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ENTRETIEN<br />
« Les écoles de management<br />
françaises ne sont pas<br />
au bord du gouffre ! »<br />
Directeur général de Grenoble<br />
EM, vice-président de la<br />
Conférence des Grandes écoles<br />
(CGE) au sein de laquelle il<br />
préside le Chapitre des écoles<br />
de management, Loïck Roche<br />
reste résolument optimiste dans<br />
l’avenir d’écoles de management<br />
même s’il regrette le peu de<br />
soutien qu’elles reçoivent de la<br />
puissance publique.<br />
→ → Son dernier ouvrage<br />
Dans La Théorie du<br />
lotissement, les clés<br />
pour réussir le monde<br />
de demain (éditions<br />
des PUG), Loïck Roche<br />
explique pourquoi nous<br />
devons apprendre à<br />
changer de logiciel. Et<br />
pourquoi « plutôt que de<br />
souhaiter, comme trop<br />
souvent, l’échec de l’autre,<br />
nous devons au contraire<br />
apprendre à nous réjouir<br />
de la performance de<br />
l’autre ».<br />
Olivier Rollot : De nouvelles mesures risquant de les pénaliser<br />
financièrement, l’ancien directeur général d’HEC,<br />
Bernard Ramanantsoa, a estimé que les écoles de management<br />
étaient « au bord du gouffre ». Partagez-vous<br />
cette analyse ?<br />
Loïck Roche : Les écoles de management françaises ne sont<br />
pas au bord du gouffre ! De la réforme des stages à la baisse de<br />
la collecte de la taxe d’apprentissage en passant par l’impossibilité<br />
de délivrer masters et doctorats, des mauvais coups elles en<br />
ont pris. Heureusement leur capacité de résilience est forte. Le<br />
souci aujourd'hui c’est qu’elles doivent affronter une compétition<br />
internationale de plus en plus forte. Mais si, comme on l’annonce,<br />
la partie de la taxe d’apprentissage qu’elles touchent encore au<br />
travers du « barème » est supprimée beaucoup connaîtront de<br />
sérieuses difficultés et certaines risquent même de disparaître.<br />
O. R : Ce sont encore des projets. Pensez-vous que le gouvernement<br />
puisse encore changer son fusil d’épaule ?<br />
L. R : On a un peu le sentiment d’arriver après la bataille. Que la<br />
phase de réflexion que vous évoquez n’est là que pour entériner<br />
une copie déjà quasiment définitive. En tout cas pour s’en écarter<br />
le moins possible. Ce qui ne doit pas nous empêcher d’essayer<br />
d’être entendus.<br />
Mais nous avons le sentiment que les effets sur les business<br />
schools de ce genre de décisions ne sont pas un sujet de préoccupation<br />
pour un gouvernement qui estime qu’il faut d’abord<br />
s’occuper des bacheliers professionnels.<br />
O. R : Le gouvernement ne s’intéresse pas aux écoles de<br />
management ?<br />
L. R : Et ce n’est pas une question de droite ou de gauche. Que<br />
ce soit d’un côté ou de l’autre il n’y a pas de volonté de recon-<br />
© Pierre Jayet<br />
naître que ses business schools sont un atout pour la France.<br />
Si on se demandait ce qui est important pour la compétitivité<br />
de la France on réfléchirait autrement. On ne toucherait pas à la<br />
collecte de la taxe d’apprentissage. Et on nous aiderait en nous<br />
permettant de délivrer le master et le doctorat. C’est une faute<br />
majeure de nous dire que si c’était le cas « il ne resterait rien à<br />
l’université ». Grandes écoles et universités doivent toutes deux<br />
être les plus fortes possible ! C’est ce que j’appelle la « théorie du<br />
lotissement », la force des uns qui profite à tous, et sur laquelle<br />
j’ai d’ailleurs écrit un livre cette année.<br />
O. R : Vous avez indiqué qu’il serait bon de créer une sorte<br />
de syndicat des écoles de management pour défendre<br />
leurs droits. La Conférence des grandes écoles ne le fait<br />
pas bien ?<br />
L. R : Par définition la Conférence des grandes écoles ne peut<br />
pas s’approprier les intérêts de quelques-uns au nom de tous<br />
alors que nous aurions besoin d’actions de lobbying extrêmement<br />
fortes. Il faut peut-être alors effectivement créer un syndicat<br />
professionnel pour « éduquer » les politiques. Mais on peut<br />
aussi créer une véritable cellule de lobbying au sein de la CGE.<br />
Dans les deux cas il s’agirait de faire de la veille et de travailler en<br />
amont avec le monde politique sur tous nos sujets.<br />
O. R : Ces dernières années les grandes écoles se sont<br />
déjà lancées dans d’autres combats mais sans guère obtenir<br />
de résultats…<br />
L. R : Nous n’avons jamais gagné mais s’il n’y avait pas eu<br />
d’actions fortes peut-être aurait-ce été encore pire ? Mais vous<br />
rendez vous compte de l’aberration qu’on nous a imposée en<br />
instituant 200 heures de cours pendant les années de césure. Et<br />
200 heures en présentiel en plus ! Et on voudrait que la France<br />
soit moderne !<br />
O. R : Vous parliez de vos grandes « capacités de résilience<br />
». Comment les grandes écoles peuvent-elles continuer<br />
à progresser malgré tous les bâtons qu’on semble<br />
leur mettre dans les roues ?<br />
L. R : Comment rester compétitifs ? Comment se réinventer pour la<br />
1000 ème fois ? D’autant que nous sommes différentes. Les écoles<br />
de management parisiennes, HEC, Essec, ESCP Europe, sont<br />
encore largement sponsorisées par la chambre de commerce et<br />
d’industrie Paris Ile-de-France quand nous ne touchons rien de la<br />
nôtre. Sans parler d’écoles privées qui touchent très peu de taxe<br />
d’apprentissage. Dans ce contexte il n’est pas facile de s’organiser<br />
pour des actions communes. Le plus simple et le plus efficace est<br />
donc de le faire au sein de la CGE.<br />
O. R : Des innovations pédagogiques peuvent-elles vous<br />
permettre de réduire vos coûts qui ont tendance à exploser<br />
depuis 15 ans ?<br />
L. R : Il va falloir bien s’accrocher pour trouver 3 millions d’euros<br />
de marge uniquement avec de la pédagogie.<br />
>>> suite page 23<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS <strong>22</strong> DÉCEMBRE <strong>2017</strong> | HS N°3