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The Red Bulletin Septembre 2019

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FRANCE<br />

SEPTEMBRE <strong>2019</strong><br />

HORS DU COMMUN<br />

Votre magazine<br />

offert chaque<br />

mois avec<br />

« Sous nos<br />

casques, nous<br />

sommes juste<br />

des pilotes »<br />

Shayna Texter est un<br />

phénomène en Flat Track,<br />

le reste est secondaire...


ÉDITORIAL<br />

L’IMPORTANT,<br />

CONTRIBUTEURS<br />

NOS ÉQUIPIERS<br />

C’EST LE RESTE<br />

Dans et hors de la course, sa ténacité et sa détermination<br />

font sensation. Le pilote à l’honneur ce<br />

mois-ci est un phénomène du Flat Track – des<br />

courses de moto disputées sur un circuit ovale,<br />

à fond la caisse, jambe gauche sortie dans les<br />

virages. Un coup de frais pour une discipline qui<br />

a bénéficié d’un regain de notoriété ces dernières<br />

années. Shayna Texter page 22, notre pilote en question,<br />

y est l’une des deux seules femmes présentes<br />

à haut niveau. Dans son histoire, l’important n’est<br />

pas cela, mais tout le reste.<br />

Chez WondaGurl, là encore, l’essentiel n’est pas<br />

que la Canadienne soit l’une des rares femmes<br />

productrices dans le rap game, mais bien que ses<br />

instrumentaux déchirent. Jay-Z ou Rihanna lui<br />

doivent certains de leurs succès et dans les hautes<br />

sphères des charts où ils évoluent, l’important,<br />

ce n’est pas le genre, mais le talent et le travail.<br />

Lisez plus !<br />

Votre Rédaction<br />

Le succès de Shayna Texter, pilote de moto Flat Track<br />

pro, est le dernier chapitre d’une saga qui inclut son<br />

grand-père, Glenn Fitzcharles, légende du Sprint Car.<br />

ANTOINE<br />

CARBONNAUX<br />

Apprécié des milieux culturels<br />

branchés et rédacteur en chef<br />

de <strong>Red</strong> Bull Music France<br />

depuis 2015, Antoine Carbonnaux<br />

explore et documente les<br />

coulisses de la création musicale.<br />

Dans ce numéro, il est allé<br />

à la rencontre de la Canadienne<br />

dont toutes les stars du hiphop<br />

US s’arrachent les services<br />

: WondaGurl. C’est en clôture<br />

de sa résidence de création<br />

aux <strong>Red</strong> Bull Studios Paris<br />

qu’Antoine a rencontré cette<br />

« force tranquille ». Page 42<br />

GLORIA<br />

LIU<br />

« Texter m’a bluffée, tant elle<br />

s’acharne dans un milieu<br />

dominé par les hommes, qui<br />

plus est une discipline sportive<br />

: la moto, dit la journaliste,<br />

récemment relocalisée à Santa<br />

Fe pour intégrer la rédaction<br />

d’Outside. Elle pense qu’elle<br />

peut affronter et battre<br />

n’importe qui, sincèrement.<br />

En la fréquentant, je me suis<br />

demandé si je pourrais adopter<br />

le même état d’esprit. Elle<br />

m’a inspirée et fait changer<br />

de philosophie. » Page 22<br />

LAURA BARISONZI (COUVERTURE)<br />

4 THE RED BULLETIN


SOMMAIRE<br />

septembre <strong>2019</strong><br />

64<br />

Y a-t-il un capitaine de soirée dans la teuf ? Plongée à l’ancienne dans les premières raves anglaises.<br />

