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#Entertainment | AI<br />
LE COUP DE POUCE<br />
DE L’IA AU DIVERTISSEMENT PAR<br />
FLORENT DUCAT<br />
Comme dans tous les secteurs de l’économie ou presque,<br />
comme dans de nombreuses pages de ce magazine,<br />
l’intelligence artificielle (IA) prend dans le monde de<br />
l’entertainment une importance déjà conséquente et<br />
sans cesse croissante. Que ce soit dans la création,<br />
la commercialisation ou du côté de l’utilisateur, les<br />
innovations basées sur l’IA se multiplient.<br />
L’idée sous-jacente à chacune d’entre elles est pour les<br />
producteurs de contenus de réaliser des économies de temps et<br />
d’efforts afin d’éliminer les obstacles entre les consommateurs<br />
et eux. Cela leur permet de fournir du divertissement toujours<br />
plus pertinent et ciblé en grande quantité à leurs publics.<br />
Aide aux producteurs<br />
Sur le papier, l’intelligence artificielle peut être utile aux<br />
professionnels du divertissement comme elle l’est dans les autres<br />
types d’activités, en déchargeant l’humain des tâches répétitives<br />
et automatisables afin qu’il puisse se concentrer sur les aspects<br />
davantage qualitatifs et créatifs de son métier. Le nombre de<br />
collaborateurs nécessaire à la production d’une œuvre pourrait<br />
passer de plusieurs centaines à quelques dizaines. En pratique,<br />
les spécificités du secteur rendent cette distinction plus floue.<br />
Il ne s’agit pas ici de traiter des créations artistiques réalisées<br />
grâce à ou avec l’aide de l’IA, ce qui est le sujet d’un article dans<br />
la rubrique Art. Cependant, la technologie intervient à d’autres<br />
moments dans le processus de création. Une fois un film tourné, il<br />
est par exemple possible de réaliser sa bande annonce rapidement<br />
en utilisant des machines pour sélectionner les scènes à y inclure.<br />
En 2016, le film Morgane a vu son trailer terminé en seulement<br />
24 heures grâce à l’aide de Watson, l’intelligence artificielle d’IBM.<br />
Celle-ci avait sélectionné dix scènes du film, pour un total de<br />
6 minutes, en s’inspirant de centaines de bandes-annonces du<br />
genre, après quoi un opérateur humain a monté le trailer final d’1<br />
minute 15. Watson avait déjà auparavant réalisé cette tâche de<br />
sélection pour les temps forts de matchs de tennis.<br />
Bien avant ce stade, divers algorithmes sont désormais capables<br />
d’analyser les images ou scripts qui leur sont soumis, à plusieurs<br />
moments de la production d’un film, et de prédire leur succès<br />
au box-office ou d’orienter leur campagne de promotion. C’est<br />
le cas de la startup anversoise ScriptBook, qui analyse les<br />
scénarios grâce à son algorithme Script2Screen, qui les compare<br />
aux milliers d’exemples qu’il a auparavant emmagasinés. A partir<br />
de là, l’algorithme prévoit le nombre de spectateurs qui se<br />
rendront dans les salles pour voir ce film ainsi que la note qu’ils<br />
lui donneront sur des sites tels qu’IMDb ou Allociné.<br />
Les Israéliens de VaultML proposent sensiblement le même service<br />
avec 4CAST, qui travaille quant à lui sur base du scénario ou de<br />
la bande-annonce d’un film après avoir été nourri de 30 ans de<br />
résultats au box-office, du budget des films, de leurs castings et<br />
d’informations sur les différents publics-types. Enfin, l’américaine<br />
Pilot Movies réalise ses prédictions de succès à partir de toutes<br />
les informations disponibles sur chaque film sorti depuis 1990.<br />
Nul doute que d’autres domaines tels que les mondes du<br />
spectacle, littéraire ou musical pourraient bientôt se doter<br />
d’outils semblables.<br />
Bon pour le spectateur ?<br />
Avec ce pouvoir, les studios, éditeurs et maisons de disques<br />
pourraient ne plus jamais produire de flops. L’intelligence<br />
artificielle, en intervenant tôt dans le processus, peut empêcher<br />
la production d’un film, d’un album, d’un livre ou d’un spectacle<br />
qui ne rencontrera, selon elle, pas de succès et ne sera donc<br />
pas rentable. S’il s’agit à première vue d’une aubaine pour les<br />
producteurs, cette faculté ne risque-t-elle pas de nuire à la<br />
créativité, à l’art et à la diversité ? Un grand pouvoir implique<br />
de grande responsabilité. Il est capital que ces outils soient<br />
bien utilisés et alimentés en données de qualité afin de ne<br />
pas renforcer les biais existant. Combien de grands succès<br />
et de superstars, considérés comme des «ovnis», uniques en<br />
leur genre, n’auraient jamais connu la gloire si de tels outils<br />
étaient déjà à la disposition des magnats du show business ?<br />
En se basant uniquement sur les formules ayant déjà fonctionné,<br />
le risque de formatage, entrainant par la suite une certaine<br />
lassitude, n’est pas à négliger.<br />
Et l’avenir ?<br />
Pour certains, comme Ann Greenberg, fondatrice et CEO<br />
de la société Entertainment AI, toute cette technologie et<br />
toutes ces données à exploiter doivent permettre à l’inverse<br />
de créer du divertissement intelligent et qui pousse à agir et<br />
non du divertissement de surconsommation. D’ailleurs, les<br />
Millenials et les membres de la génération Z veulent être des<br />
«consommacteurs». Pour engager cette nouvelle génération,<br />
il faut lier la créativité des machines et celles des humains et aussi<br />
se servir de la technologie pour faciliter la collaboration entre<br />
humains. Sa société propose l’utilisation de Smart Scripts, lisibles<br />
à la fois par l’Homme et les programmes informatiques, comme<br />
moyen d’utilisation de l’IA à des fins à la fois divertissantes et<br />
d’éducation.<br />
D’autre part, les effets spéciaux et images de synthèse<br />
progressant également, certains experts s’interrogent sur la<br />
possibilité dans un avenir proche que les acteurs se contentent<br />
de louer aux studios les droits d’utiliser leur image, sans se rendre<br />
physiquement sur les plateaux. Une IA pourrait alors jouer à leur<br />
place en se basant sur leurs performances précédentes.<br />
<strong>BEAST</strong> MAGAZINE #<strong>11</strong>