et les récoltes 80.000 Frw<br />
Total 575.000 Frw<br />
9. NKUBA Ignace : Dommages moraux pour la perte <strong>de</strong> :<br />
- Son père GASHIRABAMBA 1.500.000 Frw<br />
- Son frère BUTOTO 800.000 Frw<br />
- Son frère GAKURU 800.000 Frw<br />
Dommages matériels pour :<br />
- Une maison 200.000 Frw<br />
- 5 chèvres 35.000 Frw<br />
- Le matériel ménager 18.000<br />
Frw<br />
Total 3.318.000 Frw<br />
Il n’y a pas <strong>de</strong> dommages et intérêts pour 15 vaches et 15 poules, car ils ont été alloués à sa<br />
mère MUGENDANEZA.<br />
10. NGENDAHIMANA Justin : Dommages moraux pour la perte <strong>de</strong><br />
sa mère NYABUKUMI 1.500.000 Frw<br />
Dommages matériels pour :<br />
- Une maison 80.000 Frw<br />
- 8 chèvres 70.000 Frw<br />
- Le matériel ménager 70.000<br />
Frw<br />
- Les récoltes (petits poids, sorgho, arachi<strong>de</strong> et haricot) 50.000 Frw<br />
Total 1.770.000 Frw<br />
11. MUKAKAMARI : Dommages moraux pour la perte <strong>de</strong><br />
son mari GAKOBOGO 2.000.000 Frw<br />
Dommages matériels pour :<br />
- Une maison 350.000 Frw<br />
- 5 vaches, 2 moutons, 8 chèvres 250.000 Frw<br />
- Matériel <strong>de</strong> couchage 30.000 Frw<br />
Total 2.630.000 Frw<br />
190<br />
12 eme feuillet.<br />
Constate que <strong>de</strong>s dommages et intérêts ne peuvent être alloués à MUKAMURUTA,<br />
MUSABYEMARIYA et KAREGEYA car ils ne se sont pas présentés pour soutenir leur<br />
action ;<br />
Constate que les infractions à charge <strong>de</strong> BIZURU André, MBWIRUWUMVA Claver,<br />
BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, HABUMUGISHA François, NZIRORERA<br />
François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE sont en concours idéal car<br />
elles procè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’intention délictueuse unique <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que les infractions retenues à leur charge les rangent dans la <strong>de</strong>uxième catégorie<br />
prévue par l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
Constate que sur base <strong>de</strong> l’article 15 <strong>de</strong> la même Loi organique, MBWIRUWUMVA Claver,<br />
BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA François doivent<br />
bénéficier d’une diminution <strong>de</strong> peine et que BIZURU doit bénéficier d’une ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> la<br />
peine en vertu <strong>de</strong> l’article 16 <strong>de</strong> cette loi ;<br />
Constate que sur base <strong>de</strong> l’article 83 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, NZIRORERA François,<br />
RUGUMIRE, BUGINGO Wilson et NDARUHUTSE doivent bénéficier d’une diminution <strong>de</strong><br />
peine car ils ont facilité la tâche <strong>du</strong> Tribunal par leur aveux ;<br />
Constate qu’aucune infraction n’est établie à charge <strong>de</strong> BUGINGO Célestin alias<br />
KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon ;<br />
PAR CES MOTIFS , STATUANT PUBLIQUEMENT ET<br />
CONTRADICTOIREMENT ;<br />
Vu la Convention internationale <strong>du</strong> 09/12/1948 ratifiée par le Décret loi n° 08/75 <strong>du</strong><br />
12/02/1975 ;<br />
Vu la Convention internationale <strong>du</strong> 26/11/1968 ratifiée par le Décret loi n° 08/75 <strong>du</strong><br />
12/02/1975 ;<br />
Vu le Statut <strong>du</strong> Tribunal Pénal International pour le Rwanda ;<br />
191<br />
13 eme feuillet.<br />
Vu la Loi fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise, spécialement la Constitution <strong>du</strong> 10 juin<br />
1991 en ses articles 12, 14, 33, 91, 92, 93, 94, ainsi que les articles 25 et 26 <strong>du</strong> Protocole <strong>de</strong>s<br />
Accords <strong>de</strong> Paix d’ARUSHA <strong>du</strong> 30/10/1992 sur le partage <strong>du</strong> pouvoir et l’article 6 <strong>de</strong> la<br />
révision <strong>de</strong> la Loi fondamentale <strong>du</strong> 18/01/1996 ;<br />
Vu le Décret-loi n° 09/80 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et compétences judiciaires tel que<br />
confirmé par le Décret-loi n° 08/82 <strong>du</strong> 26/01/1982 modifié par la Loi organique n° 12/1985 et<br />
le Décret-loi n° 002/94 <strong>du</strong> 28/11/1994 spécialement en ses articles 6, 12, 77, 104, 129, 139,<br />
200 et 201 ;<br />
Vu la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> spécialement en ses articles 1, 2, 20, 21, 24, 30, 39, 15 ;<br />
16, 39 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée partiellement<br />
par les Décrets lois n° 01/82 et n°12/84 respectivement <strong>du</strong> 26/01/1982 et <strong>du</strong> 12/05/1984,<br />
modifiée également par la loi n°31/85 <strong>du</strong> 08/11/1985, spécialement en ses articles 16, 17, 19,<br />
58, 59, 61, 62, 63, 73, 76, 90, 95, 121, 130, 133 et 138 ;<br />
Vu les articles 281, 282, 93, 83, 168 et 450 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;<br />
Déclare recevable l’action <strong>du</strong> Ministère Public et la dit fondée ;<br />
Condamne BIZURU André à la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 15 ans et à la dégradation civique<br />
prévue par l’article 66 , 2°, 3° et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000<br />
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO<br />
Condamne MBWIRUWUMVA Claver, HABUMUGISHA François, KABAGEMA Célestin<br />
et BUGINGO Célestin à la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 11 ans chacun ;<br />
Condamne NZIRORERA François, RUGUMIRE Antoine et NDARUHUTSE à la peine<br />
d’emprisonnement <strong>de</strong> 16 ans chacun ;<br />
Condamne BUGINGO Wilson alias KAJWIGIRA à la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 8 ans ;<br />
192<br />
14 eme feuillet.<br />
Ordonne à BIZURU André, NZIRORERA François, RUGUMIRE Antoine,<br />
MBWIRUWUMVA, HABUMUGISHA, KABAGEMA Célestin, BUGINGO Célestin,<br />
NDARUHUSTE et BUGINGO Wilson <strong>de</strong> payer 45.900Frs <strong>de</strong> frais <strong>de</strong> justice, soit 3.825Frs<br />
chacun dans le délai légal et édicte une contrainte par corps <strong>de</strong> 35 jours suivie <strong>de</strong> l’exécution<br />
forcée sur leurs biens, met 11.475Frs <strong>de</strong> frais à charge <strong>du</strong> Trésor Public ;<br />
Ordonne la libération immédiate <strong>de</strong> BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et<br />
NSABIMANA ;<br />
Déclare que ce jugement n’est pas susceptible d’appel pour BIZURU André,<br />
HABUMUGISHA François, KABAGEMA Célestin, BUGINGO Célestin et<br />
MBWIRUWUMVA Claver qui ont fait recours à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité, et que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours à dater <strong>du</strong> prononcé pour NZIRORERA<br />
François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 22/09/2000 AU<br />
CENTRE COMMUNAL DE DEVELOPPEMENT ET DE FORMATION<br />
PERMANENTE DE RUSUMO PAR LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE<br />
KIBUNGO, CHAMBRE SPECIALISEE OU SIEGEAIENT : MUSAFIRI Ephrem,<br />
Prési<strong>de</strong>nt, MUKWAYA RUSATIRA Jean ET MUHIZI RUZEZWA Moïse, Juges, EN<br />
PRESENCE DE L’OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC MUSAFIRI MBAYIHA<br />
Pierre ET DU GREFFIER NDACYAYISENGA Jean Paul.<br />
JUGE PRESIDENT JUGE<br />
MUHIZI R Moïse MUSAFIRI Ephrem MUKWAYA R. Jean<br />
(sé) (sé) (sé)<br />
GREFFIER<br />
NDACYAYISNGA Jean Paul.
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE KIBUYE<br />
193
194
N° 8<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> KIBUYE<br />
<strong>du</strong><br />
22 mars 2000.<br />
Ministère Public C/ BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard.<br />
ACQUITTEMENT − ASSASSINAT (ART. 312 CP) − ASSOCIATION DE<br />
MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) − CATEGORISATION (4 ème<br />
CATEGORIE ; ART. 2 L.O. 30/8/96) − CRIME DE GENOCIDE − DOUTE (BENEFICE<br />
DU ; ART. 77 CP) − DROITS DE LA DEFENSE (DROIT D'ÊTRE ASSISTE PAR UN<br />
AVOCAT) − PEINE ( 5 ANS DE PRISON AVEC SURSIS) − PREUVE (ABSENCE DE;<br />
INSUFFISANCE DE) − RESPONSABILITE INDIVIDUELLE − TEMOIGNAGES (A<br />
CHARGE; A DECHARGE; CONTRADICTOIRES).<br />
1. Remises − droit d'être assisté d'un avocat.<br />
2. 1 er prévenu − témoignages à charge contradictoires − absence <strong>de</strong> preuve <strong>du</strong> Ministère<br />
Public - doute sur la culpabilité - infractions non établies - acquittement et ordre <strong>de</strong><br />
libération immédiate.<br />
3. 2 ème prévenu − témoignages à charge indirects − témoin oculaire inconstant et témoignages<br />
contradictoires − infractions d'assassinat et crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> non établies.<br />
4. 2 ème prévenu − aveu <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> pillée − témoignage concordant à l'aveu<br />
- infraction d'association <strong>de</strong> malfaiteurs (en vue <strong>de</strong> piller) établie. − 4 ème catégorie − 5 ans<br />
<strong>de</strong> prison avec sursis pendant 4 ans.<br />
1. Le Tribunal déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> plusieurs remises afin <strong>de</strong> permettre aux prévenus d'être assistés d'un<br />
avocat.<br />
2. Les infractions d'assassinat, d’association <strong>de</strong> malfaiteurs et <strong>de</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> sont<br />
déclarées non établies à charge <strong>du</strong> premier prévenu car:<br />
− Même si certaines victimes ont été tuées <strong>de</strong>vant le domicile <strong>de</strong> ce prévenu, comme il le<br />
reconnaît, rien ne permet <strong>de</strong> retenir qu'il porte une part <strong>de</strong> responsabilité dans ces crimes<br />
dès lors que les déclarations <strong>de</strong>s témoins à charge divergent quant au rôle qu’il aurait joué.<br />
− Les témoignages qui chargent ce prévenu ne sont pas probants, car ils émanent <strong>de</strong>s<br />
personnes que le prévenu a dénoncées auparavant pour les actes criminels qu'elles ont<br />
commis.<br />
− Le Ministère Public est resté en défaut <strong>de</strong> prouver que le prévenu a pris part aux attaques<br />
volontairement, et non sous la contrainte, et qu'il est arrivé au lieu <strong>de</strong> l'attaque. Les<br />
contradictions dans les témoignages à charge et l'absence <strong>de</strong> preuve <strong>de</strong> la part <strong>du</strong> Ministère<br />
Public font subsister un doute quant à la culpabilité <strong>du</strong> 1 er prévenu. Le Tribunal l'acquitte<br />
au bénéfice <strong>de</strong> ce doute et ordonne sa libération immédiate.<br />
195
3. Les infractions d'assassinat et <strong>de</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ne sont pas retenues à charge <strong>du</strong> 2 ème<br />
prévenu car:<br />
− Les témoignages qui le chargent sont indirects, et aucun <strong>de</strong>s témoins n'affirme l'avoir vu<br />
parmi ceux qui ont emmené l'une <strong>de</strong>s victimes qu'il est accusé d'avoir assassinée.<br />
− La déclaration d’un témoin poursuivi par ailleurs ne peut être tenue pour crédible car il est<br />
lui-même poursuivi pour l'assassinat <strong>de</strong>s mêmes victimes et se contredit, proposant<br />
plusieurs versions divergentes <strong>de</strong>s faits. Ce même témoignage diverge d'avec celui <strong>de</strong> la<br />
personne qui cachait les victimes et qui ne met point en cause le second prévenu.<br />
4. Le second prévenu a avoué avoir consommé <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vaches qui ont été pillées chez<br />
les victimes, ceci étant confirmé par un témoignage. Le Tribunal retient comme établie<br />
l'infraction d'association <strong>de</strong> malfaiteurs (en vue <strong>de</strong> pillage). Au regard <strong>de</strong> la seule infraction<br />
d'association <strong>de</strong> malfaiteurs retenue à sa charge, le Tribunal range le second prévenu en<br />
quatrième catégorie, et le condamne à une peine <strong>de</strong> cinq ans <strong>de</strong> prison avec sursis pendant<br />
quatre ans.<br />
(NDLR: cette décision n'a pas été frappée d'appel).<br />
196
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000<br />
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
197<br />
1 er Feuillet.<br />
LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE<br />
KIBUYE, Y SIEGEANT AU PREMIER DEGRE EN MATIERE DE GENOCIDE ET<br />
D’AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU EN AUDIENCE<br />
PUBLIQUE CE 22/03/2000, LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
1. BUREGEYA Edison, fils <strong>de</strong> MUHIZI et <strong>de</strong> NYIRAGUMIRIZA né en 1960 dans la<br />
cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, résidant dans la cellule<br />
KINIHA, secteur BWISHYURA, commune GITESI, marié à NYIRAMARIZA, père <strong>de</strong> 3<br />
enfants, cultivateur, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, actuellement en détention<br />
préventive ;<br />
2. UWITONZE Bernard alias Ismaël, fils <strong>de</strong> NZABONIMPA et <strong>de</strong> KIDEDELI né en1953<br />
dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, y résidant, marié à<br />
MUKAMISHA, père <strong>de</strong> 4 enfants, cultivateur, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus,<br />
actuellement en détention préventive.<br />
PREVENTIONS :<br />
A charge <strong>de</strong> BUREGEYA Edison.<br />
1. Avoir, dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, préfecture<br />
<strong>de</strong> KIBUYE, République Rwandaise, comme auteur, coauteur ou complice <strong>de</strong><br />
HABIYAKARE Frodouard, KARUTA Mathieu et BIMENYIMANA Jean, (prévenus<br />
dans le dossier RMP.N°50056/S4/HS) tel que prévu par les articles 89, 90 et 91<strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal Livre I, à une date inconnue, entre avril et juillet 1994, assassiné UWAMALIYA<br />
NYIRACOROGO la fille <strong>de</strong> HITIMANA, et AKIMANA la fille <strong>de</strong> NTIHABOSE à cause<br />
<strong>de</strong> leur appartenance ethnique, fait constitutif <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> tel que prévu par<br />
l’article 2 <strong>de</strong> la Convention Internationale <strong>du</strong> 09/12/1998, ainsi que l’article 1 er <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n°08/96.<br />
2. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, assassiné UWAMALIYA<br />
NYIRACOROGO et AKIMANA, infraction prévue par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre<br />
II ;<br />
3. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, formé une association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
Livre II ;<br />
A charge <strong>de</strong> UWITONZE Bernard alias Ismaël
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000<br />
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE<br />
1. Avoir, dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, préfecture<br />
<strong>de</strong> KIBUYE, République Rwandaise, comme auteur, coauteur ou complice <strong>de</strong><br />
SEBABUMBYI Gaspard, MUNYANDEKWE, NYAMPETA Amos et BUGURUSU<br />
Léopold (prévenus dans le dossier RMP N°50056/S4/HS) tel que prévu par les articles 89,<br />
90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I, à <strong>de</strong>s dates différentes entre avril et juillet 1994, assassiné<br />
MUKARUSINE et NIWEMUKOBWA à cause <strong>de</strong> leur appartenance ethnique ;<br />
198<br />
2 ème Feuillet.<br />
et comme coauteur ou complice <strong>de</strong> HABIYAKARE Frodouard, MASHYAKA Abel,<br />
KURUTA Mathieu, GASANA Evariste, Alphonse MUNYANDEKWE et NDIKUBWAYO<br />
Pascal, (prévenus dans le dossier RMP 50056/S4/HS), assassiné BAHIGANDE à cause <strong>de</strong><br />
son appartenance ethnique, infraction prévue par l’article 2 <strong>de</strong> la Convention internationale <strong>du</strong><br />
09/12/1948 et l’article 1 er <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 et réprimée par l’article 14 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n° 8/96 ;<br />
2. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, assassiné MUKARUSINE,<br />
NIWEMUKOBWA et BAVUGANDE, infraction prévue par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
Livre II ;<br />
3. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, formé une association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 Co<strong>de</strong> pénal<br />
Livre II ;<br />
LE TRIBUNAL ,<br />
Vu qu’après l’instruction préparatoire, le Premier Substitut a transmis pour fixation le dossier<br />
à charge <strong>de</strong> BUREGEYA et UWITONZE portant le n° R.M.P 56886/S4/BA/KRE/KBY/2000;<br />
Vu que l’affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP. CH.SP.002/01/2000 et que le Prési<strong>de</strong>nt a<br />
pris l’ordonnance fixant la date d’audience au 09/02/2000 ;<br />
Vu que la date d’audience a été signifiée aux prévenus ;<br />
Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu mais que l’audience n’a pas eu lieu au motif<br />
qu’ils n’étaient pas assistés, que le même motif a été invoqué le 14/02/2000 et que l’audience<br />
a été reportée au 21/02/2000 ;<br />
Vu qu’à cette date l’affaire n’a pas été appelée et a été renvoyée au 22/02/2000, les prévenus<br />
en ayant été informés ;<br />
Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître NDONDERA Christian, le<br />
Ministère Public étant représenté par Monsieur NSENGIYUMVA Eugène ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BUREGEYA est poursuivi <strong>du</strong> chef <strong>de</strong>s infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, d’assassinat et<br />
d’association <strong>de</strong> malfaiteurs en rapport avec la mort <strong>de</strong> AKIMANA UWAMALIYA et<br />
NYIRACOROGO ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWITONZE Bernard est poursuivi pour génoci<strong>de</strong>, assassinat et association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs en rapport avec la mort <strong>de</strong> MUKARUSINE, NIWEMUKOBWA et
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000<br />
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE<br />
BALIGANDE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public prend la parole après que les <strong>de</strong>ux prévenus aient<br />
plaidé non coupables <strong>de</strong> toutes les préventions mises à leur charge et dit que BUREGEYA<br />
avait requis l’ai<strong>de</strong> d’un groupe <strong>de</strong> personnes qu’il avait placées chez lui en vue <strong>de</strong> protéger<br />
son épouse, que le jour où sa mère a été blessée par un Tutsi, ce groupe <strong>de</strong> personnes a<br />
accouru en compagnie <strong>de</strong> BUREGEYA et que, à leur retour, ces personnes ont tué <strong>de</strong>ux<br />
enfants sur ordre <strong>de</strong> BUREGEYA et ce, à cause <strong>de</strong> leur ethnie ;<br />
3 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense, BUREGEYA dit qu’il est faussement accusé, car il ne pouvait<br />
pas se rallier aux meurtriers alors que la première attaque a été menée à son domicile, que<br />
HABIYAKARE et KARUTA ne s’étaient ren<strong>du</strong>s chez lui que pour piller ses biens, qu’il nie<br />
avoir ordonné le meurtre <strong>de</strong>s victimes et affirme avoir eu au contraire <strong>de</strong>s discussions avec les<br />
tueurs en vue <strong>de</strong> les empêcher <strong>de</strong> commettre ces crimes ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que BUREGEYA veut in<strong>du</strong>ire le Tribunal en<br />
erreur parce que ces personnes étaient ses proches parents, qu’il connaissait donc leurs<br />
intentions surtout qu’elles fréquentaient son cabaret, qu’il a pris part à <strong>de</strong> nombreuses ron<strong>de</strong>s<br />
et attaques, qu’il doit montrer les cicatrices <strong>du</strong>es aux blessures à lui causées par les coups <strong>de</strong><br />
lance qu’il prétend avoir reçus ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BUREGEYA dit qu’il n’a jamais exploité un cabaret, que c’est parce qu’il<br />
habitait à proximité <strong>du</strong> chemin qu’il a pu être au courant <strong>de</strong>s intentions <strong>de</strong>s tueurs, qu’il a par<br />
ailleurs dit qu’ils l’ont brutalisé en le poussant et non qu’ils lui ont donné <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> lances<br />
pour qu’il soit invité à en montrer les cicatrices ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il donnait souvent <strong>de</strong> l’argent à ces tueurs qui le mettent injustement en<br />
cause pour qu’ils ne tuent pas son épouse ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWITONZE Bernard présente sa défense à son tour en disant que ces gens qui<br />
l’accusent d’avoir collaboré avec eux mentent, car il cachait 3 personnes, même si l’une<br />
d’elles a été tuée, qu’ils le qualifiaient <strong>de</strong> complice, que l’infraction <strong>de</strong> pillage <strong>de</strong> vaches lui<br />
est faussement attribuée étant enten<strong>du</strong> qu’après ledit pillage, ces vaches ont été abattues près<br />
<strong>de</strong> chez lui à la chapelle et qu'ils lui ont donné une part en prétendant que cela lui éviterait <strong>de</strong><br />
mourir d'envie;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il poursuit en disant que le Ministère Public l’accuse d’avoir battu le tambour<br />
pour donner le signal aux tueurs, mais que ce sont plutôt ces tueurs qui l’ont fait après avoir<br />
tué la personne qui se cachait chez lui, que ledit tambour se trouvait à l’intérieur <strong>de</strong> la<br />
chapelle où MARANDINI l’a pris après avoir tué LANGUIDA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que UWITONZE Bernard dit qu’il n’a pas été au domicile <strong>de</strong> BUTORANO d’où la<br />
victime BAHIGANDE a été emmenée, qu’il y a lieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à ce sujet aux membres <strong>de</strong><br />
la famille BUTORANO s’ils l’ont vu à cet endroit ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les témoins BUSHISHI et GAFURAFURA disent ne pas avoir connaissance<br />
d’un quelconque acte répréhensible que BUREGEYA aurait commis et que les membres <strong>de</strong> la<br />
première attaque ont au contraire fait pression sur l’intéressé pour le forcer à tuer, mais qu’il a<br />
refusé ;<br />
199
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000<br />
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE<br />
Atten<strong>du</strong> que NYINAWINTWARI Alvera, enten<strong>du</strong>e comme témoin, dit que c’est<br />
HABIYAKARE qui a emmené l’enfant qu’elle portait au dos et qu’elle a enten<strong>du</strong> dire que,<br />
sur le lieu <strong>de</strong> crime, BUREGEYA a refusé <strong>de</strong> le tuer et que ce sont KARUTA et<br />
HABIYAKARE qui l’ont exécuté ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SEKABERA Jean, présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, dit<br />
qu’il n’est au courant d’aucune infraction commise par BUREGEYA et UWITONZE et nie<br />
avoir dit que c’est UWITONZE qui a battu le tambour, que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit<br />
qu’il est bien clair que les témoins se sont concertés pour ne pas dénoncer les tueurs car<br />
SEKABARA a fait cette déclaration lors <strong>de</strong> l’audience publique relative à l’affaire<br />
HABIYAKARE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les différents témoins présentés par les prévenus tel que MUNYANKINDI<br />
l’oncle paternel <strong>de</strong> la victime NYIRACOROGO, MUKAKARANGWA la fille <strong>de</strong><br />
MUKARUSINE, NIWEMUKOBWA, UYAKUVUGA et AYINKAMIYE affirment tous<br />
qu’ils ne savent rien sur les infractions reprochées à BUREGEYA et UWITONZE, et qu’ils<br />
n’ont rien enten<strong>du</strong> <strong>de</strong> mal sur leur compte ;<br />
200<br />
4 ème Feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que BUREGEYA et UWITONZE déclarent successivement qu’ils n’ont rien à dire<br />
sur les dépositions <strong>de</strong>s témoins, qu’il appartient au Tribunal d’en faire une appréciation ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> ne pas se fon<strong>de</strong>r sur les<br />
témoignages car aucun témoin n’affirme qu’il se trouvait sur les lieux où NYIRACOROGO et<br />
AKIMANA ont été tuées, qu’il faut plutôt prendre en considération les déclarations faites par<br />
HABIYAKARE et KARUTA qui se trouvent dans le dossier et selon lesquelles c’est<br />
BUREGEYA qui a fait tuer ces enfants qui étaient d’ailleurs membres <strong>de</strong> sa famille, que la<br />
preuve <strong>de</strong> sa part <strong>de</strong> responsabilité est que les enfants n’ont pas été tués à l’endroit où ils ont<br />
été trouvés et que les tueurs ont dû les con<strong>du</strong>ire chez BUREGEYA qui avait accouru au<br />
secours <strong>de</strong> sa mère qui venait d’être blessée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, après une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong>s<br />
infractions reprochées à UWITONZE et BUREGEYA, dit que BUREGEYA est mis en cause<br />
par ses proches parents KARUTA, HABIYAKARE ainsi que MUZIGANTAMBARA qui par<br />
ailleurs avoue avoir fait partie <strong>de</strong> l’attaque qui a été menée à GITWA, alors que ceux qui<br />
témoignent à sa décharge ne savent rien <strong>de</strong>s faits poursuivis étant donné qu’ils n’ont pas été<br />
sur le lieu où les victimes ont été tuées, que UWITONZE est quant à lui mis en cause par<br />
MUNYANDEKWE qui affirme qu’ils sont allés chez BUTORANO ensemble ainsi que par<br />
SEBABUMBYI qui avoue qu’ils ont tué tous les <strong>de</strong>ux les victimes MUKARUSINE et<br />
NIWEMUKOBWA, l’intéressé reconnaissant lui-même avoir mangé <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vaches<br />
pillées chez BUTORANO ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que les infractions mises à charge <strong>de</strong>s prévenus les rangent dans la 2 ème<br />
catégorie et qu’elles sont en concours idéal, qu’il requiert à leur encontre la peine<br />
d’emprisonnement à perpétuité et celle <strong>de</strong> dégradation civique prévue par l’article 17 <strong>de</strong> la<br />
Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000<br />
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE<br />
Atten<strong>du</strong> que BUREGEYA et UWITONZE disent qu’ils ne s’estiment pas mériter les peines<br />
requises à leur charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me NDONDERA Christian, dans sa plaidoirie, fait un exposé détaillé <strong>de</strong>s<br />
moyens contenus dans les conclusions écrites qu’il a déposées et dit que les témoins à<br />
décharge <strong>de</strong> BUREGEYA et UWITONZE sont nombreux et sont <strong>de</strong>s parents proches <strong>de</strong>s<br />
victimes qui ont été tuées, que ce sont eux qui doivent servir <strong>de</strong> base à la manifestation <strong>de</strong> la<br />
vérité, qu’il termine en <strong>de</strong>mandant que ses clients soient libérés ;<br />
Vu qu’il ne reste rien d’autre à examiner sinon statuer sur les moyens invoqués, que le<br />
Tribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugement ci-après ;<br />
Constate que l’action <strong>du</strong> Ministère Public est recevable car régulièrement intro<strong>du</strong>ite ;<br />
Constate que NYIRACOROGO et AKIMANA ont été tuées <strong>de</strong>vant le domicile <strong>de</strong><br />
BUREGEYA et en présence <strong>de</strong> l’intéressé dont la déclaration concor<strong>de</strong> à ce sujet avec celles<br />
<strong>de</strong> KARUTA et HABIYAKARE, mais que rien ne permet d’affirmer sans aucun doute qu’il a<br />
une part <strong>de</strong> responsabilité dans ces crimes dès lors que les déclarations <strong>de</strong> KARUTA et<br />
HABIYAKARE divergent car, si tous parlent <strong>de</strong> sa responsabilité, l’un affirme que le prévenu<br />
a donné l’ordre à KARUTA <strong>de</strong> tuer cet enfant et que celui-ci s’est exécuté, alors que l’autre<br />
dit que BUREGEYA a tué <strong>de</strong> ses mains l’un <strong>de</strong>s enfants après que HABIYAKARE venait <strong>de</strong><br />
refuser d’exécuter l’ordre qu’il lui donnait dans ce sens ;<br />
Constate que <strong>de</strong> tels témoignages émanant <strong>de</strong>s personnes que le prévenu dénonce pour les<br />
actes criminels qu’elles ont commis ne suffisent pas pour lever le doute quant à sa culpabilité,<br />
doute qui doit profiter au prévenu ;<br />
Constate que le Ministère Public n’a pas rapporté la preuve que le prévenu a volontairement<br />
pris part aux attaques, et non sous la contrainte tel que le prévenu le dit dans sa défense, ni<br />
même la preuve que le prévenu est arrivé à GITWA ;<br />
201<br />
5 ème Feuillet.<br />
Constate que le fait que ces enfants ont été tués <strong>de</strong>vant le domicile <strong>de</strong> BUREGEYA dont la<br />
mère venait d’être blessée ne constitue nullement une preuve tangible <strong>de</strong> la responsabilité<br />
personnelle <strong>de</strong> BUREGEYA surtout que les autres victimes tuées ont été emmenées <strong>de</strong> leurs<br />
domiciles et con<strong>du</strong>ites à l’endroit où se trouvait un trou, et qu’il n’y a pas lieu <strong>de</strong> dire que<br />
toutes ces victimes ont été tuées à cause <strong>du</strong> fait que la mère <strong>de</strong> BUREGEYA a été blessée ;<br />
Constate que le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> commis sur la personne <strong>de</strong> BAHIGANDE et reproché à<br />
UWITONZE n’est pas établi à sa charge car les personnes qui se trouvaient chez<br />
BUTORANO d’où BAHIGANDE a été emmené n’affirment pas l’avoir vu, que<br />
MUNYANDEKWE dit qu’ils ont emmené ensemble et mangé les vaches pillées chez<br />
BUTORANO, que cependant aucune preuve n’a été rapportée sur son implication dans le<br />
meurtre <strong>de</strong> BAHIGANDE ;<br />
Constate que UWITONZE Bernard est coupable <strong>de</strong> l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
en vue <strong>de</strong> piller, car sa déclaration semble concor<strong>de</strong>r avec celle <strong>de</strong> MUNYANDEKWE quand<br />
il avoue avoir mangé la vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces vaches qui ont été abattues <strong>de</strong>vant son domicile, que sa<br />
responsabilité consiste en ce qu’il s’est joint à ces tueurs pour manger les vaches appartenant<br />
à la victime qui venait d’être tuée ;
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000<br />
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE<br />
Constate que la seule déclaration <strong>de</strong> SEBABUMBYI, lui aussi poursuivi <strong>du</strong> chef d’assassinat<br />
<strong>de</strong> ces victimes (MUKARUSINE et NIWEMUKOBWA), ne peut être considérée comme<br />
crédible car elle renferme <strong>de</strong>s contradictions flagrantes consistant notamment en ce qu’il dit<br />
d’une part que UWITONZE l’a emmené par contrainte, que d’autre part il déclare qu’il lui a<br />
dit <strong>de</strong> l’accompagner pour récolter <strong>de</strong>s régimes <strong>de</strong> bananes, qu’à un autre endroit il dit qu’il<br />
n’est pas entré dans la maison, mais qu’il change ensuite et dit qu’il a été soumis à la<br />
contrainte pour tuer, sa déclaration et celle <strong>de</strong> la personne qui cachait les victimes avant<br />
qu’elles soient tuées sont divergentes car cette <strong>de</strong>rnière ne met pas UWITONZE en cause ;<br />
Constate que le tambour a été battu à la chapelle afin d’appeler les gens à se livrer aux tueries<br />
mais que, à part SEBABUMBYI, personne d’autre n’affirme que c’est le prévenu qui battait<br />
ce tambour, qu’il y en a au contraire qui affirment que ce sont <strong>de</strong>s Twa qui le faisaient ;<br />
Constate que seule l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs est établie à sa charge et le range<br />
dans la 4 e catégorie, qu’il doit en être condamné avec sursis ;<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT ;<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise spécialement la partie <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong><br />
paix d’ARUSHA relative au protocole sur le partage <strong>du</strong> pouvoir en ses articles 25 et 26, la<br />
Constitution <strong>de</strong> la République Rwandaise telle que modifiée en date <strong>du</strong> 18/01/96 en ses<br />
articles 12, 14,33, 91, 93 et 94 ;<br />
Vu la Convention internationale <strong>du</strong> 9/12/1948 relative à la prévention et à la répression <strong>du</strong><br />
crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> telle que ratifiée par le Rwanda en son article 2 ;<br />
Vu le Décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 7/7/1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et compétence judiciaires<br />
en ses articles 6, 12, 76, 104, 129, 199, 200 et 377 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/63 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée à ce jour en ses<br />
articles 19, 20, 58, 61, 67, 76, 80, 86 et 90 ;<br />
Vu la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/96 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité en ses articles 16, 14 d, 19,<br />
20, 21, 36 et 39 ;<br />
Vu les articles 97, 98, 99 et 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;<br />
Vu la Loi n°03/97 <strong>du</strong> 19/03/1997 portant création <strong>du</strong> barreau en son article 50 ;<br />
Déclare recevable l’action publique, car régulièrement intro<strong>du</strong>ite ;<br />
202<br />
6 ème Feuillet.<br />
Déclare non établies à charge <strong>de</strong> BUREGEYA les infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, d’assassinat et<br />
d’association <strong>de</strong>s malfaiteurs à lui reprochées, qu’il en est acquitté ;<br />
Déclare non établies à charge <strong>de</strong> UWITONZE Bernard les infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000<br />
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE<br />
d’assassinat, qu’il en est lui aussi acquitté ;<br />
Déclare établie à charge <strong>de</strong> UWITONZE l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs ;<br />
Déclare que BUREGEYA Edison obtient gain <strong>de</strong> cause;<br />
Déclare que UWITONZE Bernard perd la cause ;<br />
Condamne UWITONZE à une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 5 ans avec sursis <strong>de</strong> 4 ans ;<br />
Ordonne à UWITONZE Bernard <strong>de</strong> payer les frais <strong>de</strong> justice évalués à 12.450 Frw dans le<br />
délai légal, sinon exécution forcée sur ses biens ;<br />
Ordonne la mise en liberté immédiate <strong>de</strong> BUREGEYA Edison ;<br />
Ordonne le sursis immédiat <strong>de</strong> la peine prononcée contre UWITONZE Bernard ;<br />
Dit que le prononcé a lieu tardivement parce que les membres <strong>du</strong> siège étaient occupés par<br />
une autre affaire <strong>de</strong> 32 prévenus jugée dans la même pério<strong>de</strong> que celle-ci ;<br />
Dit que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours à partir <strong>du</strong> jour <strong>du</strong> prononcé ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE PAR LA CHAMBRE<br />
SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIBUYE LE<br />
22/03/2000, DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE : MASASU J. Jacques,<br />
PRESIDENT, KANYARUKIGA Jacques et UWIMANA J.Baptiste, JUGES, EN<br />
PRESENCE DE NSENGIYUMVA Eugène, Officier <strong>du</strong> Ministère Public et <strong>du</strong> Greffier<br />
BENIMANA Fidèle.<br />
SIEGE<br />
JUGE PRESIDENT JUGE<br />
KANYARUKIGA Jacques MASASU J. Jacques UWIMANA J. Baptiste<br />
(sé) (sé) (sé)<br />
LE GREFFIER<br />
BIMENYIMANA Fidèle<br />
(sé)<br />
203
204
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE KIGALI<br />
205
206
N°9<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> KIGALI<br />
<strong>du</strong><br />
15 janvier 1999.<br />
Ministère Public C/ MUKAKAYIJUKA Hadidja.<br />
ACTES DE TORTURE - ASSASSINAT (ART. 312) – ASSOCIATION DE<br />
MALFAITEURS (ARTS. 282 ET 283 CP) – CATEGORISATION (3 ème CATEGORIE;<br />
ART. 2 L.O. N° 08/96 DU 30/08/1996) - CRIME DE GENOCIDE (ART. 1b L.O. N° O8/96<br />
DU 30/08/1996– CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE SUR LE TERRAIN –<br />
DROITS DE LA DEFENSE (DROIT DE PRENDRE CONNAISSANCE DE SON<br />
DOSSIER; DROIT D'ETRE ASSISTE D'UN AVOCAT) – MENACE D'ATTENTAT<br />
CONTRE LES PERSONNES (ART. 340 CP) – PEINE (DEUX ANS<br />
D'EMPRISONNEMENT) – PORT ILLEGAL D'ARMES (DECRET-LOI N° 12/79 DU 07<br />
MAI 1979) – PREUVE (ABSENCE DE; CONTRADICTION; FORCE PROBANTE;<br />
TEMOIGNAGES) -– RESPONSABILITE PENALE INDIVIDUELLE – VIOL (ART. 360<br />
CP) – VIOLATION DE DOMICILE (ART. 240 CP).<br />
1. Procé<strong>du</strong>re - droits <strong>de</strong> la défense (droit <strong>de</strong> lire son dossier et droit d'être assisté d'un avocat) -<br />
remise.<br />
2. Recherche <strong>de</strong> la manifestation <strong>de</strong> la vérité – audition <strong>de</strong> nouveaux témoins – <strong>de</strong>scente <strong>du</strong><br />
Tribunal sur le terrain.<br />
3. Prévenue – infractions non établies ( assassinat, association <strong>de</strong> malfaiteurs, port illégal<br />
d'armes, tortures et viol) – absence <strong>de</strong> preuves palpables et contradictions – responsabilité<br />
pénale indivi<strong>du</strong>elle.<br />
4. Prévenue – infractions établies (menace d'attentat contre les personnes, persécution ,<br />
violation <strong>de</strong> domicile commis en relation avec le génoci<strong>de</strong>) – témoignages.<br />
5. Concours idéal d'infractions – troisième catégorie (article 2 Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong><br />
30/08/1996) – 2 ans <strong>de</strong> prison.<br />
1. Une remise est accordée à la prévenue afin <strong>de</strong> lui permettre <strong>de</strong> lire son dossier et d’être<br />
assistée d'un avocat.<br />
2. Aux fins d'une meilleure manifestation <strong>de</strong> la vérité, le Tribunal ordonne l’audition <strong>de</strong><br />
nouveaux témoins et déci<strong>de</strong> d'effectuer une <strong>de</strong>scente sur le terrain pour entendre un témoin.<br />
207
3. Sont déclarées non établies à charge <strong>de</strong> la prévenue, les infractions <strong>de</strong>:<br />
- assassinat, les preuves présentées par le Ministère Public et les témoignages étant<br />
contradictoires d'une part, et aucun témoin n'affirmant avoir vu la prévenue commettre<br />
<strong>de</strong>s tueries d'autre part;<br />
- association <strong>de</strong> malfaiteurs, le Ministère Public et ceux qui mettent la prévenue en cause<br />
ne rapportant pas <strong>de</strong> preuves palpables; le seul fait que ses frères aient été <strong>de</strong>s<br />
Interahamwe ne peut suffire à fon<strong>de</strong>r sa culpabilité, dès lors qu’il n’est nullement établi<br />
qu’elle aurait commis un quelconque acte avec ce groupe;<br />
- port illégal d'armes, <strong>de</strong> nombreux témoins affirmant que la prévenue ne portait pas<br />
d'armes et ceux qui la mettent en cause n'ayant pu rapporter les preuves tangibles <strong>de</strong> cette<br />
accusation;<br />
- tortures et viol, les personnes supposées êtres victimes <strong>de</strong> ces faits ayant elles-mêmes<br />
démenti qu'ils aient été commis.<br />
4. Sont déclarées établies à charge <strong>de</strong> la prévenue, les infractions <strong>de</strong>:<br />
- menace d'attentat contre les personnes et persécution, la prévenue ayant menacé <strong>de</strong> livrer<br />
aux tueurs les personnes <strong>de</strong> l'ethnie Tutsi qu'elle soupçonnait d'avoir dérobé son bois <strong>de</strong><br />
chauffe. Le Tribunal retient que <strong>de</strong> telles menaces proférées à cette occasion démontrent,<br />
sans aucun doute, que la prévenue avait coutume <strong>de</strong> menacer ses voisins <strong>de</strong> les livrer aux<br />
tueurs;<br />
- violation <strong>de</strong> domicile, la prévenue ayant reconnu avoir fouillé <strong>de</strong>s maisons à l'occasion<br />
<strong>du</strong> vol dont elle avait été victime, comme l'en chargent <strong>de</strong>s témoins;<br />
- crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, les infractions établies à charge <strong>de</strong> la prévenue ayant été commises en<br />
relation avec les événements entourant le génoci<strong>de</strong> et les crimes contre l'humanité tel que<br />
prévu à l'article 1b <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
5. Les infractions retenues à charge <strong>de</strong> la prévenue sont en concours idéal et la rangent en<br />
troisième catégorie; elle est condamnée à une peine d'emprisonnement <strong>de</strong> 2 ans.<br />
(NDLR: Ce jugement n’a pas été frappé d’appel).<br />
208
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre) 1 er feuillet.<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALI, CHAMBRE SPECIALISEE,<br />
SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET AUTRES CRIMES CONTRE<br />
L'HUMANITE, A RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT:<br />
PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 15/01/1999.<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE:<br />
MUKAKAYIJUKA Hadidja fille <strong>de</strong> MUSTAFA et NYIRABAFOROMA, née dans la cellule<br />
GAKONI, secteur KANOMBE, préfecture KIGALI NGALI, résidant à NYAKABANDA,<br />
cellule MUNANIRA, commune NYARUGENGE , préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, mère <strong>de</strong> 5<br />
enfants, en détention préventive;<br />
PREVENTIONS :<br />
1. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,<br />
préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, République Rwandaise, entre 1990 et 1994, tenu <strong>de</strong>s<br />
propos menaçants envers les Tutsi en leur disant qu'elle allait les livrer à tout moment,<br />
infraction prévue et réprimée par l'article 340 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre II ;<br />
2. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,<br />
préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI , République Rwandaise, en avril 1994, et à GITARAMA<br />
au mois <strong>de</strong> mai, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou d'autres crimes contre l'humanité prévus<br />
par la Convention <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong> 09/12/1948 sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et la<br />
protection <strong>de</strong>s personnes civiles en temps <strong>de</strong> guerre (sic), la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 sur<br />
l'imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerres et <strong>de</strong>s crimes contre l'humanité, toutes trois<br />
ratifiées par le Rwanda, infractions prévues et réprimées également par les articles 14 et 2,<br />
catégorie 2 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996;<br />
3. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, en avril 1994, menacé les<br />
Tutsi <strong>de</strong> les livrer à la mort, infraction prévue et réprimée par l'article 340 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
Livre II ;<br />
4. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, Secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,<br />
préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, République Rwandaise, comme auteur ou complice tel<br />
que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal, fait assassiner LIVILIYANI, Alexis<br />
KAYUMBA et GAHONGAYIRE qu’elle a trouvés dans leur cachette, infraction prévue et<br />
réprimée par l'article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre II ;<br />
209
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
210<br />
2 ème feuillet.<br />
5. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, entre avril et mai 1994, fait partie<br />
d'une association <strong>de</strong> malfaiteurs formant une milice et composée <strong>de</strong> Abdalah, SUGUTI,<br />
Silas, Charles, MATABARO le fils <strong>de</strong> BIZIMANA, Népo et BIZIMANA avec lesquels elle<br />
surveillait une barrière et auxquels elle indiquait les filles à violer, infraction prévue et<br />
réprimée par les articles 282,283 et 360 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre II ;<br />
6. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, porté illégalement <strong>de</strong>s armes<br />
(grena<strong>de</strong>, poignard et massue), infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/1979 ;<br />
7. S'être, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, intro<strong>du</strong>ite dans les domiciles<br />
d'autrui sans autorisation et hors le cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée par<br />
l’article 304 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre II ;<br />
8. Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, commis <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> torture à<br />
l’encontre <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> MUKAWERA Isabelle. Loi organique n° 08/96, article 1 catégorie<br />
3 ;<br />
LE TRIBUNAL,<br />
Vu la lettre n° A/37 <strong>du</strong> 14/07/1997 par laquelle l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public a transmis au<br />
Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> KIGALI pour fixation<br />
le dossier RMP 7049/S12/ME à charge <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA Hadidja ;<br />
Vu l’inscription <strong>du</strong> dossier au rôle sous le n° RP 034/S5/ KIG, et vu que le prési<strong>de</strong>nt a pris<br />
l'ordonnance fixant la date d'audience au 05/09/1977, ce dont notification a été faite au Ministère<br />
Public ;<br />
Vu la comparution volontaire <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA à la date d’audience, le Ministère Public<br />
étant représenté par MUKARUSHEMA Epifrodosie ;<br />
Vu la poursuite <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA <strong>du</strong> chef <strong>de</strong>s infractions libellées aux préventions ci<strong>de</strong>ssus<br />
;<br />
Atten<strong>du</strong> que lecture <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité lui ayant été faite, MUKAKAYIJUKA dit qu'elle ne peut pas<br />
plai<strong>de</strong>r parce qu’elle n'a pas lu son dossier car elle est analphabète et précise qu’elle est encore à<br />
la recherche <strong>de</strong> quelqu'un qui lui en fera lecture, qu'ainsi l'audience est reportée au 14/10/1997 à<br />
8 heures <strong>du</strong> matin pour permettre à la prévenue <strong>de</strong> préparer son dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparait sans l’assistance d’un avocat, que<br />
l'audience a lieu publiquement, le Ministère Public étant représenté par MUKARUSHEMA ;<br />
3 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA confirme que l'i<strong>de</strong>ntité dont lecture vient d'être faite est bien la<br />
sienne, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle va assurer personnellement sa défense, elle répond<br />
qu’elle aurait pu le faire mais qu'elle n'a pas lu le dossier car elle est analphabète, qu'elle souhaite<br />
qu'un délai lui soit accordé à cet effet ;
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA aurait dû solliciter une<br />
assistance judiciaire ou chercher quelqu'un pour lui faire lecture <strong>du</strong> dossier dès lors qu’elle est<br />
analphabète car elle en a eu largement le temps ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après délibéré, l'audience est reportée au 14/10/97 en vue <strong>de</strong> permettre à<br />
MUKAKAYIJUKA Hadidja <strong>de</strong> chercher quelqu'un qui puisse lui faire lecture <strong>du</strong> dossier (sic),<br />
qu'à cette date la prévenue comparait assistée par Me BOUBACAR, les parties civiles et les<br />
témoins n’ayant pas comparu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA dit qu'elle plai<strong>de</strong> non coupable, que la parole est accordée à<br />
l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public qui dit que, forte <strong>du</strong> soutien <strong>de</strong> ses frères, MUKAKAYIJUKA a,<br />
entre avril et mai, menacé les Tutsi en leur disant qu’elle finirait par les livrer à ses frères qui<br />
collaboraient avec les Interahamwe, qu’elle voulait livrer SAWUDA aux malfaiteurs, qu'elle a<br />
découvert LIVILIYANI, GAHONGAYIRE qui était venue <strong>de</strong> KIVUGIZA et Alexis dans leur<br />
cachette et les a signalés à BIZIMANA qui est actuellement en détention, qu'arrivée à<br />
GITARAMA, elle a tué une dame en la traitant d'Inyenzi, qu'elle a donné aux enfants d'un voisin<br />
<strong>de</strong> la bouillie contenant <strong>du</strong> sable fin;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong> la première infraction, Hadidja<br />
MUKAKAYIJUKA répond par la négative disant qu’elle n’avait pas d’autorité sur les<br />
Interahamwe, que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que le contenu <strong>du</strong> procès-verbal portant la<br />
cote 18 démontre qu'elle a incité ses frères à agresser la nommée Isabelle, qu'elle a par ailleurs<br />
tenu <strong>de</strong>s propos cyniques en ces termes: "qu'ils acceptent <strong>de</strong> mourir" ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA nie tous ces faits et dit qu'elle est en conflit avec Isabelle à<br />
cause d’un homme avec lequel elle entretient <strong>de</strong>s liens contre la volonté <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière, que<br />
l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les propos que la prévenue a tenus ont été confirmés par<br />
l'épouse <strong>de</strong> BIZIMANA qui les a rapportés à maman Pamela, que Hadidja réfute les faits et dit<br />
qu'elle n'était pas une autorité tout comme ses frères et qu’ainsi, elle ne pouvait pas commettre<br />
les faits qui lui sont reprochés; que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA<br />
Hadidja était une amie <strong>de</strong> la nommée Christine et que c’est celle-ci qui lui rapportait les<br />
nouvelles <strong>de</strong> M. SAWUDA dont le mari collaborait avec les Inkotanyi comme le dit Christine<br />
elle-même, que MUKAKAYIJUKA réplique en disant que Christine était une domestique <strong>de</strong> M.<br />
SAWUDA et que le mari <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière ne collaborait pas avec les Inkotanyi ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître BOUBACAR dit que tous ces témoins <strong>de</strong>vraient être enten<strong>du</strong>s, spécialement<br />
le nommé BIZIMANA en vue <strong>de</strong> la manifestation <strong>de</strong> la vérité, qu’il y a également lieu <strong>de</strong> citer à<br />
comparaître l’enfant <strong>de</strong> SAWUDA qui se trouvait sur les lieux, que Maître BOUBACAR<br />
poursuit en disant que relativement à l’infraction <strong>de</strong> viol et tortures, les dames supposées avoir<br />
été violées ainsi que le nommé Népo <strong>de</strong>vraient être cités à comparaître pour témoigner sur la part<br />
<strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> sa cliente, que l’audience <strong>de</strong>vrait être reportée étant donné que sa cliente est<br />
poursuivie pour plusieurs infractions pour que le Tribunal procè<strong>de</strong> à la recherche d’autres<br />
éléments <strong>de</strong> preuves et que les témoins soient cités car, au retour <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA en<br />
provenance <strong>de</strong> GITARAMA, ses enfants ont dit qu’elle y a tué d’autres dames, qu’il estime<br />
quant à lui qu’il y a doute et qu’à cet égard, ces enfants doivent être cités à comparaître pour<br />
faire leurs dépositions ;<br />
4 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les arguments <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong><br />
MUKAKAYIJUKA Hadidja sont pertinents, mais qu’il relève que certains <strong>de</strong>s témoins dont il<br />
211
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
est question ont été enten<strong>du</strong>s et notamment FAIDA, SALIMA et SAWUDA tel que cela ressort<br />
<strong>du</strong> dossier, qu'il dit qu’il serait mieux d’entendre BIZIMANA et Népo, qu'il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
cependant comment ces Interahamwe peuvent avouer alors que MUKAKAYIJUKA elle-même<br />
nie les faits qui lui sont reprochés, qu’il dit qu’il serait utile d’entendre les enfants <strong>de</strong> la prévenue<br />
ainsi que la nommée maman SABINA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que tenant compte <strong>du</strong> souhait <strong>du</strong> Ministère Public, l'audience est reportée au 28/10/97,<br />
qu'à cette date MUKAKAYIJUKA et les parties civiles n’ont pas comparu et que la parole est<br />
accordée à l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public qui dit que la non comparution <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA<br />
est <strong>du</strong>e au fait qu'elle n'a pas lu le dossier et que le surveillant <strong>de</strong> prison qui <strong>de</strong>vait la con<strong>du</strong>ire au<br />
Tribunal est absent, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> le report d’audience ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'audience est reportée au 03/12/1997, qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparait<br />
en l’absence <strong>de</strong>s témoins, que la parole est accordée à l'Officier <strong>du</strong> Ministère <strong>du</strong> Ministère Public<br />
qui dit que ces témoins n'ont pas été cités et que la responsabilité en revient au Ministère Public,<br />
qu'il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que l'audience soit reportée, qu'à peine vient-il d’exprimer ce souhait que<br />
quelques-uns <strong>de</strong>s témoins à savoir les enfants <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA arrivent au Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur le nombre <strong>de</strong> témoins qu’elle souhaite présenter à sa décharge,<br />
MUKAKAYIJUKA dit que seuls <strong>de</strong>ux ont comparu mais qu'il en manque trois à savoir<br />
MUKAMWEZI Sakina, Xaverine et maman J. Paul ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'invité à donner son avis sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> report d'audience exprimée par l'Officier<br />
<strong>du</strong> Ministère Public pour citer les témoins et rechercher d’autres preuves, MUKAKAYIJUKA<br />
répond qu'elle estime que ces preuves n’existent pas dès lors qu'elles n'ont pas été réunies bien<br />
auparavant, que la parole est accordée à son Conseil en la personne <strong>de</strong> Me KADIDIA qui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> si d'autres témoins ont été enten<strong>du</strong>s, qu'il lui est répon<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA n'en<br />
a pas donné l'i<strong>de</strong>ntification tel que prescrit par l'article 6 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal (sic);<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KADIDIA dit qu'il y a lieu <strong>de</strong> suspendre l'audience aux fins <strong>de</strong> citer les<br />
témoins à comparaître, qu'il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux voisins <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA présents à l’audience<br />
<strong>de</strong> les ai<strong>de</strong>r à préciser l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s témoins, que l'audience est reportée au 09/12/98, qu'à cette<br />
date la prévenue comparait assistée par Me KABAYABAYA et que les témoins sont présents,<br />
qu’interrogée sur l’infraction d’avoir menacé les gens <strong>de</strong> les livrer quand elle le voudra,<br />
MUKAKAYIJUKA Hadidja la rejette, que la parole est accordée à l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public<br />
qui, dans un bref exposé, dit comment MUKAKAYIJUKA a comploté contre MUBARAKA et<br />
GAHONGAYIRE et les a livrés aux tueurs, que relativement à l’infraction <strong>de</strong> menaces, elle<br />
disait à qui voulait l'entendre que ZAWADI et son frère, tous enfants <strong>de</strong> NYIRAMANZI, avaient<br />
en leur possession <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong>s Inkotanyi ;<br />
212<br />
5 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à présenter ses moyens <strong>de</strong> défense, MUKAKAYIJUKA plai<strong>de</strong> non coupable<br />
en disant qu'elle n'était pas une autorité, que MUKAWERA Isabelle la met en cause par<br />
vengeance car elles en sont venues aux mains quand MUKAWERA voulait <strong>de</strong>venir la maîtresse<br />
<strong>de</strong> son concubin, qu'elle a usé <strong>de</strong> sa fonction <strong>de</strong> responsable <strong>de</strong>s dix ménage pour inciter les gens<br />
à faire <strong>de</strong> faux témoignages à sa charge, qu'à la question <strong>de</strong> savoir la nature <strong>du</strong> conflit qu’elle a<br />
avec les autres dames, MUKAKAYIJUKA répond que MUKAWERA a rassemblé les dames<br />
dans le but <strong>de</strong> réunir une somme d'argent <strong>de</strong>vant servir à faire libérer une autre dame qui était en
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
détention mais que MUKAKAYIJUKA s'y est opposée, que ces dames peuvent donc lui en<br />
vouloir;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaît ABOUBACAR et Abdallah et si elle sait<br />
comment ils se sont comportés au cours <strong>de</strong> la guerre, MUKAKAYIJUKA Hadidja répond que ce<br />
sont ses frères mais qu'ils n'ont jamais fait partie <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe, qu’elle poursuit en<br />
disant qu'elle n'était membre d'aucun parti politique et qu'en cas <strong>de</strong> doute, il y a lieu d’entendre la<br />
nommée Maman J. Paul qui peut témoigner sur sa con<strong>du</strong>ite, qu’interrogée sur ses liens <strong>de</strong><br />
parenté avec UWIMANA elle répond que celle-ci est sa fille qu'elle a citée comme témoin car la<br />
preuve avancée à propos <strong>de</strong> l’accusation selon laquelle elle aurait tué <strong>de</strong>s personnes à BUTARE<br />
est que ce sont ses enfants qui s’en vantaient ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KABAYABAYA relève qu'aucune infraction n’est établie à charge <strong>de</strong> sa<br />
cliente, que le fait cependant qu'elle s'est disputée avec Isabelle à cause <strong>de</strong> son concubin<br />
constitue un élément probant et qu’elle ne peut pas répondre <strong>du</strong> fait que ses frères faisaient partie<br />
<strong>de</strong>s Interahamwe, à moins qu'elle n'ait commis une infraction en usant <strong>de</strong> leur soutien ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA, armée d’une grena<strong>de</strong>, est<br />
allée fouillé <strong>de</strong>s maisons en compagnie <strong>de</strong>s Interahamwe, qu'elle ment quand elle prétend s'être<br />
disputée avec Isabelle car elle n'en a rien dit auparavant, que MUKAKAYIJUKA a<br />
effectivement menacé les gens car elle s'est emparée <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> MUBARAKA en disant que<br />
ce sont celles <strong>de</strong>s Inkotanyi, qu’interrogée sur ces faits, MUKAKAYIJUKA nie avoir vu les<br />
photos dont il est question et dit que MUBARAKA était un Interahamwe et qu'il surveillait la<br />
barrière si bien qu’il est actuellement en détention, que concernant les photos prises à MULINDI<br />
elle dit qu’elle comprend mal comment les intéressés les auraient gardées à la maison sachant<br />
que leurs voisins sont <strong>de</strong>s Interahamwe, que ces gens n'étaient pas influents au sein <strong>du</strong> FPR au<br />
point d’avoir en leur possession <strong>de</strong>s photos prises à KINIHIRA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA plai<strong>de</strong> non coupable d'avoir fait assassiner Révérien,<br />
GAHONGAYIRE et Alexis, que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Publique prend la parole et dit que<br />
MUREKATETE Hamida affirme que MUKAKAYIJUKA a amené <strong>de</strong>s Interahamwe dont<br />
Charles et SUGUTI qui avait une grena<strong>de</strong> et un poignard, faire une fouille au domicile <strong>de</strong><br />
SAWUDA, qu'ils sont revenus par la suite et ont tué ces victimes, que MUKAKAYIJUKA<br />
réplique en disant qu'elle connaît ces miliciens Interahamwe mais nie avoir collaboré avec eux,<br />
qu’interrogée sur les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> GAHONGAYIRE, elle répond avoir appris <strong>de</strong><br />
Marie que cette victime avait été tuée chez SAWUDA par Charles et a été enterrée par ces<br />
miliciens Interahamwe et les membres <strong>de</strong> la famille où elle avait été tuée , qu'elle n’a pas assisté<br />
à cet enterrement car elle ne connaissait pas la victime ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit que c'est SAWUDA qui a tué GAHONGAYIRE,<br />
mais que SAWUDA l’accuse d’être responsable <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> celle-ci parce que<br />
GAHONGAYIRE s’était réfugiée chez elle à NYAMIRAMBO, et qu’elle l’avait envoyée chez<br />
elle à NYAKABANDA où elle lui faisait parvenir <strong>de</strong> la nourriture par l’intermédiaire <strong>de</strong> son<br />
frère, qu’elle affirme que SAWUDA a pris part à ce meurtre, qu'à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi<br />
elle ne l'a pas dit au Ministère Public et à la police judiciaire, elle répond l'avoir déclaré au<br />
parquet ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'en réponse à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi elle a nié auparavant avoir su que<br />
GAHONGAYIRE avait trouvé refuge chez SAWUDA, MUKAKAYIJUKA nie catégoriquement<br />
213
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
en avoir eu connaissance, que l'un <strong>de</strong>s magistrats lui rappelle qu’elle a dit que GAHONGAYIRE<br />
était une amie <strong>de</strong> SAWUDA, et qu'il lui pose la question <strong>de</strong> savoir pourquoi elles se sont<br />
brouillées par la suite, elle répond qu’elle ne sait pas pourquoi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'après avoir prêté serment, UMWALI M. Goretti est invitée à parler <strong>de</strong>s circonstances<br />
<strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> GAHONGAYIRE, qu’elle dit que Hadidja est arrivée chez SAWUDA<br />
NYIRAMANZI et a dit qu'elle allait amener <strong>de</strong>s Interahamwe parce que sa maison avait été<br />
pillée, qu’un groupe <strong>de</strong> malfaiteurs composé <strong>de</strong> SUGUTI, KAGABA et d’autres est<br />
effectivement arrivé et qu’ils ont tué GAHONGAYIRE, que UMWALI et d’autres ont fui en<br />
courant ;<br />
6 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu'à la question <strong>de</strong> savoir si MUKAKAYIJUKA savait que GAHONGAYIRE se cachait<br />
à cet endroit, UMWALI répond qu'elle le savait car elle y allait souvent et la voyait, qu'elle l'a<br />
même vue le jour <strong>de</strong> sa mort quand elle y est arrivée en criant, disant qu'elle avait été victime <strong>de</strong><br />
vol et qu'elle allait en informer les autorités ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'interrogée sur ce qui la pousse à affirmer que c'est MUKAKAYIJUKA qui a amené<br />
le groupe <strong>de</strong> tueurs, elle répond que c'est parce qu'elle venait <strong>de</strong> quitter à peine les lieux en disant<br />
qu'elle allait amener <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe que les membres <strong>de</strong> ce groupe sont arrivés en<br />
disant qu'il y avait une dame Inkotanyi qui se cachait à cet endroit, qu'elle termine en disant<br />
qu'elle ne sait rien d'autre concernant la prévenue à part qu'elle persécutait les voisins en les<br />
traitant d'Inkotanyi et qu'elle n'a pas participé physiquement à cette expédition meurtrière ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'interrogée sur ce qu’elle sait <strong>de</strong>s infractions reprochées à MUKAKAYIJUKA,<br />
KANZAYIRE Rose répond après avoir prêté serment, que MUKAKAYIJUKA a comploté<br />
contre <strong>de</strong>s gens dont elle-même et ses voisins en les traitant d’Inkotanyi et en leur disant qu'ils<br />
détenaient <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong>s Inkotanyi, qu'elle racontait cela partout et même aux barrières, qu'elle<br />
a alors fui à GITARAMA et qu'à son retour, MUKAKAYIJUKA est venue chez elle portant un<br />
poignard et une grena<strong>de</strong>, qu'elle est entrée dans la maison où elle a trouvé GAHONGAYIRE et<br />
qu'elle a aussitôt dit qu'ils cachent un Inyenzi, qu'elle est allé en aviser SUGUTI mais que<br />
l'intéressé étant absent, qu'elle est allée à un endroit où se trouvait une barrière et a amené <strong>de</strong>s<br />
miliciens Interahamwe dont Charles et d'autres, qu'ils se sont saisis <strong>de</strong> GAHONGAYIRE et l'ont<br />
tuée, qu'elle a alors fui quant à elle en compagnie <strong>de</strong> Marie;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle a été effectivement en possession <strong>de</strong>s photos dont il est<br />
question, KANZAYIRE répond par la négative et dit que MUKAKAYIJUKA le disait pour la<br />
faire tuer, qu’interrogée sur ce qui s’est passé quand MUKAKAYIJUKA les a dénoncées aux<br />
miliciens qui surveillaient la barrière, elle répond que ces miliciens les ont pardonnées et laissées<br />
saines et sauves, qu'interrogée sur l'i<strong>de</strong>ntité <strong>du</strong> témoin qui aurait enten<strong>du</strong> MUKAKAYIJUKA les<br />
traiter d'Inkotanyi, elle dit que ce sont les miliciens Interahamwe et une vieille dame qui est<br />
décédée, qu’elle poursuit en disant que GAHONGAYIRE a été trahie par Hadidja car c’est elle<br />
qui savait l’endroit où elle se cachait et racontait à qui voulait l’entendre que KANZAYIRE<br />
cachait un Inyenzi, que la preuve la plus éclatante est qu’elle a emporté les vêtements <strong>de</strong> la<br />
victime qu’elle n’a pas hésité à porter au vu et au su <strong>de</strong> tous, qu’elle termine en disant que la<br />
prévenue a pillé les vêtements <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille MULIGANDE après leur assassinat ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'interrogé sur l'i<strong>de</strong>ntité <strong>du</strong> témoin qui aurait vu Hadidja porter les vêtements pillés<br />
chez MULIGANDE ou ceux <strong>de</strong> GAHONGAYIRE, KANZAYIRE dit qu'il y avait à cette époque<br />
beaucoup <strong>de</strong> tueries si bien que personne ne sortait, que c’est parce qu’elle vivait avec elle<br />
214
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
qu’elle l’a su, qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi elle était traitée d’Inyenzi au cours <strong>de</strong> la<br />
guerre, elle répond que toute personne <strong>de</strong> l’ethnie Tutsi ou opposée au régime <strong>de</strong> l'époque était<br />
traité comme tel ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à présenter sa réplique à ce témoignage, MUKAKAYIJUKA dit que<br />
KANZAYIRE ne se trouvait pas à NYAMIRAMBO lors <strong>de</strong> l'assassinat <strong>de</strong> GAHONGAYIRE,<br />
que Rose l'accuse injustement <strong>de</strong> port <strong>de</strong> poignard et <strong>de</strong> grena<strong>de</strong> ainsi que <strong>de</strong> pillage <strong>de</strong><br />
vêtements, qu’elle termine en se <strong>de</strong>mandant pourquoi KANZAYIRE ne l’a pas dénoncée dès<br />
qu’elle l’a vue à son retour <strong>de</strong> l’endroit où elle s’était réfugiée porter les vêtements <strong>de</strong><br />
GAHONGAYIRE ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment et à la question <strong>de</strong> savoir si MUKAKAYIJUKA a eu un<br />
concubin après la guerre, KANZAYIRE répond par l’affirmative, qu’à celle <strong>de</strong> savoir si elle n’a<br />
pas eu <strong>de</strong> relations avec ce concubin <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA, elle répond par la négative et<br />
précise qu’elle avait le sien, que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public prend la parole et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à<br />
Rose KANZAYIRE comment ce concubin <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA les a menacées, qu’elle dit<br />
que ce concubin qui est un militaire leur en voulait parce qu’il ne voulait pas que sa concubine<br />
soit traitée d’Interahamwe car il ne savait pas ce qu’elle avait fait au cours <strong>de</strong> la guerre ;<br />
215<br />
7 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que KANJISHI Agnès est invitée à témoigner sur les faits reprochés à<br />
MUKAKAYIJUKA Hadidja et que, après avoir prêté serment, elle dit qu'elle n'a pas longtemps<br />
vécu avec MUKAKAYIJUKA Hadidja sinon qu'elle sait que l’intéressée, à son retour <strong>de</strong><br />
GITARAMA, s’est disputée avec Rose lui reprochant d’avoir volé son bois <strong>de</strong> chauffage, qu’à la<br />
question <strong>de</strong> savoir si elle faisait partie <strong>de</strong> la milice Interahamwe elle répond par la négative et dit<br />
que ce sont plutôt ses frères Abdallah et Aboubacar qui en faisaient partie, qu'à la question <strong>de</strong><br />
savoir si c'est elle qui a conseillé à KANZAYIRE <strong>de</strong> fuir parce que Hadidja avait comploté<br />
contre elle auprès <strong>de</strong> SUGUTI, elle répond par l'affirmative;<br />
Atten<strong>du</strong> que KANJISHI dit que SUGUTI était un milicien Interahamwe <strong>de</strong> renom dans cette<br />
localité, qu'elle ne sait cependant pas s’il collaborait avec MUKAKAYIJUKA Hadidja, qu’à la<br />
question <strong>de</strong> savoir si ce sont les Interahamwe qui tranchaient les litiges, elle répond que les<br />
Interahamwe disposaient à cette époque <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> mort;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KABAYABAYA relève que KANJISHI Agnès vient <strong>de</strong> dire que Hadidja est<br />
allée alerter SUGUTI à cause <strong>de</strong> son bois <strong>de</strong> chauffage que l'on avait volé alors que Rose et<br />
Marie affirment quant à elles avoir fui parce que Hadidja était allée alerter les Interahamwe pour<br />
les tuer, que d’autre part, Agnès dit qu’elle n’a pas connaissance d’une quelconque méchanceté<br />
sur le compte <strong>de</strong> Hadidja, que ces déclarations sont dès lors contradictoires;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'invité à dire ce qu’il sait sur les infractions reprochées à MUKAKAYIJUKA,<br />
KAYIHURA Vincent, après avoir prêté serment, dit que MUKAKAYIJUKA a causé <strong>de</strong><br />
l’insécurité en disant au milicien Interahamwe nommé BIZIMANA que SAWUDA s'était fait<br />
prendre en photo aux cotés <strong>de</strong>s Inkotanyi et se rendait à KINIHIRA, qu'à la question <strong>de</strong> savoir si<br />
MUKAKAYIJUKA était membre <strong>de</strong> la milice Interahamwe, il répond qu’elle en faisait partie à<br />
cause <strong>de</strong>s propos qu’elle tenait, qu’il termine en disant que les gens qu’elle menaçait en sont<br />
arrivés à lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> les épargner ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à KAYIHURA <strong>de</strong> préciser si après ce geste,<br />
Hadidja a cessé <strong>de</strong> les menacer, que KAYIHURA dit qu'il n'en a rien été et qu'elle a poursuivi
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