78 Le festival Nyege Nyege, raison<br />

suprême de bouger en Ouganda<br />

82 Avec la méthode Isele, c’est<br />

pieds sur terre et yeux fermés<br />

que le grimpeur se prépare<br />

84 Ce Minecraft en réalité virtuelle<br />

pour smartphones contribue au<br />

réel de manière intelligente<br />

85 Plein écran : faites vos courses<br />

sur <strong>Red</strong> Bull TV, sans bouger<br />

86 Brocante géante, FMX de haut<br />

vol, électro et course sur le mont<br />

Blanc : l’agenda sans équivalent<br />

88 Sape : abordez l’hiver sereinement<br />

avec une sélection des<br />

meilleures vestes disponibles<br />

sur Terre<br />

98 Un cliché fou du <strong>Red</strong> Bull Jour<br />

d’Envol qui a fait monter la<br />

température à Lyon le 30 juin<br />

8 Moto, surf ou skate, trois photos<br />

sur lesquelles passer des heures<br />

14 Avec ses personnages mythiques,<br />

Stan Lee a installé le concept de<br />

superhéros dans notre quotidien<br />

16 Se mettre en condition pour la vie<br />

sur Mars ? On file en Chine<br />

18 L’idée, en achetant cette moto,<br />

c’est de ne plus jamais en acheter<br />

d’autre… La Zeus de chez Curtiss<br />

Motorcycles est un rêve électrique<br />

aux prétentions durables<br />

20 Pour trouver des vinyles, Vincent<br />

Privat ne lâche rien, quitte à vider<br />

un entrepôt deux jours durant<br />

22 Au bout de l’ovale<br />

Grâce à Shayna Texter, star<br />

dans sa discipline, le Flat Track<br />

ne tourne pas en rond<br />

34 Retour au Vietnam<br />

Pour un saut rare en wingsuit<br />

42 La force tranquille<br />

Vous dansiez sur ses sons sans<br />

la connaître : présentations !<br />

50 Le club de Mikey<br />

Dans la sphère de Mikey Alfred,<br />

jeune ricain créatif et connecté<br />

qui excite la scène urbaine US<br />

54 Marins, after all<br />

L’élite française de la voile se<br />

frotte au SailGP… et apprend<br />

64 Objectif R.A.V.E<br />

Un photographe au cœur du<br />

Second Summer of Love<br />

70 Planches de salut<br />

Ce que le surf peut apporter aux<br />

Jamaïcaines en difficulté<br />

42<br />

WondaGurl : d’un<br />

naturel plutôt posé,<br />

cette jeune femme<br />

bâtit des sons hiphop<br />

à tout casser.<br />

DAVE SWINDELLS, ARARSA KITABA, BERNARD LE BARS<br />

6 THE RED BULLETIN


54<br />

Quand le boss de<br />

l’America’s Cup<br />

lance un nouveau<br />

concept, le SailGP,<br />

on se pointe à SF<br />

se tenir au courant.<br />

THE RED BULLETIN 7


CAINEVILLE, UTAH<br />

Du neuf<br />

avec du<br />

vieux<br />

La photo est depuis longtemps indissociable<br />

de l’univers des sports<br />

d’action, mais sur ce coup, l’environnement<br />

de la prise de vue la hisse aux<br />

sommets du genre. Réalisée à Caineville,<br />

dans l’Utah, par le photographe<br />

Chris Tedesco, elle montre le vainqueur<br />

des X Games Tom Parsons sur<br />

un terrain d’exception. « Le mélange<br />

entre le paysage ancestral grandiose<br />

et la performance de haute volée rend<br />

ce cliché unique ; l’immuabilité des<br />

roches contraste avec l’énergie instantanée<br />

et éphémère du pilote »,<br />

explique Tedesco. Une séquence<br />

nominée dans la catégorie Best of<br />

Instagram du concours photo<br />

<strong>Red</strong> Bull Illume en février dernier.<br />

Instagram : @tedescophoto<br />

CHRIS TEDESCO


9


REN MCGANN


AUSTRALIE-<br />

OCCIDENTALE<br />

Face au<br />

colosse<br />

Lorsqu’une énorme houle parcourt<br />

