ON AIR MAGAZINE #6

BON AIR ANTILLES N°6 1 FEV 2012_bd:Mise en page 1 07/03/12 16:44 Page47
Littérature
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Né à Londres,
Anglais, il n'a jamais remis les
pieds chez Sa Majesté depuis
les années 1970. Britannique, écrivain
de polar, on imaginait pour son premier
roman une intrigue à la Sherlock
Holmes avec des tasses de thé
empoisonnées, des suspects à
Oxford Street et Scotland Yard, au
tournant. Et bien pas du tout ! On le
retrouve plutôt en 1982 avec
Parallèles Convergents, un chef
d'œuvre devenu classique chez les
fans de polar. L'intrigue se déroule
en pleine Italie, ce sont les années
de plomb, les Brigades Rouges, et
nous voilà bien loin d'Hercule Poirot.
Son personnage, Trotti, est un cynique
en proie à toute la corruption, la
violence et les compromissions
d'une société à la dérive. Je n'ai jamais
pu lire Agatha Christie confie-t-il
dans un grand éclat de rire. Jamais
là où on ne l'attend, donc. En mai 68,
ce flegmatique anglais assiste, éberlué,
aux barricades du Quartier Latin.
Puis, c'est l'Italie, Nice, et même la
Roumanie soviétique ! En 1970, il finit
par atterrir en Guadeloupe. Initialement,
il avait vu un film de Truffaut, la
Sirène du Mississippi, tourné à La
Réunion, dans lequel les palmiers
suggèrent des tropiques turquoises.
Scotché, non pas comme tout
cinéphile par la beauté des plans de
Truffaut - c'est même un “grand navet”
pour lui ! - mais davantage par
l'exotisme et la splendeur des
paysages. Aussitôt, le jeune étudiant
fonce vers les eaux de couleur azur,
les palmeraies enchanteresses, et
les volcans assoupis du bout du
monde. Visant La Réunion, notre ami
finit en toute logique du côté de
Point-à-Pitre. Imprévisible, on vous
dit... Devenu prof d'anglais sur place,
il assurera ses cours durant 30 ans
en Guadeloupe, avant de quitter très
récemment son métier. Toujours cet
art du contre-pied. Et son dernier
roman, Un Autre Soleil, s'inscrit
pleinement dans cette veine-là.
Après l'Italie de ses grands succès,
l'action se déroule dans la Guadeloupe
des années 1980. On attendait un
cri d'amour à cette île, ses sourires
et ses plages. On se retrouve avec
une enquête sordide, sur fond de
tensions sociales, des meurtres au
goût de rhum, des secrets d'état et
un thriller aussi passionnant qu'un
film de Scorsese. Je ne peux pas me
passer de mystère avoue finalement
Timothy Williams. Il est donc comme
ça, Timothy Williams : cultivant,
entretenant et recréant sans cesse
l'énigme. Toujours là où ne se doute pas.
Dans sa vie, c'est un déraciné,
vagabond, pareil à Phileas Fogg, ce
gentleman faisant le tour du monde
en 80 jours, toujours avec sa bonne
humeur et son ironie so british.
Cette distance, ce décalage, cela lui
permet de porter un vrai regard
sociologique pour disséquer la
société dans laquelle il met les pieds,
mais aussi une vraie tendresse, celle
de l'éternel voyageur pour ses amis
créoles. Il est ainsi capable d'évoquer
avant tout le monde les vieux tabous
de l'Italie ou de briser l'omertà pesante
sur la situation antillaise, avec une
véritable justesse et sans complaisance.
Relations békés et locaux, système
politique, dans Un Autre Soleil, rien
n'échappe à sa lucidité. Tout le
monde en prend pour son grade,
mais sans cruauté, et avec un
authentique amour et une réelle
confiance dans cette “Guadeloupe,
qui va de mieux en mieux”.
Et également beaucoup d'humour...
Scorsese sous les Tropiques, on
vous dit ! C'est vraiment rafraîchissant,
enthousiasmant de trouver enfin un
auteur qui ose de nouveau le polar
social, qui critique et met en lumière
les heures sombres et la face
cachée du système.
Et c'est un anglais spécialiste de
l'Italie qui trouve les mots justes
pour en parler !
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Le Bon Air. Mars/Avril 2012 47