RAPPORT
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Droit à l’eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales<br />
JULIA KILPATRICK / PEMBINA INSTITUTE<br />
problème de fond qui dépasse la seule question de l’eau<br />
et qui touche aux relations entre multinationales et autorités<br />
publiques. Dans quelle mesure ces dernières peuventelles<br />
et veulent-elles réellement contrôler les activités des<br />
firmes minières et pétrolières ? C’est à la fois une question<br />
de connivence entre secteur privé, dirigeants politiques et<br />
fonctionnaires ; une question de capacité au sein des administrations<br />
; et une question qui touche à la manière même<br />
dont les standards et les régulations sont conçus. Il ne sert<br />
à rien d’édicter des objectifs ou des normes ambitieuses sur<br />
le papier si les mécanismes de mise en œuvre et de contrôle<br />
ne sont pas assurés dès le départ. Ce dont témoignent les<br />
législations successives mises en place dans l’Alberta 12 : « De<br />
nouvelles régulations mises en place en mai 2015 limitent la<br />
quantité d’eaux usées pouvant être stockée dans des bassins<br />
de rétention et obligent les entreprises à investir dans des<br />
technologies réduisant la quantité d’eaux usées produites par<br />
leurs opérations. (…) Et ces régulations obligent aussi les firmes<br />
à mettre en place des garanties financières pour les problèmes<br />
potentiels de réhabilitation. Les critiques des sables bitumineux<br />
restent sceptiques. Lorsque des régulations similaires furent<br />
introduites en 2009, les entreprises n’ont pas pu, ou pas voulu,<br />
se mettre en conformité. En outre, ces régulations reposent sur<br />
12 Edward Struzik, « De l’Alberta à l’Arctique, le lourd tribut environnemental<br />
des sables bitumineux », réf. citée.<br />
des solutions technologiques… qui n’existent pas encore. Au vu<br />
de l’expérience passée, un nombre croissant de scientifiques et<br />
d’économistes du Canada et des États-Unis estiment désormais<br />
que la seule manière d’avancer est la mise en place par les<br />
gouvernements du Canada et de l’Alberta d’un moratoire sur les<br />
nouvelles exploitations de sables bitumineux. »<br />
D’innombrables témoignages suggèrent que les firmes minières<br />
et pétrolières contournent les règles en vigueur de<br />
manière routinière. Ainsi Total et Shell en Argentine 13 : « Tout<br />
ceci serait peut-être passé inaperçu si une riveraine n’avait pas<br />
poursuivi en justice Total. L’entreprise avait installé sur ses terres,<br />
sans la consulter, un puits destiné à recueillir les eaux de reflux<br />
de la fracturation hydraulique. Les procédures judiciaires qui<br />
s’en sont suivies ont permis de mettre en lumière de nombreux<br />
manquements flagrants aux règles de la part de Total et des<br />
autorités provinciales, mais elles ne semblent pas avoir changé<br />
grand-chose sur le terrain : l’entreprise pétrolière a poursuivi imperturbablement<br />
ses forages, sans respecter les conditions qui<br />
lui avaient été imposées par la justice. » « Les études d’impact<br />
environnemental de Shell et Total [en Patagonie] omettent délibérément<br />
de préciser – comme c’est théoriquement requis – d’où<br />
provient leur eau et comment elles vont la traiter. De sorte qu’elles<br />
13 Olivier Petitjean, « Ruée sur le gaz de schiste argentin : Total veut<br />
imposer sa loi », réf. citée ; Olivier Petitjean, « Gaz de schiste : Shell veut<br />
fracturer la planète », réf. citée.<br />
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