l’océan Indien, elle peut engendrer<br />

des vagues colossales sur<br />

« <strong>The</strong> Right », ce récif meurtrier situé<br />

en Australie- Occidentale. Seuls les<br />

plus courageux des surfeurs osent<br />

les affronter. Pour le photographe<br />

Ren McGann, le défi était de saisir<br />

le moment où le surfeur tente de<br />

dominer la vague. « Cette photo est<br />

probablement celle dont je suis le<br />

plus fier. Me fondre dans la nature<br />

est pour moi le but ultime. Le voyage<br />

commence dès que je prends mon<br />

appareil, charge la voiture et démarre.<br />

Une fois à l'eau, être entouré de<br />

vagues géantes m’apaise comme<br />

rien d’autre. »<br />

Instagram : @renmcgann<br />

11


FILLINGES, FRANCE<br />

Un plan en<br />

béton<br />

Avec ses lignes épurées et ses contras tes<br />

forts, on comprend aisément pourquoi<br />

cette image de BMX a été élue meilleure<br />

de la catégorie Best of Instagram du<br />

concours <strong>Red</strong> Bull Illume l’hiver dernier.<br />

Au moment où le photographe et vidéaste<br />

Baptiste Fauchille installe son appareil<br />

au bowl de Fillinges, ville de Haute-Savoie,<br />

il ne se doute pas qu’il va y réaliser une<br />

photo bientôt primée. « J’ai d’abord envisagé<br />

une vidéo avec mon drone. Puis j’ai<br />

réalisé que le bowl était immaculé : pas un<br />

graffiti, pas une saleté. Ce qui permettait<br />

de bien faire ressortir le rider et son<br />

ombre. J’ai demandé à Alex Bibollet<br />

(un rider dans l’équipe qui accompagnait<br />

Fauchille, ndlr) de me donner ce qu’il avait<br />

de mieux et j’ai pu capturer le moment. »<br />

Instagram : @baptistefauchille<br />

BAPTISTE FAUCHILLE/UNICORN WE ARE LEGENDS


13


THE STAN LEE<br />

STORY, L’OUVRAGE<br />

Le culte<br />

du héros<br />

Tant qu’à concevoir un livre<br />

sur l’un des créateurs de<br />

BD parmi les plus doués<br />

de l'Histoire, autant que ce<br />

soit fait par lui-même…<br />

Et c’est tant mieux.<br />

« Si vous parvenez à soulever ce<br />

livre, c’est que vous faites vraiment<br />

partie de notre merveilleux<br />

monde de superhéros. » Ce<br />

sont les mots de Stanley Martin<br />

Lieber, alias Stan Lee, auteur<br />

légendaire, rédacteur en chef<br />

et même star de l’univers cinématographique<br />

Marvel.<br />

Qu’il l’ait écrit dans l’avantpropos<br />

d’un livre qui célèbre à<br />

titre posthume sa propre magnificence<br />

résume l’essentiel de ce<br />

que vous devez savoir sur l’incroyable,<br />

l’étrange, l’inimitable<br />

sens de la mise en scène de l’un<br />

des plus grands bardes de la<br />

culture pop du XX e siècle. Avec<br />

ses 444 pages, <strong>The</strong> Stan Lee<br />

Story, publié par Taschen, est<br />

un pavé énorme (tout comme<br />

son prix, 2 000 €), mais néanmoins<br />

à peine capable de résumer<br />

la vie et la carrière d’un<br />

homme qui a commencé à 17 ans<br />

comme garçon à tout faire chez<br />

Timely Comics (à remplir les<br />

encriers des artistes dessinateurs<br />

et apporter leur déjeuner)<br />

pour devenir éditeur du Marvel<br />

Comics Univers tout en co-créant<br />

des personnages tels que Spider-<br />

Man, Hulk et Black Panther.<br />

Lee a réinventé le support BD<br />

dans sa fabrication (en développant<br />

la méthode Marvel : une<br />

Stan « <strong>The</strong> Man » Lee dans les bureaux de Marvel à Manhattan, NY, en 1968.<br />