son œuvre, que Maître KABAYABAYA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que KAYIHURA explique pourquoi il était<br />
traité d’Inkotanyi et que celui-ci répond que c'est parce qu'il écoutait la radio MUHABURA<br />
alors que c'était interdit, qu’interrogé sur l’endroit où les photos ont été retrouvées, il répond que<br />
cette photo a été découverte par la domestique <strong>de</strong> SAWUDA et qu’on pouvait y voir SAWUDA<br />
et un militaire avec lequel elle avait <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> parenté ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'à la question <strong>de</strong> Maître KABAYABAYA <strong>de</strong> savoir si Hadidja faisait partie <strong>de</strong><br />
l'attaque qui a coûté la vie à GAHONGAYIRE, KAYIHURA répond qu'il n'en sait rien car il<br />
s'est sauvé en courant dès qu'il a vu l'attaque arriver ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'audience est suspen<strong>du</strong>e pour continuer le 27/04/98, qu'à cette date elle est reportée<br />
au 13/07/98 au motif que la prévenue n’a pas comparu, que l’audience a par la suite fait l'objet<br />
<strong>de</strong> plusieurs reports pour divers motifs, et que par la suite la prévenue comparait assistée <strong>de</strong><br />
Maître KABAYABAYA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public fait un exposé sommaire <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong>s<br />
infractions et dit que MUKAKAYIJUKA est mise en cause par <strong>de</strong>s témoins oculaires qui n’ont<br />
aucune raison <strong>de</strong> le faire injustement car ils n’ont aucun litige avec elle, qu'il requiert la peine<br />
d'emprisonnement à perpétuité pour la première infraction, la peine <strong>de</strong> mort pour la <strong>de</strong>uxième<br />
infraction, sept ans d'emprisonnement pour la troisième infraction, huit mois d'emprisonnement<br />
pour la quatrième infraction, <strong>de</strong>ux ans d’emprisonnement pour la cinquième infraction, un an<br />
d'emprisonnement pour la sixième infraction et un an d'emprisonnement pour la septième<br />
infraction ;<br />
216<br />
8 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle rejette les infractions qui lui sont reprochées<br />
et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> faire preuve <strong>de</strong> perspicacité en vue <strong>de</strong> la manifestation <strong>de</strong> la vérité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître KABAYABAYA, Conseil <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA Hadidja, dit que le<br />
génoci<strong>de</strong> est un crime très grave et que ceux qui s'en sont ren<strong>du</strong>s coupables <strong>de</strong>vraient en être<br />
punis, que ce crime ne <strong>de</strong>vrait pas être pris à la légère étant donné qu'il y en a qui y ont pris part<br />
mais qui par la suite ont crié haut et fort disant qu'ils en ont réchappé, qu'il n'y a cependant pas<br />
<strong>de</strong> preuves palpables à charge <strong>de</strong> sa cliente dès lors que les armes qu’il lui est reproché d’avoir<br />
détenues n’ont pas été pro<strong>du</strong>ites et que l’infraction d’avoir aidé au viol n’est pas claire, qu’il<br />
s’agit simplement <strong>de</strong> grossir le nombre d’infractions, que Hadidja dit s’être disputée avec ceux<br />
qui l’incriminent à cause <strong>de</strong> son concubin et qu’à son avis cela relève <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong>s<br />
juridictions civiles ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'il continue en disant que le grand problème est que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public<br />
semble minimiser le génoci<strong>de</strong>, en déclarant que celui-ci visait seulement les Tutsi et non tout le<br />
mon<strong>de</strong>, alors que les acteurs <strong>de</strong> ce procès ne sont que <strong>de</strong>s Hutu si bien qu’il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si sa<br />
cliente a commis un génoci<strong>de</strong> particulier contre les Hutu, qu'il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’elle soit innocentée<br />
car elle n'a commis aucune infraction, et qu’il dit que justice sera faite si elle était libérée ;<br />
Vu que le Tribunal rend un jugement avant dire droit par lequel il déci<strong>de</strong> d'entendre le témoin<br />
qui a été désigné sous le pseudonyme <strong>de</strong> maman Jean Paul pour une meilleure manifestation <strong>de</strong><br />
la vérité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'en date <strong>du</strong> 16/12/1998, les délégués <strong>du</strong> Tribunal composés <strong>de</strong>s juges NDIZIHIWE et
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
UDAHEMUKA, accompagnés par le greffier AYINKAMIYE, font une <strong>de</strong>scente à<br />
KABUSUNZU où ils trouvent MUKANDAMAGE Euphrasie (Maman Jean Paul) ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'après avoir prêté serment, MUKANDAMAGE Euphrasie dit qu'elle ne sortait pas au<br />
cours <strong>de</strong> la guerre car elle n'avait rien à faire à l'extérieur, qu'elle n'a pas vu MUKAKAYIJUKA<br />
porter un poignard ou une grena<strong>de</strong>, qu'elle l'a seulement enten<strong>du</strong>e dire à haute voix qu'elle allait<br />
faire quelque chose d'extraordinaire ce jour à cause <strong>du</strong> bois <strong>de</strong> chauffage qui lui avait été volé,<br />
qu'elle l'a enten<strong>du</strong>e <strong>de</strong> ses propres oreilles, qu'elle a enten<strong>du</strong> également le nommé HABIBU<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si Hadidja avait juré <strong>de</strong> tuer <strong>de</strong>s gens, et qu’elle termine en disant que Hadidja a été<br />
poursuivie à cause <strong>de</strong>s mauvais propos qu’elle tenait ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'à la question <strong>de</strong> savoir si c'est elle qui a enten<strong>du</strong> les enfants <strong>de</strong> MUKAKAYIJUKA<br />
dire que cette <strong>de</strong>rnière aurait tué une dame inconnue à GITARAMA, MUKANDAMAGE répond<br />
par la négative et précise qu'elle a enten<strong>du</strong> RUGINA et Peruth le dire, qu’interrogée sur les<br />
vêtements que Hadidja a pillés et qu’elle portait à son retour <strong>du</strong> refuge, elle répond qu’elle ne<br />
saurait l’affirmer à part qu’elle en a enten<strong>du</strong> parler, qu’elle ajoute qu’elle est sa voisine mais<br />
qu’elle ne l’a jamais vue porter ces vêtements soit au cours <strong>de</strong> la guerre soit après ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la réouverture <strong>de</strong>s débats en date <strong>du</strong> 06/01/1999, MUKAKAYIJUKA Hadidja<br />
comparait assistée par Maître Athanase RAUXYAO ayant pour interprète NIZEYIMANA<br />
Valens, qu'il est fait lecture <strong>de</strong>s procès-verbaux contenant les éléments <strong>recueil</strong>lis au cours <strong>de</strong><br />
l'enquête pour permettre à Hadidja et au Ministère Public d'y répliquer ;<br />
217<br />
9 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA Hadidja est invitée à répliquer après la lecture <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong><br />
l’enquête, qu’elle dit que les déclarations <strong>de</strong> MUKANDAMAGE (Maman J. Paul), sont<br />
motivées par la haine dont elle fait l’objet, qu’elle se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment cette <strong>de</strong>rnière, qui était<br />
en cachette, l’a enten<strong>du</strong>e dire à RUGINA qu’elle a tué une personne à GITARAMA,<br />
qu’interrogée sur le problème relatif au bois <strong>de</strong> chauffage, elle répond qu’effectivement elle n’en<br />
a pas retrouvé à son retour <strong>de</strong> GITARAMA, et qu’elle dit que si même ce bois n’était pas un bien<br />
d’une gran<strong>de</strong> valeur, il était logique qu’elle s’alarme, car à cette époque chaque personne s’en<br />
servait pour faire sa cuisson ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que le témoignage <strong>de</strong> MUKANDAMAGE n’est<br />
pas faux et qu’il corrobore d’autres témoignages selon lesquels l’accusée est responsable <strong>de</strong> la<br />
mort <strong>de</strong> GAHONGAYIRE, qu'il estime que c'est elle qui est à l’origine <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> la victime<br />
dès lors qu’elle était allée là où elle se cachait sous prétexte qu’elle cherchait le bois <strong>de</strong><br />
chauffage et que l’attaque est arrivée immédiatement après son départ, que même le témoin à<br />
décharge qu’elle avait fait citer l’a plutôt chargée, que donc la prévenue ne peut nullement<br />
prétendre que ledit témoin la met injustement en cause ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître RAUXYAO Athanase dit que d'autres avocats ont assisté la prévenue avant<br />
lui et qu'il n'est pas nécessaire qu'il reprenne tout ce qu’ils ont dit, que MUKANDAMAGE a été<br />
citée par MUKAKAYIJUKA comme témoin à sa décharge et qu’elle semble la mettre en cause<br />
si l’on tient compte <strong>de</strong> ce qui a été dit, mais qu'il relève quant à lui qu'elle n'a à aucun moment<br />
spécifié un quelconque acte matériel qu'elle aurait commis sinon dire qu'elle tenait <strong>de</strong>s mauvais<br />
propos sans cependant indiquer les actes qui en ont découlé, que n'importe qui peut prononcer <strong>de</strong><br />
telles paroles quand il est victime <strong>de</strong> vol et que cela ne signifie nullement passer aux actes
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
concrets, que le fait que Hadidja avait un frère qui était un Interahamwe ne constitue pas une<br />
infraction pour elle, que le témoignage <strong>de</strong> MUKANDAMAGE ne suffit pas pour établir la<br />
culpabilité <strong>de</strong> Hadidja car elle ne l'a pas vue commettre une infraction, qu'il termine en<br />
<strong>de</strong>mandant que l'intéressée soit acquittée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle n'a rien à ajouter, qu'elle attend la décision<br />
<strong>du</strong> Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> que tous les moyens sont épuisés ;<br />
Constate que MUKAKAYIJUKA est poursuivie <strong>du</strong> chef <strong>de</strong>s infractions suivantes:<br />
- menaces <strong>de</strong> livrer les gens aux tueurs,<br />
- persécution,<br />
- avoir fait assassiner Réverien, Alexis, KAYUMBA et GAHONGAYIRE<br />
- formation d’association <strong>de</strong> malfaiteurs avec Népo, SUGUTI, Abdallah ;<br />
- port illégal d'arme,<br />
- violation <strong>de</strong> domiciles, et<br />
- tortures exercées contre les enfants <strong>de</strong> MUKAWERA ;<br />
Constate que l'infraction d’avoir fait assassiner Révérien, KAYUMBA, Alexis et<br />
GAHONGAYIRE n'est pas établie à sa charge car les preuves rapportées par le Ministère Public<br />
ainsi que les témoignages sont contradictoires et qu'aucun témoin n'affirme avoir vu<br />
MUKAKAYIJUKA commettre <strong>de</strong>s tueries à part dire l'avoir appris <strong>de</strong> tiers sans indiquer leur<br />
i<strong>de</strong>ntité pour qu’ils puissent le confirmer ;<br />
218<br />
10 ème feuillet.<br />
Constate que l'infraction d'association <strong>de</strong> malfaiteurs n'est pas établie à sa charge car le<br />
Ministère Public et les témoins n'ont pas rapporté <strong>de</strong> preuves palpables, le fait que ses frères<br />
étaient <strong>de</strong>s Interahamwe ne pouvant signifier qu'elle a fait partie d'une association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
dès lors qu'il n'y a aucun acte qu'elle aurait commis avec ce groupe <strong>de</strong> gens ;<br />
Constate que l'infraction <strong>de</strong> port illégal d'arme n'est pas établie à sa charge car <strong>de</strong> nombreux<br />
témoins affirment qu'elle n’en a pas porté et que même les plaignants n'en ont pas apporté <strong>de</strong>s<br />
preuves tangibles ;<br />
Constate que l'infraction <strong>de</strong> tortures exercées contre les enfants <strong>de</strong> MUKAWERA n'est pas non<br />
plus établie à sa charge, car MUKAWERA fon<strong>de</strong> son accusation sur les déclarations <strong>de</strong> Hadidja<br />
selon lesquelles les filles <strong>de</strong> MUKAWERA ont été violées en sa présence chez elle, et que<br />
MUKAWERA pense que MUKAKAYIJUKA était au courant <strong>de</strong> ce viol qui était projeté contre<br />
ses filles, mais que ses filles nient en avoir été victimes, que donc les déclarations <strong>de</strong><br />
MUKAWERA ne peuvent être considérées comme vraies ;<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> menace <strong>de</strong> livrer les gens aux tueurs et <strong>de</strong> persécution sont établies<br />
à sa charge car elle reconnaît avoir beaucoup crié à cause <strong>de</strong> son bois <strong>de</strong> chauffage qu’elle ne<br />
trouvait pas, que les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour sont constitutives <strong>de</strong> ces<br />
infractions surtout qu’elle disait qu’elle allait alerter les Interahamwe pour qu’ils tuent les Tutsi<br />
qui se seraient emparés <strong>de</strong> son bois <strong>de</strong> chauffage si jamais celui-ci n’était pas retrouvé, que<br />
malgré qu’elle n’a pas mis en exécution son intention parce que son bois <strong>de</strong> chauffage avait été
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
retrouvé, les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour là démontrent sans aucun doute<br />
qu’elle menaçait tout le temps ses voisins <strong>de</strong> les dénoncer aux tueurs ;<br />
Constate que l'infraction <strong>de</strong> violation <strong>du</strong> domicile est établie à sa charge car, en plus <strong>de</strong>s<br />
témoignages <strong>de</strong> ses voisins, elle reconnaît elle aussi avoir fouillé <strong>de</strong>s maisons à la recherche <strong>de</strong><br />
son bois <strong>de</strong> chauffage qui avait disparu ;<br />
Constate que le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est établi à sa charge car elle a menacé <strong>de</strong> dénoncer les gens<br />
et a fait <strong>de</strong>s fouilles aux domiciles <strong>de</strong>s Tutsi à l'époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, ces actes étant constitutifs<br />
<strong>de</strong> ce crime tel que prévu par l'article 1b <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/96 sur la<br />
répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que les infractions commises par MUKAKAYIJUKA la rangent dans la troisième<br />
catégorie, qu'elles sont en concours idéal et qu'elle doit être punie <strong>de</strong> la peine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans qui est<br />
la plus sévère <strong>de</strong> celles prévues pour les infractions établies à sa charge ;<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT<br />
Vu la Loi fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise telle que modifiée le 16/01/96,<br />
1° les Accords <strong>de</strong> paix d'Arusha sur le partage <strong>du</strong> pouvoir entre le FPR et le Gouvernement<br />
Rwandais en ses articles 25, et 26 ;<br />
2° la Constitution <strong>de</strong> la République Rwandaise, en ses articles 12, 14, 33, 92 et 95 ;<br />
219<br />
11 ème feuillet.<br />
Vu les articles 6, 12, 76,104,129,199, 200 <strong>de</strong> la Loi n° 09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant Co<strong>de</strong><br />
d'organisation et <strong>de</strong> compétence judiciaires ;<br />
Vu les articles 1, 2, 14, 29, 36 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l'organisation <strong>de</strong>s<br />
poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Vu la Convention <strong>du</strong> 09/12//1948 sur la prévention et la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>;<br />
Vu les articles 16, 17, 58, 59, 76, 83, 84, 90,138 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> Procé<strong>du</strong>re Pénale ;<br />
Déclare recevable l'action <strong>du</strong> Ministère Public car elle est régulière en la forme et la dit<br />
partiellement fondée ;<br />
Déclare que MUKAKAYIJUKA Hadidja perd la cause quant aux infractions précisées aux<br />
exposés <strong>de</strong>s motifs ;<br />
La condamne à une peine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans d'emprisonnement ;<br />
Ordonne à MUKAKAYIJUKA <strong>de</strong> payer les frais d'instance <strong>de</strong> 21000Frw dès le prononcé <strong>du</strong><br />
jugement, sous peine d’une contrainte par corps <strong>de</strong> 15 jours suivie d’une exécution forcée sur ses<br />
biens ;<br />
Dit que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours à partir <strong>de</strong> la date <strong>du</strong> prononcé ;
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999<br />
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.<br />
Dit que le prononcé a lieu tardivement suite au calendrier chargé <strong>du</strong> Tribunal ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 15/01/99 PAR LA<br />
CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALI<br />
OU SIEGEAIENT UDAHEMUKA ADOLPHE (PRESIDENT), MUDAGIRI ANDRE ET<br />
NDIZIHIWE L. FIDELE (JUGES), EN PRESENCE DE MUKARUSHEMA<br />
EPIFRODOSIE (OMP), ET DU GREFFIER BIKINO JEAN CLAUDE.<br />
JUGE PRESIDENT JUGE<br />
MUDAGIRI André. UDAHEMUKA Adolphe. NDIZIHIWE L. Fidèle<br />
sé sé sé<br />
GREFFIER<br />
BIKINO J. Clau<strong>de</strong>.<br />
sé<br />
220
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE NYAMATA<br />
221
222
N°10<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong><br />
NYAMATA<br />
<strong>du</strong><br />
31 juillet 2000.<br />
Ministère Public C/ MUKANSANGWA Pascasie.<br />
ACQUITTEMENT – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT<br />
DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) –<br />
CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE L’HUMANITE – PREUVE<br />
(INSUFFISANCE) – TEMOIGNAGE (CONTRADICTOIRE; INDIRECT; FAUX).<br />
1. Procé<strong>du</strong>re – non comparution <strong>de</strong>s témoins – insuffisance <strong>de</strong>s charges – <strong>de</strong>scente sur les lieux<br />
– audition <strong>de</strong> témoins.<br />
2. Preuves – témoignage contradictoire et non oculaire – témoignages motivés par la<br />
vengeance – faux témoignages.<br />
3. Ministère Public – rétractation – réquisitions d’acquittement.<br />
4. Acquittement.<br />
1- Face à l’insuffisance <strong>de</strong>s charges invoquées par le Ministère Public et la non comparution<br />
<strong>de</strong>s témoins, le Tribunal déci<strong>de</strong> d’office <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à une <strong>de</strong>scente sur les lieux en vue<br />
d’interroger les témoins et d’autres personnes dont l’audition lui paraîtra utile.<br />
2- Ne constitue pas une charge suffisante, le témoignage d’une personne qui se contredit dans<br />
ses déclarations et qui n’a pas personnellement vu les faits qu’elle relate. Il en est <strong>de</strong> même<br />
<strong>de</strong>s accusations portées contre la prévenue par <strong>de</strong>ux sœurs, dont la plus jeune a reconnu en<br />
cours <strong>de</strong> procès avoir agi <strong>de</strong> concert avec son aînée dans le <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> faire condamner à tort<br />
la prévenue au motif qu’elle entretenait <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> concubinage avec le mari <strong>de</strong> celle-ci.<br />
3- Les poursuites ayant été engagées sur la base <strong>de</strong> témoignages qui se sont avérés non<br />
crédibles ou faux, le Ministère Public renonce aux poursuites et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal<br />
l’acquittement <strong>de</strong> la prévenue.<br />
4- Le Tribunal prononce l’acquittement <strong>de</strong> la prévenue et ordonne sa libération immédiate.<br />
(NDLR: Cette décision n'a pas été frappée d'appel).<br />
223
224
RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000<br />
R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
225<br />
1 er feuillet<br />
LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE<br />
NYAMATA, SIEGEANT A NYAMATA, A RENDU LE JUGEMENT SOUS LE<br />
NUMERO RMP 101422/S1/CS/NMTA/K.V, RP 140/98/CS/Nmta G<strong>de</strong>, COMME SUIT:<br />
PRONONCE PUBLIC DU 31/07/2000<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
MUKANSANGWA Pascasie.<br />
PREVENTIONS:<br />
Génoci<strong>de</strong> et crimes contre l’humanité;<br />
Assassinat;<br />
Attentat ayant pour but <strong>de</strong> porter la dévastation <strong>du</strong> pays, par le massacre et le pillage;<br />
LE TRIBUNAL,<br />
Vu la lettre n° A/290/D2/BA/Prore par laquelle le Premier Substitut près la chambre spécialisée<br />
<strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> NYAMATA, transmet au Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre<br />
spécialisée <strong>du</strong>dit Tribunal le dossier numéro RMP 1422/S1/BA/Nmta dans lequel est accusée<br />
MUKANSANGWA, pour fixation ;<br />
Vu l’enregistrement <strong>du</strong> dossier au n° RP 140/98/CS/Nta/G<strong>de</strong>, et que par ordonnance <strong>du</strong><br />
Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée, l’affaire est fixée au 25/07/2000, cette date étant signifiée<br />
aux parties ;<br />
Vu la comparution à cette date <strong>de</strong> l’accusé assisté par Me. SEMANDA Cyridion, le Ministère<br />
Public étant représenté par KAYINAMURA Vincent ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public énonce les préventions et pro<strong>du</strong>it les preuves à charge <strong>de</strong><br />
l’accusée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKANSANGWA plai<strong>de</strong> non coupable, et dit que ceux qui la chargent le font à<br />
tort et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> les faire citer pour qu’ils puissent lui être confrontés ;<br />
Vu que les témoins à charge nommées NIKUZE, NYIRAMINANI et MUKAKIMENYI ne<br />
comparaissent pas, et que le Tribunal prend la décision <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à une <strong>de</strong>scente sur les lieux<br />
et la fixe au 26/06/2000 afin d’interroger les dits témoins et d’autres personnes qu’il jugera<br />
nécessaire ;
RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000<br />
R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA<br />
Atten<strong>du</strong> que Pascasie déclare que toutes les accusations portées contre elle par NIKUZE<br />
Consolée sont motivées par le fait qu’elle entretenait <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> concubinage avec le mari<br />
<strong>de</strong> Consolée nommé NSENGIYAREMYE ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en date <strong>du</strong> 27/06/200, au cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scente sur les lieux, la petite sœur <strong>de</strong><br />
NIKUZE <strong>du</strong> nom <strong>de</strong> NYIRAMINANI est interrogée, et déclare qu’elle a accusé<br />
MUKANSANGWA à tort, conjointement avec sa gran<strong>de</strong> sœur, pour la faire emprisonner ;<br />
Constate que l’action publique est recevable, car elle régulière en la forme ;<br />
Constate que MUKANSANGWA Pascasie est poursuivie pour les infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>,<br />
d’assassinat et d’attentat ayant pour but <strong>de</strong> porter la dévastation et le pillage ;<br />
Constate que MUKANSANGWA Pascasie nie toutes les infractions à sa charge et dit qu’elle<br />
n’a pas participé au génoci<strong>de</strong> qui a en<strong>de</strong>uillé tout le pays ;<br />
2 ème feuillet.<br />
Constate que lors <strong>de</strong> l’audience <strong>du</strong> 25/06/2000, le Ministère Public n’a pas pu fournir à charge <strong>de</strong><br />
l’accusée <strong>de</strong>s preuves suffisantes, et qu’en plus les témoins à charge n’ont pas été enten<strong>du</strong>s<br />
puisqu’ils n’avaient pas comparu ;<br />
Constate que même tous les témoins enten<strong>du</strong>s au cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scente <strong>du</strong> 26/06/2000 à<br />
NYAGIHUNIKA où les infractions dont Pascasie est accusée ont été commises ont affirmé que<br />
cette <strong>de</strong>rnière est innocente à l’exception <strong>de</strong> MUKAKIMENYI qui l’accuse d’avoir tué<br />
Damascène au moyen d’une houe usée, mais que dans ses déclarations elle s’est souvent<br />
contredite, et qu’à la fin elle a fini par reconnaître qu’elle n’a pas été témoin oculaire ;<br />
Constate que les déclarations <strong>de</strong> NYIRAMINANI ne sont pas fondées parce qu’elle déclare<br />
avoir, conjointement avec sa gran<strong>de</strong> sœur NIKUZE, accusé faussement MUKANSANGWA<br />
Pascasie, parce que le mari <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> sœur nommé NSEGIYAREMYE, entretenait <strong>de</strong>s<br />
relations <strong>de</strong> concubinage avec Pascasie, et que c’est pour cette raison qu’elles l’ont fait<br />
emprisonner ;<br />
Constate que les déclarations <strong>de</strong> NIKUZE Consolée n’ont pas <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment puisqu’elle<br />
reconnaît avoir comploté avec sa petite sœur NYIRAMINANI pour témoigner faussement<br />
contre Pascasie, et qu’elle dit que sa petite sœur s’est trahie, que par conséquent elles n’ont plus<br />
<strong>de</strong> moyen <strong>de</strong> défense ;<br />
Constate que même les témoins qui ont été interrogés à RIRIMA le 27/06/2000, à savoir<br />
NTEZIYAREMYE, SAFARI et MUNYAGIHE, n’ont pas mis en cause MUKANSANGWA<br />
Pascasie ; que dans son témoignage, MUNYAGIHE a aussi affirmé qu’on pouvait croire que<br />
Pascasie était la femme <strong>de</strong> NSENGIYAREMYE, et à la question posée à Pascasie <strong>de</strong> savoir<br />
pourquoi elle entretenait <strong>de</strong>s telles relations avec le mari d’autrui, elle répond que c’était en<br />
guise <strong>de</strong> remerciement aux soldats <strong>de</strong> l’APR pour avoir vaincu l’ennemi ;<br />
Constate que dans cette affaire aucune partie civile ne s’est constituée ;<br />
Constate que dans ses conclusions, le Ministère Public s’est rétracté et a <strong>de</strong>mandé que Pascasie<br />
soit libérée ;<br />
226
RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000<br />
R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;<br />
Vu les articles 58,76 et 86 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> Procé<strong>du</strong>re Pénale ;<br />
Déclare que l’action publique n’est pas fondée car le Ministère Public lui-même le reconnaît ;<br />
Déclare qu’il n’y a aucune preuve à charge <strong>de</strong> la prévenue, et qu’elle est acquittée ;<br />
Déclare MUKANSANGA Pascasie innocente ;<br />
Ordonne que soit libérée MUKANSANGA Pascasie immédiatement après le prononcé ;<br />
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 31/07/200 PAR LE<br />
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE NYAMATA, CHAMBRE SPÉCIALISÉE,<br />
EN ITINÉRANCE À RIRIMA, COMPOSÉ DE KAYIRANGA JEAN , PRÉSIDENT,<br />
NGENDA BIZIMANA ET KAKIRA KAREKEZI, JUGES, ET EN PRÉSENCE DU<br />
GREFFIER NSENGIYUMVA IGNACE.<br />
SIEGE<br />
JUGE PRESIDENT JUGE<br />
NGENDA BIZIMANA KAYIRANGA Jean KAKIRA K. David<br />
Sé Sé Sé<br />
GREFFIER<br />
NSENGIYUMVA Ignace<br />
Sé<br />
Certifié conforme à la minute<br />
Le greffier : MUKOBWAJANA Kanyange<br />
227
228
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE RUHENGERI<br />
229
230
N°11<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> RUHENGERI<br />
<strong>du</strong><br />
12 décembre 2000<br />
Ministère Public C/ NTAHONDI Ildéphonse Alias BIZIMANA.<br />
ASSASSINAT (ART. 312 CP) − CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE ART. 2 L.O. <strong>du</strong><br />
30/8/96) − CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS − CRIME DE GENOCIDE<br />
(ELEMENT INTENTIONNEL) − DESCENTE DU TRIBUNAL SUR LE LIEU DES<br />
FAITS − DIMINUTION DE PEINE − MINORITE (EXCUSE DE; ART. 77 CP) − PEINE<br />
(13 ANS D'EMPRISONNEMENT) − TEMOIGNAGES (RECUSATIONS DE; A<br />
CHARGE; A DECHARGE; CONCORDANTS).<br />
1. Récusation <strong>de</strong> témoignages (conflits entre prévenu et témoins) − argument non<br />
fondé(absence <strong>de</strong> preuve <strong>du</strong> conflit).<br />
2. Infractions établies (assassinat et génoci<strong>de</strong>) − témoignages et éléments <strong>recueil</strong>lis lors <strong>de</strong> la<br />
<strong>de</strong>scente sur le lieu <strong>de</strong>s faits − victime visée en raison <strong>de</strong> son appartenance ethnique.<br />
3. Assassinat et génoci<strong>de</strong> − concours idéal d'infractions − <strong>de</strong>uxième catégorie (article 2 L.O. <strong>du</strong><br />
30/6/96).<br />
4. Excuse <strong>de</strong> Minorité (article 77 Co<strong>de</strong> pénal) − diminution <strong>de</strong> peine - 13 ans<br />
d'emprisonnement.<br />
1. Le prévenu récuse les témoignages qui le chargent, soutenant qu'ils trouvent leur origine<br />
dans le conflit qui oppose sa famille à celle <strong>de</strong>s témoins; cet argument n'est pas retenu par le<br />
Tribunal qui constate que plusieurs témoins dont la propre mère <strong>du</strong> prévenu démentent<br />
l'existence d'une inimitié entre les <strong>de</strong>ux familles.<br />
2. Sont déclarées établies à charge <strong>du</strong> prévenu, les infractions d'assassinat et <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> car:<br />
- les témoins à charge et à décharge, dont sa propre mère, le mettent en cause dans<br />
l'assassinat <strong>de</strong> la victime ;<br />
- les témoignages <strong>recueil</strong>lis lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scente <strong>du</strong> Tribunal sur le terrain incriminent le<br />
prévenu ;<br />
- les auteurs <strong>de</strong>s attaques dans la région, cités par le prévenu et sur qui il rejette la<br />
responsabilité <strong>de</strong> l'assassinat <strong>de</strong> la victime, reconnaissent avoir mené l'attaque qui a<br />
emporté d'autres personnes, mais soutiennent que la victime leur avait échappé et n'a été<br />
tuée que plus tard par le prévenu ;<br />
- le Tribunal constate que la victime a été visée en raison <strong>de</strong> son appartenance au groupe<br />
ethnique Tutsi.<br />
231
3. Les infractions d'assassinat et <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> retenues à charge <strong>du</strong> prévenu ont été commises en<br />
concours idéal et le rangent en <strong>de</strong>uxième catégorie.<br />
4. Le prévenu mineur au moment <strong>de</strong>s faits bénéficie <strong>de</strong> l'excuse <strong>de</strong> minorité conformément à<br />
l'article 77 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal; sa peine est ré<strong>du</strong>ite à 13 ans d'emprisonnement.<br />
(NDLR: Ce jugement n'a pas été frappé d'appel).<br />
232
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000<br />
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
233<br />
1 er feuillet.<br />
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE RUHENGERI, CHAMBRE<br />
SPECIALISEE, SIEGEANT AU PREMIER DEGRE EN MATIERE DE GENOCIDE ET<br />
DES AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 12/12/2000 LE<br />
JUGEMENT DONT VOICI LA TENEUR :<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
NTAHONDI Ildéphonse alias BIZIMANA fils <strong>de</strong> NSANZABARUNGU et <strong>de</strong> KASINE<br />
résidant à RWAKIRARI, secteur RUHINGA II, commune NYARUTOVU-RUHENGERI, en<br />
République Rwandaise.<br />
PREVENTIONS :<br />
A charge <strong>de</strong> NTAHONDI Ildéphonse, MIKERI(non autrement i<strong>de</strong>ntifié)<br />
− Avoir, dans la cellule RWAKIRARI, secteur RUHINGA II, commune NYARUTOVU,<br />
préfecture RUHENGERI, en République Rwandaise, à une date inconnue, entre avril et juillet<br />
1994, comme auteur ou coauteur, tel que prévu par les articles 89,90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre<br />
I et l’article 3 <strong>de</strong> la Loi n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, assassiné RUSHENZI à cause <strong>de</strong> son<br />
appartenance au groupe ethnique Tutsi ; infraction constitutive <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> prévue<br />
et réprimée par la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 sur la prévention et la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong>, la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s<br />
crimes contre l’humanité et la Convention <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong> 12/08/1968 relative à la protection<br />
<strong>de</strong>s personnes civiles en temps <strong>de</strong> guerre ; toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décretloi<br />
n°08/75 <strong>du</strong> 12/02/1975 ; et par les articles 2 et 14 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong><br />
30/08/1996 ;<br />
− Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteur, coauteur ou<br />
complice, assassiné RUSHENZI, infraction prévue et réprimée par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
Pénal livre II ;<br />
2 ème feuillet.<br />
LE TRIBUNAL,<br />
Vu la lettre n°H/293/RMP 39025/S4/SMJ que le premier substitut près le Tribunal <strong>de</strong> Première<br />
Instance a adressée au prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée qui a pris une ordonnance fixant<br />
l’audience au 10/10/2000, la présente affaire ayant été enregistrée au rôle sous le numéro RP :<br />
049/R1/2000 ;<br />
Vu qu’à cette date l’audience est remise au 19/10/2000 à la suite <strong>du</strong> défaut <strong>du</strong> Ministère Public,<br />
qu’à cette date l’audience est une nouvelle fois remise au 26/10/2000, date à laquelle l’audience<br />
n’est pas non plus tenue parce que l’un <strong>de</strong>s membres <strong>du</strong> siège participe à une formation, que ce
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000<br />
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI<br />
faisant elle est remise au 30/10/2000 ;<br />
Qu’à cette date l’audience a lieu en présence <strong>du</strong> Ministère Public représenté par SEBUTUNDA<br />
Emmanuel et <strong>de</strong> NTAHONDI assisté <strong>de</strong> Maître Joséphine NYIRAHATEGEKIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter ses moyens <strong>de</strong> défense sur la prévention d’avoir assassiné<br />
RUSHENZI à cause <strong>de</strong> son appartenance au groupe ethnique Tutsi, NTAHONDI alias<br />
BIZIMANA répond qu’il plai<strong>de</strong> non coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît les circonstances <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> RUSHENZI,<br />
NTAHONDI répond qu’il connaissait RUSHENZI, que celui-ci a été tué par une attaque <strong>de</strong><br />
miliciens Interahamwe en provenance <strong>de</strong> CYABINGO à laquelle prenaient part les nommés<br />
HATEGEKIMANA Vianney et MUTABARUKA Raphaël qui reconnaissent d’ailleurs les faits,<br />
qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ils sont passés à proximité <strong>de</strong> leur domicile après avoir<br />
consommé leur forfait, et qu’en compagnie d’autres personnes il est arrivé sur le lieu où gisait le<br />
cadavre <strong>de</strong> RUSHENZI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à réagir aux déclarations <strong>de</strong>s témoins MUKAMANA Justine, ZIBONUMWE<br />
et MANYINYA qui le chargent <strong>du</strong> meurtre <strong>de</strong> RUSHENZI, NTAHONDI répond qu’il était<br />
impossible pour MUKAMANA Justine (la mère <strong>de</strong> RUSHENZI) d’être témoin <strong>de</strong> cet assassinat,<br />
que MANYINYA le charge injustement parce qu’il est le fils <strong>de</strong> ZIBONUMWE lequel est<br />
l’ennemi <strong>du</strong> père <strong>de</strong> NTAHONDI qui s’appelle NSANZABARUNGU car, soutient-il,<br />
ZIBONUMWE a soutenu par le passé les fils <strong>de</strong> NSANZABARUNGU (qui sont en fait les grand<br />
frères <strong>de</strong> NTAHONDI) qui étaient en procès contre leur père, ce qui constitue à son avis une<br />
raison suffisante pour ceux qui l’accusent <strong>de</strong> lui attribuer cet assassinat ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTAHONDI dit au Tribunal que les gens qui peuvent corroborer sa thèse sont<br />
notamment sa mère KASINE, ses sœurs ainsi que le nommé Daniel alias Innocent ;<br />
234<br />
3 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que le Tribunal lui fait remarquer que sa mère KASINE et Daniel l’ont chargé <strong>de</strong>vant le<br />
Ministère Public et qu’il répond que Daniel n’a fait que rapporter les propos <strong>de</strong> MUKAHIRWA<br />
qui a également tenu le même discours à KASINE, qu’il poursuit en disant que le conseiller<br />
MUNYAMPENDA Simon et MUNYAMBIZI sont au courant <strong>de</strong> la mésentente qui existe entre<br />
ZIBONUMWE et sa famille ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public dit que NTAHONDI Ildéphonse veut in<strong>du</strong>ire le Tribunal en<br />
erreur en prétendant que RUSHENZI a trouvé la mort chez son père MUNYAMPUNDU alors<br />
qu’il a été tué par NTAHONDI dans un vallon, que NTAHONDI n’a pas précisé l’endroit où<br />
leurs malenten<strong>du</strong>s ont été débattus, qu’il continue en disant que RUSHENZI a trouvé la mort<br />
près <strong>de</strong> chez NTAHONDI dans une parcelle appartenant au dénommé MUHIRIMA, à environ<br />
15 mètres à partir <strong>de</strong> chez NTAHONDI ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Ministère Public procè<strong>de</strong> à l’exposé <strong>de</strong>s faits à charge <strong>de</strong> NTAHONDI et requiert<br />
contre lui la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 20 ans ainsi que le paiement <strong>de</strong>s frais occasionnés par la<br />
présente procé<strong>du</strong>re et les dommages et intérêts aux parties civiles qui pourront se constituer ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTAHONDI réagit au réquisitoire <strong>du</strong> Ministère Public, que Maître<br />
NYIRAHATEGEKIMANA qui l’assiste <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que son client soit déchargé par
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000<br />
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI<br />
MUKESHIMANA et MUTABARUKA qui connaissent l’inimitié existant entre ZIBONUMWE<br />
et la famille <strong>de</strong> NTAHONDI, que le conseil <strong>de</strong> NTAHONDI poursuit en disant que le Ministère<br />
Public n’est pas parvenu à établir la culpabilité <strong>de</strong> son client pour lequel il <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
l’acquittement ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à émettre son <strong>de</strong>rnier avis, NTAHONDI répond qu’il n’a rien à ajouter à son<br />
procès, que l’audience est clôturée et le prononcé fixé au 06/11/2000, qu’à cette date le Tribunal<br />
déci<strong>de</strong> d’effectuer une <strong>de</strong>scente sur les lieux <strong>du</strong> crime en dates <strong>du</strong> 16 et 17/11/2000 ;<br />
Vu la remise <strong>de</strong> ladite <strong>de</strong>scente au 22/11/2000 et au 23/11/2000 ;<br />
Vu qu’à cette date le Tribunal se transporte à RWAKIRARI-RUHINGA II-NYARUTOVU où<br />
NTAHONDI est accusé d’avoir perpétré <strong>de</strong>s infractions ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la nommée HAKORIMANA Edith déclare ne rien savoir sur l’assassinat <strong>de</strong><br />
RUSHENZI ;<br />
4 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que ZIBONUMWE explique au Tribunal que l’assassinat <strong>de</strong> RUSHENZI lui a été<br />
rapporté par son épouse NDINDAYINO Florida, son fils NSABIMANA et MANYINYA qui lui<br />
ont dit qu’ils ont vu NTAHONDI tuer RUSHENZI, qu’il déclare être sûr <strong>de</strong> la véracité <strong>de</strong> ce<br />
qu’ils lui ont dit en ce sens qu’à son arrivée à la maison, ces <strong>de</strong>rniers lui ont dit qu’ils avaient eu<br />
peur d’aller chercher <strong>de</strong> l’herbe pour le bétail parce que NTAHONDI avait tué RUSHENZI sous<br />
leurs yeux, qu’il poursuit en disant qu’il n’est pas en conflit avec NSANZABARUNGU, que par<br />
contre il avait souvent l’habitu<strong>de</strong> d’accompagner celui-ci <strong>du</strong> temps où il était en procès avec<br />
MUHIRIMA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment <strong>de</strong> dire la vérité, NDINDAYINO Florida déclare qu’elle a<br />
vu NTAHONDI tuer RUSHENZI à coups <strong>de</strong> gourdin, que RUSHENZI criait au secours en<br />
disant «toi aussi BIZIMANA tu me tues ? », qu’il montre l'endroit où NTAHONDI a donné la<br />
mort à sa victime et que NTAHONDI confirme que c’est effectivement à cet endroit que<br />
RUSHENZI a été assassiné tout en réfutant cependant sa responsabilité dans cet assassinat ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NSABIMANA alias MANYINYA explique que RUSHENZI a été tué par<br />
BIZIMANA alias NTAHONDI, qu'il a été témoin oculaire <strong>de</strong>s faits, que lorsque la victime est<br />
sortie <strong>du</strong> buisson qui lui servait <strong>de</strong> cachette, NSABIMANA lui a dit <strong>de</strong> se réfugier à<br />
CYINTARE, que chemin faisant RUSHENZI a croisé NTAHONDI qui lui a <strong>de</strong>mandé où il<br />
allait, et que quelques instants après, NSABIMANA a enten<strong>du</strong> RUSHENZI appeler au secours<br />
en disant « Toi aussi BIZIMANA tu me tues ? » ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense NTAHONDI dit que la déclaration <strong>de</strong> NSABIMANA alias<br />
MANYINYA ne <strong>de</strong>vrait pas être prise en considération dans la mesure où celui-ci est arrivé sur<br />
les lieux <strong>de</strong> l’assassinat 10 minutes après la mort <strong>de</strong> RUSHENZI et qu’il n’a démontré nulle part<br />
que NTAHONDI aurait participé à cet assassinat ;<br />
Atten<strong>du</strong> que tous les autres témoins notamment UWIMANA Daniel, HAKUZIMANA,<br />
NZIHANA, NYIRAMAJANGWE, RUSHENZI ainsi qu’un membre <strong>de</strong> la famille<br />
MUNYAMPUNDU sont enten<strong>du</strong>s, que Daniel reconnaît avoir pris part à l'enterrement <strong>de</strong><br />
235
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000<br />
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI<br />
RUSHENZI et qu’à cette occasion, il a constaté que ce <strong>de</strong>rnier avait succombé à <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong><br />
gourdin ou <strong>de</strong> massue, que NZIHANA qui abon<strong>de</strong> dans ce sens déclare l’avoir appris <strong>de</strong> Florida,<br />
qu’interrogé à ce propos MURAHIRWA dit que KASINE (la mère <strong>de</strong> NTAHONDI) lui a dit que<br />
RUSHENZI a été tué par NTAHONDI ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KASINE, la mère <strong>de</strong> NTAHONDI, explique au Tribunal qu’un procès a opposé les<br />
grands frères <strong>de</strong> NTAHONDI à leur père NSANZABARUNGU lequel a d’ailleurs eu gain <strong>de</strong><br />
cause et que ZIBONUMWE l’accompagnait toujours à ce procès et lui prodiguait <strong>de</strong>s conseils ;<br />
236<br />
5 ème feuillet.<br />
Vu la remise <strong>de</strong> l’audience au 23/11/2000 et l’audition <strong>de</strong>s témoins à décharge <strong>de</strong> NTAHONDI<br />
à cette date ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé au sujet <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> RUSHENZI, MUNYANDINDA Simon déclare<br />
ignorer l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> son meurtrier dans la mesure où certains assaillants sont venus <strong>de</strong><br />
CYABINGO tandis que d’autres ont lancé leurs attaques à partir <strong>de</strong> BURINGA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé au sujet <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> RUSHENZI, MUTABARUKA Raphaël répond<br />
que c’est bien lui et ses compagnons qui ont massacré la famille MUNYAMPUNDU, qu’ils ont<br />
assassiné trois personnes et qu’un jeune homme leur a échappé, qu’il apprendra plus tard que<br />
celui-là qui avait pris le large a par la suite été tué par NTAHONDI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réplique aux déclarations <strong>de</strong> MUTABARUKA, NTAHONDI dit que ce <strong>de</strong>rnier<br />
ment et qu’il nie les faits qu’il avait pourtant reconnus auparavant, que réagissant à ces propos,<br />
MUTABARUKA revient à la charge en affirmant que l’attaque dont il est question a coûté la vie<br />
à trois personnes et que l’autre leur a échappé en fuyant à travers la bananeraie, qu’ensuite ils<br />
sont partis sans rien laisser sur place ;<br />
Atten<strong>du</strong> que HAKESHIMANA J.M. dit que la famille MUNYAMPUNDU a été attaquée, que<br />
trois <strong>de</strong> ses membres ont été tués et que seul un jeune homme a pu échapper aux assaillants en se<br />
sauvant à travers la bananeraie, qu’il apprendra plus tard que ce <strong>de</strong>rnier a été tué par<br />
NTAHONDI, que poursuivant sa déposition, HAKESHIMANA dit que les déclarations <strong>de</strong><br />
NTAHONDI sont mensongères parce que cet enfant n’a pas trouvé la mort sur place, que<br />
NTAHONDI ment quand il soutient qu’il gardait le bétail lorsqu’il a vu ces assaillants passer à<br />
proximité <strong>de</strong> leur domicile, car il ne les connaissait pas, que l’audience est remise au 05/12/2000<br />
et qu’à cette date elle est en continuation ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTAHONDI explique au Tribunal que les gens le chargent à tort et que les détenus<br />
qui le chargent le font pour se disculper, que pour sa part Maître NYIRAHATEGEKIMANA<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> que son client soit acquitté parce qu’aucune preuve n’a pu établir sa culpabilité et que<br />
ceux qui le chargent le font parce qu’ils sont en aveu alors que son client plai<strong>de</strong> non coupable ;<br />
Vu qu’aucune partie civile ne s’est constituée ;<br />
Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner, que le Tribunal prend<br />
l’affaire en délibéré ce 12/12/2000 et rend le jugement ci-après :<br />
Constate que NTAHONDI Ildéphonse alias BIZIMANA est poursuivi par le Ministère Public<br />
pour avoir assassiné RUSHENZI à cause <strong>de</strong> son appartenance au groupe ethnique Tutsi ;
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000<br />
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI<br />
237<br />
6 ème feuillet.<br />
Constate que NTAHONDI a plaidé non coupable aussi bien <strong>de</strong>vant le Ministère Public que<br />
<strong>de</strong>vant le Tribunal, qu’il a même affirmé à l’audience <strong>du</strong> 30/10/2000 savoir que RUSHENZI a<br />
été tué par une attaque venue <strong>de</strong> CYABINGO et à laquelle prenaient part les nommés<br />
HAKESHIMANA Vianney, MUTABARUKA et MUNYAMPENDA et que c’est à cette<br />
occasion que la famille MUNYAMPUNDU a été massacrée, qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ils<br />
sont passés chez eux et que HAKESHIMANA et MUTABARUKA détenus à la prison <strong>de</strong><br />
RUHENGERI reconnaissent les faits dont il est accusé ;<br />
Constate que les preuves dont le Ministère Public se prévaut sont notamment les déclarations <strong>de</strong><br />
NDINDAYINO Florida qui a enten<strong>du</strong> le petit RUSHENZI appeler au secours en disant : « Toi<br />
aussi NTAHONDI (alias BIZIMANA) tu me tues ? » ainsi que celles <strong>de</strong> MANYINYA qui avoue<br />
qu’il était avec RUSHENZI quand NTAHONDI a dit à celui-ci <strong>de</strong> les rejoindre en lui assurant<br />
qu’aucun mal ne lui arriverait, que RUSHENZI les ayant rejoints dans un vallon où ils étaient<br />
(endroit où le Tribunal s’est transporté et où NTAHONDI et MANYINYA soutiennent que<br />
RUSHENZI a été assassiné), il a enten<strong>du</strong> RUSHENZI s’étonner <strong>de</strong> ce que NTAHONDI voulait<br />
également le tuer ;<br />
Que cette version <strong>de</strong>s faits est corroborée par les déclarations <strong>de</strong> ZIBONUMWE qui soutient que<br />
son fils MANYINYA lui a dit que RUSHENZI a été tué par NTAHONDI, que cela faisait suite à<br />
la question qu’il venait <strong>de</strong> lui poser <strong>de</strong> savoir pourquoi il n’avait pas rentré tôt le bétail <strong>du</strong><br />
pâturage à la maison, que son fils lui a répon<strong>du</strong> qu’il ne l’a pas fait parce que RUSHENZI qui<br />
gardait le bétail avec lui venait <strong>de</strong> se faire tuer et qu’il a eu peur ;<br />
Constate que NTAHONDI assisté <strong>de</strong> Maître NYIRAHATEGEKIMANA Joséphine dit que la<br />
famille ZIBONUMWE le charge parce que <strong>de</strong>s conflits opposent leurs familles respectives<br />
<strong>de</strong>puis longtemps, que ces conflits sont nés <strong>de</strong> ce que ZIBONUMWE a incité les grands frères <strong>de</strong><br />
NTAHONDI à engager un procès contre leur père à eux, qu’il trouve que ceux qui le chargent<br />
sont issus d’une même famille et que cela n’est pas normal ;<br />
Constate qu’en date <strong>du</strong> 22/11/2000 le Tribunal s’est transporté sur le lieu <strong>du</strong> crime, qu’il a<br />
enten<strong>du</strong> les personnes qui sont au courant <strong>de</strong>s procès qui ont opposé NSANZABARUNGU (le<br />
père <strong>de</strong> NTAHONDI) et ses propres fils, qu’à la question <strong>de</strong> savoir le rôle que ZIBONUMWE<br />
aurait joué dans cette affaire, ces personnes ainsi que la mère <strong>de</strong> NTAHONDI ont nié<br />
catégoriquement que ces procès aient jamais eu lieu (sic) ;<br />
Constate que la <strong>de</strong>scente s’est poursuivie le len<strong>de</strong>main le 23/11/2000, que le Tribunal a interrogé<br />
les nommés MUKESHIMANA J.M.V, MUNYAMPENDA Siméon et MUTABARUKA<br />
Raphaël au sujet <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> RUSHENZI, que ces personnes ont avoué avoir massacré la<br />
famille <strong>de</strong> MUNYAMPUNDU, mais que RUSHENZI leur avait échappé ;<br />
7 ème feuillet.<br />
Constate que NTAHONDI et son conseil n’ont pas pu contredire les preuves rapportées par le<br />
Ministère Public, qu'ainsi NTAHONDI doit être puni pour avoir assassiné RUSHENZI à cause<br />
<strong>de</strong> son appartenance à l’ethnie Tutsi à l’image <strong>de</strong> ce qui se faisait partout dans le pays, que les<br />
infractions établies à sa charge (assassinat et génoci<strong>de</strong>) sont en concours idéal, qu’il bénéficie<br />
cependant <strong>de</strong> la ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> la peine parce qu’il était mineur au moment <strong>de</strong>s faits tel que prévu
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000<br />
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI<br />
par l’article 77 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
Constate que les infractions établies à charge <strong>de</strong> NTAHONDI Ildéphonse le rangent dans la 2 ème<br />
catégorie comme le prévoit la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
Constate qu’aucune partie civile ne s’est constituée dans la présente procé<strong>du</strong>re ;<br />
Constate que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner ;<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise spécialement la Constitution <strong>du</strong><br />
10/06/1991 telle que modifiée à ce jour en ses articles 12, 14, 33, 91-95 et le Protocole <strong>de</strong>s<br />
Accords <strong>de</strong> Paix d'Arusha sur le partage <strong>du</strong> pouvoir en ses articles 25 et 26 ;<br />
Vu le Décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant organisation et compétence judiciaires confirmé<br />
par la Loi n°01/82 <strong>du</strong> 26/01/1982 ayant confirmé les Décrets-lois tel que modifiée à ce jour<br />
spécialement en ses articles 6, 9-12, 44, 85, 104, 129 al.1 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale ;<br />
Vu la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er<br />
octobre 19990 en ses articles 1, 2 2 ème catégorie, 14b, 18, 19, 20, 21, 22 al.1, 24, 36, 37 et 37 ;<br />
Vu les articles 77 et 312 <strong>de</strong> la loi n°21/77 <strong>du</strong> 18 août 1977 portant Co<strong>de</strong> pénal<br />
238<br />
8 ème feuillet.<br />
Déclare recevable l’action <strong>du</strong> Ministère Public parce que régulière en la forme et la dit fondée ;<br />
Déclare que les préventions à charge <strong>de</strong> NTAHONDI sont établies et le rattachent à la 2 ème<br />
catégorie ;<br />
Déclare que NTAHONDI perd le procès ;<br />
Le condamne à la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 13 ans ;<br />
Condamne NTAHONDI à payer les frais occasionnés par la présente procé<strong>du</strong>re équivalant à<br />
68.000 Frw ;<br />
Déci<strong>de</strong> la disjonction <strong>de</strong> l’action civile ;<br />
Rappelle à toute personne désireuse d’interjeter appel que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours et qu’il<br />
y est statué sur pièces ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 12/12/2000, LE<br />
MINISTERE PUBLIC N’ETANT PAS REPRESENTE.<br />
Juge Prési<strong>de</strong>nt Juge Greffier<br />
HITIMANA F. MUNYAMAHORO J. HABARUGIRI D. BAMURANGE<br />
Sé/ Sé/ Sé/ Sé/
CHAMBRE SPECIALISEE<br />
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE<br />
DE RUSHASHI<br />
239
240
N°12<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> RUSHASHI<br />
<strong>du</strong><br />
21 septembre 2000.<br />
Ministère Public C/ GASANA Appolinaire et Consorts.<br />
ACQUITTEMENT − ASSASSINAT − ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS.<br />
281, 282, et 283 CP) − ATTENTAT AYANT POUR BUT DE PORTER LA<br />
DEVASTATION (ART. 168 CP) − AVEUX − CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE<br />
ART.2 L.O. 30/08/96) − CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS − CRIME DE<br />
GENOCIDE (ELEMENT INTENTIONNEL) − CRIMES CONTRE L'HUMANITE −<br />
DIMINUTION DE PEINE − DOUTE - EGALITE DES ARMES (DROIT DE FAIRE<br />
CITER DES TEMOINS) − ENLEVEMENT (ART. 388 CP) − MEURTRE (ART.311<br />
CP) − PEINES (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE; 15 ANS<br />
D'EMPRISONNEMENT, DEGRADATION CIVIQUE) − PREUVES<br />
(ADMINISTRATION DE LA; ABSENCE DE) − PROCEDURE D'AVEU ET DE<br />
PLAIDOYER DE CULPABILITE APRES POURSUITES (ARTS. 6 et 16 L.O. 30/08/96<br />
− TEMOIGNAGES (RECUSATION DE; A CHARGE; A DECHARCHE).<br />
1. 2 ème prévenu − Procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité (après poursuites) −<br />
acceptée (article 6 Loi organique 30/08/1996) − <strong>de</strong>uxième catégorie − 15 ans<br />
d'emprisonnement (article 16, a, Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996).<br />
2. 1 er prévenu − infractions établies (génoci<strong>de</strong> et crimes contre l'humanité, association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation <strong>du</strong> pays) − preuves (témoignages à<br />
charge et à décharge, moyens <strong>de</strong> défense contradictoires).<br />
3. 1 er prévenu − concours idéal d'infractions − <strong>de</strong>uxième catégorie − emprisonnement à<br />
perpétuité et dégradation civique.<br />
4. 3 ème et 4 ème prévenus − absence <strong>de</strong> preuve suffisante <strong>du</strong> Ministère Public − témoignage<br />
non crédible − bénéfice <strong>du</strong> doute (article 20 CPP) − acquittement et ordre <strong>de</strong> libération<br />
immédiate.<br />
1. La procé<strong>du</strong>re d'aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité à laquelle le 2 ème prévenu a recouru<br />
après poursuites, est acceptée tant par le Ministère Public que par le Tribunal compte tenu<br />
<strong>de</strong> sa conformité à l'article 6 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996.<br />
Ce prévenu a fait <strong>de</strong>s aveux complets et les infractions avouées (génoci<strong>de</strong> et crimes contre<br />
l'humanité, association <strong>de</strong> malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation <strong>du</strong> pays) le<br />
rangent en <strong>de</strong>uxième catégorie. En application <strong>de</strong> l'article 16)a <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong><br />
30/08/1996, il est condamné à 15 ans d'emprisonnement.<br />
2. En dépit <strong>de</strong> ses dénégations, les infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et crimes contre l'humanité,<br />
241
association <strong>de</strong> malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation <strong>du</strong> pays sont déclarées<br />
établies à charge <strong>du</strong> 1 er prévenu, car:<br />
- Il est mis en cause par le 2 ème prévenu qui a avoué les faits, les déclarations <strong>de</strong> ce<br />
co-prévenu concordant avec celles d'autres témoins.<br />
- Ses affirmations selon lesquelles ceux qui le mettent en cause n’auraient agi que par<br />
dépit ou vengeance n’apparaissent pas fondées.<br />
- Les témoins à décharge qu'il a lui-même cités ne le disculpent pas.<br />
- Ses moyens <strong>de</strong> défense recèlent <strong>de</strong>s contradictions. Il ne subsiste pas <strong>de</strong> doute<br />
quant à sa participation au complot qui a abouti à l'assassinat <strong>de</strong> la victime et <strong>de</strong> ses<br />
quatre enfants.<br />
3. Les infractions retenues à charge <strong>du</strong> 1 er prévenu ont été commises en concours idéal et<br />
permettent <strong>de</strong> le ranger en <strong>de</strong>uxième catégorie. Il est condamné à l'emprisonnement à<br />
perpétuité et à la dégradation civique.<br />
4. En l'absence <strong>de</strong> preuves fournies pas le Ministère Public, le Tribunal accor<strong>de</strong> le bénéfice<br />
<strong>du</strong> doute aux 3 ème et 4 ème prévenus et ne retient aucune infraction à leur charge:<br />
- Les déclarations <strong>du</strong> 3 ème prévenu, qui explique sa présence sur les lieux où ont été<br />
débusquées les victimes par sa crainte <strong>de</strong> voir attaquer <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> sa famille<br />
paraissent plausibles ; le fait qu’il n’ait pas pris part aux assassinats paraît confirmé<br />
par le prévenu en aveu.<br />
- Il apparaît que la déclaration <strong>du</strong> 3 ème prévenu chargeant le quatrième d'avoir été<br />
parmi les gens qui ont débusqué les victimes n’est pas conforme à la vérité et doit<br />
être écartée, car elle est fondée sur un conflit qui les oppose.<br />
Le Tribunal acquitte ces <strong>de</strong>ux prévenus et ordonne leur libération immédiate.<br />
(NDLR: L’appel interjeté contre ce jugement est pendant <strong>de</strong>vant la Cour d’appel <strong>de</strong> Kigali).<br />
242
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
243<br />
1 er feuillet.<br />
LA CHAMBRE SPECIALISE PRES LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE<br />
RUSHASHI, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES<br />
CONTRE L’HUMANITE AU PREMIER DEGRE A RENDU LE JUGEMENT CI-<br />
APRES :<br />
JUGEMENT DU 21/09/2000.<br />
EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
1- GASANA Appolinaire fils <strong>de</strong> BINYAVANGA et NTAKOBATAGIRA, né en 1959, dans la<br />
cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,<br />
République Rwandaise, marié à NYIRANDASEZEYE, père <strong>de</strong> 4 enfants, sans antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires connus, sans biens, en détention préventive à la prison <strong>de</strong> KIGALI.<br />
2- NTAWUMENYUMUNSI alias NIYONSHUTI fils <strong>de</strong> NSABABERA et AHORYIRIWE,<br />
né en 1976 dans la cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture<br />
KIGALI NGALI, République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, célibataire, sans<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, sans biens, en détention préventive à la prison <strong>de</strong> GIKONDO.<br />
3- SEROMBA Michel fils <strong>de</strong> SENGABO et MBURABUZE, né en 1936, dans la cellule<br />
NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,<br />
République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRANGENDO, sans biens<br />
ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
4- SINARUHAMAGAYE Jean fils <strong>de</strong> RWALINDA et NAGASANZWE, né en 1935, dans la<br />
cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,<br />
République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRABAKIGA, père <strong>de</strong> 5<br />
enfants, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
PARTIES CIVILES :<br />
PREVENTIONS :<br />
Avoir, dans la cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture<br />
KIGALI NGALI, République Rwandaise, en 1994, comme coauteurs tel que prévu par les<br />
articles 89,90 et 91 <strong>du</strong> livre I <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et d’autres crimes<br />
contre l’humanité contre les Tutsi et d’autres opposants au régime <strong>de</strong> l’époque qui étaient<br />
qualifiés <strong>de</strong> complices <strong>de</strong>s INYENZI, infractions prévues et réprimées par :
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
244<br />
2 ème feuillet.<br />
- la Convention internationale <strong>du</strong> 09 décembre 1948 sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>,<br />
- la Convention internationale <strong>du</strong> 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong><br />
guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité, toutes ratifiées par le Rwanda,<br />
- la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité commises entre le 1 er<br />
10/1994 et le 31/12/1994.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, volontairement tué la nommée<br />
MUKAKARASI Thérèse et ses 4 enfants, infraction prévue et réprimée par l’article 311 <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal livre II.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, enlevé <strong>de</strong>s personnes qu’ils sont allés<br />
noyer dans la rivière, infraction prévue et réprimée par l’article 388 <strong>du</strong> co<strong>de</strong> pénal livre II.<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, commis l’infraction <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong><br />
pays par les massacres, infraction prévue et réprimée par l’article 168 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II.<br />
QUALIFICATION LEGALE :<br />
- Association <strong>de</strong> malfaiteurs :articles 281, 282, 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II.<br />
- Meurtre : article 311 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II.<br />
- Enlèvement : article 388 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II.<br />
- Attentat portant la dévastation <strong>du</strong> pays : article 168 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II.<br />
LE TRIBUNAL,<br />
Vu la lettre <strong>du</strong> 20/06/2000 par laquelle le Premier Substitut près la Chambre Spécialisée <strong>du</strong><br />
Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> RUSHASHI a transmis pour fixation le dossier à charge <strong>de</strong><br />
GASANA Appolinaire et consorts ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>de</strong> RUSHASHI fixant la date<br />
d’audience au 13/09/2000 ;<br />
Vu que tous les prévenus ont été régulièrement cités à comparaître ;<br />
3 ème feuillet.<br />
Vu qu’après signification, les prévenus ont été, à leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, autorisés à consulter le dossier à<br />
leur charge,<br />
Vu qu’à la date d’audience prévue, les prévenus ont comparu, chacun assurant personnellement<br />
sa défense, le Ministère Public étant représenté par l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public NDEJEJE<br />
Pascal tandis que RUVUZANDEKWE Seth, quoique régulièrement cité, n’a pas comparu ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après l’énoncé <strong>de</strong>s préventions à leur charge, les prévenus sont invités à dire s’ils<br />
plai<strong>de</strong>nt coupable ou non coupable, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il plai<strong>de</strong> coupable<br />
comme il a avoué les faits <strong>de</strong>vant le Ministère Public et a par ailleurs recouru à la procé<strong>du</strong>re<br />
d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, que GASANA Appolinaire, SEROMBA Michel et
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
SINARUHAMAGAYE Jean plai<strong>de</strong>nt non coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il est allé rendre visite à sa grand-mère au cours<br />
d’une matinée au mois d’avril 1991(sic) et que, en cours <strong>de</strong> route, il a croisé GASANA et<br />
RUVUZANDEKWE qui lui ont dit que <strong>de</strong>s Tutsi se cachaient à NYAMATO, qu’ils doivent les<br />
débusquer pour qu’ils soient tués, que c’est ainsi qu’ils sont partis ensemble et ont déniché<br />
MUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants et sont allés les tuer ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il poursuit en disant qu’ils ont emmené MUKAKARASI Thérèse et ses quatre<br />
enfants à la rivière où ils leur ont donné l’ordre <strong>de</strong> se noyer, qu’il était en compagnie <strong>de</strong><br />
GASANA et RUVUZANDEKWE mais qu’il nie avoir vu SINARUHAMAGAYE sur les lieux,<br />
qu’il affirme avoir vu SEROMBA portant une machette et une lance après qu’ils venaient <strong>de</strong><br />
débusquer les victimes mais qu’il n’a pas vu celui-ci à la rivière où ils ont noyé les victimes ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il déclare reconnaître sa responsabilité dans la noya<strong>de</strong> <strong>de</strong> MUKAKARASI et ses<br />
quatre enfants, qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il a accepté <strong>de</strong> s’intégrer à un groupe <strong>de</strong><br />
malfaiteurs qu’il a croisé en chemin sans avoir décidé avec lui <strong>de</strong> perpétrer <strong>de</strong>s massacres, il<br />
répond qu’à son arrivée, GASANA venait <strong>de</strong> tenir une réunion au cours <strong>de</strong> laquelle il a <strong>de</strong>mandé<br />
aux gens <strong>de</strong> lui porter secours car MUKAKARASI l’importune chaque nuit en venant lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à manger et qu’elle doit être recherchée et tuée, qu’il a accepté d’y prendre part dès<br />
qu’il en a été informé car il était le moins âgé et pouvait s’exposer à <strong>de</strong>s conséquences fâcheuses<br />
s’il avait refusé ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il nie avoir vu SEROMBA à la rivière alors que<br />
celui-ci s’y trouvait portant une machette et une lance et que cela est la preuve qu’il prenait part<br />
à cette expédition, il répond qu’il ne peut pas affirmer ce qu’il n’a pas vu, qu’il sait simplement<br />
qu’il l’a vu là où ils ont débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne l’a vu nulle<br />
part ailleurs et qu’il ignore comment il est rentré ;<br />
245<br />
4 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’accepter son plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité comme l’a fait le<br />
Ministère Public car il dit la vérité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que NTAWUMENYUMUNSI a recouru à la<br />
procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité conformément à la loi, que ses aveux se sont<br />
révélés complets après vérification, que ses actes le rangent dans la <strong>de</strong>uxième catégorie, qu’il<br />
requiert à sa charge la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 15 ans en vertu <strong>de</strong> l’article 16 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n° 08 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après les réquisitions <strong>du</strong> Ministère Public, le Tribunal prend l’affaire en délibéré et<br />
déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> recevoir la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité <strong>de</strong><br />
NTAWUMENYUMUNSI et <strong>de</strong> le classer dans la <strong>de</strong>uxième catégorie en vertu <strong>de</strong> l’article 16 <strong>de</strong><br />
la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/96 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SEROMBA Michel dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Ministère Public<br />
<strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire les preuves à la base <strong>de</strong>s poursuites exercées contre lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les infractions reprochées à SEROMBA<br />
Michel sont établies à sa charge car <strong>de</strong> nombreux témoins enten<strong>du</strong>s le mettent en cause ainsi que
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
ses co-prévenus, que NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong><br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité affirme l’avoir vu armé d’une lance et d’une machette là où ils ont<br />
débusqué MUKAKARASI et ses enfants, que cela est la preuve qu’il participait à l’attaque avec<br />
les autres tueurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SEROMBA Michel dit que le frère <strong>de</strong> MUKAKARASI est son gendre et qu’il se<br />
cachait chez lui à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, qu’en entendant une clameur, il a pensé que c’est son<br />
gendre que l’on venait <strong>de</strong> découvrir, qu’il a accouru et a constaté que c’est plutôt<br />
MUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne participait donc pas à cette attaque mais<br />
redoutait que ce soit son gendre qui puisse être tué ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’à son arrivée, il a vu SINARUHAMAGAYE, RUVUZANDEKWE Seth,<br />
MBYARIYEHE et NTAWUMENYUMUNSI ayant entre leurs mains les personnes ci-haut<br />
citées à savoir MUKAKARASI et ses quatre enfants, qu’il a tenté d’intercé<strong>de</strong>r en leur faveur<br />
mais qu’on lui a répon<strong>du</strong> qu’il ne doit pas intervenir en faveur <strong>de</strong>s Inyenzi en perdant <strong>de</strong> vue<br />
qu’il en loge quelques uns chez lui, et qu’il <strong>de</strong>vrait au contraire <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pardon pour ceux-là ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il veut nier les faits qui lui sont reprochés alors que<br />
<strong>de</strong>s témoins l’ont vu à l’exemple <strong>de</strong> NTAWUMENYUMUNSI alias NIYONSHUTI qui a<br />
recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, il répond que MUKAKARASI était<br />
entre les mains <strong>de</strong>s tueurs quand il est arrivé là où elle a été débusquée, qu’il a dit pourquoi il<br />
s’est ren<strong>du</strong> à cet endroit et qu’il ne portait pas une lance et une machette, que<br />
NTAWUMENYUMUNSI le met en cause par vengeance car il l’a dénoncé avec son père<br />
SAMVURA pour avoir pillé les maniocs <strong>de</strong> MUKAKARASI et qu’ils ont été punis à cet effet <strong>du</strong><br />
paiement <strong>de</strong> 1.000 Frw et <strong>de</strong> la bière <strong>de</strong> banane ;<br />
246<br />
5 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il n’a pas vu GASANA Appolinaire, il répond par la<br />
négative mais dit qu’il se peut qu’il se soit éclipsé après la réunion pour faire croire que ce n’est<br />
pas lui qui a indiqué la cachette <strong>de</strong> MUKAKARASI et ses enfants, qu’il y avait par ailleurs une<br />
foule <strong>de</strong> gens si bien qu’il ne pouvait pas i<strong>de</strong>ntifier tout le mon<strong>de</strong> surtout qu’il avait peur ;<br />
