B<strong>ON</strong> <strong>AIR</strong> ANTILLES N°6 1 FEV 2012_bd:Mise en page 1 07/03/12 16:43 Page44 Peinture 4 voitures qui klaxonnent, ses réveils qui sonnent, sa musique qui tintamarre, ses marchandes qui parlent le monde en créole et négocient longuement leurs prix avec le client. On jurerait entendre le bateau à moteur, les coups de freins des automobilistes, les soupirs de l’amoureux éconduit. Quand je peins, j'entre dans l'œuvre, je fais corps avec mon chevalet et tout autour de moi disparaît. Il y a juste moi et mes amis, objets et animaux, que j'accueille dans mes toiles, avoue l'artiste. Mon atelier est une petite case créole juchée au sommet d’une colline dont les pentes verdoient jusqu’à la route. A l’intérieur, les murs sont blancs, comme des toiles vierges sur lesquelles je vais écrire mon avenir. Il s’agit pour moi de faire entrer mon corps et mon âme entre ces cloisons de bois légères qui masquent à peine les bruits, les parfums et les couleurs du fruit à pain voisin dont les branches caressent les tôles et du flamboyant qui égrène ses cosses sur mon toit... Dès 1990, convaincue que ses créations sont ressenties et vécues par la société antillaise, Béatrice peut alors s'engager sur le chemin de la consécration artistique et véhiculer ses toiles un peu partout : de Fort-de-France à Pointe-à-Pitre, de Paris jusqu'à Rio, elle décline son art de manière cathartique, comme pour exulter ses peines et sa solitude, pour surmonter son handicap et s'affirmer à part entière. Deux expositions ont jusqu'ici couronné sa carrière de succès : Hibiscus (Musée Saint-John Perse, 1992) qui signe un retour au pays, une réintégration de l’âme de l’artiste à ses racines guadeloupéennes ; Préhistoire (Rio de Janeiro, 1997), quand l’hibiscus à longue tige qui personnifie l’artiste, dressé dans le noir profond des abysses, nimbé de la lumière du monde, reçoit la visite d’un poisson aux yeux bleus qui porte l’espérance et la vie. Depuis 2008, son inspiration, qui prend donc naissance dans son environnement tropical, s’exprime sur de la mosaïque de papier, peinte et retravaillée, qui forme le fond de ses tableaux. Sur cette base, dans le choc de toutes les couleurs vives qu’elle assemble à l’acrylique, viennent se heurter ses compagnons de vie, objets usuels ou inattendus - tasses, parapluies, fleurs, chapeaux, mannequins de bois, livres - qui s’amusent sur les libres toiles que Béatrice Clerc accroche à son quotidien. Où est la Tortue est une représentation concrète de cette nouvelle technique usitée par la peintre. Béatrice Clerc n'envisage jamais de vivre trop longtemps loin des Antilles : c’est là qu’elle puise l’essence de son art. Malentendante de naissance, l'artiste dispose d'une approche et d'un regard particulier de l’expression picturale, tant elle tente d’y retranscrire tous les sons qu’elle ne perçoit que très mal. Ainsi, une de ses plus célèbres créations, intitulée Rivière Madame (1990), n'est que bruits et mouvements : la ville désordonnée est entrée dans son âme et elle en est sortie sur la toile, avec ses Béatrice Clerc exposera ses toiles Terre de Guadeloupe & Mer des Antilles aux Récollets à Paris (150/154 rue Faubourg St-Martin 75010), du 15 au 22 mars 2012. Le vernissage de l'exposition est prévu le jeudi 15 mars 2012 dès 18h30. Venez nombreux ! Infos auprès de Mme Michèle Robin-Clerc : michele.robin-clerc@wanadoo.fr 06 90 73 61 51 ou 06 27 25 08 13 5 44 Le Bon Air. Mars/Avril 2012
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