Mille exemplaires de<br />

ce livre de 444 pages<br />

ont été imprimés,<br />

et huit années ont<br />

été nécessaires à sa<br />

conception. Rare !<br />

TASCHEN, 2018 MARVEL ENTERTAINMENT, LCC, COURTESY STAN LEE AND 1821 MEDIA/<br />

PARIS KASIDOKOSTAS LATSIS AND TERRY DOUGAS LOU BOYD<br />

14 THE RED BULLETIN


Lee en agent de sécurité dans le film<br />

Captain America : Le soldat de l’hiver.<br />

« Bon, les gars, on va créer un empire de la bande dessinée... »<br />

Illustre ! Stan, un héros pour de nombreux fans de superhéros.<br />

technique de storyboard<br />

collaborative entre scénariste<br />

et artiste permettant d’accélérer<br />

le rythme de production des<br />

planches) et sa perception. Les<br />

histoires et la prose de Lee respirent<br />

la finesse et l’humour, et<br />

ses héros ne sont pas que de<br />

gros bras mais des personnages<br />

complexes avec des soucis quotidiens<br />

et des failles, des profils<br />

auxquels le lecteur s’identifie.<br />

L’histoire de Marvel est, à<br />

bien des égards, l’histoire de<br />

Stan Lee, et qui mieux que l’auteur<br />

même de ses légendes et le<br />

créateur de plus de 200 personnages<br />

pouvait la raconter ?<br />

« C’est une corne d’abondance,<br />

une idée folle, une attitude à la<br />

Don Quichotte, pour échapper<br />

à la routine et à la banalité »,<br />

confiait Lee à propos de son<br />

œuvre maîtresse. « Une fête<br />

pour l’esprit, l’œil et l’imagination<br />

; la célébration littéraire<br />

d’une créativité débridée, associée<br />

à une touche de rébellion<br />

et au désir insolent de cracher<br />

dans l’œil du dragon. » Lee s’en<br />

est allé à l’âge de 95 ans en<br />

novembre dernier, mais ses<br />

histoires et son héritage lui survivront.<br />

Les True Believers le<br />

savent : le meilleur reste à venir !<br />

taschen.com<br />

THE RED BULLETIN 15


MARS BASE ONE<br />

Sur la Terre<br />

et au-delà<br />

Cette base de préparation permet de vivre<br />

comme un astronaute sur la planète rouge.<br />

Sans quitter la planète bleue.<br />

Mars Base One se situe dans un<br />

paysage aride et poussiéreux<br />

avec des roches rouges à perte<br />

de vue. Sans la moindre trace de<br />

vie dans le nuage de sécheresse<br />

qui l’enveloppe. Sauf qu’elle<br />

n’est pas sur Mars. Située dans<br />

le désert de Gobi, à 40 km de la<br />

ville de Jinchang (nord-ouest de<br />

la province chinoise du Gansu),<br />

elle vise à simuler l’expérience<br />

de la vie sur la planète rouge.<br />

Composée de neuf capsules<br />

(une salle de contrôle, un module<br />

biologique combinant serre et<br />

labo, un sas, des installations<br />

médicales, une unité de recyclage,<br />

des salles de vie et une<br />

salle de sport et de détente), la<br />

base a été créée par C-Space<br />

avec l’aide du Centre des astronautes<br />

de Chine et du China<br />

Intercontinental Communication<br />

Center. « La base permet aux<br />

visiteurs de comprendre les<br />

enjeux de la vie dans des espaces<br />

clos où tous les aspects de la vie<br />

quotidienne doivent être maîtrisés<br />

avec des ressources très<br />

limitées, nous explique-t-on du<br />

côté du C-Space. Chaque goutte<br />

d’eau doit être récupérée et<br />

recyclée. La nourriture doit être<br />

riche en protéines pour assurer<br />

la bonne santé des occupants et<br />

les sorties s’effectuent en combinaison<br />

spatiale avec passage<br />

par la cabine de pressurisation. »<br />

Ouverte au public, cette installation<br />

éducative de 1 115 m²,<br />

toute terrienne soit-elle, espère<br />

bien inspirer la prochaine génération<br />

d’aventuriers de l’espace<br />

tout en aidant la Chine à rattraper<br />

les États-Unis et la Russie<br />

dans leur quête interplanétaire.<br />

JONATHAN BROWNING LOU BOYD<br />

C-Space (C comme Communauté, Culture et Créativité), la base créée pour les ados chinois, a coûté près<br />

de 8 millions d’euros et a pour but d’initier la jeunesse à l’exploration spatiale et à la vie sur Mars.<br />

Le blé pousse dans le module serre/<br />

laboratoire qui étudie la croissance<br />

des plantes et des animaux dans un<br />

climat martien.<br />

16 THE RED BULLETIN


Le désert de Gobi a été choisi pour la base Mars One à cause de son paysage rappelant celui de Mars, ses conditions chaudes et<br />

sèches, ses fréquentes tempêtes de sable et une forte pollution issue des mines de lithium de la ville de Jinchang, à 40 km.<br />

Mars Base One a été utilisée par l’émission de télé-réalité Space Challenge, dans laquelle six volontaires<br />

dont cinq célébrités chinoises devaient vivre à la base après une formation d’astronaute.<br />

