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Droit à l’eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales<br />

Le droit à l’eau, une arme pour les résistances<br />

et les alternatives ?<br />

Le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait une résolution consacrant la<br />

reconnaissance du droit à l’eau parmi les droits humains fondamentaux. Dans quelle mesure cette<br />

notion juridique de « droit humain à l’eau » peut-elle être mise à profit par les communautés, les<br />

collectifs citoyens et les organisations non gouvernementales qui s’opposent aux projets extractifs,<br />

ou du moins s’efforcent de contraindre les entreprises et les gouvernements qui les portent<br />

à atténuer leurs impacts et procéder aux réparations nécessaires ?<br />

UNE NOTION EN CONSTRUCTION<br />

La consécration internationale du droit à l’eau est donc relativement<br />

récente. Si quelques pays ont expressément reconnu ce<br />

droit dans leur constitution, très peu lui ont à ce jour donné une<br />

traduction juridique opérationnelle, qui permette aux communautés<br />

de donner effet à ce droit, et encore moins de l’opposer à<br />

de nouveaux projets de mines ou d’extraction d’hydrocarbures.<br />

Par ailleurs, la référence explicite au droit à l’eau reste l’apanage de<br />

certaines régions du monde – principalement l’Amérique latine et<br />

l’Europe. Sur le vieux continent, la référence au droit à l’eau s’inscrit<br />

le plus souvent dans une problématique spécifique, qui est celle<br />

de la résistance à la privatisation ou à la marchandisation de l’eau<br />

(cf. l’initiative citoyenne européenne Right2Water ou le mouvement<br />

« Right to Water » en Irlande contre la transformation du service<br />

national de l’eau en société anonyme). C’est surtout en Amérique<br />

latine que la notion de droit à l’eau est mise en avant dans le cadre<br />

de la résistance à l’extractivisme.<br />

Non sans une certaine ironie, les pays qui ont été les premiers<br />

à inscrire le droit à l’eau dans leur constitution – notamment<br />

en Amérique latine – ont ensuite adopté des législations qui<br />

paraissent aller dans le sens exactement contraire. Au Mexique,<br />

après que le droit à l’eau a été inscrit dans la constitution en<br />

2012, la nouvelle loi sur l’eau proposée récemment par le gouvernement<br />

– pourtant censée donner effet à cette modification<br />

constitutionnelle - paraît répondre à un objectif exactement inverse,<br />

puisqu’elle favorise la gestion privée des services de l’eau<br />

et l’implantation de barrages hydroélectriques, de mines ou de<br />

sites de gaz de schiste 1 . Un projet de loi alternatif a été élaboré<br />

par la société civile mexicaine qui « reconnaît l’eau comme un<br />

bien commun de la Nation, provenant de la Nature et devant<br />

être géré sans fins lucratives », s’oppose à la multiplication des<br />

1 Marie-Pia Rieublanc, « Le Mexique va-t-il se vider de son eau au profit<br />

des multinationales ? », réf. citée.<br />

barrages, prévoit de démonter le système de concessions « qui<br />

a mené à la privatisation, l’accaparement et la surexploitation de<br />

l’eau » et d’interdire « l’usage des eaux nationales pour l’industrie<br />

minière toxique et pour le fracking ».<br />

De même en Équateur : dès 2008, la nouvelle constitution du<br />

pays consacrait le droit humain à l’eau et plus largement les<br />

droits de la nature. Mais la nouvelle loi sur l’eau adoptée par<br />

les mêmes dirigeants politiques en 2014 a suscité un vaste<br />

mouvement de révolte, notamment de la part des populations<br />

indigènes, qui y ont vu une tentative de favoriser la privatisation<br />

de l’eau et le développement de nouveaux projets extractifs.<br />

De fait, si cette nouvelle loi interdit d’un côté toute forme de<br />

privatisation de l’eau, elle autorise de l’autre l’intervention du<br />

secteur privé en cas de circonstances « exceptionnelles » et<br />

surtout donne au gouvernement central tout pouvoir sur les<br />

ressources en eau, au détriment des communautés locales.<br />

De même, au Pérou, le futur président Ollanta Humala avait<br />

fait campagne en 2011 sous le slogan « De l’eau avant l’or », en<br />

référence aux grands projets miniers comme celui de Conga,<br />

mais il a fini par faire adopter des législations favorisant les<br />

projets extractivistes et limitant drastiquement le droit de regard<br />

des communautés et des autorités environnementales 2 .<br />

LE BESOIN D’UNE CONCEPTION ÉLARGIE DU DROIT À L’EAU<br />

Face à l’ampleur et à la variété des impacts des industries extractives<br />

sur les ressources en eau, mettre l’accent sur le seul problème<br />

de l’accès à l’eau potable pour la consommation humaine directe<br />

ne suffit pas. Dans de nombreux cas, des mines ou des sites<br />

2 Simon Gouin, « Conga : quand l’or du Pérou attire de nouveaux<br />

conquistadors », 9 septembre 2013, réf. citée ; Manuela Picq, « Conflict<br />

over water rights in Ecuador », Aljazeera, 16 juillet 2014, http://www.<br />

aljazeera.com/indepth/opinion/2014/07/conflict-water-rights-ecuador-201471364437985380.html<br />

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