Atten<strong>du</strong> que SINARUHAMAGAYE Jean dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Ministère Public <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire les preuves sur lesquelles il fon<strong>de</strong> ses poursuites ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que les infractions reprochées à<br />
SINARUHAMAGAYE Jean sont établies à sa charge car SEROMBA affirme l’avoir vu sur les<br />
lieux parmi ceux qui ont débusqué MUKAKARASI et ses quatre enfants ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il nie être arrivé sur les lieux et dit qu’il a un différend avec SEROMBA contre qui<br />
un procès l’a opposé, mais qu’il croyait définitivement clos suite à la conciliation intervenue<br />
entre eux au sein <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> manière qu’il ne pensait pas que l’intéressé puisse lui attribuer<br />
faussement l’infraction <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que d’autres personnes que SEROMBA soient interrogées et dit qu’il est<br />
prêt à reconnaître sa responsabilité si quelqu’un d’autre le met en cause ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GASANA Appolinaire dit qu’il plai<strong>de</strong> non coupable et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le Ministère
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
Public rapporte les preuves à la base <strong>de</strong>s poursuites à sa charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que toutes les infractions reprochées à GASANA<br />
sont établies à sa charge car il est mis en cause par ses coauteurs à savoir RUVUZANDEKWE<br />
Seth et NTAWUMENYUMUNSI qui est en aveu, que GASANA n’a aucun motif <strong>de</strong> les réfuter ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GASANA nie avoir pris part à l’attaque qui a coûté la vie à MUKAKARASI<br />
Thérèse car il était mala<strong>de</strong> <strong>du</strong> début à la fin <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, qu’il a au contraire vu MBYARIYEHE<br />
emmener les victimes alors qu’il se trouvait chez lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il n’a pas porté secours à sa voisine qui allait être<br />
tuée, il répond qu’il n’aurait rien pu faire faute <strong>de</strong> moyens, car il était faible et que l’attaque était<br />
composée <strong>de</strong> nombreuses personnes portant <strong>de</strong>s armes telles que <strong>de</strong>s massues et autres ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GASANA Appolinaire dit qu’il ne pouvait pas diriger une réunion alors qu’il n’était<br />
qu’un simple citoyen, que c’est après la guerre qu’il a eu la qualité d’autorité et que, sur<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>du</strong> bourgmestre et <strong>de</strong>s militaires, il a dénoncé les malfaiteurs, que c’est pour cette<br />
raison que les gens le mettent injustement en cause, qu’il ne pouvait pas prendre part aux<br />
attaques à cette époque où il était traité d’Inyenzi ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GASANA dit que ce sont KARARISI Pascal et RUVUZANDEKWE Seth qui l’ont<br />
fait arrêter, le motif en étant que, après la mort <strong>de</strong> MUKAKARISA et ses enfants, KARARISI a<br />
voulu vendre la propriété foncière <strong>de</strong> la victime mais qu’il le lui a interdit en sa qualité<br />
d’autorité, que c’est donc par vengeance qu’il l’accuse à tort d’avoir commis le génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que <strong>de</strong>s différends divers l’opposent à RUVUZANDEKWE Seth et notamment<br />
le fait qu’il a tranché une affaire <strong>de</strong> vol à sa charge à l’issue <strong>de</strong> laquelle l’intéressé a été puni, que<br />
cela peut être la raison pour laquelle il l’accuse injustement, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal<br />
d’entendre les témoins HABUMUGISHA, SEMANA et MURWANASHYAKA et se déclare<br />
prêt à se plier à leurs témoignages car ils savent bien qu’il a puni RUVUZANDEKWE dans une<br />
affaire <strong>de</strong> vol ;<br />
Atten<strong>du</strong> que GASANA Appolinaire dit que NTAWUMENYUMUNSI le charge faussement et<br />
que cela a eu pour origine le fait que c’est lui qui a fait arrêter son coauteur MBYARIYEHE<br />
dans l’assassinat <strong>de</strong> MUKAKARASI, que constatant ainsi que son arrestation était imminente,<br />
RUVUZANDEKWE a décidé <strong>de</strong> le mettre<br />
6 ème feuillet.<br />
en cause, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal d’entendre les témoins NZABAGERAGEZA et<br />
RIBAKARE qui pourront confirmer qu’il s’était foulé la jambe car il est passé à l’endroit où ils<br />
se trouvaient quand il allait voir l’état <strong>de</strong> ses récoltes à KINUNGA, se servant d’un bâton pour<br />
se déplacer ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, les témoins AHIMANA, MURWANASHYAKA et<br />
BATUMYEHO disent que GASANA a effectivement connu <strong>de</strong> l’affaire <strong>de</strong> vol <strong>de</strong> régimes <strong>de</strong><br />
bananes à charge <strong>de</strong> RUVUZANDEKWE mais nient catégoriquement savoir où se trouvait<br />
GASANA lors <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> MUKAKARASI car ils n’ont appris la nouvelle que plus tard,<br />
tandis que le nommé AYIGIHUGU dit qu’il ne sait rien car il était mala<strong>de</strong> ;<br />
247
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, NZABAGERAGEZA et RIBAKARE, à la question <strong>de</strong><br />
savoir s’ils ont, à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, croisé GASANA quand il était mala<strong>de</strong> et se rendait à<br />
KINUNGA, ils répon<strong>de</strong>nt par la négative et précisent qu’il n’a même pas <strong>de</strong> champs à<br />
KINUNGA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public dit que les infractions<br />
reprochées à GASANA sont établies à sa charge car il en a rapporté les preuves, qu’il requiert la<br />
peine d’emprisonnement à perpétuité à sa charge ainsi que celle <strong>de</strong> 15 ans d’emprisonnement à<br />
charge <strong>de</strong> NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité, qu’il requiert également la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 10 ans à charge <strong>de</strong><br />
SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean, tous les prévenus <strong>de</strong>vant être condamnés au<br />
paiement solidaire <strong>de</strong>s frais d’instance ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est donnée aux prévenus en vue <strong>de</strong> répliquer aux réquisitions <strong>du</strong> Ministère<br />
Public et aux témoignages, que GASANA dit que la peine requise est très élevée et qu’il<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> lui rendre justice, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il consent à être<br />
puni car il a plaidé coupable, que SEROMBA et SINARUHAMAGAYE disent qu’ils<br />
désapprouvent la peine requise car ils sont certains <strong>de</strong> n’avoir rien fait et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt au Tribunal<br />
<strong>de</strong> leur rendre justice ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les débats sont clos, que le Tribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugement<br />
dans les termes ci-après :<br />
Constate que l’action <strong>du</strong> Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;<br />
Constate que les aveux <strong>de</strong> NTAWUMENYUMUNSI doivent être acceptés car ils remplissent les<br />
conditions prévues à l’article 6 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 ;<br />
Constate que les infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et autres crimes contre l’humanité, d’association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong> pays sont établies à charge <strong>de</strong><br />
NTAWUMENYUMUNSI car il a avoué tant <strong>de</strong>vant le Ministère Public que <strong>de</strong>vant le Tribunal,<br />
avoir débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants qui se cachaient à l’arrière <strong>du</strong><br />
domicile <strong>de</strong> GASANA Appolinaire, qu’ils les ont ensuite emmenés et noyés dans la<br />
NYABARONGO à cause <strong>de</strong> leur ethnie Tutsi ;<br />
248<br />
7 ème feuillet.<br />
Constate que les infractions établies à charge <strong>de</strong> NTAWUMENYUMUNSI sont en concours<br />
idéal car elles ont été commises en vue <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Constate que les infractions établies à charge <strong>de</strong> NTAWUMENYUMUNSI le rangent dans la<br />
<strong>de</strong>uxième catégorie conformément à l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/96 ;<br />
Constate qu’il a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité après les poursuites,<br />
qu’il doit être puni <strong>de</strong>s peines prévues à l’article 16, a) <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/96 ;<br />
Constate que les infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et autres crimes contre l’humanité, d’association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs, d’assassinant, d’enlèvement et <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong> pays sont établies à charge <strong>de</strong><br />
GASANA Appolinaire ;<br />
Constate que NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité tant <strong>de</strong>vant le Ministère Public que <strong>de</strong>vant le Tribunal affirme que c’est GASANA
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
qui a dirigé une réunion au cours <strong>de</strong> laquelle il a <strong>de</strong>mandé aux gens d’aller rechercher<br />
MUKAKARASI et ses quatre enfants au motif qu’elle l’importune en lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> quoi<br />
manger ;<br />
Constate que le moyen <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> GASANA Appolinaire qui nie avoir organisé la réunion<br />
<strong>de</strong>stinée à rechercher MUKAKARASI n’est pas fondé car il est inconcevable que <strong>de</strong>s gens<br />
habitant loin <strong>de</strong> l’endroit où MUKAKARASI et ses 4 enfants se cachaient aient accouru en<br />
entendant <strong>de</strong>s cris, mais que GASANA qui se trouvait à 800 mètres <strong>du</strong> lieu comme il le dit luimême,<br />
n’est pas allé voir ce qui se passait près <strong>de</strong> son domicile ;<br />
Constate que GASANA Appolinaire a usé d’une gran<strong>de</strong> astuce et, qu'après avoir indiqué aux<br />
tueurs l’endroit où MUKAKARASI et ses enfants se cachaient, a disparu pour que sa part <strong>de</strong><br />
responsabilité dans ce crime reste incertaine ;<br />
Constate que le fait que GASANA nie avoir con<strong>du</strong>it MUKAKARASI et ses enfants à la rivière<br />
NYABARONGO où ils ont été noyés ne peut le disculper dès lors qu’il est à l'origine <strong>de</strong> tous ces<br />
méfaits car les victimes n’auraient pas été inquiétées s’il n’avait pas organisé la réunion et<br />
indiqué l’endroit où elles se cachaient ;<br />
Constate que les allégations <strong>de</strong> GASANA selon lesquelles NTAWUMENYUMUNSI le met en<br />
cause parce qu’il a dénoncé son coauteur MBYARIYEHE et que l’intéressé a réalisé que son<br />
arrestation était elle aussi imminente, et que RUVUZANDEKWE Seth quant à lui le charge par<br />
vengeance car il a, alors qu’il était responsable <strong>de</strong> cellule, tranché une affaire <strong>de</strong> vol à sa charge,<br />
ne sont pas fondées car NTAWUMENYUMUNSI a avoué les faits qui lui sont reprochés tant<br />
<strong>de</strong>vant le Ministère Public que <strong>de</strong>vant le Tribunal ;<br />
Constate que les témoins présentés par GASANA à sa décharge à savoir MURWANASHYAKA,<br />
BATUMANYEHO et AYIGIHUGU affirment que GASANA a eu à trancher une affaire <strong>de</strong> vol<br />
<strong>de</strong> régimes <strong>de</strong> bananes à charge <strong>de</strong> RUVUZANDEKWE, mais qu’aucun d’entre eux n’affirme<br />
que c’est effectivement RUVUZANDEKWE seul qui a fait arrêter GASANA et qu'ils ne disent<br />
rien<br />
249<br />
8 ème feuillet.<br />
sur les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> MUKAKARASI Thérèse, que leurs témoignages n’ont donc<br />
aucun rapport avec les faits reprochés à GASANA ;<br />
Constate que les <strong>de</strong>ux témoins NZABAGERAGEZA et RIBAKARE présentés par GASANA<br />
pour confirmer l’avoir vu se rendre à KINUNGA le jour <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> MUKAKARASI<br />
Thérèse et <strong>de</strong> ses enfants ont nié ces allégations et ont affirmé que l’intéressé n’avait d’ailleurs<br />
pas <strong>de</strong> champ à KINUNGA ;<br />
Constate que les déclarations <strong>de</strong> GASANA renferment <strong>de</strong>s contradictions dès lors qu’il dit d’une<br />
part qu’il souffrait <strong>du</strong> pied à l’époque <strong>de</strong>s faits et qu’il dit d’autre part être allé voir l’état <strong>de</strong> ses<br />
récoltes, que cela démontre sans l’ombre d’un doute qu’il a participé au complot sur l’assassinat<br />
<strong>de</strong> MUKAKARASI et ses quatre enfants ;<br />
Constate que toutes les infractions reprochées à GASANA sont établies à sa charge et ont été<br />
commises en concours idéal, qu’elles le rangent dans la <strong>de</strong>uxième catégorie en vertu <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 ;
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
Constate que les infractions <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et autres crimes contre l’humanité, d’association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong> pays ne sont pas établies à charge <strong>de</strong><br />
SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean ;<br />
Constate que NTAWUMENYUMUNSI qui plai<strong>de</strong> coupable dit avoir vu SEROMBA Michel là<br />
où MUKAKARASI Thérèse a été débusquée, que l’intéressé le reconnaît lui aussi mais affirme<br />
s’être ren<strong>du</strong> sur les lieux en entendant <strong>de</strong>s cris pour voir ce qu’il en était car il a cru que c'étaient<br />
les membres <strong>de</strong> sa famille que l’on venait <strong>de</strong> découvrir et qui étaient eux aussi recherchés ;<br />
Constate par ailleurs que NTAWUMENYUMUNSI affirme avoir vu SEROMBA Michel à cet<br />
endroit, mais non parmi les gens qui ont con<strong>du</strong>it MUKAKARASI et ses enfants pour les noyer<br />
dans la NYABARONGO ;<br />
Constate que SINARUHAMAGAYE réfute avoir été là où MUKAKARASI et ses enfants ont<br />
été débusqués et dit qu’il ne connaît même pas ceux qui les ont emmenés car il ignore quand les<br />
faits ont eu lieu, NTAWUMENYUMUNSI qui plai<strong>de</strong> coupable l’ayant par ailleurs disculpé ;<br />
Constate que l’affirmation <strong>de</strong> SEROMBA Michel selon laquelle il aurait vu<br />
SINARUHAMAGAYE parmi les gens qui venaient <strong>de</strong> débusquer MUKAKARASI est fausse car<br />
il est clair que, comme SINARUHAMAGAYE l’a dit <strong>de</strong>vant le Tribunal, un conflit les oppose,<br />
que sa déclaration ne peut être considérée comme véridique ;<br />
Constate également que même le Ministère Public n’a pas rapporté <strong>de</strong> preuves tangibles sur la<br />
participation <strong>de</strong> SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean dans l’attaque qui a coûté la<br />
vie à MUKAKARASI et ses 4 enfants ;<br />
Constate que les témoignages <strong>recueil</strong>lis et les preuves fournies par le Ministère Public ne<br />
parviennent pas à lever le doute ;<br />
250<br />
9 ème feuillet.<br />
Constate que le doute profite au prévenu, qu’ainsi les infractions qui lui sont reprochées ne sont<br />
pas établies à sa charge tel que prévu par l’article 20 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale ;<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ET PUBLIQUEMENT ;<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise spécialement en ses articles 12, 25, 86,<br />
94 ;<br />
Vu les Conventions internationales sur la répression et l’imprescriptibilité <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Vu le Décret-loi n° 09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et compétence judiciaires<br />
tel que modifié à ce jour, spécialement en ses articles 6, 7, 12, 76, 118, 119, 199, 200 et 201 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/2/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée à ce jour,<br />
spécialement en ses articles 16, 17, 20, 58, 76, 61, 71, 76, 83, 130, 138, 140 ;
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000<br />
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI<br />
Vu la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong><br />
1 er /10/1990 spécialement en ses articles 1, 2, 4, 5, 10, 14, 15, 19, 20, 22 et 39 ;<br />
Vu le Co<strong>de</strong> pénal rwandais en ses articles 1, 2, 26, 45, 50, 89, 90, 91, 92, 93, 168, 281, 282, 283,<br />
311, 312, 388, 444 ;<br />
Vu l’article 258 <strong>du</strong> livre II <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> civil ;<br />
Déclare recevable l’action <strong>du</strong> Ministère Public car elle est régulière en la forme ;<br />
Déclare l’action <strong>du</strong> Ministère Public partiellement fondée c’est à dire en ce qui concerne<br />
NTAWUMENYUMUNSI et GASANA qui sont coupables ;<br />
Déclare non fondée l’action <strong>du</strong> Ministère Public en ce qui concerne SEROMBA et<br />
SINARUHAMAGAYE pour absence <strong>de</strong> preuves ;<br />
Déclare NTAWUMENYUMUNSI et GASANA Appolinaire coupables ;<br />
Condamne NTAWUMENYUMUNSI à 15 ans d’emprisonnement ;<br />
Condamne GASANA Appolinaire à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à la dégradation<br />
civique ;<br />
251<br />
10 ème feuillet.<br />
Leur ordonne <strong>de</strong> payer les frais d’instance <strong>de</strong> 17.375 Frw dans le délai légal sous peine d’une<br />
contrainte par corps <strong>de</strong> 60 jours suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur ses biens ;<br />
Déclare SEROMBA et SINARUHAMAGAYE innocents ;<br />
Ordonne leur libération immédiate dès le prononcé ;<br />
Dit que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours à dater <strong>du</strong> prononcé ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE AU TRIBUNAL DE<br />
PREMIERE INSTANCE DE RUSHASHI,CHAMBRE SPECIALISEE COMPOSEE DE :<br />
JUGE : PRESIDENT : JUGE : GREFFIER :<br />
BUNDOGO I. MUBWIRIZA A. NSABAYEZU E. TUBONYAMAHORO<br />
(Sé) (Sé) (Sé) (Sé)
252
DEUXIEME PARTIE<br />
COURS D’APPEL<br />
253
254
COUR D’APPEL<br />
DE<br />
CYANGUGU<br />
255
256
N°13<br />
Arrêt <strong>de</strong> la Cour d'appel <strong>de</strong> CYANGUGU<br />
<strong>du</strong><br />
06 juillet 1999.<br />
MUNYANGABE Théodore C/ Ministère Public.<br />
ACQUITTEMENT – APPEL (ERREUR DE DROIT OU ERREUR DE FAIT<br />
FLAGRANTE; ART. 24 L.O. DU 30/08/1996) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –<br />
ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281, 282 ET 283 CP) – ATTENTAT AYANT<br />
POUR BUT DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE ET LE PILLAGE (<br />
ART. 168 CP) – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DOUTE<br />
SUR LA CULPABILITE (BENEFICE DU) – DROITS DE LA DEFENSE (DROIT A UN<br />
JUGEMENT MOTIVE ; DROIT DE CITER DES TEMOINS A DECHARGE ; DROIT<br />
D'ETRE ASSISTE D'UN AVOCAT ) – INCITATION AU SOULEVEMENT DES<br />
CITOYENS LES UNS CONTRE LES AUTRES (ART. 166 CP) – NON ASSISTANCE A<br />
PERSONNE EN DANGER – PREUVE ( ADMINISTRATION DE LA; INSUFFISANCE<br />
DE ; VALIDITE DE LA).<br />
1. Moyens d'appel – conformité à l'article 24 Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 – violation article<br />
36 Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 (droits <strong>de</strong> la défense) – défaut <strong>de</strong> motivation <strong>de</strong> la<br />
condamnation au pénal et au civil - appel recevable.<br />
2. Examen au fond – témoignages – déclarations <strong>de</strong> parties civiles – élément intentionnel –<br />
absence <strong>de</strong> preuve – doute sur la culpabilité <strong>de</strong> l'appelant – acquittement.<br />
1. Est déclaré recevable l'appel <strong>du</strong> prévenu interjeté dans les délais et basé sur <strong>de</strong>s violations <strong>de</strong><br />
la loi et <strong>de</strong>s erreurs <strong>de</strong> faits flagrantes:<br />
- Constitue une violation <strong>de</strong> l'article 36 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996, le refus <strong>du</strong><br />
Tribunal d'accor<strong>de</strong>r une remise au prévenu qui souhaite se faire assister par un avocat, un<br />
tel refus le privant <strong>de</strong> son droit à la défense.<br />
- Constitue une erreur grave et une violation <strong>de</strong> la loi, le fait pour le Tribunal <strong>de</strong> condamner<br />
le prévenu à la peine <strong>de</strong> mort sans avoir au préalable établi les infractions mises à sa charge.<br />
- Constitue une erreur grave et une violation <strong>de</strong> la loi, le fait pour le Tribunal <strong>de</strong> condamner<br />
le prévenu au paiement <strong>de</strong> dommages et intérêts, sans en préciser ni les bénéficiaires, ni le<br />
fon<strong>de</strong>ment.<br />
2. Procédant à l’examen au fond, la Cour constate que :<br />
- L’accusation n’a pas été en mesure <strong>de</strong> renverser les témoignages selon lesquels le prévenu ne<br />
se trouvait pas à KARAMBI quand les massacres s’y sont pro<strong>du</strong>its.<br />
- Les témoignages sur lesquels le Ministère Public se fon<strong>de</strong> pour arguer <strong>de</strong> la responsabilité <strong>du</strong><br />
prévenu dans les massacres <strong>de</strong> KARAMBI sont imprécis, indirects ou non pertinents. Un<br />
257
écrit accusateur en contradiction avec l’ensemble <strong>de</strong>s autres témoignages ne peut être tenu pour<br />
probant.<br />
- Les témoignages <strong>recueil</strong>lis indiquent que le prévenu s’est ren<strong>du</strong> à MIBIRIZI en étant<br />
mandaté par le Préfet qui avait été alerté <strong>de</strong> l’attaque qui s’y déroulait. Le fait qu’il y soit<br />
arrivé séparément <strong>du</strong> responsable <strong>de</strong>s tueries, qu’il ait privilégié la voie <strong>de</strong> la négociation,<br />
qu’il ait quitté les lieux dans un autre véhicule que lui, et qu’il n’ait pas partagé la bière avec<br />
les tueurs permet <strong>de</strong> douter <strong>de</strong> la thèse selon laquelle il aurait agi en concertation avec eux. Il<br />
apparaît qu’il n’a pas lancé l’attaque en question mais qu’au contraire, il a tenté d’en secourir<br />
les victimes.<br />
- Le Tribunal ne pouvait valablement se fon<strong>de</strong>r sur les seules déclarations <strong>de</strong>s parties civiles.<br />
Leurs accusations selon lesquelles le prévenu aurait participé à la sélection <strong>de</strong>s réfugiés à<br />
tuer au sta<strong>de</strong> peuvent d’autant moins êtres tenues pour probantes qu’elles sont contredites par<br />
les témoignages <strong>de</strong> rescapés qui s’y trouvaient, témoins à décharge qui n’avaient pas été<br />
enten<strong>du</strong>s.<br />
En l'absence <strong>de</strong> preuve fournies par le Ministère Public et les parties civiles, il subsiste un doute<br />
sur la culpabilité <strong>de</strong> l'appelant; il est acquitté <strong>de</strong> l'ensemble <strong>de</strong>s infractions mises à sa charge.<br />
258
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
259<br />
1 er feuillet.<br />
LA COUR D’APPEL DE CYANGUGU, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE<br />
OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE COMMIS A PARTIR DU 1 er OCTOBRE<br />
1990, A RENDU AU DEGRE D’APPEL EN DATE DU 06/07/1999, L’ARRET DONT LA<br />
TENEUR SUIT:<br />
EN CAUSE: Le Ministère Public<br />
CONTRE :<br />
MUNYANGABE Théodore fils <strong>de</strong> SEBUHORO Innocent et <strong>de</strong> NYIRABIJE Anathalie, né<br />
dans la cellule NYAMAVUGO, secteur BUNYANGURUBE, commune GAFUNZO, préfecture<br />
CYANGUGU.<br />
La Cour d'appel,<br />
Vu que cette affaire a été déférée au premier <strong>de</strong>gré à la Chambre spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong><br />
Première Instance <strong>de</strong> CYANGUGU en date <strong>du</strong> 27/01/1997, mettant en cause le Ministère Public<br />
contre MUNYANGABE Théodore poursuivi pour:<br />
1. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,<br />
République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 10/04/1994, incité la population à commettre le crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong>, infraction prévue par la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 relative à la prévention et à la<br />
répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 sur l'imprescriptibilité <strong>de</strong>s<br />
crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l'humanité, infraction également prévue et réprimée par<br />
les articles 2 et 14 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s<br />
poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre<br />
l'humanité.<br />
2. Avoir, à MIBIRIZI, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU, République<br />
Rwandaise, en date <strong>du</strong> 18/04/1994, encadré et supervisé le génoci<strong>de</strong>, infraction prévue et<br />
réprimée par ;<br />
a) la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 relative à la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et la<br />
Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 sur l'imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes<br />
contre l'humanité;<br />
b) les articles 2 et 14 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s<br />
poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre<br />
l'humanité.<br />
1. Avoir, à SHANGI, commune GAFUNZO, préfecture CYANGUGU, République<br />
Rwandaise, en date <strong>du</strong> 27/04/1994, et au Sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE,<br />
en date <strong>du</strong> 16/04/1994, pris part au crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> comme coauteur, infraction prévue et<br />
réprimée par :<br />
a) la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 et celle <strong>du</strong> 26/11/1968 ;<br />
b) les articles 2 et 14 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
260<br />
2 ème feuillet.<br />
1. Avoir, au Sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE, préfecture CYANGUGU,<br />
République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 16/04/1994, à MIBIRIZI, commune CYIMBOGO,<br />
préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 18/04/1994, ainsi qu’à<br />
SHANGI, commune GAFUNZO, préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date<br />
<strong>du</strong> 27/04/1994, été coauteur dans les crimes d'assassinats, infraction prévue et réprimée par<br />
les articles 89, 91, et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;<br />
2. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,<br />
République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 10/04/1994, été coauteur dans <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong><br />
pays par les massacres et le pillage, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 91 et<br />
168 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;<br />
3. Avoir, au Sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE, préfecture CYANGUGU,<br />
République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 16/04/1994, et à SHANGI, commune GAFUNZO,<br />
préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 27/04/1994, fait partie <strong>de</strong>s<br />
associations <strong>de</strong> malfaiteurs dont le but était <strong>de</strong> porter atteinte aux personnes, infraction<br />
prévue et réprimée par les articles 281 et 282 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
4. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,<br />
République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 10/04/1994, provoqué <strong>de</strong>s troubles dans le but <strong>de</strong> soulever<br />
les citoyens les uns contre les autres, infraction prévue et réprimée par l'article 166 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal ;<br />
5. Avoir, à CYANGUGU, République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 18/04/1994, lors d’une réunion<br />
qui a eu lieu au bureau <strong>de</strong> la préfecture, et à SHANGI, commune GAFUNZO, préfecture<br />
CYANGUGU, République Rwandaise, en date <strong>du</strong> 27/04/1994, omis volontairement <strong>de</strong> porter<br />
aux personnes en péril l'assistance que, sans risque pour lui ni pour les tiers, il pouvait leur<br />
prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours, infraction prévue et<br />
réprimée par l'article 256, 2° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;<br />
Vu que l'affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP 001/97/S2/CSC, qu’elle a été appelée aux<br />
audiences respectives <strong>de</strong>s 14/02/1997, 17/02/1997 et 18/02/1997 et que le jugement a été<br />
prononcé en audience publique <strong>du</strong> 26/02/1997 <strong>de</strong> la manière suivante :<br />
"Déclare que les infractions mises à charge <strong>de</strong> MUNYANGABE Théodore sont en concours<br />
idéal et en concours réel et qu'elles ont été commises dans l’intention délictueuse unique <strong>du</strong><br />
génoci<strong>de</strong>, que la peine encourue est celle prévue pour l'infraction la plus grave et ce, en vertu <strong>de</strong><br />
l'article 18 <strong>de</strong> Loi organique n° 08 <strong>du</strong> 30/ 08/1996 ;<br />
"Déclare que les actes d’incitation <strong>de</strong> la population aux massacres et au génoci<strong>de</strong> alors qu’il était<br />
une autorité au niveau préfectoral rangent MUNYANGABE dans la première catégorie sur base<br />
<strong>de</strong> l'article 2 a, b <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
"Déclare que MUNYANGABE Théodore perd la cause ;<br />
"Le condamne à la peine <strong>de</strong> mort et à la dégradation civique prévue à l'article 66, 2°, 3° et 4° <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
"Le condamne au payement <strong>de</strong>s dommages intérêts comprenant les dommages moraux et les<br />
dommages matériels dont le montant total s’élève à 34.200.000 Frw, dans le délai légal, sinon<br />
exécution forcée sur ses biens;<br />
261<br />
3 ème feuillet.<br />
"Le condamne à 79.300Frw <strong>de</strong> frais <strong>de</strong> justice payables dans le délai légal sinon exécution forcée<br />
sur ses biens ;<br />
"Le condamne au payement <strong>de</strong> 1.368.000Frw représentant le droit proportionnel <strong>de</strong> 4% dans le<br />
délai légal sinon exécution forcée sur ses biens ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUNYANGABE Théodore, non satisfait <strong>de</strong> ce jugement, a interjeté appel à la Cour<br />
d'appel <strong>de</strong> CYANGUGU le 11/03/1997, que cet appel a été inscrit au rôle sous le n° RPA<br />
003/R1/97 ;<br />
Vu l'ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cette Cour prise en date <strong>du</strong> 09/07/1998 et fixant la date<br />
d’audience au 07/09/1998, que le Ministère Public n'ayant pas encore transmis ses conclusions à<br />
cette date, l'affaire est renvoyée au 16/12/1998, date à laquelle l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public, par<br />
requête écrite, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que l'audience soit encore reportée pour lui permettre d’effectuer une<br />
enquête, ceci coïncidant avec la requête également écrite portant sur la même <strong>de</strong>man<strong>de</strong> par le<br />
Conseil <strong>de</strong> MUNYANGABE, que l'audience est par la suite successivement remise aux dates <strong>de</strong>s<br />
19/02/1999, 30/04/1999, 15/05/1999, 28/05/1999 et enfin au 29/06/1999, date à laquelle la Cour,<br />
statuant sur pièces, examine les conclusions écrites <strong>du</strong> Ministère Public qui, estimant l'appel <strong>de</strong><br />
MUNYANGABE régulier parce qu’interjeté dans les délais légaux, considère cependant que la<br />
loi a été respectée et qu'il n’y a pas eu d'erreur <strong>de</strong> fait flagrante, <strong>de</strong>mandant ainsi à la Cour <strong>de</strong><br />
déclarer cet appel irrecevable en la forme et <strong>de</strong> ne point statuer sur le fond ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans ses conclusions, Maître Etienne BALLO, Conseil <strong>de</strong> MUNYANGABE, dit<br />
que l'appel <strong>de</strong> MUNYANGABE est intervenu dans le délai <strong>de</strong> 15 jours et qu'il doit être examiné<br />
aux motifs qu’il y a eu violation <strong>du</strong> droit <strong>du</strong> prévenu d’être assisté par un défenseur <strong>de</strong> son choix<br />
et que le Tribunal n’a pas fait droit à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire entendre les témoins présentés à sa<br />
décharge, mais que les témoins à charge ont été admis à faire leurs dépositions alors qu’ils<br />
avaient suivi en audience les moyens <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> l'intéressé, que le Tribunal n’a pas motivé sa<br />
décision, qu’il a statué "ultra petita" et modifié les témoignages en attribuant à leurs auteurs <strong>de</strong>s<br />
déclarations qu’ils n’ont pas faites en audience publique ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans ses conclusions, MUNYANGABE Théodore dit que ceux qui l'accusent ne<br />
rapportent pas <strong>de</strong> preuves à l'appui <strong>de</strong> leurs affirmations, qu'il a au contraire fait échec à une<br />
attaque qui était menée à KARAMBI, qu’il a également essayé <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> même à MIBIRIZI<br />
mais a échoué à cause <strong>de</strong> BANDETSE qui est arrivé en tirant alors qu’il n’était point <strong>de</strong><br />
connivence avec lui, que c'est pour leur sécurité qu'il a con<strong>du</strong>it à CYANGUGU en date <strong>du</strong><br />
20/04/1994 les personnes qui se trouvaient à SHANGI et que cela a réussi comme le confirment<br />
quelques-unes d'entre elles, qu'il n'a jamais été au sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA au moment <strong>du</strong> triage<br />
<strong>de</strong>s victimes à tuer ;<br />
Atten<strong>du</strong> également qu’en résumé, MUNYANGABE Théodore invoque dans ses conclusions les<br />
moyens ci-après :
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
- qu'il ne s'est pas ren<strong>du</strong> à KARAMBI en date <strong>du</strong> 10/04/1994 mais qu’il y était plutôt le<br />
09/04/1994 et qu'il n'a tenu aucun discours malveillant,<br />
- que ceux qui le mettent en cause sont <strong>de</strong>s parties civiles qui intentent contre lui une<br />
action en dommages et intérêts, que leurs déclarations sont non seulement divergentes<br />
mais sont aussi contradictoires alors qu’ils affirment avoir appris les faits <strong>de</strong> la même<br />
source d’information, MUKANTAMATI reconnaissant ne pas en avoir enten<strong>du</strong> parler<br />
elle-même tandis que MUKARUTAZA Léocadie et NSABIMANA Berchmans ont<br />
inventé les faits qu’ils ont déclarés au Tribunal sans en avoir parlé lors <strong>de</strong> leur<br />
interrogatoire au parquet,<br />
- qu’il est allé à SHANGI parce que les sœurs religieuses avaient requis l’intervention <strong>de</strong>s<br />
autorités et qu’il leur a envoyé <strong>de</strong>s gendarmes en vue <strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité comme<br />
l’affirment d’ailleurs quelques-uns <strong>de</strong> ceux qui le mettent en cause à l’exemple <strong>de</strong><br />
MUKAMUGEMA Francine et <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public, cela étant la preuve qu'il<br />
ne voulait pas y semer <strong>de</strong>s troubles,<br />
- qu'il n'a eu aucune part <strong>de</strong> responsabilité dans les massacres <strong>du</strong> 18/04/1994 commis à<br />
l’encontre <strong>de</strong>s personnes qui avaient cherché refuge à MIBIRIZI, qu'il y avait été envoyé<br />
par le conseil <strong>de</strong> sécurité préfectoral, suite à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> secours formulée par les<br />
responsables <strong>de</strong> la paroisse en faveur <strong>de</strong> ces personnes,<br />
4 ème feuillet.<br />
- Qu'il est allé là en compagnie <strong>de</strong> Pierre KWITONDA seul et que BANDETSE et NGAGI<br />
les y ont rejoints, qu’ils ignoraient d’où venaient les intéressés et n’étaient pas <strong>de</strong><br />
connivence avec eux comme l'affirment ceux qui le chargent dont l’Abbé MUCYO,<br />
TWAHIRWA et les autres,<br />
- Qu'il a, en compagnie <strong>de</strong> l’Abbé BONEZA Joseph qui hébergeait ces réfugiés, procédé à<br />
<strong>de</strong>s négociations avec les auteurs <strong>de</strong> l’attaque étant donné que c’était la seule voie<br />
possible, et que c’est l’Abbé BONEZA qui a <strong>de</strong>mandé que ces réfugiés retournent dans<br />
l’enceinte <strong>de</strong> la paroisse tel que confirmé par la déclaration <strong>de</strong> TWAHIRWA,<br />
- Que c'est BANDETSE Edouard et NGAGI qui ont été à l’origine <strong>de</strong>s massacres car ils<br />
sont arrivés en tirant au moment où il était en train <strong>de</strong> négocier avec les assaillants qui<br />
étaient prêts à revenir à la raison,<br />
- Qu'il n'était pas en collusion avec les auteurs <strong>de</strong> l’attaque car il n'aurait pas commencé<br />
par négocier avec eux pendant tout ce temps si tel avait été le cas,<br />
- Que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public n’a rapporté aucune preuve que le but <strong>de</strong> la réunion <strong>du</strong><br />
conseil <strong>de</strong> sécurité préfectoral <strong>du</strong> 18/04/1994 était d’organiser le génoci<strong>de</strong> comme il l'a<br />
dit au Tribunal, le procès-verbal <strong>de</strong> cette réunion pouvant être retrouvé au Ministère <strong>de</strong><br />
l'Intérieur,<br />
- Qu'il ne s'est pas ren<strong>du</strong> à MIBIRIZI en date <strong>du</strong> 20/04/1994, cela étant confirmé par<br />
NKURUNZIZA qui le charge cependant, ainsi que par les rescapés <strong>de</strong>s massacres<br />
commis à SHANGI qui affirment qu’il se trouvait plutôt à SHANGI à cette date, qu'il<br />
n'était pas non plus à SHANGI en date <strong>du</strong> 27/04/1994 comme RUTABURINGOGA l’a<br />
262
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
affirmé par erreur,<br />
- Qu'il n'a pas commis d'infractions en date <strong>du</strong> 20/04/1994 à l’encontre <strong>de</strong>s personnes qui<br />
avaient trouvé refuge à SHANGI car, s’y étant ren<strong>du</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sœurs religieuses,<br />
il a pu, par la voie <strong>de</strong>s négociations, faire échec à l’attaque qui s'y préparait,<br />
- Que le fait d'amener à CYANGUGU 40 <strong>de</strong> ces personnes qui avaient cherché refuge à<br />
SHANGI était motivé par le souci <strong>de</strong> protéger celles qui sont restées sur place, que c’est<br />
parce qu’il estimait que rien ne leur arriverait qu'il a accepté <strong>de</strong> les y évacuer après leur<br />
avoir expliqué qu'il allait les con<strong>du</strong>ire au sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA où se trouvaient<br />
d'autres réfugiés, jugeant que leur sécurité serait assurée par les gendarmes,<br />
- Qu’il est <strong>de</strong> notoriété publique que RWIGARA Samuel a été tué à son domicile et enterré<br />
dans sa parcelle, qu’il n’avait aucune raison <strong>de</strong> le séparer <strong>de</strong>s autres,<br />
- Qu'il n'a jamais trié <strong>de</strong>s victimes à tuer parmi les personnes qui avaient cherché refuge au<br />
sta<strong>de</strong>, qu'il n'est mis en cause pour cette infraction que par <strong>de</strong>ux personnes avec qui il est<br />
en litige, l’une d’elles n’ayant pas comparu au Tribunal pour témoigner car elle savait<br />
qu'il s'agit d'un mensonge,<br />
- Que c’est par crainte <strong>de</strong> la manifestation <strong>de</strong> la vérité que le parquet et le Tribunal ont<br />
refusé d'entendre les personnes qui étaient sur les lieux <strong>de</strong>s faits et qui ont vu tout ce qui<br />
s'y est passé, notamment un agent <strong>de</strong> la Croix-Rouge qui enregistrait toutes les personnes<br />
qui y cherchaient refuge ainsi que quelques uns <strong>de</strong>s rescapés qu'il a présentés comme<br />
témoins à décharge, <strong>de</strong> même que les responsables <strong>du</strong> Centre pastoral, qu'en outre, le<br />
parquet a mal interprété le témoignage <strong>de</strong> KAMONYO, essayant par là <strong>de</strong> conclure à sa<br />
culpabilité,<br />
- Que le Tribunal a commis plusieurs erreurs <strong>de</strong> faits flagrantes notamment en allouant <strong>de</strong>s<br />
dommages intérêts aux personnes n’ayant été victimes d’aucune infraction, aux<br />
bénéficiaires qui ne se sont pas constitués parties civiles (à l’exemple <strong>de</strong> HABINEZA<br />
J.B), et en accordant plus qu'il n’a été <strong>de</strong>mandé, le Tribunal ayant alloué à TWAHIRWA<br />
<strong>de</strong>s dommages intérêts <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux millions <strong>de</strong> francs alors qu’il n’a réclamé qu’un million,<br />
- Que l’absence <strong>de</strong> la copie d'assignation dans le dossier prouve que la procé<strong>du</strong>re n’a pas<br />
été respectée,<br />
- Qu'il a communiqué au Tribunal la liste <strong>de</strong>s témoins qu’il souhaitait faire entendre mais<br />
que cela n'a pas été fait,<br />
Atten<strong>du</strong> que les conclusions <strong>du</strong> Ministère Public renferment les moyens ci-après:<br />
263<br />
5 ème feuillet.<br />
- Que le Tribunal <strong>de</strong> Première Instance a accordé à MUNYANGABE Théodore<br />
suffisamment <strong>de</strong> temps pour présenter ses moyens <strong>de</strong> défense,<br />
- Que MUNYANGABE Théodore, BANDETSE Edouard et KWITONDA Pierre ont agi<br />
comme coauteurs car ils avaient tous l’intention d'exterminer les Tutsi qui avaient<br />
cherché refuge à la Paroisse <strong>de</strong> MIBIRIZI, surtout que c'est MUNYANGABE qui, par
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
ruse, a détourné les Tutsi <strong>de</strong> leur point stratégique ( où ils avaient amassé <strong>de</strong>s pierres dont<br />
ils <strong>de</strong>vaient se servir pour repousser ceux qui les ont attaqués) sous prétexte <strong>de</strong><br />
négociations, ce qui a permis à BANDETSE et d'autres assassins <strong>de</strong> les attaquer et les<br />
exterminer, que partant, le moyen invoqué par MUNYANGABE selon lequel le Tribunal<br />
l’a condamné pour <strong>de</strong>s infractions qui ont été commises par d'autres et qui par conséquent<br />
<strong>de</strong>vraient en répondre n’est pas fondé,<br />
- Qu'il ne peut pas se prévaloir d’avoir été privé <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> répliquer aux dépositions faites<br />
au Tribunal par les témoins présentés par le Ministère public, car il revient au Tribunal<br />
d’apprécier l’admissibilité et la pertinence <strong>de</strong>s témoignages;<br />
- Que MUNYANGABE ment en disant que le Tribunal a omis délibérément d'entendre les<br />
témoins présentés à sa décharge car le Tribunal n’avait aucune raison <strong>de</strong> refuser <strong>de</strong> les<br />
entendre ;<br />
- Que MUNYANGABE disposait <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> moyens pour empêcher la perpétration<br />
<strong>de</strong>s tueries en raison <strong>de</strong> sa qualité d’autorité au niveau préfectoral qui était fort apprécié<br />
tant par les instances dirigeantes que par la population, si bien que c’est lui qui était<br />
envoyé là où il y avait <strong>de</strong>s difficultés dans l'extermination <strong>de</strong>s Tutsi et en revenait après<br />
avoir résolu ces difficultés,<br />
- Qu’aucune <strong>de</strong>s huit infractions à sa charge n’est dépourvue <strong>de</strong> preuve irréfutable, que<br />
partant tous les moyens d'appel <strong>de</strong> MUNYANGABE sont non fondés,<br />
- Que relativement au moyen invoqué par le Conseil <strong>de</strong> MUNYANGABE qui dit que les<br />
droits <strong>de</strong> la défense ont été bafoués en ce que son client n’a pas été assisté par un<br />
défenseur <strong>de</strong> son choix, le Ministère Public estime que lors <strong>du</strong> procès <strong>de</strong><br />
MUNYANGABE, la route menant à CYANGUGU n'était pas fréquentée à cause <strong>de</strong><br />
l'insécurité qui régnait dans la région;<br />
- Qu’il n’est pas fondé <strong>de</strong> dire que son client n’a pas été informé <strong>de</strong>s préventions mises à<br />
sa charge ainsi que <strong>de</strong> la date et <strong>du</strong> lieu <strong>de</strong>s faits incriminés, car MUNYANGABE a eu<br />
toutes ces informations tant sur la citation à comparaître que dans la copie <strong>du</strong> jugement,<br />
- Que le moyen arguant <strong>de</strong> la modification <strong>de</strong>s témoignages par le Tribunal n’est pas fondé<br />
car celui-ci ne saurait être partial jusqu’à déformer les témoignages reçus en audience<br />
publique,<br />
- Qu’est également non fondé le moyen selon lequel le Tribunal a statué "ultra petita" en<br />
condamnant MUNYANGABE pour <strong>de</strong>s infractions n’ayant pas été mentionnées sur la<br />
citation à comparaître car le prévenu a été poursuivi <strong>du</strong> chef <strong>de</strong> huit préventions sur<br />
lesquelles il a présenté sa défense pendant huit jours, que le fait pour le Conseil <strong>de</strong><br />
MUNYANGABE <strong>de</strong> se fon<strong>de</strong>r sur les dates <strong>de</strong>s faits n’apporte aucun changement sur les<br />
actes pour lesquels MUNYANGABE est poursuivi et ne les réfute nullement, sinon en<br />
donner une autre image,<br />
- Qu’ainsi, par ces motifs, l'appel <strong>de</strong> MUNYANGABE est régulier car interjeté dans les<br />
délais, mais qu’il n’est pas fondé et qu’à cet égard, le jugement querellé doit être<br />
confirmé ;<br />
264
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
Atten<strong>du</strong> que dans ses conclusions, l'Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit qu’il n’y a pas lieu<br />
d’examiner le témoignage écrit <strong>de</strong> KAMATALI Daniel au motif que, comme il l’a déjà dit dans<br />
ses conclusions précé<strong>de</strong>ntes, la loi a été respectée et qu’il n'y a pas eu d'erreur <strong>de</strong> fait flagrante,<br />
que dans ce témoignage, KAMATALI Daniel parlait <strong>de</strong>s bienfaits <strong>de</strong> MUNYANGABE à leur<br />
égard quand ils étaient à SHANGI, affirmant qu'il les a défen<strong>du</strong>s pour qu’ils ne soient pas tués et<br />
ce, même après leur arrivée à CYANGUGU;<br />
Constate que MUNYANGABE Théodore a été privé <strong>du</strong> droit d’être assisté par un avocat <strong>de</strong> son<br />
choix tel que prévu à l'article 36 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 car, il ressort <strong>du</strong> procèsverbal<br />
d’audience <strong>du</strong> 14/02/1997, que le Tribunal a refusé <strong>de</strong> faire droit à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> report<br />
d’audience en vue <strong>de</strong> lui permettre <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r en présence <strong>de</strong> son Conseil ;<br />
265<br />
6 ème feuillet.<br />
Constate que la Chambre spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première Instance a condamné<br />
MUNYANGABE Théodore à la peine <strong>de</strong> mort sans avoir préalablement indiqué les infractions<br />
établies à sa charge, et l'a condamné également au payement <strong>de</strong>s dommages intérêts comprenant<br />
<strong>de</strong>s dommages moraux et matériels s’élevant à 34.200.000Frw sans en préciser les bénéficiaires<br />
et le fon<strong>de</strong>ment, qu'il y a eu ainsi violation <strong>de</strong> la loi et que <strong>de</strong>s erreurs flagrantes <strong>de</strong> faits ont été<br />
commises, que partant, il doit être statué sur le fond <strong>de</strong> cet appel <strong>du</strong> prévenu ;<br />
Constate que contrairement à l’accusation <strong>du</strong> Ministère Public et à la condamnation consécutive<br />
prononcée par le Tribunal, MUNYANGABE ne s'est pas ren<strong>du</strong> à KARAMBI en date <strong>du</strong><br />
10/04/1994 pour inciter la population à commettre le génoci<strong>de</strong> car, comme le confirment <strong>de</strong>s<br />
témoins dont le nommé MUGENZI qui met le prévenu en cause, l’intéressé se trouvait à<br />
SHANGI à la date indiquée, le Ministère Public ayant été en défaut <strong>de</strong> prouver que<br />
MUNYANGABE se trouvait simultanément à KARAMBI et à SHANGI à cette date et aux<br />
mêmes heures ;<br />
Constate que le prévenu est arrivé à KARAMBI le 09/04/1994 car sa déclaration concor<strong>de</strong> à ce<br />
sujet avec celles <strong>de</strong>s plaignants figurant dans la lettre <strong>du</strong>14/03/1995, mais qu'aucune preuve ne<br />
vient étayer que <strong>de</strong>s discours tendant à soulever les citoyens les uns contre les autres y ont été<br />
prononcés à cette date ou qu'il y a eu <strong>de</strong>s tueries car c'est à cette même date qu'il y a affecté <strong>de</strong>s<br />
gendarmes en vue <strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité, et que par ailleurs, il est clair que le contenu <strong>de</strong> la<br />
lettre <strong>du</strong> 14/03/1995 à sa charge ne relève que d’une pure invention dès lors qu’il diffère <strong>de</strong>s<br />
déclarations faites <strong>de</strong>vant l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public par quelques-uns <strong>de</strong> ses signataires à<br />
l’exemple <strong>de</strong> MUKAMUGEMA Francine, MUKAYITESI Immaculée et d’autres, certains ayant<br />
affirmé ne pas avoir quitté le milieu rural et ne rien savoir sur les tueries qui ont eu lieu à<br />
MIBIRIZI, tout comme ils ne connaissent pas autrement MUNYANGABE Théodore sinon qu'ils<br />
ont enten<strong>du</strong> dire que l’intéressé était Sous-Préfet ;<br />
Constate que c’est en date <strong>du</strong> 08/04/1994 que MUNYANGABE Théodore s'est ren<strong>du</strong> à<br />
MIBIRIZI comme l'affirme l’un <strong>de</strong>s prêtres qui étaient à MIBIRIZI en la personne <strong>de</strong> l’Abbé<br />
MUCYO Antoine qui déclare qu'une attaque y a été menée à cette date, et qu'ils ont directement<br />
téléphoné au Préfet BAGAMBIKI Emmanuel qui a envoyé le Sous-Préfet MUNYANGABE<br />
Théodore en compagnie <strong>du</strong> Député KWITONDA Pierre, cela étant également confirmé par la<br />
Sœur Maman A<strong>de</strong>line MUKAZANA dans son témoignage écrit <strong>du</strong> 03/06/1997 qui déclare que le<br />
prêtre BONEZA et les sœurs religieuses <strong>de</strong> MIBIRIZI lui ont téléphoné, lui apprenant qu'ils
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
étaient assiégés par une attaque d’envergure, qu'elle en a elle aussi directement avisé le Préfet<br />
par téléphone, qu’il lui a répon<strong>du</strong> que cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> secours était bien parvenue à <strong>de</strong>stination<br />
et qu'il allait y avoir une intervention, que le conseil <strong>de</strong> sécurité a alors décidé d'envoyer<br />
MUNYANGABE Théodore et sa suite, qu'ainsi donc l'attaque était déjà en cours sur les lieux et<br />
n’y a pas été menée par MUNYANGABE Théodore qui n’est intervenu que pour porter secours,<br />
que par ailleurs, la Cour ne peut se fon<strong>de</strong>r sur aucun élément <strong>de</strong> preuve pour affirmer que le<br />
conseil <strong>de</strong> sécurité a envoyé le prévenu avec mission d’exterminer ceux qui avaient <strong>de</strong>mandé<br />
secours, le Ministère Public lui-même qui l'affirme n'ayant pas pu pro<strong>du</strong>ire le procès-verbal <strong>du</strong>dit<br />
conseil <strong>de</strong> sécurité pour en établir la preuve ;<br />
Constate que MUNYANGABE Théodore a été envoyé en qualité <strong>de</strong> délégué <strong>de</strong> l’autorité<br />
préfectorale, que KWITONDA Pierre représentait le parti politique MDR tandis que<br />
BANDETSE Edouard représentait la formation politique <strong>du</strong> MRND, mais qu'ils ne sont pas<br />
partis à bord d’un même véhicule et qu'ils ne sont pas arrivés en même temps sur les lieux ;<br />
Constate que MUNYANGABE et KWITONDA sont arrivés à la paroisse <strong>de</strong> MIBIRIZI en<br />
avance et que, après concertation avec le Curé <strong>de</strong> la paroisse en la personne <strong>de</strong> l’Abbé BONEZA<br />
Joseph qui hébergeait les personnes menacées, et après avoir examiné comment empêcher les<br />
miliciens Interahamwe d’exterminer ces personnes, ils ont opté pour la négociation car elle était<br />
la seule voie possible dès lors qu’ils n’avaient pas à leur disposition <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> sécurité et<br />
encore moins d’autres moyens, quelques-unes <strong>de</strong>s personnes rescapées, dont notamment la<br />
nommée NYIRAZANINKA, ayant confirmé que l’intéressé prêchait la paix à son arrivée et que<br />
c’est pour cette raison qu’elles ont d’ailleurs accepté <strong>de</strong> se regrouper dans l’enceinte <strong>de</strong> la<br />
paroisse sur proposition <strong>du</strong> curé, qu'il subsiste ainsi un doute quant à la mauvaise foi préten<strong>du</strong>e<br />
dont MUNYANGABE Théodore aurait usé pour rassembler les victimes afin <strong>de</strong> les exterminer ;<br />
266<br />
7 ème feuillet.<br />
Constate qu’au moment où MUNYANGABE Théodore essayait <strong>de</strong> convaincre les auteurs <strong>de</strong><br />
l’attaque <strong>de</strong> renoncer à leur projet criminel et d’adopter une attitu<strong>de</strong> pacifique en vue <strong>de</strong> la<br />
restauration <strong>de</strong> la sécurité, BANDETSE Edouard, également envoyé pour la pacification, est<br />
arrivé par après en compagnie <strong>du</strong> nommé NGAGI qui ne faisait point partie <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la<br />
délégation, qu’ils ont directement tiré sur les victimes sans rien dire à MUNYANGABE et<br />
KWITONDA ou aux prêtres qui hébergeaient ces réfugiés, que MUNYANGABE et<br />
KWITONDA se sont immédiatement sauvés et ont regagné CYANGUGU pour en faire part à<br />
l’autorité, et que quand MUNYANGABE l'a dit au préfet, celui-ci lui a répon<strong>du</strong> avoir déjà appris<br />
la nouvelle ;<br />
Constate que, MUNYANGABE Théodore et BANDETSE Edouard n’étant pas partis à bord<br />
d’un même véhicule, que les <strong>de</strong>ux n'ayant pas regagné CYANGUGU ensemble, que<br />
MUNYANGABE et KWITONDA Pierre n'ayant pas partagé avec BANDETSE Edouard les<br />
boissons que ce <strong>de</strong>rnier a offert à ceux qui venaient <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong>r dans ses actes ignobles, dont le<br />
nommé NGAGI qui n’était pas membre <strong>de</strong> la délégation et qui a été le premier à tirer sur les<br />
victimes, il subsiste un doute sérieux sur la connivence préten<strong>du</strong>e entre le prévenu et ces tueurs,<br />
surtout que le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong>s faits, MUNYANGABE a téléphoné à l’Abbé BONEZA Joseph<br />
pour lui dire qu’il avait passé une nuit blanche, bouleversé par les massacres <strong>de</strong>s victimes<br />
innocentes, ce sentiment ayant par ailleurs été confirmé par l’Abbé Antoine MUCYO qui s’est<br />
entretenu avec l’intéressé à ce sujet quand ils se sont rencontrés à KIGALI, entretien au cours<br />
<strong>du</strong>quel le prévenu a également dit à l’Abbé Antoine MUCYO qu’il a été aussi fortement ébranlé
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
par l’assassinat <strong>de</strong> l’Abbé BONEZA ;<br />
Constate que, contrairement aux accusations portées contre lui, MUNYANGABE Théodore n'est<br />
pas retourné à MIBIRIZI le 20/04/1994 pour prendre part aux actes d'assassinats, cela étant<br />
prouvé par les témoignages <strong>de</strong>s personnes qu'il a amenées <strong>de</strong> SHANGI à cette date, dont<br />
NKURUNZIZA J. Pierre ;<br />
Constate qu’à cette date <strong>du</strong> 20/04/1994, MUNYANGABE Théodore a été envoyé à SHANGI<br />
suite à l’appel au secours adressé à l’autorité préfectorale par les Sœurs religieuses et qu’il a, à<br />
son arrivée sur les lieux, dirigé une réunion au cours <strong>de</strong> laquelle il a été décidé d’évacuer à<br />
CYANGUGU les personnes que les miliciens Interahamwe accusaient ouvertement d’être en<br />
possession d’armes fournies par les INYENZI/INKOTANYI et <strong>de</strong> créer un climat d’insécurité en<br />
milieu rural pendant la nuit, car on était en droit <strong>de</strong> croire qu’elles seraient en sécurité au sta<strong>de</strong><br />
KAMARAMPAKA <strong>de</strong> CYANGUGU qui était gardé ;<br />
Constate que toutes les 40 personnes que MUNYANGABE a amenées <strong>de</strong> SHANGI au sta<strong>de</strong><br />
KAMARAMPAKA ont échappé au génoci<strong>de</strong> comme le confirment KAMATALI Daniel et<br />
NKURUNZIZA J. Pierre, ainsi que d'autres qui étaient avec eux ;<br />
Constate que ce n’est pas en date <strong>du</strong> 27/04/1994 que MUNYANGABE est allé à SHANGI d'où il<br />
a amené 40 personnes, que cela a plutôt eu lieu le 20/04/1994 comme le confirment les<br />
intéressés, que ce n'est pas non plus MUNYANGABE Théodore qui les a choisies parmi les<br />
autres, mais qu'elles ont été citées par ceux qui, étant à la tête <strong>de</strong> l’attaque, voulaient s’en prendre<br />
à elles, tout cela ayant été confirmé par RUTABURINGOGA Aloys dans son audition <strong>du</strong><br />
17/01/1997 par l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public et par le rescapé RUDAKUBANA Ephrem qui ont<br />
affirmé tous que c’est grâce au Sous-préfet MUNYANGABE qu’ils ne sont pas morts car, non<br />
seulement il les a évacués <strong>de</strong> SHANGI, mais il les a également sortis <strong>de</strong> la briga<strong>de</strong> <strong>de</strong> RUSIZI où<br />
ils étaient détenus et battus, pour les con<strong>du</strong>ire au sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA où ils ont pu<br />
échapper aux massacres ;<br />
Constate que BUSHIRU Gaëtan est partie adverse <strong>de</strong> MUNYANGABE à qui il réclame <strong>de</strong>s<br />
dommages matériels suite à la perte <strong>de</strong> ses biens qui ont été soit endommagés soit pillés par les<br />
miliciens Interahamwe, et qu'à cet égard, il affirme l'avoir vu au sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA en<br />
date <strong>du</strong> 16/04/1994 en compagnie <strong>du</strong> préfet et d’autres en train <strong>de</strong> trier les victimes à tuer, mais<br />
qu’il n’en rapporte pas la preuve surtout que MUNYANGABE réfute les faits et que, tout en<br />
reconnaissant avoir été au sta<strong>de</strong> à trois reprises, il en indique les raisons précises à savoir<br />
accompagner le délégué <strong>du</strong> CICR venu <strong>de</strong> BUKAVU, y con<strong>du</strong>ire les personnes qu’il venait<br />
d’évacuer <strong>de</strong> SHANGI, et y chercher les clés <strong>de</strong> l'Ecole Normale Pédagogique <strong>de</strong> MURURU qui<br />
étaient entre les mains <strong>de</strong> la secrétaire <strong>de</strong> cette école qui y avait cherché refuge, que le voisin et<br />
ami <strong>de</strong> BUSHIRU en la personne <strong>de</strong> KAYUMBA Sébastien met lui aussi le prévenu en cause<br />
sans pouvoir cependant rapporter la preuve que l’intéressé est arrivé au sta<strong>de</strong><br />
KAMARAMPAKA en date <strong>du</strong> 16/04/1994<br />
267<br />
8 ème feuillet.<br />
en compagnie <strong>de</strong>s personnes qui, semble-t-il, étaient envoyées par le conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong> la<br />
préfecture pour trier les victimes à tuer, car il est établi que la réunion <strong>du</strong>dit conseil <strong>de</strong> sécurité<br />
s’est tenue le 18/04/1994, date à laquelle MUNYANGABE a été envoyé à MIBIRIZI ;
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
Constate que MUNYANGABE nie avoir été au sta<strong>de</strong> le 16/04/1994 et a présenté <strong>de</strong>s témoins qui<br />
étaient au sta<strong>de</strong> à cette époque dont GATETE Gilbert mais qui n'ont pas été enten<strong>du</strong>s, que dans<br />
son témoignage écrit <strong>du</strong> 17/06/1994, le Sous-Préfet KAMONYO affirme que MUNYANGABE<br />
ne faisait pas partie <strong>de</strong>s personnes qui sont allées au sta<strong>de</strong> pour trier les victimes à tuer ;<br />
Constate que les parties civiles ont été présentées comme témoins à charge et que c’est sur base<br />
<strong>de</strong> leurs témoignages que le Tribunal a ren<strong>du</strong> un jugement <strong>de</strong> condamnation à l’encontre <strong>de</strong><br />
MUNYANGABE Théodore, qu'il est clair que le Ministère Public et les parties civiles n’ont pas<br />
rapporté la preuve <strong>de</strong> la culpabilité <strong>de</strong> MUNYANGABE, à l’exemple <strong>du</strong> nommé SIBOMANA<br />
Charles, né à MURURU, commune CYIMBOGO qui, tout en affirmant faire partie <strong>de</strong>s<br />
personnes qui avaient cherché refuge à SHANGI quand MUNYANGABE s’y est ren<strong>du</strong> en date<br />
<strong>du</strong> 20/04/1994, n’a cependant pas été interrogé par le Ministère Public et n’a pas été enten<strong>du</strong> lors<br />
<strong>de</strong>s débats en audience publique, qui n'a comparu qu'à la date où il a réclamé les dommages<br />
intérêts alors qu’il ne s’était pas constitué partie civile, et dont le nom a été enregistré en bas <strong>de</strong><br />
la déclaration <strong>de</strong> NZISABIRA Joseph tout en apposant sa signature à la place réservée à<br />
NGARAMBE Alphonse à cet effet ;<br />
Constate que, tel que cela a été confirmé par ses voisins, RWIGARA Samuel qui faisait partie<br />
<strong>de</strong>s personnes que MUNYANGABE a évacuées <strong>de</strong> SHANGI a débarqué <strong>du</strong> véhicule qui les<br />
transportait à CYANGUGU et que, arrivé chez lui en milieu rural, il a été tué par les miliciens<br />
Interahamwe ;<br />
Constate que la raison pour laquelle MUNYANGABE n'a pas laissé NKURUNZIZA J. Pierre en<br />
chemin est qu'il n'y avait pas <strong>de</strong> sécurité, que c'est pourquoi il a <strong>de</strong>mandé qu'ils partent à bord<br />
d’un même véhicule alors que toutes les personnes qui étaient pourchassées se dirigeaient dans<br />
leur fuite au sta<strong>de</strong> où elles espéraient se retrouver en sécurité, que s'il avait voulu le tuer ou le<br />
faire tuer, il ne l’aurait pas con<strong>du</strong>it jusqu’à l’endroit où d'autres réfugiés s’étaient rassemblés<br />
sous l'assistance <strong>de</strong> la Croix Rouge (CICR) ;<br />
PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT SUR PIECES ;<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise, spécialement les articles 25, 26 et 33 <strong>du</strong><br />
Protocole <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong> paix d'Arusha sur le partage <strong>du</strong> pouvoir, et les articles 12,14 <strong>de</strong> la<br />
Constitution <strong>de</strong> la République Rwandaise <strong>du</strong> 10/06/1991 ;<br />
Vu le Décret-loi n° 09/80 <strong>du</strong> 07/07/19980 portant organisation et compétence judiciaires,<br />
spécialement en ses articles 13, 18, 109, 199 et 200 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée à ce jour,<br />
spécialement en ses articles 16, 19, 20, 83, 86 ;<br />
Vu la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l'organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre l'humanité commises <strong>de</strong>puis le<br />
01/10/1990, spécialement en ses articles 24,36 et 39 ;<br />
268<br />
9 ème feuillet.<br />
Déclare recevable l'appel <strong>de</strong> MUNYANGABE Théodore car interjeté dans les délais légaux et<br />
déclare qu’il doit y être statué sur le fond car il est fondé sur les questions <strong>de</strong> droit, l’intéressé
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
ayant été privé <strong>du</strong> droit d'être assisté par un défenseur <strong>de</strong> son choix, ainsi que sur <strong>de</strong>s erreurs <strong>de</strong><br />
faits flagrantes consistant en la condamnation <strong>du</strong> prévenu sans que le Tribunal se soit d’abord<br />
prononcé sur les infractions établies à sa charge et en la condamnation au payement <strong>de</strong><br />
34.200.000Frw <strong>de</strong> dommages intérêts sans indiquer les bénéficiaires et le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> ces<br />
dommages et intérêts ;<br />
Déclare que MUNYANGABE Théodore s'est ren<strong>du</strong> à KARAMBI le 09/04/1994 et y a laissé les<br />
gendarmes chargés d’assurer la sécurité comme dit dans les exposés <strong>de</strong>s motifs, et qu’en date <strong>du</strong><br />
10/04/1994, il était à SHANGI comme l'ont confirmé les témoins dont le sieur MUGENZI<br />
Epimaque qui témoigne à sa charge;<br />
Déclare que le 18/04/1994 MUNYANGABE Théodore s'est ren<strong>du</strong> à MIBIRIZI, non pour y<br />
mener une attaque, mais pour aller au secours <strong>de</strong> ceux qui l’avaient <strong>de</strong>mandé, et qu'il a essayé <strong>de</strong><br />
calmer les Interahamwe qui y menaient une attaque, ce qui laisse subsister un doute sérieux<br />
quant à la connivence entre MUNYANGABE et ces miliciens, ainsi qu'avec BANDETSE<br />
Edouard, dans le but <strong>de</strong> commettre les massacres ;<br />
Déclare que le 20/04/1994 MUNYANGABE Théodore était à SHANGI dans la commune<br />
GAFUNZO en réponse à l’appel au secours <strong>de</strong>s sœurs religieuses qui hébergeaient les réfugiés<br />
menacés par les Interahamwe, qu'il a, après y avoir dirigé une réunion <strong>de</strong> sécurité, évacué 40<br />
réfugiés qui ont été con<strong>du</strong>its au sta<strong>de</strong> KAMARAMPAKA à CYANGUGU où l’on espérait<br />
qu’elles seraient en sécurité, qu'il n'est nullement arrivé à MIBIRIZI en commune CYIMBOGO<br />
à cette date comme le confirment tous les rescapés qu’il a évacués <strong>de</strong> SHANGI;<br />
Déclare que MUNYANGABE n'est pas allé au sta<strong>de</strong> le 16/04/1994 en compagnie <strong>de</strong>s personnes<br />
qui ont trié les victimes à tuer, car BUSHIRU Gaëtan et KAYUMBA Sébastien n’en ont rapporté<br />
aucune preuve ;<br />
Déclare MUNYANGABE Théodore acquitté <strong>de</strong>s infractions mises à sa charge pour défaut <strong>de</strong><br />
preuves et au bénéfice d’un doute sérieux ;<br />
Déclare non fondée l’action civile intentée en cette affaire ;<br />
Déclare que MUNYANGABE Théodore obtient gain <strong>de</strong> cause, que le Ministère Public perd la<br />
cause et que les parties civiles sont déboutées;<br />
Dit que les frais <strong>de</strong> justice sont mis à charge <strong>du</strong> Trésor public;<br />
Dit que le jugement R.P.001/97/CSC ren<strong>du</strong> par la Chambre spécialisée <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> Première<br />
instance <strong>de</strong> CYANGUGU en date <strong>du</strong> 26/02/1997 est infirmé;<br />
AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 06/07/1999 PAR LA<br />
COUR D'APPEL DE CYANGUGU, STATUANT SUR PIECES, DONT LE SIEGE EST<br />
COMPOSE DE : NZABONIMANA Cassien, PRESIDENT, MANGARA Pontien, VICE-<br />
PRESIDENT, ET RUDAHANGARA Jean, CONSEILLER, EN PRESENCE DE<br />
L'OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC RUSHINGANA Justin ET DU GREFFIER<br />
GATERA NYAKAGABO Charles.<br />
269
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999<br />
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU<br />
RPA 003/R1/97<br />
Vice-Prési<strong>de</strong>nt Prési<strong>de</strong>nt Conseiller<br />
MANGARA Pontien NZABONIMANA Cassien RUDAHANGARA Jean<br />
Sé Sé Sé<br />
Greffier<br />
GATERA NYAKAGABO Charles<br />
Sé<br />
270
COUR D’APPEL<br />
DE<br />
DE KIGALI<br />
271
272
273<br />
N°14<br />
Arrêt <strong>de</strong> la Cour d’appel <strong>de</strong> Kigali<br />
<strong>du</strong><br />
26 décembre 2000.<br />
Ministère Public C/ KAYIJUKA Célestin.<br />
APPEL (DELAI ; RECEVABILITÉ ; ART. 24 L.O. 30/08/1996 ; ERREUR DE DROIT) –<br />
ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET<br />
283 CP) – CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE : ART. 2 L.O. 30/08/1996) –<br />
COMPLICITE (ARTS. 89 ET 91 CP) – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE<br />
L’HUMANITE – DISJONCTION DE L’ACTION CIVILE – DROITS DE LA DEFENSE –<br />
PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ; DEGRADATION CIVIQUE) –<br />
PROCEDURE D’AVEU DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (DROIT D’ETRE<br />
INFORME ; ART. 4 al.2 L.O.) – VIOLATION DE DOMICILE (ART. 304 C.P.).<br />
1. Appel <strong>du</strong> prévenu – respect <strong>du</strong> délai légal (art. 24 L.O. 30/08/1996) - appel portant<br />
sur une question <strong>de</strong> droit – défaut d’information <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> recourir à la procé<strong>du</strong>re<br />
d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité (art.4 al.2 L.O. 30/08/1996) – appel recevable<br />
(art.24 C.P.) – renvoi au Parquet pour respect <strong>du</strong> prescrit légal.<br />
2. Examen au fond – refus <strong>de</strong> recourir à procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité<br />
– droits <strong>de</strong> la défense – nouvelles conclusions.<br />
3. Peine – absence <strong>de</strong> recours à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité –<br />
appel non fondé - condamnation confirmée.<br />
1. Est déclaré régulier quant aux délais, l’appel <strong>du</strong> prévenu intervenu 13 jours après le<br />
prononcé <strong>du</strong> jugement. L’appel est recevable, le fait que ne figure pas au dossier la<br />
preuve que le prévenu aurait été informé <strong>de</strong> son droit et <strong>de</strong> l’intérêt qu’il avait <strong>de</strong><br />
recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité constituant une erreur <strong>de</strong><br />
droit au sens <strong>de</strong> l’article 24 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996. Le dossier est<br />
renvoyé au Parquet, afin que le prescrit <strong>de</strong> l’article 4 al.2 <strong>de</strong> la Loi organique soit<br />
respecté.<br />
2. La Cour d’appel procè<strong>de</strong> à l’examen <strong>du</strong> dossier au fond après que le prévenu ait<br />
formellement refusé <strong>de</strong> recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité.<br />
Après avoir enten<strong>du</strong> le rapport <strong>du</strong> Conseiller rapporteur, la Cour d’appel offre à la<br />
défense la possibilité <strong>de</strong> déposer <strong>de</strong> nouvelles conclusions.<br />
3. Aucune ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> peine ne peut être accordée au prévenu reconnu coupable, dès<br />
lors qu’ayant été admis à avouer et à plai<strong>de</strong>r coupable, il y a renoncé. Le jugement <strong>du</strong><br />
Tribunal <strong>de</strong> première instance est confirmé.
