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Essentiel Prepas septembre 2018

HEADway Advisory édite chaque mois l'Essentiel Prépas, le magazine numérique dédié aux professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales.

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ENTRETIEN<br />

>>> suite de la page 8<br />

O. R : Le deuxième grand dossier sur lequel vous allez devoir<br />

travailler est la réforme du lycée et du bac et ses conséquences sur<br />

les classes préparatoires.<br />

A. J : La question c’est le devenir des filières ECS et ECE sans séries au<br />

bac. Parce qu’il faut éviter à tout prix de réduire notre vivier de recrutement.<br />

Il faut que les écoles de commerce puissent toujours attirer de bons élèves<br />

en maths pour alimenter leurs formations en finance comme leurs doubles<br />

diplômes avec des écoles d'ingénieurs. La réforme ne doit pas fragiliser des<br />

disciplines, des postes ou même des classes. La force des classes préparatoires<br />

est de fournir une diversité de profils aux Grandes écoles.<br />

Pour respecter ces impératifs il est souhaitable de conserver deux parcours<br />

en EC. Nous devons aussi bien pouvoir recevoir des élèves qui ont suivi des<br />

parcours plus axés sur les mathématiques et les sciences que ceux qui ont<br />

choisi une priorité aux sciences humaines dans leurs choix de spécialités au<br />

lycée. En cas de fusion des voies ECE et ECS, le risque serait de ne recruter<br />

que des élèves moyens en tout. On risque d’exclure les très bons scientifiques<br />

et pousser les écoles à les recruter sur des concours spécifiques<br />

dans les seules prépas scientifiques. Ce que font déjà l’Edhec et l’emlyon.<br />

Un grand nombre de classes préparatoires économiques et commerciales<br />

disparaîtraient alors très rapidement.<br />

O. R : Un système d’option ou de parcours ne permettrait-il pas de<br />

différencier les classes préparatoires dans un cadre commun ?<br />

A. J : On ne peut pas augmenter le nombre d’heures de cours. Si on cumule,<br />

ce sera au détriment soit des maths, soit de l’économie, etc. On pourrait<br />

effectivement créer des options mais cela aura un coût. Une option c’est deux<br />

professeurs pour le même nombre d’élèves. Et on a vu que cela ne fonctionnait<br />

pas très bien dans les classes préparatoires littéraires. Cela dit, l’APHEC<br />

est prête à étudier tous les schémas dans la mesure où ils ne fragiliseraient<br />

pas la filière, certaines disciplines et les professeurs concernés.<br />

O. R : Il vous reste trois ans pour arriver à une solution.<br />

A. J : Tout cela sera débattu en commission amont de la Conférence des<br />

Grandes écoles sous la coordination de Jean Bastianelli, le proviseur de<br />

Louis-Le-Grand et président de l’APLCGE. Que ce soit dans nos classes<br />

préparatoires ou dans les classes préparatoires scientifiques, nous devons<br />

être au point pour la rentrée 2021. Il faut donc en débattre sérieusement dès<br />

cette année et arriver à faire des propositions consensuelles au ministère.<br />

O. R : Quel impact cela aura-t-il sur les effectifs de professeurs ?<br />

A. J : On voit déjà dans les lycées que l’absence de l’économie dans le<br />

tronc commun pourrait amener les professeurs de sciences économiques et<br />

sociales à être en sous-service. En classe préparatoire cette année, seulement<br />

sept vrais postes ont été mis au mouvement en histoire-géographie sur<br />

270 dossiers retenus par l’inspection générale pour les classes préparatoires<br />

EC et littéraires réunies. Si demain ne serait-ce que deux heures de cours<br />

sont supprimées, des dizaines de collègues vont se retrouver en sous service.<br />

C’est la même chose pour les sciences économiques. Il est impératif de ne<br />

pas négliger la dimension « ressources humaines » dans le schéma qui sera<br />

retenu.<br />

O. R : Parlons du positif. Le continuum classes préparatoires /<br />

Grandes écoles a bien avancé cette année.<br />

A. J : De plus en plus d’écoles réforment voire refondent leur programme<br />

Grande école dans le sens du continuum en y réintroduisant de la philosophie,<br />

de la géopolitique ou encore de l’économie. Cela nous semble très intéressant<br />

pour mieux tuiler le passage de la classe préparatoire à la Grande<br />

école dans un schéma « 2 + 1 + 2 ».<br />

Par ailleurs nous allons faire le bilan à l’automne des périodes d’immersion<br />

en entreprises ou associations. Une quarantaine de lycées l’ont proposé à<br />

leurs élèves de 1 re année en juin dernier. Certains, comme Bergson à Angers,<br />

Bellepierre à La Réunion, Berthollet à Annecy, en proposaient d’ailleurs déjà<br />

avec succès depuis plusieurs années. Nous collecterons les initiatives qui se<br />

présentent avec différentes formules. À Grenoble, le lycée Champollion s'est<br />

par exemple appuyé sur Grenoble EM. Joffre à Montpellier sur des réseaux d’entrepreneurs.<br />

