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The Red Bulletin Juin 2019

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L’élégance et la beauté du ballet dissimulent<br />

des corps meurtris, des muscles endoloris<br />

de la souffrance et de la pression. Mais au<br />

Royal Ballet de Londres, les choses évoluent,<br />

grâce à une nouvelle génération de danseurs.<br />

La science du sport renforce leurs corps et<br />

leurs esprits – propulsant leur art dans le futur.<br />

Quand Gemma Pitchley-Gale<br />

n’est pas chaussée de ses<br />

pointes roses, en pleine<br />

séance de pirouettes à la<br />

Royal Opera House, le fief<br />

londonien du célébrissime<br />

Royal Ballet, elle est souvent<br />

en train de soulever des haltères<br />

en fonte à la salle de<br />

sport. Malgré un physique menu, la danseuse a<br />

déjà réussi à soulever 97 kg – plus du double de<br />

son propre poids, 47 kg.<br />

« Les gens s’imaginent qu’on passe nos journées<br />

à virevolter en studio, qu’on est maigre,<br />

fragile et qu’on ne mange rien, s’amuse la jeune<br />

femme originaire du sud de Londres. Alors quand<br />

ils voient tout ce dont on est capables, ils n’en<br />

reviennent pas. » Sa collègue, Claire Calvert, qui a<br />

interprété la fée Dragée dans Casse-Noisette, a<br />

elle-même établi un record perso de 99 kg en<br />

squat. Les danseurs masculins de la compagnie ne<br />

sont pas en reste. William Bracewell peut soulever<br />

ses 75 kg en enchaînant 45 extensions de mollets.<br />

À chaque entraînement quotidien, Alexander<br />

Campbell soulève en cumulé un poids total de<br />

3 655 kg, soit à peu près le poids d’un Ford Transit<br />

chargé. Et Matthew Ball peut supporter l’équivalent<br />

de quatre fois son poids en effectuant un<br />

squat statique sur une seule jambe. « J’ai montré à<br />

mes parents une vidéo de moi en train de soulever<br />

des poids et ils m’ont dit : “Mais tu as le droit de<br />

faire ça ?”, raconte le jeune homme de 26 ans avec<br />

le sourire. Le truc, c’est que quand j’atterris après<br />

un grand saut, j’ai l’équivalent de 500 kg de force<br />

qui passe dans mes jambes, donc il faut bien que<br />

je m’entraîne pour. »<br />

Si les danseurs d’aujourd’hui passent tant de<br />

temps à la salle de sport, c’est pour une raison :<br />

le ballet est un univers magnifique, mais aussi<br />

brutal, fait de muscles endoloris et d’épuisement<br />

intense. Pour maîtriser le sublime jeu de pieds de<br />

ballets emblématiques comme le Lac des cygnes,<br />

Cendrillon ou encore Roméo et Juliette, ces<br />

artistes peuvent enchaîner jusqu’à six heures de<br />

répétitions complexes par jour et parfois quatre<br />

représentations en public par semaine. Sur le<br />

plan physique, le prix à payer est immense : les<br />

danseurs du Royal Ballet – qui sont une centaine,<br />

et dont les pieds meurtris sont gravement esquintés<br />

par les ampoules, ongles noircis, coupures,<br />

contusions et autres déformations – consomment<br />

en moyenne 12 000 chaussons par an. Avec une<br />

moyenne de 6,8 blessures par an, de l’entorse du<br />

pied à la déchirure musculaire, le taux de blessures<br />

des danseurs est comparable à celui des<br />

joueurs de football américain.<br />

« Le matin au réveil, on ressent un mélange<br />

de courbatures, de douleurs et de craquements,<br />

en gros », explique Gemma Pitchley-Gale en<br />

riant. Après 75 minutes d’échauffement, les<br />

choses sérieuses commencent. « Il nous arrive de<br />

répéter de midi à 18 h 30 sans faire de pause ou<br />

66 THE RED BULLETIN

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