274
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
275<br />
1 er feuillet.<br />
LA COUR D’APPEL DE KIGALI, SIEGEANT A KIGALI EN MATIERE DE<br />
GENOCIDE OU CRIMES CONTRE L’HUMANITE A RENDU EN AUDIENCE<br />
PUBLIQUE L’ARRET DONT LA TENEUR SUIT :<br />
APPELANT : KAYIJUKA Célestin fils <strong>de</strong> MUTURA et MUKANDUTIYE, né en 1958 à<br />
GAHENGERI – BICUMBI- KIGALI NGALI, marié à KABAGENI, père <strong>de</strong> 3 enfants, sans<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus.<br />
CONTRE : MINISTERE PUBLIC.<br />
PREVENTIONS :<br />
Avoir, dans le secteur GAHENGERI, Commune BICUMBI, Préfecture <strong>de</strong> KIGALI-NGALI,<br />
République Rwandaise, entre Octobre 1990 et Juillet 1994, en compagnie <strong>de</strong> MUYANGE,<br />
NDARUHUTSE, NZABONARIBA, GAHIGI et l’ex-conseiller NTIYAMIRA Denis non<br />
autrement i<strong>de</strong>ntifiés ainsi que d’autres, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par<br />
la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/0/96 en son article 3 et par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
livre I, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité prévus par la Convention<br />
internationale <strong>du</strong> 09/12/1948 sur la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, la convention <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong><br />
12/08/1949 sur la protection <strong>de</strong>s personnes civiles en temps <strong>de</strong> guerre et les Protocoles<br />
Additionnels, ainsi que par la Convention <strong>du</strong> 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong><br />
guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées par le Rwanda, infractions prévues et<br />
réprimées par les articles 14 et 2 catégorie 1c <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/96 ;<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, comme auteur ou complice tel que<br />
prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, formé une association <strong>de</strong> malfaiteurs qui<br />
se comportait en milice, infraction prévue et réprimée par les articles 282 et 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal<br />
livre II ;<br />
Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, comme auteur ou complice,<br />
volontairement commis <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> participation criminelle dans l’assassinat <strong>de</strong><br />
RWASUBUTARE, MUHIRE, KABUBARE, MUKAGASANA, MUKANYARWAYA, Thérèse<br />
et <strong>de</strong>ux enfants, Collette, infraction prévue par les articles 89, 90, 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I et 312<br />
<strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
S’être, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, intro<strong>du</strong>it dans les domiciles d’autrui<br />
sans leur permission et hors les cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée par l’article<br />
304 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
276<br />
2 ème feuillet.<br />
Vu qu’après l’instruction préparatoire par le parquet près le Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong><br />
KIGALI, le Premier Substitut a transmis au Tribunal pour fixation le dossier RMP<br />
6219/S11/NG/PRORE à charge <strong>de</strong> KAYIJUKA, que l’affaire a été inscrite au rôle sous le<br />
n°RP027/CS/Kig, que les débats en audience ont eu lieu le 30/09/1997 pour voir le jugement<br />
prononcé en date <strong>du</strong> 24/10/1997 dans les termes ci-après ;<br />
« Déclare recevable l’action <strong>du</strong> Ministère Public car régulière en la forme et la dit fondée ;<br />
« Déclare établies à charge <strong>de</strong> KAYIJUKA les infractions qui lui sont reprochées ;<br />
« Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité ;<br />
« Le condamne à la dégradation civique prévue à l’article 66 points 2, 3, 5 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal à<br />
savoir la privation <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> vote, d’élection, d’éligibilité et, en général, <strong>de</strong> tous les droits<br />
civiques et politiques et <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> porter <strong>de</strong>s décorations, l’incapacité d’être expert, témoin<br />
dans les actes, et <strong>de</strong> déposer en justice autrement que pour donner <strong>de</strong> simples renseignements, la<br />
privation <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> port d’armes, <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> servir dans les forces armées, <strong>de</strong> faire partie <strong>de</strong> la<br />
police, <strong>de</strong> tenir école, d’enseigner et d’être employé dans aucun établissement d’instruction à<br />
titre <strong>de</strong> professeur, <strong>de</strong> moniteur, <strong>de</strong> maître ou <strong>de</strong> surveillant ;<br />
« Lui ordonne <strong>de</strong> payer 3.250 Frw <strong>de</strong> frais d’instance dans le délai légal et édicte une contrainte<br />
par corps <strong>de</strong> 30 jours suivi <strong>de</strong> l’exécution forcée sur ses biens,<br />
« Dit que le prononcé a lieu tardivement à cause <strong>du</strong> grand volume d’activités <strong>de</strong>s juges ;<br />
Vu qu’après notification <strong>du</strong> jugement aux parties, KAYIJUKA n’en a pas été satisfait et a relevé<br />
appel à la Cour d’appel <strong>de</strong> KIGALI en date <strong>du</strong> 07/11/1997, que cet appel a été inscrit au rôle<br />
sous le n° RPA 28/97/R1/Kig ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Cour d’appel <strong>de</strong> KIGALI fixant la date d’audience au<br />
30/04/1998 ;<br />
Vu que l’exploit <strong>de</strong> signification <strong>de</strong> cette date a été envoyé aux parties ;<br />
Vu que l’audience n’a pas eu lieu à cette date et a été reportée au 18/06/1998 et au 30/07/1998<br />
aux motifs respectifs <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public et <strong>de</strong> non signification au<br />
prévenu, qu’elle a été une fois encore reportée au 17/09/1998, mais qu’elle n’a pas eu lieu non<br />
plus au motif que l’un <strong>de</strong>s magistrats a été appelé à d’autres fonctions, qu’elle a été remise au<br />
16/10/1998, date à laquelle le Ministère public est représenté par MUDAHERANWA S.J., le<br />
Conseil <strong>du</strong> prévenu n’ayant pas comparu, que le Prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> siège <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au greffier <strong>de</strong> faire<br />
l’énoncé <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>du</strong> prévenu et <strong>de</strong>s préventions à sa charge ;
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
277<br />
3 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est donnée au conseiller rapporteur qui dit que, par lettre n°A/25/RMP<br />
6219/S11/NG/PRORE <strong>du</strong> 16/06/1997, le Premier Substitut Près le Tribunal <strong>de</strong> Première Instance<br />
<strong>de</strong> KIGALI, KALISA Pascal, a transmis pour fixation le dossier RMP 6219/S11/NG/PRORE à<br />
charge <strong>de</strong> KAYIJUKA C. lequel a été inscrit au rôle sous le n° RP 027/CS/KIG, que le Prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> la Chambre Spécialisée a pris l’ordonnance fixant la date d’audience au 20/08/1997, qu’a<br />
cette date, le Ministère Public était représenté par KALISA Pascal mais que KAYIJUKA a<br />
<strong>de</strong>mandé le report d’audience en vue <strong>de</strong> lui permettre <strong>de</strong> chercher un conseil ;<br />
Que l’audience a été reportée au 30/09/1997, qu’à cette date KAYIJUKA a comparu assisté par<br />
Me Absi HAMANI, le Ministère public étant représenté par NZIBONERA, que Me Absi<br />
HAMANI a sollicité la remise <strong>de</strong> l'audience au motif qu’il n’avait pas pu lire le dossier qui lui<br />
est parvenu juste avant le début <strong>de</strong> l’audience et qu’il n’a pas pu s’entretenir avec son client<br />
KAYIJUKA ;<br />
Que le Tribunal a estimé non fondés les motifs invoqués et a décidé <strong>de</strong> siéger ;<br />
Que l’audience a eu lieu à cette date et que, dans son jugement, le Tribunal s’est fondé sur les<br />
motifs suivants ;<br />
- Association <strong>de</strong> malfaiteurs ; cette infraction est établie à charge <strong>de</strong> KAYIJUKA car il a été<br />
vu dans différentes attaques, dont les membres portaient <strong>de</strong>s armes traditionnelles dont les<br />
machettes et les massues, ceci étant affirmé par <strong>de</strong>s témoins oculaires qui disent l’avoir vu en<br />
compagnie <strong>de</strong>s malfaiteurs, faits qu’il a initialement réfutés, mais a fini par reconnaître, lors<br />
<strong>de</strong> l’enquête faite par le Tribunal, que ces malfaiteurs et lui se connaissaient, qu’ils étaient<br />
d’ailleurs ses voisins.<br />
- Participation criminelle dans l’assassinat <strong>de</strong> personnes, fait qu’il a avoué <strong>de</strong>vant le Ministère<br />
public mais qu’il a contesté en audience ; cette infraction est établie à sa charge car il a été<br />
établi lors <strong>de</strong>s enquêtes effectuées par le Tribunal, que KAYIJUKA a personnellement sorti<br />
RWASUBUTARE <strong>de</strong> sa maison et que lui et ses coauteurs l’ont tué à coups <strong>de</strong> massues ; par<br />
ailleurs, l’assassinat <strong>de</strong> MUKANYARWAYA Thérèse et son petit enfant, ainsi qu’un autre<br />
enfant nommé KABWA est établi à sa charge étant donné que c’est lui qui les a dénichés<br />
dans un champ <strong>de</strong> sorgho et les a tués après leur avoir pris un poste <strong>de</strong> radio tel que cela est<br />
confirmé par la personne qui était cachée par l’épouse <strong>de</strong> KAYIJUKA et qui le voyait <strong>de</strong> très<br />
près.<br />
- Violation <strong>de</strong> domiciles : cette infraction est établie par le fait <strong>de</strong> sortir RWASUBUTARE <strong>de</strong><br />
sa maison et celui d’être allé chercher chez HABARUGIRA la nommée Florida, fille <strong>de</strong><br />
NAMANI, pour la tuer.<br />
- Génoci<strong>de</strong> : toutes ces infractions ayant été commises à l’encontre <strong>de</strong>s Tutsi sans motif autre<br />
que le but <strong>de</strong> les exterminer, l’infraction <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est établie à sa charge ; ces infractions<br />
sont en concours et le rangent dans la <strong>de</strong>uxième catégorie, il doit ainsi être puni <strong>de</strong>s peines<br />
prévues à cet effet ; l’action civile est disjointe car KAYIJUKA n’est pas rattaché à la<br />
première catégorie ;
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
Atten<strong>du</strong> que le Conseiller rapporteur poursuit en parlant <strong>de</strong> l’appel et dit que l’affaire RP<br />
027/CS/Kig est passée en audience <strong>du</strong> 13/10/1997, que le prononcé <strong>du</strong> jugement a eu lieu le<br />
24/10/1997 ;<br />
278<br />
4 ème feuillet.<br />
Que Me Daniel WEBER en a relevé appel par lettre <strong>du</strong> 06/11/1997 adressée au Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />
Cour d’Appel, lettre reçue au greffe <strong>de</strong> la Cour en date <strong>du</strong> 07/11/1997, que cet appel <strong>de</strong><br />
KAYIJUKA a été inscrit au rôle sous le n° RPA 28/97/R1/Kig ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’aux termes <strong>de</strong> l’article 24 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur<br />
l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes<br />
contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er octobre 1990, le délai d’appel contre les jugements<br />
ren<strong>du</strong>s par les Chambres spécialisées <strong>de</strong>s Tribunaux <strong>de</strong> Premières Instance est <strong>de</strong> 15 jours, que<br />
l’appel <strong>de</strong> KAYIJUKA a été inscrit au rôle <strong>de</strong> la Cour d’Appel <strong>de</strong> KIGALI 13 jours après le<br />
jugement entrepris, qu’il n’est donc pas tardif ;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant les moyens d’appel, le conseiller rapporteur dit que dans sa lettre <strong>du</strong><br />
06/11/1997, Me D.WEBER, Conseil <strong>de</strong> KAYIJUKA, promettait <strong>de</strong> communiquer les moyens<br />
d’appel dès qu’il aurait à sa disposition la copie <strong>du</strong> jugement attaqué, et qu’en date <strong>du</strong> 23/04/98,<br />
Me KONARE TIECORO a déposé les conclusions contenant leurs principaux griefs relatifs à la<br />
violation <strong>de</strong>s dispositions légales ci-après ;<br />
- en vertu <strong>de</strong> l’article 4 alinéa 2 <strong>de</strong> la Loi n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/96, l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public<br />
chargé <strong>de</strong> l’instruction <strong>de</strong>vait informer KAYIJUKA C. <strong>de</strong> son droit et <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> recourir<br />
à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, et en faire mention dans un procèsverbal<br />
;<br />
- l’article 90 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale prescrit que tout jugement doit indiquer le délai<br />
d’appel prévu par la loi, mais cette indication essentielle ne figure pas dans le jugement dont<br />
il est fait appel et, qu'à cet égard, la Cour d’appel doit examiner le fond <strong>de</strong> l’affaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans les conclusions <strong>du</strong> Ministère Public, l’Officier <strong>du</strong> Ministère public<br />
MUDAHERANWA San<strong>de</strong> John dit que l’appel <strong>de</strong> KAYIJUKA est recevable car il a été interjeté<br />
dans les délais, mais qu’il n’y a pas lieu d’en faire un examen dès lors que les moyens d’appel <strong>de</strong><br />
KAYIJUKA n'ont pas été communiqués à la Cour avant l'audience et que l'intéressé a été<br />
caractérisé par un zèle dans les massacres tel que cela figure au 5 e exposé <strong>de</strong>s motifs <strong>du</strong><br />
jugement querellé ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la Cour met la cause en délibéré et rend l’arrêt dont la teneur suit ;<br />
Constate qu’aucun procès-verbal ne montre que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public chargé <strong>de</strong><br />
l’instruction a informé KAYIJUKA Célestin, <strong>de</strong> son droit et <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> recourir à la<br />
procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité tel que prévu par l’article 4 point 2 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, qu’il faut donc d’abord respecter le prescrit <strong>de</strong> cet article<br />
avant toute décision définitive ;<br />
Constate que le dossier RMPA 1/0013/171/G, RPA 28/97/R1/Kig doit être retourné au Ministère<br />
Public en vue <strong>de</strong> la mise en application <strong>de</strong> l’article 4 point 2 <strong>de</strong> la Loi précé<strong>de</strong>mment évoquée ;
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après la décision <strong>de</strong> la Cour <strong>du</strong> 26/10/1998 sur le retour <strong>du</strong> dossier au Ministère<br />
Public en vue d’informer KAYIJUKA Célestin <strong>de</strong> son droit et <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> recourir à la<br />
procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, KAYIJUKA a, en date <strong>du</strong> 27/05/1999, répon<strong>du</strong><br />
au Ministère Public en ces termes : « Je n’avoue pas avoir tué, je continuerai à plai<strong>de</strong>r, on<br />
m’accuse à tort » ;<br />
5 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que le Conseiller rapporteur a établi un rapport ainsi conçu ;<br />
PHASE DE L’INSTRUCTION PREPARATOIRE PAR LE MINISTERE PUBLIC :<br />
- En date <strong>du</strong> 10/01/1995, KAYIJUKA a reconnu <strong>de</strong>vant KARASIRA Célestin, alors chargé <strong>de</strong><br />
la sécurité dans la Commune Bicumbi, avoir tué MUKAGASANA, UWERA et MAYONDE<br />
à coups <strong>de</strong> massue.<br />
- Il a réitéré ces aveux <strong>de</strong>vant l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public HABINSHUTI Floribert le<br />
18/1/1995, a dit que ses coauteurs sont MUSHUMBA, BYEMAYIRE et Claver qui avait un<br />
fusil, qu’ils tuaient les victimes à coups <strong>de</strong> machette et <strong>de</strong> massue et qu’il y a eu dans sa<br />
localité d’autres victimes et notamment BUZOYA, NDAMAGE et RUVUGABIGWI.<br />
- Réinterrogé par l’I.P.J. KALISA Pascal le 07/10/1996 pour voir s’il maintenait ses<br />
déclarations, le prévenu a nié les infractions et préten<strong>du</strong> que les aveux lui avaient été<br />
extorqués par <strong>de</strong>s coups. A la question <strong>de</strong> savoir si l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public<br />
HABINSHUTI l’avait également battu, il a répon<strong>du</strong> par la négative mais a dit qu’il avait<br />
per<strong>du</strong> la tête à cause <strong>de</strong>s coups qui lui avaient été administrés à BICUMBI, et il a <strong>de</strong>mandé<br />
qu’il soit procédé à une enquête.<br />
TEMOINS :<br />
1. KANTAMAGE Victoire : dit que c’est KAYIJUKA qui a tué son mari RWASUBUTARE.<br />
Celui-ci se cachait en contrebas <strong>de</strong> son domicile, mais à un moment, il est allé chercher <strong>du</strong><br />
feu dans la maison pour fumer sa pipe. A sa sortie, KAYIJUKA l’attendait et l’a tué à coup<br />
<strong>de</strong> massue, et l’intéressé, armé également d’une machette, était en compagnie <strong>de</strong> nombreuses<br />
autres personnes, il a aussi tué ses <strong>de</strong>ux beaux-frères MUHIRE et KABUTURA.<br />
2. GASENGAYIRE Caritas ; voyait KAYIJUKA dans <strong>de</strong>s attaques mais n’a pas vu les victimes<br />
qu’il a tuées lui-même, dit que KAYIJUKA faisait partie <strong>de</strong> l’attaque qui a tué environ 65<br />
victimes qui étaient chez elle et chez son beau-père, qu’elle n’a dû son salut qu’au fait<br />
qu’elle avait une carte d’i<strong>de</strong>ntité portant la mention <strong>de</strong> l'ethnie Hutu et que ceux qui<br />
participaient à cette attaque ont dit qu’elle était <strong>de</strong>s leurs.<br />
3. MUKARUBAYIZA Dative ; a cherché refuge chez KAYIJUKA. Quand celui-ci a voulu la<br />
tuer, son épouse lui a conseillé <strong>de</strong> se réfugier dans un champ <strong>de</strong> sorgho. Arrivée là, elle a vu<br />
KAYIJUKA débusquer MUKANYARWAYA et Thérèse qui étaient en compagnie <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
enfants.<br />
4. MUKAYISENGA ; arrivée chez MUTANGANIKA en fuyant, elle y a trouvé <strong>de</strong>s victimes<br />
qui avaient été tuées. Elle est restée là en compagnie d’autres filles et dames. Une attaque<br />
dont faisaient partie KAYIJUKA et ses frères NDARUHUTSE et MUYANGO ainsi que<br />
d’autres est arrivée, NTIYAMIRA Aloys qui était conseiller <strong>de</strong> secteur a dit<br />
279
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
280<br />
6 ème feuillet.<br />
qu’il allait incendier la maison si nous ne sortions pas. Goretti est sortie ; elle a été tuée,<br />
MUKAYISENGA est sortie, elle aussi et MPIRIMBA a dit : « Celle-ci est <strong>de</strong>s nôtres », ils<br />
l’ont laissée en vie et ont tué les autres à coups <strong>de</strong> machettes. KAYIJUKA a lui aussi<br />
participé à ces tueries.<br />
5. GAKARA Jean Pierre ; à cette époque, il voyait KAYIJUKA commettre <strong>de</strong>s pillages, et il a<br />
par la suite commencé à tuer.<br />
6. AYIRORA Agnès ; il était difficile <strong>de</strong> mettre les pieds dans la localité où habitait<br />
KAYIJUKA, c’était un quartier <strong>de</strong>s Interahamwe. Le nommé NGARAMBE qui vit<br />
actuellement à KIGALI connaît bien KAYIJUKA, il est connu que KAYIJUKA pillait.<br />
7. MUKAKAMANZI Jeannette : KAYIJUKA s’est mal con<strong>du</strong>it, mais elle ne l’a pas vu tuer à<br />
part que la nommée KANTAMAGA l’a trouvée dans sa cachette et lui a dit que KAYIJUKA<br />
venait <strong>de</strong> tuer son mari RWASUBUTARE, qu’il était avec ses <strong>de</strong>ux frères dans cette localité,<br />
qu’on dit que KAYIJUKA faisait partie <strong>de</strong> l’attaque qui a eu lieu chez TANGANIKA, mais<br />
qu’elle ne l’a pas vu car elle avait per<strong>du</strong> la tête ;<br />
8. MUKAMANA Béata : a vu KAYIJUKA, en compagnie d’autres, tuer personnellement la<br />
nommée MUKAGASANA <strong>de</strong>vant sa maison. Il l’a tuée à coup <strong>de</strong> massue et a directement<br />
emporté sa vache qu’il a restituée à son retour d’exil.<br />
Avis <strong>de</strong> l’O.P.J. KABANDANA Barnabé qui a fait une enquête dans la commune BICUMBI:<br />
Il dit que l’examen <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> KAYIJUKA qui affirme être victime <strong>de</strong> fausses<br />
accusations, que ses premiers aveux lui ont été extorqués au moyen <strong>de</strong>s coups, qu’il avait per<strong>du</strong><br />
la tête lors <strong>de</strong> son interrogatoire au parquet à cause <strong>de</strong>s coups qu’il avait reçu à BICUMBI même<br />
si l’officier <strong>du</strong> Ministère Public ne l’a pas battu, ainsi que celui <strong>de</strong>s témoignages <strong>de</strong> la population<br />
à sa charge à commencer par ceux <strong>de</strong>s témoins enten<strong>du</strong>s, révèle que ces moyens <strong>de</strong> défense sont<br />
mensongers et sont faits en désespoir <strong>de</strong> cause. Il est dès lors établi que KAYIJUKA a été un<br />
grand tueur et a commis <strong>de</strong> nombreux actes <strong>de</strong> pillage.<br />
PLAIDOIRIE DE KAYIJUKA DEVANT LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE<br />
PREMIERE INSTANCE DE KIGALI<br />
- Le Ministère Public l’accuse <strong>de</strong> participation aux côtés d’autres dont son grand frère<br />
MUYANGE et son petit frère NDARUHUTSE à <strong>de</strong>s attaques qui ont tué <strong>de</strong>s victimes dont<br />
fait partie RWASUBUTARE ; KAYIJUKA a tué MUKAGASANA, MUKANYARWAYA,<br />
Thérèse et ses <strong>de</strong>ux petits-enfants après leur avoir ravi un poste <strong>de</strong> radio, KAYIJUKA a pris<br />
part à l’attaque qui, sous la direction <strong>du</strong> conseiller, a tué Goretti et d’autres.<br />
- Dans sa défense, KAYIJUKA dit être faussement accusé et nie avoir tué ; il était lui aussi<br />
pourchassé et cela l’a contraint à rester à la maison, se cachant près <strong>de</strong> son domicile, qu’il<br />
ignore l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> ceux qui ont mené <strong>de</strong>s expéditions meurtrières car il n’était pas en leur<br />
compagnie, qu’il ignore tout <strong>de</strong>s victimes que le Ministère Public l’accuse d’avoir tué ;
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
281<br />
7 ème feuillet.<br />
- A la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il a, au cours <strong>de</strong> son interrogatoire au parquet, avoué avoir<br />
tué MUKAGASANA, UWERA et MAYONDE en compagnie <strong>de</strong> BYEMAYIRE,<br />
MUSHUMBA et Claver, il a répon<strong>du</strong> que le Ministère Public lui prête <strong>de</strong>s aveux et qu’on lui<br />
a fait signer sa déclaration sans lui en avoir préalablement fait lecture, que cela ne signifie<br />
nullement qu’il collaborait avec eux dans <strong>de</strong>s actes criminels.<br />
- Me ABSI, conseil <strong>de</strong> KAYIJUKA, a <strong>de</strong>mandé au Tribunal <strong>de</strong> poser à son client la question<br />
<strong>de</strong> savoir s’il a à un moment avoué avoir tué. Interrogé, KAYIJUKA a répon<strong>du</strong> avoir été<br />
contraint à avouer après avoir reçu <strong>de</strong> nombreux coups.<br />
- A la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il rétracte ses aveux faits à la briga<strong>de</strong>, il a dit que le<br />
Ministère Public l’accuse à tort, qu’il n’a pas tué car, n’étant pas une autorité, il n’en avait<br />
pas le pouvoir, et cite les exemples <strong>de</strong> NTIYAMIRA Denis (Conseiller) et <strong>de</strong> MPILIMA qui<br />
était un militaire.<br />
- Invité à parler <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> MUKAGASANA et d’autres victimes qui ont<br />
été tuées dans sa localité, il a dit qu’on rapporte que MUKAGASANA a été tuée par Samuel,<br />
que la vache <strong>de</strong> MUKAGASANA qu’on lui attribue d’avoir pillé est venue en suivant<br />
d’autres vaches et est arrivée chez lui, mais qu’il l’a remise au retour d’exil.<br />
- A la question <strong>de</strong> savoir s’il approuve la déclaration <strong>du</strong> témoin qu’il a proposé à sa décharge,<br />
il répond que Agnès n’a pas été enten<strong>du</strong>e mais qu’il est prêt à reconnaître sa culpabilité si<br />
elle affirme qu’il a pris part aux tueries.<br />
- KANTAMAGA dit que KAYIJUKA était en compagnie <strong>de</strong> NZABONALIBA qui est<br />
actuellement en détention quand il a sorti son mari RWASUBUTARE qu’ils ont tué à coups<br />
<strong>de</strong> massue, KAYIJUKA n’a rien dit d’autre à ce sujet sinon que se sont <strong>de</strong> fausses<br />
accusations.<br />
- AYIRORA dit qu’il voyait souvent KAYIJUKA armé d’un bâton, mais qu’il ne l’a jamais vu<br />
piller, à part qu’il l’a vu une fois transportant <strong>de</strong>s biens qu’il venait <strong>de</strong> piller, que tout le<br />
mon<strong>de</strong> affirme que KAYIJUKA a tué les Tutsi, qu’il a vu KAYIJUKA et BYEMAYIRE<br />
dans une attaque qui incendiait les maisons, que KAYIJUKA suivait ceux qui prenaient part<br />
à <strong>de</strong>s attaques et qu’il a emmené chez lui une vache.<br />
- GASENGAYIRE dit que KAYIJUKA se déplaçait, armé d’une machette, en compagnie <strong>de</strong>s<br />
tueurs lors <strong>de</strong> leurs expéditions, que KAYIJUKA et le conseiller Denis l’ont trouvé un jour<br />
chez HABARUGIRA, disant qu’ils étaient à la recherche d’une « Inyenzi » nommée Florida<br />
fille <strong>de</strong> NAMANI ;<br />
- MUKARUBAYIZA dit que KAYIJUKA a tué MUKANYARWAYA, Thérèse et leurs <strong>de</strong>ux<br />
petits-enfants et leur a pris un poste <strong>de</strong> radio, a tué MUKAGASANA et a emmené sa vache ;<br />
- KAGARA dit que KAYIJUKA a pris part au génoci<strong>de</strong>, mais, répondant aux autres questions<br />
qui lui sont posées, il dit ne pas bien savoir les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> son père même<br />
s’il l’avait affirmé auparavant ;
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
- La parole lui étant accordée, Me ABSI, conseil <strong>de</strong> KAYIJUKA, relève qu’il y a une<br />
contradiction ;<br />
· GAKARA a d’abord affirmé que sa mère a été tuée par KAYIJUKA, mais il a dit par la<br />
suite qu’il ne le sait pas bien.<br />
· KAYIJUKA a lui aussi avoué avoir tué <strong>de</strong>s victimes et a cité leurs noms ainsi que ceux <strong>de</strong><br />
ses coauteurs, mais il a par la suite tout rejeté ; il termine en <strong>de</strong>mandant d’en faire un examen<br />
attentif avant toute décision.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après ce rapport <strong>du</strong> conseiller rapporteur, la Cour déci<strong>de</strong> que le conseil <strong>de</strong><br />
KAYIJUKA C. doit élaborer d’autres conclusions et en informer également le Ministère Public.<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Boubou DIABIRA, Conseil <strong>de</strong> KAYIJUKA, commence par les moyens relatifs<br />
à l’inobservation par le tribunal <strong>de</strong>s articles 4 alinéa 2, 24, 36 <strong>de</strong> la Loi n°08/96 ;<br />
282<br />
8 ème feuillet.<br />
<strong>du</strong> 30/08/1996 et <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale ; mais que lesdits moyens figurent dans les<br />
conclusions déposées auparavant par Me KONARE TIECORO et dans le rapport <strong>du</strong> conseiller<br />
rapporteur ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Boubou DIABIRA dit que KAYIJUKA est inculpé <strong>de</strong> 4 infractions à savoir :<br />
1. association <strong>de</strong> malfaiteurs<br />
2. violation <strong>de</strong> domiciles<br />
3. participation criminelle aux assassinats<br />
4. génoci<strong>de</strong>, mais que le Tribunal l’a malgré cela condamné à l’emprisonnement à perpétuité<br />
alors qu’une telle sanction doit être prononcée en tenant compte à la fois <strong>de</strong>s dispositions <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal, <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale et <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
Que les juges n’ont pas indiqué <strong>de</strong> façon explicite les cas d’assassinats imputés à KAYIJUKA et<br />
qu’il y a <strong>de</strong>s circonstances atténuantes en ce que KAYIJUKA est un simple citoyen analphabète<br />
qui , comme <strong>de</strong> nombreux autres, ont été pendant plusieurs années soumis à une idéologie <strong>de</strong><br />
haine ethnique en leur promettant une meilleure existence, alors qu’ils étaient d’ordinaire <strong>de</strong><br />
bonne con<strong>du</strong>ite, qu’ils ont été entraînés dans <strong>de</strong>s massacres fondés sur une politique <strong>de</strong><br />
discrimination ethnique ;<br />
Que KAYIJUKA a avoué avec un grand repentir mais que, au lieu <strong>de</strong> le condamner à une peine<br />
mitigée, le Tribunal lui a plutôt réservé une peine trop élevée sans base légale, qu'ainsi la<br />
juridiction d'appel <strong>de</strong>vrait en tenir compte dans l'examen <strong>de</strong> cette affaire, qu’il termine en<br />
<strong>de</strong>mandant à la Cour d’infirmer le jugement dont appel et <strong>de</strong> condamner KAYIJUKA à une<br />
peine inférieure à celle d’emprisonnement à perpétuité sur base <strong>de</strong> sa personnalité et <strong>du</strong> fait que<br />
ceux qui ont commis <strong>de</strong>s infractions à l’époque <strong>de</strong>s faits étaient entraînés par le régime ;<br />
Atten<strong>du</strong> que tous les moyens sont épuisés, la Cour prend la cause en délibéré et rend l’arrêt ainsi<br />
qu’il suit ;<br />
Constate que l’appel <strong>de</strong> KAYIJUKA Célestin est recevable car il est régulier en la forme ;
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
Constate que Me KONARE TIECORO, Conseil <strong>de</strong> KAYIJUKA, a dans ses conclusions,<br />
invoqué <strong>de</strong>ux moyens en soutien à l’appel <strong>de</strong> KAYIJUKA relativement aux questions <strong>de</strong> droit en<br />
ce que :<br />
- lors <strong>de</strong> l’interrogatoire <strong>du</strong> 30/08/1996, l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public <strong>de</strong>vait informer<br />
KAYIJUKA <strong>du</strong> droit et <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité et d’en faire état dans un procès-verbal,<br />
- le Tribunal à contraint KAYIJUKA à plai<strong>de</strong>r alors qu’il n’avait pas eu le temps <strong>de</strong><br />
s’entretenir avec son conseil et que les <strong>de</strong>ux n’avaient pas pu bien lire le dossier ;<br />
Constate que par décision <strong>du</strong> 26/10/1998, la Cour a retourné au Ministère Public le dossier <strong>de</strong><br />
KAYIJUKA en vue <strong>de</strong> lui permettre d’accomplir les prescriptions <strong>de</strong> l’article 4 point 2 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, mais que consécutivement au procès-verbal d’information <strong>du</strong><br />
prévenu <strong>de</strong> son droit et <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité <strong>du</strong> 27/05/1999, KAYIJUKA a répon<strong>du</strong> qu’il n’avoue pas avoir tué et qu’il va<br />
continuer à plai<strong>de</strong>r, que cela démontre que le prévenu a refusé <strong>de</strong> recourir à cette procé<strong>du</strong>re ;<br />
Constate que, à la page 4 <strong>de</strong>s conclusions déposées en date <strong>du</strong> 04/12/2000 par Me Boubou<br />
DIABIRA, Conseil <strong>de</strong> KAYIJUKA, il dit que le fait que son client était un simple citoyen<br />
analphabète qui fait partie <strong>de</strong> nombreux autres qui ont été soumis à l’idéologie <strong>de</strong> haine ethnique<br />
en leur promettant une meilleure existence constitue pour lui une circonstance atténuante;<br />
283<br />
9 ème feuillet.<br />
qu’ils ont été entraînés dans les massacres fondés sur une politique <strong>de</strong> discrimination ethnique,<br />
qu’il termine en <strong>de</strong>mandant à la Cour <strong>de</strong> condamner KAYIJUKA à une autre peine que celle <strong>de</strong><br />
l’emprisonnement à perpétuité ;<br />
Constate cependant que l’article 16 <strong>de</strong> la Loi sus évoquée dispose que le prévenu qui offre un<br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité après les poursuites est condamné à un emprisonnement allant <strong>de</strong> 12 à<br />
15 ans quand il est rangé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie, qu’il est établi que, ayant été admis à<br />
avouer et plai<strong>de</strong>r coupable en date <strong>du</strong> 27/08/1999, KAYIJUKA y a renoncé, que la diminution <strong>de</strong><br />
peine <strong>de</strong>mandée par Me Boubou DIABIRA est irrecevable et que la condamnation prononcée<br />
par la juridiction inférieure doit être confirmée ;<br />
PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIRMEENT ;<br />
Vu la Loi Fondamentale <strong>de</strong> la République Rwandaise telle que modifiée le 18/1/1996 :<br />
- la Constitution <strong>du</strong> 10/06/1991 en ses articles 93 et 94 ;<br />
- le protocole <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong> paix d’Arusha sur le partage <strong>du</strong> pouvoir pendant le<br />
gouvernement <strong>de</strong> transition à base élargie, articles 25 et 26 ;<br />
Vu le Décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 70/07/1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et <strong>de</strong> compétences<br />
judiciaires, articles 18, 151, 199 et 200 ;<br />
Vu les articles 4 alinéa 2, 16 et 24 alinéa 1 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur<br />
l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes<br />
contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er octobre 1990 ;<br />
Déclare recevable l’appel <strong>de</strong> KAYIJUKA car régulier en la forme et après examen, le dit non
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000<br />
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI<br />
fondé ;<br />
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement RP027/CS/Kig dont appel ;<br />
Déclare que KAYIJUKA perd la cause ;<br />
Lui ordonne <strong>de</strong> payer 10.500 Frw <strong>de</strong> frais <strong>de</strong> justice dès le prononcé, et édicte une contrainte par<br />
corps <strong>de</strong> 14 jours en cas d’inexécution, suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur ses biens ;<br />
AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE PAR LA COUR<br />
D’APPEL DE KIGALI LE 26/12/2000 COMPOSE DE KABEJA J.R. (PRESIDENT),<br />
NSENGIYUMVA F. ET RWAYITARE J. (CONSEILLERS), EN PRESENCE DE<br />
MUKANTAGANDA Emilienne (Greffier).<br />
SIEGE<br />
Conseiller Prési<strong>de</strong>nt Conseiller<br />
NSENGIYUMVA F. KABEJA J.R RWAYITARE J.<br />
Sé Sé Sé<br />
Greffier<br />
MUKANTAGANDA E.<br />
Sé<br />
284
COUR D’APPEL<br />
DE<br />
NYABISINDU<br />
285
286
N°15<br />
Arrêt <strong>de</strong> la Cour d'appel <strong>de</strong> NYABISINDU<br />
<strong>du</strong><br />
20 mars 1998.<br />
NEMEYIMANA Israël (sur opposition) C/ Ministère Public.<br />
ACQUITTEMENT – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE<br />
MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) – COMPLICITE ( ARTS. 89, 90, ET 91 CP;<br />
ART. 3 L.O. DU 30/08/1996) – CRIME DE GENOCIDE – OPPOSITION (DE L'ARRET<br />
PAR DEFAUT; RECEVABILITE) – PREUVE ( DEFAUT DE; VALIDITE DE) – VOL<br />
AVEC VIOLENCE (ARTS. 396 ET 409 CP).<br />
1. Opposition <strong>du</strong> prévenu à l'arrêt ren<strong>du</strong> par défaut – recevable.<br />
2. Opposition fondée – complicité <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> non établie – interprétation <strong>de</strong> l'article 3 <strong>de</strong> la<br />
Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 et éléments <strong>de</strong> preuve non probants – acquittement.<br />
1. Est déclaré recevable, car régulière en la forme, l'opposition faite par le prévenu à l'arrêt<br />
d'appel qui l'avait condamné par défaut.<br />
2. N'est pas établie à charge <strong>du</strong> prévenu, la complicité <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> qui avait été retenue par la<br />
Cour d'appel, car l'article 3 <strong>de</strong> la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 qui définit la complicité vise:<br />
- d'une part les personnes qui, ayant été convoquées par les autorités, soustraient à ces<br />
<strong>de</strong>rnières <strong>de</strong>s criminels ou omettent <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s renseignements à leur sujet ; or, il apparaît<br />
que le prévenu, dès qu'il a été convoqué, a dénoncé les meurtriers et n'a jamais omis <strong>de</strong><br />
fournir les renseignements dont il disposait à leur sujet;<br />
- d'autre part les personnes qui ont apporté une ai<strong>de</strong> indispensable à la commission <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong>; or, il n’est pas établi que le prévenu aurait apporté une telle ai<strong>de</strong>, les témoignages<br />
qui l'en accusent étant soit indirects, soit contradictoires, soit encore motivés par le désir <strong>de</strong><br />
vengeance <strong>de</strong> ceux qu'il a dénoncés. Il apparaît en outre que, contrairement aux affirmations<br />
<strong>du</strong> Ministère Public selon lesquelles le prévenu aurait reconnu avoir dénoncé l'appartenance<br />
ethnique <strong>de</strong> la victime, aucun élément <strong>du</strong> dossier ne l’indique.<br />
L'opposition <strong>du</strong> prévenu est déclarée fondée et son acquittement prononcé.<br />
287
288
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998<br />
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU<br />
RMPA : 2/4150/Prog<br />
RPA : 29/1/97/NZA<br />
RPA : 02/1/97/NZA<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre) 1 er feuillet.<br />
LA COUR D’APPEL DE NYABISINDU SIEGEANT A NYABISINDU EN MATIERE<br />
D’INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE ET CRIMES<br />
CONTRE L’HUMANITE, A RENDU EN APPEL (NDLR: SUR OPPOSITION) L’ARRET<br />
DONT LA TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE :<br />
Prévenu :<br />
NEMEYIMANA Israël, fils <strong>de</strong> MFIZI et <strong>de</strong> NYIRANDIHANO, né en 1965 à MBOGO,<br />
secteur KARAMA, commune KINYAMAKARA, préfecture GIKONGORO, en détention<br />
préventive <strong>de</strong>puis le 20/09/1995 ;<br />
Préventions :<br />
- Avoir, en avril 1994, dans la cellule MBOGO, secteur KARAMA, commune<br />
KINYAMAKARA, préfecture GIKONGORO, en République Rwandaise, comme auteur,<br />
coauteur ou complice, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I et l’article<br />
3 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, formé une association ayant pour but <strong>de</strong> porter<br />
atteinte aux personnes, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal livre II ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, volé <strong>de</strong> l’argent à MUREKEZI à<br />
l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> violences, infraction prévue et réprimée par les articles 396 et 409 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre<br />
II ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, assassiné MUREKEZI, infraction<br />
prévue et réprimée par l’article 312 <strong>du</strong> co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
- Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieux, participé aux massacres qui avaient<br />
pour but d’exterminer l’ethnie Tutsi et les opposants <strong>du</strong> régime <strong>de</strong> l’époque, et que c’est dans ces<br />
circonstances qu’ils ont tué MUREKEZI, infraction prévue par la Convention internationale sur<br />
la prévention et la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, réprimée par la Loi- organique n° 08/96 <strong>du</strong><br />
30 août 1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong><br />
ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité, commises à partir <strong>du</strong> 1 er octobre 1990 ;<br />
289<br />
2 ème feuillet.<br />
Vu que l’affaire RMP 97426/S2/HAV-RP 0006/S2/GIRO a été intro<strong>du</strong>ite <strong>de</strong>vant le Tribunal <strong>de</strong><br />
première instance <strong>de</strong> GIKONGORO, mettant en cause le Ministère Public contre<br />
NEMEYIMANA Israël et consorts pour l’infraction <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, que l’audience a eu lieu le<br />
11/02/1997 et que le jugement a été ren<strong>du</strong> <strong>de</strong> la manière suivante:
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998<br />
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU<br />
RMPA : 2/4150/Prog<br />
RPA : 29/1/97/NZA<br />
RPA : 02/1/97/NZA<br />
"Déclare recevable l’action <strong>du</strong> Ministère Public, car régulière en la forme, mais la dit<br />
partiellement fondée ;<br />
" Déclare en plus recevable l’action civile <strong>de</strong> MUKANYANDWI, car régulière en la forme ;<br />
" Déclare que RUKIMIRANA et HARELIMANA sont coupables <strong>de</strong> toutes les infractions à leur<br />
charge et qu’elles sont en concours idéal, qu’ils doivent donc en être punis tel que prévu par la<br />
loi, et tel qu’expliqué ci-haut, que par contre NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune <strong>de</strong>s<br />
infractions à sa charge pour manque <strong>de</strong> preuve ;<br />
" Déclare non fondée l’action civile <strong>de</strong> MUKANYANDWI Alvera, car l’Etat Rwandais qui est<br />
civilement responsable n’a pas été cité, que par conséquent l’action civile est disjointe ;<br />
" Déclare que d’autres personnes qui sont poursuivies dans cette affaire, mais qui n’ont pas pu<br />
comparaître seront poursuivies ultérieurement ;<br />
"Déclare que RUKIMIRANA et HARELIMANA per<strong>de</strong>nt la cause et que NEMEYIMANA<br />
obtient gain <strong>de</strong> cause et qu’il est acquitté ;<br />
"Condamne RUKIMIRANA et HARELIMANA à la peine d’emprisonnement à perpétuité ;<br />
"Ordonne que RUKIMIRANA et HARELIMANA soient déchus définitivement <strong>de</strong>s droits dont<br />
il est question à l’article 66, 2°, 3° et 5° <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I ;<br />
"Leur ordonne <strong>de</strong> payer solidairement les frais occasionnés par ce procès équivalant aux 2/3 <strong>de</strong><br />
7000 Frw, c’est à dire 4668 Frw, et édicte une contrainte par corps <strong>de</strong> 30 jours en cas<br />
d’inexécution, suivie <strong>de</strong> l’exécution forcée sur leurs biens, ces frais ayant été calculés comme<br />
suit:<br />
- 200 Frw d’inscription au rôle,<br />
- 1.000 Frw <strong>de</strong> l’ordonnance <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt fixant la date d’audience et celle autorisant la<br />
détention préventive,<br />
- 500 Frw <strong>de</strong> citations,<br />
- 2500 Frw <strong>de</strong> procès verbaux d’instruction préparatoire,<br />
- 1500 Frw <strong>de</strong> procès verbaux d’audience,<br />
- 900 Frw <strong>du</strong> jugement.<br />
290<br />
3 ème feuillet.<br />
"Ordonne que KANANI Népomuscène, MUGWIZA Elysée, SENTORE Edouard,<br />
NSABIMANA Esdras, SEBERA Ezéchiel, NYIRIDANDI Athanase, SIBOMANA,<br />
NDARUHUTSE, RUCYAHANA Claudien NDAYAMBAJE Aloys, NYABYENDA Benoît,<br />
KARANGWA et MURASANGABO soient poursuivis dès qu’ils seront appréhendés ;<br />
"Ordonne la disjonction <strong>de</strong> l’action civile <strong>de</strong> MUKANYADWI Alvera ;
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998<br />
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU<br />
RMPA : 2/4150/Prog<br />
RPA : 29/1/97/NZA<br />
RPA : 02/1/97/NZA<br />
Atten<strong>du</strong> que le conseiller rapporteur dit que NEMEYIMANA Israël a été acquitté par le<br />
Tribunal <strong>de</strong> 1 ère instance, raison pour laquelle le Ministère Public a interjeté appel avançant les<br />
motifs suivants :<br />
1. Que NEMEYIMANA Israël a soustrait aux autorités les auteurs <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong><br />
MUREKEZI David tel que prévu par l’article 3 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong><br />
30/8/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité ;<br />
2. Et qu’il a prêté une ai<strong>de</strong> indispensable à commettre l’infraction, en livrant<br />
MUREKEZI aux tueurs et en les informant qu’il était Tutsi <strong>de</strong> la famille royale car<br />
ceux qui le con<strong>du</strong>isaient n’en était pas informés ;<br />
Vu qu’en appel, en date <strong>du</strong> 24/03/1997, NEMEYIMANA Israël n’a pas comparu, que l’affaire a<br />
été jugée par défaut, et que la Cour a déclaré qu’il était coupable <strong>de</strong> complicité d’assassinat, car<br />
il était présent au moment <strong>de</strong> la commission <strong>du</strong> crime, et qu’il a reçu une somme <strong>de</strong> 5000 Frw<br />
qu'il <strong>de</strong>vrait remettre à la femme <strong>de</strong> la victime, mais qu’il ne l’a pas fait, qu’il n’a même pas<br />
informé les autorités <strong>de</strong>s circonstances dans lesquelles ce crime a été commis, qu'ainsi il doit être<br />
puni sur un pied d’égalité avec ses coprévenus et être condamné à la peine d’emprisonnement à<br />
perpétuité car il est classé dans la <strong>de</strong>uxième catégorie ;<br />
Vu l’opposition formulée le 17/12/1997 par l’Association "Avocats sans Frontières", qu’en outre<br />
les conclusions <strong>du</strong> Ministère Public ont été déposées, et que la Cour a déclaré l’opposition<br />
recevable, car régulière en la forme ;<br />
Constate que NEMEYIMANA est poursuivi par le Ministère Public pour les <strong>de</strong>ux infractions cihaut<br />
précisées, à savoir :<br />
1. Avoir été complice en soustrayant aux autorités les meurtriers tel que prévu par les<br />
articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal Livre I et l’art 3 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong><br />
30/8/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité et avoir, avec d’autres personnes, formé une<br />
association ayant pour but <strong>de</strong> porter atteinte aux personnes ;<br />
2. Avoir prêté une ai<strong>de</strong> indispensable en informant les tueurs que MUREKEZI était Tutsi<br />
<strong>de</strong> la famille royale, ce qui a occasionné son assassinat ;<br />
Constate pourtant, que NEMEYIMANA n’est pas coupable <strong>de</strong> complicité <strong>du</strong> crime <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong><br />
pour avoir soustrait les auteurs <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> MUREKEZI aux autorités, car il n’a pas omis <strong>de</strong><br />
les dénoncer à tout <strong>de</strong>gré d’instruction quand il a été convoqué, qu’il les a en plus mis en cause<br />
lorsqu’il a été auditionné et que son interrogatoire figure à la page 14 <strong>du</strong> dossier, qu’en outre<br />
d'éminents juristes confortent cela, parmi lesquels Daniel DE BEER qui dans son ouvrage<br />
intitulé Commentaire et Jurispru<strong>de</strong>nce sur la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996 sur l’organisation<br />
<strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre<br />
l’humanité, à la page 37, dit: « Il serait d’ailleurs inhumain <strong>de</strong> condamner une victime ou un<br />
témoin qui ne se serait pas spontanément ren<strong>du</strong> auprès <strong>de</strong>s autorités pour porter plainte ou<br />
291
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998<br />
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU<br />
RMPA : 2/4150/Prog<br />
RPA : 29/1/97/NZA<br />
RPA : 02/1/97/NZA<br />
témoigner » ;<br />
Constate que le contenu <strong>de</strong> l’article 3 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/8/1996, concerne les<br />
personnes ayant été convoquées par les autorités mais qui, dans leurs déclarations, soustraient à<br />
ces <strong>de</strong>rnières les criminels ou omettent <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s renseignements à leur sujet, qu’en<br />
revanche NEMEYIMANA n’est pas concerné par cet article, car lorsqu’il a été convoqué par les<br />
autorités, il n’a jamais omis <strong>de</strong> leur fournir <strong>de</strong>s renseignements au sujet <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong><br />
meurtres commis ;<br />
292<br />
4 ème feuillet.<br />
Constate que quant à l’infraction <strong>de</strong> complicité dans l’assassinat à charge <strong>de</strong> NEMEYIMANA<br />
pour avoir prêté une ai<strong>de</strong> indispensable à commettre cette infraction, en informant les meurtriers<br />
que MUREKEZI était un Tutsi <strong>de</strong> la famille royale, elle n’est pas établie à sa charge, car :<br />
1. le témoin MUKANYANDWI Alvera qui l’a accusé a dit l’avoir appris <strong>de</strong><br />
MUKANYANDWI Marie et pourtant cette <strong>de</strong>rnière a nié en savoir quelque chose lors <strong>de</strong><br />
son interrogatoire;<br />
2. qu’un autre témoin nommé RUKIMIRANA s’est souvent contredit dans ses déclarations car<br />
d’une part, à la côte 5 <strong>du</strong> dossier, il a dit n’avoir pas été témoin oculaire <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong><br />
MUREKEZI car il était à son domicile, que d’autre part à la côte 12 <strong>du</strong> dossier, il a dit que<br />
NEMEYIMANA a pris <strong>de</strong> la poche <strong>de</strong> MUREKEZI 5000 Frw, et qu’il dit en plus à la côte<br />
43, qu’il a ouï dire que ce <strong>de</strong>rnier avait remis une autre somme <strong>de</strong> 5000 Frw à<br />
NEMEYIMANA afin qu’il la remette à son épouse ;<br />
Que l’élément <strong>de</strong> preuve sur lequel le Ministère Public se fon<strong>de</strong> est que NEMEYIMANA s’est<br />
accaparé <strong>de</strong> l’argent <strong>de</strong> MUREKEZI et qu’il a même reconnu avoir dit que MUREKEZI était un<br />
Tutsi <strong>de</strong> la famille royale, mais qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier que<br />
NEMEYIMANA l’a reconnu, que même les déclarations <strong>de</strong> RUKIMIRANA <strong>de</strong>vant le Parquet<br />
<strong>de</strong> la République ne sont pas les mêmes que celles faites <strong>de</strong>vant le Parquet Général près la Cour<br />
d’Appel, qu’au contraire RUKIMIRANA charge NEMEYIMANA par vengeance, ce que<br />
soutient NEMEYIMANA, car ce <strong>de</strong>rnier l’avait chargé ;<br />
Constate que l’opposition faite par NEMEYIMANA est recevable car régulière en la forme et la<br />
dit fondée ;<br />
PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;<br />
Vu la Loi Fondamentale surtout en ses articles 33, 29, 93 et 94 <strong>de</strong> la Constitution <strong>du</strong> 10/06/1991<br />
ainsi que les articles 25, 26al1, 27a, et 28b <strong>de</strong>s Accord <strong>de</strong> Paix d’Arusha <strong>du</strong> 30/10/1992 ;<br />
Vu les articles 1, 3 et 24 <strong>de</strong> la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s<br />
poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité,<br />
commises à partir <strong>du</strong> 1 er octobre 1990 ;<br />
Vu les articles 18,151,199 et 200 <strong>du</strong> Décret-loi n° 09/80 <strong>du</strong> 07/07/1980 portant Co<strong>de</strong>
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998<br />
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU<br />
RMPA : 2/4150/Prog<br />
RPA : 29/1/97/NZA<br />
RPA : 02/1/97/NZA<br />
d’organisation et <strong>de</strong> compétence judiciaires ;<br />
Vu les articles 20, 61 et 62 <strong>de</strong> la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale ;<br />
Déclare recevable l’opposition intro<strong>du</strong>ite par NEMEYIMANA Israël représenté par<br />
l’Association "Avocats sans Frontières" car régulière en la forme, et la dit fondée ;<br />
Déclare que NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune <strong>de</strong>s infractions à sa charge tel que libellé<br />
dans les motifs ;<br />
Ordonne que la moitié <strong>de</strong> frais <strong>de</strong> justice soit mise à charge <strong>du</strong> trésor public ;<br />
Ordonne que l’autre moitié <strong>de</strong> frais <strong>de</strong> justice soit payée par MUKANYANDWI Alvera, c’est à<br />
dire la moitié <strong>de</strong> 3825 Frw équivalant à 1913 Frw dans les délais légaux sinon exécution forcée<br />
sur ses biens ;<br />
293<br />
5 ème feuillet.<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 20/3/1998 PAR LA COUR<br />
D’APPEL DE NYABISINDU COMPOSEE PAR KAYITARE Jean Pierre (prési<strong>de</strong>nt),<br />
MUHUMUZA François et MBONYI Japhet (conseillers), EN PRESENCE DE KAMANZI<br />
KIBIBI(substitut) ET MUNGANYINKA Spéciose (greffier).<br />
SIEGE<br />
Conseiller Prési<strong>de</strong>nt Conseiller<br />
MUHUMUZA François KAYITARE J. Pierre MBONYI Japhet<br />
sé sé sé<br />
Greffier<br />
MUNGANYINKA Spéciose<br />
sé
294
COUR D’APPEL<br />
DE<br />
RUHENGERI<br />
295
296
N°16<br />
Arrêt <strong>de</strong> la Cour d’appel <strong>de</strong> RUHENGERI<br />
<strong>du</strong><br />
25 novembre 1998.<br />
Ministère Public et parties civiles C/ BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie.<br />
ABSENCE DE CONDAMNATION – ACQUITTEMENT – APPEL – ASSASSINAT<br />
(ART. 312 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT LA DEVASTATION, LE<br />
MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) - COMPLICITE (ART.3 al.1 L.O.<br />
30/08/96) - CONDITIONS DE RECEVABILITE DE L’APPEL (ERREUR DE DROIT –<br />
ERREUR DE FAIT FLAGRANTE ; ART. 24 DE LA L.O. 30/08/96) – CRIME DE<br />
GENOCIDE – DELAI D’APPEL (ART. 24 L.O. 30/08/96) – DESTRUCTION DE BIEN<br />
IMMEUBLE APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) – ENQUÊTES<br />
COMPLEMENTAIRES – PREUVE (ABSENCE DE) - TEMOIGNAGES (A CHARGE;<br />
A DECHARGE) – VIOLATION DE LA LOI.<br />
1. Procé<strong>du</strong>re – <strong>de</strong>scente sur les lieux – audition <strong>de</strong>s prévenus – audition <strong>de</strong> témoins.<br />
2. 1 er prévenu - appel interjeté hors délai – responsabilité <strong>de</strong> la direction <strong>de</strong> la prison non<br />
établie – appel irrégulier – confirmation <strong>du</strong> premier jugement.<br />
3. 2 ème prévenue – moyen soulevé d’office – absence <strong>de</strong> condamnation – violation <strong>de</strong> la loi<br />
4. 2 ème prévenue – appel régulier - moyens d’appel – erreur <strong>de</strong> fait manifeste – appel<br />
recevable.<br />
5. 2 ème prévenue – examen au fond - témoignages - enquêtes - infraction non établie -<br />
acquittement.<br />
1. Insuffisamment éclairée quant au bien-fondé <strong>de</strong>s moyens d’appel, la Cour d’appel procè<strong>de</strong><br />
à une <strong>de</strong>scente sur le terrain. Elle entend les prévenus et auditionne plusieurs témoins.<br />
2. L’appel <strong>du</strong> premier prévenu interjeté, plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois après le jugement, est irrégulier<br />
quant aux délais et ne doit pas être examiné. L’argument <strong>du</strong> prévenu selon lequel ce<br />
retard serait imputable à la direction <strong>de</strong> la prison n’est pas fondé, car il est inconcevable<br />
qu’elle ait pu faire suivre le recours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième prévenue dans les délais, tout en<br />
retardant celui <strong>du</strong> premier prévenu.<br />
3. Le jugement qui, tout en déclarant coupable la secon<strong>de</strong> prévenue, ne prononce pas <strong>de</strong><br />
condamnation à son égard viole la loi. Ce moyen est soulevé d’office par la Cour d’appel.<br />
4. L’appel <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> prévenue est régulier quant aux délais. Il apparaît que la prévenue<br />
n’a pas livré aux tueurs les personnes assassinées. L’appel fondé sur cette erreur <strong>de</strong> fait<br />
manifeste est recevable.<br />
297
5. Aucun élément probant ne permet d’établir une complicité quelconque dans le chef <strong>de</strong> la<br />
secon<strong>de</strong> prévenue. Il apparaît au contraire qu’elle a porté assistance à ceux qui s’étaient<br />
réfugiés chez elle, y compris à ceux qui à présent la mettent en cause. Elle est acquittée<br />
<strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s préventions mises à sa charge, et sa libération immédiate est ordonnée.<br />
(NDLR : le jugement dont appel, prononcé le 26/06/1997 par la Chambre spécialisé <strong>du</strong><br />
Tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Gisenyi, est publié dans le présent Recueil, décision N° 5)<br />
298
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
299<br />
1 er feuillet.<br />
LA COUR D’APPEL DE RUHENGERI SIEGEANT AU SECOND DEGRE EN<br />
MATIERE DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE A RENDU<br />
CET ARRET CE 25/11/1998:<br />
EN CAUSE:<br />
APPELANTS:<br />
1. BARITIMA Jules fils <strong>de</strong> NSHIRAKERA et <strong>de</strong> BAVUGABWOSE, né en 1950, résidant<br />
dans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU-GISENYI, marié à<br />
NYIRARUGERO, menuisier <strong>de</strong> nationalité rwandaise;<br />
2. NYIRASHAKO Lénie fille <strong>de</strong> SEBARABONA et <strong>de</strong> NTACYOBAMPANZE, née dans<br />
la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI et y<br />
résidant, mariée à RUDAHINYURA, cultivatrice <strong>de</strong> nationalité rwandaise;<br />
CONTRE : LE MINISTERE PUBLIC<br />
PREVENTIONS :<br />
• Avoir, entre le 07/04/1994 et le 17/07/1994, dans le secteur GISENYI, commune<br />
RUBAVU-GISENYI, en République Rwandaise, comme auteurs, coauteurs ou complices<br />
tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, commis le crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> prévu par la Convention <strong>du</strong> 09 décembre 1948 en ses articles 1, 2, 3 et 4, la<br />
Convention <strong>du</strong> 12 juin 1949 en ses articles 146 et 147 et la Convention <strong>du</strong> 26 novembre<br />
1968 en ses articles 1 et 2, toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi n° 08/75<br />
<strong>du</strong> 12/11/1975 et prévu par la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30 août 1996 en ses articles 1, 2,<br />
3, 4, 5, 6 et 7 ;<br />
A charge <strong>de</strong> BARITIMA<br />
• Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteur, coauteur ou<br />
complice, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I , assassiné<br />
KARUHIMBI et RUTAYISIRE, infraction réprimée par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre<br />
II ;<br />
A charge <strong>de</strong> tous<br />
• Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme coauteurs, tel que prévu<br />
par les articles 89,90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, tué le nommé KABALISA et sa mère<br />
KARUHIMBI, infraction réprimée par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
2 ème feuillet.
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
• Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, comme auteurs, coauteurs ou<br />
complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre I, commis<br />
l’infraction <strong>de</strong> dévastation <strong>du</strong> pays, massacre et pillage, infraction réprimée par l’article<br />
168 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
• Avoir, dans les mêmes circonstances <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> lieu, intentionnellement détruit les<br />
maisons <strong>de</strong>s particuliers, infraction prévue par les articles 89, 90 et 91 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre<br />
I et réprimée par l’article 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
LA COUR D’APPEL,<br />
Vu que cette affaire a été intro<strong>du</strong>ite au premier <strong>de</strong>gré <strong>de</strong>vant la Chambre Spécialisée <strong>du</strong><br />
Tribunal <strong>de</strong> Première Instance <strong>de</strong> GISENYI, enregistrée sous le numéro R.P. 33/R1/97/G et<br />
jugée le 12/06/1997 et le 26/06/1997 <strong>de</strong> la manière suivante :<br />
″Déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> recevoir l'action civile intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;<br />
″ Déclare que les préventions à charge <strong>de</strong> BARITIMA sont en concours idéal, qu’ainsi il doit<br />
être condamné pour l’infraction la plus grave en l’occurrence celle <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
″ Déclare que BARITIMA perd la cause et le condamne à la peine <strong>de</strong> capitale ;<br />
″Lui ordonne <strong>de</strong> verser au trésor public les frais d'instance équivalent à 4000 Frw, sous peine<br />
<strong>de</strong> s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corps <strong>de</strong> 30 jours suivie d'une<br />
exécution forcée sur ses biens;<br />
″ Ordonne à BARITIMA Jules <strong>de</strong> verser, dans un délai <strong>de</strong> trois mois, solidairement avec<br />
NYIRASHAKO Lénie, à la famille KARUHIMBI la somme <strong>de</strong> 5.000.000 Frw, à<br />
MUREKATETE la somme <strong>de</strong> 4.000.000 Frw, à SAYIDI la somme <strong>de</strong> 2.000.000 Frw et à<br />
UWIMANA Jeanne d’Arc la somme <strong>de</strong> 2.000.000 Frw, que le total <strong>de</strong>s dommages et intérêts<br />
dont ils sont re<strong>de</strong>vables est <strong>de</strong> 13.500.000 Frw, qu'ils sont tenus <strong>de</strong> payer cette somme dans un<br />
délai <strong>de</strong> trois mois, sous peine <strong>de</strong> s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corps<br />
<strong>de</strong> 10 jours suivie d'une exécution forcée sur leurs biens;<br />
″ Leur ordonne <strong>de</strong> payer dès le prononcé <strong>de</strong> ce jugement la somme <strong>de</strong> 78.000 Frw au titre le<br />
droit proportionnel <strong>de</strong> 4% sinon exécution forcée sur leurs biens en cas d’inexécution ;<br />
″ AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE DU 30/06/1997 PAR LA CHAMBRE<br />
SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GISENYI, EN<br />
PRESENCE DES PREVENUS, DE BAMBANZA Grégoire (représentant le Ministère<br />
Public) ET DES PARTIES CIVILES.<br />
300<br />
3 ème feuillet .
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
Vu que BARITIMA Jules qui a per<strong>du</strong> la cause et NYIRASHAKO Lénie dont la<br />
condamnation n’a pas été mentionnée dans le jugement ont respectivement interjeté appel en<br />
date <strong>du</strong> 05/08/1997 et <strong>du</strong> 10/07/1997 <strong>de</strong>vant la Cour d’appel parce qu’ils n’ont pas été<br />
satisfaits <strong>du</strong>dit jugement et que leur appel a été enregistré au rôle sous le numéro R.P.A.<br />
24/GC/R1/RUH ;<br />
Vu la lettre <strong>du</strong> greffier près la Cour d’appel adressée au Tribunal qui a ren<strong>du</strong> le jugement<br />
querellé pour transmettre à ladite Cour le dossier complet, ce qui a été fait le 13/07/1998 ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cette Cour d’appel <strong>du</strong> 21/08/1998 fixant l’audience au<br />
16/09/1998 ;<br />
Vu la lettre <strong>du</strong> greffier près cette Cour d’appel adressée au Parquet Général près ladite Cour<br />
pour l’informer <strong>de</strong> l’appel interjeté et <strong>de</strong> la date d’audience fixée par le Prési<strong>de</strong>nt ;<br />
Vu qu’à cette date la Cour a statué sur pièces, le Parquet Général près cette Cour d’appel étant<br />
représenté par le Substitut <strong>du</strong> Procureur Général MUSUHUKE François ;<br />
Ouï le conseiller rapporteur relater l’origine <strong>de</strong> la présente affaire et reprendre les moyens<br />
dont se prévalent les appelants ;<br />
Atten<strong>du</strong> que pour soutenir son appel, BARITIMA Jules argumente en disant que seuls les<br />
rescapés <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> appartenant à une même famille ont été interrogés au cours <strong>de</strong><br />
l’instruction, qu’il a caché puis nourri certains <strong>de</strong> ces rescapés jusqu’à ce qu’ils traversent la<br />
frontière rwando-zaïroise et qu’il a réparé la maison <strong>de</strong> son voisin rescapé, mais que la<br />
Chambre spécialisée n’a pas apprécié ce geste à sa juste valeur, que ladite chambre lui a dénié<br />
l’accès au dossier en lui refusant <strong>de</strong> le faire lire, qu’ainsi il n’a pas eu assez <strong>de</strong> temps pour<br />
prendre connaissance <strong>de</strong> son contenu, qu’en outre cette chambre n’a pas tenu compte <strong>de</strong>s<br />
révélations qu’il lui a faites concernant les noms <strong>de</strong>s tueurs et à partir <strong>de</strong>squelles elle pouvait<br />
mener ses enquêtes, qu’elle a refusé d’interroger les témoins qu’il a cités et qui ont assisté au<br />
meurtre <strong>de</strong>s victimes, qu’en plus le greffier lui a attribué <strong>de</strong>s mots qu’il n’a pas prononcés car,<br />
profitant <strong>de</strong> ce qu’il ne sait ni lire ni écrire, ils ont noté qu’il plaidait coupable alors que ce<br />
n’était pas le cas ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les moyens d’appel <strong>de</strong> NYIRASHAKO Lénie sont libellés comme suit :<br />
1 er moyen :<br />
Je suis accusée par la nommée UWIMBABAZI qui soutient que j’aurais comploté contre son<br />
frère KABALISA Dieudonné qui a été tué le 08/04/1994 à 11 heures <strong>du</strong> matin après avoir été<br />
délogé <strong>de</strong> mon domicile. Elle m’accuse également d’avoir comploté contre sa mère<br />
KARUHIMBI qui, comme son fils KABALISA, a été victime <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> d’avril 1994 ;<br />
301<br />
4 ème feuillet.
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
J’ai réfuté cette prévention aussi bien <strong>de</strong>vant la Police Judiciaire et le Ministère Public que<br />
<strong>de</strong>vant le Tribunal ; raison pour laquelle j’ai <strong>de</strong>mandé à toutes ces instances <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s<br />
enquêtes sur les allégations <strong>de</strong> cette ban<strong>de</strong> composée <strong>de</strong> membres d’une même famille.<br />
Pourtant cette enquête n’a jamais été menée tel que cela ressort <strong>de</strong>s conclusions que j’ai<br />
remises au Tribunal ;<br />
2 ème moyen :<br />
Les témoins à ma charge à savoir KAREMERA, NDAYISENGA et NYIRANGIRUMPATSE<br />
Hélène alias ZALUNA appartiennent tous à une même famille et sont donc <strong>de</strong>s frères, tandis<br />
que les nommés BAGAZA et MUKANYIRIGIRA sont leurs cousins. Par ailleurs ils vivent<br />
tous dans une même maison. Pourquoi le Tribunal qui n’a pas ordonné l’enquête que j’avais<br />
réclamée n'a-t-il pris en considération que leurs déclarations ?<br />
3 ème moyen :<br />
Les membres d’une même famille qui me chargent, en l’occurrence NYIRANGIRUMPATSE<br />
Hélène alias ZALUNA et NDAYISABA se sont par la suite constitués partie civile. Comment<br />
les plaignants qui sont en même temps <strong>de</strong>s témoins à charge peuvent-ils également réclamer<br />
<strong>de</strong>s dommages et intérêts ?<br />
4 ème moyen :<br />
Un autre témoin cité dans cette affaire nommé ROSE JEANNETTE, fille <strong>de</strong><br />
NYARURWAMO, a déclaré qu’elle se cachait dans la bananeraie <strong>de</strong>rrière mon domicile aux<br />
environs <strong>de</strong> 19 heures lorsqu’elle m’a enten<strong>du</strong>e dire à feu KABALISA <strong>de</strong> mourir dignement<br />
parce que sa fin était arrivée. J’ai dit au Tribunal que cette déclaration était dénuée <strong>de</strong><br />
fon<strong>de</strong>ment et je lui ai <strong>de</strong>mandé d’organiser une <strong>de</strong>scente à cet endroit situé <strong>de</strong>rrière mon<br />
domicile où ROSE prétend qu’elle se cachait. Je me suis engagé à reconnaître ma<br />
responsabilité au cas où le Tribunal y trouverait une bananeraie. Ce qui m’a le plus attristée<br />
est que le Tribunal n’a pas fait cette <strong>de</strong>scente pour vérifier si cette bananeraie existe<br />
réellement à cet endroit ; et ce alors qu’elle sait pertinemment qu’il ne peut y avoir <strong>de</strong><br />
bananeraie dans une circonscription urbaine ;<br />
5 ème moyen:<br />
KABALISA Dieudonné a été tué le 08/04/1994 à 11 heures <strong>du</strong> matin. Il a été emmené par <strong>de</strong>s<br />
assaillants qui ont attaqué mon domicile à la recherche <strong>de</strong> ma belle-fille VESTINE. Ces<br />
assaillants étaient dirigés par MENYO Théoneste originaire <strong>de</strong> la commune MUKINGO,<br />
préfecture <strong>de</strong> RUHENGERI en compagnie <strong>de</strong> MANIRAFASHA, originaire <strong>de</strong> KARAGO, exai<strong>de</strong><br />
chauffeur <strong>du</strong> véhicule <strong>de</strong> BYIRINGIRO ainsi que <strong>de</strong> THEOGENE, originaire <strong>de</strong><br />
KIBUYE qui était le domestique DE RUKAZABIGONDO, ex-responsable <strong>de</strong> la cellule<br />
KIVUMU. Telles sont les personnes que j’ai pu i<strong>de</strong>ntifier lors <strong>de</strong> l’attaque qui a été menée<br />
chez moi, en plein jour, au vu <strong>de</strong> la population qui observait ce qui m’arrivait. J’ai même<br />
<strong>de</strong>mandé que la population qui résidait à cet endroit au moment <strong>de</strong>s faits et qui a vu ce qui<br />
s’est passé soit enten<strong>du</strong>e, dans la mesure où j’ai aussi été violée quand j’ai refusé <strong>de</strong> remettre<br />
aux assaillants la clé <strong>de</strong> ma chambre à coucher<br />
302<br />
5 ème feuillet.
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
jusqu’à ce qu’ils défoncent la porte. Une fois à l’intérieur, ils y ont trouvé KABALISA qui<br />
était arrivé chez moi la veille, c’est à dire le 07/04/1994 à 21 heures. J’ai aussitôt été battue et<br />
maltraitée parce qu’ils m’accusaient d’être la complice <strong>de</strong>s Inyenzi et ce jusqu’à ce que je leur<br />
donne quatre-vingts mille francs ( 80.000 Frw). Ils ont même forcé ma valise en y recherchant<br />
<strong>de</strong> l’argent. Comme ils n’ont rien trouvé, ils ont emporté une douzaine <strong>de</strong> bracelets-montres<br />
pour dames. Cela s’est passé au grand jour, au vu et au su <strong>de</strong> la population. J’ai <strong>de</strong>mandé au<br />
Tribunal <strong>de</strong> se transporter à mon domicile pour constater lui-même l’état <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> ma<br />
chambre et pour mener <strong>de</strong>s enquêtes sur tout ce qui m’est arrivé et que j’ai exposé plus haut<br />
afin qu’il tienne compte <strong>de</strong>s déclarations <strong>de</strong> cette ban<strong>de</strong> qui vise à s’approprier mes biens ;<br />
6 ème moyen :<br />
En ce qui concerne la mort <strong>de</strong> KARUHIMBI, il a été dit que je l’ai trahie. C’est totalement<br />
faux parce que j’ai passé plusieurs jours avec elle pendant lesquels je lui ai donné à<br />
manger ainsi qu’à ceux qui l’accompagnaient à savoir BAGAZA et sa tante maternelle<br />
MUKANYIRIGIRA, et cela jusqu’à ce que les habitants <strong>de</strong> la cellule KIVUMU d’où ils<br />
étaient venus aient trouvé refuge au Zaïre. Je dois dire que je n’étais pas là lorsque cette<br />
vieille femme a traversé la frontière puisque j’étais partie à RUHENGERI. Toutefois, cela<br />
faisait plusieurs jours qu’elle me disait qu’elle achèterait un jerrycan <strong>de</strong> bière <strong>de</strong> sorgho et<br />
jouerait à la ven<strong>de</strong>use <strong>de</strong> cette bière pendant tout le trajet jusqu’à ce qu’elle atteigne GOMA.<br />
Il faut remarquer que nous vivions encore ensemble lorsqu’elle a décidé <strong>de</strong> partir. Comment<br />
aurais-je pu la trahir après l’avoir nourrie pendant tout ce temps ? J’ai pourtant <strong>de</strong>mandé, en<br />
vain, au Tribunal <strong>de</strong> mener une enquête sur la mort <strong>de</strong> cette vieille femme. Quant à dire que<br />
j’ai donné l’ordre à HABARUSHAKA Martin <strong>de</strong> battre MUKARUHIMBI, cela n’est pas <strong>du</strong><br />
tout fondé dans la mesure où j’ai moi-même été attristée par ce qu’il a fait <strong>de</strong> sorte que je l’ai<br />
chassé avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s autorités <strong>de</strong> la cellule parmi lesquelles Jules qui était un membre <strong>du</strong><br />
comité <strong>de</strong> cellule et qui est mon coprévenu dans ce procès. De plus, MUKARUHIMBI n’est<br />
pas directement partie après cet inci<strong>de</strong>nt. Elle est plutôt partie plus tard comme je l’ai<br />
expliqué plus haut ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée au Substitut <strong>du</strong> Procureur Général pour livrer à la Cour ses<br />
conclusions, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la Cour <strong>de</strong> déclarer irrecevable l’appel <strong>de</strong> BARITIMA Jules<br />
parce qu’interjeté tardivement, <strong>de</strong> recevoir et d’examiner au fond celui <strong>de</strong> NYIRASHAKO<br />
Lénie parce que formé dans les délais légaux et que le premier juge n’a pas tenu compte <strong>de</strong><br />
certains <strong>de</strong>s moyens développés en appel et dont elle s’était pourtant prévalue au premier<br />
<strong>de</strong>gré ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il affirme que la Chambre spécialisée n’a pas pris en considération les arguments<br />
développés par NYIRASHAKO Lénie pour démontrer qu’elle n’a pas comploté contre feu<br />
KABALISA, étant donné que ce <strong>de</strong>rnier a été emmené <strong>de</strong> chez elle où il se cachait par <strong>de</strong>s<br />
assaillants et que ceux-ci l’ont emmené après avoir battu NYIRASHAKO Lénie, détruit sa<br />
maison et pillé ses biens ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il termine son intervention en <strong>de</strong>mandant à la Cour d’appel d’ordonner la <strong>de</strong>scente<br />
que NYIRASHAKO<br />
303
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
avait pourtant réclamée en vain à la Chambre spécialisée ;<br />
304<br />
6 ème feuillet.<br />
Vu qu’après avoir délibéré, la Cour déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> se transporter sur le lieu <strong>de</strong>s faits conformément<br />
au souhait <strong>de</strong>s prévenus qui s’étonnent <strong>de</strong> ce qu’ils sont uniquement accusés par les rescapés<br />
<strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> et qui trouvent que <strong>de</strong>s personnes neutres <strong>de</strong>vraient être interrogées pour<br />
expliquer la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong>s prévenus dans la mort <strong>de</strong>s victimes, et cela dans la<br />
mesure où la rumeur dit que les victimes ont été assassinées par MENYO, MUSA et l’exresponsable<br />
<strong>de</strong> la cellule KIVUMU, nommé Théogène ;<br />
Vu que ce 20/11/1998 les envoyés <strong>de</strong> la Cour arrivent à la prison <strong>de</strong> GISENYI où<br />
BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie sont détenus et les interrogent, qu’ensuite ils se<br />
ren<strong>de</strong>nt dans la cellule KIVUMU où ils interrogent trois personnes en l’occurrence<br />
BABAJYA et NTIBATEGERA, tous les <strong>de</strong>ux fils <strong>de</strong> NDIRIKIYE, ainsi que MUNDERA fils<br />
<strong>de</strong> MBIRIGA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après avoir prêté serment, ces trois personnes disent qu’elles connaissent très bien<br />
BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie et que ceux-ci n’ont pas participé à l’assassinat<br />
<strong>de</strong>s victimes <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1994 qui leur est pourtant imputé à tort ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYIRASHAKO Lénie s’explique en disant que ce qui lui fait <strong>de</strong> la peine est<br />
qu’elle est chargée par les membres d’une même famille qui auraient dû la remercier pour les<br />
avoir cachés et nourris ainsi que pour <strong>de</strong>s conseils qu’elle leur a prodigués jusqu’à ce qu’ils<br />
arrivent au Zaïre dont elle est originaire, qu’elle n’a cependant pas pu faire la même chose<br />
pour KABALISA qui est arrivé à son domicile tardivement et que toutes les issues étaient<br />
sous contrôle <strong>de</strong>s tueurs lorsqu’elle a cherché à l’ai<strong>de</strong>r à traverser la frontière ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir la raison pour laquelle il a interjeté appel tardivement,<br />
BARITIMA Jules répond qu’il a rédigé sa lettre d’appel dans les délais, qu’il l’a ensuite<br />
remise à la direction <strong>de</strong> la prison qui l’a transmise à la Cour avec retard ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les <strong>de</strong>ux prévenus sont invités à émettre leurs <strong>de</strong>rniers avis, que NYIRASHAKO<br />
Lénie déclare que la Cour <strong>de</strong>vrait la rétablir dans ses droits dès lors qu’elle n’a jamais rien fait<br />
<strong>de</strong> mal et qu’aussitôt après la guerre elle a dénoncé les meurtriers <strong>de</strong> ces victimes innocentes<br />
dont l’assassinat lui est faussement attribué, que pour sa part BARITIMA Jules nie avoir<br />
trempé dans les massacres pour lesquels il est poursuivi, dans la mesure où il souffrait <strong>de</strong> la<br />
malaria au moment <strong>de</strong>s faits et que cela est confirmé par NYIRASHAKO ;<br />
Vu que tous les moyens sont épuisés et que le prononcé est fixé au 25/11/1998 ;<br />
Que l’affaire est prise en délibéré et que l’arrêt est prononcé en audience publique dans les<br />
termes ci-après :<br />
7 ème feuillet.