D’autres sur le Rotary ou des syndicats patronaux.<br />

La durée de l’insertion peut également varier : deux semaines à Janson-de-Sailly<br />

pour une semaine à Montpellier au lycée Joffre. Les premiers retours sont très<br />

positifs.<br />

O. R : Qu’en disent vos élèves ?<br />

A. J : Ils parlent de « bouffée d’oxygène ». Au lycée Joffre de Montpellier nous les<br />

avons aussi bien envoyés chez Dell que dans des start-up ou chez Emmaüs. Le<br />

tout par groupes de deux ou trois. Nous leur avons défini une mission à remplir<br />

comme de réaliser un audit interne quant aux aspirations des salariés, organiser<br />

une réunion du conseil d'administration avec toute la logistique voulue ou encore<br />

réaliser de petites études de marché. Dans les Restos du cœur ils ont participé<br />

aux activités, chez Emmaüs ils ont travaillé à rénover l’image de l’association sur<br />

les réseaux sociaux, etc.<br />

Ils ont ensuite remis un rapport d’étonnement de trois pages - non noté - pour<br />

expliquer ce qu’ils ont apprécié et s'ils se voient travailler là plus tard. En 15 à<br />

20 minutes ils l’ont soutenu devant leurs professeurs et le responsable de leur<br />

immersion dans l’entreprise. Beaucoup nous ont alors dit que, jusque-là, ils ne se<br />

croyaient pas capables de travailler en groupes. Ils ont découvert que non seulement<br />

ils en étaient capables mais aussi que c’était plus efficace. Le « travail en<br />

équipe » n’est ainsi plus une notion abstraite pour eux. Ils ont compris l’importance<br />

du facteur humain. À très court terme, cette prise de conscience leur sera<br />

utile pour mieux organiser un travail plus collaboratif en seconde année de CPGE :<br />

tous les professeurs savent que ce sont les classes où les élèves mutualisent<br />

le mieux une partie de leur travail qui ont les meilleurs résultats aux concours.<br />

Nous espérons maintenant que ces périodes d’immersion vont être proposées aux<br />

élèves d’un plus grand nombre de lycées l’année prochaine.<br />

O. R : Au-delà de la meilleure connaissance des entreprises<br />

qu’attendez-vous de ces périodes d’immersion ?<br />

A. J : Les élèves ont besoin de donner un sens à la prépa. De comprendre pourquoi<br />

ils font tous ces efforts. On leur montre que le monde est complexe. Cette<br />

période d’immersion est aussi un élément d’attractivité pour notre formation. Le<br />

faire en fin de première année c’est intéressant car il n’y a pas encore la pression<br />

immédiate du concours. Cela les fait grandir et les motive pour la suite. Donner un<br />

sens concret n’est pas contradictoire avec l’excellence académique et la réussite<br />

aux concours, bien au contraire. Et cela permet également à tous, quel que soit<br />

leur milieu social, d’avoir une expérience de terrain. En effet, il y a une forte inégalité<br />

entre nos élèves : certains ont des réseaux familiaux qui leur permettent de<br />

vivre des expériences de jobs d’été intéressantes et parfois à l’étranger, d’autres<br />

en sont dépourvus. Avec ces immersions, nous remettons modestement un peu<br />

d’égalité.<br />

O. R : Vous parlez attractivité. Comment en donner plus aux classes<br />

préparatoires dans un environnement de plus en plus concurrentiel ?<br />

A. J : Désormais, seule une minorité de très bons bacheliers, convaincus par<br />

leur famille et leur milieu, se satisfait des promesses traditionnelles d’une CPGE :<br />

beaucoup de travail, d’efforts, d’abnégation et un dépassement de soi-même au<br />

service de son ambition. Mais, et c’est regrettable, ces profils ne suffisent plus,<br />

loin s’en faut, à remplir une promotion car ce discours traditionnel ne suffit plus à<br />

convaincre la majorité des bons potentiels, nous le constatons de plus en plus lors<br />

des journées portes ouvertes ou dans les salons de l’enseignement supérieur. Or,<br />

pour continuer à recruter de bons élèves - et pas seulement de très bons - et leur<br />

faire faire un saut qualitatif, il faut déjà les attirer. Nous sommes dans un environnement<br />

concurrentiel en France et certains bons bacheliers n’hésitent plus à partir<br />

à l’étranger.<br />

À ceux qui, dans leur tour d’ivoire, considèreraient que l’excellence académique<br />

des CPGE nous dispenserait de travailler sur notre attractivité, je les invite à<br />

comparer ces deux chiffres donnés le 31 août dernier par le ministère de l’Enseignement<br />

supérieur : à la rentrée <strong>2018</strong>, il y a 1,3 % d’étudiants en plus en France<br />

par rapport à 2017 alors que le nombre d’élèves inscrits en CPGE baisse lui de<br />

0,3 %. Il n’y a pas péril en la demeure, mais l’immobilisme nous serait progressivement<br />

fatal. n<br />

L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 9 SEPTEMBRE <strong>2018</strong> | N°19

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