Observatoire des multinationales Conclusion Le droit à l’eau, un droit éminemment politique Pour conclure, le droit à l’eau – particulièrement dans le contexte de l’extractivisme et des résistances qu’il suscite – apparaît comme un droit de nature fondamentalement politique, et ce à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le droit à l’eau ne peut se réduire à la charité ; il n’est pas satisfait simplement parce qu’une entreprise livre de l’eau potable aux communautés environnantes pour compenser sa pollution. Ensuite, la dimension de l’eau est difficilement séparable de l’ensemble des autres dimensions sociales et environnementales qui lui sont étroitement liées et forment la réalité d’une population et de son territoire. D’où l’exemplarité de la lutte menée par les victimes équatoriennes de Chevron-Texaco, et leur choix de mettre en avant des revendications collectives et d’accorder la priorité à la restauration de l’environnement, plutôt qu’aux indemnisations individuelles, pour pouvoir rester sur le territoire plutôt que de partir à la ville 1 « Nous ne luttons pas pour l’argent, mais pour la réhabilitation environnementale. Nous nous sommes dit : à quoi bon de l’argent si notre eau et nos sols sont contaminés ? », explique Pablo Fajardo, avocat principal des victimes. C’est pourquoi l’indemnisation de 9 milliards et demi de dollars à laquelle a été condamnée Chevron par la justice équatorienne (et que la firme californienne refuse de payer) se décline en plusieurs niveaux de réparation : Seuls ces droits politiques peuvent établir un véritable équilibre entre les multinationales d’une part et les communautés de l’autre la décontamination du sol et de l’eau, l’assistance financière aux gens qui souffrent de cancer, la réhabilitation des cultures indigènes, l’approvisionnement en eau potable en attendant la décontamination des cours d’eau locaux (qui pourrait prendre jusqu’à vingt ans), et la réhabilitation des écosystèmes. Par ailleurs, dans le cadre des luttes contre les projets extractifs, il apparaît avec évidence que la revendication du droit à l’eau est avant tout la défense du « droit au territoire ». C’est le cas, manifestement, pour les communautés indigènes, mais pas uniquement. Certains opposants américains au gaz de schiste, comme ceux de Youngstown, s’y réfèrent eux aussi en cherchant à faire adopter par les électeurs des « déclarations des droits de la communauté » 2 . L’un des principaux outils de luttes des communautés face aux mines, au pétrole ou au gaz de schiste est précisément le moratoire ou l’interdiction de tel procédé extractif à l’échelle d’un territoire. Et on voit souvent des alliances se nouer entre des acteurs d’un même territoire auparavant opposés, comme entre paysans et écologistes contre les gaz non conventionnels. Enfin, la défense effective du droit à l’eau repose en dernière instance sur des droits de type politique. Pour les communautés autochtones ou traditionnelles, c’est le droit à une certaine forme de souveraineté. Pour toutes les communautés du monde, c’est le droit à l’information, à la participation politique, à l’accès à la justice. Seuls ces droits politiques peuvent établir un véritable équilibre entre les multinationales d’une part et les communautés de l’autre, et permettre de trancher en toute connaissance de cause si un projet extractif doit véritablement voir le jour et, si oui, dans quelles conditions. [1] Olivier Petitjean, « Injustice sans frontières ? Chevron contre l’Équateur », réf. citée. [2] Olivier Petitjean, « Emplois contre pollution ? Le dilemme de Youngstown face au gaz de schiste », 13 novembre 2015, http://multinationales.org/Emplois-contre-pollution-Le-dilemme-de-Youngstownface-a-l-industrie-petroliere. D.R. 30
Droit à l’eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales ANNEXE Sélection d’articles et d’enquêtes sur les industries extractives et l’eau ANNEXE 31