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
Constate que le jugement querellé a été irrégulièrement ren<strong>du</strong> quant à NYIRASHAKO Lénie<br />
dès lors que la chambre spécialisée qui l’a reconnue coupable ne l’a pourtant condamnée à<br />
aucune peine ;<br />
Constate que l’appel <strong>de</strong> NYIRASHAKO Lénie a été interjeté dans les délais légaux et<br />
qu’après l’examen <strong>de</strong> ses moyens d’appel, la Cour arrive à la conclusion que la prévenue n’a<br />
jamais signalé aux miliciens Interahamwe la présence <strong>de</strong>s victimes que sont RUTAYISIRE,<br />
KARUHIMBI et KABALISA, que donc son appel doit être reçu et examiné ;<br />
Constate que l’appel <strong>de</strong> NYIRASHAKO Lénie est fondé parce que rien ne prouve la trahison<br />
dont elle est accusée dès lors qu’elle a pu ai<strong>de</strong>r ceux qui avaient trouvé refuge chez elle, dont<br />
les plaignants, à traverser la frontière rwando-zaïroise d’où elle est originaire, qu'ainsi elle<br />
doit être acquittée ;<br />
Constate que l’appel <strong>de</strong> BARITIMA Jules ne doit pas être reçu ni examiné parce qu’interjeté<br />
en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s délais, que son argumentation selon laquelle sa lettre d’appel aurait traîné à la<br />
direction <strong>de</strong> la prison est dénuée <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment parce qu’il n’est pas compréhensible que la<br />
direction <strong>de</strong> la prison ait transmis à temps la lettre d’appel <strong>de</strong> NYIRASHAKO puis traîné<br />
avec celle <strong>de</strong> BARITIMA Jules ;<br />
Constate qu’il n’y a plus rien à examiner ;<br />
PAR TOUS CES MOTIFS :<br />
Vu la Constitution <strong>du</strong> 10/06/1991 telle que modifiée à ce jour, spécialement en ses articles 12,<br />
14, 88, 92 et 94 ;<br />
Vu le Protocole <strong>de</strong> l'Accord <strong>de</strong> Paix signé à Arusha le 30/10/1992 sur le partage <strong>du</strong> pouvoir<br />
spécialement en ses articles 25 et 26 ;<br />
Vu le Décret-loi <strong>du</strong> 07/07/1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et <strong>de</strong> compétence judiciaires tel<br />
que modifié par la Loi organique spécialement en ses articles 13, 18, 76, 109, 199, 200 et<br />
201 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23/02/1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée à ce jour,<br />
spécialement en ses articles 16, 18, 20, 53, 54, 61, 63, 67, 70, 76, 80, 83, 84, 90, 99, 100, 103,<br />
104, 107, 110, 138 et 139 ;<br />
305
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
306<br />
8 ème feuillet.<br />
Vu la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er<br />
octobre 1990 jusqu’au 31/12/1994, spécialement en ses articles 1, 2, 14, 17, 24, 25 et 39 ;<br />
Vu les articles 89-91, 93,168, 281, 282, 283, 304, 305, 312 et 444 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal livre II ;<br />
Statuant sur pièces ;<br />
CONTRADICTOIREMENT ET EN AUDIENCE PUBLIQUE,<br />
Déclare irrecevable l’appel <strong>de</strong> BARITIMA parce qu’interjeté irrégulièrement ;<br />
Déclare recevable l’appel <strong>de</strong> NYIRASHAKO Lénie qui n’a été condamnée à aucune peine<br />
par le premier juge, dit son appel régulier en la forme et fondé ;<br />
Déclare que NYIRASHAKO Lénie n’a jamais comploté contre les victimes dont il est<br />
question dans le présent dossier, qu’elle a par contre sauvé la vie <strong>de</strong> ceux qui l’accusent<br />
aujourd’hui et qu’ainsi elle est acquittée <strong>de</strong> toutes les préventions pour lesquelles elle était<br />
poursuivie ;<br />
Déclare que NYIRASHAKO Lénie obtient gain <strong>de</strong> cause, et que BARITIMA Jules perd la<br />
cause ;<br />
Déclare que BARITIMA Jules est re<strong>de</strong>vable envers le trésor public d’un montant <strong>de</strong> 4.758<br />
Frw représentant la moitié <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> justice équivalant à 9.476 Frw, l’autre moitié étant à<br />
charge <strong>du</strong> trésor public parce que NYIRASHAKO qui aurait dû la payer obtient gain <strong>de</strong> cause<br />
et, en cas <strong>de</strong> défaillance, édicte une contrainte par corps <strong>de</strong> 10 jours suivie d’une exécution<br />
forcées sur ses biens ;<br />
Ordonne la libération immédiate <strong>de</strong> NYIRASHAKO Lénie dès le prononcé <strong>du</strong> présent arrêt ;<br />
Déci<strong>de</strong> que le jugement n°R.P.33/R1/97/GB ren<strong>du</strong> le 30/06/1997 par la Chambre Spécialisée<br />
<strong>de</strong> GISENYI est uniquement réformé en ce qui concerne NYIRASHAKO Lénie qui est<br />
libérée ;<br />
9 ème feuillet.<br />
Rappelle que, conformément à la Loi organique <strong>du</strong> 30/08/1996, le présent arrêt n’est pas<br />
susceptible <strong>de</strong> pourvoi en cassation ;
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998<br />
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI<br />
R.P.A. 24/GC/R1/RUH<br />
R.M. P.A 3/13/T.K<br />
AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 26/11/1998 PAR<br />
LA COUR D’APPEL DE RUHENGERI COMPOSEE DE GASORE Louis ( Prési<strong>de</strong>nt),<br />
MUKURA Léonidas ( conseiller rapporteur), et NDAGIJIMANA Timothée (conseiller),<br />
EN PRESENCE DE MUSUHUKE François (O.M.P) ET DE MUKAMUSONI<br />
Berna<strong>de</strong>tte ( Greffière).<br />
CONSEILLER PRESIDENT ONSEILLER<br />
NDAGIJIMANA Timothée GASORE Louis MUKURA Léonidas<br />
Sé Sé Sé<br />
GREFFIERE<br />
MUKAMUSONI Berna<strong>de</strong>tte<br />
Sé<br />
307
308
TROISIEME PARTIE<br />
JURIDICTION MILITAIRE<br />
CONSEIL DE GUERRE<br />
309
310
N°17<br />
Jugement <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong> Guerre siègeant à KIGALI<br />
<strong>du</strong><br />
26 novembre 1998.<br />
Ministère Public et parties civiles C./ Sergent Gendarme BARAYAGWIZA Ildéphonse.<br />
ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –<br />
ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT<br />
DE PORTER LA DEVASTATION , LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) –<br />
AVEUX (PARTIELS) – CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE ; ART. 2 L.O.<br />
30/08/1996) – COMPETENCE DU CONSEIL DE GUERRE (L.O. DU 06/12/95) – CRIME<br />
DE GENOCIDE (ELEMENT MORAL) – DOUTE (BENEFICE DU, ART. 20 CPP) –<br />
DROITS DE LA DEFENSE – PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ;<br />
DEGRADATION MILITAIRE) – PREUVE (TEMOIGNAGES) – RESPONSABILITE<br />
CIVILE – RESPONSABILITE DE L’ETAT – TENTATIVE D’ASSASSINAT (ART 21<br />
ET 312 CP) – VIOL ET ACTES DE TORTURE SEXUELLE (ART. 360 CP ET ART. 2, 1<br />
d) L.O. 30/08/1996).<br />
1. Conseil <strong>de</strong> guerre – compétence rationae personae - qualité <strong>du</strong> prévenu (art. 11 <strong>de</strong> la L.O.<br />
n°11/95 <strong>du</strong> 6/12/95 portant modification <strong>du</strong> décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 7 juillet 1980 portant Co<strong>de</strong><br />
d’organisation et <strong>de</strong> compétence judiciaire et instituant l’auditorat militaire)– moment<br />
d’appréciation <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> militaire- militaire au moment <strong>de</strong> l’arrestation.<br />
2. Procé<strong>du</strong>re - remises d'audience – droits <strong>de</strong> la défense – constitution <strong>de</strong> partie civile – citation<br />
<strong>de</strong> l'Etat.<br />
3. Viol (art. 360 CP), tortures sexuelles (art. 2, 1 d) L.O. 30/08/1996) et assassinat (art. 312 CP)<br />
– témoignages contredisant les déclarations <strong>de</strong> la plaignante – plainte tardive – doute<br />
(art.20 CPP) - acquittement.<br />
4. Témoignages – entraînement <strong>de</strong>s Interahamwe (Intention coupable : oui) – participation aux<br />
attaques criminelles – infractions établies – association <strong>de</strong> malfaiteurs (art. 281 CP) –<br />
assassinat (art.312 CP) – tentative d'assassinat ( arts. 21 et 312 CP) – aveux – pillage (art.<br />
168 C.P).<br />
5. Génoci<strong>de</strong> – élément moral spécifique – infraction établie.<br />
6. Catégorisation – actes ayant entraîné la mort – <strong>de</strong>uxième catégorie –emprisonnement à<br />
perpétuité – dégradation militaire.<br />
7. Action civile – recevable et partiellement fondée – <strong>de</strong>uxième catégorie – responsabilité<br />
personnelle.<br />
8. Dommage matériel (âge <strong>de</strong> la victime)– dommage moral (sagesse <strong>du</strong> Tribunal) –<br />
9. Responsabilité solidaire <strong>de</strong> l'Etat (non)<br />
311
1. La qualité <strong>de</strong> membre <strong>de</strong>s forces armées qui fon<strong>de</strong> la compétence <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong> Guerre peut<br />
s’apprécier au moment <strong>du</strong> début <strong>de</strong>s enquêtes. Nonobstant les déclarations <strong>du</strong> prévenu selon<br />
lesquelles il ne faisait pas partie <strong>de</strong> l’armée à l’époque <strong>de</strong>s faits, le Conseil <strong>de</strong> Guerre se<br />
déclare donc compétent, retenant qu’au moment <strong>de</strong> son arrestation, il était soldat <strong>de</strong> l'Armée<br />
Patriotique car il avait suivi un recyclage et avait été intégré dans la nouvelle armée,<br />
conformément à l’article 8 <strong>de</strong> la Déclaration <strong>du</strong> FPR relative à la mise en place <strong>de</strong>s<br />
institutions.<br />
2. Une remise est accordée au prévenu afin <strong>de</strong> lui permettre <strong>de</strong> prendre connaissance <strong>de</strong>s<br />
constitutions <strong>de</strong> partie civile et d’organiser sa défense.<br />
Une secon<strong>de</strong> remise d'audience est accordée à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s parties civiles pour leur<br />
permettre <strong>de</strong> préparer le dossier et pour que soit cité l’Etat rwandais comme civilement<br />
responsable.<br />
3. Les déclarations d’une plaignante qui soutient qu’après avoir tué son mari, le prévenu l’aurait<br />
enlevée, séquestrée et violée à <strong>de</strong> nombreuses reprises sont en totale contradiction avec la<br />
version <strong>de</strong>s faits présentée par le prévenu, qui déclare l’avoir protégée et hébergée. Les<br />
témoignages <strong>recueil</strong>lis et le fait que la plaignante n'ait pas alerté les autorités lorsqu'elle a reçu<br />
la visite <strong>du</strong> prévenu dans son magasin postérieurement aux faits, jettent un doute sur la<br />
crédibilité <strong>de</strong> son témoignage. Le prévenu est acquitté, au bénéfice <strong>du</strong> doute, <strong>de</strong>s préventions<br />
<strong>de</strong> viol et <strong>de</strong> torture sexuelles, ainsi que <strong>de</strong> la prévention d’assassinat <strong>du</strong> mari <strong>de</strong> la<br />
plaignante.<br />
4. Les témoignages concor<strong>de</strong>nt à établir que le prévenu a entraîné <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> la CDR, qui se<br />
sont ensuite ren<strong>du</strong>s coupables <strong>de</strong> massacres dans la région. C’est en vain que la défense<br />
soutient que les entraînements en question visaient la mise sur pied d’équipes <strong>de</strong> « défense<br />
civile », ces jeunes ayant été entraînés à massacrer les gens plutôt qu’à les protéger. Il est<br />
également démontré que le prévenu a participé personnellement à au moins <strong>de</strong>ux attaques qui<br />
ont fait plusieurs victimes, et qu’il a frappé à la machette une personne laissée pour morte. En<br />
outre, le prévenu est en aveu d’avoir participé à <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pillages. Il est déclaré coupable<br />
d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, d’assassinat, <strong>de</strong> tentative d’assassinat et d’attentats ayant pour<br />
but <strong>de</strong> porter le pillage.<br />
5. La prévention <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est établie, car le prévenu «avait pour but d’exterminer les Tutsi<br />
lors <strong>de</strong>s crimes qu’il a commis ».<br />
6. En dépit <strong>de</strong>s réquisitions <strong>du</strong> Ministère Public qui réclame le classement <strong>du</strong> prévenu en<br />
première catégorie en tant que planificateur et personne ayant agi en position d’autorité, il est<br />
classé en <strong>de</strong>uxième catégorie comme auteur d’actes ayant entraîné la mort, le dossier ne<br />
permettant pas <strong>de</strong> retenir à sa charge les éléments qui appelleraient son classement en<br />
première catégorie. Il est condamné à l’emprisonnement à perpétuité et à la dégradation<br />
militaire.<br />
7. Les actions civiles intro<strong>du</strong>ites sont recevables et partiellement fondées.<br />
Du fait <strong>de</strong> son classement en <strong>de</strong>uxième catégorie, le prévenu, en vertu <strong>de</strong> l’article 30 al. 2 <strong>de</strong><br />
la Loi organique <strong>du</strong> 30 août 1996, est tenu <strong>de</strong> réparer uniquement les dommages causés par<br />
les actes qu’il a commis lui-même.<br />
312
8. Les dommages et intérêts matériels liés à la perte d’un époux et d’un père sont fixés en<br />
fonction <strong>du</strong> nombre d’années qui séparaient la victime <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> la retraite.<br />
Les dommages moraux réclamés étant exagérés, le Tribunal les évalue dans sa sagesse.<br />
9. L'Etat ne peut être condamné solidairement au paiement <strong>de</strong>s dommages et intérêts alloués, car<br />
le prévenu n’occupait aucune fonction publique au moment <strong>de</strong>s faits.<br />
(NDLR: ce jugement a été confirmé par la Cour militaire dans un arrêt en date <strong>du</strong><br />
20/12/1999).<br />
313
314
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
(Tra<strong>du</strong>ction libre)<br />
315<br />
1 er feuillet.<br />
LA CHAMBRE SPECIALISEE DU CONSEIL DE GUERRE, SIEGEANT A KIGALI<br />
EN MATIERE DES INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE<br />
OU D’AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 26 NOVEMBRE<br />
1998 LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :<br />
EN CAUSE LE MINISTERE PUBLIC<br />
CONTRE :<br />
Sergent GD BARAYAGWIZA Il<strong>de</strong>phonse fils <strong>de</strong> MUTARATAZA Léon et KAMASHA<br />
Euphrasie, né en 1966 dans la commune MUSASA, préfecture <strong>de</strong> KIGALI NGALI, marié à<br />
UWIMPAYE Rebeka, père <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants, ex-militaire <strong>de</strong>s FAR, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires connus, actuellement en détention préventive.<br />
PREVENTIONS :<br />
1. Avoir, entre avril et juillet 1994, à CYAHAFI, commune NYARUGENGE, comme auteur<br />
ou complice, commis le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> prévu par la Convention <strong>du</strong> 9 décembre 1948<br />
ratifiée par le Rwanda en date <strong>du</strong> 12 février 1975, et par la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30<br />
août 1996 ;<br />
2. Avoir encadré les miliciens Interahamwe et le génoci<strong>de</strong> dans le secteur CYAHAFI,<br />
infraction prévue et réprimée par les articles 2, catégorie 1 a, et 14 a <strong>de</strong> la Loi organique<br />
n° 08/96 <strong>du</strong> 30 août 1996 ;<br />
3. Avoir créé <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> malfaiteurs dans le but <strong>de</strong> commettre le génoci<strong>de</strong>,<br />
infraction prévue et réprimée par les articles 2, catégorie 1 a, et 14 a <strong>de</strong> la Loi organique<br />
n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
4. Avoir assassiné différentes victimes dont les nommés NDENGEYINGOMA Edouard et<br />
ses 4 petits frères et d’autres qui n’ont pas été i<strong>de</strong>ntifiés et ce, en raison <strong>de</strong> leur ethnie<br />
Tutsi, infraction prévue et réprimée par l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal et par les articles 2<br />
catégorie 1 b, et 14 a <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
2 ème feuillet.<br />
5. Avoir commis les infractions <strong>de</strong> tortures sexuelles et <strong>de</strong> viol, infractions prévues et<br />
réprimées par l’article 360 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal et par les articles 2, catégorie 1 d, et 14 a <strong>de</strong> la<br />
Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
6. Avoir tenté d’assassiner NYOMBAYIRE Sixte, infraction prévue et réprimée par les<br />
articles 20, 21, 22, 24 et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal ;<br />
Vu que le sergent gendarme BARAYAGWIZA dont l’i<strong>de</strong>ntité est reprise ci-<strong>de</strong>ssus est
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
poursuivi <strong>du</strong> chef <strong>de</strong>s infractions libellées aux préventions ;<br />
Vu que le dossier relatif à l’affaire en cause le Ministère Public contre le sergent gendarme<br />
BARAYAGWIZA Il<strong>de</strong>phonse a été transmis à la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong> Guerre<br />
pour fixation par lettre <strong>de</strong> l’Auditeur Militaire <strong>du</strong> 21 juillet 1998 ;<br />
Vu que ce dossier a été inscrit au rôle sous le n° RP 0012/CG-CS/98 ;<br />
Vu l’ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée prise en date <strong>du</strong> 24 septembre 1998<br />
fixant la date d’audience au 12 octobre 1998 ;<br />
Vu qu’à cette date le Ministère Public est représenté par le sergent NZAKAMWITA Faustin,<br />
que le sergent BARAYAGWIZA Il<strong>de</strong>phonse comparait assisté par Maître SONEVILLE<br />
Isabelle ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’après lecture <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité et <strong>de</strong>s préventions à sa charge, le sergent gendarme<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il ne reconnaît pas la qualité <strong>de</strong> militaire qui lui est attribuée car il<br />
n’est qu’un civil ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir s’il plai<strong>de</strong> coupable <strong>de</strong>s infractions qui lui sont<br />
reprochées, il répond qu’il en plai<strong>de</strong> non coupable ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à l'Auditeur militaire qui dit que le Sergent gendarme<br />
BARAYAGWIZA a été poursuivi comme militaire car il reconnaissait lui-même cette qualité,<br />
que l’Auditorat Militaire est compétent pour exercer <strong>de</strong>s poursuites contre les militaires et<br />
leurs complices non militaires tel que prévu à l’article 3 modifié <strong>de</strong> la Loi fondamentale ainsi<br />
que par la déclaration <strong>du</strong> FPR relative à la mise en place <strong>de</strong>s institutions en son article 8 telle<br />
qu’agréée par les forces politiques appelées à participer aux dites institutions qui dispose que<br />
l’intégration <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong>s anciennes Forces Armées Rwandaises se fera par triage <strong>de</strong>s<br />
indivi<strong>du</strong>s sains et qui ne se seraient pas personnellement compromis par <strong>de</strong>s actes<br />
répréhensibles, que c’est dans ce cadre que le prévenu est allé au regroupement qui a eu lieu à<br />
GAKO ;<br />
3 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Auditeur militaire dit qu’à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, le sergent BARAYAGWIZA<br />
s’est comporté comme un militaire et que, usant <strong>de</strong> son rang, il a collaboré avec <strong>de</strong>s militaires<br />
parmi lesquels figurent le caporal HATEGEKA dont l’adresse actuelle est inconnue et le<br />
lieutenant Richard qui lui a donné un fusil, qu’il y a dès lors opportunité <strong>de</strong>s poursuites ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA figure sur la liste nominative <strong>de</strong>s éléments<br />
<strong>de</strong>s anciennes Forces Armées Rwandaises ainsi que sur celle <strong>de</strong>s militaires qui ont commis<br />
<strong>de</strong>s infractions, qu’il ressort <strong>du</strong> commentaire <strong>de</strong> la Loi organique par <strong>de</strong>s juristes sur la<br />
compétence <strong>de</strong>s chambres spécialisées qu’il n’est tenu compte que <strong>de</strong>s fonctions exercées par<br />
la personne poursuivie au moment <strong>de</strong> l’instruction préparatoire et que, dans le cas actuel,<br />
l’intéressé était un militaire quand les enquêtes ont commencé, que selon même la doctrine <strong>du</strong><br />
Général LIKULIA BOLONGO, le Conseil <strong>de</strong> Guerre est seul compétent pour juger le<br />
prévenu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il n’était plus membre <strong>de</strong>s anciennes Forces<br />
316
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Armées Rwandaises à l’époque <strong>de</strong>s faits en 1994 parce qu’il avait été renvoyé en date <strong>du</strong><br />
21/01/1990, qu’il ne <strong>de</strong>vrait pas par ailleurs être encore au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> sergent s’il est tenu<br />
compte <strong>de</strong> l’époque à laquelle il est censé avoir été réintégré dans l’Armée Patriotique<br />
Rwandaise, qu’il n’a même pas <strong>de</strong> numéro matricule au sein <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière et que, ayant<br />
été incarcéré en compagnie <strong>de</strong> militaires, ceux-ci ont continué à recevoir leurs sol<strong>de</strong>s alors<br />
qu’il n’en n’était pas <strong>de</strong> même pour lui, qu’il est considéré comme un élément <strong>de</strong> l’armée<br />
actuelle alors qu’aucune tâche ne lui a été confiée au sein <strong>de</strong> celle-ci <strong>de</strong>puis sa mise en<br />
détention et qu’il avait l’étiquette d’un milicien Interahamwe lors <strong>de</strong> ses séjours respectifs<br />
dans les prisons <strong>de</strong> RILIMA, KIBUNGO et MULINDI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le Chef d’Etat-Major est arrivé à KIBUNGO en août 1996 et leur a dit<br />
qu’ils n’étaient pas inscrits parmi les éléments <strong>de</strong> l’Armée Patriotique Rwandaise, qu’il<br />
poursuit en disant qu’il y a lieu, en ce qui le concerne, <strong>de</strong> consulter sa fiche indivi<strong>du</strong>elle<br />
d’i<strong>de</strong>ntification ou le Journal Officiel pour être suffisamment renseigné sur le motif <strong>de</strong> son<br />
renvoi, qu’il ne fait même plus partie <strong>de</strong>s personnes affiliées à la Caisse Sociale ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il affirme avoir démontré au Ministère Public qu’il agissait en qualité <strong>de</strong> civil à<br />
part que ses pièces ont été volées ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a jamais été victime<br />
<strong>de</strong> vol, que ses moyens <strong>de</strong> défense tendant à nier sa qualité <strong>de</strong> militaire ne visent qu’à<br />
détourner l’attention <strong>du</strong> Tribunal, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que l’intéressé parle plutôt <strong>du</strong> lieu où il a été<br />
arrêté ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été arrêté à KIGALI par <strong>de</strong>s militaires<br />
qui l’ont d’abord con<strong>du</strong>it à l’endroit où se trouve l’immeuble appartenant à KABUGA et<br />
ensuite au lieu dénommé " la fraîcheur" où un officier qu'il pense être le capitaine Joseph l’a<br />
trouvé, que celui-ci a dit que BARAYAGWIZA n’était pas militaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que sergent BARAYAGWIZA ment car il a été arrêté au<br />
camp militaire <strong>de</strong> "GAKO REORGANISATION SCHOOL" après sa formation, que ce camp<br />
militaire est doté <strong>de</strong> structures administratives militaires effectives et que l’Armée Patriotique<br />
Rwandaise n’a jamais procédé à la formation <strong>de</strong> personnes civiles ;<br />
317<br />
4 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir dans quelles circonstances le sergent BARAYAGWIZA<br />
est allé au camp militaire <strong>de</strong> GAKO, l'Auditeur militaire dit que l’intéressé s’est présenté <strong>de</strong><br />
son plein gré à la suite d’un communiqué radiodiffusé qui invitait les anciens militaires à se<br />
rendre à GAKO, que les concernés <strong>de</strong>vaient d’ailleurs remplir les conditions prévues à la page<br />
40 <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong> Paix d’Arusha pour être réintégrés dans le corps <strong>de</strong>s sous-officiers à<br />
savoir : en avoir la volonté, être un membre effectif <strong>de</strong> l’ex-armée, être <strong>de</strong> nationalité<br />
rwandaise, être physiquement apte et avoir l’âge requis ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA était un partisan fidèle<br />
<strong>de</strong> HABYARIMANA, la preuve étant qu’il a été son employé dans la boîte <strong>de</strong> nuit dénommé<br />
KIGALI- NIGHT, au TAM-TAM et EXOTICA, qu’il est poursuivi en qualité <strong>de</strong> militaire car<br />
il figure sur la liste exhaustive <strong>de</strong>s militaires, sur la liste nominative et sur celle <strong>de</strong>s militaires<br />
ayant commis <strong>de</strong>s infractions, qu’il est faux <strong>de</strong> prétendre qu’il avait été renvoyé <strong>de</strong> l’armée
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
car la pério<strong>de</strong> à laquelle il prétend avoir fait l’objet <strong>de</strong> cette mesure ne s’y prêtait guère, à<br />
cette époque en effet, l’on rappelait plutôt sous les drapeaux <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la réserve<br />
militaire en leur envoyant <strong>de</strong>s télégrammes ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur son numéro matricule à l’époque où il était sergent en 1988, le<br />
sergent BARAYAGWIZA dit qu’il avait le n° 7500, qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment on a<br />
appris qu’il avait le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> sergent, il répond qu’on <strong>de</strong>mandait à chacun les renseignements<br />
sur son gra<strong>de</strong>, les camps militaires où il a vécu, la date à laquelle il avait quitté l’armée, ou<br />
s’il était encore en activités;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il lui est arrivé <strong>de</strong> déclarer ne pas vouloir continuer à<br />
servir au sein <strong>de</strong> l’armée, il répond qu’ils étaient nombreux à le souhaiter mais que certains<br />
autres se sont laissés convaincre <strong>de</strong> rester ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a subi un quelconque interrogatoire sous la contrainte,<br />
il répond que cela a été le cas lors <strong>de</strong> son interrogatoire par le sergent KAMANZI, mais qu’il<br />
approuve cependant le procès-verbal <strong>de</strong> l’autre interrogatoire qu’il a subi, qu’à celle <strong>de</strong> savoir<br />
s’il y a <strong>de</strong>s personnes qu’il a entraînées militairement, il répond par l’affirmative et dit qu’il a<br />
pu i<strong>de</strong>ntifier le seul sergent SEBITABI parmi ses collaborateurs mais qu’il ignore où il<br />
travaillait, que c’est parce qu’il n’y avait pas longtemps qu’il habitait à cet endroit qu’il ne<br />
connaît pas les autres, que cette tâche leur a été confié au cours d’une réunion qui a eu lieu à<br />
une école située <strong>de</strong>rrière son habitation et ce, sous la direction <strong>du</strong> conseiller Rose<br />
KARUSHARA, qu'il pense d'ailleurs que sergent SEBITABI logeait chez ce conseiller ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Auditeur Militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a apposé sa signature<br />
sans contrainte sur le procès-verbal <strong>de</strong> son audition portant le n° 7, qu’il y a un autre procèsverbal<br />
qu’il a signé lui-même sous le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> sergent GD BARAYAGWIZA, ceci étant la<br />
preuve qu’il se reconnaît militaire et qu’il n’a jamais déclaré ne pas vouloir rester en service,<br />
qu’il y a lieu pour le Tribunal d’apprécier souverainement tous ces éléments <strong>de</strong> preuve au<br />
moment <strong>de</strong> prendre sa décision ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il lui est difficile <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire les preuves à<br />
l’appui <strong>de</strong> sa défense, mais qu’il y aurait lieu <strong>de</strong> chercher au Ministère <strong>de</strong> la Défense et à<br />
l’Etat-Major <strong>de</strong>s pièces relatives aux circonstances <strong>de</strong> son renvoi, que la preuve manifeste<br />
dont il dispose actuellement est qu’il aurait dû avoir le gra<strong>de</strong> d’Adjudant mais qu’il a toujours<br />
celui <strong>de</strong> sergent alors qu’il a été enrôlé dans l’armée en 1988, que compte tenu <strong>du</strong> règlement,<br />
il aurait dû déjà porter le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> Sergent Major au moment <strong>de</strong> son arrestation ;<br />
5 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que <strong>de</strong>s discussions portant sur l’endroit où il <strong>de</strong>vait être con<strong>du</strong>it ont eu lieu<br />
lors <strong>de</strong> son arrestation, que le lieutenant qui l’a emmené <strong>du</strong> lieu dénommé "la fraîcheur" lui a<br />
dit à son arrivée à RILIMA qu’il <strong>de</strong>vait vivre avec les militaires, que ce n’est que quand son<br />
i<strong>de</strong>ntité n’a pas pu être établie plus tard qu’il a été interrogé là-<strong>de</strong>ssus, car à ce moment le<br />
Ministère Public voulait qu’il soit justiciable <strong>de</strong>vant le Conseil <strong>de</strong> Guerre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur dit que les conditions <strong>de</strong> promotion en gra<strong>de</strong>s sont énoncées à l’article<br />
34 <strong>de</strong> l’Arrêté Prési<strong>de</strong>ntiel n° 02/02 <strong>du</strong> 3 janvier 1977 portant Statut <strong>de</strong>s Sous-Officiers tel<br />
que figurant dans le Tome II <strong>de</strong>s Co<strong>de</strong>s et Lois qui dispose que la <strong>du</strong>rée minimum <strong>de</strong> service<br />
effectif dans chaque gra<strong>de</strong> pour pouvoir être promu est <strong>de</strong> 3 ans, que la <strong>du</strong>rée maximum n’est<br />
318
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
cependant pas indiquée et qu’il n’y a aucun acte administratif portant renvoi <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA <strong>de</strong> l’armée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Isabelle SONEVILLE dit que le problème est simple car il s’agit <strong>de</strong> savoir si<br />
le prévenu était militaire lors <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong>s faits qui lui sont reprochés ou lors <strong>de</strong> son<br />
arrestation à GAKO, cela ne pouvant être prouvé autrement que par <strong>de</strong>s pièces écrites car la<br />
qualité <strong>de</strong> militaire doit être confirmée pas le règlement et le n° matricule, qu’elle souhaite<br />
savoir si, au cours <strong>de</strong> sa formation au camp militaire <strong>de</strong> GAKO, l’intéressé était considéré<br />
comme un militaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que les militaires sont <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> l’Etat qui ne<br />
sauraient être rémunérés sans être enregistrés, mais que le Ministère <strong>de</strong> la Défense ayant en<br />
charge la sécurité et la souveraineté <strong>du</strong> pays dans ses attributions, il ne leur est pas permis <strong>de</strong><br />
rendre publique la liste <strong>de</strong>s militaires en service, que par ailleurs, non seulement ce pays a<br />
per<strong>du</strong> les victimes qui ont été tuées, mais a également subi <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pillage ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que les militaires n’avaient pas encore reçu leurs sol<strong>de</strong>s et qu’ils ont été<br />
maintenus aux gra<strong>de</strong>s qu’ils avaient en date <strong>du</strong> 06/04/1994, que c’est ainsi que<br />
BARAYAGWIZA a conservé le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> sergent qu’il avait à cette date, que la formation a<br />
été clôturée publiquement en présence <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République, <strong>du</strong> Ministre <strong>de</strong> la<br />
Défense et <strong>de</strong>s représentants <strong>du</strong> corps diplomatique, que le problème relatif au n° matricule<br />
est d’ordre purement administratif ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA affirme avoir été renvoyé par le Colonel<br />
BAVUGAMENSHI pour abandon <strong>de</strong> poste et non respect <strong>de</strong>s consignes <strong>du</strong> camp, que le<br />
lieutenant GATETE, actuellement militaire <strong>de</strong> l’APR et qui avait été renvoyé au même<br />
moment que lui peut en témoigner, <strong>de</strong> même que les nommés NIBARERE et le caporal<br />
KARANGWA qui sont en détention à MULINDI, que quand ils étaient détenus avec <strong>de</strong>s<br />
militaires <strong>de</strong> l’A.P.R., ces <strong>de</strong>rniers ont reçu leurs sol<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s effets militaires sans qu’il en<br />
soit <strong>de</strong> même pour eux, que suite à leur requête à cet effet, le Chef d’Etat-Major leur a dit<br />
qu’ils ne sont inscrits nulle part comme militaires ;<br />
319<br />
6 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le fait que le sergent BARAYAGWIZA réclamait sa<br />
sol<strong>de</strong> signifie qu’il reconnaissait sa qualité <strong>de</strong> militaire, que le non paiement <strong>de</strong> sa sol<strong>de</strong> est un<br />
problème d’ordre administratif qu’il ne <strong>de</strong>vrait pas invoquer en rapport avec les infractions<br />
qui lui sont reprochées, que le lieutenant GATETE qui est supposé avoir été renvoyé en<br />
même temps que le prévenu est actuellement militaire et peut être invité à témoigner, qu’il y a<br />
lieu <strong>de</strong> relever que le lieutenant colonel KANAMUGIRE et le Major NDAMAGE avaient eux<br />
aussi été renvoyés en violation <strong>de</strong> la loi, mais qu’ils ont été réintégrés, que les autres<br />
militaires dont parle BARAYAGWIZA sont à un échelon tellement bas qu’ils ne peuvent pas<br />
connaître le motif <strong>de</strong> son renvoi, que la gravité <strong>de</strong> l’infraction d’abandon <strong>de</strong> poste aurait dû<br />
entraîner <strong>de</strong>s poursuites à charge <strong>du</strong> prévenu qui aurait été par ailleurs mis en détention pour<br />
ce motif, qu’il estime que l’intéressé a été injustement renvoyé et que c’est pour cette raison<br />
qu’il est revenu dans l’armée ;<br />
Vu que le Tribunal se retire en délibéré pour prendre une décision sur cette exception;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que le prévenu soulève l’exception d’incompétence <strong>du</strong> Tribunal en invoquant sa<br />
qualité <strong>de</strong> civil estimant ainsi ne pas être justiciable <strong>de</strong> la Chambre Spécialisée <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong><br />
Guerre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit qu’il n’y a aucune preuve que l’intéressé a été renvoyé <strong>de</strong><br />
l’armée, surtout que le motif préten<strong>du</strong> <strong>de</strong> son renvoi est une infraction pénale pour laquelle il<br />
aurait dû être poursuivi, mais qu’il est établi qu’il n’a jamais été condamné par les juridictions<br />
pour ces faits ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire invoque la déclaration <strong>du</strong> FPR <strong>du</strong> 17/07/1994 relative à la<br />
mise en place <strong>de</strong>s institutions qui, en son article 8, dispose que l’intégration <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong>s<br />
anciennes Forces Armées Rwandaises se fera par triage <strong>de</strong>s indivi<strong>du</strong>s sains et qui ne se<br />
seraient pas personnellement compromis par <strong>de</strong>s actes répréhensibles, qu’il soutient en<br />
conséquence que c’est dans le cadre <strong>du</strong>dit triage que le prévenu est allé à GAKO ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Conseil <strong>du</strong> prévenu <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si le sergent BARAYAGWIZA était militaire à<br />
l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ou s’il existe un numéro matricule prouvant qu’il aurait réellement été<br />
réintégré dans l’armée actuelle ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le prévenu dit que la preuve <strong>de</strong> son renvoi est qu’il n’a eu aucune promotion en<br />
gra<strong>de</strong> jusqu’aujourd’hui et qu’il n’a jamais reçu <strong>de</strong> sol<strong>de</strong> ;<br />
Constate que le prévenu est allé au camp militaire <strong>de</strong> GAKO où <strong>de</strong>vait avoir lieu la formation<br />
<strong>de</strong>s militaires <strong>de</strong>s anciennes Forces Armées Rwandaises en vue <strong>de</strong> leur réintégration dans<br />
l’APR tel que prescrit par l’article 8 <strong>de</strong> la déclaration <strong>du</strong> FPR INKOTANYI <strong>du</strong> 17/07/1994 ;<br />
320<br />
7 ème feuillet.<br />
Constate qu’il a été arrêté pour crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> après sa formation, qu’il avait ainsi été<br />
réintégré dans l’APR ;<br />
Constate que son moyen <strong>de</strong> défense tendant à renier sa qualité <strong>de</strong> militaire au motif qu’aucun<br />
numéro matricule ne lui a été octroyé et qu’il n’a pas reçu <strong>de</strong> sol<strong>de</strong> est non fondé car ces<br />
lacunes sont <strong>du</strong>s aux problèmes d’ordre administratif qu’avait le pays, surtout que les<br />
militaires qui ont suivi la formation avec lui, mais qui n’ont pas été arrêtés, reçoivent leur<br />
sol<strong>de</strong> et ont <strong>de</strong>s numéros matricules ;<br />
Déclare qu’il était militaire quand il a été arrêté et poursuivi, que le Conseil <strong>de</strong> Guerre est<br />
compétent pour le juger ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour un exposé détaillé <strong>de</strong>s faits<br />
reprochés au sergent GD BARAYAGWIZA et <strong>de</strong> leur qualification légale, qu’il commence<br />
par un rappel <strong>de</strong> l’histoire et dit qu’en 1959, certaines personnes <strong>de</strong> l’ethnie Tutsi ont été<br />
tuées et victimes d’actes <strong>de</strong> pillages, que d’autres se sont exilées et sont <strong>de</strong>venues <strong>de</strong>s<br />
réfugiés, que lors <strong>de</strong> l’attaque <strong>de</strong>s Inyenzi en 1963 les Hutu ont tué les Tutsi, qu’il en a été<br />
ainsi en 1967 et qu’en 1973 <strong>de</strong>s Tutsi ont <strong>de</strong> nouveau été tués et leurs cadavres jetés dans le<br />
trou dénommé RWABAYANGA, que les Tutsi ont été traités <strong>de</strong> complices <strong>de</strong>s Inkotanyi en<br />
1990 et que quelques-uns ont été mis en prison tandis que d’autres furent tués, que les Tutsi<br />
<strong>de</strong> la région <strong>de</strong> GISENYI (LES ABAGOGWE) et ceux <strong>de</strong> celle <strong>du</strong> BUGESERA ont été tués
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
en 1991, qu’en 1993 les miliciens Interahamwe ont été initiés à la perpétration d’actes<br />
méchants et pourvus <strong>de</strong> moyens à cet effet et qu’en 1994, il y a eu <strong>de</strong>s tueries telles que même<br />
<strong>de</strong>s fœtus n’ont pas été épargnés, que les meurtriers ont été récompensés à l’exemple <strong>de</strong><br />
RWAMBUKA qui, étant bourgmestre au moment <strong>de</strong>s faits, a été d’abord promu Sous-Préfet<br />
et député ensuite ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que <strong>de</strong>s militaires ont été manipulés en avril 1994 tel que le sergent<br />
BARAYAGWIZA qui était un a<strong>de</strong>pte <strong>de</strong> la CDR et travaillait au café TAM-TAM tout en<br />
étant membre <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> crise <strong>de</strong> CYAHAFI composé <strong>de</strong>s tueurs nommés<br />
BARARAMBIRWA, MUNYEZAMU F., GAHAMANYI Etienne, RWANDA Christophe,<br />
HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré, ce <strong>de</strong>rnier étant chargé <strong>de</strong> chercher<br />
<strong>de</strong>s fusils et <strong>de</strong>s munitions qui <strong>de</strong>vaient servir à tuer les Tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, en collaboration avec ses collègues<br />
militaires et Rose KARUSHARA, alors conseiller <strong>du</strong> secteur KIMISAGARA, ont soumis les<br />
miliciens Interahamwe à un entraînement militaire sur le terrain <strong>de</strong> l’école primaire <strong>de</strong><br />
KIMISAGARA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’en date <strong>du</strong> 07/04/1994, le sergent BARAYAGWIZA et d’autres<br />
malfaiteurs ont mené une attaque chez le nommé Narcisse originaire <strong>de</strong> NYANZA qui était<br />
un ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> vêtements <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> main et qu’ils l’ont tué, qu’ils se sont ensuite ren<strong>du</strong>s<br />
chez le nommé François qui était un employé <strong>de</strong> MANUMETAL et l’ont tué avec son fils<br />
aîné âgé <strong>de</strong> 17 ans, et ce, à cause <strong>de</strong> leur ethnie Tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’en date <strong>du</strong> 08/04/1994 aux environs <strong>de</strong> 16 heures et <strong>de</strong>mie, <strong>de</strong>s jeunes<br />
hommes ont attaqué le domicile <strong>de</strong> NYOMBAYIRE Sixte qui s’est défen<strong>du</strong> et les a<br />
repoussés, qu’ils sont revenus dans une attaque dirigée par le sergent gendarme<br />
BARAYAGWIZA et dont faisait partie NZARIBARA alias GITENGE, qu’ils ont donné <strong>de</strong>s<br />
coups <strong>de</strong> machette à l’intéressé et l’ont laissé pour mort, qu’en apprenant que la victime<br />
n’était pas morte, le sergent BARAYAGWIZA l’a poursuivie au Centre Hospitalier <strong>de</strong><br />
KIGALI où elle se faisait soigner ;<br />
321<br />
8 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’en date <strong>du</strong> 14/04/1994, le sergent BARAYAGWIZA a dirigé une attaque<br />
au cours <strong>de</strong> laquelle NDENGEYINGOMA Edouard et ses quatre petits frères KALISA,<br />
NIYIBIZI Anaclet, Vianney et Damien ont été tués, que le prévenu a emmené l’épouse <strong>de</strong><br />
NDENGEYINGOMA à laquelle il a imposé une cohabitation forcée;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que la ban<strong>de</strong> <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA a détruit <strong>de</strong>s maisons et commis<br />
<strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pillage chez Bosco et NDAYISABA dans le secteur CYAHAFI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA s’était surnommé SHITANI à cause <strong>de</strong> sa<br />
méchanceté ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il accepte <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r mais relève qu’il n’a<br />
pas eu le temps d’étudier le dossier, qu’il n’en a pas encore fait lecture pour qu’il puisse être<br />
renseigné sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s personnes qui ont porté plainte contre lui car elle ne figure<br />
normalement pas sur les assignations qui ne mentionnent que les seules préventions mises à
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
charge <strong>du</strong> prévenu;<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Auditeur militaire dit que le prévenu doit présenter ses moyens <strong>de</strong> défense sur<br />
les faits qui lui sont reprochés et non sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s plaignants, que par ailleurs, son<br />
Conseil ayant fait lecture <strong>du</strong> dossier, l’intéressé aurait dû lui aussi l’avoir fait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me SONEVILLE dit que son client n’a pas effectivement vu le dossier car celuici<br />
n’avait pas encore été tra<strong>du</strong>it <strong>du</strong> Kinyarwanda quand ils ont eu leur première entrevue, que<br />
le dossier ne lui est parvenu qu’en date <strong>du</strong> 06/10/1998 et qu’elle a dû le faire tra<strong>du</strong>ire avant<br />
d’en communiquer le contenu au prévenu à travers les questions qu’elle doit lui poser, que ce<br />
n’est que vendredi que le dossier lui a été retourné après tra<strong>du</strong>ction ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle dit que, au cours <strong>de</strong> la matinée, l’audience a porté sur l’exception<br />
d’incompétence, qu’elle a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong>s explications et a appris que le sergent<br />
BARAYAGWIZA entend plai<strong>de</strong>r non coupable, que le prévenu doit avoir la possibilité <strong>de</strong><br />
présenter suffisamment ses moyens <strong>de</strong> défense ainsi que <strong>de</strong>s témoins à sa décharge ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que les moyens invoqués par le prévenu sont dilatoires<br />
car il a été régulièrement cité à comparaître et que la négligence <strong>de</strong> la défense ne saurait être<br />
un motif <strong>de</strong> faire traîner le procès en longueur ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les difficultés qu’il a eu à prendre connaissance <strong>du</strong> contenu <strong>du</strong><br />
dossier à sa charge, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’il ignore même à qui il <strong>de</strong>vait<br />
s’adresser à cet effet car on ne lui a pas indiqué la procé<strong>du</strong>re à suivre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit qu’il a facilité le contact entre le prévenu et son<br />
Conseil et leur a promis <strong>de</strong> leur permettre d’avoir une entrevue quand ils le voudraient ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Conseil <strong>du</strong> prévenu dit que le Ministère Public leur a effectivement facilité le<br />
contact mais qu’ils n’ont point la volonté <strong>de</strong> faire traîner le procès, qu’ils veulent plutôt que le<br />
prévenu puisse présenter <strong>de</strong>s témoins à décharge en communiquant leur liste au greffier, qu’il<br />
n’est pas nécessaire que le prévenu fasse lecture <strong>de</strong> son dossier en sa présence, mais que<br />
l’intéressé doit être informé <strong>de</strong>s réclamations <strong>de</strong>s parties civiles ;<br />
9 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le temps dont il a besoin pour la lecture <strong>de</strong> son dossier, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond que <strong>de</strong>ux semaines suffiront, mais <strong>de</strong>man<strong>de</strong> également qu’on lui<br />
accor<strong>de</strong> la possibilité d’avoir une entrevue avec son avocat ;<br />
Vu que le Tribunal estime nécessaire <strong>de</strong> se retirer en délibéré pour l’examen <strong>de</strong> la requête <strong>du</strong><br />
prévenu et <strong>de</strong> son Conseil ;<br />
Constate que sergent BARAYAGWIZA a été régulièrement cité à comparaître ;<br />
Constate qu’il n’y a pas <strong>de</strong> motif valable qui l’a empêché <strong>de</strong> faire lecture <strong>de</strong> son dossier à<br />
temps ;<br />
Constate que la requête <strong>du</strong> Conseil <strong>du</strong> prévenu tendant à recevoir communication <strong>de</strong>s<br />
conclusions <strong>de</strong>s parties civiles est fondée, qu’elles doivent être déposées au Tribunal ;<br />
322
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> reporter l’audience au 19/10/1998 pour que les parties civiles puissent déposer au<br />
greffe <strong>du</strong> Tribunal leurs conclusions écrites ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience reprend à cette date <strong>du</strong> 19/10/1998 par la prestation <strong>de</strong> serment <strong>du</strong><br />
nouvel interprète MUSABYIMANA Mathias ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les avocats <strong>de</strong>s parties civiles prennent la parole, que Me Claudine<br />
GASARABWE <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> reporter l’audience à une autre date au motif qu’ils<br />
ont été tardivement informés <strong>de</strong> cette affaire, et <strong>de</strong> citer l’Etat rwandais en qualité <strong>de</strong><br />
civilement responsable, que Me Berna<strong>de</strong>tte KANZAYIRE dit que la citation <strong>de</strong> l’Etat<br />
rwandais en cette affaire est justifiée car le prévenu, sergent gendarme BARAYAGWIZA,<br />
était militaire au moment <strong>de</strong>s faits poursuivis et qu’à cet égard, l’Etat rwandais représenté par<br />
le Ministère <strong>de</strong> la Défense, en sa qualité d’employeur, est solidairement responsable <strong>de</strong>s<br />
dommages intérêts ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que pour pouvoir représenter valablement les parties<br />
civiles, ces avocats doivent avoir le temps <strong>de</strong> lire le dossier, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong><br />
vérifier s’ils n’ont pas eu connaissance <strong>du</strong> dossier à temps et <strong>de</strong> prendre une décision en<br />
conséquence ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Conseil <strong>du</strong> prévenu dit qu’il est compréhensible que ses confrères <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />
<strong>du</strong> temps pour lire le dossier, qu’il ne s’oppose pas au renvoi <strong>de</strong> l’audience à une autre date<br />
pour les motifs invoqués, mais <strong>de</strong>man<strong>de</strong> plutôt à être autorisé à déposer une autre liste <strong>de</strong>s<br />
témoins à décharge ;<br />
323<br />
10 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Claudine GASARABWE dit que trois semaines leur suffiraient, qu’ensuite le<br />
Tribunal se retire en délibéré ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les Conseils <strong>de</strong>s parties civiles souhaitent qu’un délai leur soit accordé en vue <strong>de</strong><br />
se préparer et que l’Etat rwandais, représenté par le Ministère <strong>de</strong> la Défense, soit cité à<br />
comparaître ;<br />
Vu les avis <strong>de</strong> l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public et <strong>du</strong> Conseil <strong>du</strong> prévenu ;<br />
Constate que la requête <strong>de</strong>s avocats <strong>de</strong>s parties civiles est fondée ;<br />
Déci<strong>de</strong> que l’audience est reportée au 5 novembre 1998 à 9 heures <strong>du</strong> matin pour permettre<br />
aux avocats <strong>de</strong>s parties civiles <strong>de</strong> préparer leurs conclusions et pour que l’Etat rwandais soit<br />
cité en qualité <strong>de</strong> civilement responsable ;<br />
Vu qu’à cette date <strong>du</strong> 05/11/1998 l’audience a lieu, que Me DJOSSOU KOFFI qui a remplacé<br />
Me SONNEVILLE Isabelle pro<strong>du</strong>it son autorisation <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r et que l’interprète Elysée<br />
NTIVUGURUZWA prête serment ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public fait à nouveau un résumé <strong>de</strong>s faits reprochés au<br />
prévenu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense sur l’infraction d’avoir donné <strong>de</strong>s entraînements militaires aux<br />
Interahamwe, le sergent gendarme BARAYAGWIZA reconnaît les faits mais dit l’avoir fait à
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce qui était appelé″ GARDE CIVILE ″, qu’il nie cependant avoir entraîné les<br />
miliciens Interahamwe car dit-il, au début <strong>du</strong> mois <strong>de</strong> juin 1994, le conseiller <strong>du</strong> secteur<br />
KIMISAGARA en la personne <strong>de</strong> Rose KARUSHARA a tenu une réunion à laquelle la<br />
majorité <strong>de</strong>s participants étaient <strong>de</strong>s hommes et a dit que les personnes à entraîner seraient<br />
préposées à la protection et la défense <strong>du</strong> secteur ou seraient enrôlées dans l’armée, que c’est<br />
ainsi que le sergent BARAYAGWIZA et le sergent SEBITABI ont été désignés pour<br />
entraîner ceux qui y étaient aptes, que la liste a été établie au bureau <strong>du</strong> secteur et que les<br />
concernés ont été répartis en <strong>de</strong>ux groupes <strong>de</strong> 28 personnes chacun ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’ils sont retournés sur les lieux le len<strong>de</strong>main et y ont croisé trois militaires<br />
qui avaient apporté <strong>de</strong>s fusils <strong>de</strong>vant servir à l’entraînement, lequel a commencé trois jours<br />
plus tard, mais que en raison <strong>de</strong>s obus que les Inkotanyi tiraient sur le terrain choisi à cet<br />
effet, il a eu peur d’y perdre la vie et n’y est pas retourné ;<br />
Atten<strong>du</strong> que relativement à l’infraction d’encadrement <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> il dit qu’il ne pouvait pas<br />
diriger le génoci<strong>de</strong> et n’y a même pas pris part, qu’il n’était qu’un simple citoyen et n’était<br />
partisan d’aucun parti politique même s’il est faussement accusé d’avoir fait partie <strong>du</strong> comité<br />
<strong>de</strong> crise <strong>de</strong> CYAHAFI ;<br />
324<br />
11 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il se trouvait chez sa sœur à CYAHAFI au début <strong>de</strong>s tueries où il a passé<br />
trois jours à cause <strong>du</strong> couvre-feu qui était en vigueur, qu'il a ensuite regagné son domicile à<br />
KIMISAGARA et n’a jamais résidé à CYAHAFI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il déclare ne pas avoir commis l’infraction d’association <strong>de</strong> malfaiteurs, à moins<br />
dit-il, qu’on ne veuille parler <strong>de</strong>s gens qu’il a entraînés militairement sur ordre, encore qu’il<br />
ignore les actes qu’ils auraient commis ;<br />
Atten<strong>du</strong> que dans sa défense sur l’infraction d’assassinat d’Edouard NDENGEYINGOMA et<br />
<strong>de</strong> nombreuses autres victimes, il dit que ce n’est pas lui qui les a tués mais que, tel qu’il l’a<br />
appris <strong>de</strong> la nommée Agnès KAGERUKA, l’ex-épouse <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA, qu’il a<br />
aidée à s’échapper <strong>du</strong> domicile <strong>de</strong> HATEGEKA en lui envoyant le dénommé JEUNE,<br />
NDENGEYINGOMA a été tué par HATEGEKA et d’autres dont le nommé CYABINGO,<br />
qu’elle le lui a dit quand il l’a aidée à s’échapper <strong>de</strong> chez HATEGEKA, que d’autres<br />
personnes qui résidaient à CYAHAFI, dont le 1 er sergent RWAMUNINGI, KAYIRANGA<br />
qui est détenu à RILIMA, MANZI et la nommée Maman HAMIMU, connaissent les<br />
circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir quand il a fait la connaissance <strong>de</strong> Agnès KAGERUKA, il<br />
répond que c’est avant le génoci<strong>de</strong>, qu’il dit qu’en avril ou au début <strong>de</strong> mai 1994, il se<br />
trouvait chez lui quand le dénommé JEUNE est arrivé et lui a dit qu’Agnès l’envoyait lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la secourir et qu’elle était chez HATEGEKA, qu’il n’avait pas d’arme mais se<br />
sentait obligé <strong>de</strong> voler à son secours car elle était en danger et qu’à cet égard, il a usé <strong>de</strong> ruse<br />
en lui faisant parvenir un schéma indiquant le chemin à suivre, que cette démarche a abouti<br />
grâce à Dieu et au fait qu’Agnès avait <strong>de</strong>s pièces d’i<strong>de</strong>ntité mentionnant qu’elle est Hutu,<br />
ainsi que parce que le sergent GD BARAYAGWIZA avait été militaire;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’Agnès lui attribue l’assassinat <strong>de</strong> son mari suite au conflit qui les oppose
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
relatif notamment à une somme d’argent et d’autres biens <strong>de</strong> valeur qu’il lui a confiés quand<br />
il est allé à GAKO et que, à son retour, il a constaté, quand il est revenu au cabaret, qu’Agnès<br />
était entretenue par un autre homme, qu’elle a cru alors qu’il venait pour lui réclamer ses<br />
biens, que c’est ainsi qu’après son départ, ils ont envoyé un message pour le faire arrêter au<br />
motif préten<strong>du</strong> qu’il constituait une menace à leur sécurité ;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant l’infraction d’avoir forcé Agnès KAGERUKA à cohabiter avec lui, il<br />
dit qu’il n’apparaît nulle part qu’il l’a commise surtout si l’on examine les questions posées à<br />
Agnès et les réponses qu’elle a données lors <strong>de</strong> son audition, qu’il reconnaît seulement l’avoir<br />
secourue et con<strong>du</strong>ite chez lui à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, que les accusations qu’elle porte contre lui<br />
affirmant qu’il a tué les victimes qu’elle énumère et parmi lesquelles figurent même celles<br />
qu’il ne connaît pas ne relèvent que <strong>de</strong> pures inventions qui semblent lui avoir été inspirées<br />
par <strong>de</strong>s tiers;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’elle ment quand elle rapporte les circonstances dans lesquelles il l’a<br />
con<strong>du</strong>ite chez lui en date <strong>du</strong> 14 , qu’il peut présenter <strong>de</strong>s témoins en vue <strong>de</strong> la démentir à ce<br />
sujet, qu’il est également faux d’affirmer lui avoir échappé pendant trois semaines, comme<br />
sont également fausses les allégations selon lesquelles il aurait à cette date, après avoir<br />
assassiné Edouard, pillé <strong>de</strong>ux matelas doubles et une armoire, et emmené Agnès en étant<br />
armé d’un fusil, car personne ne peut commettre tous ces actes seul ;<br />
325<br />
12 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que les infractions <strong>de</strong> tortures sexuelles et <strong>de</strong> viol ont été inventées par<br />
l’Auditorat Militaire car la victime <strong>de</strong> ces actes n’apparaît nulle part dans le dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BARAYAGWIZA dit que l’infraction <strong>de</strong> tentative d’assassinat <strong>de</strong><br />
NYOMBAYIRE n’a pas eu lieu car, à la date indiquée comme étant celle <strong>de</strong>s faits, il se<br />
trouvait à CYAHAFI où il avait été bloqué à cause <strong>du</strong> couvre-feu qui venait d’être décrété,<br />
qu’il n’a appris cet assassinat qu’à son retour à son domicile quand on lui a dit que<br />
NYOMBAYIRE avait été victime <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> machette au cours d’une attaque et qu’il se<br />
trouvait au Centre Hospitalier <strong>de</strong> KIGALI où il se faisait soigner, que le prévenu estime que<br />
ce sont <strong>de</strong>s gens qui sont en conflit avec lui qui l’ont impliqué dans ce crime ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la <strong>du</strong>rée <strong>de</strong>s entraînements ainsi que sur leur objectif, et à la question<br />
<strong>de</strong> savoir s’il était payé pour cette tâche, et s’il a été poursuivi quand il l’a abandonnée, il<br />
répond que les gens qui ont participé aux entraînements militaires <strong>de</strong>vaient assurer la défense<br />
<strong>du</strong> secteur et que cette opération était supervisée par la Préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI et<br />
l’Etat-Major représentés respectivement par le Préfet RENZAHO et le lieutenant Esdras qui<br />
ont donné <strong>de</strong>s instructions au conseiller <strong>du</strong> secteur qui, à son tour, a convoqué les candidats<br />
en vue d’une sélection, qu’il n’était pas payé et qu’aucune poursuite n’a été exercée contre lui<br />
pour avoir cessé <strong>de</strong> dispenser ces entraînements ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il n’avait pas <strong>de</strong> fusil, il répond qu’il n’en avait pas à<br />
cette époque et qu’il ne l’a obtenu que vers le 15/06/1994 lors <strong>de</strong> l’attaque <strong>de</strong><br />
NYAMIRAMBO ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la différence entre la gar<strong>de</strong> civile et les miliciens Interahamwe, il<br />
répond que c’est sur instruction officielle que les membres <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong> civile ont été entraînés,
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
tandis que la milice Interahamwe était une branche <strong>du</strong> MRND et <strong>de</strong> la CDR, qu’à la question<br />
<strong>de</strong> savoir s’il se souvient <strong>de</strong> quelques-uns <strong>de</strong>s indivi<strong>du</strong>s qu’il a entraînés, il répond que leur<br />
liste avait été établie mais que comme les gens fuyaient, il a per<strong>du</strong> tout contact et n’a plus<br />
suivi <strong>de</strong> près les activités liées à ces entraînements, qu’il y avait cependant d’autres personnes<br />
qui les supervisaient ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les trois organes qui dispensaient <strong>de</strong>s entraînements militaires, leurs<br />
attributions respectives et leur collaboration, il répond qu’il y avait l’armée ainsi que la gar<strong>de</strong><br />
civile elle aussi instituée par l’Etat pour la défense <strong>de</strong> la population mais dont certains<br />
membres étaient également enrôlés dans l’armée, que les Interahamwe constituaient quant à<br />
eux une branche d’un parti politique, que ce sont les miliciens Interahamwe et <strong>de</strong> la CDR qui<br />
ont commis <strong>de</strong>s tueries à KIMISAGARA, que les membres <strong>de</strong> la défense civile n’ont pas<br />
commis d’actes répréhensibles à part qu’il n’a plus eu connaissance <strong>de</strong> leurs activités après<br />
avoir cessé <strong>de</strong> les entraîner, qu’au cours <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong> les massacres avaient cependant<br />
cessé car, ayant été déclenchés le 07/04/1994, ils ont pris fin en juin 1994 suite aux<br />
instructions qui intimaient l’ordre d’y mettre un terme ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir quand il a fait la connaissance d’Agnès KAGERUKA, il<br />
répond que les parents <strong>de</strong> KAGERUKA étaient les voisins <strong>de</strong> sa sœur et qu’ils se connaissent<br />
<strong>de</strong>puis bien avant le génoci<strong>de</strong> car ils se rendaient même visite, qu’Agnès savait qu’il était un<br />
ex-militaire, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle savait qu’il était en vie quand elle lui a fait dire<br />
<strong>de</strong> la secourir, il répond par l’affirmative, qu’à celle <strong>de</strong> savoir s’il connaissait bien l’endroit<br />
où vivait Agnès il répond que c’est chez KAGERUKA qui était un voisin <strong>de</strong> sa sœur et d’où<br />
elle est partie pour épouser Edouard même si l’Auditeur militaire dit que les intéressés étaient<br />
<strong>de</strong>s fiancés, que c’était également près <strong>de</strong> l’endroit où habitait Edouard ;<br />
13 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA tente <strong>de</strong> fuir les<br />
accusations portées contre lui, qu’il poursuit en disant que l’Etat prenait en charge la<br />
formation <strong>de</strong>s militaires, <strong>de</strong>s gendarmes et <strong>de</strong>s policiers en vue <strong>de</strong> la protection <strong>du</strong> pays et que<br />
seuls ces corps avaient une existence légale alors qu’aucune loi n’avait institué la défense<br />
civile, que ce sont plutôt <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe qui ont été entraînés, qu’il est faux <strong>de</strong> la<br />
part <strong>du</strong> prévenu d’affirmer avoir reçu un message à lui envoyé par Agnès pour la secourir, que<br />
l’intéressé a au contraire pris part aux attaques comme les autres tueurs et que, en sa qualité<br />
<strong>de</strong> sergent digne <strong>de</strong> sa réputation, il en est revenu emmenant Agnès ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur quoi était fondé son optimisme quand il est allé secourir Agnès, il<br />
répond qu’il vivait à KIMISAGARA où Agnès a fait appel à lui par l’intermédiaire d’un<br />
messager, qu’il lui a envoyé un schéma <strong>de</strong>s endroits où les miliciens Interahamwe se<br />
trouvaient, qu’il poursuit en disant qu’il est un jour arrivé là où Agnès avait été séquestrée si<br />
bien que la sœur <strong>du</strong> milicien auteur <strong>de</strong> cette séquestration le sait, qu’Agnès est parvenue à<br />
quitter cet endroit car elle avait une carte d’i<strong>de</strong>ntité portant la mention <strong>de</strong> l’ethnie Hutu et un<br />
permis <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce, qu’elle a croisé en cours <strong>de</strong> route l’enfant qui lui apportait le schéma qui<br />
lui était envoyé par BARAYAGWIZA, qu’elle a ainsi rejoint ce <strong>de</strong>rnier qui l’a con<strong>du</strong>ite chez<br />
lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe envoyés par HATEGEKA après avoir appris<br />
l’endroit où se trouvait Agnès sont venus chez lui en vue <strong>de</strong> se faire remettre l’intéressée,<br />
qu’il s’y est opposé et qu’ils l’ont <strong>de</strong>puis lors persécuté, ce que voyant, il a décidé <strong>de</strong> chercher<br />
326
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
un fusil en vue <strong>de</strong> sa défense et <strong>de</strong> la protection d’Agnès qui était recherchée, qu’il a obtenu<br />
ce fusil <strong>du</strong> lieutenant Richard, qu’il n’a jamais violé Agnès <strong>du</strong>rant cette pério<strong>de</strong> d'autant plus<br />
que sa sœur occupait une chambre dans la même maison ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles ils se sont réfugiés, il répond qu’ils<br />
sont allés à MUSASA d’où il est natif mais que la région a été vite occupée par l’APR et<br />
qu’ils ont dû rester à RUHONDO d’où les militaires les ont con<strong>du</strong>its dans un camp <strong>de</strong><br />
regroupement où il a passé <strong>de</strong>ux semaines en compagnie <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> sa famille et<br />
d’Agnès, que lors d’une réunion organisée par ces militaires à cet effet, ils ont <strong>de</strong>mandé aux<br />
participants <strong>de</strong> dénoncer les tueurs mais que personne ne l’a mis en cause jusqu’à ce qu’ils<br />
soient rentrés ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la date à laquelle ils ont fui <strong>de</strong> KIGALI, il dit qu’ils ont quitté<br />
KIGALI le 04/07/1994 et que les militaires <strong>de</strong> l’APR sont arrivés à MUSASA le 07/07/1994<br />
et les y ont trouvés ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les biens qui sont à l’origine <strong>de</strong> son conflit avec Agnès ainsi que sur<br />
leur <strong>de</strong>stination actuelle, il dit qu’il s’agit <strong>de</strong> vêtements (jeans) d’une valeur <strong>de</strong> quatre vingt<br />
trois mille francs (83.000 Frw), d’un pantalon en laine d’une valeur <strong>de</strong> quinze mille francs<br />
(15.000 Frw), <strong>de</strong> chaussures souplesse d’une valeur <strong>de</strong> trente mille francs et d’autres <strong>de</strong><br />
marque Adidas d’une valeur <strong>de</strong> vingt cinq mille francs (25.000 Frw),<br />
327<br />
14 ème feuillet.<br />
<strong>de</strong> chaussures <strong>de</strong> marque Puma d’une valeur <strong>de</strong> trente cinq mille francs (35.000 Frw), d’une<br />
chaînette en or, d’une montre SEIKO d’une valeur <strong>de</strong> douze mille francs (12.000 Frw), d’une<br />
somme <strong>de</strong> soixante quinze mille francs (75.000 Frw), soit au total <strong>de</strong>s biens d’une valeur <strong>de</strong><br />
trois cent cinquante huit mille francs (358.000 Frw), qu’il se peut qu’Agnès les ait ven<strong>du</strong>s et<br />
se serait servie <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong> cette vente pour l’ouverture <strong>de</strong> la boutique qu’il l’a vue exploiter<br />
quand il est allé la voir à son retour <strong>de</strong> GAKO ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur ce qu’il sait <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA<br />
Edouard, il répond avoir appris d’Agnès que la victime a été tuée par HATEGEKA alias<br />
Caporal qui a servi dans l’unité <strong>de</strong> BUTARE, ainsi que CYABINGO et d’autres, qu’interrogé<br />
sur l’i<strong>de</strong>ntité d’un témoin qui pourrait le confirmer, il cite le 1 er Sergent RWAMUNINGI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réplique à l’argument selon lequel il est clair que, en se rendant à GAKO, c’est<br />
parce qu’il considérait Agnès comme son épouse qu’il lui a confié ses biens, il dit que cela est<br />
faux, qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il n’a pas laissé ces biens à sa sœur, il répond qu’il<br />
ne savait pas qu’ils allaient être emportés ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’aucun autre conflit ne l’oppose à Agnès car elle n’a formulé aucune autre<br />
accusation contre lui et qu’ils ne se sont jamais disputés, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si Agnès<br />
n’a pas pris ces biens parce qu’elle croyait qu’il allait l’épouser, il répond qu’elle ne pouvait<br />
pas penser à une telle éventualité car elle était considérée comme une enfant <strong>de</strong> la famille où<br />
elle vivait avec la sœur <strong>du</strong> prévenu, qu’interrogé sur la raison pour laquelle il lui a réservé un<br />
traitement privilégié en lui donnant <strong>de</strong> l’argent pour ses besoins personnels et sur les<br />
circonstances dans lesquelles ils se sont séparés, il répond qu’ils se sont séparés quand il est
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
allé prendre part à la formation à GAKO, qu’il ne l’a pas privilégiée en lui donnant <strong>de</strong><br />
l’argent car il en a donné également aux membres <strong>de</strong> sa famille ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il n’a pas emporté avec lui sa chaînette et sa<br />
montre il répond qu’il redoutait <strong>de</strong> les porter à cause <strong>de</strong> l’insécurité qui régnait à KIGALI,<br />
qu’à celle <strong>de</strong> savoir les circonstances dans lesquelles Agnès a quitté la maison où il l’avait<br />
laissée il répond qu’il n’en sait rien car il n’était pas là, mais que c’est elle qui a emporté ces<br />
biens car personne d’autre n’avait les moyens d’ouvrir la valise dans laquelle ils se<br />
trouvaient ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Berna<strong>de</strong>tte KANZAYIRE <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le sergent BARAYAGWIZA<br />
explique comment il a eu confiance en Agnès qui n’était qu’une réfugiée jusqu’à lui confier<br />
<strong>de</strong>s biens qu’elle a fini par emporter à l’insu <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> sa propre famille et à lui donner<br />
une somme <strong>de</strong> quinze mille francs alors qu’il n’a donné que dix mille francs à ses proches,<br />
qu’elle souhaite également qu’il indique comment il a obtenu une si gran<strong>de</strong> somme d’argent<br />
alors qu’il n’était pas rémunéré ainsi que la date à laquelle il a cessé d’entraîner les membres<br />
<strong>de</strong> la défense civile et celle <strong>de</strong> la réunion qui a été dirigée par le conseiller KARUSHARA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA répond avoir donné cette somme d’argent à Agnès<br />
pour l’ai<strong>de</strong>r car elle se trouvait dans une région où elle était inconnue, que rien ne manquait<br />
aux membres <strong>de</strong> sa famille si bien que la somme d’argent qu’il leur a donnée ne <strong>de</strong>vait que<br />
leur servir à se débrouiller, qu’il a eu confiance en elle car elle était considérée comme un<br />
membre <strong>de</strong> sa famille, mais qu’il ignorait ses véritables intentions, qu’il a laissé ses biens<br />
parce qu’il croyait revenir le len<strong>de</strong>main mais qu’il ne savait pas quand Agnès s’en irait car<br />
cela ne dépendait que d’elle,<br />
15 ème feuillet.<br />
que la somme d’argent qu’il avait était <strong>de</strong> loin inférieure à ses revenus et ne constituait même<br />
pas la moitié <strong>de</strong> son salaire car il a respectivement travaillé à KIGALI-NIGHT CLUB, TAM-<br />
TAM et EXOTICA avant <strong>de</strong> revenir au TAM-TAM jusqu’au 06/04/1994 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le procès-verbal portant le n° 9 fait apparaître le<br />
pouvoir <strong>du</strong> prévenu dans les entraînements <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe, qu’à la page 3 <strong>du</strong>dit<br />
procès-verbal le sergent BARAYAGWIZA parle <strong>de</strong>s biens qu’il a pillés et ven<strong>du</strong>s, que<br />
l’intéressé pillait les biens <strong>de</strong>s victimes qu’il venait <strong>de</strong> tuer et qu’il a agi ainsi notamment chez<br />
Edouard, chez François et ailleurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit que les actes <strong>de</strong> pillage qu’il a commis n’ont<br />
pas visé les domiciles <strong>de</strong>s particuliers mais que, suite à la dégradation <strong>de</strong> sa situation<br />
financière, il est allé en ville et a aidé les gens à transporter à KIMISAGARA les vêtements<br />
<strong>de</strong> secon<strong>de</strong> main qu’ils achetaient, qu’il était payé en fonction <strong>de</strong> la quantité d’habits<br />
transportés, qu’il l’a fait à <strong>de</strong>ux reprises, mais qu’ils ont été attrapés la troisième fois et qu’on<br />
leur a pris ces habits, qu’il ne se souvient pas <strong>de</strong> la somme d’argent qui lui a été payée à cet<br />
effet ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’origine <strong>de</strong> la somme d’argent qu’il a distribuée, il dit qu’il ne peut<br />
qu’assurer qu’il avait une somme <strong>de</strong> soixante mille francs lors <strong>de</strong> sa fuite, que les biens <strong>de</strong><br />
valeur qu’il avait provenaient <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes qu’il contractait au magasin <strong>de</strong> Marcel et <strong>de</strong>s dons à<br />
lui faits par sa sœur qui vivait en Amérique, que sa famille également lui donnait <strong>de</strong> l’argent ;<br />
328
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que la réunion dirigée par le conseiller <strong>du</strong> secteur KIMISAGARA a eu lieu<br />
au début <strong>de</strong> juin 1994, qu’il a entraîné les gens au maniement <strong>de</strong> fusils le premier jour, à la<br />
tactique et à la progression le <strong>de</strong>uxième jour, qu’il n’est plus retourné là-bas quand on leur a<br />
tiré <strong>de</strong>ssus le troisième jour ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Berna<strong>de</strong>tte KANZAYIRE <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong>s<br />
contradictions <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA qui dit que la réunion a eu lieu en juin 1994 mais<br />
qui refuse d’indiquer l’origine <strong>de</strong> la somme d’argent qu’il avait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA dit avoir cessé les<br />
entraînements quand les Inkotanyi leur ont tiré <strong>de</strong>ssus alors que, dans ses déclarations<br />
antérieures, il a dit d’une part y avoir mis fin à cause <strong>du</strong> désordre, et d’autre part qu’il usait <strong>de</strong><br />
ruse et s’absentait, qu’il <strong>de</strong>vrait apporter <strong>de</strong>s éclaircissements à ces divergences ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA déclare avoir expliqué que le désordre dont il a<br />
parlé était causé par les obus qu’on leur tirait <strong>de</strong>ssus et qu’il a effectivement usé <strong>de</strong> ruse le<br />
jour où, ayant décidé <strong>de</strong> mettre fin à sa participation aux entraînements, il a fait semblant <strong>de</strong><br />
ne faire que s’absenter alors qu’il y avait en réalité renoncé ;<br />
329<br />
16 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Me DJOSSOU KOFFI, Conseil <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA, prend la parole et<br />
dit qu’il a <strong>de</strong> petites questions à poser dont le but n’est point <strong>de</strong> faire perdre <strong>du</strong> temps au<br />
Tribunal, mais qu’il veut que la vérité triomphe, cette vérité qui permet au prévenu <strong>de</strong> se<br />
sentir à l’aise et au Tribunal d’être mieux éclairé sur les faits ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que son client est sergent ou l’a été, qu’il veut lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d’indiquer la<br />
date et les circonstances <strong>de</strong> son enrôlement dans l’armée ainsi que la façon dont il en a fait<br />
partie jusqu’en 1990 et comment il a été un gendarme, que le sergent BARAYAGWIZA dit<br />
qu’il a été engagé dans l’armée à l’Ecole <strong>de</strong>s Sous-Officiers en 1986 au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> soldat, qu’il<br />
a été respectivement promu caporal en 1987 et sergent en date <strong>du</strong> 04/01/1988 jusqu'en 1990<br />
lors <strong>de</strong> son renvoi pour abandon <strong>de</strong> poste et non respect <strong>de</strong>s consignes, qu’il y avait une<br />
discrimination régionale au début <strong>de</strong> la guerre et que c’est pourquoi il a été renvoyé pour une<br />
infraction pénale sans qu’il lui soit permis <strong>de</strong> présenter sa défense ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a travaillé pour son propre compte, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond qu’il a travaillé dans différents services privés, qu’à celle <strong>de</strong> savoir<br />
s’il a été invité à réintégrer l’armée il répond par la négative, qu’interrogé sur les<br />
circonstances dans lesquelles il a été chargé d’entraîner militairement les gens, il dit qu’au<br />
début <strong>de</strong> juin 1994, le conseiller KARUSHARA a dirigé une réunion au bureau <strong>du</strong> secteur<br />
KIMISAGARA à laquelle il l’a invité et désigné parmi les personnes estimées compétentes<br />
pour assurer ces entraînements militaires ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Conseil <strong>du</strong> prévenu lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> dire s’il a pensé à ce moment qu’il était<br />
promu en gra<strong>de</strong>, acquitté ou réintégré dans l’armée, que l’intéressé répond qu’il a reçu l’ordre<br />
d’assurer ces entraînements et qu’il ne pouvait pas s’opposer à l’ordre émanant <strong>du</strong> conseiller<br />
qui, tel qu’il en a enten<strong>du</strong> parler, n’était pas bon ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que le prévenu dit encore qu’il entraînait environ 28 personnes au démontage <strong>de</strong>s<br />
fusils, à la tactique et à la progression, ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers termes militaires signifiant savoir<br />
utiliser le terrain sur lequel on évolue en se cachant <strong>de</strong> l’ennemi et en exploitant<br />
rationnellement son temps ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il avait <strong>de</strong>s collaborateurs militaires subalternes lors <strong>de</strong><br />
ces entraînements, il répond que les ordres ont été donnés à partir <strong>de</strong>s instances supérieures où<br />
il y avait en l’occurrence un lieutenant <strong>de</strong> l’Etat-Major et le Lieutenant-colonel RENZAHO,<br />
Préfet <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, que seuls <strong>de</strong>s militaires envoyés par l’Etat-Major leur<br />
apportaient <strong>de</strong>s fusils <strong>de</strong>vant servir aux entraînements, qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres,<br />
que ces entraînements avaient lieu au bureau <strong>du</strong> secteur ;<br />
17 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Me DJOSSOU KOFFI dit que dans cette affaire, <strong>de</strong>ux moyens, l’un relatif à la<br />
qualité <strong>de</strong> militaire et l’autre à celle <strong>de</strong> civil, ont été invoqués, qu’il ne va cependant pas<br />
abor<strong>de</strong>r ce <strong>de</strong>rnier pour le moment mais qu’il entend, lors <strong>de</strong>s plaidoiries, développer <strong>de</strong><br />
manière approfondie celui se rapportant à la qualité <strong>de</strong> militaire pour permettre au Tribunal <strong>de</strong><br />
savoir si le prévenu a agi en cette qualité et au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> sergent dans le respect <strong>de</strong> la discipline<br />
militaire, ou s’il a agi en qualité <strong>de</strong> civil, qu’il ne faut pas se voiler la face car il est possible<br />
que son client ait conscience d’avoir agi contrairement à la loi, qu’il estime nécessaire <strong>de</strong> lui<br />
poser <strong>de</strong>ux ou trois questions pour clarifier les faits;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’objectif <strong>de</strong> l’attaque qui a eu lieu à NYAMIRAMBO ainsi que sur<br />
son rôle et la mission dont il était chargé dans ladite attaque, le sergent BARAYAGWIZA<br />
répond avoir parlé <strong>de</strong> cette attaque pour expliquer les circonstances dans lesquelles il a obtenu<br />
un fusil, qu’il n’a cependant pas dit y avoir pris part, que cette attaque a été menée par les<br />
militaires <strong>de</strong> l’APR à NYAMIRAMBO et qu’il se trouvait à la briga<strong>de</strong> quand il en a enten<strong>du</strong><br />
parler, qu’il se souvient que c’est à ce moment qu’il a obtenu un fusil ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si les miliciens Interahamwe étaient mieux équipés en<br />
armes et à celle <strong>de</strong> savoir comment ceux-ci tenaient leurs positions, il répond qu’ils avaient<br />
été beaucoup formés auparavant et qu’ils collaboraient avec les miliciens <strong>de</strong> la CDR si bien<br />
qu’ils étaient plus forts qu’eux surtout que la majorité avaient reçu <strong>de</strong>s fusils alors que ceux<br />
qu’il a entraînés étaient peu nombreux et moins équipés ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question posée par son avocat <strong>de</strong> savoir si <strong>de</strong>s Tutsi et <strong>de</strong>s Hutu faisaient<br />
partie <strong>de</strong>s personnes qu’il a entraînées, il répond qu’il ne peut pas répondre avec précision<br />
mais que, vu le contexte <strong>de</strong> l’époque, il était impossible que <strong>de</strong>s Tutsi en fassent partie, qu’à<br />
la question <strong>de</strong> savoir s’il n’y a pas eu discrimination lors <strong>du</strong> choix <strong>de</strong>s personnes à entraîner il<br />
répond que les Tutsi ne pouvaient pas prendre part à la réunion eu égard aux problèmes qu’ils<br />
avaient, qu’il croit dès lors qu’ils n’en faisaient pas partie même s’il n’en a eu que la liste<br />
seulement, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si les personnes qu’il a entraînées n’ont pas participé à<br />
une opération militaire il répond que ces activités n’ont pas <strong>du</strong>ré plus d’une semaine ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a eu le temps <strong>de</strong> mener une attaque ou d’y prendre part<br />
dès lors qu’on était en guerre, il répond que cela n’a pas eu lieu car l’attaque à laquelle on<br />
s’attendait au bureau <strong>du</strong> secteur n’y a pas été menée, que quelques-uns <strong>de</strong>s jeunes qu’il a<br />
entraînés ont été cependant acheminés au Mont KIGALI et enrôlés dans l’armée ;<br />
330
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit qu’on s’est attardé sur l’infraction liée à l’entraînement<br />
<strong>de</strong>s miliciens Interahamwe que le sergent BARAYAGWIZA qualifie quant à lui <strong>de</strong> gar<strong>de</strong><br />
civile alors que le régime <strong>de</strong> l’époque a choisi cette appellation pour tromper la communauté<br />
internationale, que <strong>de</strong>s actes criminels ont particulièrement été commis dans le secteur<br />
KIMISAGARA et que ces miliciens Interahamwe ont été entraînés pour parachever le plan<br />
d’extermination <strong>de</strong>s Tutsi que l’APR voulait sauver et qu’une course contre la montre s’était<br />
engagée, les tueurs poursuivant les victimes jusque dans <strong>de</strong>s plafonds et ailleurs ;<br />
331<br />
18 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA doit préciser s’ils auraient protégé <strong>de</strong>s<br />
Tutsi car l’ampleur <strong>de</strong>s massacres aurait été moindre si le groupe <strong>de</strong>s tueurs avec lequel il se<br />
promenait n’avait pas existé, et spécialement les tueries qui ont eu lieu à CYAHAFI où elles<br />
ont été déclenchées par l’intéressé avec la collaboration <strong>de</strong> BARARAMBIRWA, RUBANDA<br />
Christophe, GAHAMANYI Etienne, HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré,<br />
ce <strong>de</strong>rnier étant notamment chargé <strong>de</strong> chercher <strong>de</strong>s fusils <strong>de</strong>vant servir à tuer les Tutsi <strong>de</strong><br />
CYAHAFI, que <strong>de</strong>s gens ont vu le sergent BARAYAGWIZA en compagnie <strong>de</strong> ces tueurs <strong>de</strong><br />
renom et se souviennent <strong>de</strong> ce qu’il a dit, que le prévenu a également pris part à d’autres<br />
attaques en compagnie <strong>du</strong> caporal HATEGEKA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas présenté ses<br />
moyens <strong>de</strong> défense sur les attaques qu’il a menées respectivement chez François et<br />
NYOMBAYIRE, que celui-ci est présent et va pouvoir témoigner sur les faits ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le rôle <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA dans le comité <strong>de</strong> crise,<br />
l’Auditeur militaire répond qu’il s’agit d’un groupe qui était chargé <strong>de</strong> superviser les actes <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> et que le sergent BARAYAGWIZA en faisait partie, qu’à la question qui lui est<br />
posée <strong>de</strong> savoir s’il connaît ledit comité <strong>de</strong> crise, sergent BARAYAGWIZA répond par la<br />
négative et dit ne pas en avoir même enten<strong>du</strong> parler ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à décrire le déroulement <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> dans le quartier où il se<br />
trouvait, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’il n’a pas vécu à CYAHAFI, qu’il n’y a<br />
passé que trois jours mais que selon les informations qu’il a eues, la population lui a dit que le<br />
groupe <strong>de</strong>s miliciens <strong>de</strong> la CDR a continué à mener <strong>de</strong>s attaques spécialement dans le quartier<br />
<strong>de</strong> KIMISAGARA situé en contrebas <strong>de</strong> la route, mais qu’aucune autre victime n’y a été tuée<br />
à part NYOMBAYIRE qui a été gravement blessé à coups <strong>de</strong> machettes, qu’à la question <strong>de</strong><br />