THE RED BULLETIN 17


CURTISS<br />

MOTORCYCLES<br />

Déesse de<br />

l’Olympe<br />

Inspiré de la mythologie grecque<br />

et de la première moto de vitesse<br />

de légende, ce bolide pourrait<br />

être le dernier que vous achèterez.<br />

Rêves électriques : carénage<br />

monocoque en aluminium,<br />

jantes prototypes en carbone<br />

et tableau de bord à écran<br />

tactile, les créations de Curtiss<br />

Motorcycles redéfinissent<br />

le design de la moto. Le modèle<br />

Zeus (notre photo) incarne<br />

cette vision.<br />

Curtiss Motorcycles conçoit<br />

des motos uniques : à titre<br />

d’exemples, les modèles Zeus<br />

(photo) et Hera semblent<br />

davantage sortis d’un film de<br />

science-fiction que de la réalité.<br />

« Nous avons remis en<br />

cause la forme même de la<br />

moto, explique le concepteur<br />

en chef Jordan Cornille. Depuis<br />

plus d’un siècle, celle-ci est<br />

déterminée par les pièces qui<br />

la constituent. Donner à ces<br />

bolides l’allure moderne d’une<br />

machine à combustion n’avait<br />

pas de sens. »<br />

L’entreprise US porte le<br />

nom de son fondateur, l’aviateur<br />

et inventeur Glen Curtiss,<br />

célèbre pour avoir mis au point<br />

le moteur V-Twin américain, et<br />

pour son record de vitesse terrestre<br />

sur deux roues motorisées<br />

en 1907 (219,45 km/h),<br />

avec une moto équipée de l’un<br />

de ses moteurs d’avion V8 de<br />

40 chevaux. Les versions Zeus<br />

Cafe Racer et Bobber sont<br />

des innovations que Curtiss<br />

approuverait : des monstres<br />

électriques de 190 chevaux<br />

atteignant 100 km/h en 2,1 sec<br />

soit 0,7 sec de moins que la<br />

Koenigsegg Agera RS, la plus<br />

rapide des voitures. La nouvelle<br />

Zeus Radial V8, dont les<br />

cylindres embarquent des<br />

batteries brevetées, s’inspire<br />

du modèle vieux de 112 ans<br />

à l’origine du record.<br />

« Notre objectif est de produire<br />

des machines inusables,<br />

poursuit Cornille, avec pour<br />

slogan : Achetez une Curtiss<br />

et transmettez-la à vos<br />

enfants et petits-enfants. Nos<br />

batteries sont échangeables<br />

et recyclables, c’est la garantie<br />

de bénéficier toujours du<br />

meilleur de la technologie. »<br />

curtissmotorcycles.com<br />

LOU BOYD<br />

18


LG XBOOM, vivez l’intensité du son<br />

Des enceintes fun, festives et puissantes pour offrir une expérience<br />

sonore unique. Découvrez le son exceptionnel de la gamme XBOOM<br />

qui accompagnera tous vos moments de fête !<br />

En tant que partenaire de l’événement,<br />

LG accompagnera toutes les étapes<br />

du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style <strong>2019</strong>.<br />

