31 mars <strong>2019</strong>, en mode team building : Matteo Robins, Matt Mehl, George Rocha, Julian Snellgrove, Josh Matlock, Andy Ferguson, Tony Aloy et Danielle Rode. 50 THE RED BULLETIN
Le paysage américain est constellé des vestiges des activités du passé – aciéries closes, complexes touristiques abandonnés et restaurants condamnés. À l’image de ces 150 hectares dans la Bay Area de San Francisco – où les prix de l’immobilier sont pourtant parmi les plus élevés du pays. Bienvenue sur Treasure Island, une île artificielle que des centaines de milliers de banlieusards croisent tous les jours en empruntant le Bay Bridge, sans lui accorder la moindre attention. Mais le potentiel d’un terrain vague ou d’un immeuble abandonné n’échappe pas à certains. Notamment aux skateurs. À commencer par Josh Matlock, en pleine contemplation d’un court de tennis en piteux état sur le côté est de Treasure Island, à y projeter ses rêves de béton. L’endroit parfait pour un skatepark. « Quand on met tout son cœur à l’ouvrage, dit-il, la récompense est au bout du tunnel. » Un tunnel sacrément long pour Matlock, 43 ans, l’un des meneurs de la communauté de skateurs de l’East Bay. Élevé par une mère célibataire et droguée, après une adolescence tumultueuse, il est passé maître dans l’art de construire des skateparks en béton dans tout le pays. Aujourd’hui, la Bay Area grouille de skate parks, mais du côté d’Oakland, depuis longtemps aux prises avec les difficultés, c’était loin d’être le cas. Làbas, la scène du skate a mis plus de temps à décoller et encore aujourd’hui, le financement des projets de loisirs n’est pas la priorité de la ville. Ici, c’est à l’initiative de bénévoles comme Matlock que des skateparks parviennent à sortir de terre. Ils dénichent des lieux cachés et s’occupent de la construction eux-mêmes, sans passer par les formalités administratives et autres demandes d’autorisation. Construite à l’origine pour l’exposition universelle de 1939, Treasure Island est saisie par la marine américaine pendant la Seconde Guerre mondiale et devient alors un terrain d’entraînement à la guerre nucléaire, jusqu’à la fermeture de la base en 1997. Après une décennie d’élimination des déchets radioactifs, les logements des militaires ont été transformés en locations subventionnées par la ville pour 2 500 résidents. La marine a fini par restituer l’île à la ville de San Francisco, mais d’immenses parcelles sont toujours inoccupées. Un plan de développement de cinq milliards de dollars pour 20 000 nouveaux résidents est en cours, mais nécessitera vingt ans de travaux. Et c’est ainsi que Matlock et sa petite équipe commencent à construire des skateparks de leurs propres Construire des skateparks là où il n’y a rien, pour les kids : une joie pour Josh Matlock. mains. Des chantiers qu’ils poursuivent jusqu’à l’arrivée de la police ou des promoteurs immobiliers. Matlock le sait, cela aidera une flopée de skateurs à trouver leur voie – comme ça l’a aidé lui. Quand Matlock arrive à Oakland il y a de cela 18 ans, pas le moindre skatepark à l’horizon. À l’époque, il a tout juste la vingtaine et cherche encore sa voie. « J’étais vraiment un petit con, dit-il en évoquant sa jeunesse. Quelque part, je pense que je serai toujours un petit con. » Après avoir enchaîné les petits boulots pendant quelques années, il est engagé dans une scierie. Il commence alors à passer le mot auprès des skateurs du coin qu’il peut avoir de bons prix sur le bois s’ils veulent construire des rampes. Et c’est là qu’il reçoit un appel du Wizard qui lui demande s’il pourrait dénicher du béton pour des gars qui construisent un spot secret. Le « Wizard », c’est Mark Leski, un constructeur qui connaît les créateurs de Burnside, un park légendaire de Portland, dans l’Oregon, dont la création au début des années 90 a marqué l’émergence du mouvement des skateparks DIY (pour Do It Yourself). « QUAND ON MET SON CŒUR À L’OUVRAGE, LA RÉCOMPENSE EST AU BOUT DU TUNNEL. » THE RED BULLETIN 51