savoir pourquoi il n’y a pas eu d’autre victime dans cette partie <strong>de</strong> KIMISAGARA, il répond<br />
qu’ils ont réussi à repousser les attaques <strong>de</strong> la ban<strong>de</strong> à Népo qui est justement l’auteur <strong>de</strong><br />
l’attaque au domicile <strong>de</strong> NYOMBAYIRE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant<br />
le n° 7, le sergent BARAYAGWIZA s’est bien expliqué et a décrit le déroulement <strong>du</strong><br />
génoci<strong>de</strong> dans son quartier en disant avoir vu sur un terrain se trouvant près <strong>de</strong> chez lui <strong>de</strong><br />
nombreux cadavres, qu’en réplique le sergent dit avoir trouvé sur les lieux le nommé Félicien<br />
qui avait attrapé le sieur Anthère résidant à CYAHAFI et qui s’occupait <strong>de</strong> faire enterrer les<br />
victimes tuées à KIMISAGARA, qu’il a été lui aussi forcé <strong>de</strong> participer à l’enterrement <strong>de</strong>s<br />
victimes car on les menaçait <strong>de</strong> mort en cas <strong>de</strong> refus ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit que le groupe redoutable <strong>de</strong> tueurs était
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
composé <strong>de</strong> NSHIMIYE Fils, <strong>du</strong> surnommé DEBANDE qui était un tueur <strong>de</strong> renom, Yves et<br />
le surnommé Zairois, qu’il passait quant à lui son temps en compagnie d’un jeune homme<br />
journaliste à qui on avait donné un fusil pour se protéger et que c’est pour cette raison que les<br />
tueurs ont commencé à avoir peur <strong>de</strong> s’attaquer à ce quartier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il ne connaît pas ceux qui l’accusent, il répond par la<br />
négative mais dit qu’il connaît NYOMBAYIRE et KALISA seuls, <strong>de</strong>puis bien avant les<br />
massacres, qu’à celle <strong>de</strong> savoir d’où lui est venu le pseudonyme <strong>de</strong> SHITANI il répond<br />
l’ignorer, qu’à la remarque selon laquelle il a déjà dit connaître ce surnom il répond ne rien<br />
avoir dit à son propos ;<br />
19 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir le temps qu’il venait <strong>de</strong> passer à KIMISAGARA <strong>de</strong><br />
manière à justifier qu’il ne connaît pas son voisin TWAGIRAYEZU François, il répond qu’il<br />
ne connaissait pas cet homme entre le 11/04/1994 et la fin <strong>de</strong> la guerre car il venait à peine<br />
<strong>de</strong> s’installer dans ce quartier, qu’il ne connaissait pas tous ses voisins et que c’est suite à la<br />
guerre qu’il a fait connaissance avec quelques-uns d’entre eux car auparavant il était souvent<br />
à son service ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit avoir habité à KIMISAGARA en janvier 1994 et que ses voisins étaient<br />
Félicien alias MUROKORE, Marcel, NYOMBAYIRE, Caritas, GATENGE, KAREMERA,<br />
Anatole, et HARUNA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si ceux qui ont tué les victimes dont il a vu les cadavres<br />
n’étaient point concernés par le couvre-feu, il répond que ce couvre-feu avait été décrété par<br />
l’autorité, qu’il ne comprend pas pourquoi ils ont passé outre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que les tueurs n’ont jamais été régis par le couvre-feu,<br />
que celui-ci ne visait que les personnes que l’on voulait empêcher <strong>de</strong> sortir pour qu’elles<br />
puissent être retrouvées à l’intérieur <strong>de</strong>s maisons pour être tuées, que le Sergent<br />
BARAYAGWIZA ne s’est jamais caché même quand il était chez Epiphanie et ce, jusqu’à la<br />
fin <strong>de</strong> la guerre ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à donner <strong>de</strong> plus amples explications sur les circonstances dans lesquelles il<br />
a emmené Agnès <strong>de</strong> l’endroit où elle se trouvait, il dit que lui et le dénommé JEUNE se sont<br />
rencontrés chez la sœur <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier nommée MUKACYAKA qui est également l’épouse <strong>de</strong><br />
Syrdion où ceux-ci étaient en train <strong>de</strong> lui raconter comment Agnès s’est fait séquestrer et<br />
avait été forcée par son ravisseur à cohabiter avec lui, qu’il a alors remis à JEUNE le schéma<br />
à apporter à Agnès ainsi qu’un message écrit recommandant à l’intéressée <strong>de</strong> mettre <strong>de</strong>s<br />
chaussures dans un emballage et <strong>de</strong> faire semblant <strong>de</strong> se rendre chez un cordonnier et enfin <strong>de</strong><br />
suivre JEUNE à environ 20 mètres pour qu’elle puisse voir où il se dirigeait afin que le<br />
sergent BARAYAGWIZA qui était prêt soit à même <strong>de</strong> la con<strong>du</strong>ire chez lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>du</strong> nommé Edouard, il répond l’avoir<br />
appris <strong>de</strong>s tiers dont le dénommé JEUNE qui lui a dit qu’Edouard avait été tué par<br />
HATEGEKIMANA et sa ban<strong>de</strong>, qu’invité à expliquer comment Agnès pouvait prétendre se<br />
rendre chez un cordonnier comme en temps normal alors qu’elle était pourchassée, il dit<br />
qu’Agnès venait <strong>de</strong> passer un temps long avec ces miliciens Interahamwe, qu’il n’a quant à<br />
lui pas pris <strong>de</strong>s risques car il aurait été tué s’il avait été attrapé et qu’il n’avait aucun autre<br />
332
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
moyen <strong>de</strong> lui venir en ai<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA continue <strong>de</strong> se<br />
contredire en disant d’une part avoir emmené Agnès et d’autre part qu’il est allé l’attendre<br />
quelque part, qu’il est incompréhensible par ailleurs qu’elle puisse oser l’accuser sachant<br />
qu’il l’a aidée, que le prévenu procè<strong>de</strong> par <strong>de</strong>s manœuvres <strong>de</strong>stinées à in<strong>du</strong>ire le Tribunal en<br />
erreur ;<br />
333<br />
20 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que l’avocat <strong>de</strong> la défense a dit que sa plaidoirie portera principalement sur<br />
la qualité <strong>de</strong> militaire, voulant peut-être dire par là que sergent BARAYAGWIZA ne peut pas<br />
être puni au motif qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres, qu’il relève cependant qu’il existe trois<br />
théories sur la cause justificative <strong>du</strong> comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l’autorité à savoir celle <strong>de</strong><br />
l’obéissance passive qui a été rejetée et désapprouvée, celle <strong>de</strong> la baïonnette intelligente qui<br />
consiste à vérifier si les ordres reçus sont légaux, la troisième étant celle <strong>de</strong> l’illégalité<br />
manifeste, que la législation rwandaise ne reconnaît que les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières et qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à<br />
cet effet au Tribunal <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce et notamment <strong>de</strong>s jugements ren<strong>du</strong>s<br />
par le Conseil <strong>de</strong> Guerre respectivement dans les affaires à charge <strong>du</strong> lieutenant Michel<br />
MUTABAZI, <strong>du</strong> capitaine NTUKAZAYAGEMO et <strong>du</strong> sous-lieutenant Pierre BIZIMANA,<br />
qu’il ne serait pas nécessaire <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong> l’ordre que le sergent BARAYAGWIZA<br />
aurait reçu au cas où il <strong>de</strong>vrait être puni pour avoir donné <strong>de</strong>s entraînements militaires aux<br />
gens ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit qu’il ressort <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> défense présentés par le<br />
prévenu au cours <strong>de</strong> l’audience et <strong>de</strong> la façon dont il traitait Agnès à la maison que<br />
l’infraction <strong>de</strong> viol est établie, que par ailleurs le prévenu cite <strong>de</strong>s témoins à sa décharge mais<br />
affirme ignorer les témoignages qu’ils feront, qu’il a été démontré que le prévenu était très<br />
influent et que le fait pour lui <strong>de</strong> reconnaître avoir commis <strong>de</strong>s pillages est la preuve <strong>du</strong><br />
pouvoir qu’il avait même s’il déclare ne reconnaître que le seul fait d’avoir donné <strong>de</strong>s<br />
entraînements militaires aux gens ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me DJOSSOU KOFFI dit que le sergent BARAYAGWIZA a créé un doute dans<br />
l’esprit <strong>de</strong>s gens, mais qu’il a lui-même constaté que son client se compromet tout en voulant<br />
in<strong>du</strong>ire le Tribunal en erreur au vu <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> défense écrits qu’il a présentés tout au long<br />
<strong>de</strong> l’audience, qu’il dispose <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> la défense même dans l’hypothèse où il serait<br />
coupable, mais qu’il veut lui rappeler que le Tribunal n’a point l’intention <strong>de</strong> l’enfoncer, qu’il<br />
l’invite à noter que ce qui est arrivé est grave et que tout le mon<strong>de</strong> est concerné, qu’il faut<br />
cependant en i<strong>de</strong>ntifier les auteurs et que le Tribunal doit découvrir la vérité, qu’il l’invite à<br />
se calmer et à donner <strong>de</strong>s réponses pouvant permettre au Tribunal d’aboutir à la manifestation<br />
<strong>de</strong> la vérité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si c’est lui qui supervisait les entraînements militaires au<br />
niveau local, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a <strong>de</strong>s caporaux qui étaient envoyés par<br />
l’Etat-Major, qu’ils étaient donc ses supérieurs car il n’était pas militaire, qu’interrogé sur<br />
l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la personne qui assurait leur comman<strong>de</strong>ment quand ils allaient en ville à la<br />
recherche <strong>de</strong>s habits, il répond que c’était lui et qu’il avait un fusil ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si une personne <strong>de</strong> sexe féminin pouvait lui refuser <strong>de</strong>s<br />
relations sexuelles à l’époque <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> alors qu’elle était pourchassée, il répond qu’Agnès<br />
KAGERUKA ne l’accuse pas <strong>de</strong> l’avoir violée, qu’elle ne l’a accusé que <strong>de</strong> menaces lors <strong>de</strong><br />
sa première plainte et qu’il n’y a pas lieu <strong>de</strong> croire qu’elle était incapable <strong>de</strong> formuler cette<br />
accusation <strong>de</strong> viol, qu’elle occupait par ailleurs une chambre à elle seule, qu’il s’agit d’une<br />
fausse accusation <strong>de</strong> sa part <strong>de</strong> dire qu’il l’a violée dès lors qu’elle ne l’a pas dit auparavant ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le sergent BARAYAGWIZA indique les<br />
circonstances dans lesquelles il a obtenu un fusil, que l’intéressé répond qu’il en a fait la<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour pouvoir protéger Agnès que <strong>de</strong>s garçons venaient chercher et pour se protéger<br />
lui-même ;<br />
334<br />
21 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment on pouvait lui donner un fusil en vue <strong>de</strong> protéger<br />
une Tutsi, il répond qu'il ignore si le Lieutenant Richard qui le lui a donné faisait lui aussi<br />
partie <strong>de</strong> ceux qui troublaient la sécurité, auquel cas ce <strong>de</strong>rnier aurait refusé <strong>de</strong> le lui donner,<br />
qu’ils se trouvaient à l’usine d’épuration d’eau <strong>de</strong> KIMISAGARA quand il le lui a donné en<br />
juin 1994, que le Lieutenant Richard était chargé <strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité dans les quartiers<br />
<strong>de</strong> KIMISAGARA, GATSATA et MUHIMA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que c’est le nommé Jean Paul MUTABARUKA qui<br />
supervisait ces quartiers, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant que l’intéressé<br />
était effectivement affecté dans ces quartiers, mais que le Lieutenant Richard y était lui aussi<br />
à part qu’il ignore quelles étaient ses attributions, qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment, selon<br />
lui, un seul fusil pouvait être efficace, le sergent BARAYAGWIZA répond que d’autres<br />
personnes en avaient obtenu auparavant et ajoute qu’ils n’ont plus été attaqués après<br />
l’obtention <strong>de</strong> ces fusils ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la personne qui veillait sur Agnès en son absence quand<br />
il s’était ren<strong>du</strong> en ville, le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est le nommé UWIMANA qui<br />
était un agent <strong>de</strong> la radio, était son voisin, et avait un fusil;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il a accepté d’exécuter l’ordre <strong>du</strong> conseiller<br />
KARUSHARA en donnant <strong>de</strong>s entraînements militaires aux gens, il dit qu’il était <strong>de</strong> notoriété<br />
publique que cette dame est plus autoritaire que les hommes, que les gens la craignaient car<br />
elle supportait difficilement la non-exécution <strong>de</strong> ses ordres, que c’est pourquoi il a accepté <strong>de</strong><br />
s’exécuter surtout qu’il avait peur <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe qui étaient sous les ordres <strong>du</strong>dit<br />
conseiller et qui étaient répartis en <strong>de</strong>ux groupes, qu’interrogé sur ce que le conseiller<br />
KARUSHARA a dit aux indivi<strong>du</strong>s qui ont été entraînés, il répond qu’elle leur a dit qu’ils<br />
seraient chargés d’assurer la sécurité <strong>du</strong> secteur et que, si nécessaire, ils seraient enrôlés dans<br />
l’armée ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit que l’ordre <strong>de</strong> mettre fin aux massacres a été<br />
donné par le Préfet RENZAHO, mais que les tueries avaient à ce moment diminué d’intensité,<br />
qu’elles diminuaient d’ampleur aux endroits où l’APR arrivait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les heures <strong>de</strong> service sont épuisées, qu'ainsi l’audience est reportée au 9<br />
novembre 1998 à 9 heures <strong>du</strong> matin ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que l’audience reprend à cette date, que l’interprète MUKANTAGARA Agnès, après<br />
présentation <strong>de</strong>s pièces d'i<strong>de</strong>ntité, prête serment ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la parole et dit qu’il veut insister sur la<br />
distinction entre le groupe <strong>de</strong>s miliciens <strong>de</strong> la CDR, celui <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe et la<br />
défense civile, car le premier était dirigé par le nommé Népo alias CDR, le second par Claver<br />
alors qu’il y avait eu <strong>de</strong>ux contingents <strong>de</strong> la défense civile, le premier ayant été mis sur pied<br />
vers le 10/04/1994 et le second en juillet 1994 et non en juin 1994, que quelques uns <strong>de</strong>s<br />
miliciens <strong>de</strong> la CDR et <strong>de</strong>s Interahamwe avaient <strong>de</strong>s fusils bien avant le début <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
335<br />
22 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que certains <strong>de</strong>s Interahamwe étaient célèbres à savoir RWARAHOZE<br />
Anastase, NYIRANTIBIMENYA Rose, KARUSHARA Rose, Maître GITOKI, <strong>de</strong>ux fils <strong>du</strong><br />
nommé Ezira dont l’un s’appelait FIFI, MUGENZI, RUTAYISIRE, KALISA et les fils <strong>de</strong><br />
KARUSHARA, qu’on lui aurait donné lui aussi un fusil s’il en avait fait partie, qu’il est faux<br />
<strong>de</strong> dire qu’il s’est fâché et a cassé un poste <strong>de</strong> radio à cause d’une femme qui venait <strong>de</strong> lui<br />
échapper ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA est également poursuivi<br />
pour appartenance à une association <strong>de</strong> malfaiteurs dont le but était <strong>de</strong> commettre les<br />
massacres, qu’il a reconnu qu’il en faisait partie en juin 1994 et a parlé <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong>s<br />
miliciens <strong>de</strong> la CDR et <strong>de</strong>s Interahamwe, qu’il a déclaré par ailleurs avoir été membre <strong>du</strong><br />
<strong>de</strong>uxième groupe en compagnie <strong>de</strong> Rose KARUSHARA comme cela ressort <strong>de</strong>s 2 ème et 3 ème<br />
préventions libellées par le Ministère Public ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que sergent BARAYAGWIZA n’a pas pu expliquer les circonstances dans<br />
lesquelles le lieutenant Richard lui a donné un fusil et a menti en prétendant que la défense<br />
civile a été instituée par une loi, que la jeunesse en ville n’était pas composée <strong>de</strong>s seuls<br />
miliciens <strong>de</strong> la CDR et Interahamwe car il y avait aussi la jeunesse <strong>du</strong> Parti social démocrate<br />
et d’autres partis politiques, mais que ce sont les Interahamwe et les miliciens <strong>de</strong> la CDR qui<br />
se sont le plus illustrés lors <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me DJOSSOU dit qu’il constate que son client plai<strong>de</strong> coupable au fil <strong>de</strong><br />
l’avancement <strong>de</strong>s débats en audience, qu’il y a lieu d’en tenir compte sans <strong>de</strong>voir citer <strong>de</strong>s<br />
témoins à comparaître ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité est<br />
régie par la loi et qu’elle doit intervenir dans les délais légaux prévus à l’article 5 <strong>de</strong> la Loi<br />
organique n°08/96, que l’intéressé n’y a jamais recouru et que s’il avoue certains faits, c’est<br />
parce qu’il existe <strong>de</strong>s preuves à sa charge ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à préciser les modifications qu’il a à apporter sur ses moyens <strong>de</strong> défense<br />
relativement aux faits qu’il avoue et ceux qu’il réfute, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il<br />
avoue seulement avoir dispensé <strong>de</strong>s entraînements militaires aux gens qui n’étaient pas <strong>de</strong>s<br />
malfaiteurs et avoir commis <strong>de</strong>s pillages ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin SEDARI Anastase fils <strong>de</strong> MUHIZI et NKONGORO né en 1939 à<br />
NYABIKENKE, préfecture GITARAMA, résidant dans la commune NYARUGENGE ,<br />
préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, marié à KALISONI Rose, père <strong>de</strong> 8 enfants, sans biens ni<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment <strong>de</strong> dire la vérité ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que SEDARI Anastase va témoigner sur les circonstances<br />
dans lesquelles il a vu le sergent BARAYAGWIZA dans un groupe <strong>de</strong> malfaiteurs composant<br />
le comité <strong>de</strong> crise à CYAHAFI ainsi que sur celles dans lesquelles il a eu connaissance <strong>de</strong> la<br />
mort <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA Edouard et <strong>du</strong> viol <strong>de</strong> son épouse KAGERUKA Agnès;<br />
23 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à expliquer si ce qu’il qualifie d’entraînements militaires <strong>de</strong> la population<br />
est une infraction prévue par la loi et si ces personnes qui ont été entraînées ont commis <strong>de</strong>s<br />
actes criminels, l’Auditeur militaire répond que l’infraction <strong>de</strong> pillage que le prévenu a<br />
reconnue est l’une <strong>de</strong> celles qui ont été commises par un groupe <strong>de</strong> malfaiteurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a fait la connaissance <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA, SEDARI répond l’avoir vu chez sa sœur qui est sa voisine <strong>de</strong> longue<br />
date , qu’il l’y a vu en 1994 et que l’intéressé y passait <strong>de</strong> temps en temps la nuit, qu’il se<br />
trouvait là au début <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a connaissance <strong>de</strong>s actes que l’intéressé aurait commis,<br />
il répond l’avoir vu piller le domicile <strong>de</strong> son voisin NDAYISABA et que le prévenu se<br />
déplaçait à bord d’un véhicule en compagnie <strong>de</strong>s membres <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> crise dont faisaient<br />
partie les nommés BARARAMBIRWA et Désiré avec lesquels il partageait à boire, qu’il a<br />
également enlevé la fille <strong>de</strong> KAGERUKA et l’a con<strong>du</strong>ite chez lui où ils ont vécu comme mari<br />
et femme, qu’il portait une tenue civile et n’avait pas <strong>de</strong> fusil quand il venait chez sa sœur,<br />
qu’il était en compagnie d’un autre indivi<strong>du</strong> quand il a pillé une table, <strong>de</strong>s lits et d’autres<br />
objets qu’ils ont transportés chez sa sœur ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît SEDARI, le sergent BARAYAGWIZA répond<br />
par l’affirmative et dit que SEDARI habitait juste en face <strong>du</strong> domicile <strong>de</strong> sa sœur, mais que<br />
ses affirmations sont fausses car la ban<strong>de</strong> à BARARAMBIRWA lui est inconnue tout comme<br />
il ne connaît pas NDAYISABA dont il parle, qu’il n’aurait pas transporté chez sa sœur les<br />
biens pillés alors que ce n’était pas chez lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir s’il ne connaît pas réellement NDAYISABA, le<br />
sergent BARAYAGWIZA dit qu’il le connaît car il habite près <strong>de</strong> chez sa sœur, qu’à la<br />
question posée à SEDARI <strong>de</strong> savoir si la sœur <strong>de</strong> BARAYAGWIZA est toujours sa voisine,<br />
celui-ci répond qu’ils ont constaté à leur retour <strong>de</strong> refuge qu’elle avait déménagé tandis que<br />
NDAYISABA est mort en exil à l’étranger, qu’il poursuit en disant que lors <strong>de</strong> l’instauration<br />
<strong>du</strong> comité <strong>de</strong> crise, on disait qu’il était chargé <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s patrouilles, d’assurer la sécurité et<br />
<strong>de</strong> superviser les barrières, que la structure <strong>de</strong> ce comité <strong>de</strong> crise ressemblait à celle d’un<br />
organe <strong>de</strong> l’armée ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>du</strong> superviseur <strong>de</strong>s fusils, SEDARI dit que c’est Désiré qui<br />
a été présenté à la population par le conseiller lors d’une réunion qui a eu lieu à KANYANZA<br />
mais qu’il ignore les critères sur lesquels il se basait pour la distribution <strong>de</strong> ces fusils ainsi que<br />
les personnes auxquelles il les a donnés, mais que c’est lui qui faisait le tout <strong>de</strong>s barrières<br />
pour vérifier le nombre <strong>de</strong> fusils et en i<strong>de</strong>ntifier les détenteurs ;<br />
336<br />
24 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s victimes qui ont été tuées par ce groupe <strong>de</strong> malfaiteurs,
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
il dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconque autre acte répréhensible sur le compte <strong>du</strong>dit<br />
groupe, mais qu’il estime que ses membres doivent répondre <strong>de</strong> tous les meurtres qui ont été<br />
commis dès lors qu’ils étaient chargés <strong>de</strong> la sécurité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité d’un membre <strong>de</strong> ce comité <strong>de</strong> crise qu’il connaît, le sergent<br />
BARAYAGWIZA cite le nommé Félicien MUNYEZAMU et dit qu’il le connaît parce qu’il<br />
était maçon et lui a construit ses maisons se trouvant à KIMISAGARA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me Berna<strong>de</strong>tte KANZAYIRE <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que SEDARI parle <strong>de</strong> la sécurité dont<br />
était chargé le comité <strong>de</strong> crise et <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> la mise en place <strong>de</strong> la défense civile,<br />
que le témoin répond que concernant la défense civile, <strong>de</strong>s personnes armées <strong>de</strong> fusils ont fait<br />
une réunion au bureau <strong>du</strong> secteur sous la direction <strong>du</strong> représentant <strong>du</strong> MRND et <strong>du</strong> conseiller,<br />
réunion à laquelle SEDARI et d’autres autorités locales <strong>de</strong> base qui étaient avec lui n’ont pas<br />
été admis à prendre part et dont quelques-uns ont d’ailleurs été tués par la suite, que ces<br />
personnes armées étaient censées être chargées <strong>du</strong> maintien <strong>de</strong> la sécurité et notamment <strong>de</strong><br />
pourchasser les Inyenzi pour les empêcher <strong>de</strong> pénétrer dans le secteur en i<strong>de</strong>ntifiant le lieu <strong>de</strong><br />
leur provenance ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir si ces Inyenzi ont été attrapés et qu’interrogé<br />
sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s victimes qu’il connaît, SEDARI répond qu’il n’a assisté à aucune<br />
arrestation, mais que <strong>de</strong>s victimes ont été tuées par balles dans sa bananeraie où elles ont été<br />
enterrées dans un trou qu’on y avait creusé, que l’endroit avait été dénommé KINIHIRA pour<br />
cette raison ;<br />
25 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> la population dans ces actes, il répond<br />
qu’elle a fait <strong>de</strong>s ron<strong>de</strong>s <strong>de</strong>puis bien avant la mort <strong>de</strong> HABYARIMANA car elle en avait reçu<br />
l’ordre et était en cela supervisée par les personnes armées <strong>de</strong> fusils, qu’à la question <strong>de</strong><br />
savoir qui, selon lui, était traité d’Inyenzi, il répond que ce sont ceux qui avaient attaqué le<br />
pays ainsi que les Tutsi, que ces <strong>de</strong>rniers étaient par ailleurs qualifiés <strong>de</strong> complices, qu’à celle<br />
<strong>de</strong> savoir si ces personnes soi-disant chargées <strong>de</strong> la sécurité ont porté secours à <strong>de</strong>s victimes<br />
menacées ou ont empêché qu’elles soient tuées, il répond qu’elles n’ont secouru aucun Tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me DJOSSOU <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le témoin explique ce qui s’est passé quand il a vu<br />
le sergent BARAYAGWIZA commettre <strong>de</strong>s pillages, que l’intéressé répond avoir vu le<br />
prévenu quitter le domicile <strong>de</strong> sa sœur en compagnie d’un autre homme qui logeait dans une<br />
maison se trouvant dans la cour arrière et qu’ils se sont dirigés chez NDAYISABA d’où il les<br />
a vus emporter un lit et une table, qu’il se trouvait <strong>de</strong>vant son domicile quand il les a vus et<br />
que l’épouse <strong>de</strong> NDAYISABA avait fui, que les faits ont eu lieu après la mort <strong>de</strong><br />
HABYARIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité par Me KOFFI à spécifier l’objet que chacun <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux indivi<strong>du</strong>s a<br />
emporté lors <strong>de</strong> ce pillage, le témoin dit que tous les <strong>de</strong>ux ont transporté ensemble <strong>de</strong>s objets<br />
qui ont été pillés, chacun le tenant d’un côté, que Me KOFFFI se déclare non satisfait <strong>de</strong> la<br />
réponse et relève que ce témoin SEDARI est un vieil homme infirme et qu'il faudrait qu’il<br />
donne son emploi <strong>du</strong> temps pendant la journée et précise l’endroit où il voyait ces gens, que<br />
SEDARI répond qu’il était encore physiquement en bon état <strong>de</strong> santé avant la guerre et que<br />
l’infirmité dont il est question est intervenue au cours <strong>de</strong> la guerre, qu’il état donc capable<br />
d’atteindre la route avant son infirmité et que c’est ainsi qu’un jour, dans la matinée, en<br />
337
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
entendant une clameur faisant état <strong>du</strong> pillage <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> NDAYISABA, il est allé aux<br />
nouvelles et a vu le sergent BARAYAGWIZA et son compère, que relativement au fait que le<br />
prévenu partageait à boire avec les membres <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> crise, il dit qu’il les voyait <strong>de</strong> la<br />
route en train <strong>de</strong> boire et manger <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> grillée, qu’il lui arrivait également <strong>de</strong> partager à<br />
boire avec un ami et les voyait alors rentrer après avoir commis <strong>de</strong>s tueries ou faire une<br />
réunion, que tous ces faits se sont déroulés <strong>de</strong>vant le domicile <strong>de</strong> MUNYEZAMU ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWZA dit que SEDARI ment, qu’il sait bien que l’intéressé<br />
était paralysé même avant la guerre et se déplaçait à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux béquilles, que SEDARI<br />
réplique en disant que BARAYAGWIZA ment car il a été victime d’un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la route,<br />
un véhicule l’ayant cogné lors <strong>de</strong>s travaux communautaires, qu’il a à un moment abandonné<br />
la béquille et ne s’en est encore servi qu’au cours <strong>de</strong> la guerre pour fuir ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il était lui aussi pourchassé, SEDARI répond par<br />
l’affirmative et dit qu’il a été <strong>de</strong>stitué <strong>de</strong> son poste <strong>de</strong> dirigeant et que sa maison a été détruite,<br />
qu’il a fui au moment où ses collègues Tutsi étaient tués mais que, avant <strong>de</strong> fuir, il sortait<br />
malgré qu’il était pourchassé car il <strong>de</strong>vait aller chercher <strong>de</strong> quoi nourrir ses enfants ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si sa vue est normale, SEDARI répond par l’affirmative et<br />
dit qu’il n’a aucun problème <strong>de</strong> ce côté là ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Officier <strong>du</strong> Ministère Public dit que le sergent BARAYAGWIZA fuit les<br />
choses qu’il sait, qu’il faut qu’il explique pourquoi il a au début nié connaître NDAYISABA<br />
pour finalement reconnaître qu’il le connaît, qu’il espère que le prévenu pourra reconnaître les<br />
autres témoins ;<br />
26 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’un autre témoin nommé NYOMBAYIRE Sixte fils <strong>de</strong> SEHENE Célestin et<br />
NYIRABAKIGA Anastasie, né en 1947 à RUSATIRA, préfecture BUTARE, veuf, résidant à<br />
KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, sans biens ni<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, également partie civile, est appelé à la barre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que ce témoin va parler <strong>de</strong>s entraînements militaires <strong>de</strong>s<br />
malfaiteurs par BARAYAGWIZA ainsi que <strong>de</strong>s actes infractionnels dont il a été<br />
personnellement victime ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYOMBAYIRE dit qu’il a fait la connaissance <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA<br />
quand celui-ci était son voisin habitant à environ trente mètres <strong>de</strong> son domicile à<br />
KIMISAGARA, qu’interrogé sur la part <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> l’intéressé dans le génoci<strong>de</strong>, il<br />
répond qu’il a connu BARAYAGWIZA en 1993 quand celui-ci venait d’acquérir une parcelle<br />
où il a construit une maison et que les gens l’appelaient sergent, que le nom <strong>de</strong><br />
BARAYAGWIZA n’a été connu que quand le prévenu s’est ren<strong>du</strong> célèbre en entraînant les<br />
miliciens Interahamwe à la fin <strong>de</strong> 1993 sur le terrain <strong>de</strong> l’école primaire, que le témoin passait<br />
par là en rentrant <strong>du</strong> service ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s personnes que le sergent BARAYAGWIZA entraînait,<br />
il répond que ce sont environ 40 ou 50 jeunes hommes <strong>de</strong> KIMISAGARA qui normalement<br />
tenaient compagnie à KARUSHARA, qu’ils ont été entraînés par le sergent<br />
BARAYAGWIZA et NDUWAYEZU alias CDR qui était un agent <strong>de</strong> l'ONAPO;<br />
338
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a vu les concernés tuer <strong>de</strong>s victimes, il répond avoir vu<br />
quelques unes <strong>de</strong> victimes qu’ils ont abattues par balles et qu’il a vu ces criminels mener une<br />
attaque au domicile <strong>de</strong> Narcisse alias GICUMBA à CYAHAFI sous la direction <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA en date <strong>du</strong> 07/04/1994, qu’ils ont donné <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> machettes à Narcisse<br />
et qu’il est tombé par terre ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît NYOMBAYIRE, le sergent BARAYAGWIZA<br />
répond par l’affirmative et dit que celui-ci était son voisin, mais qu’il ment dans ses<br />
affirmations car BARAYAGWIZA a acheté la parcelle en 1993 et que c’est en 1994 qu’il est<br />
allé habiter à KIMISAGARA, qu’il poursuit en disant qu’il ne connaît même pas la victime<br />
dénommée Narcisse dont parle l’intéressé ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin dit qu’il a été attaqué à l’aube <strong>du</strong> 08/04/1994 par <strong>de</strong>s jeunes hommes<br />
portant <strong>de</strong>s armes traditionnelles et qui voulaient piller, qu’il s’est défen<strong>du</strong> et a réveillé ses<br />
enfants, qu’ils sont parvenus à repousser l’attaque, qu’il a à ce moment évacué ses enfants par<br />
la cour arrière jusqu’à l’endroit dénommé Maison <strong>de</strong>s Jeunes ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que ces malfaiteurs, armés <strong>de</strong> machettes et d’épées, sont revenus par la suite<br />
en compagnie <strong>de</strong> KATARYEBA Patrick qui était un employé <strong>de</strong> HATTON & COCKSON,<br />
Emmanuel KANYAMANZA qui vendait <strong>de</strong> la bière <strong>de</strong> bananes, NDUWAYEZU alias CDR<br />
et le Sgt BARAYAGWIZA, qu’il a fui mais a glissé dans la bananeraie et est tombé, qu’ils lui<br />
ont donné <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> machettes à la cuisse, aux jambes et à la tête, que l’épée appartenant à<br />
BARAYAGWIZA fait partie <strong>de</strong>s armes au moyen <strong>de</strong>squelles il a été blessé ;<br />
339<br />
27 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que son épouse en a informé le conseiller <strong>de</strong> CYAHAFI, que celui-ci a<br />
envoyé <strong>de</strong>ux gendarmes qui l’ont con<strong>du</strong>it à l’hôpital et ont également emmené ses enfants et<br />
son épouse, mais qu’il ignore l’endroit où ceux-ci ont été tués plus tard vers le 15/04/1994 ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que l’attaque à son domicile a eu lieu au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong>s meurtres respectifs<br />
<strong>de</strong> Narcisse, François et son enfant qui était âgé <strong>de</strong> 17 ans, juste au moment où les gens<br />
commençaient à fuir ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît François, Patrick et UWAYEZU, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il connaît seulement Népo et Emmanuel KANYAMANZA qui était<br />
un adhérent <strong>du</strong> MRND, mais qu’il n’a pas connaissance d’un acte répréhensible à leur<br />
imputer ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il sait dans quelles circonstances NYOMBAYIRE avait<br />
été blessé à coups <strong>de</strong> machettes, il répond qu’il l’a appris <strong>de</strong> Félicien à son retour <strong>du</strong> domicile<br />
<strong>de</strong> sa sœur où il venait <strong>de</strong> passer trois jours, que celui-ci lui a dit que NYOMBAYIRE a été<br />
blessé par un groupe <strong>de</strong> miliciens <strong>de</strong> la CDR et qu’il était au Centre Hospitalier <strong>de</strong> KIGALI,<br />
qu’à celle <strong>de</strong> savoir si NYOMBAYIRE l’a vu entraîner militairement les gens, il dit que les<br />
entraînements ont eu lieu en juin 1994 et qu’à cette époque NYOMBAYIRE avait déjà été<br />
blessé, qu’en 1993 il vivait quant à lui à MUHIMA et non à KIMISAGARA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité d’autres victimes que le sergent BARAYAGWIZA aurait
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
tuées, Sixte NYOMBAYIRE dit que l’intéressé, et ses coauteurs GITENGE et UZARIBARA<br />
Grégoire qui habitait en face <strong>de</strong> chez lui, ont tué à coups <strong>de</strong> machettes les enfants <strong>du</strong> nommé<br />
Anatole, SENDARASI et d’autres jeunes hommes natifs <strong>de</strong> NYANZA dont ils ont jeté les<br />
cadavres dans les latrines si bien qu’ils s’y trouvent encore, qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il y a<br />
<strong>de</strong>s rescapés dans son quartier, il répond que c’est une famille composée <strong>de</strong> GASHUMBA<br />
Marcel, Caritas et BAYIHORERE Idrissa, qu’à celle <strong>de</strong> savoir s’il connaît Claver il répond<br />
ne pas en être sûr ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir si un conflit l’oppose à NYOMBAYIRE, le<br />
sergent BARAYAGWIZA dit qu’il n’y a pas <strong>de</strong> litige entre eux mais qu’ils n’étaient pas non<br />
plus <strong>de</strong>s amis, qu’il n’a i<strong>de</strong>ntifié aucune <strong>de</strong>s victimes qui ont été tuées là où il habitait car il y<br />
a trouvé environ dix cadavres en présence d’autres hommes et que le nommé Anthère leur a<br />
enjoint <strong>de</strong> les enterrer sous menace <strong>de</strong> mort en cas <strong>de</strong> refus, qu’ils se sont exécutés et les ont<br />
enterrés en face d’un pont ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les autres actes dont il a connaissance à charge <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA, NYOMBAYIRE répond que les entraînements militaires que l’intéressé<br />
dispensait avaient lieu sur le terrain <strong>de</strong> l’école primaire et sur celui <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong>s jeunes,<br />
qu’il participait aux réunions dans lesquelles se retrouvaient les membres <strong>du</strong> MDR Power<br />
dont faisait partie le nommé KANYAMANZA et ceux <strong>de</strong> la jeunesse <strong>du</strong> parti social<br />
démocrate, qu’après la mort <strong>de</strong> HABYARIMANA, ils ont mené une attaque chez<br />
KANYANZA qu’ils ont tué, que les enfants <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier ont fui, que ces criminels se sont<br />
répartis en <strong>de</strong>ux groupes et ont emprunté <strong>de</strong>ux chemins différents lors <strong>de</strong> cette attaque mais<br />
qu’ils n’avaient pas <strong>de</strong> fusils, que c’est par la suite qu’il a appris que UZARIBARA et<br />
NDUWAYEZU ont obtenu <strong>de</strong>s fusils ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NYOMBAYIRE dit que les entraînements militaires avaient lieu sur le terrain <strong>de</strong><br />
l’école primaire, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant qu’ils se déroulaient au<br />
bureau <strong>du</strong> secteur, qu’interrogés tous les <strong>de</strong>ux sur ce qui sépare ces <strong>de</strong>ux endroits, ils<br />
répon<strong>de</strong>nt que c’est une route ;<br />
28 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l'Auditeur militaire relève que la déclaration <strong>de</strong> sergent BARAYAGWIZA<br />
figurant au procès-verbal portant le n° 9 concor<strong>de</strong> avec celle <strong>de</strong> NYOMBAYIRE relativement<br />
à la réunion qui a eu lieu, qu’elles sont également presque concordantes sur le nombre <strong>de</strong><br />
personnes que le prévenu entraînait surtout que NYOMBAYIRE ne pouvait pas les compter<br />
car il ne les voyait qu’en passant sans pouvoir s’arrêter à cause <strong>de</strong> son ethnie Tutsi, que la<br />
déclaration <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA selon laquelle il a quitté le terrain <strong>de</strong> l’école<br />
primaire à cause <strong>de</strong>s obus qui y étaient tirés concor<strong>de</strong> avec celle <strong>de</strong> NYOMBAYIRE<br />
notamment en ce qui concerne l’endroit où se déroulaient les entraînements ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a également un terrain d’une école au<br />
bureau <strong>du</strong> secteur, que le Tribunal lui ayant rappelé qu’il lui est arrivé <strong>de</strong> dire s’être trompé et<br />
que la réunion s’est tenue plutôt au bureau <strong>du</strong> secteur et non à l’école primaire, il dit que la<br />
réunion a en réalité eu lieu au bureau <strong>du</strong> secteur ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’endroit exact où habitaient François et les autres victimes qui ont<br />
été tuées, NYOMBAYIRE répond que François habitait à environ 150 mètres <strong>de</strong> la route<br />
340
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
asphaltée, qu’il habite quant à lui à 100 mètres à peu près <strong>de</strong> cette même route, tandis que 300<br />
à 350 mètres séparent les domiciles respectifs <strong>de</strong> François et <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA,<br />
que les gens savaient que BARAYAGWIZA dispensait <strong>de</strong>s entraînements mais sans autres<br />
détails, que parmi les victimes qui ont été tuées figurent TWAGIRIMANA Vianney, Paul<br />
MURENZI, le domestique nommé Alphonse, Pru<strong>de</strong>nce et son petit frère, Alfred HAGUMA,<br />
SENDARASI qui vivait chez sa sœur Agathe, GATETE qui était un commerçant et tous les<br />
membres <strong>de</strong> sa famille, ainsi que Alexis KANAMUGIRE et tous les membres <strong>de</strong> sa famille ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA déclare ne pas connaître ces victimes à part les<br />
membres <strong>de</strong> la famille d’Anatole qui ont été tués plus tard, que NYOMBAYIRE intervient et<br />
dit que le prévenu <strong>de</strong>vrait connaître Alfred HAGUMA car celui-ci était un handicapé<br />
physique qui habitait près <strong>de</strong> chez NYOMBAYIRE et que son corps, ainsi que celui <strong>de</strong><br />
SENDARASI, ont été jetés dans les latrines par le sergent BARAYAGWIZA, qu’interrogé<br />
sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>du</strong> coauteur <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA qui est encore en vie,<br />
NYOMBAYIRE cite le nommé Népo alias CDR ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi selon lui NYOMBAYIRE le cite parmi ceux qui<br />
l’ont blessé, le sergent BARAYAGWIZA dit que NYOMBAYIRE a été blessé en son<br />
absence, qu’il le met en cause sur incitation <strong>de</strong> ses voisins avec lesquels il a <strong>de</strong>s litiges se<br />
rapportant à sa maison, qu’il poursuit en disant qu’il y a lieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au nommé Népo<br />
qui est détenu à GIKONDO s’il le connaît ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le litige relatif à la maison <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA,<br />
NYOMBAYIRE dit qu’elle n’a subi aucun dégât matériel et qu’elle est occupée par un tiers<br />
non rescapé <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, qu’il ne se pose aucun problème y relatif ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin BAYIHORERE Idrissa fils <strong>de</strong> HITIMANA Issa et MWANAHARUSI,<br />
né en 1966 à NYARUGENGE, préfecture <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> KIGALI, marié à UMUREREHE<br />
Rehema, père <strong>de</strong> 4 enfants, chauffeur, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, est appelé<br />
à la barre ;<br />
341<br />
29 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le témoin va dire au Tribunal ce qu’il sait sur les<br />
entraînements militaires que le sergent BARAYAGWIZA a dispensés aux gens ainsi que sur<br />
les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> ses voisins ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir quand il a fait la connaissance <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA, BAYIHORERE répond qu’il l’a vu au cours <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> en date <strong>du</strong><br />
07/04/1994 après la mort <strong>de</strong> l’ex-Prési<strong>de</strong>nt HABYARIMANA juste au moment où les<br />
militaires ont déclenché les tueries, que le sergent BARAYAGWIZA, portant une épée, est<br />
passé <strong>de</strong>vant son domicile en compagnie <strong>de</strong>s militaires dont <strong>de</strong>ux gendarmes armés <strong>de</strong> fusils,<br />
et qu’il a appris dans la soirée que ces militaires avaient tué <strong>de</strong>s victimes ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît lui aussi Idrissa BAYIHORERE, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond l’avoir connu au cours <strong>de</strong> la guerre car il était son voisin, qu’il dit<br />
que c’est à cette époque qu’il a fait connaissance <strong>de</strong> la majorité <strong>de</strong> ses voisins ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité d’autres personnes qui se déplaçaient en compagnie <strong>du</strong>
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
sergent BARAYAGWIZA, BAYIHORERE répond qu’il l’a vu plus tard avec les jeunes<br />
hommes qu’il avait entraînés en mai ou juin 1994, qu’il ne sait pas bien quelle a été la <strong>du</strong>rée<br />
<strong>de</strong> ces entraînements mais qu’ils ont <strong>du</strong>ré plusieurs jours car ils se déroulaient à l’école<br />
primaire qui se trouve en face <strong>de</strong> son domicile si bien qu’il pouvait les remarquer ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s indivi<strong>du</strong>s qui ont été entraînés par le sergent<br />
BARAYAGWIZA, il dit que ce sont DEBANDE, NSHIMIYE, MACUMU et d’autres, qu’à<br />
la question posée au Sgt BARAYAGWIZA <strong>de</strong> savoir s’il connaît les personnes ci-avant<br />
citées, il répond par l’affirmative mais dit qu’il ne les a pas entraînées et qu’elles faisaient au<br />
contraire partie <strong>du</strong> groupe <strong>de</strong> Népo alias CDR ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a vu le sergent BARAYAGWIZA dans d’autres<br />
attaques, Idrissa BAYIHORERE dit qu’une attaque a été menée au domicile <strong>de</strong> KALISA où<br />
la fusilla<strong>de</strong> a <strong>du</strong>ré trois jours, attaque au cours <strong>de</strong> laquelle l’épouse <strong>de</strong> KALISA et ses enfants<br />
ont été tués, qu’il a alors appris que le sergent BARAYAGWIZA en faisait partie car il est<br />
passé <strong>de</strong>vant son domicile en se rendant sur les lieux <strong>de</strong> l’attaque en compagnie <strong>de</strong> jeunes<br />
hommes, <strong>de</strong> GITENGE et <strong>de</strong> Népo ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur ce qu’il sait à propos <strong>du</strong> surnom SHITANI, il dit avoir enten<strong>du</strong><br />
BARAYAGWIZA s’en prévaloir au cours <strong>de</strong> la guerre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il ne connaissait pas KALISA mais qu’il a<br />
appris que son domicile a été attaqué par le bataillon HUYE et que <strong>de</strong>s combats ont eu lieu<br />
car KALISA était armé <strong>de</strong> fusil si bien qu’il a même fallu l’intervention d’un véhicule blindé,<br />
que ce sont les militaires <strong>du</strong>dit bataillon qui ont tué les victimes dont il est question ;<br />
30 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur ce qu’il sait <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> la mort d’Edouard<br />
NDENGEYINGOMA, BAYIHORERE dit que celui-ci n’était pas son voisin mais que,<br />
comme BAYIHORERE habite à proximité d’un chemin très fréquenté, il a vu <strong>de</strong>s gens passer<br />
vers le 14 ou le 15/04/1994 en disant qu’ils allaient en renfort car il y avait <strong>de</strong>s gens qui<br />
résistaient et qui <strong>de</strong>vaient être tués, que BARAYAGWIZA, Emmanuel et DEBANDE<br />
faisaient partie <strong>de</strong> ces malfaiteurs, qu’il a appris dans la soirée qu’ils avaient tué Edouard et<br />
ses petits frères, qu’il les a vus quand ils se rendaient chez ce <strong>de</strong>rnier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit ne rien savoir concernant l’épouse d’Edouard mais qu’il a enten<strong>du</strong> à cette<br />
époque le nommé GITENGE qui était membre <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> crise dire qu’il y a une dame que<br />
le sergent BARAYAGWIZA a forcée à cohabiter avec lui, qu’il l’a vue effectivement par la<br />
suite, mais que ce n’est qu’après la guerre qu’il a appris qu’elle était l’épouse d’Edouard ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir quelles étaient les attributions <strong>du</strong> comité <strong>de</strong> crise, il répond<br />
ne pas le savoir bien mais que, après avoir observé ses activités, il a constaté que ledit comité<br />
avait pour mission <strong>de</strong> commettre <strong>de</strong>s tueries sélectives en fonction <strong>de</strong> l’ethnie <strong>de</strong>s victimes,<br />
qu’il ne connaît que GITENGE parmi ses membres ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir sur quel front le sergent BARAYAGWIZA est allé se<br />
battre, il répond que l’intéressé était un militaire, qu’il est arrivé une fois vers 20 heures, vêtu<br />
d’une chemise militaire et portant un fusil, disant qu’il venait <strong>de</strong> se battre avec les Inyenzi,<br />
que souvent les tueurs, quand ils allaient commettre leurs forfaits, disaient qu’ils allaient au<br />
342
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
champ <strong>de</strong> bataille ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’attaque qui a eu lieu au domicile <strong>de</strong> NYOMBAYIRE Sixte, il<br />
répond que les faits se sont passés à l’aube aux environs <strong>de</strong> 4 heures <strong>du</strong> matin, qu’il a vu les<br />
nommés BIHINJIRI, MACUMU et DEBAND pousser <strong>de</strong>s cris en disant à leurs acolytes<br />
d’amener un militaire pour les épauler, qu’il a compris qu’il s’agissait <strong>de</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA et que c’est pourquoi il l’implique dans cette attaque ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que les nommés Vianney et Paul ont fui <strong>de</strong> KIMISAGARA et ont cherché<br />
refuge à CYAHAFI, que les tueurs les y ont poursuivis en disant qu’ils allaient partir en<br />
compagnie <strong>de</strong> leur chef en la personne <strong>de</strong> Sergent BARAYAGWIZA, qu’ils ont tué Paul sur<br />
le terrain et l’ont dépecé, tandis que Vianney a été tué sur le pont ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il connaît Idrissa car ils passaient les<br />
journées ensemble là où ils habitaient si bien qu’il a assisté aux attaques qui y ont été menées,<br />
qu’il allait <strong>de</strong>s fois chez lui mais qu’il ment quand il le charge <strong>de</strong> participation aux attaques<br />
car il était au contraire lui aussi victime d’attaques ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> considérer le témoignage <strong>de</strong><br />
BAYIHORERE comme faisant foi car le sergent BARAYAGWIZA dit lui-même que<br />
BAYIHORERE a assisté à toutes les attaques ;<br />
343<br />
31 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été lui aussi victime <strong>de</strong>s attaques <strong>de</strong> ces<br />
hommes dont parle BAYIHORERE, que celui-ci <strong>de</strong>vrait plutôt indiquer l’arme que<br />
BARAYAGWIZA avait lors <strong>de</strong> l’attaque au domicile d’Edouard, qu’en réplique<br />
BAYIHORERE dit avoir effectivement enten<strong>du</strong> ces hommes dire qu’ils allaient voir un<br />
militaire qui allait partir avec eux, qu’il l’a alors vu en leur compagnie après qu’ils venaient<br />
<strong>de</strong> traverser, que le sergent BARAYAGWIZA portait un pantalon jeans mais qu’il n’a pas pu<br />
i<strong>de</strong>ntifier l’arme qu’il avait ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir ce qu’il faisait dès lors qu’il affirme qu’il n’a pas<br />
recherché les victimes et qu’il n’était par ailleurs pas pourchassé, alors qu’il est <strong>de</strong> notoriété<br />
publique que tous les jeunes hommes qui n’étaient pas recherchés étaient emmenés pour<br />
commettre les tueries, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’en avril et mai 1994, ils passaient<br />
les journées à la maison sans occupation et que dans la soirée, ils allaient faire les ron<strong>de</strong>s à<br />
l’école primaire pour se protéger contre une éventuelle attaque, qu’Idrissa était toujours avec<br />
eux, qu’ils étaient environ 8 à passer la nuit assis à cet endroit, munis d’un fusil appartenant à<br />
UWIMANA, qu’ils regagnaient la maison dès que le jour se levait ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi ils n’ont pas veillé sur les personnes qui ont été<br />
tuées à cette époque, il répond ignorer quand les victimes sont mortes dans son quartier et<br />
que leurs moyens étaient insuffisants, qu’il n’a pas été témoin d’attaques menées <strong>du</strong>rant la<br />
nuit et qu’ils surveillaient ceux qui pourraient commettre <strong>de</strong>s tueries ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir combien <strong>de</strong> fois ils se sont affrontés avec les
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Interahamwe, il dit que <strong>de</strong>s attaques n’ont pas été menées pendant la nuit, que par ailleurs,<br />
<strong>du</strong>rant la journée, le nommé UWIMANA qui se rendait au service à la radio emportait le<br />
fusil ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’IDRISSA dit que le sergent BARAYAGWIZA prétend qu’ils passaient la journée<br />
à la maison alors que le prévenu n’était jamais chez lui, que même les ron<strong>de</strong>s dont il parle<br />
n’ont pas eu lieu dans leur quartier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les personnes qui étaient pourchassées dans son quartier, il répond<br />
que ce sont les Tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment les Tutsi ont eu peur <strong>de</strong> participer aux<br />
entraînements militaires mais ont accepté <strong>de</strong> faire les ron<strong>de</strong>s, le sergent BARAYAGWIZA dit<br />
que c’est parce que le fusil qu’avait UWIMANA leur inspirait confiance et qu’ils étaient avec<br />
eux et ne les quittaient pas, qu’à celle <strong>de</strong> savoir où ils les trouvaient pour les emmener faire<br />
les ron<strong>de</strong>s, il dit qu’ils sont restés chez eux jusqu’à la fin <strong>de</strong> la guerre et qu’ils <strong>de</strong>vaient veiller<br />
eux-mêmes à leur sécurité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il n’était pas pourchassé mais qu’il a accepté <strong>de</strong> faire les ron<strong>de</strong>s avec les<br />
gens qui l’étaient parce qu’ils en avaient pris l’initiative et étaient <strong>de</strong>s voisins, qu’il ne<br />
pouvait donc pas s’y refuser, que cela était fait à l’insu <strong>du</strong> conseiller, que les nommés Marcel,<br />
Idrissa, KAREMERA, UWIMANA et Félicien participaient également à ces ron<strong>de</strong>s ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi Idrissa a eu connaissance <strong>de</strong>s attaques qui ont eu<br />
lieu mais que lui n’en a rien su alors qu’ils passaient leurs journées ensemble, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond que c’est parce qu’il ne connaissait pas les gens qui habitaient dans<br />
ce quartier tandis qu’Idrissa les connaissait tous car c’est là qu’il est né, qu’ils ne se sont<br />
d’ailleurs jamais entretenus au sujet <strong>de</strong>s victimes qui étaient tuées ;<br />
344<br />
32 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir quand il a appris la mort <strong>de</strong> François, Idrissa dit<br />
que c’est après environ une heure car ils étaient voisins, leurs habitations étant séparées par<br />
une distance <strong>de</strong> 150 ou 200 mètres ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la date à laquelle Agnès est arrivée chez lui, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit que c’est au début <strong>du</strong> mois <strong>de</strong> mai 1994, que l’Auditeur militaire dit<br />
qu’il ment car, Edouard étant mort au début d’avril 1994, Agnès a été immédiatement<br />
emmenée, et que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas tardé à la con<strong>du</strong>ire chez lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à expliquer les entraînements militaires que dispensait le sergent<br />
BARAYAGWIZA, Idrissa dit qu’ils ont eu lieu <strong>de</strong> la mi-avril au mois <strong>de</strong> juin 1994 à l’école<br />
primaire et au bureau <strong>du</strong> secteur, que les participants commençaient à l’aube par une course<br />
d’échauffement et faisaient d’autres exercices militaires, qu’il s’agissait <strong>de</strong>s miliciens <strong>de</strong> la<br />
CDR et Interahamwe dont les chefs étaient Népo et Rose KARUSHARA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pourquoi il n’a pas incorporé BAYIHORERE parmi les<br />
personnes à entraîner, le sergent BARAYAGWIZA répond que la liste <strong>de</strong>s participants lui a
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
été remise par le conseiller, qu’il ne lui revenait donc pas <strong>de</strong> le faire inscrire ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à décrire les circonstances <strong>de</strong> l’attaque dont il a parlé et qui a eu lieu vers 4<br />
heures <strong>du</strong> matin, BAYIHORERE dit qu’elle était composée <strong>de</strong>s jeunes hommes que le sergent<br />
BARAYAGWIZA entraînait, qu’ils sont allés chez NYOMBAYIRE mais que celui-ci s’est<br />
défen<strong>du</strong> et que ces assaillants ont fui vers la route en disant qu’ils vont requérir l’intervention<br />
d’un militaire qui habitait près <strong>de</strong> là pour qu’il les ai<strong>de</strong>, qu’il a alors compris qu’il s’agissait<br />
<strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me KOFFI relève que BAYIHORERE a dit que le sergent BARAYAGWIZA<br />
aurait participé à quatre attaques et qu’il l’a vu une fois <strong>de</strong> la fenêtre, qu’il <strong>de</strong>vrait également<br />
préciser où il se trouvait quand il l’a vu lors d’autres attaques, que BAYIHORERE répond<br />
qu’il habitait à proximité <strong>du</strong> chemin et qu’il l’a vu se rendre chez KALISA, chez François et<br />
au terrain <strong>de</strong> football ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la <strong>de</strong>stination <strong>du</strong> fusil qu’il avait, le sergent BARAYAGWIZA<br />
répond l’avoir remis aux militaires avec les vingt cartouches, précisant n’avoir tiré aucun<br />
coup <strong>de</strong> feu ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la date <strong>de</strong> l’attaque qui a été menée au domicile <strong>de</strong> KALISA,<br />
BAYIHORERE dit qu’elle a eu lieu le 09/04/1994 après celle qui a été menée chez François<br />
le 7/4/1994, que le sergent BARAYAGWIZA dit quant à lui avoir seulement appris que<br />
KALISA a été tué ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir quand il a repris une tenue militaire et pourquoi on la lui a<br />
donnée, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’Idrissa qui le dit ment, mais qu’il reconnaît<br />
avoir eu un fusil ;<br />
33 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que les heures <strong>de</strong> service sont épuisées, que l’audience est reportée au 12/11/1998 à 9<br />
heures <strong>du</strong> matin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les parties comparaissent à cette date, le prévenu étant assisté par Me Ferdinand<br />
NZEPA ayant pour interprète MUKAGIRIMANA Boniface ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA présente un écrit qu’il dit servir <strong>de</strong> preuve qu’il<br />
n’habitait pas à KIMISAGARA en 1993, voulant par là démentir NYOMBAYIRE qui a<br />
affirmé que c’est au cours <strong>de</strong> cette année qu’il a entraîné les gens à KIMISAGARA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit qu’il y a un autre témoin nommé MUKAZITONI<br />
Donatille qui va témoigner sur les circonstances dans lesquelles le sergent BARAYAGWIZA<br />
a donné <strong>de</strong>s entraînements militaires et est allé au front, ainsi que celles dans lesquelles il a<br />
forcé une dame à cohabiter avec lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAZITONI Donatille fille <strong>de</strong> Narcisse NYAKAYONGA et<br />
NYIRABAGENI, née en 1958 à SHYORONGI, préfecture <strong>de</strong> KIGALI-NGALI, mariée à<br />
GASHUMBA Marcel, mère <strong>de</strong> 3 enfants, possédant une maison et un véhicule, sans<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, décline son i<strong>de</strong>ntité et prête serment <strong>de</strong> dire la vérité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle dit qu’elle connaît le prévenu car ils étaient <strong>de</strong>s voisins, que leurs enclos<br />
345
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
étaient mitoyens si bien que leurs maisons n’étaient séparées que par 5 mètres environ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment elle a su que le sergent BARAYAGWIZA<br />
donnait <strong>de</strong>s entraînements militaires, elle répond l’avoir appris <strong>de</strong> GITENGE chez qui elle se<br />
cachait et qui le lui a dit, qu’elle n’en a pas été témoin oculaire mais qu’on disait que ceux qui<br />
participaient à ces entraînements sont DEBANDE, NSHIMIYE et d’autres jeunes gens qui<br />
<strong>de</strong>vaient aller au front ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en réponse à la question <strong>de</strong> savoir si elle a connaissance <strong>de</strong>s actes que ces gens<br />
auraient commis, elle répond qu’ils se sont livrés à <strong>de</strong>s tueries et que les nommés KALISA,<br />
François, Alexis et un autre voisin dont elle a oublié le nom font partie <strong>de</strong> leurs victimes,<br />
qu’elle se souvient bien que François a été attaqué le 07/04/1994 à 15 heures ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’endroit où se trouvait le sergent BARAYAGWIZA à ce moment,<br />
elle répond qu’elle l’ignore car elle se cachait chez son voisin GITENGE, qu’invitée à<br />
expliciter les circonstances <strong>de</strong>s meurtres <strong>de</strong> ces victimes dont il est question, elle dit qu’elles<br />
ont été tuées au cours <strong>de</strong>s attaques auxquelles ces indivi<strong>du</strong>s qui avaient reçu les entraînements<br />
prenaient part, ils étaient nombreux à prendre part, qu’elle déclare ne pas avoir connaissance<br />
<strong>de</strong>s attaques que le sergent BARAYAGWIZA aurait repoussées ;<br />
34 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si, à sa connaissance, BARAYAGWIZA faisait la ron<strong>de</strong><br />
nocturne, MUKAZITONI répond par la négative parce que, précise-t-elle, elle ne sortait pas<br />
<strong>de</strong> la maison et qu’elle ne le voyait pas souvent, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si, à sa<br />
connaissance, le sergent BARAYAGWIZA aurait porté atteinte à certaines personnes, elle<br />
répond qu’il a violé une fille, qu’elle ajoute néanmoins que malgré que BARAYAGWIZA la<br />
trouvait souvent chez GITENGE et qu’il savait que son mari se cachait à CYAHAFI, il ne<br />
leur a rien fait <strong>de</strong> mal et qu’à un certain moment la famille GITENGE qui lui avait accordé le<br />
refuge l’avait renvoyé à son domicile pour la protéger sur place;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si le sergent BARAYAGWIZA était armé d’un fusil<br />
lorsqu’il venait chez GITENGE, elle répond qu’elle ne l’a pas vu en possession d’un fusil<br />
parce qu’il ne venait pas chez GITENGE pour les attaquer, qu’elle ajoute cependant que le<br />
sergent BARAYAGWIZA était <strong>de</strong> connivence avec les autres tueurs sur ce qui se passait ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir le moment auquel la fille que BARAYAGWIZA a violée<br />
est arrivée chez ce <strong>de</strong>rnier, elle répond qu’elle l’a seulement vue là-bas mais qu’elle ne saurait<br />
déterminer le moment auquel elle y est arrivée, qu’elle précise cependant que cette fille l’a<br />
quitté peu avant la fin <strong>de</strong> la guerre, qu’elle poursuit en disant que le sergent Ildéphonse<br />
BARAYAGWIZA n’a plus parlé à personne dès qu’il a commencé à aller au front, qu’elle<br />
pense qu’il rentrait tard dans la nuit puisqu’il avait un véhicule à sa disposition, qu’il était<br />
encore chez lui le 04/07/1994, et que lorsque les autres ont pris fuite MUKAZITONI et les<br />
siens se sont enfermés dans leur maison ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment elle a su que le sergent BARAYAGWIZA est<br />
allé au front, elle répond qu’elle a enten<strong>du</strong> les gens dire qu’il est allé au front vers le<br />
20/06/1994, que s’agissant <strong>de</strong> la fille que BARAYAGWIZA a violée, MUKAZITONI dit<br />
qu’elle avait l’habitu<strong>de</strong> d’aller voir cette fille et qu’elles causaient <strong>de</strong>vant la maison;<br />
346
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir <strong>de</strong>puis quelle date le sergent BARAYAGWIZA est <strong>de</strong>venu<br />
son voisin, elle répond qu’elle ne s’en souvient pas, mais qu’elle se rappelle qu’elle a habité<br />
dans ce quartier avant le sergent BARAYAGWIZA qui ne s’y est installé que <strong>de</strong>puis 1992,<br />
qu’interrogée sur le comportement <strong>de</strong> GITENGE pendant le génoci<strong>de</strong>, elle répond qu’elle a le<br />
sentiment qu’il ne s’est pas bien comporté parce qu’elle le voyait souvent partir et collaborer<br />
avec les meurtriers, qu’en plus il tenait toujours compagnie au sergent BARAYAGWIZA<br />
pendant la journée, que GITENGE partait souvent la nuit et que <strong>de</strong> retour il énumérait les<br />
noms <strong>de</strong> ses victimes telles que la famille KALISA, la famille GATETE et d’autres victimes<br />
dont elle ne se rappelle plus les noms, qu’elle précise enfin que la responsabilité <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA est engagée dans ces assassinats ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît GITENGE, le sergent BARAYAGWIZA<br />
répond qu’il le connaît et qu’ils sont <strong>de</strong>s voisins, que cependant il ne connaissait pas les autres<br />
personnes qui étaient ses voisins, qu’il a pu en connaître quelques-unes à l'occasion <strong>de</strong>s<br />
malheureux événements qui sont survenus dans le pays, qu’interrogé au sujet <strong>de</strong> ses amis<br />
auxquels il avait l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> tenir compagnie, il répond qu’il ne partageait à boire avec<br />
personne et qu’il ne tenait compagnie à personne, que ses voisins et lui-même passaient leur<br />
journée à ne rien faire et que, la nuit tombée, il faisait la ron<strong>de</strong> nocturne avec HARUNA,<br />
IDRISSA, GITENGE, le mari <strong>de</strong> MUKAZITONI, FELICIEN et UWIMANA, que<br />
MUKAZITONI est au courant <strong>de</strong>s attaques qui ont été menées chez CARITAS, chez<br />
MUKAZITONI et ailleurs et qu’ils ont pu les contenir, qu’ils ont gardé les biens <strong>de</strong><br />
MUKAZITONI et que celle-ci a d’ailleurs pu récupérer tous ces biens après les événements,<br />
qu’ils disaient à MUKAZITONI et à son mari <strong>de</strong> rester sur place et leur assuraient qu’aucun<br />
mal ne leur arriverait, surtout que lorsque UWIMANA ne se rendait pas à son travail leur<br />
sécurité était assurée parce que ce <strong>de</strong>rnier avait un fusil et pouvait les protéger ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les faits que GITENGE aurait commis, le sergent BARAYAGWIZA<br />
répond qu’il n’en sait rien à moins que GITENGE ait commis ces faits en son absence au<br />
début <strong>de</strong> la guerre, et que MUKAZITONI sait bien qu’il n’était pas là à ce moment-là ;<br />
347<br />
35 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle a su que le sergent BARAYAGWIZA faisait partie<br />
<strong>de</strong>s meurtriers qui ont attaqué le domicile <strong>de</strong> NYUMBAYIRE, MUKAZITONI déclare que ce<br />
<strong>de</strong>rnier fut attaqué à l’aube aux environs <strong>de</strong> 4 heures <strong>du</strong> matin, qu’elle ne connaît pas les<br />
assaillants qui ont mené cette attaque et qu’elle ignore si le sergent BARAYAGWIZA en<br />
faisait partie, qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA se trouvait à son domicile aux<br />
dates <strong>du</strong> 7, 8, 9/04/1994 car elle lui a confié ses biens le 08/04/1994 après s’être réfugiée<br />
chez GITENGE le 07/04/1994 et que même le domestique <strong>de</strong> BARAYAGWIZA a <strong>de</strong>mandé<br />
à celui-ci à qui ces biens appartenaient ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit que MUKAZITONI lui a confié ses biens le<br />
13/04/1994, qu’en plus il n’est pas allé au front, qu’il s’est plutôt ren<strong>du</strong> chez sa sœur où il a<br />
participé a l’inhumation <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux enfants <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière qui avaient succombé aux éclats<br />
d’un obus qui était tombé chez eux, qu’il y est resté pendant plusieurs jours, qu’il n’a jamais<br />
possédé un véhicule surtout qu’il ne pouvait garer ce véhicule nulle part chez lui faute <strong>de</strong><br />
place ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la personne qui vivait chez le sergent
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
BARAYAGWIZA à l’exception <strong>de</strong> la fille qui vivait avec lui par force, MUKAZITONI<br />
répond qu’elle ne se rendait pas souvent chez lui mais déclare avoir enten<strong>du</strong> dire que la sœur<br />
<strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA y vivait également, qu’interrogée sur les dimensions <strong>de</strong> la<br />
maison <strong>de</strong> BARAYAGWIZA et les circonstances dans lesquelles il a vécu avec cette fille,<br />
elle répond qu’il s’agit d’une maison <strong>de</strong> taille moyenne, que cette fille vivait avec<br />
BARAYAGWIZA contre son gré, que cependant elle a le sentiment qu’il la violait<br />
puisqu’après la guerre elle a appris que BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong> avaient tué le mari <strong>de</strong><br />
cette fille ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à préciser la date à laquelle il s’est installé à KIMISAGARA, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond qu’il a habité ce quartier à partir <strong>de</strong> janvier 1994 mais qu’il avait<br />
commencé les travaux <strong>de</strong> construction en juin ou juillet 1993 pour les achever en décembre<br />
1993 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAZITONI réplique en disant que BARAYAGWIZA ne dit pas la vérité car<br />
il avait acheté cette parcelle <strong>de</strong>puis longtemps et avait démarré les travaux <strong>de</strong> construction<br />
directement après l’avoir achetée, qu’invitée à dévoiler les noms <strong>de</strong> ceux auxquels il a acheté<br />
cette parcelle car ils ne sont même pas mentionnés dans le contrat d’achat, elle répond que<br />
BARAYAGWIZA l’a achetée au vieux HARUNA, que lors <strong>de</strong> la conclusion <strong>de</strong> cette vente<br />
BARAYAGWIZA était avec sa sœur <strong>de</strong> sorte qu’elle ne se rappelle plus celui qui a contracté<br />
entre les <strong>de</strong>ux ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le Tribunal rappelle au sergent BARAYAGWIZA qu’il a déclaré avoir fait<br />
connaissance <strong>de</strong> MUKAZITONI pendant le génoci<strong>de</strong>, mais que celle-ci a pourtant apposé sa<br />
signature sur ledit contrat d’achat en qualité <strong>de</strong> témoin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit que concernant la conclusion <strong>du</strong>dit contrat il a<br />
mandaté sa femme et que c’est celle-ci qui l’a signé, que contrairement aux affirmations <strong>de</strong><br />
MUKAZITONI il ne s’agit donc pas <strong>de</strong> sa sœur;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à dire si elle aurait subi une quelconque contrainte lors <strong>de</strong> l’établissement<br />
<strong>de</strong>s procès-verbaux <strong>de</strong> son audition, MUKAZITONI répond par la négative ;<br />
348<br />
36 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire rappelle au Tribunal que le sergent BARAYAGWIZA a fait<br />
<strong>du</strong> bien à MUKAZITONI en acceptant <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r ses biens, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le procès<br />
verbal <strong>de</strong> MUKAZITONI qui porte le n°2 soit pris en considération car elle a affirmé savoir<br />
que le sergent BARAYAGWIZA dispensait <strong>de</strong>s entraînements militaires aux gens, qu’il a<br />
vécu avec une femme par force et qu’il est allé au front, qu’elle a ensuite cité les personnes<br />
qui étaient souvent en compagnie <strong>de</strong> BARAYAGWIZA notamment le mari <strong>de</strong> Donatille,<br />
même si cette <strong>de</strong>rnière soutient que son mari restait terré dans sa cachette ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAZITONI Donatille dit que BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong> allaient<br />
chercher son mari à CYAHAFI quand ils voulaient pour faire la ron<strong>de</strong> et qu’ils le laissaient<br />
rentrer quand ils estimaient cela nécessaire, qu’ils disaient que toutes ces opérations avaient<br />
pour but d’assurer la sécurité <strong>de</strong> leur quartier ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les motivations <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA lorsqu’il a suivi<br />
NYOMBAYIRE au Centre Hospitalier <strong>de</strong> Kigali, elle répond que ceux qui l’ont suivi là-bas
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
sont les mieux indiqués pour répondre à cette question, qu’elle ne saurait dire s’ils voulaient<br />
le tuer ou simplement lui rendre visite ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire soutient que le mari <strong>de</strong> MUKAZITONI que<br />
BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong> emmenaient faire la ron<strong>de</strong> quand ils le voulaient, informait son<br />
épouse <strong>de</strong> ce qu’ils faisaient au cours <strong>de</strong> cette ron<strong>de</strong>, qu’en plus MUKAZITONI a l’air d’être<br />
mal à l’aise <strong>de</strong>vant le Tribunal parce qu’elle doit témoigner <strong>de</strong>vant le sergent<br />
BARAYAGWIZA qui l’a protégée et qui a protégé son mari et ses biens , qu’ainsi seul le<br />
procès-verbal établi lors <strong>de</strong> son interrogatoire par le parquet doit faire foi et que dans le cas<br />
contraire le prévenu doit quitter la salle pour permettre au témoin <strong>de</strong> déposer à son aise ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le contrat d’achat que le sergent BARAYAGWIZA a pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong>vant le<br />
Tribunal ne <strong>de</strong>vrait pas faire foi dès lors que son nom n’y est pas mentionné et que la date à<br />
laquelle il s’est installé à KIMISAGARA ne s’y trouve pas mentionnée non plus, qu’en plus il<br />
s’avère que la date et le mot ″ KIMISAGARA″ mentionnés dans ledit contrat y ont été insérés<br />
par la suite, que par conséquent le Tribunal ne saurait les prendre en compte car ils ne se<br />
trouvent pas sur la même ligne que le texte original ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si son mari est encore en vie, MUKAZITONI répond par<br />
l’affirmative, qu’interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas l’entendre, l’Auditeur<br />
militaire répond qu’il peut être interrogé si cela s’avère nécessaire, que néanmoins rien ne<br />
justifiait son audition au cours <strong>de</strong> l’instruction, qu’étant donné la composition <strong>de</strong> la famille,<br />
l’officier public qui était chargé <strong>de</strong> l’enquête a trouvé MUKAZITONI à son domicile et a<br />
estimé que son audition était amplement suffisante ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAZITONI déclare que toutes les informations dont elle dispose lui ont été<br />
rapportées par GITENGE, que celui-ci lui a notamment dit que le sergent BARAYAGWIZA<br />
est allé au front, qu’il s’est également ren<strong>du</strong> en ville pour voir NYOMBAYIRE, qu’elle<br />
voudrait que les déclarations qu’elle a faites au cours <strong>de</strong>s ses différents interrogatoires fassent<br />
foi ;<br />
349<br />
37 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’avocat <strong>de</strong> la défense fait remarquer qu’à la question <strong>de</strong> l’Auditeur militaire<br />
consistant à savoir si le témoin aurait subi une quelconque contrainte lors <strong>de</strong> sa déposition,<br />
celui-ci a répon<strong>du</strong> par la négative, qu’il poursuit en disant qu’il est <strong>de</strong> notoriété publique que<br />
le témoin ne peut témoigner que <strong>de</strong> ce qu’il a vu, que s’agissant <strong>du</strong> contrat d’achat qui a été<br />
évoqué, il est très facile d’interroger toutes les personnes qui y sont mentionnées pour<br />
éclaircir les points obscurs ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il est compréhensible et évi<strong>de</strong>nt que le témoin n’a rien vu, que pourtant<br />
<strong>de</strong>puis trente minutes on voudrait lui faire dire qu’il a vu quelque chose alors qu’en réalité il<br />
n’a pas vu le véhicule dont on parle, comme il n’a pas été témoin <strong>de</strong> l’enlèvement d’Agnès ni<br />
été au front pour voir ce qui s’y passait, qu’il continue en disant que le témoin reconnaît avoir<br />
pu i<strong>de</strong>ntifier la personne qui dispensait <strong>de</strong>s entraînements militaire aux gens, qu’il appartient<br />
au Ministère Public <strong>de</strong> bien interroger le témoin afin d’avoir toutes les informations dont il a<br />
besoin et qu’en cas <strong>de</strong> défaillance <strong>de</strong> la part <strong>du</strong> Ministère public, son client ne saurait en être<br />
blâmé ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit qu’il n’est pas d’accord avec les propos <strong>du</strong> conseil <strong>de</strong><br />
BARAYAGWIZA et fait observer que le Tribunal aurait réagi s’il avait constaté que le<br />
témoin avait subi une certaine contrainte surtout que le témoin lui-même <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le<br />
procès-verbal <strong>de</strong> son audition fasse foi, qu’en plus le dossier a été instruit dans la langue que<br />
l’avocat <strong>de</strong> la défense ne comprend pas, que concernant l’infraction <strong>de</strong> viol, le témoin ne<br />
pouvait pas savoir ce qui se passait à l’intérieur <strong>de</strong> la maison, que tout ce que le témoin sait<br />
est que le prévenu n’était pas marié à Agnès ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il poursuit en disant que le contrat d’achat n’a pas été pro<strong>du</strong>it par le Ministère<br />
Public et qu’ainsi celui-ci n’a pas pu préalablement analysé son contenu, qu’il n’a fait<br />
qu’exprimer ses préoccupations, lesquelles persistent d’ailleurs aujourd’hui quant à la date<br />
qui y est mentionnée, qu’il n’a pas <strong>de</strong>mandé que le prévenu sorte <strong>du</strong> prétoire car si tel avait<br />
été le cas le Tribunal aurait donné suite à cette requête, que néanmoins le Tribunal peut<br />
entendre le témoin à huis clos dans la mesure où cette procé<strong>du</strong>re est valable en matière <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit que <strong>de</strong>s réunions ont été organisées dans tous<br />
les secteurs en vue d’i<strong>de</strong>ntifier les personnes qui ont commis <strong>de</strong>s tueries pendant le génoci<strong>de</strong><br />
et qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> chercher les listes établies à cette occasion pour vérifier si<br />
son nom y est mentionné ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin cité par le sergent BARAYAGWIZA nommé MUKAMFIZI Thérèse<br />
fille <strong>de</strong> SHYIRAMBERE Basir et <strong>de</strong> KAMBUGU Marthe, née à NYARUGENGE/P.V.K. en<br />
1928, veuve, résidant à CHAHAFI-NYARUGENGE/ P.V.K., handicapée, sans biens et sans<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, est appelé à la barre et qu’il prête serment ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles elle a fait la connaissance <strong>du</strong><br />
sergent BARAYAGWIZA, le témoin MUKAMFIZI répond qu’elle l’a vu pour la première<br />
fois aujourd’hui dans le prétoire et qu’elle se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> elle aussi comment le sergent<br />
BARAYAGWIZA la connaît ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité cette vieille femme à sa décharge<br />
parce que le fils <strong>de</strong> celle-ci et lui se connaissaient, et que sa sœur UWIMANA est la<br />
voisine <strong>de</strong> cette femme;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à dire si elle connaît UWIMANA, MUKAMFIZI répond qu’elle la connaît<br />
et qu’on l’appelait ″Maman ERIC″, qu’elle ne connaît pas ses frères ni ses sœurs, que<br />
cependant UWIMANA lui disait qu’elle avait un frère dans l’armée ;<br />
350<br />
38 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin parce qu’il était le voisin<br />
<strong>de</strong> feu Edouard et qu’il estime qu’il pourrait être au courant <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> ce<br />
<strong>de</strong>rnier, qu’interrogée à ce sujet , MUKAMFIZI dit qu’elle habitait loin <strong>du</strong> domicile <strong>de</strong> feu<br />
Edouard, mais qu’elle le connaissait et qu’elle a enten<strong>du</strong> les gens dire qu’il se trouvait dans sa<br />
cachette lorsqu’il a été tué par les Interahamwe qu’elle ne connaît pas car, comme tout le<br />
mon<strong>de</strong> le sait, ces miliciens attaquaient en grand nombre ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaît l’épouse <strong>de</strong> feu Edouard, MUKAMFIZI<br />
répond qu’il y avait 4 ou 5 jours qu’elle s’était mariée lorsque un jeune homme qui était<br />
également son voisin et dont le nom pourrait être HATEGEKA l’a con<strong>du</strong>ite chez lui et a vécu
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
avec elle par force, qu’elle l’a su parce que ce jeune homme occupait illégalement une<br />
maison située à côté <strong>de</strong> son domicile à elle, que cependant elle ne saurait dire si c’est<br />
HATEGEKA qui a tué Edouard ou si HATEGEKA a tué <strong>de</strong>s gens ou s’il était un<br />
Interahamwe, <strong>de</strong> même qu’elle ne saurait dire pendant combien <strong>de</strong> temps HATEGEKA a vécu<br />
avec cette femme, que toutefois elle apprendra plus tard que cette femme a vécu avec un autre<br />
homme dans les mêmes conditions ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur l’endroit où ″Maman ERIC″ pourrait se trouver actuellement, elle<br />
répond que Maman ERIC a déménagé et qu’on ne la voit plus, qu’interrogée au sujet <strong>de</strong>s<br />
meurtriers <strong>de</strong> ses voisins, elle répond qu’elle ne les connaît pas, que cependant beaucoup <strong>de</strong><br />
gens ont été tués près <strong>de</strong> son domicile, que ces gens ont été tués par balles dans un tournant et<br />
qu’ils ont même enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question à lui posée par l’Auditeur militaire <strong>de</strong> savoir si l’un <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong><br />
sa famille n’aurait pas été persécuté pendant le génoci<strong>de</strong>, le témoin répond que sa belle-sœur<br />
a été emmenée à trois reprises à l’endroit où on con<strong>du</strong>isait les victimes pour les tuer,<br />
qu’interrogée sur la personne qui a pu la sauver, le témoin répond que c’est le sergent<br />
BARAYAGWIZA, que prenant la parole l’Auditeur militaire dit qu’il a posé ces questions<br />
pour exprimer ses inquiétu<strong>de</strong>s par rapport aux déclarations <strong>de</strong> ce témoin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le témoin précise à partir <strong>de</strong> quel moment il a<br />
per<strong>du</strong> la vue et que le témoin lui répond que cela s’est pro<strong>du</strong>it après la guerre, que l’Auditeur<br />
militaire fait observer que le sergent BARAYAGWIZA n’a cité à sa décharge que <strong>de</strong>s gens<br />
auxquels il a ren<strong>du</strong> service, qui le respectent et qui ne peuvent pas le dénoncer, que cela<br />
démontre qu’il avait le pouvoir <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la vie ou <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> quelqu’un, qu’il sauvait<br />
même la vie à ceux qui, tel <strong>du</strong> bétail à l’abattoir, étaient déjà arrivés là où on con<strong>du</strong>isait les<br />
victimes pour être exécutées, qu’il trouve que les déclarations <strong>de</strong> ce témoin ne <strong>de</strong>vraient pas<br />
faire foi dès lors que les propos qu’il a tenus au sujet <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA lui ont été<br />
rapportés et qu’il a refusé <strong>de</strong> dévoiler le nom <strong>de</strong> la personne qui a emmené Agnès, qu’il<br />
conclut son intervention en disant qu’il est <strong>de</strong> notoriété publique que le sergent<br />
BARAYAGWIZA a trempé dans la mort <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA Edouard;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il n’a pas sauvé la vie <strong>de</strong> la belle-fille<br />
<strong>de</strong> MUKAMFIZI dans la mesure où cette femme vivait chez sa sœur à lui lorsque le génoci<strong>de</strong><br />
est survenu et qu’elle y est restée pendant trois jours ;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAMFIZI déclare que sa belle-fille lui a dit qu’elle a été con<strong>du</strong>ite à trois<br />
reprises là où elle <strong>de</strong>vait être exécutée, que quelqu’un est intervenu et a empêché les<br />
meurtriers <strong>de</strong> la tuer et que cette personne qui lui a sauvé la vie lui a dit qu’elle était le frère<br />
<strong>de</strong> EPIPHANIE ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin afin qu’il explique la vie<br />
qu’Agnès a menée pendant sa séquestration et la manière dont il l’a aidée à quitter l’endroit<br />
où elle était séquestrée, qu’il aimerait que d’autres personnes qui sont au courant <strong>de</strong>s<br />
circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA soient enten<strong>du</strong>es puisque les informations<br />
qu’il détient à ce sujet lui ont été fournies par Agnès, laquelle a dit qu’il est mort le<br />
14/04/1994, date à laquelle BARAYAGWIZA ne se trouvait plus à CYAHAFI ;<br />
351<br />
39 ème feuillet.