Go


Intérim<br />

À la petite cuiller (1989)<br />

« Envoyer des bouteilles à la mer… »<br />

« Un disque incroyable d’un groupe<br />

anarchiste des années 1980. J'ai<br />

beaucoup joué Mobutu, un morceau<br />

lent avec une voix féminine qui<br />

dénonce le système politique qu’on<br />

retrouve dans beaucoup de pays<br />

africains. Les noms des musiciens<br />

n’étaient pas simples à identifier,<br />

ils utilisaient des pseudos, alors<br />

j’ai envoyé des lettres au hasard en<br />

remontant les Pages Blanches. Je<br />

suis resté sans nouvelle pendant un<br />

an, jusqu’à ce qu'un certain Michel<br />

m’écrive par e-mail. En déménageant,<br />

il était retombé sur un carton<br />

de ce disque et s’était remémoré ma<br />

lettre. Conclusion : ne jamais lâcher<br />

et envoyer des bouteilles à la mer. »<br />

VINCENT PRIVAT<br />

« Faites tous les<br />

bacs à disques ! »<br />

Le disquaire parisien que le monde entier nous envie<br />

partage quatre de ses plus belles trouvailles.<br />

Des années durant, Vincent Privat a reçu à domicile. Une adresse<br />

que les DJs des quatre coins du monde s’échangeaient, avides<br />

de ses découvertes musicales. Chineur depuis l’adolescence,<br />

ce digger chevronné s’est imposé comme une référence incontournable<br />

parmi les collectionneurs de vinyles. Du funk breton<br />

aux chants médiévaux, les disques rares qu’il débusque sont<br />

désormais accessibles à tous chez Dizonord, la boutique qu’il<br />

a ouverte dans le XVIII e arrondissement de Paris. C’est au comptoir<br />

de celle-ci qu'il partage avec nous sa philosophie du digging<br />

et quelques-unes des plus belles trouvailles qui ont forgé la réputation<br />

de ce passionné.<br />

Vincent Privat jouera ses meilleurs<br />

disques sur un sound-system d’exception<br />

à l’occasion du <strong>Red</strong> Bull Music<br />

Festival Paris le 29 septembre. Plus<br />

d’infos sur redbull.com/parisfestival<br />

Puzzle Pulsion<br />

Pygmalistique (1986)<br />

« Ne négliger aucun disque… »<br />

« Je chinais dans le stock d’un<br />

producteur de musique africaine<br />

en banlieue parisienne quand je suis<br />

tombé sur une pochette de ce<br />

disque de zouk hyper recherché.<br />

Si la pochette est vide mais qu’elle<br />

est neuve, c’est peut-être qu’il y a<br />

le disque quelque part. Alors on a<br />

vidé intégralement les deux box de<br />

stockage… 50m³ ! Ça nous a pris<br />

deux jours. Et c’est dans la dernière<br />

boîte, forcément, que j’ai trouvé une<br />

dizaine d’exemplaires du disque.<br />

C’est la première fois que je trouvais<br />

un vrai lot de disques rares en parfait<br />

état. Ça s’est vendu jusque<br />

380 € le disque. Règle numéro 1 :<br />

toujours finir le stock, faire tous<br />

les bacs, jusqu’au dernier disque. »<br />

Raphaël Toiné<br />

Femmes pays douces (1986)<br />

« Remonter la piste de l’artiste… »<br />

« Une autre méthode consiste à<br />

retrouver le contact de l’artiste. J’ai<br />

écrit au musicien antillais Raphaël<br />

Toiné et suis allé chez lui à Genève.<br />

Le train était hors de prix, je n’avais<br />

pas un rond à l’époque, mais je me<br />

disais que ça valait le coup. On a<br />

fouillé dans ses affaires, ressorti<br />

les photos d'époque, les articles de<br />

presse, il m’a raconté son histoire,<br />

des anecdotes incroyables. Mais<br />

impossible de mettre la main sur le<br />

disque. Soudain, un cri au bout de la<br />

pièce : Raphaël venait de retrouver<br />

200 albums neufs ! Chacun valait<br />

200 €, je les ai mis en vente à 50.<br />

Tout est parti en deux heures avec<br />

un simple post Facebook. On a partagé<br />

les bénéfices avec Raphaël.<br />

Et nous sommes devenus amis. »<br />

Afric’ Rhythm<br />

Sans Frontière (1990)<br />

« Appeler cent fois s’il le faut… »<br />

« Un jour, auprès d'un label, j’ai récupéré<br />

une boîte de K7 démos qu’ils<br />

avaient reçues, mais probablement<br />

jamais écoutées. Je m’étais gardé<br />

celle-ci pour la fin, avec sa pochette<br />

faite main, un dessin d’enfant colorié<br />

au feutre. Dès la première seconde,<br />

grosse claque : une musique électro<br />

africaine lo-fi entre Francis Bebey et<br />

Ata Kak. J’ai appelé des centaines de<br />

fois le numéro de téléphone figurant<br />

sur la jaquette, jusqu’à ce qu'on me<br />

réponde : le frère de l’artiste. Ils sont<br />

fâchés et il ne veut pas me donner<br />

son contact, à moins de débourser<br />

une certaine somme, ce qui me<br />

dérange, éthiquement parlant. La<br />

situation est donc bloquée... J’adorerais<br />

rééditer cette musique, mais<br />

contrairement à certains, je ne veux<br />

pas agir dans le dos de l’artiste. »<br />

MATHILDE AYOUB ANTOINE CARBONNAUX<br />

20 THE RED BULLETIN


DE DÉLICIEUX FILETS DE POULET<br />

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L’AUTRE<br />

PILOTE<br />

L’histoire que les gens se plaisent à<br />

raconter au sujet de SHAYNA TEXTER<br />

est aussi opportune que prévisible :<br />

celle d’une femme qui bat des hommes.<br />

Mais sa véritable histoire est bien plus<br />

intéressante que cela.<br />

Texte GLORIA LIU<br />

Photos LAURA BARISONZI


« Je veux être la meilleure.<br />

Je veux être leur égale »,<br />

dit Texter, photographiée<br />

le 12 juin au Grandview<br />

Speedway à Bechteslville<br />

en Pennsylvanie.<br />

23


1,50 m pour 45 kilos.<br />

Shayna est devenue<br />

la première femme<br />

à remporter une<br />

épreuve majeure de<br />

Flat Track en 2011.


