RAPPORT
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Droit à l’eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales<br />
L’AMÉRIQUE DÉFAVORISÉE EN PROIE AU GAZ DE SCHISTE, 2 E VOLET<br />
Comment la fracturation hydraulique pollue<br />
l’eau des villes et des campagnes américaines<br />
10 NOVEMBRE 2015 PAR OLIVIER PETITJEAN<br />
http://multinationales.org/Comment-la-fracturation-hydraulique-pollue-l-eau-des-villes-et-des-campagnes<br />
Aux États-Unis comme ailleurs, la contamination de l’eau est l’un des principaux risques associés<br />
à la technique de la fracturation hydraulique, nécessaire pour exploiter le gaz de schiste.<br />
Certaines images d’eau du robinet prenant feu au contact d’une allumette ont fait le tour du<br />
monde, mais les infiltrations de gaz dans les nappes phréatiques ne sont pas la seule source<br />
potentielle de pollution liée au fracking. Les réseaux d’eau urbain sont eux aussi exposés. Second<br />
volet de notre reportage sur l’industrie du gaz de schiste dans l’Ohio.<br />
Si les bénéfices économiques potentiels du gaz de schiste<br />
paraissent réservés à un petit nombre de propriétaires fonciers<br />
et - surtout - aux firmes pétrolières (voir le premier<br />
volet de ce reportage), ses impacts, eux, concernent tout<br />
le monde, au-delà même des riverains immédiats des forages.<br />
C’est ce qu’illustre l’enjeu de la contamination de<br />
l’eau potable, qui est souvent le premier risque associé à<br />
la fracturation hydraulique. Dans l’Ohio, malgré l’accumulation<br />
de témoignages et d’études scientifiques, il semble<br />
que les élus et les fonctionnaires chargés de réguler le gaz<br />
de schiste continuent à se fier aux assurances des industriels<br />
sur l’innocuité de leurs procédés. « Les fonctionnaires<br />
d’ici n’ont visiblement jamais entendu parler du principe de<br />
précaution », soupire Raymond Beiersdorfer, professeur de<br />
géologie à l’université de Youngstown et opposant au gaz<br />
de schiste.<br />
Un permis de fracturer a ainsi été accordé à la firme pétrolière<br />
Halcón sur une concession de 20 kilomètres carrés<br />
en bordure du Meander Reservoir, un immense lac artificiel<br />
creusé dans les années 1930 qui constitue l’unique source<br />
d’eau potable de Youngstown. Apparemment, ni le département<br />
municipal de l’eau, ni l’agence de l’environnement de<br />
l’Ohio n’ont été notifiés par le Département des ressources<br />
naturelles de l’État, qui a délivré l’autorisation. Il y a pourtant<br />
bien un risque que les produits chimiques utilisés pour la<br />
fracturation hydraulique migrent progressivement dans le<br />
réseau d’eau potable de la ville. Déjà, début 2013, des fissures<br />
ont été repérées dans un puits foré par Consol Energy dans<br />
le bassin versant du Reservoir.<br />
DES SUBSTANCES TOXIQUES S’INFILTRENT DANS LES<br />
RÉSEAUX D’EAU POTABLE<br />
Dès les débuts de l’expansion du gaz de schiste en Pennsylvanie,<br />
les risques de contamination des nappes phréatiques<br />
ont occupé le centre de l’attention, et focalisé le mouvement<br />
de résistance contre l’industrie pétrolière. Des images d’eau du<br />
robinet prenant feu au contact d’une allumette en raison de la<br />
présence de méthane ont fait le tour du monde. Plusieurs études<br />
sont venues depuis confirmer la réalité du problème 1 . Les puits<br />
individuels reliés directement aux nappes phréatiques – qui<br />
restent une forme d’approvisionnement en eau très fréquente<br />
aux États-Unis en dehors des grandes villes - sont les plus vulnérables.<br />
Mais les réseaux urbains ne sont pas pour autant à l’abri.<br />
Selon les militants de Youngstown, les contrôles de la qualité<br />
de l’eau réalisés par le département municipal sont insuffisants<br />
face à cette menace. Les régulations fédérales américaines<br />
n’obligent les fournisseurs d’eau (publics ou privés) à tester la<br />
présence dans l’eau potable que de 91 polluants potentiels, alors<br />
que la fracturation hydraulique utilise plusieurs centaines de substances<br />
chimiques, dont certaines sont tenues secrètes. En outre,<br />
durant le deuxième trimestre 2013, le département de l’eau de<br />
Youngstown a tout simplement « oublié » de tester la présence<br />
de trihalogénométhanes (THM) et d’acides haloacétiques (AHA).<br />
Puis, en septembre 2015, il a émis une alerte à la population sur<br />
la présence de THM dans le réseau d’eau potable de la ville 2 .<br />
Malgré les dénégations des autorités, qui ont exclu tout lien<br />
avec la présence des firmes pétrolières, la contamination par<br />
ses eaux usées de la fracturation hydraulique figure bien par-<br />
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