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à citer les noms <strong>de</strong> sa belle-fille et <strong>de</strong> son mari, MUKAMFIZI répond que<br />
sa belle-fille s’appelle MUREBWAYIRE Immaculée tandis que son mari s’appelle HAMIMU<br />
BIHAL, qu’interrogée sur le nombre <strong>de</strong> frères <strong>de</strong> EPIPHANIE, elle répond qu’elle ne le<br />
connaît pas, tout comme elle ne connaît pas EPIPHANIE elle-même, qu’elle croit plutôt que<br />
son frère dont elle lui a parlé est le sergent BARAYAGWIZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il avait un frère qui habitait près <strong>de</strong> là, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond par la négative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaît le frère <strong>de</strong> MUKACYAKA surnommé<br />
″Jeune″, MUKAMFIZI répond qu’elle ne le connaît pas, qu’elle connaît plutôt ses <strong>de</strong>ux<br />
frères nommés KAYIRANGA et INNOCENT ainsi que son mari, MUKACYAKA étant<br />
originaire <strong>de</strong> GIKONGORO ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que la preuve que le sergent BARAYAGWIZA ne dit pas<br />
la vérité est notamment cette personne que le témoin appelle ″ Jeune ″ et qui n’est pourtant<br />
pas connue par ses voisins, qu’en plus le témoin a dit que le caporal HATEGEKA fait partie<br />
<strong>de</strong>s assaillants qui ont attaqué le domicile <strong>de</strong> Edouard, qu’il a ensuite vécu avec Agnès par<br />
force, que par ailleurs cette <strong>de</strong>rnière a connu le même sort avec quelqu’un d’autre dont<br />
l’i<strong>de</strong>ntité est restée inconnue, mais que cette personne est inévitablement BARAYAGWIZA<br />
qui était inconnu à cet endroit ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin MUKAMAZIMPAKA Mariane fille <strong>de</strong> BWANAKWELI Vincent et<br />
<strong>de</strong> NZAKAMWITA Ancille, née à KIMISAGARA/NYARUGENGE/P.V.K, en 1955, veuve,<br />
résidant à KIMISAGARA, cultivatrice, propriétaire d’une maison et sans antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires, est invitée à faire sa déposition et prête serment;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le témoin dit qu’il le<br />
connaît, qu’ils étaient <strong>de</strong>s voisins et que 500 mètres <strong>de</strong> distance séparaient leurs domiciles<br />
respectifs;<br />
Atten<strong>du</strong> que pour sa part le sergent BARAYAGWIZA déclare ne pas connaître<br />
MUKAMAZIMPAKA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire qui a fait citer le témoin <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que celui-ci dise si, à sa<br />
connaissance, le sergent BARAYAGWIZA a participé à <strong>de</strong>s attaques, que le témoin dit que le<br />
sergent BARAYAGWIZA a pris part à l’attaque qui a été menée chez TWAGIRAYEZU<br />
François et qui a coûté la vie à ce <strong>de</strong>rnier ainsi qu’à son fils, que le sergent BARAYAGWIZA<br />
qui était mécontent <strong>de</strong> ce que la femme <strong>de</strong> François avait pu s’enfuir avec le concours <strong>de</strong><br />
certaines personnes a laissé exploser sa colère en prenant à MUZEHE qui était avec lui le<br />
transistor qu’il avait et en le cassant, que le sergent BARAYAGWIZA était aussi en<br />
compagnie <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s fils <strong>du</strong> nommé KAZUNGU appelé "CDR", <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong> KARUSHARA<br />
et d’un militaire, que c’est KAZUNGU qui a rapporté cela au témoin et à d’autres personnes,<br />
qu’il leur a dit que le sort <strong>de</strong>s Tutsi était réglé et que ceux-ci allaient être exterminés, que<br />
prenant la parole l'Auditeur militaire dit que François a été tué par le sergent<br />
BARAYAGWIZA avec le concours d’un autre militaire, qu’il termine en disant que ce<br />
KAZUNGU dont parle le témoin est le neveu <strong>du</strong> mari <strong>de</strong> MUKAMAZIMPAKA ;<br />
352
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
353<br />
40 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que ce soir-là, BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong> ont attaqué le domicile <strong>de</strong><br />
KALISA et qu’ils se sont battus avec KALISA, que ce <strong>de</strong>rnier a pu venir à bout <strong>de</strong> ces<br />
assaillants après avoir blessé certains d’entre eux à la grena<strong>de</strong>, que face à cette résistance les<br />
assaillants ont sollicité le concours <strong>de</strong>s militaires <strong>de</strong> la Gar<strong>de</strong> Prési<strong>de</strong>ntielle, lesquels ont<br />
assassiné KALISA et massacré sa famille ainsi que les nombreuses personnes qui avaient<br />
trouvé refuge chez lui ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que par la suite le sergent BARAYAGWIZA, GITENGE et KAVAKURE<br />
ont coupé la bananeraie <strong>de</strong> KALISA et ont appris aux gens à manier les fusils pendant tout le<br />
mois <strong>de</strong> mai 1994, qu’ils leur dispensaient ces entraînements quotidiennement et à longueur<br />
<strong>de</strong> journée, que ces entraînements consistaient en <strong>de</strong>s culbutes qu’ils faisaient à travers les<br />
collines <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> KOVE, et que pendant ces entraînements le sergent<br />
BARAYAGWIZA avait un fusil et portait une chaîne <strong>de</strong> balles autour <strong>de</strong>s hanches ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> la nommée Maman CARINE, il<br />
répond que le mari <strong>de</strong> cette femme était originaire <strong>de</strong> CYANGUGU, que le sergent<br />
BARAYAGWIZA, KARUSHARA et le nommé ″ CDR ″ disaient qu’elle <strong>de</strong>vait mourir le<br />
28/05/1994, que cela lui a été rapporté par un Interahamwe appelé MUZEHE qui a dit que<br />
cette dame a proposé à ces meurtriers la somme <strong>de</strong> 60.000 Frw pour qu’ils la tuent par une<br />
seule balle, que cependant BARAYAGWIZA a refusé et a ordonné qu’elle soit tuée à coups<br />
<strong>de</strong> poignard, que c’est dans ces circonstances qu’elle a été tuée par HABYARIMANA<br />
originaire <strong>de</strong> RUHENGERI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les raisons qui ont con<strong>du</strong>it ces Interahamwe à leur rapporter ce qu’ils<br />
faisaient, le témoin répond que KAZUNGU était le neveu <strong>de</strong> son mari et que MUZEHE était<br />
le fils d’un voisin ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le moment auquel il a vu le sergent BARAYAGWIZA, le témoin<br />
répond qu’il l’a vu en 1993 puisque BARAYAGWIZA a acheté sa parcelle à HARUNA en<br />
1992 et s’y est installé en 1993 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA déclare n’avoir pas vu le procès-verbal d’audition<br />
<strong>de</strong> ce témoin dans le dossier, qu’il lui est néanmoins répon<strong>du</strong> que toutes les parties n’ont eu<br />
accès à ce procès-verbal qu’aujourd’hui et qu’il appartient au Tribunal <strong>de</strong> déterminer la valeur<br />
à lui accor<strong>de</strong>r, mais que cela ne peut toutefois pas l’empêcher <strong>de</strong> formuler ses observations à<br />
ce sujet;<br />
Atten<strong>du</strong> que BARAYAGWIZA dit que les propos <strong>du</strong> témoin sont mensongers dès lors qu’il<br />
n’a pas vu se commettre les faits dont il parle, qu’il trouve que ces faits ont été rapportés au<br />
témoin, qu’il continue en disant que le témoin soutient à tort qu’il a attaqué chez<br />
TWAGIRAYEZU, chez KALISA et chez Maman CARINE, qu’il affirme n’avoir pas été<br />
membre <strong>de</strong> la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> NEPO et que tous les témoins l’ont déchargé en disant qu’il n’en<br />
faisait pas partie;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît KAZUNGU et MUZEHE, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il connaît uniquement MUZEHE qu’il voyait parmi les assaillants,<br />
lesquels avaient l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s attaques dans leur quartier ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKAMAZIMPAKA dit qu’elle croyait que le sergent BARAYAGWIZA était<br />
un militaire encore en service, qu’il collaborait avec KAVAKURE qui est actuellement en<br />
détention et qui entraînait les gens à manier les fusils, que pour étayer ses dires elle dit que<br />
KAVAKURE a les doigts coupés mais précise qu’elle ignore où ce <strong>de</strong>rnier avait appris le<br />
maniement <strong>de</strong>s armes ;<br />
354<br />
41 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NZEPA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au témoin d’expliquer pourquoi elle a atten<strong>du</strong> si<br />
longtemps pour ne livrer son témoignage que le 27/10/1998, qu’elle répond qu’elle a atten<strong>du</strong><br />
le retour <strong>de</strong>s militaires pour porter plainte dans la mesure où elle était convaincue que<br />
François avait été tué par un militaire et qu’ensuite elle n’a pas su exactement à quel moment<br />
le sergent BARAYAGWIZA est revenu, qu’en réplique à cette déclaration,<br />
BARAYAGWIZA dit qu’après son retour il a rencontré Agnès dans un cabaret et qu’à cette<br />
occasion il a discuté avec HARUNA et IDRISSA au sujet <strong>de</strong> son lit;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Berna<strong>de</strong>tte KANZAYIRE dit que le sergent BARAYAGWIZA a<br />
préten<strong>du</strong> ne pas possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong> biens alors que le Tribunal a lui-même constaté qu’il en dispose à<br />
KIMISAGARA, que le sergent BARAYAGWIZA réagit en disant que ces biens<br />
appartiennent à sa femme et sont enregistrés au nom <strong>de</strong> celle-ci, qu’il ajoute cependant que sa<br />
femme et lui se sont mariés sous le régime <strong>de</strong> la communauté universelle <strong>de</strong>s biens ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à préciser l’endroit où sa femme se trouve actuellement, BARAYAGWIZA<br />
répond qu’en 1993 sa femme s’est ren<strong>du</strong>e à CYANGUGU avec pour objectif d’aller étudier à<br />
BUKAVU parce qu’elle avait une gran<strong>de</strong> famille à KADUTU et qu’elle étudiait<br />
habituellement au ZAIRE au collège ALFAJIRI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’ils se sont mariés en 1991 et qu’à cette époque elle était encore en 3 ème<br />
année secondaire, qu’après leur union ils ont résidé à MUHIMA , que cependant leur mariage<br />
a eu lieu chez sa sœur, qu’ils se sont installés à MUHIMA en 1992, que vers la fin <strong>de</strong> cette<br />
année ils ont déménagé <strong>du</strong> côté <strong>de</strong> NYAMIRAMBO près <strong>de</strong> l’hôtel BAOBAB, qu’ils sont<br />
retournés à KABAKENE au début <strong>de</strong> 1993, date à laquelle sa femme est partie, que<br />
finalement il s’est installé à KIMISAGARA au début <strong>de</strong> l’année 1994 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que tous les témoins qui ont déjà déposé soutiennent<br />
qu’ils l’ont vu prendre part à l’attaque menée chez François, que par ailleurs Marianne a<br />
appris cela d’un Interahamwe qui en a été témoin direct, que ce milicien informait les<br />
membres <strong>de</strong> sa famille <strong>de</strong>s événements qui survenaient et dans lesquels il avait un intérêt ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin NDUSHABANDI Augustin, fils <strong>de</strong> RURANGIRWA Laurent et <strong>de</strong><br />
MUKARUTORE Adèle, né à KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, P.V.K., marié à<br />
NAMAGARA Aimée, père <strong>de</strong> 5 enfants, commerçant sans biens et sans antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires, est appelé à la barre et prête serment ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur la date à laquelle il a fait la connaissance <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA, le témoin répond qu’il le connaît <strong>de</strong>puis le 07/04/1994 aux environs <strong>de</strong> 16<br />
heures et que <strong>de</strong>puis lors son visage est resté gravé dans sa mémoire ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît NDUSHABANDI, le sergent
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
BARAYAGWIZA déclare que NDUSHABANDI ressemble au nommé MURUNDI, ce que<br />
confirme NDUSHABANDI qui reconnaît que ce nom est le sien;<br />
42 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a vu le sergent<br />
BARAYAGWIZA, NDUSHABANDI déclare l’avoir vu près <strong>de</strong> chez sa tante paternelle où il<br />
a assassiné le mari <strong>de</strong> celle-ci ainsi que son enfant, qu'il venait <strong>de</strong> quitter le domicile <strong>de</strong> sa<br />
tante lorsque ces assassinats sont survenus, qu’il s’était ren<strong>du</strong> chez sa tante pour lui prendre<br />
au moins <strong>de</strong>ux enfants afin <strong>de</strong> les évacuer à MUGANZA d’où ils sont originaires ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il poursuit en disant que sa maison était proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> François et qu’elles<br />
étaient séparées par une haie en euphorbe à tel point qu’à peine arrivé chez lui en provenance<br />
<strong>de</strong> chez François, il entendit les gens frapper avec force au portail <strong>du</strong> domicile <strong>de</strong> François,<br />
que voulant voir <strong>de</strong> qui il s’agissait il a vu <strong>de</strong>ux militaires accompagnés <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong><br />
sympathisants <strong>du</strong> parti C.D.R., parmi lesquels MUZEHE fils <strong>de</strong> TWAHA, que pendant qu’ils<br />
creusaient la maison pour en arracher la porte, François leur a <strong>de</strong>mandé ce qu’ils cherchaient,<br />
que le sergent BARAYAGWIZA lui a dit d’ouvrir la porte en lui assurant qu’ils ne lui<br />
feraient rien <strong>de</strong> mal et qu’ils voulaient seulement vérifier quelque chose ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'il dit qu’une fois que François a ouvert la porte, ces meurtriers se sont rués à<br />
l’intérieur <strong>de</strong> la maison, que le sergent BARAYAGWIZA qui était resté légèrement en arrière<br />
a essayé <strong>de</strong> pousser François à l’intérieur <strong>de</strong> la maison, que dans sa défense François a voulu<br />
s'emparer <strong>du</strong> fusil dont BARAYAGWIZA était armé, ce que voyant le sergent<br />
BARAYAGWIZA a aussitôt ouvert le feu si bien que François est immédiatement tombé, que<br />
NDUSHABANDI qui suivait la scène à travers la haie en euphorbe s’est sauvé en courant et<br />
qu’arrivé dans la plantation <strong>de</strong> café il a enten<strong>du</strong> un autre coup <strong>de</strong> feu ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si l’épouse <strong>de</strong> François était à la maison, le témoin répond<br />
que plus tard la femme <strong>de</strong> François lui dira qu’elle avait fui ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA dit que les déclarations <strong>de</strong> NDUSHABANDI sont<br />
mensongères, que la preuve en est qu’il prétend l’avoir vu pousser puis tuer le mari <strong>de</strong> sa<br />
tante, mais que curieusement il ne l’a pas tué lui aussi alors qu’il était également recherché,<br />
qu’il réaffirme que NDUSHABANDI le charge à tort et qu’il n’a pas mis les pieds à cet<br />
endroit ;<br />
Atten<strong>du</strong> que NDUSHABANDI affirme que le sergent BARAYAGWIZA l’aurait sûrement<br />
tué s’il l’avait vu ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il aurait vu NDUSHABANDI <strong>de</strong>puis la mort <strong>de</strong><br />
HABYARIMANA ou s’il aurait eu connaissance <strong>du</strong> pillage <strong>du</strong> magasin <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, le<br />
sergent BARAYAGWIZA répond qu’il n’a plus revu NDUSHABANDI et qu’il n’était pas<br />
au courant <strong>du</strong> sort <strong>de</strong> son magasin;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que les témoignages ont prouvé que le sergent<br />
BARAYAGWIZA portait l’uniforme militaire et allait au front, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> le huis clos en<br />
faveur <strong>du</strong> prochain témoin étant donné qu’il va témoigner sur <strong>de</strong>s actes dont il a été victime;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin Agnès KAGERUKA , fille <strong>de</strong> KAGERUKA Claver et <strong>de</strong><br />
355
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
MUKAMURIGO Marie Gorretti, née à RUNDA, préfecture <strong>de</strong> GITARAMA, en 1973, veuve,<br />
résidant à GIKONDO, commune KICUKIRO, P.V.K., étudiante, sans biens ni antécé<strong>de</strong>nts<br />
judiciaires, est appelé à la barre ;<br />
356<br />
43 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur la date à partir <strong>de</strong> laquelle elle a fait la connaissance <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA, KAGERUKA Agnès dit qu’elle le connaît <strong>de</strong>puis 1994, vers le mois <strong>de</strong><br />
mars, qu’elle le voyait passer <strong>de</strong>vant son domicile lorsqu’il se rendait chez sa sœur<br />
UWIMANA, qu’interrogée sur la date à laquelle elle s’est mariée, elle répond que son<br />
mariage est intervenu le 02/04/1994 ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé à son tour sur le moment où il a fait la connaissance d’Agnès, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il la connaît <strong>de</strong>puis qu’elle était petite et que ses parents à elle<br />
habitaient à NYABUGOGO tandis que lui résidait à CYAHAFI, qu’il a connu Agnès à cause<br />
<strong>de</strong> certains <strong>de</strong> ses proches, parmi lesquels le nommé ABRAHAM, qui étaient <strong>de</strong>s voisins <strong>de</strong> la<br />
famille d’Agnès et que cela remonte à 1979 et 1980 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que KAGERUKA Agnès déclare que la guerre a commencé le 07/04/1994, que le<br />
14/04/1994 entre 9 heures 30 minutes et 10 heures beaucoup d’assaillants sont venus et ont<br />
tué Edouard NDENGEYINGOMA et ses 4 petits frères, qu’elle a pu reconnaître parmi eux le<br />
sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et HATEGEKA, que BARAYAGWIZA a aussitôt<br />
con<strong>du</strong>it Agnès chez lui à KIMISAGARA, qu’elle a vécu seule chez lui d’avril à juin 1994, à<br />
part qu'il arrivait à la sœur <strong>de</strong> BARAYAGWIZA d'y séjourner <strong>de</strong> temps en temps, et que cette<br />
sœur ne les quittait que quand elle allait s’approvisionner en marchandises ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA participait aux combats aussi bien aux<br />
côtés <strong>de</strong>s militaires que <strong>de</strong>s miliciens Interahamwe, que <strong>de</strong> retour à la maison il lui énumérait<br />
les victimes qu’il avait tuées, que vers la fin <strong>du</strong> mois <strong>de</strong> juin elle l’a quitté parce qu’elle<br />
réalisait qu’il finirait par la tuer elle aussi, qu’elle est allée se cacher à CYAHAFI dans <strong>de</strong>s<br />
buissons où elle a passé trois semaines et mené une vie sauvage;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur l’uniforme militaire que portait le sergent BARAYAGWIZA, elle<br />
répond qu’il en avait <strong>de</strong>ux paires, et trois fusils dont l’un <strong>de</strong> marque ″ Uzi″ et qu’il y avait<br />
beaucoup <strong>de</strong> cartouches et <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s à son domicile;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’Agnès déclare être retournée à KIMISAGARA le 04/07/1994, que le sergent<br />
BARAYAGWIZA l’a violée pendant tout le temps qu’elle a passé avec lui, excepté la nuit <strong>de</strong><br />
son arrivée à son domicile;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle n’aurait pas d’abord vécu chez HATEGEKA, elle<br />
répond que le sergent BARAYAGWIZA l’a emmenée directement et qu’elle n’est pas arrivée<br />
chez HATEGEKA, qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaît le nommé ″ Jeune ″, elle répond<br />
par la négative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle a revu le sergent BARAYAGWIZA après la guerre,<br />
elle répond qu’elle l’a revu en août 1995 et qu’à ce moment il portait l’uniforme <strong>de</strong> l’Armée<br />
Patriotique Rwandaise ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur le nombre <strong>de</strong>s assaillants qui les ont attaqués, Agnès répond qu’ils<br />
étaient environ dix personnes, que le sergent BARAYAGWIZA et HATEGEKA portaient
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
l’uniforme militaire alors que d’autres assaillants avaient camouflé leur tête avec les feuilles<br />
<strong>de</strong> bananiers, que HATEGEKA était un militaire tandis que ces assaillants étaient <strong>de</strong>s<br />
Interahamwe, que le sergent gendarme BARAYAGWIZA l’a emmenée parce qu’étant le plus<br />
gradé, le butin trouvé dans cette famille lui revenait <strong>de</strong> droit ;<br />
357<br />
44 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment il a su que HATEGEKA était un militaire, le<br />
sergent BARAYAGWIZA répond qu’Agnès lui avait dit qu’il avait le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> caporal et<br />
qu’il avait tué son mari ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle aurait accompagné le sergent BARAYAGWIZA à<br />
MUSASA, Agnès répond par la négative ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître Ferdinand NZEPA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’Agnès explique la contradiction qui<br />
existe entre sa déclaration selon laquelle elle s’est mariée le 02/04/1994 et le contenu <strong>du</strong><br />
procès-verbal <strong>de</strong> son audition d’après lequel elle <strong>de</strong>vait se marier le 09/04/1994, qu’en<br />
réponse à cette question Agnès dit qu’elle s’est installée chez NDENGEYINGOMA le jour <strong>de</strong><br />
leur mariage civil <strong>du</strong> 02/04/1994, le mariage religieux étant programmé pour le 09/04/1994 ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée au sujet <strong>de</strong>s biens que le sergent BARAYAGWIZA aurait pillés, Agnès<br />
répond qu’il s’agit <strong>du</strong> lit sur lequel ils couchaient tous les <strong>de</strong>ux et qu’il avait pillé chez<br />
NDAYISABA ainsi que <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong> la famille Louise KAYIBANDA et ceux <strong>de</strong> la famille<br />
BOSCO, qu’elle ne sait rien d’autre puisqu’elle était séquestrée dans une chambre ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître NZEPA Ferdinand déclare vouloir lever toute équivoque, qu’il précise<br />
que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas dit qu’il a emmené Agnès par force et qu’il est<br />
plutôt convaincu qu’ils se sont ren<strong>du</strong>s au camp <strong>de</strong> MUHONDO ensemble;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il est allé chez Agnès à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
cette <strong>de</strong>rnière et que celle-ci dans ce sens avait sollicité son secours, qu’il trouve très<br />
étonnante la déclaration d’Agnès d’après laquelle elle est allée se cacher dans <strong>de</strong>s buissons en<br />
juin 1994 où elle est restée pendant trois jours parce qu’elle a quitté ce lieu le 04/07/1994, que<br />
cette déclaration est dénuée <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment <strong>du</strong> moment qu’ils sont restés ensemble et ont vécu<br />
ensemble au camp <strong>de</strong> MUHONDO et qu’elle n’a point dit aux militaires qu’il avait tué ses<br />
proches, qu’ils ont quitté ensemble ce camp pour s’installer à KABAGENDANA, qu’il estime<br />
qu’Agnès a préféré passer tout cela sous silence à cause <strong>du</strong> malenten<strong>du</strong> qui les oppose et qu’il<br />
a explicité plus haut ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il est venu dans un cabaret pendant la pério<strong>de</strong> où le gouvernement venait<br />
<strong>de</strong> frapper la nouvelle monnaie, qu’il y avait <strong>de</strong>s militaires dans ce cabaret qui était par<br />
ailleurs situé près <strong>de</strong> la briga<strong>de</strong>, qu’Agnès qui s’y trouvait n’a pourtant rien dit à ces<br />
militaires, qu’ils ont par contre causé comme si <strong>de</strong> rien n’était, qu’il trouve que <strong>de</strong>s poursuites<br />
<strong>de</strong>vraient être engagées contre elle parce qu’elle a oublié qu’il lui a ren<strong>du</strong> service et qu’elle a<br />
menti en lui attribuant l’assassinat <strong>de</strong> ses proches ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il n’a jamais dormi dans un même lit avec Agnès, le<br />
sergent BARAYAGWIZA répond que cela n’a jamais eu lieu, que même dans sa déclaration<br />
actée dans un procès-verbal, Agnès a reconnu que lorsqu’elle était chez le sergent
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
BARAYAGWIZA elle vivait avec la sœur <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier et le domestique qui leur préparait à<br />
manger ;<br />
45 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir comment il n’a pas souhaité avoir <strong>de</strong>s relations sexuelles<br />
avec elle alors qu’il venait <strong>de</strong> la secourir, le sergent BARAYAGWIZA répond que cela est<br />
confirmé par Agnès qui reconnaît elle-même qu’il n’a pas couché avec elle le premier jour,<br />
qu’il ne pouvait pas la violer après l’avoir secourue, qu’il conclut en disant qu’il est capable<br />
<strong>de</strong> maîtriser son instinct sexuel <strong>de</strong>vant n’importe quelle autre fille ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que la seule occasion où ils ont dormi ensemble s’est présentée au camp <strong>de</strong>s<br />
réfugiés, qu’il dormait avec elle sur un matelas simple et que d’autres personnes dormaient à<br />
même le sol à côté d’eux <strong>de</strong> sorte qu’il ne pouvait pas lui faire l’amour, qu’ils étaient avec son<br />
grand frère, sa sœur et les enfants <strong>de</strong> son grand frère et qu’il l’a mise sur ce matelas parce<br />
qu’il ne pouvait pas faire autrement ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il n’y avait personne d’autre à KIMISAGARA pour<br />
lequel il pouvait avoir <strong>de</strong> la compassion et à qui il pouvait sauver la vie, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond qu’il a secouru Agnès parce qu’elle était une connaissance <strong>de</strong><br />
longue date et qu’elle a sollicité son secours;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA a dit que sa sœur a<br />
vécu chez lui pendant une courte pério<strong>de</strong>, que ses déclarations ne sont que <strong>de</strong>s manœuvres<br />
désespérées, que réagissant à cette intervention le sergent BARAYAGWIZA affirme être<br />
resté avec sa sœur jusqu’à ce qu’ils prennent fuite ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’Agnès explique les circonstances dans<br />
lesquelles ce lit a été pillé, qu’Agnès répond qu’elle a trouvé ce lit au domicile <strong>de</strong><br />
BARAYAGWIZA, qu’il l’avait pillé chez NDAYISABA et qu’après l’avoir pillé il est passé<br />
<strong>de</strong>vant le domicile d’Agnès en le transportant, qu’elle connaissait ce lit et que celui-ci avait<br />
un sommier en triplex ;<br />
Vu que les heures <strong>de</strong> service sont terminées, que l’audience est suspen<strong>du</strong>e puis remise au<br />
16/11/1998 à 9 heures <strong>du</strong> matin ;<br />
Vu la continuation <strong>de</strong> l’audience en date <strong>du</strong> 16/11/1998 à 9 heures <strong>du</strong> matin et la prestation<br />
<strong>de</strong> serment <strong>de</strong> l’interprète MUKANTAMBARA Félicité;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin à décharge nommé 1 er sergent RWAMUNINGI François, fils <strong>de</strong><br />
BIRIRA Yavan et <strong>de</strong> NYIRAMARENGANE Félicitée, né en commune RUBAVU, préfecture<br />
GISENYI, en 1961, détenu à la prison <strong>de</strong> MULINDI pour génoci<strong>de</strong>, marié à<br />
MUKANKURANGA Dorothée et père <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants, sans biens, résidant à CYAHAFI,<br />
commune NYARUGENGE, P.V.K., est appelé à la barre et prête serment conformément à la<br />
loi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le 1 er sergent<br />
RWAMUNINGI François répond qu’il ne le connaissait pas auparavant, que bien qu’après<br />
être renvoyé <strong>de</strong> l’armée le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a résidé dans la cellule<br />
AKANYANZA <strong>du</strong> quartier CYAHAFI, le 1 er sergent RWAMUNINGI François n’a fait sa<br />
358
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
connaissance qu’en septembre 1995 en prison ;<br />
359<br />
46 ème feuillet<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit qu’avant la déposition <strong>du</strong> témoin il voudrait soulever les<br />
problèmes qu’on observe dans les affaires pénales ou dans les affaires <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, dans la<br />
mesure où les prévenus citent à leur décharge leurs codétenus poursuivis pour les mêmes faits<br />
que ceux qui leur sont reprochés, que ceux-ci déroutent forcément le Tribunal parce qu’ils<br />
sont en contact permanent avec les accusés et qu’ainsi il trouve que le témoignage <strong>du</strong> 1 er<br />
sergent RWAMUNINGI n’est pas crédible, qu’il lui est néanmoins répon<strong>du</strong> que même s’il est<br />
bon <strong>de</strong> soulever ces inquiétu<strong>de</strong>s, il appartient au Tribunal d’apprécier la déclaration <strong>du</strong><br />
témoin ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le 1 er sergent RWAMUNINGI<br />
témoigne au sujet <strong>de</strong>s événements qui sont survenus à CYAHAFI parce que c’est le quartier<br />
qu’il connaît bien et qu’il parle surtout <strong>de</strong> ce qu’il sait sur le sergent BARAYAGWIZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît la sœur <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA, le 1 er<br />
sergent RWAMUNINGI répond qu’il ne la connaît pas, qu’interrogé sur<br />
NDENGEYINGOMA Edouard et les circonstances <strong>de</strong> sa mort, il répond qu’il ne le connaît<br />
pas non plus parce qu’il a habité le quartier CYAHAFI en 1993, que cependant il entendait les<br />
gens dire que NDENGEYINGOMA avait une boutique, qu’il avait l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> passer par là,<br />
que le 10/04/1994 il est allé à RUHENGERI pour participer à l’enterrement d’un enfant à<br />
MUKINGO, que le len<strong>de</strong>main lui et les autres ont continué la route pour se rendre à<br />
GISENYI, qu’ils ont néanmoins passé la nuit à BYANGABO, que le jour suivant ils sont<br />
arrivés à GISENYI où il a passé huit jours avant <strong>de</strong> revenir à KIGALI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le viol <strong>de</strong> l’épouse d’Edouard, le témoin répond qu’il n’en sait rien<br />
<strong>du</strong> tout si ce n’est que le sergent BARAYAGWIZA lui <strong>de</strong>mandé s’il la connaissait et qu’il lui<br />
a répon<strong>du</strong> qu’il ne la connaissait pas en lui précisant cependant qu’il a enten<strong>du</strong> dire qu’elle<br />
était mariée ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a quelque chose à ajouter à cette déclaration, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il n’a rien à ajouter puisqu’il s’avère que le 1 er sergent<br />
RWAMUNINGI ne sait rien en ce qui le concerne;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin Jean-Félix NYIRINDEKWE fils <strong>de</strong> KANYANDEKWE Alphonse et<br />
<strong>de</strong> NYIRAMUBI Thérèse, né à KABASENGEREZI, NYARUGENGE, P.V.K, en 1973,<br />
célibataire et chauffeur, actuellement détenu à la prison <strong>de</strong> MULINDI pour vol, propriétaire<br />
d’un véhicule, sans antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur le moment où il a fait la connaissance <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA,<br />
NYIRINDEKWE répond qu’il le connaît <strong>de</strong>puis qu’ils sont détenus ensemble, qu’à la<br />
question <strong>de</strong> savoir s’il résidait à CYAHAFI, il répond qu’il y était allé pour rendre visite à<br />
son petit frère qui habitait ce quartier, que le len<strong>de</strong>main l’avion <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt a été abattu et<br />
qu’ainsi il n’a pas pu rentrer chez lui;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogé sur les motifs qui l’ont con<strong>du</strong>it à citer ce témoin, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il voulait que ce témoin confirme qu’il se trouvait à CYAHAFI<br />
chez sa sœur lorsque la guerre a éclaté ;<br />
47 ème feuillet.
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît la sœur <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA nommée<br />
UWIMANA, NYIRINDEKWE répond qu’il ne la connaît pas mais qu’il a enten<strong>du</strong> parler <strong>de</strong><br />
ce nom, qu’il ne connaissait même pas le sergent BARAYAGWIZA auparavant et que c’est<br />
après leur rencontre en prison que celui-ci lui a dit qu’il résidait dans le quartier CYAHAFI;<br />
Atten<strong>du</strong> que Maître GASARABWE Claudine dit que Madame MUKAMURIGO Véronique,<br />
une partie civile, voudrait apporter d’autres précisions qui pourraient éclairer le Tribunal au<br />
sujet <strong>de</strong>s tueries perpétrées par le sergent BARAYAGWIZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaît le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse,<br />
MUKANDORI (sic) répond qu’elle ne le connaît pas et soutient que c’est la première fois<br />
qu’elle le voit ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu'interrogée sur le quartier où elle résidait pendant la guerre, elle répond qu’elle<br />
vivait chez son frère à KIMISAGARA où elle est restée pendant <strong>de</strong> nombreux mois, que les<br />
sympathisants <strong>du</strong> parti C.D.R. les ont attaqués vers le 25 janvier 1994 à la recherche <strong>de</strong> son<br />
frère qu’ils accusaient d’avoir coupé la cor<strong>de</strong> au moyen <strong>de</strong> laquelle ils hissaient le drapeau <strong>de</strong><br />
leur parti, que ces mêmes assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA, NEPO,<br />
GITENGE, DEBANDE, KANYAMANZA, FIFI, GILBERT, les fils <strong>du</strong> Responsable<br />
KAZUNGU et d’autres qui s’étaient camouflés au moyen <strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> bananiers sèches<br />
sont revenus le 13/04/1994 à leur domicile à CYAHAFI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle dit qu’aussitôt que le sergent BARAYAGWIZA est entré dans leur maison il<br />
lui a donné un coup <strong>de</strong> poing au point qu’il lui a arraché <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts, qu’il lui a ensuite donné<br />
<strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> bottes et un coup <strong>de</strong> poignard dans les côtes avant <strong>de</strong> la pousser vers DEBANDE<br />
et les autres assaillants, que ceux-ci lui ont <strong>de</strong>mandé l’endroit où pouvaient se trouver Paul et<br />
TWIZEYIMANA, qu’ils les ont par la suite délogés <strong>de</strong> leur cachette et les ont emmenés à<br />
KIMISAGARA, qu’ils ont assassiné Vianney à coups <strong>de</strong> marteaux et <strong>de</strong> poignards, que<br />
concernant Paul ils l’ont tué par balles après qu’il se soit précipité dans un égout, qu’ils ont<br />
traîné leurs corps jusqu’à un terrain <strong>de</strong> jeux pour célébrer leurs méfaits, qu’ils les ont dépecés,<br />
qu’ils ont ensuite mis <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> leur chair sur <strong>de</strong>s broches et qu’ils les ont grillés ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il connaît Vianney, le sergent BARAYAGWIZA répond<br />
par la négative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir à partir <strong>de</strong> quel moment le sergent BARAYAGWIZA a<br />
vécu à KIMISAGARA, MUKANDOLI dit que le sergent BARAYAGWIZA s’y est installé<br />
en 1993, qu’interrogée sur la tenue qu’il portait lorsqu’il les a attaqués, elle répond qu’il<br />
portait l’uniforme militaire et était armé d’un fusil qu’il possédait <strong>de</strong>puis janvier 1994, et<br />
ajoute qu’elle n’a jamais su qu’il avait été renvoyé <strong>de</strong> l’armée car elle ne l’a jamais vu en<br />
tenue civile ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à dire à quoi ont servi les morceaux <strong>de</strong> chair humaine qu’ils avaient mis<br />
sur <strong>de</strong>s broches, elle répond que lorsqu’elle a vu ces assaillants monter la colline, elle a cru<br />
qu’ils allaient les manger, qu’en plus ils les ont servis à une dame nommée CARITAS pour,<br />
disaient-ils, sceller un pacte <strong>de</strong> sang avec elle ;<br />
Atten<strong>du</strong> que le témoin à charge <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA nommé MUKASHEMA<br />
Caritas fille <strong>de</strong> MUKANKWAYA Gaspard et <strong>de</strong> Véronique NYIRUBUYENZI, née en 1969<br />
360
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
en commune MUBUGA, préfecture <strong>de</strong> GIKONGORO, veuve, résidant à KIMISAGARA,<br />
commune NYARUGENGE, P.V.K., ven<strong>de</strong>use <strong>de</strong> <strong>de</strong>nrées alimentaires, sans biens ni<br />
antécé<strong>de</strong>nts judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment ;<br />
361<br />
48 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaît le sergent BARAYAGWIZA,<br />
MUKASHEMA répond qu’elle le connaît, qu’il était son voisin immédiat à KIMISAGARA;<br />
Atten<strong>du</strong> que le sergent BARAYAGWIZA qui est, à son tour, invité à dire s’il connaît<br />
MUKASHEMA répond par l’affirmative ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les faits qui ont été commis par le sergent BARAYAGWIZA,<br />
MUKASHEMA répond qu’à l’exception <strong>de</strong> quelques jours où il restait à la maison toute la<br />
journée, le sergent BARAYAGWIZA ne passait pas ses journées à son domicile, qu’il donnait<br />
<strong>de</strong>s entraînements militaires aux Interahamwe et aux sympathisants <strong>du</strong> parti C.D.R. avant<br />
même le déclenchement <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, que lorsque la hampe sur laquelle était hissé le drapeau<br />
<strong>de</strong> la C.D.R est tombée, les gens l’ont ramassée et s’en sont servi comme bois <strong>de</strong> chauffage,<br />
qu'au vu <strong>de</strong> cela, les sympathisants <strong>de</strong> la C.D.R les ont attaqués ;<br />
Atten<strong>du</strong> que poursuivant son témoignage, MUKASHEMA dit que chaque soir, après avoir<br />
terminé leurs entraînements, ils avaient l’habitu<strong>de</strong> d’aller se positionner sur la route, <strong>de</strong><br />
stopper les véhicules et d’en sortir les occupants qu’ils tuaient par la suite, que NEPO était<br />
leur chef et qu’il les rejoignait après le service ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle dit que pendant le génoci<strong>de</strong> <strong>de</strong>s assaillants ont jeté au fond <strong>de</strong> la toilette <strong>de</strong><br />
chez NYOMBAYIRE 4 personnes parmi lesquelles HAGUMA qui était le voisin <strong>de</strong><br />
NYOMBAYIRE Alphonse, le petit frère <strong>de</strong> HAGUMA et SENDARASI Alphonse qui fut<br />
précipité au fond <strong>de</strong> cette toilette à 10 heures étant encore en vie, qu’à ce moment-là elle a vu<br />
le sergent BARAYAGWIZA, qui était armé d’un fusil et portait l’uniforme militaire, appeler<br />
le nommé GITENGE en lui disant ″ Nous allons vous casser la figure″ ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée au sujet <strong>de</strong> KAGERUKA Agnès, MUKASHEMA déclare qu’en voyant<br />
cette <strong>de</strong>rnière chez BARAYAGWIZA elle a cru qu’elle était sa femme, mais que par la suite<br />
KAGERUKA Agnès lui a appris que cela n’était pas le cas et qu’elle vivait avec<br />
BARAYAGWIZA contre son gré;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir ce qu’il attendait <strong>du</strong> témoin MUKASHEMA, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il voulait qu’elle parle <strong>du</strong> site où il donnait <strong>de</strong>s entraînements<br />
militaires aux gens, dans la mesure où les autres témoins ont fourni <strong>de</strong>s précisions à ce sujet,<br />
qu’il réfute ensuite la déclaration <strong>de</strong> MUKASHEMA selon laquelle il était un militaire et<br />
possédait un fusil et qu’il la qualifie <strong>de</strong> mensongère ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’avocat <strong>de</strong> la défense <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le témoin parle <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie<br />
d’Agnès à cette époque, que le témoin répond que dans un premier temps elle est restée dans<br />
la maison sans jamais en sortir pendant <strong>de</strong> nombreux jours, mais que par la suite elle sortait<br />
quelques fois <strong>de</strong> la maison car elle l’a vue <strong>de</strong>hors en train <strong>de</strong> donner <strong>du</strong> foin au bétail,<br />
qu’Agnès ne pouvait pas sortir les matins à cause <strong>de</strong> la clameur <strong>de</strong> ceux qui pourchassaient<br />
les gens, qu’elle voyait surtout la sœur <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA qui avait l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
séjourner au domicile <strong>de</strong> celui-ci lorsqu’il n’était pas là;<br />
Atten<strong>du</strong> que MUKASHEMA dit que le sergent BARAYAGWIZA l’a protégée contre les<br />
tueurs pendant cinq jours, que par après il l’a livrée à trois militaires qui l’ont violée pendant<br />
que le sergent BARAYAGWIZA était en train <strong>de</strong> consommer <strong>de</strong> l’alcool en compagnie <strong>de</strong><br />
DEBANDE ;<br />
362<br />
49 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée au sujet <strong>de</strong>s personnes dont la chair a été grillée sur les broches, elle<br />
répond qu’elle en sait quelque chose, que le sergent BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong> se sont<br />
ren<strong>du</strong>s à CYAHAFI et ont mis la main sur Vianney qui s’y était caché, que celui-ci y avait<br />
trouvé refuge parce que les tueries n’avaient pas encore atteint leur paroxysme dans ce<br />
quartier, qu’ils l’avaient activement recherché auparavant pour lui faire <strong>du</strong> mal, allant jusqu’à<br />
verser <strong>du</strong> pétrole dans sa bière, qu’ils l’ont emmené ainsi que ceux qui étaient avec lui, et<br />
quand ils sont arrivés au niveau <strong>du</strong> pont situé <strong>de</strong>vant la maison <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA<br />
elle a enten<strong>du</strong> <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu ;<br />
Atten<strong>du</strong> que poursuivant son témoignage MUKASHEMA dit que par la suite,<br />
BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong> sont venus à son domicile, qu’ils avaient un morceau <strong>de</strong><br />
vian<strong>de</strong> et une bouteille <strong>de</strong> PRIMUS, qu’ils ont frotté ce morceau <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> contre la bouteille<br />
qu’ils tenaient, que par après ils lui en ont fait boire une gorgée en lui disant qu’il s’agissait là<br />
d’un pacte <strong>de</strong> sang scellé avec elle, qu’ils lui ont ensuite <strong>de</strong>mandé la main <strong>de</strong> la fille qui vivait<br />
avec elle, qu’à cette occasion le sergent était en compagnie <strong>de</strong> DEBANDE, NSHIMIYE et<br />
GITENGE et MUZEHE et qu’ils avaient un poste radio et un montant <strong>de</strong> 45.000 Frw ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si UWIMANA possédait un fusil, elle répond qu’il en avait<br />
un, qu’il l’avait reçu dans le cadre <strong>de</strong> son service et qu’il ne l’a jamais vu s’en servir dans les<br />
tueries, que le sergent BARAYAGWIZA avait le sien, que par contre UWIMANA et<br />
GITENGE se prêtaient mutuellement leurs fusils, et qu’elle n’a jamais vu UWIMANA<br />
collaborer avec le sergent BARAYAGWIZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir celui qui, entre lui et UWIMANA, a reçu un fusil le<br />
premier , le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est bien UWIMANA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles la séparation <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA et KAGERUKA Agnès est intervenue, MUKASHEMA répond que lors <strong>de</strong><br />
la fuite massive <strong>de</strong> la population, Agnès s’est soustraite à la surveillance <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA, qu’elle précise cependant qu’elle n’a pas su exactement comment cela a<br />
eu lieu parce que les gens se pressaient beaucoup dans leur fuite;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invitée à dire si le sergent BARAYAGWIZA se trouvait encore à KIMISAGARA<br />
lorsque HABYARIMANA est mort, elle répond qu’il y était encore puisque c’est le<br />
len<strong>de</strong>main, avant même que les tueries ne commencent, que les gens ont reçu injonction <strong>de</strong><br />
sortir <strong>de</strong> leurs maisons et d’aller pourchasser les Tutsi, et que dans la soirée ils ont attaqué le<br />
domicile <strong>de</strong> KALISA qui était situé près <strong>de</strong> la route ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit qu’il livrera ses observations sur ce témoignage au<br />
moment <strong>de</strong> la lecture <strong>de</strong> ses réquisitions ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si les personnes qu’il dit avoir enterrées sont celles dont le<br />
témoin a parlé, le sergent BARAYAGWIZA répond par la négative car, précise-t-il, il n’a<br />
jamais pris <strong>de</strong> houe pour aller boucher quelque fosse que ce soit, qu’il a inhumé les personnes<br />
dont il ne connaissait pas l’i<strong>de</strong>ntité et qu’il ne connaît pas non plus les victimes dont le témoin<br />
a parlé ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur d’autres victimes tuées près <strong>de</strong> chez elle, MUKASHEMA<br />
CARITAS répond qu’elle se souvient <strong>de</strong> celles qui ont été tuées près <strong>du</strong> domicile <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA et dont ce <strong>de</strong>rnier a jeté les corps dans la toilette avec le concours <strong>de</strong> leurs<br />
meurtriers;<br />
363<br />
50 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir pour quelle raison elle n’a pas porté plainte contre le<br />
sergent BARAYAGWIZA auparavant et pourquoi elle a atten<strong>du</strong> d’être convoquée par le<br />
Tribunal pour le dénoncer, MUKASHEMA répond qu’elle ne le voyait pas, qu’à la question<br />
<strong>de</strong> savoir si elle ne l’a jamais revu après la guerre, elle répond qu’elle l’a revu en 1996, mais<br />
qu’à cette occasion il était en tenue militaire, que le sergent BARAYAGWIZA lui a <strong>de</strong>mandé<br />
ceux qui avaient pillé ses biens à lui, mais qu’à ce moment elle souffrait gravement d’une<br />
maladie qui lui avait été transmise par le sergent BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong>;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée au sujet <strong>de</strong> FELICIEN, elle répond que celui-ci s’est installé à<br />
KATABARO après avoir ven<strong>du</strong> la maison dans laquelle il vivait, que pendant le génoci<strong>de</strong> il<br />
fut malmené par GITENGE et ses acolytes qui l’accusaient <strong>de</strong> ne pas les ai<strong>de</strong>r à faire la ron<strong>de</strong><br />
nocturne sous prétexte qu’il était chrétien;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir si elle connaissait TWAGIRAYEZU François, elle répond<br />
qu’elle le connaissait, qu’il fait partie <strong>de</strong>s victimes <strong>de</strong> première heure et qu’il fut tué par les<br />
assaillants qui l’ont surpris à son domicile, que ces <strong>de</strong>rniers ont mené cette attaque chez lui<br />
avec le concours <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA et que KANYAMANZA, DEBANDE, NEPO<br />
et d’autres y ont pris part ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les fonctions qui étaient exercées par le sergent BARAYAGWIZA<br />
avant le génoci<strong>de</strong>, elle répond qu’elle n’en sait rien dans la mesure où il rentrait tellement tard<br />
que les gens n’arrêtaient pas <strong>de</strong> s’interroger sur les motifs <strong>de</strong> ces retards à répétition, que la<br />
seule fois où elle lui a adressé la parole c’était en 1993 lorsqu’elle lui disait que l’eau en<br />
provenance <strong>de</strong> sa concession endommageait sa maison à elle ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’interrogée sur les réunions auxquelles le sergent BARAYAGWIZA participait,<br />
elle répond que ce <strong>de</strong>rnier et ses acolytes avaient l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> se mettre à l’écart <strong>de</strong>vant le<br />
centre scolaire, qu’au terme <strong>de</strong> leur réunion ils faisaient <strong>de</strong>s manifestations à tel point qu’un<br />
jour ils ont incendié un taxi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA, CARITAS est invitée à préciser<br />
exactement à quel moment BARAYAGWIZA a résidé à KIMISAGARA, qu’elle répond qu’il<br />
a acheté cette parcelle en 1992 et qu’il s’y est installé en 1993, qu’en réaction à cette réponse<br />
le sergent BARAYAGWIZA dit que CARITAS ne dit pas la vérité puisqu’il n’a pas acheté<br />
cette parcelle en 1992 ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à dire pourquoi il croit que CARITAS a survécu aux massacres, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit que c’est grâce à UWIMANA qui vivait à son domicile et qui avait un<br />
fusil, que lui et UWIMANA ont toujours dénoncé les tueries qui se commettaient dans leur<br />
quartier, qu’interrogé sur sa part <strong>de</strong> responsabilité dans ces tueries, le sergent<br />
BARAYAGWIZA répond qu’il n’y a pas trempé, qu’il appartient plutôt à CARITAS <strong>de</strong> dire<br />
s’il a réellement participé à la perpétration <strong>de</strong>s massacres et que, dans le cas contraire, le<br />
Tribunal doit se transporter sur les lieux pour mener une enquête à ce sujet;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’à la question <strong>de</strong> savoir s’il a un litige avec CARITAS, le sergent<br />
BARAYAGWIZA dit qu’il n’y a aucun problème entre eux, qu’il ajoute cependant que<br />
CARITAS a déposé en faveur <strong>de</strong> ses proches parce qu’elle doit forcément les défendre, qu’il<br />
fait remarquer que CARITAS qui l’avait pourtant vu dans un cabaret après la guerre ne l'a pas<br />
dénoncé et insiste sur le fait que la déclaration actuelle <strong>de</strong> l'intéressée lui a été dictée par ses<br />
proches ;<br />
364<br />
51 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a cité à sa décharge<br />
MUKAMFIZI Thérèse dont il a sauvé l’enfant et MUKASHEMA Caritas avec l’espoir<br />
qu’elles témoigneraient en sa faveur à cause <strong>du</strong> service qu’il leur a ren<strong>du</strong>, que c’était pourtant<br />
sans compter avec le tort qu’il leur a causé lorsqu’il a envoyé à MUKASHEMA les gens<br />
pour la violer et qu’il lui a fait boire une bière mélangée avec <strong>du</strong> sang humain, que la<br />
déclaration <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA selon laquelle MUKAMFIZI a témoigné en faveur<br />
<strong>de</strong> ses proches est dénuée <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment dans la mesure où même les propres voisins <strong>du</strong><br />
sergent BARAYAGWIZA qui ont témoigné dans cette affaire à savoir NYOMBAYIRE et<br />
MUKAZITONI l’ont aussi chargé <strong>de</strong>s faits dont ils ont été <strong>de</strong>s témoins directs ;<br />
Atten<strong>du</strong> que les parties civiles sont invitées à présenter leurs conclusions, que prenant la<br />
parole Maître Berna<strong>de</strong>tte KANZAYIRE dit qu’elle représente NYINAWABAGUNGA<br />
Liberata, veuve <strong>de</strong> feu TWAGIRAYEZU François, qu’elle dit que les dommages et intérêts<br />
réclamés par sa cliente sont motivés par la perte <strong>de</strong> son mari TWAGIRAYEZU François et <strong>de</strong><br />
son fils TWAGIRAYEZU Félix qui ont été tués le 07/04/1994 au tout début <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong> ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle dit qu’ils ont été tués au cours d’une attaque à laquelle prenaient part les<br />
miliciens Interahamwe et les partisans <strong>de</strong> la C.D.R., que tous ces meurtriers étaient dirigés par<br />
le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et NDUWAYEZU Jean Népo alias CDR, que lors <strong>de</strong><br />
cette attaque ils ont blessé un autre enfant <strong>de</strong> TWAGIRAYEZU nommé MWISENEZA,<br />
actuellement rescapé <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle continue son intervention en disant que sur base <strong>de</strong> l’action intentée par le<br />
Ministère Public et <strong>de</strong>s dépositions <strong>de</strong>s témoins elle trouve que la famille TWAGIRAYEZU<br />
François a été sérieusement ébranlée, qu’ainsi elle réclame <strong>de</strong>s dommages et intérêts libellés<br />
comme suit :<br />
• <strong>de</strong>s dommages moraux d’un montant <strong>de</strong> 10.000.000 Frw pour NYINAWABAGUNGA<br />
suite à la perte <strong>de</strong> son mari TWAGIRAYEZU François;<br />
• <strong>de</strong>s dommages moraux d’un montant <strong>de</strong> 7.000.000 Frw suite à la mort <strong>de</strong><br />
TWAGIRAYEZU Félix, fils <strong>de</strong> feu TWAGIRAYEZU François ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
• <strong>de</strong>s dommages et intérêts d’un montant <strong>de</strong> 8.000.000 Frw chacun en faveur <strong>de</strong><br />
MWISENEZA Placi<strong>de</strong>, UMWALI Angélique, UMURERWA et DAMASCENE pour la<br />
perte <strong>de</strong> leur parent, ce qui revient à 8.000.000 Frw x 4= 32.000.000 Frw, et un montant<br />
<strong>de</strong> 5.000.000 Frw chacun pour la perte <strong>de</strong> leur frère, ce qui équivaut à 5.000.000 Frw x 4<br />
= 20.000.000 Frw ;<br />
• <strong>de</strong>s dommages matériels représentant un manque à gagner enregistré par la famille <strong>de</strong><br />
NYINAWABAGUNGA suite à la perte <strong>du</strong> salaire <strong>de</strong> TWAGIRAYEZU François, c’est à<br />
dire 54.702 Frw x 12 mois x 20 ans= 13.128.480 Frw ;<br />
• <strong>de</strong>s dommages matériels d’un montant <strong>de</strong> 15.000.000 Frw suite à la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> leur<br />
maison et <strong>de</strong> la clôture <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière ;<br />
52 ème feuillet.<br />
• <strong>de</strong>s dommages matériels aux articles ménagers qui ont été pillés dans leur maison à savoir<br />
:<br />
- Un montant <strong>de</strong> 250.000 Frw pour un frigo,<br />
- Un montant <strong>de</strong> 250.000 Frw pour un téléviseur,<br />
- Un montant <strong>de</strong> 150.000 Frw pour un poste radio double cassette avec doubles speakers,<br />
- Un montant <strong>de</strong> 100.000 Frw pour un porte téléviseur,<br />
- Un montant <strong>de</strong> 200.000 Frw pour une cuisinière,<br />
- Un montant <strong>de</strong> 5.000.000 Frw pour les meubles <strong>du</strong> salon, les lits, les armoires et divers<br />
articles ménagers<br />
Le total = 103.078.480 Frw ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong> l’article 1 er <strong>de</strong> la Convention<br />
relative à la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, l’article 30 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong><br />
30/08/1996 et l’article 260 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> Civil Livre III en ce qui concerne l’allocation <strong>de</strong>s<br />
dommages et intérêts, que le sergent BARAYAGWIZA doit les payer solidairement avec<br />
l’Etat rwandais parce que le génoci<strong>de</strong> n’aurait pas été possible si l’Etat avait correctement<br />
rempli sa mission d’assurer la sécurité à toute la population et s’il n’avait pas distribué <strong>de</strong>s<br />
armes à cette même population tel qu’il l’a fait à KIMISAGARA en avril 1994 et parce que<br />
les militaires à son service dont le sergent BARAYAGWIZA ont perpétré <strong>de</strong>s tueries;<br />
Atten<strong>du</strong> que les pièces justificatives relatives aux biens qui ont été pillés et détruits ainsi que<br />
les attestations <strong>de</strong> service et <strong>de</strong> salaire sont corroborées par le procès-verbal qui a été établi à<br />
cet effet et qui fut approuvé par les autorités <strong>du</strong> secteur KIMISAGARA et que toutes ces<br />
pièces ont été intégrées dans le dossier ;<br />
Atten<strong>du</strong> que pour toutes ces raisons elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> recevoir l’action intentée par<br />
NYINAWABAGUNGA Liberata et <strong>de</strong> lui accor<strong>de</strong>r les dommages et intérêts qu’elle réclame ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à Maître Claudine GASARABWE et que celle-ci déclare<br />
qu’elle représente les parties civiles suivantes :<br />
• MUKAMURIGO Véronique qui a per<strong>du</strong> son frère ;<br />
• WIHOGORA Justine qui a per<strong>du</strong> son mari et son enfant ;<br />
• MUKASHEMA Caritas qui a fait tout un récit <strong>de</strong> ce qui lui est arrivé ;<br />
365<br />
53 ème feuillet.
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
• UWINGABIRE Berna<strong>de</strong>tte qui a per<strong>du</strong> trois personnes dans sa famille ainsi que<br />
UWADUHAYE Immaculée qui a connu le même sort ;<br />
• MUKAMFIZI Daphrose qui a per<strong>du</strong> ses cinq fils,<br />
que Me Claudine GASARABWE s’engage à remettre au Tribunal <strong>de</strong>s conclusions écrites à<br />
14 heures ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour présenter son réquisitoire, qu’il<br />
déclare que le Ministère Public a engagé <strong>de</strong>s poursuites contre le sergent BARAYAGWIZA<br />
sur base <strong>de</strong>s dispositions légales et notamment la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948 ratifiée par le<br />
Rwanda même si le Gouvernement <strong>de</strong> l’époque avait émis <strong>de</strong>s réserves concernant l’article 9<br />
<strong>de</strong> ladite Convention qui l’invitait à instituer <strong>de</strong>s peines contre les contrevenants aux<br />
dispositions <strong>de</strong> cette Convention que cependant le Gouvernement actuel a pallié cette lacune<br />
en la Loi organique n° 08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, qu’il continue en disant que ces poursuites ont<br />
également été engagées sur base <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais et <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong><br />
Nuremberg ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute que les infractions qui ont été perpétrées<br />
<strong>de</strong>puis octobre 1990 jusqu’en décembre 1994 sont constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et que<br />
le sergent BARAYAGWIZA a une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> responsabilité dans les actes criminels qui<br />
ont été commis contre les Tutsi avec l’intention <strong>de</strong> les exterminer ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il soutient que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a planifié le génoci<strong>de</strong><br />
dans les secteurs CYAHAFI et KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, P.V.K en<br />
collaboration avec les membres <strong>de</strong>s anciennes Forces Armées Rwandaises parmi lesquels le<br />
1 er sergent SEBITABI Vincent et d’autres militaires qui étaient envoyés par la hiérarchie<br />
militaire pour donner <strong>de</strong>s entraînements militaires aux jeunes gens <strong>de</strong>s secteurs précités, que<br />
ces entraînements avaient lieu au centre scolaire <strong>de</strong> KIMISAGARA et sur le terrain <strong>de</strong> jeux<br />
<strong>du</strong> secteur KIMISAGARA, qu’on apprenait à ces jeunes le démontage <strong>de</strong>s fusils, le tir et la<br />
tactique militaire, que ces entraînements ont débuté en 1993 et se sont poursuivis en 1994 et<br />
qu’ils étaient réservés aux jeunes gens Hutu choisis par Rose KARUSHARA, une meurtrière<br />
<strong>de</strong> grand renom, qui était conseiller <strong>du</strong> secteur KIMISAGARA, que KARUSHARA Rose était<br />
tellement méchante que le sergent BARAYAGWIZA a même dit au Tribunal qu’elle était<br />
très célèbre à cause <strong>de</strong> sa méchanceté ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA avait appris à ces Interahamwe une<br />
technique sophistiquée pour commettre les tueries, que ces miliciens ont ravagé la Ville <strong>de</strong><br />
KIGALI à la recherche <strong>de</strong>s lieux où les Tutsi se cachaient, qu’il y avait une sorte <strong>de</strong> course<br />
contre la montre entre les Interahamwe et les militaires <strong>du</strong> F.P.R. Inkotanyi qui, en même<br />
temps qu’ils se battaient, recherchaient les victimes potentielles dans leur cachette pour les<br />
sauver, que même au cours <strong>de</strong> leur fuite les Interahamwe n’ont cessé <strong>de</strong> tuer les Tutsi, qu’une<br />
fois arrivés dans la Zone Turquoise où ils étaient protégés, les Interahamwe ont continué <strong>de</strong><br />
massacrer les Tutsi et ceux qui ne partageaient pas leurs opinions ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le moyen <strong>de</strong> défense <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA selon lequel il a<br />
entraîné les gens pour assurer la sécurité dans le cadre <strong>de</strong> la ″Défense Civile″ est dénué <strong>de</strong><br />
fon<strong>de</strong>ment car, et cela a été prouvé, pas une seule personne n’a été sauvée par la ″Défense<br />
Civile″, que par contre ceux qui ont été entraînés ont mis à exécution le plan <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>,<br />
qu’en plus les instances qui étaient chargées <strong>de</strong> la sécurité à savoir l’Armée Nationale, la<br />
366
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Gendarmerie Nationale et la Police communale étaient bien connues même si elles ont aussi<br />
été utilisées dans l’extermination <strong>de</strong>s Tutsi, que les autorités <strong>de</strong> l’époque ont mis sur pied la<br />
milice Interahamwe pour peaufiner leur plan machiavélique;<br />
54 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que poursuivant son réquisitoire l’Auditeur militaire dit que pour <strong>de</strong>s raisons<br />
développées plus haut le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse fait partie <strong>de</strong> ceux qui ont<br />
planifié le génoci<strong>de</strong> et qu’il doit en être puni, car il ne saurait invoquer l’ordre <strong>de</strong> ses<br />
supérieurs pour justifier les actes criminels qu’il a commis, dans la mesure où l’article 229 <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal rwandais dispose qu’un militaire qui aura exécuté un ordre manifestement illégal<br />
doit en être puni;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> condamner le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse à<br />
la peine <strong>de</strong> mort en application <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> la Convention <strong>du</strong> 09/12/1948, <strong>du</strong> Co<strong>de</strong><br />
pénal rwandais et <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, spécialement l’article 2,<br />
première catégorie et l’article 14, a ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il continue en disant qu’après avoir planifié le génoci<strong>de</strong> en avril 1994, le sergent<br />
BARAYAGWIZA l’a ensuite encadré en commençant par le secteur CYAHAFI, que les<br />
responsables <strong>de</strong> ce secteur furent suspen<strong>du</strong>s <strong>de</strong> leurs fonctions puis remplacés par une<br />
structure dénommée ″ Comité <strong>de</strong> crise ″qui était composée par les meurtriers <strong>de</strong> grand renom<br />
qui ont supervisé et encadré le génoci<strong>de</strong>, que le sergent BARAYAGWIZA a collaboré avec<br />
cette structure, qu’il était toujours en compagnie <strong>de</strong> ceux qui en étaient membres à bord <strong>du</strong><br />
véhicule qu’ils utilisaient pour superviser les tueries, que l’Auditeur militaire fait observer<br />
que BARAYAGWIZA n’est pas parvenu à expliquer pourquoi il leur tenait toujours<br />
compagnie, qu’en plus, poursuit-il, BARAYAGWIZA reconnaît lui-même que certains<br />
membres <strong>de</strong> cette ban<strong>de</strong> se sont ren<strong>du</strong>s coupables d’actes criminels comme MUNYEZAMU<br />
Félicien, HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré qui était chargé <strong>de</strong> collecter<br />
<strong>de</strong>s fusils en vue d’exterminer les Tutsi à CYAHAFI ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il soutient que le sergent BARAYAGWIZA a personnellement dirigé <strong>de</strong>s<br />
attaques, qu’il a personnellement tué TWAGIRAYEZU François et son fils lorsque lui-même<br />
et les meurtriers à sa sol<strong>de</strong> se sont intro<strong>du</strong>its dans la maison <strong>de</strong>s victimes précitées où ils ont<br />
d’ailleurs pillé <strong>de</strong>s biens, que le sergent BARAYAGWIZA a personnellement tiré sur<br />
TWAGIRAYEZU et son fils tel que rapporté par les témoins, que ces faits sont prévus par la<br />
Convention <strong>du</strong> 09/12/1948, le Co<strong>de</strong> pénal rwandais en son article 312 et la Loi organique<br />
n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996, que le Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong><br />
l’article 2, 1 ère catégorie, a et b et l’article 14 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 et <strong>de</strong><br />
le condamner à la peine <strong>de</strong> mort ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, KARUSHARA Rose ainsi que les<br />
militaires parmi lesquels le 1 er sergent SEBITABI Vincent ont formé une association <strong>de</strong><br />
malfaiteurs quand ils ont créé la milice Interahamwe en vue d’exterminer le groupe ethnique<br />
Tutsi, qu’en collaboration avec les personnes précitées ils ont formé militairement les<br />
Interahamwe et créé une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> malfaiteurs auxquels ils ont appris la technique <strong>de</strong> tuer,<br />
qu’il a également créé une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> tueurs baptisée ″ Comité <strong>de</strong> crise ″ lorsqu’il était à<br />
CYAHAFI, laquelle ban<strong>de</strong> a supervisé les massacres dans ce quartier, qu’ainsi il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au<br />
Tribunal <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong>s articles 281 et 282 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais et <strong>de</strong> le<br />
condamner à la peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 20 ans ;<br />
367
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
368<br />
55 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’outre l’association <strong>de</strong> malfaiteurs et l’initiation <strong>de</strong>s tueurs à la meilleure<br />
technique pour massacrer les gens dont il s’est ren<strong>du</strong> coupable, le sergent BARAYAGWIZA<br />
a personnellement tué beaucoup <strong>de</strong> Tutsi uniquement à cause <strong>de</strong> leur appartenance ethnique,<br />
qu’en collaboration avec le caporal HATEGEKIMANA ils ont attaqué le domicile <strong>de</strong><br />
NDENGEYINGOMA Edouard et tué celui-ci, ainsi que ses petits frères en l’occurrence<br />
MUREKEZI Damien, KALISA Antoine, NIYITEGEKA Anaclet et TWAGIRIMANA<br />
Vianney, que le sergent BARAYAGWIZA et les Interahamwe à sa sol<strong>de</strong> ont tué beaucoup<br />
d’autres personnes parmi lesquels TWAGIRAYEZU François et son fils, qu’ainsi le<br />
Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’il soit fait application <strong>de</strong>s articles 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais,<br />
l’article 2, 1 ère catégorie, b et l’article 14, a, <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 et <strong>de</strong><br />
le condamner à la peine <strong>de</strong> mort ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’après avoir assassiné NDENGEYINGOMA Edouard, le sergent<br />
BARAYAGWIZA a emmené la fiancée <strong>de</strong> celui-ci nommée KAGERUKA Agnès chez lui et<br />
a vécu avec elle contre son gré, que le fait <strong>de</strong> forcer une femme dont il venait <strong>de</strong> tuer le mari à<br />
vivre avec lui constitue une torture morale, que cela a été confirmé par les témoins et par<br />
Agnès KAGERUKA elle-même, la victime <strong>de</strong> ces atrocités, qu’ainsi le Ministère Public<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong> l’article 360 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais et <strong>de</strong>s<br />
articles 2, d et 14, a <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 et <strong>de</strong> le condamner à la peine<br />
capitale pour s’être ren<strong>du</strong> coupable <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> tortues sexuelles et <strong>de</strong> l’infraction <strong>de</strong> viol <strong>de</strong>s<br />
femmes tutsi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il déclare que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et les meurtriers qu’il<br />
dirigeait, parmi lesquels NZARIBARA alias GITENG, ont attaqué le domicile <strong>de</strong><br />
NYUMBAYIRE Sixte, qu’ils ont blessé celui-ci à la machette et l’ont laissé pour mort tel que<br />
cela a été confirmé par NYUMBAYIRE Sixte lui-même qui a vu cette attaque, que le<br />
Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong>s articles 21, 22, 24, et 312 <strong>du</strong><br />
Co<strong>de</strong> pénal rwandais et <strong>de</strong> le condamner à la peine <strong>de</strong> mort pour avoir commis l’infraction <strong>de</strong><br />
tentative d’assassinat ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> prononcer la dégradation<br />
militaire visée à l’article 457 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais contre le sergent gendarme<br />
BARAYAGWIZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que les faits commis par le sergent gendarme BARAYAGWIZA Ildéphonse<br />
le rattachent à la première catégorie tel que prévu par l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96<br />
<strong>du</strong> 30/08/1996, que le Ministère Public <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong> l’article<br />
14, a <strong>de</strong> la loi précitée et <strong>de</strong> le condamner à la peine <strong>de</strong> mort qui est la peine la plus sévère dès<br />
lors que les infractions qu’il a commises sont en concours idéal tel que prévu par l’article 18<br />
<strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
Atten<strong>du</strong> que la parole est accordée à Maître Ferdinand NZEPA, conseil <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA, pour présenter ses conclusions, qu’il commence par remercier le Tribunal<br />
pour la manière dont les débats ont été dirigés, l’Auditorat Militaire et les parties civiles ;<br />
56 ème feuillet.
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il revient sur la question <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong> la présente juridiction, qu’il<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal <strong>de</strong> motiver <strong>de</strong> manière détaillée les raisons pour lesquelles il s’estime<br />
compétent pour juger BARAYAGWIZA comme un militaire qui était encore en service au<br />
moment <strong>de</strong>s faits, qu’il ressort <strong>de</strong>s procès-verbaux établis par le Ministère Public que<br />
BARAYAGWIZA a été enten<strong>du</strong> comme un militaire, que pourtant il a été établi que<br />
BARAYAGWIZA travaillait au café TAM-TAM comme caissier à cette époque, qu’il<br />
aimerait que le Ministère Public pro<strong>du</strong>ise le Journal Officiel ou le Registre dans lequel le n°<br />
Matricule <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA est mentionné;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que ce matin même certaines parties civiles se sont présentées à l’audience<br />
et ont présenté leurs doléances, qu’il trouve que le Tribunal ne doit pas prendre ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<br />
en considération parce que tardives ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me NZEPA part <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA Edouard et <strong>de</strong> ses 4<br />
quatre enfants pour affirmer que tout le mon<strong>de</strong> a constaté que son client est chargé par Agnès,<br />
Idrissa et SEDARI, qu’il continue en disant que dans la mesure où les procès-verbaux font<br />
foi, il voudrait relever certaines choses sur SEDARI, qu’il fait remarquer que celui-ci n’a pas<br />
dit qu’il a vu le sergent BARAYAGWIZA tuer, mais qu’il a plutôt déclaré l’avoir vu dans une<br />
ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> meurtriers, que SEDARI a également dit que ces tueries lui ont été rapportées par le<br />
père <strong>de</strong> KAGERUKA Agnès, qu’ainsi il estime que ce témoignage ne doit pas faire foi;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant le témoignage <strong>de</strong> BAYIHORERE Idrissa qui a déclaré avoir vu, à<br />
partir <strong>de</strong> sa cachette, le sergent BARAYAGWIZA tuer Edouard et ses six petits frères, que le<br />
conseil <strong>du</strong> prévenu relève que tout le mon<strong>de</strong> a dit qu'Edouard n’avait que quatre petits frères,<br />
qu'il trouve que le témoin a préten<strong>du</strong> qu’Edouard avait six petits frères pour enfoncer son<br />
client surtout qu’il avoue qu’une partie <strong>de</strong> son témoignage lui a été rapportée, qu’ainsi il<br />
estime que ce témoignage ne doit pas non plus faire foi ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le témoignage <strong>de</strong> KAGERUKA Agnès est très confus, que par exemple<br />
dans le procès-verbal établi lors <strong>de</strong> son audition, Agnès KAGERUKA soutient qu’elle <strong>de</strong>vait<br />
se marier le 02/04/1994, et qu’elle le lui a confirmé <strong>de</strong> vive voix;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’elle a préten<strong>du</strong> qu’elle était séquestrée alors que le témoin CARITAS a dit qu’elle<br />
sortait souvent <strong>de</strong> la maison et qu’elle con<strong>du</strong>isait les chèvres au pâturage, qu’il trouve très<br />
étonnant que la personne dont on a tué le fiancé et 4 beaux-frères ait vécu avec le meurtrier <strong>de</strong><br />
ces <strong>de</strong>rniers et qu’elle soit restée à ses côtés alors qu’elle avait la latitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> lui échapper ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il est également étonnant qu’elle ait déclaré avoir croisé le sergent<br />
BARAYAGWIZA près <strong>de</strong> la briga<strong>de</strong> <strong>de</strong> la gendarmerie, juste à côté d’une boutique, et<br />
qu’elle ne l’ait pas fait arrêter alors qu’elle savait qu’il avait tué ses proches;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il poursuit en disant que les interrogatoires <strong>de</strong> KAGERUKA Agnès par le parquet<br />
démontrent qu’elle ne dit pas la vérité car lors <strong>de</strong> son audition <strong>de</strong>vant le Tribunal elle a dit que<br />
la sœur <strong>de</strong> BARAYAGWIZA nommée Epiphanie venait <strong>de</strong> temps en temps à leur domicile, et<br />
cela alors que dans son procès-verbal établi par le parquet elle a dit que EPIPHANIE résidait<br />
chez eux, qu’en plus elle a déclaré <strong>de</strong>vant le parquet qu’elle a fait la connaissance <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA en 1993 alors qu’à l’audience elle a dit qu’elle ne l’a connu qu’en 1994 ;<br />
369<br />
57 ème feuillet.