Tous les pilotes moto savent qu’ils doivent réaliser un<br />

bon départ. Le circuit ovale et plat, en terre battue,<br />

d’environ 800 mètres de la Texas Motor Speedway à<br />

Fort Worth est exigeant. Il est donc crucial de s’emparer<br />

de la meilleure position dès le départ. C’est pourquoi,<br />

lorsque la moto orange numéro 52 tressaille<br />

légèrement sur la ligne de départ au feu jaune, puis<br />

s’enraye une fraction de seconde lorsque le feu passe<br />

au vert, sa course est perdue. Un essaim d’une<br />

dizaine de coureurs voraces a déjà pris les devants.<br />

Mais le 52 reprend les choses en main. Comme<br />

possédé. La moto avec le plus petit pilote transperce<br />

le peloton, se faufilant vers les espaces qui s’ouvrent<br />

et se ferment en quelques secondes. Dixième place.<br />

Cinquième. Troisième. Si rapidement que les speakers<br />

mettent un temps à comprendre. Leurs voix se<br />

perdent dans l’excitation de la foule et le vrombissement<br />

des 17 motos qui grondent telles mille frelons.<br />

Les coureurs se balancent sauvagement dans le<br />

troisième virage, les pieds sortis. Les semelles d’acier<br />

de leurs bottes gauche glissent sur la terre graisseuse<br />

et chauffent par friction. Mais le 52 se balance un<br />

peu moins. Pendant quelques secondes, il est côte à<br />

côte avec le deuxième pilote, si près qu’ils pourraient<br />

se toucher. Puis sa moto passe en avant.<br />

La coureuse fait le dos rond, comme un chat qui<br />

se prépare à bondir. Un autre passage et elle prend la<br />

tête. Les jeunes types à moto derrière elle tenteront<br />

tout les six tours suivants. Ils la traquent, introduisent<br />

brièvement leurs roues avant dans son<br />

espace, mais elle se met hors de portée. La pilote<br />

numéro 52 se lève sur son engin, de son mètre cinquante,<br />

poing serré. Shayna Texter a gagné. Encore.<br />

Shayna Texter, la nana qui bat les mecs. C’est un<br />

bon sujet, ça ! La jeune femme de 28 ans a l’habitude<br />

qu’on lui rebatte les oreilles avec cela, comme un<br />

surnom. Ça et « le visage du Flat Track américain »,<br />

une discipline de course motocycliste où les coureurs<br />

se déchaînent autour de circuits ovales en terre battue<br />

allant du quart de mile (400 mètres) au mile<br />

(1,6 kilomètre), dérapent avec puissance dans les<br />

virages et entrechoquent leurs guidons quand ils<br />

manœuvrent pour monter au classement. Sur des<br />

engins qui n’ont des freins qu’à l’arrière, ils atteignent<br />

des vitesses de 200 à 225 km/h dans les lignes<br />

droites, jusqu’à 150 dans les courbes. Les conditions<br />

varient d’un circuit à l’autre, d’un jour à l’autre, voire<br />

d’un tour à l’autre. Et les accidents sont fréquents.<br />

Perdu dans l’obscurité de nombreuses années, le<br />

Flat Track américain connaît une résurgence grâce<br />

à un important travail de rebranding en 2017, un nouveau<br />

contrat de diffusion avec le réseau NBCSN et un<br />

livestream qui attire un public plus jeune et international.<br />

La discipline est toujours éclipsée par d’autres formules<br />

comme le Supercross, davantage sponsorisé.<br />

Mais, même dans son sport de niche, Texter s’est fait<br />

connaître non seulement en tant que l’une des deux<br />

seules coureuses du circuit pro mais également<br />

comme l’une des meilleures, tout sexe confondu.<br />

En 2017, Texter a remporté cinq courses. En 2018,<br />

trois. Chaque fois, elle s’est classée troisième de sa<br />

série. Connue pour ses prouesses sur les parcours<br />

d’un mile et d’un demi-mile, de nombreux jaloux<br />

disent que sa petite taille lui permet d’être plus aérodynamique<br />

dans les lignes droites et que son poids<br />

léger (45 kilos) lui offre de meilleures accélérations.<br />

Ces théories déplaisent à Shayna et à ses proches qui<br />

attribuent plutôt son succès à sa finesse, à son agressivité<br />

et à sa détermination. Pour sûr, Texter a remporté<br />

plus de courses que n’importe quel autre coureur<br />

de sa catégorie.<br />

Et c’est bien pour ça que ses fans l’adorent. Bien<br />

que la catégorie des Singles de l’AFT (American<br />