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que Me NZEPA continue en disant que la nommée Donatille a dit au Tribunal que le<br />
sergent BARAYAGWIZA et Agnès KAGERUKA ont fui mais qu’elle ne saurait dire s’ils ont<br />
pris la fuite ensemble, que néanmoins Agnès soutient qu’elle s’est soustraite à la surveillance<br />
<strong>de</strong> BARAYAGWIZA pendant leur fuite, qu’elle s’est cachée par la suite dans <strong>de</strong>s buissons où<br />
elle est restée pendant trois semaines en menant une vie sauvage;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que telles sont les preuves sur lesquelles les témoins à charge fon<strong>de</strong>nt leurs<br />
accusations, que cependant il s’agit <strong>de</strong> déclarations dénuées <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment et sur lesquelles le<br />
Tribunal ne saurait baser sa décision ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il poursuit en disant que NYOMBAYIRE Sixte charge le sergent<br />
BARAYAGWIZA <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> Narcisse, que même s’il n’a pas pu l’entendre témoigner<br />
<strong>de</strong>vant le Tribunal, il trouve qu’au regard <strong>du</strong> dossier, ce témoin n’a pas précisé l’auteur <strong>de</strong> ce<br />
meurtre ni le lieu où celui-ci a été perpétré, que pour cette raison il estime que nul ne peut se<br />
baser sur le procès-verbal <strong>de</strong> NYOMBAYIRE pour établir la culpabilité <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA ;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant François TWAGIRAYEZU et son fils, Me NZEPA dit que dans son<br />
procès-verbal NYOMBAYIRE Sixte a accusé BARAYAGWIZA d’avoir tué <strong>de</strong>s gens sans<br />
fournir aucune explication, qu’il continue en disant qu’il a par la suite déclaré que c’est<br />
BARAYAGWIZA et sa ban<strong>de</strong> qui les ont tués, que sur base <strong>de</strong> cette déclaration le Ministère<br />
Public a poursuivi le sergent BARAYAGWIZA <strong>du</strong> chef <strong>de</strong> cette prévention, mais qu’ayant<br />
constaté que cette accusation était sans fon<strong>de</strong>ment, le Ministère Public a interrogé<br />
MUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin, que pourtant après lecture<br />
<strong>du</strong> procès-verbal <strong>de</strong> Marianne on se rend compte qu’elle ne dit nulle part qu’elle a été témoin<br />
<strong>de</strong>s faits mis à charge <strong>de</strong> son client, que par contre elle dit que cela lui a été rapporté par<br />
KAZUNGU et MUZEHE, qu’ainsi ce témoignage ne doit pas être pris en considération dès<br />
lors que NYUMBAYIRE prétend avoir tout vu à partir <strong>de</strong> sa cachette et que ce témoignage a<br />
été fait tardivement, qu’en outre il est étonnant que tous ces témoins qui ont vu ces faits se<br />
commettre en avril 1994 et qui n’ont jamais été mala<strong>de</strong>s <strong>de</strong>puis lors aient choisi <strong>de</strong> les<br />
dénoncer aujourd’hui seulement ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il compare le témoignage <strong>de</strong> NDUSHABANDI Augustin à celui <strong>de</strong> SEDARI qui<br />
a déclaré n’avoir jamais vu le sergent BARAYAGWIZA porter l’uniforme militaire alors que<br />
NDUSHABANDI soutient pour sa part que le jour où les faits à charge <strong>de</strong> BARAYAGWIZA<br />
furent perpétrés celui-ci était en tenue militaire ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il explique que ses propos n’ont pas pour objectif d’innocenter le sergent<br />
BARAYAGWIZA, mais qu’il estime que le Ministère Public doit apporter les preuves<br />
consistantes, qu’il ne s’oppose pas à ce que les témoins précités soient enten<strong>du</strong>s, le but visé<br />
étant <strong>de</strong> rendre les preuves plus compréhensibles, que s’agissant <strong>de</strong> ces témoignages il s’en<br />
remet à la sagesse <strong>du</strong> Tribunal ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’en ce qui concerne le rattachement <strong>de</strong> son client à la 1 ère catégorie pour avoir<br />
perpétré le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, l’avocat <strong>de</strong> BARAYAGWIZA trouve que cette catégorisation<br />
<strong>de</strong> son client est très sévère et qu’au regard <strong>de</strong> la loi elle n'est pas appropriée en ce sens que,<br />
a-t-il poursuivi, l’Auditeur militaire a parlé <strong>de</strong>s réunions qui se tenaient et <strong>de</strong>s manifestations<br />
qui étaient organisées sans pour autant accuser son client d’y avoir pris part ;<br />
370
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que même s’il ne conteste pas la qualité <strong>de</strong> militaire <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA au moment <strong>de</strong>s faits, qu’il est évi<strong>de</strong>nt que ce <strong>de</strong>rnier n’avait aucun pouvoir<br />
par rapport au colonel RENZAHO et au conseiller KARUSHARA Rose ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que son client n’avait aucun pouvoir <strong>de</strong> superviser ce qui se passait et <strong>de</strong><br />
sauver <strong>de</strong>s vies humaines, qu’au regard <strong>de</strong> l’article 2, I a, b, c, d <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96<br />
il ne doit être rangé dans aucune catégorie ;<br />
58 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> que contrairement à certaines affirmations Me NZEPA soutient qu’aucune ban<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
malfaiteurs n’a été constituée ni formée militairement, que réagissant à ce propos<br />
BARAYAGWIZA dit qu’on lui a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s jeunes gens chargés d’assurer la<br />
sécurité <strong>du</strong> secteur et déclare qu’il n’a jamais nié avoir donné cette formation à ces jeunes,<br />
que le seul problème qui se pose consiste à savoir si <strong>de</strong>s gens auxquels il a donné ces<br />
entraînements étaient <strong>de</strong>s Interahamwe ou pas, ou s’il pouvait refuser d’obtempérer aux<br />
ordres <strong>de</strong> ses supérieurs, qu’il faudrait arriver à déterminer si ces jeunes gens ont commis <strong>de</strong>s<br />
infractions ou s’il n’avait pas les moyens <strong>de</strong> les en empêcher, que jusqu’à présent il n’a pas<br />
été prouvé que ces <strong>de</strong>rniers étaient <strong>de</strong>s Interahamwe et qu’en plus personne n’a déclaré avoir<br />
été témoin <strong>de</strong>s actes qu’ils auraient commis ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que concernant l’infraction <strong>de</strong> tortures sexuelles il existe <strong>de</strong>ux versions<br />
divergentes, que d’après Agnès KAGERUKA, le sergent BARAYAGWIZA l’a emmenée<br />
comme un butin <strong>de</strong> guerre lorsque les tueurs étaient venus à son domicile pour enlever son<br />
mari et ceux qui s’y trouvaient, que pour sa part le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il<br />
l’a emmenée en vue <strong>de</strong> pouvoir lui assurer la sécurité et qu’il n’a jamais eu <strong>de</strong> relations<br />
sexuelles avec elle, que d’après Me NZEPA cela place le Tribunal dans une situation très<br />
délicate dans la mesure où il y a également MUKAMFIZI qui déclare avoir enten<strong>du</strong> dire<br />
qu’Agnès a été emmenée par HATEGEKA ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que selon BARAYAGWIZA Ildéphonse, Agnès leur a envoyé le nommé<br />
″Jeune″ pour leur dire d’aller la secourir, que <strong>de</strong> son côté Agnès dit qu’elle ne pouvait pas<br />
sortir <strong>de</strong> la maison lorsqu’elle était chez le sergent BARAYAGWIZA, que la nommée<br />
CARITAS a déclaré qu’elle se comportait comme la femme <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA et<br />
vaquait aux travaux ménagers quotidiennement, qu’ainsi Me NZEPA dit qu’on ne peut pas<br />
accepter la thèse selon laquelle elle était séquestrée dès lors que les témoins affirment qu’elle<br />
sortait <strong>de</strong> la maison et qu’elle n’a pas sollicité le concours <strong>de</strong> CARITAS pour lui trouver les<br />
gens susceptibles <strong>de</strong> la sortir <strong>de</strong> là, d’où, conclut-il, BARAYAGWIZA n’est pas coupable <strong>de</strong><br />
l’infraction <strong>de</strong> tortures sexuelles car Agnès qui l’en accuse ne dit pas la vérité ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que concernant l’infraction <strong>de</strong> tentative d’assassinat sur la personne <strong>de</strong> Sixte,<br />
il existe également plusieurs versions parce que BARAYAGWIZA ne se trouvait pas à<br />
KIMISAGARA le 08/04/1994, mais qu’il se trouvait bien chez sa sœur à CYAHAFI à la date<br />
précitée, qu’il est venu à KIMISAGARA à partir <strong>du</strong> 11/04/1994 et qu’il ne pouvait donc pas<br />
être à ces <strong>de</strong>ux endroits au même moment ;<br />
Atten<strong>du</strong> que Me NZEPA soutient qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier que<br />
BARAYAGWIZA a massacré la famille <strong>de</strong> Sixte, surtout que Idrissa affirme que cette famille<br />
a été massacrée à GAKINJIRO et que le Centre Hospitalier <strong>de</strong> Kigali où on dit que<br />
371
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
BARAYAGWIZA a suivi Sixte ne se trouve pas à GAKINJIRO ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le témoignage <strong>de</strong> CARITAS soit écarté parce que tardif, que la<br />
déclaration <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière selon laquelle elle a été violée par les gens qui étaient envoyés<br />
par BARAYAGWIZA ne doit pas être prise en considération car elle n’avait jamais porté<br />
plainte auparavant, que même si elle dit avoir été mala<strong>de</strong> pendant toute une année, elle<br />
pouvait toujours dénoncer ces faits après s’être rétablie, car il y a plein d’organisations d’ai<strong>de</strong><br />
qui pouvaient lui prêter leur concours en cette matière;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il fait remarquer qu’il y a un fait qui est resté inaperçu à savoir le pillage par les<br />
enfants <strong>de</strong> Donatille <strong>de</strong>s biens qui se trouvaient dans la maison <strong>de</strong> BARAYAGWIZA et que<br />
BARAYAGWIZA a soutenu qu’Agnès a vu ceux qui ont pillé ces biens;<br />
372<br />
59 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que le Tribunal ne peut pas établir la culpabilité <strong>de</strong> BARAYAGWIZA sur<br />
base <strong>de</strong>s preuves qui ont été pro<strong>du</strong>ites jusqu’à présent, qu’il continue en disant que<br />
BARAYAGWIZA n’était sympathisant d’aucun parti politique, ni un militaire <strong>de</strong> gra<strong>de</strong><br />
supérieur et qu’il était plutôt un simple agent, qu’au cas où le Tribunal aurait <strong>de</strong>s preuves que<br />
BARAYAGWIZA aurait commis ces faits, il constaterait qu’il les aurait commis comme un<br />
simple agent, qu’il dit que personne ne doute que ces faits ont été commis par <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong><br />
malfaiteurs, mais insiste sur le fait qu’il y a un doute quant à l’implication <strong>de</strong><br />
BARAYAGWIZA dans la perpétration <strong>de</strong> ces actes et que par voie <strong>de</strong> conséquence, ce doute<br />
doit profiter au prévenu dès lors que nous sommes en matière répressive;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’invité à émettre son avis sur le présent procès, le sergent BARAYAGWIZA<br />
Ildéphonse dit que son conseil a soulevé la plupart <strong>de</strong>s points sur lesquels il <strong>de</strong>vait insister,<br />
qu’il voudrait simplement ajouter que l’Auditeur militaire a dit qu’il a attaqué le domicile <strong>de</strong><br />
Sixte le 18/04/1994, que pourtant ce <strong>de</strong>rnier a soutenu au cours <strong>de</strong> son interrogatoire <strong>de</strong>vant le<br />
parquet que cette attaque a eu lieu le 08/04/1994, qu’il trouve donc que ces déclarations sont<br />
très divergentes ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que concernant François TWAGIRAYEZU, il y a un témoin qui soutient que<br />
ce <strong>de</strong>rnier résidait à GAKINJIRO tandis qu’un autre affirme qu’ils étaient <strong>de</strong>s voisins, qu’à<br />
son avis les déclarations faites par Agnès sont mensongères parce que le jour où il l’a trouvée<br />
dans une boutique, elle ne l’a pas dénoncé aux militaires qui étaient non loin <strong>de</strong> là et qu’elle<br />
n’a pas non plus porté plainte à la Briga<strong>de</strong>, qu’elle a plutôt décidé <strong>de</strong> le dénoncer<br />
ultérieurement à cause <strong>de</strong> ses biens qu’elle a détournés, et que pour arriver à ses fins Agnès<br />
l’a accusé <strong>de</strong> menaces, qu’à la suite <strong>de</strong> cette accusation BARAYAGWIZA a été arrêté, et<br />
ensuite remis en liberté par un agent <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> renseignements nommé RUKUNDO<br />
après que celui-ci eût constaté qu’il était innocent ;<br />
Atten<strong>du</strong> que BARAYAGWIZA dit que dans son procès-verbal, il a réfuté l’accusation selon<br />
laquelle il a blessé Sixte à la machette parce que, soutient-il, il ne se trouvait pas chez lui à ce<br />
moment-là, qu’il ne comprend pas comment Sixte a été au courant <strong>de</strong> la situation qui a<br />
prévalu après qu’il fut blessé, ni la façon dont il a été évacué par le conseiller avec le<br />
concours <strong>de</strong>s militaires qui montaient la gar<strong>de</strong> au bureau <strong>de</strong> secteur, encore moins comment il<br />
a eu le temps <strong>de</strong> revenir à cet endroit pour envoyer son épouse solliciter le concours <strong>du</strong><br />
conseiller, qu’ensuite il fait observer que Sixte a déclaré l’avoir vu dispenser <strong>de</strong>s<br />
entraînements militaires aux gens pour pouvoir établir sa participation au génoci<strong>de</strong> ;
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
Atten<strong>du</strong> que s’agissant <strong>du</strong> contrat d’achat <strong>de</strong> sa parcelle, il dit qu’il y a un certain<br />
ZIMULINDA alias ″bandit″ résidant près <strong>du</strong> bâtiment ″ KABUGA ″ qui pourrait dire la date<br />
à laquelle ce contrat a été signé ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il n’était membre d’aucun parti politique et qu’il n’a participé à aucun<br />
meeting politique ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que concernant les accusations <strong>de</strong> Idrissa, son oncle maternel HARUNA et<br />
Donatille Caritas en ont parlé, qu’il poursuit en disant que certaines personnes lui ont dit que<br />
sa maison aurait été ven<strong>du</strong>e et que cela pourrait avoir servi <strong>de</strong> prétexte à ses accusateurs pour<br />
le charger ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit avoir déclaré que KALISA a été tué par les militaires <strong>du</strong> camp HUYE, que<br />
s’agissant <strong>de</strong>s accusations portées contre lui par Idrissa, il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment ce <strong>de</strong>rnier a<br />
pu observer les faits dont il le charge à partir <strong>de</strong> sa cachette, qu’il trouve très étonnant que<br />
ceux qui le chargent aujourd’hui ne l’ont pas dénoncé dès son retour dans le quartier;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il procè<strong>de</strong> à la lecture <strong>de</strong> la lettre qui lui a été adressée par son collègue exgendarme<br />
qui, à cette époque, a rallié la jeunesse <strong>de</strong> la branche modérée (Amajyojyi) <strong>du</strong><br />
M.D.R. dont TWAGIRAMUNGU était le chef, qu’il dit que ce gendarme possédait une<br />
boutique sur la route et participait activement aux activités <strong>de</strong>s partis politiques, qu’il pense<br />
que les gens le confon<strong>de</strong>nt avec ce gendarme, que pour ce faire il estime qu’il appartient au<br />
Tribunal d’apprécier souverainement les allégations <strong>de</strong> ceux qui l’accusent;<br />
60 ème feuillet.<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il estime que les déclarations faites par SEDARI au cours <strong>de</strong> son audition<br />
semblent lui avoir été extorquées parce que SEDARI lui-même déclare ignorer le procès<br />
verbal qui a été établi à cette occasion, que tantôt SEDARI dit que les déclarations qu’il a<br />
faites lui ont été rapportées par Félicien qui construisait la maison <strong>de</strong> BARAYAGWIZA et<br />
tantôt qu'il voyait BARAYAGWIZA à partir <strong>de</strong> sa maison où il se cachait ;<br />
Atten<strong>du</strong> que concernant le témoignage <strong>de</strong> MUKAZITONI Donatille il dit que celle-ci a<br />
déclaré qu’elle n’a vu BARAYAGWIZA tuer personne et qu’elle n’a enten<strong>du</strong> personne<br />
d’autre accuser ce <strong>de</strong>rnier d’avoir commis un meurtre, que s’agissant <strong>de</strong>s entraînements<br />
militaires il trouve qu’il aurait mieux valu qu’elle précise la pério<strong>de</strong> pendant laquelle il a<br />
donné ces entraînements, qu’il reconnaît néanmoins avoir détenu un fusil en juin 1994, qu’il<br />
relève que, concernant le fait qu’il a résidé à KIMISAGARA, MUKAZITONI ne dit pas la<br />
vérité lorsqu’elle dit qu’il a acheté la parcelle en 1992 et s’y est installé en 1993 et qu’il y a<br />
vécu avec sa sœur qui vendait <strong>de</strong>s habits, qu’à ce sujet il relève que sa sœur qui était un agent<br />
<strong>de</strong> l’Etat ne pouvait pas vendre <strong>de</strong>s habits et rési<strong>de</strong>r en même temps à CYAHAFI;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit que MUKAZITONI sait <strong>de</strong> quoi elle parle car elle dit l’avoir vu en tenue<br />
militaire et en possession d’un fusil, que pourtant invitée à dire s’il était un militaire encore en<br />
service, elle a répon<strong>du</strong> qu’elle croyait qu’il était un sergent gendarme ;<br />
Atten<strong>du</strong> qu’il dit qu’il ne s’est pas exilé et qu’il n’est pas revenu sous la contrainte <strong>de</strong><br />
l’A.P.R., qu’après son retour, le Département <strong>de</strong>s Renseignements Militaires a tenu à tout<br />
contrôler en ce qui le concerne, qu’en outre il déclare avoir avoué quelques-unes <strong>de</strong>s<br />
infractions qui lui sont reprochées et présenté ses excuses par écrit, qu’il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribunal<br />
d’examiner les preuves qu’il a pro<strong>du</strong>ites en toute clairvoyance et <strong>de</strong> le rétablir dans ses<br />
373
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
droits ;<br />
Atten<strong>du</strong> que l’avocat <strong>de</strong> la défense est prié <strong>de</strong> déposer ses conclusions écrites endéans trois<br />
jours ;<br />
QU’APRES DELIBERE LE TRIBUNAL REND LE JUGEMENT DANS LES TERMES<br />
CI-APRES :<br />
Constate que l’action <strong>du</strong> Ministère Public est recevable et qu’elle est régulière en la forme ;<br />
Constate que, comme on a pu le remarquer dès le début <strong>de</strong> l’audience, le sergent<br />
BARAYAGWIZA et son conseil ont essayé <strong>de</strong> démontrer que la Chambre Spécialisée <strong>du</strong><br />
Conseil <strong>de</strong> Guerre n’est pas compétente parce que, soutiennent-ils, BARAYAGWIZA n’était<br />
plus en service militaire au moment <strong>de</strong>s faits et qu’il ne fut jamais réintégré dans la nouvelle<br />
armée nationale, ce sur quoi le conseil <strong>de</strong> BARAYAGWIZA est revenu dans ses conclusions ;<br />
Constate que, conformément à sa décision prise au début <strong>du</strong> procès, ce Tribunal est compétent<br />
pour juger cette affaire parce que le sergent gendarme BARAYAGWIZA était un militaire <strong>de</strong><br />
l’A.P.R. lors <strong>de</strong> son arrestation, car il avait terminé la formation militaire et avait été réintégré<br />
dans l’armée tel que prévu par l’article 8 <strong>de</strong> la Déclaration <strong>du</strong> F.P.R. relative à la mise en<br />
place <strong>de</strong>s institutions le 17 juillet 1994 ;<br />
61 ème feuillet.<br />
Constate également que la compétence <strong>de</strong> la juridiction est déterminée par la fonction <strong>du</strong><br />
prévenu au moment <strong>de</strong> l’ouverture <strong>de</strong> l’instruction tel qu’il ressort <strong>du</strong> commentaire <strong>de</strong> la Loi<br />
organique <strong>du</strong> 30 août 1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong><br />
crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> crimes contre l’humanité, page 79;<br />
Constate que, à l’image <strong>de</strong> ce qui s’est passé partout au Rwanda, <strong>de</strong>s massacres ont été<br />
commis contre la population Tutsi <strong>de</strong>s secteurs CYAHAFI et KIMISAGARA <strong>de</strong> la Préfecture<br />
<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> Kigali tel que <strong>de</strong> nombreux témoignages faits <strong>de</strong>vant le Tribunal l’ont<br />
démontré ;<br />
Constate que pendant la préparation et l’exécution <strong>du</strong> génoci<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s entraînements militaires<br />
ont été donnés à la jeunesse ; laquelle a par la suite pris une part active dans les tueries<br />
perpétrées à KIMISAGARA et à CYAHAFI tel que confirmé par les divers témoignages faits<br />
à l’audience ;<br />
Constate que le témoignage <strong>de</strong> NYUMBAYIRE Sixte qui était le voisin <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA Ildéphonse prouve que le sergent BARAYAGWIZA a donné <strong>de</strong>s<br />
entraînements aux partisans <strong>de</strong> la C.D.R. au centre scolaire <strong>de</strong> KIMISAGARA et que ce sont<br />
ces <strong>de</strong>rniers qui ont massacré <strong>de</strong>s gens dans ce quartier, que le témoignage <strong>de</strong> MUKAZITONI<br />
Donatille consigné dans son 2 ème procès-verbal démontre également que BARAYAGWIZA a<br />
participé à ces entraînements, qu’il en va <strong>de</strong> même <strong>du</strong> témoignage <strong>de</strong> MUKASHEMA Caritas<br />
qui prouve qu’il a entraîné militairement <strong>de</strong>s Interahamwe qui ont massacré <strong>de</strong>s gens dans les<br />
quartiers <strong>de</strong> KIMISAGARA et CYAHAFI, ce que le prévenu ne nie pas, que dans ses moyens<br />
<strong>de</strong> défense le prévenu dit avoir formé les gens pour leur permettre d’assurer leur propre<br />
sécurité dans le cadre <strong>de</strong> la ″Défense Civile″, que pourtant ce moyen est dénué <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment<br />
374
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
dès lors que, tel qu’explicité plus haut, les gens qu’il a entraînés étaient <strong>de</strong>stinés à commettre<br />
<strong>de</strong>s tueries ;<br />
Constate que d’après le témoignage fait par NYUMBAYIRE Sixte, c’est l’attaque à laquelle<br />
prenait part le sergent BARAYAGWIZA qui a coûté la vie à TWAGIRAYEZU François qui<br />
travaillait au ″ MANUMETAL″ et à son fils aîné en date <strong>du</strong> 07/04/1994 à 16 heures, que cela<br />
a également été dit par MUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin dans<br />
leurs témoignages et que tous ces témoins ont suivi ces faits <strong>de</strong> près ;<br />
Constate que les assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse, ont<br />
attaqué la famille NYUMBAYIRE Sixte en date <strong>du</strong> 08/04/1994 à 5 heures <strong>du</strong> matin, qu’ils<br />
l’ont sérieusement blessé à la machette avant <strong>de</strong> le laisser pour mort, qu’il a cependant<br />
survécu à ses blessures par la suite tel que NYUMBAYIRE l’a lui-même expliqué au<br />
Tribunal ;<br />
Constate que les circonstances dans lesquelles Agnès est allée chez BARAYAGWIZA sont<br />
très confuses dès lors que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’Agnès a, à maintes reprises et à<br />
travers <strong>de</strong>s messagers qu’elle lui envoyait, sollicité son concours pour l’ai<strong>de</strong>r à quitter le<br />
domicile <strong>de</strong> HATEGEKA, que c’est ce <strong>de</strong>rnier qui , après avoir tué le mari d’Agnès, a forcé<br />
cette <strong>de</strong>rnière à vivre avec lui, qu’en réponse à cette déclaration, Agnès dit que c’est plutôt<br />
BARAYAGWIZA qui lui a imposé une cohabitation forcée après avoir tué son mari<br />
Edouard ;<br />
62 ème feuillet.<br />
Constate que MUKAMFIZI Thérèse citée par le sergent BARAYAGWIZA à sa décharge<br />
déclare avoir enten<strong>du</strong> que celui qui a tué le mari d’Agnès a par la suite forcé celle-ci à vivre<br />
avec lui, que cependant un autre homme est venu s’emparer d’Agnès par après et a aussi vécu<br />
avec Agnès contre son gré;<br />
Constate qu’Agnès dit qu’elle s’est échappée <strong>de</strong> chez BARAYAGWIZA trois semaines avant<br />
que la population fuie en masse, et qu’elle s’est cachée dans <strong>de</strong>s buissons où elle a mené une<br />
vie sauvage, que <strong>de</strong> leur côté les voisins <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA, parmi lesquels<br />
MUKAMAZIMPAKA Marianne et MUKASHEMA Caritas, soutiennent qu’Agnès se<br />
trouvait Chez le sergent BARAYAGWIZA jusqu’au moment <strong>de</strong> la fuite massive <strong>de</strong> la<br />
population, cette déclaration étant corroborée par le fait que le sergent BARAYAGWIZA<br />
reconnaît être arrivé à MUSASA en compagnie d’Agnès, que donc toutes ces déclarations<br />
créent un sérieux doute dans l’esprit <strong>du</strong> Tribunal quant à la véracité <strong>de</strong> la déclaration faite par<br />
Agnès ;<br />
Constate également que le fait que le sergent BARAYAGWIZA soit parti voir Agnès dans sa<br />
boutique à elle à GIKONDO et que, l’ayant vu, elle ne l’a pas dénoncé auprès <strong>de</strong>s instances<br />
habilitées renforce le doute <strong>du</strong> Tribunal quant à la responsabilité <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA dans l’assassinat <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA Edouard, ex-mari d’Agnès<br />
KAGERUKA, et dans le viol dont elle a été l’objet ;<br />
Constate que les motifs développés dans le 4 ème Constate font douter le Tribunal quant au<br />
véritable meurtrier <strong>de</strong> NDENGEYINGOMA Edouard et quant à l’infraction <strong>de</strong> viol dont<br />
Agnès KAGERUKA a été victime, qu’ainsi le doute <strong>du</strong> Tribunal doit profiter au prévenu ;<br />
Constate que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse s’est ren<strong>du</strong> coupable <strong>de</strong> l’infraction<br />
375
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
d’association <strong>de</strong> malfaiteurs lorsqu’il a entraîné militairement les Interahamwe et quand il a<br />
pris part aux attaques menées chez TWAGIRAYEZU François et chez NYUMBAYIRE<br />
Sixte, infraction prévue et réprimée par les articles 281 et 282 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais;<br />
Constate que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a commis l’infraction d’assassinat sur<br />
la personne <strong>de</strong> TWAGIRAYEZU François et <strong>de</strong> son fils, infraction prévue et réprimée par<br />
l’article 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;<br />
Constate que le sergent BARAYAGWIZA s’est ren<strong>du</strong> coupable <strong>de</strong> l’infraction <strong>de</strong> tentative<br />
d’assassinat lorsque lui et sa ban<strong>de</strong> ont attaqué le domicile <strong>de</strong> NYUMBAYIRE Sixte et ont<br />
administré plusieurs coups <strong>de</strong> machette à Sixte <strong>de</strong> sorte qu’ils l’ont laissé pour mort,<br />
infraction prévue et réprimée par les articles 21, 22, 24 et 312 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> pénal rwandais ;<br />
Constate que suite au doute qui s’est installé dans l’esprit <strong>du</strong> Tribunal, l’assassinat <strong>de</strong><br />
NDENGEYINGOMA Edouard n’est pas établi à charge <strong>du</strong> sergent gendarme<br />
BARAYAGWIZA Ildéphonse ;<br />
Constate que conformément au prescrit <strong>de</strong> l’article 20 <strong>du</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale<br />
l’infraction <strong>de</strong> tortures sexuelles et celle <strong>de</strong> viol <strong>de</strong>s femmes Tutsi ne sont pas établies à<br />
charge <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse dès lors que le Tribunal n’est pas convaincu<br />
que ce <strong>de</strong>rnier a réellement violé Agnès KAGERUKA ;<br />
63 ème feuillet.<br />
Constate que l’infraction <strong>de</strong> pillage reconnu par le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse luimême<br />
est établie à sa charge;<br />
Constate que le sergent BARAYAGWIZA a commis <strong>de</strong>s infractions constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> prévues par la Convention <strong>du</strong> 09/12/19948 et par la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong><br />
30/08/1996 dès lors qu’il avait l’intention d'exterminer les Tutsi;<br />
Constate que les faits reprochés au sergent BARAYAGWIZA le rattachent à la 2 ème catégorie<br />
parce qu’ils le rangent parmi les meurtriers qui ne relèvent pas <strong>de</strong> la 1 ère catégorie, et cela<br />
conformément à l’article 2 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
Constate que l’action en dommages et intérêts est recevable parce que régulière en la forme;<br />
Constate que, étant classé dans la 2 ème catégorie, le sergent BARAYAGWIZA n’est<br />
responsable que pour les dommages qu’il a personnellement causés à ses victimes et à leurs<br />
biens tel que prévu par l’article 30 alinéa 2 <strong>de</strong> la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 ;<br />
Constate que l’Etat rwandais ne doit pas être condamné solidairement avec le sergent<br />
BARAYAGWIZA à payer les dommages et intérêts parce que ce <strong>de</strong>rnier n’exerçait aucune<br />
fonction étatique au moment <strong>de</strong>s faits ;<br />
Constate que <strong>de</strong>s dommages moraux doivent être allouées à la famille TWAGIRAYEZU<br />
François représentée par Maître KANZAYIRE Berna<strong>de</strong>tte compte tenu <strong>de</strong> ses liens <strong>de</strong><br />
parenté avec TWAGIRAYEZU François et TWAGIRAYEZU Félix, que <strong>de</strong>s dommages<br />
matériels doivent être accordés à cette famille en fonction <strong>de</strong>s 13 ans qui restaient à<br />
TWAGIRAYEZU François pour atteindre l’âge <strong>de</strong> la retraite fixé à 55 ans, que les dommages<br />
matériels doivent également être alloués à NYUMBAYIRE Sixte tel que Maître<br />
376
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
GASARABWE Claudine, son conseil, les a détaillés dans les conclusions qu’elle a remises au<br />
Tribunal ;<br />
Constate que les dommages moraux réclamés par la famille <strong>de</strong> feu TWAGIRAYEZU<br />
François et <strong>de</strong> feu TWAGIRAYEZU Félix sont très excessifs et que le Tribunal doit les<br />
évaluer ex aequo et bono ;<br />
377<br />
64 ème feuillet.<br />
PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET<br />
CONTRADICTOIREMENT QUANT AU SERGENT BARAYAGWIZA ET AU<br />
MINISTERE PUBLIC ET PAR DEFAUT QUANT A L’ETAT RWANDAIS ;<br />
Vu la Loi fondamentale telle que modifiée le 18 janvier 1996 spécialement en son article 3 ;<br />
Vu la Constitution <strong>de</strong> la République Rwandaise <strong>du</strong> 10 juin 1991 spécialement en son article<br />
14 ;<br />
Vu le Protocole <strong>de</strong> l’Accord <strong>de</strong> Paix d’Arusha signé entre le Gouvernement <strong>de</strong> la République<br />
Rwandaise et le Front Patriotique Rwandais le 04 août 1993 en ses articles 25 et 26 alinéa 2<br />
<strong>du</strong> Chapitre V relatif au pouvoir judiciaire et en son article 50 et 49 tel que modifié à ce jour ;<br />
Vu la Convention <strong>du</strong> 09 décembre 1948 sur la prévention et la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong><br />
génoci<strong>de</strong> ;<br />
Vu la Loi n°08/95 <strong>du</strong> 06 décembre 1995 modifiant le Décret-loi n°09/80 <strong>du</strong> 07 juillet 1980<br />
portant organisation et compétence judiciaires et instituant l’auditorat militaire spécialement<br />
en ses articles 1, 4, 11, 13, 25 et 26 ;<br />
Vu la Loi n°09/80 <strong>du</strong> 07 juillet 1980 portant Co<strong>de</strong> d’organisation et <strong>de</strong> compétence judiciaires<br />
spécialement en ses articles 58 alinéa 2 et 76 alinéa 1 ;<br />
Vu la Loi <strong>du</strong> 23 février 1963 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale telle que modifiée par le<br />
Décret-loi n°07/82 <strong>du</strong> 07 janvier 1982 et par la Loi n°09/96 <strong>du</strong> 08 septembre 1996<br />
spécialement en ses articles 16, 17 al.1, 19, 20, 58, 61, 62, 67, 71, 75,7 6, 78, 80, 84, 90 et<br />
138 ;<br />
Vu la Loi organique n°08/96 <strong>du</strong> 30/08/1996 sur l’organisation <strong>de</strong>s poursuites <strong>de</strong>s infractions<br />
constitutives <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité commises à partir <strong>du</strong> 1 er<br />
octobre 1990 spécialement en ses articles 2 et 14 ;<br />
Vu le Co<strong>de</strong> pénal rwandais spécialement en ses articles 21, 22, 24, 281, 282, 312, 360, 361 et<br />
457 ;<br />
65 ème feuillet.<br />
Déclare que la prévention d’association <strong>de</strong> malfaiteurs est établie dans le chef <strong>du</strong> sergent<br />
BARAYAGWIZA et qu’il doit en être puni ;<br />
Déclare que la prévention d’assassinat est établie à charge <strong>du</strong> sergent
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
BARAYAGWIZA Ildéphonse;<br />
Déclare que le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> est établi dans le chef <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA et qu’il<br />
doit en être puni ;<br />
Déclare que les préventions <strong>de</strong> tortures sexuelles et <strong>de</strong> viol <strong>de</strong>s femmes Tutsi ne sont pas<br />
établies à charge <strong>du</strong> sergent BARAYAGWIZA ;<br />
Déclare que les préventions établies à charge <strong>de</strong> BARAYAGWIZA le rangent dans la 2 ème<br />
catégorie ;<br />
Déclare que le sergent BARAYAGWIZA perd la cause ;<br />
Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à la dégradation militaire ;<br />
DECIDE D’ALLOUER LES DOMMAGES ET INTERETS DE LA MANIERE<br />
SUIVANTE :<br />
LA PARTIE CIVILE : NYINAWABAGINGA Liberata<br />
LES NOMS DES VICTIMES : TWAGIRAYEZU François<br />
TWAGIRAYEZU Félix<br />
I. LES DOMMAGES MORAUX :<br />
1. Pour NYINAWABAGUNGA Liberata :<br />
� TWAGIRAYEZU François ( son mari ) : 7.000.000 Frw<br />
� TWAGIRAYEZU Félix ( son fils ) : 4.000.000 Frw<br />
� Le Total : 11.000.000 Frw<br />
1. Pour les enfants à savoir MWISENEZA Placi<strong>de</strong>, UMWALI Angélique, UMURERWA et<br />
DUSENGE, les dommages moraux sont accordés à chacun d’eux comme suit :<br />
Pour la perte <strong>de</strong> TWAGIRAYEZU François (leur père) : 5.000.000 Frw x 4 = 20.000.000<br />
Frw<br />
Pour la perte <strong>de</strong> TWAGIRAYEZU Félix ( leur frère ) : 3.000.000 Frw x 4 = 12.000.000<br />
Frw<br />
Le Total : 32.000.000<br />
Frw<br />
Le Total <strong>de</strong> tous les dommages moraux alloués: 32.000.000 Frw + 11.000.000 Frw =<br />
43.000.000 Frw<br />
II. a) LES DOMMAGES MATERIELS : 54702 Frw x 12 x13 = 8.533.512 Frw<br />
378<br />
66 ème feuillet.<br />
b) Les dommages matériels pour les biens détruits et pillés : 20.950.000 Frw<br />
Le total <strong>de</strong>s dommages et intérêts alloués à NYINAWABAGUNGA Liberata :<br />
43.000.000 Frw + 8.533.512 Frw + 20.950.000 Frw = 72.483.512 Frw
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE<br />
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998<br />
LA PARTIE CIVILE : NYOMBAYIRE Sixte<br />
Les dommages matériels : 30.220 Frw x12 x 8 = 2.901.120 Frw<br />
Les dommages matériels pour les biens détruits et pillés = 3.674.000 Frw<br />
Le total <strong>de</strong> tous les dommages matériels alloués à NYOMBAYIRE Sixte : 3.674.000<br />
Frw + 2.901.120 Frw =<br />
6.575.120 Frw<br />
Ordonne au sergent BARAYAGWIZA <strong>de</strong> payer les dommages et intérêts d’un montant<br />
<strong>de</strong> 79.058.632 Frw ;<br />
Déclare le sergent BARAYAGWIZA re<strong>de</strong>vable d’un montant <strong>de</strong> 48.100 Frw<br />
représentant le droit proportionnel <strong>de</strong> 4% ;<br />
Lui ordonne <strong>de</strong> payer ce droit proportionnel <strong>de</strong> 48.100 Frw dans les délais légaux sous<br />
peine <strong>de</strong> s’exposer, en cas <strong>de</strong> défaillance, à une contrainte par corps <strong>de</strong> 20 jours suivie<br />
d’une exécution forcée sur ses biens ;<br />
Rappelle que le délai d’appel est <strong>de</strong> 15 jours ;<br />
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 26/11/1998, EN<br />
PRESENCE DU PREVENU, DU MINISTERE PUBLIC ET DES PARTIES CIVILES.<br />
LE SIEGE<br />
PRESIDENT<br />
Jeannot RUHUNGA<br />
LT<br />
(Sé)<br />
JUGE JUGE<br />
Emmanuel NTAMBARA Charles MADUDU<br />
2LT 2LT<br />
(Sé) (Sé)<br />
GREFFIER<br />
Pte MUHIRE J. Clau<strong>de</strong><br />
(Sé)<br />
379
ANNEXES<br />
381
382
B. :<br />
TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS<br />
(les chiffres renvoient aux numéros <strong>de</strong>s décisions).<br />
BARAYAGWIZA Ildéphonse, N°17<br />
BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie, N°5 et N°16.<br />
BIZIMANA Antoine, N° 4.<br />
BIZURU André et Consorts, N°7.<br />
BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts, N°6.<br />
BUREGEYA Edison et UWINTONZE Bernard, N° 8.<br />
G. :<br />
GASANA Appolinaire, N°12.<br />
K. :<br />
KANYIJUKA Célestin, N°14.<br />
KANYABUGANDE ET Consorts, N°2.<br />
M. :<br />
MUKAKAYIJUKA Hadidja, N°9.<br />
MUKANSANGWA Pascasie, N°10.<br />
MUNYANGABE Théodore, N°13.<br />
N. :<br />
NEMEYIMANA Israël, N°15.<br />
NTAHONDI Ildéphonse, N°11<br />
NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts, N°1<br />
R. :<br />
RWAMULINDA Antoine et Consorts, N°3<br />
383
384
INDEX ANALYTIQUE.<br />
(Les chiffres renvoient aux numéros <strong>de</strong>s décisions).<br />
A<br />
Absence <strong>de</strong> condamnation: 16;<br />
Acquittement: 1; 2; 3; 7; 8; 10; 12; 13; 15; 16; 17;<br />
Actes <strong>de</strong> torture sexuelles: 17;<br />
Action civile: 3; 5; 7; 17;<br />
� disjonction <strong>de</strong> � : 2; 14;<br />
� fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> � : 1;<br />
� lien <strong>de</strong> causalité : 1; 4; 6;<br />
Appel: 13; 14; 15; 16;<br />
Arrestation illégale: 3;<br />
Assassinat: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 10; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17;<br />
Association <strong>de</strong> malfaiteurs: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 12; 13; 14; 15; 17;<br />
Attentat ou complot (ayant pour but <strong>de</strong> porter dévastation): 2; 5; 7; 10; 12; 13; 16; 17;<br />
Aveux:<br />
� partiels: 3; 6; 7; 17;<br />
� complets et sincères: 1; 2; 3; 6; 7; 12;<br />
� tardifs:<br />
� rétractation d'�: 2;<br />
� validité/ recevabilité: 1; 2;<br />
C<br />
Catégories (Loi Organique 30/08/96):<br />
� 1 ère catégorie:<br />
(instigateurs, position d'autorité, grands meurtriers, actes <strong>de</strong> torture sexuelle)<br />
2; 3; 5; 6;<br />
� 2 ème catégorie:<br />
(auteurs, coauteurs, ou complices d'homici<strong>de</strong>s volontaires ou d'atteintes graves contre les<br />
personnes ayant entraîné la mort).<br />
1; 2; 3; 5; 7; 11; 12; 14; 17;<br />
� 3 ème catégorie:<br />
(personne ayant commis <strong>de</strong>s actes criminels ou <strong>de</strong> participation criminelle la rendant coupable<br />
d'autres atteintes graves à la personne).<br />
4; 9;<br />
� 4 ème catégorie:<br />
(personnes ayant commis <strong>de</strong>s infractions conte les propriétés).<br />
8;<br />
Circonstances atténuantes: 2; 7;<br />
Compétence <strong>du</strong> tribunal: 17;<br />
Complicité: 5; 14; 15; 16;<br />
Concours d'infractions:<br />
Condamnation in solidium: 1;<br />
− concours idéal: 5; 6; 7; 11; 12;<br />
− concours réel: 2 ;<br />
385
(prévenu et Etat).<br />
Conflit d'intérêt dans la défense: 2;<br />
Connexité: 2;<br />
Contrainte: 2;<br />
Crimes contre l'humanité: 1; 3; 4; 7; 9; 10; 12; 13; 14;<br />
Crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 10; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17;<br />
Crimes <strong>de</strong> guerre:<br />
D<br />
Dégradation (infraction contre la propriété): 1; 2;<br />
Dégradation civique: 1; 2; 3; 4; 6; 7; 12; 14;<br />
Dégradation militaire: 17;<br />
Déontologie <strong>de</strong>s avocats : 2;<br />
Descente <strong>du</strong> tribunal sur le terrain: 1; 4; 9; 10; 11; 16;<br />
Destruction (infraction contre la propriété): 2; 3; 4; 5; 16;<br />
Détention illégale (armes): 2;<br />
Dévastation: 1;<br />
Diminution <strong>de</strong> peine: 3; 6; 7; 11;<br />
Dommages et intérêts:<br />
− matériels: 1; 6; 7<br />
− moraux: 1; 3; 5; 6; 7<br />
Double incrimination:<br />
Doute:<br />
− bénéfice <strong>de</strong>�: 8; 12; 13; 17;<br />
− sur la culpabilité: 12; 13;<br />
Droits <strong>de</strong> la défense: 1; 2; 8; 9; 13; 14; 17;<br />
E<br />
Egalité <strong>de</strong>s armes: 12;<br />
Egalité <strong>de</strong>vant la loi:<br />
Elément intentionnel: 11; 12; 17;<br />
Elément matériel:<br />
Emprisonnement:<br />
Enlèvement et séquestration: 12;<br />
Enquête: 2; 5; 16;<br />
Exception d'incompétence:<br />
Excuses: 6;<br />
F<br />
Fonds d'in<strong>de</strong>mnisation <strong>de</strong>s victimes:<br />
G<br />
Grâce:<br />
Grands meurtriers: 1; 5;<br />
Grands responsables:<br />
H<br />
386<br />
− à temps: 2; 3; 6; 7; 9; 11; 12;<br />
− à perpétuité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14; 17;
Huis clos: 4;<br />
I<br />
Incitation au soulèvement <strong>de</strong>s citoyens les uns contre les autres: 13;<br />
J<br />
Jonction <strong>de</strong> dossiers: 2;<br />
Juridictions militaires: 17;<br />
L<br />
Libération<br />
� conditionnelle:<br />
� immédiate: 1; 3; 7; 8; 10; 12; 16;<br />
M<br />
Massacres:<br />
Menaces d'attentat contre les personnes: 9;<br />
Meurtres: 2; 12;<br />
Minorité (excuse <strong>de</strong>): 11;<br />
Mise à disposition <strong>du</strong> gouvernement:<br />
Motivation (jugement): 13;<br />
N<br />
Non assistance à personne en danger: 2; 4; 6; 13;<br />
O<br />
Obéissance aux ordres d'un supérieur:<br />
Opposition: 15;<br />
P<br />
Peine <strong>de</strong> mort: 2; 3; 5;<br />
Port illégal d'armes: 9;<br />
Preuve:<br />
Procé<strong>du</strong>re d'aveu et<br />
<strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14;<br />
Q<br />
Qualification:<br />
R<br />
Responsabilité civile:<br />
387<br />
− absence <strong>de</strong>: 1; 2; 7; 8; 9; 12; 15; 16;<br />
− administration <strong>de</strong> la�: 4; 5; 6; 12; 13;<br />
− admissibilité <strong>de</strong> la�:<br />
− charge <strong>de</strong> la �: 3;<br />
− force probante <strong>de</strong>s�: 1; 2; 4; 7; 9; 13; 15;<br />
− insuffisance <strong>de</strong>�: 8; 9; 13;<br />
− pro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> pièces:
- <strong>de</strong> l'auteur: 17;<br />
- <strong>de</strong>s ayants droits:<br />
- <strong>de</strong> l'Etat: 1; 17;<br />
Responsabilité pénale indivi<strong>du</strong>elle: 8; 9;<br />
S<br />
Sursis: 8;<br />
Suspicion légitime: 4;<br />
T<br />
Témoignages:<br />
Tentative d'assassinat: 2; 17;<br />
Torture: 9;<br />
U<br />
Usurpation <strong>de</strong> fonctions ou titres: 2;<br />
V<br />
Viol: 9; 17;<br />
Violation <strong>de</strong> domicile: 2; 4; 9; 14;<br />
Violation <strong>de</strong> la loi : 16;<br />
Voies <strong>de</strong> recours:<br />
Vol:<br />
Vol avec violences: 2; 15;<br />
Z<br />
Zèle et méchanceté excessive : 1; 5;<br />
388<br />
− a charge : 1; 2; 3; 4; 6; 8; 11; 12; 16; 17;<br />
− a décharge : 1; 2; 3; 4; 8; 11; 12; 16;<br />
− concordants: 1; 3; 5; 6; 11;<br />
− confus:<br />
− contradictoires: 4; 7; 8; 9; 10;<br />
− faux témoignages: 4; 10;<br />
− indirects : 10;<br />
− non - probants: 2;<br />
− récusation <strong>de</strong> �: 7; 11; 12;<br />
− validité <strong>de</strong>s �:<br />
− appel:<br />
− cassation:<br />
− opposition:
LOI ORGANIQUE N° 08/96 DU 30/08/96<br />
SUR L’ORGANISATION DES POURSUITES DES INFRACTIONS<br />
CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE<br />
L’HUMANITE, COMMISES A PARTIR DU 1 ER OCTOBRE 1990<br />
Article premier<br />
Journal Officiel n° 17 <strong>du</strong> 1/9/1996<br />
CHAPITRE PREMIER : GENERALITES<br />
La présente loi organique a pour objet l’organisation et la mise en jugement <strong>de</strong>s personnes<br />
poursuivies d’avoir, à partir <strong>du</strong> 1 er octobre 1990, commis <strong>de</strong>s actes qualifiés et sanctionnés par le<br />
co<strong>de</strong> pénal et qui constituent :<br />
a) Soit <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité tels que définis dans la<br />
Convention <strong>du</strong> 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, dans<br />
la Convention <strong>de</strong> Genève <strong>du</strong> 12 août 1948 relative à la protection <strong>de</strong>s personnes civiles en<br />
temps <strong>de</strong> guerre et les Protocoles additionnels, ainsi que dans celle <strong>du</strong> 26 novembre 1968 sur<br />
l’imprescriptibilité <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées<br />
par le Rwanda ;<br />
b) Soit <strong>de</strong>s infractions visées au Co<strong>de</strong> pénal qui, selon ce qu’allègue le Ministère Public ou<br />
admet l’accusé, ont été commises en relation avec les événements entourant le génoci<strong>de</strong> et les<br />
crimes contre l’humanité.<br />
CHAPITRE II : DE LA CATEGORISATION<br />
Article 2<br />
Selon les actes <strong>de</strong> participation aux infractions visées à l’article 1 <strong>de</strong> la présente loi organique,<br />
commises entre le 1 octobre 1990 et le 31 décembre 1994, la personne poursuivie est classée<br />
dans l’une <strong>de</strong>s catégories suivantes :<br />
Catégorie 1.<br />
a) La personne que les actes criminels ou <strong>de</strong> participation criminelle rangent parmi les<br />
planificateurs, les organisateurs, les superviseurs et les encadreurs <strong>du</strong> crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s<br />
crimes contre l’humanité ;<br />
b) La personne qui a agi en position d’autorité au niveau national, préfectoral, communal,<br />
<strong>du</strong> secteur ou <strong>de</strong> la cellule, au sein <strong>de</strong>s partis politiques, <strong>de</strong> l’armée, <strong>de</strong>s confessions religieuses<br />
ou <strong>de</strong>s milices, qui a commis ces infractions ou qui a encouragé les autres à le faire ;<br />
c) Le meurtrier <strong>de</strong> grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partout<br />
où il est passé, à cause <strong>du</strong> zèle qui l’a caractérisé dans les tueries, ou <strong>de</strong> la méchanceté excessive<br />
avec laquelle elles ont été exécutées ;<br />
d) La personne qui a commis <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> torture sexuelle.<br />
Catégorie 2.<br />
389
La personne que les actes criminels ou <strong>de</strong> participation criminelle rangent parmi les auteurs,<br />
coauteurs ou complices d’homici<strong>de</strong>s volontaires ou d’atteintes graves contre les personnes ayant<br />
entraîné la mort.<br />
Catégorie 3.<br />
La personne ayant commis <strong>de</strong>s actes criminels ou <strong>de</strong> participation criminelle la rendant coupable<br />
d’autres atteintes graves à la personne.<br />
Catégorie 4.<br />
La personne ayant commis <strong>de</strong>s infractions contre les propriétés.<br />
Article 3<br />
Pour l’application <strong>de</strong> la présente loi organique, le complice est celui qui aura prêté une<br />
ai<strong>de</strong> indispensable à commettre l’infraction, ou qui, par n’importe quel moyen, aura soustrait<br />
aux autorités les personnes dont il est question à l’article 2 <strong>de</strong> la présente loi organique ou aura<br />
omis <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s renseignements à leur sujet.<br />
Le fait que l’un quelconque <strong>de</strong>s actes visés par la présente loi organique a été commis par<br />
un subordonné ne dégage pas son supérieur <strong>de</strong> sa responsabilité pénale s’il savait ou avait <strong>de</strong>s<br />
raisons <strong>de</strong> croire que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que le<br />
supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour en punir les auteurs ou pour<br />
empêcher que ledit acte ne soit commis alors qu’il en avait les moyens.<br />
CHAPITRE III :<br />
DE LA PROCEDURE D’AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE<br />
Section 1 : De l’entrée en vigueur, <strong>de</strong> l’admissibilité et <strong>de</strong>s conditions<br />
Article 4.<br />
La procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité entre en vigueur le jour <strong>de</strong> la<br />
publication <strong>de</strong> la présente loi organique au Journal Officiel et le <strong>de</strong>meure pendant dix-huit (18)<br />
mois, renouvelable par arrêté Prési<strong>de</strong>ntiel, pour une pério<strong>de</strong> ne dépassant pas la même <strong>du</strong>rée.<br />
L’officier <strong>du</strong> Ministère Public chargé d’une instruction est tenu d’informer le prévenu <strong>de</strong><br />
son droit et <strong>de</strong> son intérêt <strong>de</strong> recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité. Il fera<br />
mention dans un procès-verbal qu’il a ainsi informé le prévenu.<br />
Article 5.<br />
Toute personne ayant commis <strong>de</strong>s infractions visées à l’article 1 a le droit <strong>de</strong> recourir à la<br />
procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité.<br />
Ce droit, qui ne peut être refusé, peut être exercé en tout temps avant la communication<br />
390
<strong>du</strong> dossier répressif au prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la juridiction. Il ne peut être exercé qu’une seule fois et il<br />
peut y être renoncé tant que l’intéressé n’a pas encore avoué <strong>de</strong>vant le siège.<br />
Sans préjudice aux dispositions <strong>de</strong> l’alinéa 1 er , les personnes relevant <strong>de</strong> la catégorie 1<br />
prévue à l’article 2, ne peuvent bénéficier <strong>de</strong>s ré<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong> peine prévues aux articles 15 et 16.<br />
Article 6<br />
Pour être reçus au titre d’aveux au sens <strong>de</strong> la présente section, les aveux doivent<br />
comprendre :<br />
a) La <strong>de</strong>scription détaillée <strong>de</strong> toutes les infractions visées à l’article 1 que le requérant a<br />
commises, et notamment les dates, heure et lieu <strong>de</strong> chaque fait, ainsi que les noms <strong>de</strong>s victimes<br />
et <strong>de</strong>s témoins s’ils sont connus ;<br />
b) Les renseignements relatifs aux coauteurs et aux complices et tout autre renseignement<br />
utile à l’exercice <strong>de</strong> l’action publique ;<br />
c) Des excuses présentées pour les infractions commises par le requérant ;<br />
d) Une offre <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité pour les infractions décrites par le requérant<br />
conformément aux dispositions <strong>du</strong> point (a) <strong>du</strong> présent article.<br />
Les aveux doivent être <strong>recueil</strong>lis et transcrits par un officier <strong>de</strong> Ministère Public.<br />
Si les aveux sont transmis par écrit, l’officier <strong>de</strong> Ministère Public en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> confirmation. En<br />
présence <strong>de</strong> l’officier <strong>du</strong> Ministère Public, le requérant signe ou marque d’une empreinte digitale<br />
le procès-verbal contenant les aveux ou la confirmation et s’il y en a un, le document remis par<br />
le requérant. L’officier <strong>du</strong> Ministère Public signe le procès-verbal.<br />
Le Ministère Public doit informer le requérant <strong>de</strong> la catégorie à laquelle le rattachent les<br />
faits avoués, afin qu’il puisse confirmer son choix <strong>de</strong> poursuivre la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong><br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ou y renoncer.<br />
Si le requérant renonce, il a le droit <strong>de</strong> retirer sa confession. Dans ce cas, lors <strong>de</strong> toute<br />
procé<strong>du</strong>re subséquente, l’aveu et le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité sont inadmissibles comme preuves<br />
contre l’accusé.<br />
Article 7<br />
A compter <strong>de</strong> la signature <strong>du</strong> procès-verbal visé à l’article 6, le Ministère Public dispose<br />
d’un délai maximum <strong>de</strong> trois mois pour vérifier si les déclarations <strong>du</strong> requérant sont exactes et<br />
complètes, et si les conditions fixées à l’article 6 sont remplies.<br />
Au terme <strong>de</strong> la vérification, il est dressé un procès-verbal mentionnant les raisons <strong>de</strong><br />
l’acceptation ou <strong>du</strong> rejet <strong>de</strong> l’aveu et <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité. Ce procès-verbal est<br />
signé par un officier <strong>du</strong> Ministère Public.<br />
En cas <strong>de</strong> rejet <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d’aveu, le Ministère Public poursuit l’instruction <strong>de</strong><br />
l’affaire selon les voies ordinaires. Aucune autre procé<strong>du</strong>re d’aveu ne peut être requise au niveau<br />
<strong>du</strong> Ministère Public.<br />
Article 8<br />
391
En cas d’acceptation <strong>de</strong> l’aveu et <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, le Ministère<br />
Public clôture le dossier en établissant une note <strong>de</strong> fin d’instruction contenant les préventions<br />
établies par l’aveu et il communique le dossier à la juridiction compétente pour en connaître.<br />
Article 9<br />
Au fur et à mesure que les enquêtes progressent, une liste <strong>de</strong>s personnes poursuivies ou<br />
accusées d’avoir commis <strong>de</strong>s actes les rattachant à la première catégorie est dressée et mise à<br />
jour par le Procureur général près la Cour Suprême. Cette liste sera publiée trois mois après la<br />
publication <strong>de</strong> la présente loi organique au Journal Officiel et republiée périodiquement par la<br />
suite pour refléter les mises à jour.<br />
Par dérogation aux dispositions <strong>de</strong> l’article 5 alinéa 3, la personne qui aura présenté les<br />
aveux et une offre <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité sans que son nom ait été préalablement publié sur<br />
la liste <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> la première catégorie, ne pourra pas entrer dans cette catégorie, si les<br />
aveux sont complets et exacts. Si ses faits avoués <strong>de</strong>vaient faire rentrer cette personne dans la<br />
première catégorie, elle sera classée dans la <strong>de</strong>uxième.<br />
Les personnes qui auront présenté leurs aveux avant la publication <strong>de</strong> la liste <strong>de</strong>s noms<br />
<strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> la première catégorie sont classées dans la <strong>de</strong>uxième si c’est là que les rangent<br />
les infractions commises.<br />
S’il est découvert ultérieurement <strong>de</strong>s infractions qu’une personne n’avait pas avouées,<br />
elle sera poursuivie, à tout moment, pour ces infractions et pourra être classée dans la catégorie à<br />
laquelle la rattachent les infractions commises.<br />
Section 2 : De l’audience, <strong>du</strong> jugement et <strong>de</strong>s effets<br />
Article 10<br />
En cas <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, l’audience est organisée<br />
comme suit :<br />
1. Le greffier appelle la cause ;<br />
2. Le prévenu décline son i<strong>de</strong>ntité ;<br />
3. Le prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> siège <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la partie civile son i<strong>de</strong>ntité :<br />
4. Le greffier énonce la prévention ;<br />
5. Le Ministère Public est enten<strong>du</strong> en ses réquisitions ;<br />
6. Le greffier lit le procès-verbal d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, et s’il y en a un, le<br />
document qui contient les aveux ;<br />
7. Le siège interroge le prévenu et vérifie que les aveux et le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ont été<br />
faits <strong>de</strong> façon volontaire et en toute connaissance <strong>de</strong> cause, notamment <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong><br />
l’inculpation, <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong>s peines et <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> recours en appel pour les dispositions<br />
pénales <strong>du</strong> jugement à venir ;<br />
8. La partie civile prend ses conclusions ;<br />
9. Le prévenu et, le cas échéant, la personne civilement responsable, s’il y en a, présentent<br />
392
successivement leur défense à l’action civile ou toute autre déclaration pour atténuer leur<br />
responsabilité ;<br />
10. Le siège reçoit le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité et les débats sont déclarés clos.<br />
Article 11<br />
Lorsqu’une procé<strong>du</strong>re d’aveu a été rejetée par le Ministère Public au terme <strong>de</strong> la<br />
vérification prévue à l’article 7, le prévenu peut confirmer <strong>de</strong>vant le siège sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité.<br />
Le prévenu doit formuler sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> après que le greffier ait énoncé la prévention et au<br />
plus tard lors <strong>de</strong> son audition.<br />
Si, au terme <strong>de</strong> l’instruction d’audience, le siège détermine que les aveux étaient<br />
conformes aux conditions fixées à l’article 6, il fait application <strong>de</strong>s articles 15 et 16.<br />
Article 12<br />
Si, au cours <strong>de</strong> l’audience, le siège détermine que ne sont pas réunies les conditions mises<br />
à la validité <strong>de</strong> l’aveu et <strong>du</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, il prononce un jugement <strong>de</strong> rejet <strong>de</strong> la<br />
procé<strong>du</strong>re d’aveu. Il en est <strong>de</strong> même si le prévenu a renoncé à la procé<strong>du</strong>re d’aveu.<br />
La juridiction peut qualifier autrement les faits dont elle est saisie. La disqualification par<br />
le siège d’un fait avoué n’emporte pas le rejet <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité. Par contre, le siège ordonne la réouverture <strong>de</strong>s débats afin que, avisé <strong>de</strong> la nouvelle<br />
qualification, l’accusé puisse confirmer son choix <strong>de</strong> recourir à la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong><br />
plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, ou y renoncer.<br />
Article 13<br />
Dans le cas où le siège prononce un jugement <strong>de</strong> rejet <strong>de</strong> l’aveu et <strong>du</strong> plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité, il peut fixer l’affaire à une date ultérieure pour être jugée sur le fond, ou se <strong>de</strong>ssaisir<br />
<strong>de</strong> l’affaire et la renvoyer au Ministère Public pour complément d’information.<br />
Lors <strong>de</strong> toute procé<strong>du</strong>re subséquente, l’aveu et le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité sont<br />
inadmissibles comme preuve contre l’accusé.<br />
Article 14<br />
CHAPITRE IV : DES PEINES<br />
Les peines imposées pour les infractions visées à l’article 1 sont celles prévues par le<br />
co<strong>de</strong> pénal, sauf :<br />
a) que les personnes <strong>de</strong> la première catégorie encourent la peine <strong>de</strong> mort ;<br />
b) que pour les personnes relevant <strong>de</strong> la catégorie 2, la peine <strong>de</strong> mort est remplacée par<br />
l’emprisonnement à perpétuité ;<br />
c) lorsque les aveux et le plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité ont été acceptés, dans lequel cas, il est<br />
fait application <strong>de</strong>s articles 15 et 16 <strong>de</strong> la présente loi organique ;<br />
d) que les actes commis par les personnes <strong>de</strong> la catégorie 4 donnent lieu à <strong>de</strong>s réparations<br />
393
Article 15<br />
civiles par voie <strong>de</strong> règlement à l’amiable entre les parties intéressées avec le concours <strong>de</strong><br />
leurs concitoyens et à défaut, il est fait application <strong>de</strong>s règles relatives à l’action pénale et<br />
à l’action civile. Si le prévenu est condamné à une peine d’emprisonnement, il est sursis à<br />
l’exécution <strong>de</strong> la peine. Pour l’application <strong>du</strong> présent article en son point (d), les<br />
conditions fixées par l’article 97 <strong>du</strong> co<strong>de</strong> pénal ne sont pas observées.<br />
Lorsque la condamnation est prononcée à la suite d’un aveu et d’un plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité offerts avant les poursuites, la peine est diminuée comme suit :<br />
a) les personnes <strong>de</strong> la catégorie 2 encourent une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 7 à 11 ans ;<br />
b) les personnes <strong>de</strong> la catégorie 3 encourent le tiers <strong>de</strong> la peine que le tribunal <strong>de</strong>vrait<br />
normalement imposer.<br />
Article 16<br />
Lorsque la condamnation est prononcée à la suite d’un aveu et d’un plaidoyer <strong>de</strong><br />
culpabilité offerts après les poursuites, la peine est diminuée comme suit :<br />
a) les personnes <strong>de</strong> la catégorie 2 encourent une peine d’emprisonnement <strong>de</strong> 12 à 15 ans ;<br />
b) les personnes <strong>de</strong> la catégorie 3 encourent la moitié <strong>de</strong> la peine que le tribunal <strong>de</strong>vrait<br />
normalement imposer.<br />
Article 17<br />
Les personnes reconnues coupables au terme <strong>de</strong> la présente loi organique encourent, <strong>de</strong> la<br />
manière suivante, la peine <strong>de</strong> la dégradation civique :<br />
a) la dégradation civique perpétuelle et totale pour les personnes <strong>de</strong> la catégorie 1 ;<br />
b) la dégradation civique perpétuelle telle que définie à l’article 66 <strong>du</strong> co<strong>de</strong> pénale, points<br />
2°, 3° et 5° pour les personnes <strong>de</strong> la catégorie 2. La condamnation <strong>de</strong>s personnes relevant<br />
<strong>de</strong> la catégorie 3 emporte toutes les conséquences civiques prévues par la loi.<br />
Article 18 :<br />
En dépit <strong>de</strong> l’article 94 <strong>du</strong> co<strong>de</strong> pénal, seront prononcées les peines déterminées par la<br />
qualification la plus sévère lorsqu’il y a concours idéal ou matériel d’infractions.<br />
CHAPITRE V : DES CHAMBRES SPECIALISEES<br />
Section 1 : De la création et <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong>s chambres spécialisées<br />
Article 19 :<br />
Il est créé au sein <strong>de</strong>s Tribunaux <strong>de</strong> première instance et juridictions militaires <strong>de</strong>s<br />
chambres spécialisées ayant la compétence exclusive <strong>de</strong> connaître <strong>de</strong>s infractions visées à<br />
l’article 1.<br />
Chaque chambre spécialisée peut comprendre plusieurs sièges pouvant siéger<br />
394
simultanément.<br />
Au moins un <strong>de</strong> ces sièges est composé <strong>de</strong> magistrats pour enfants qui connaissent<br />
exclusivement <strong>de</strong>s infractions visées à l’article 1 et commises par les mineurs.<br />
Dans les limites <strong>du</strong> ressort territorial <strong>du</strong> tribunal et sur décision <strong>de</strong> son prési<strong>de</strong>nt, une<br />
chambre spécialisée peut avoir plusieurs sièges, pouvant siéger comme chambres itinérantes aux<br />
endroits et pour la <strong>du</strong>rée qu’il détermine.<br />
En cas <strong>de</strong> privilège <strong>de</strong> juridiction en matière personnelle, les chapitres V et VI <strong>de</strong> la<br />
présente loi organique ne sont pas applicables.<br />
Article 20 :<br />
Chaque chambre spécialisée est constituée d’autant <strong>de</strong> magistrats <strong>de</strong> carrière ou <strong>de</strong><br />
magistrats auxiliaires qu’il est nécessaire, placés sous la prési<strong>de</strong>nce d’un <strong>de</strong>s vice-prési<strong>de</strong>nts <strong>du</strong><br />
tribunal <strong>de</strong> première instance ou <strong>de</strong>s juridictions militaires.<br />
Le Vice-prési<strong>de</strong>nt est chargé <strong>de</strong> l’organisation et <strong>de</strong> la répartition <strong>du</strong> service au sein <strong>de</strong> la<br />
Chambre spécialisée.<br />
Les affectations <strong>de</strong>s magistrats <strong>de</strong> carrière et la désignation <strong>de</strong>s Prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s Chambres<br />
Spécialisées <strong>de</strong>s Tribunaux <strong>de</strong> première instance sont arrêtées par ordonnance <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />
Cour Suprême, sur décision <strong>du</strong> collège <strong>du</strong> Prési<strong>de</strong>nt et <strong>de</strong>s Vice-prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> la Cour Suprême.<br />
Les magistrats <strong>de</strong> carrière sont choisis parmi ceux <strong>du</strong> Tribunal <strong>de</strong> première instance dont fait<br />
partie la Chambre spécialisée.<br />
Les affectations <strong>de</strong>s magistrats auxiliaires et la désignation <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre<br />
Spécialisée <strong>de</strong>s juridictions militaires sont arrêtées selon la procé<strong>du</strong>re en vigueur <strong>de</strong>vant ces<br />
juridictions.<br />
Article 21 :<br />
Le siège <strong>de</strong>s Chambres spécialisées est composé <strong>de</strong> trois magistrats, dont le prési<strong>de</strong>nt est<br />
désigné par le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre.<br />
Article 22 :<br />
Les Officiers <strong>du</strong> Ministère Public près les chambres spécialisées <strong>de</strong>s Tribunaux <strong>de</strong><br />
première instance sont désignés par le Procureur général près la Cour d’Appel parmi ceux <strong>du</strong><br />
Parquet <strong>de</strong> la République sur proposition <strong>du</strong> Procureur <strong>de</strong> la République. Ils sont dirigés par un<br />
premier substitut commissionné à cet effet.<br />
Les Officiers <strong>du</strong> Ministère Public <strong>du</strong> Parquet général près la Cour d’Appel chargés <strong>de</strong>s<br />
affaires portées au <strong>de</strong>gré d’appel <strong>de</strong>vant cette Cour sont désignés par le Procureur général près la<br />
Cour Suprême sur proposition <strong>du</strong> Procureur Général.<br />
Le Procureur Général près la Cour Suprême assure la supervision et la direction générale<br />
<strong>de</strong>s parquets <strong>de</strong> la République et d’Appel pour les matières relevant <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong>s<br />
chambres spécialisées.<br />
Article 23 :<br />
395
Les Officiers <strong>du</strong> Ministère Public près la chambre spécialisée <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong> Guerre sont<br />
désignés et dirigés par l’Auditeur militaire.<br />
L’Auditeur militaire général près la Cour Militaire désigne et dirige les officiers <strong>du</strong><br />
Ministère Public chargés <strong>de</strong>s affaires portées <strong>de</strong>vant cette juridiction.<br />
Article 24 :<br />
CHAPITRE VI : DES VOIES DE RECOURS<br />
Les jugements <strong>de</strong>s chambres spécialisées sont susceptibles d’opposition et d’appel. Le<br />
délai d’appel ou d’opposition est <strong>de</strong> quinze jours.<br />
Seul l’appel sur les questions <strong>de</strong> droit ou <strong>de</strong>s erreurs <strong>de</strong> fait flagrantes est recevable.<br />
Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt <strong>du</strong> dossier <strong>de</strong>vant la juridiction d’appel,<br />
celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité <strong>du</strong> recours. Dans l’hypothèse où il est jugé<br />
recevable, la juridiction d’appel statue sur pièces quant au fond.<br />
L’arrêt n’est susceptible d’aucun recours.<br />
Les jugements avant dire droit ne sont pas susceptibles d’appel. Il en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s<br />
jugements ren<strong>du</strong>s sur acceptation <strong>de</strong> la procé<strong>du</strong>re d’aveu et <strong>de</strong> plaidoyer <strong>de</strong> culpabilité, sauf en<br />
matière d’intérêts civils.<br />
Article 25 :<br />
Par dérogation à l’article 24, dans le cas où la juridiction d’appel, saisie après un<br />
jugement d’acquittement au premier <strong>de</strong>gré, prononce la peine <strong>de</strong> mort, le condamné dispose d’un<br />
délai <strong>de</strong> quinze jours pour se pourvoir en cassation. La Cour <strong>de</strong> Cassation est compétente pour se<br />
prononcer sur le fond <strong>de</strong> l’affaire. Seul le pourvoi fondé sur <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> droit ou <strong>de</strong>s erreurs<br />
<strong>de</strong> fait flagrante est recevable.<br />
Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt <strong>du</strong> dossier <strong>de</strong>vant la Cour <strong>de</strong> Cassation,<br />
celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité <strong>du</strong> recours. Dans l’hypothèse où il est jugé<br />
recevable, la Cour statue sur pièces quant au fond. L’arrêt n’est susceptible d’aucun recours.<br />
Article 26 :<br />
Dans un délai <strong>de</strong> trois mois suivant le prononcé, le Procureur Général près la Cour<br />
Suprême peut, d’initiative mais dans le seul intérêt <strong>de</strong> la loi, se pourvoir en cassation contre toute<br />
décision en <strong>de</strong>gré d’appel qui serait contraire à la loi.<br />
CHAPITRE VII : DES DOMMAGES ET INTERETS<br />
396
Article 27 :<br />
Le Ministère Public représente, d’office ou sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, les intérêts civils <strong>de</strong>s mineurs et<br />
autres incapables dépourvus <strong>de</strong> représentants légaux.<br />
Article 28 :<br />
Depuis la phase <strong>de</strong>s enquêtes préliminaires jusqu’au jour <strong>du</strong> jugement définitif, le<br />
prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la chambre spécialisée <strong>du</strong> ressort, saisi par requête écrite <strong>de</strong> la partie lésée ou <strong>du</strong><br />
Ministère Public, peut prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires à la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
intérêts civils <strong>de</strong> la partie lésée.<br />
Article 29 :<br />
Les règles ordinaires relatives à la dénonciation, à la plainte et à l’action civile sont<br />
d’application.<br />
Les victimes, agissant à titre indivi<strong>du</strong>el ou par <strong>de</strong>s associations légalement constituées<br />
représentées par leur représentant légal ou par un représentant spécial qu’elles désignent<br />
conformément à leurs statuts, peuvent requérir la mise en mouvement <strong>de</strong> l’action publique par<br />
requête motivée transmise au Procureur <strong>de</strong> la République <strong>du</strong> ressort. La requête vaut<br />
constitution <strong>de</strong> partie civile. La partie civile est exemptée <strong>du</strong> paiement <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> justice.<br />
Si, à l’expiration d’un délai <strong>de</strong> six mois à compter <strong>du</strong> dépôt <strong>de</strong> la requête, le Ministère<br />
Public n’a pas saisi la juridiction compétente, la partie civile peut la saisir par citation directe.<br />
Dans ce cas, la charge <strong>de</strong> la preuve incombe à la partie civile. La partie civile est exemptée <strong>du</strong><br />
paiement <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> justice.<br />
La condamnation, au civil et au pénal, est susceptible d’appel, selon les modalités fixées<br />
à l’article 24. L’acte d’appel doit également être notifié au cité. La juridiction d’appel évoque <strong>de</strong><br />
plein droit l’ensemble <strong>de</strong> l’affaire.<br />
Article 30 :<br />
La responsabilité pénale <strong>de</strong>s personnes relevant <strong>de</strong> la catégorie 1 fixée à l’article 2<br />
emporte la responsabilité civile conjointe et solidaire pour tous les dommages causés dans le<br />
pays par suite <strong>de</strong> leurs actes <strong>de</strong> participation criminelle, quel que soit le lieu <strong>de</strong> la commission<br />
<strong>de</strong>s infractions.<br />
Les personnes relevant <strong>de</strong>s catégories 2, 3 ou 4 encourent la responsabilité civile pour les<br />
actes criminels qu’elles ont commis.<br />
Sans préjudice <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s victimes présentes ou représentées au procès, la juridiction<br />
saisie alloue <strong>de</strong>s dommages et intérêts, sur requête <strong>du</strong> Ministère Public, en faveur <strong>de</strong>s victimes<br />
non encore i<strong>de</strong>ntifiées.<br />
Article 31 :<br />
397
La juridiction saisie <strong>de</strong> l’action civile se prononce sur les dommages et intérêts même si<br />
l’accusé est décédé en cours d’instance ou s’il a bénéficié d’une amnistie.<br />
Article 32 :<br />
Les dommages et intérêts alloués en faveur <strong>de</strong>s victimes non encore i<strong>de</strong>ntifiées sont<br />
versés dans un Fonds d’in<strong>de</strong>mnisation <strong>de</strong>s victimes dont la création et le fonctionnement sont<br />
régis par une loi particulière. Avant l’adoption <strong>de</strong> la loi portant création <strong>de</strong> ce Fonds, les<br />
dommages et intérêts alloués sont versés au compte bloqué ouvert à la Banque Nationale <strong>du</strong><br />
Rwanda à cette fin par le Ministre ayant les affaires sociales dans ses attributions et ce fonds ne<br />
pourra être affecté qu’après l’adoption <strong>de</strong> ladite loi.<br />
Article 33 :<br />
CHAPITRE VIII : DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES<br />
Le Ministère Public peut citer en justice les personnes qui n’ont pas <strong>de</strong> domicile ni <strong>de</strong><br />
rési<strong>de</strong>nce connus au Rwanda ou qui se trouvent à l’extérieur <strong>du</strong> territoire, et contre lesquelles il<br />
existe <strong>de</strong>s preuves concordantes ou <strong>de</strong>s indices sérieux <strong>de</strong> culpabilité, qu’elles aient pu être ou<br />
non préalablement interrogées par le Ministère Public.<br />
Article 34 :<br />
Lorsque le prévenu n’a ni domicile ni rési<strong>de</strong>nce connus au Rwanda, le délai d’assignation<br />
est d’un mois. Une copie <strong>de</strong> l’exploit est affichée à la porte principale <strong>du</strong> tribunal où siège la<br />
chambre qui doit connaître <strong>de</strong> l’affaire.<br />
Article 35 :<br />
Les exceptions <strong>de</strong> connexité ou d’indivisibilité doivent être soulevées <strong>de</strong>vant la<br />
juridiction saisie <strong>du</strong> fond qui les apprécie souverainement.<br />
Les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s en récusation et en prise à partie sont également portées <strong>de</strong>vant la<br />
juridiction saisie.<br />
L’inci<strong>de</strong>nt ou la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> peut être joint au fond ou il peut y être statué par jugement sans<br />
recours.<br />
Article 36 :<br />
Les personnes poursuivies en application <strong>de</strong> la présente loi organique jouissent <strong>du</strong> droit<br />
<strong>de</strong> la défense reconnu à toute personne poursuivie en matière criminelle, et notamment le droit<br />
d’être défen<strong>du</strong>es par le défenseur <strong>de</strong> leur choix, mais non aux frais <strong>de</strong> l’Etat.<br />
Article 37 :<br />
398
L’action publique et les peines relatives aux infractions constitutives <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>s<br />
crimes contre l’humanité sont imprescriptibles.<br />
Article 38 :<br />
En attendant la publication <strong>de</strong> la loi générale sur le crime <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong> et les crimes contre<br />
l’humanité, quiconque commet, après le 31 décembre 1994, un <strong>de</strong>s actes constitutifs <strong>de</strong> ces<br />
crimes, sera puni <strong>de</strong>s peines prévues par le co<strong>de</strong> pénal, et ne peut bénéficier <strong>de</strong>s ré<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong><br />
peines comme prévu par la présence loi.<br />
Article 39 :<br />
Sauf dispositions contraires à la présente loi organique, toutes les règles <strong>de</strong> droit,<br />
notamment celles contenues dans le co<strong>de</strong> pénal, dans le co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procé<strong>du</strong>re pénale et dans le co<strong>de</strong><br />
d’organisation et <strong>de</strong> compétence judiciaires, <strong>de</strong>meurent d’application.<br />
Article 40 :<br />
La présente loi organique est rédigée dans les trois langues officielles <strong>de</strong> la République<br />
Rwandaise, mais le texte original reste celui rédigé en kinyarwanda.<br />
Article 41 :<br />
La présente loi organique entre en vigueur le jour <strong>de</strong> sa publication au journal Officiel <strong>de</strong><br />
la République Rwandaise.<br />
Kigali, le 30/08/1996<br />
399
400
REMERCIEMENTS<br />
Ce troisième Recueil <strong>de</strong> jurispru<strong>de</strong>nce a été réalisé par Avocats Sans Frontières-<br />
Belgique sous l'égi<strong>de</strong> <strong>du</strong> Département <strong>de</strong>s Cours et Tribunaux <strong>de</strong> la Cour Suprême<br />
<strong>du</strong> Rwanda.<br />
Œuvre collective, ce Recueil doit beaucoup à Madame Caroline STAINIER, et à<br />
Messieurs Hugo JOMBWE MOUDIKI et Guy Hervé KAM, ainsi qu'à l'équipe <strong>de</strong><br />
tra<strong>du</strong>cteurs et juristes <strong>de</strong> la Mission dont font partie Mlle Martine URUJENI et<br />
Messieurs Grégoire NTABANGANA, Albert MUGIRANEZA et Willy S.<br />
MUNYANTWALI.<br />
La réalisation <strong>de</strong> ce Recueil, sa publication, sa diffusion n'auraient pas été<br />
possibles sans l'appui financier <strong>de</strong> l'Agence Intergouvernementale <strong>de</strong> la<br />
Francophonie, <strong>de</strong> la Commission Européenne, <strong>de</strong> la Coopération Belge<br />
(D.G.C.D.) et <strong>de</strong> la Coopération Néerlandaise.<br />
Ces remerciements s'adressent enfin aux Barreaux d'Anvers, <strong>de</strong> Bruxelles et <strong>de</strong><br />
Liège, qui soutiennent les activités d'<strong>ASF</strong>.<br />
La métho<strong>de</strong> d'in<strong>de</strong>xation et la liste <strong>de</strong>s verbo ont été élaborées en collaboration avec le Centre Droits<br />
fondamentaux et lien social <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong> Droit <strong>de</strong>s Facultés Universitaires Notre-Dame <strong>de</strong> la Paix (Namur-<br />
Belgique).
Sorti <strong>de</strong> presse en 2003<br />
Dépôt légal : D/2003/9711/3<br />
© <strong>ASF</strong>-B, 2003<br />
ISBN 90-77321-039<br />
Diffusion générale : <strong>ASF</strong>-B, rue Royale, 123, 1000 Bruxelles<br />
Editeur responsable : Caroline Stainier