Flat Track) dans laquelle Texter pilote une<br />

moto monocylindre de 450 cm³ pour l’écurie <strong>Red</strong><br />

Bull-KTM soit généralement considérée comme un<br />

tremplin vers la catégorie des Twins (moto à moteur<br />

bicylindre) de haut niveau, où les pilotes courent sur<br />

des motos de 750 cm³ plus puissantes, le PDG de<br />

l’AFT, Michael Lock, affirme que « lors des rencontres<br />

sur des compétitions, la queue la plus longue est celle<br />

devant la tente KTM pour voir Shayna. De loin ». Des<br />

médias comme le New York Times, Forbes et le Wall<br />

Street Journal lui ont consacré des articles.<br />

Bien que ces articles insistent souvent sur le fait<br />

que Texter est une source d’inspiration pour une nouvelle<br />

génération de jeunes filles souhaitant s’initier<br />

à la moto, la plupart de ses fans appartiennent au<br />

profil type traditionnel de l’AFT : des mecs, souvent<br />

tatoués, look de dur à cuire. Chaque semaine, ils<br />

patientent, attendant leur chance de dire à la petite<br />

au visage juvénile à quel point elle est badass.<br />

25


Shayna n’est pas allée à son bal<br />

de promo ni à sa remise de diplôme.<br />

Au lieu de cela, elle était sur des<br />

courses avec son frère et son père.<br />

Texter vient d’une<br />

longue lignée de<br />

coureurs et a passé<br />

sa vie à réparer ellemême<br />

ses motos.<br />

Shayna court sur une<br />

moto monocylindre<br />

sous les couleurs du<br />

team <strong>Red</strong> Bull-KTM.<br />

26


Shayna aime à dire que virer à gauche sur une<br />

piste est dans son sang. Son père, Randy<br />

Texter, était un coureur professionnel sur<br />

circuit ; son grand-père maternel, Glenn Fitzcharles,<br />

est au Panthéon des pilotes de Sprint Cars. Son frère<br />

aîné, Cory Texter, 31 ans, participe aux courses de<br />

l’AFT et, au moment de la rédaction de cet article,<br />

son petit ami, Briar Bauman, 24 ans, menait la catégorie<br />

des Twins aux points.<br />

La mère de Cory et de Shayna, Kim Mitch, s’est<br />

séparée quand Shayna avait un an, mais elle et son<br />

frère se souviennent d’une enfance heureuse. Quand<br />

Shayna était avec la famille Mitch à Limerick, en<br />

Pennsylvanie, elle jouait au football et allait chasser<br />

avec ses oncles. Quand elle se trouvait à une heure<br />

de route, dans la boutique Harley-Davidson de son<br />

père à Lancaster, au cœur du pays Amish, elle et Cory<br />

soulevaient des nuages de poussière géants dans le<br />

parking sur leurs mini motos.<br />

Shayna a appris à conduire des motos dès l’âge de<br />

3 ans et a commencé à courir à 12. Puis à partir de la<br />

seconde, elle a suivi une scolarité par correspondance<br />

afin de se concentrer sur les courses. Shayna n’est pas<br />

allée à son bal de promo ni à sa remise de diplôme.<br />

Au lieu de cela, elle était sur des courses avec son<br />

frère, son père et tous leurs meilleurs amis au sein<br />

de la communauté soudée et familiale du Flat Track.<br />

C’était le bon temps. Le magasin était leur sponsor<br />

principal et le daron s’occupait naturellement de<br />

la mécanique. Chaque fois qu’ils avaient besoin de<br />

quelque chose, ils le prenaient sur une étagère et mettaient<br />

l’étiquette du prix sur le bureau de leur père.<br />

Randy Texter est décédé subitement le 30 août<br />

2010, à l’âge de 48 ans seulement. Il luttait contre<br />

un cancer et avait des problèmes cardiaques depuis<br />

des années ; il attendait une transplantation cardiopulmonaire<br />

à l’hôpital lorsqu’il a été emporté par<br />

une septicémie. Ce jour-là, Shayna participait à une<br />

course à Indianapolis. Avant de partir, elle avait dit<br />

au revoir à son père. C’est la dernière fois qu’ils se<br />

sont parlé.<br />

Shayna a toujours été la plus mature de ses quatre<br />

frères et sœurs (elle et Cory ont un demi-frère et une<br />

demi-sœur plus jeunes qu’eux). Elle était celle vers<br />

qui on se tournait. À 19 ans, c’est elle qui a organisé<br />

les funérailles de son père. Elle s’est occupée de tout,<br />

des fleurs jusqu’au cercueil, en passant par les vêtements<br />

qu’il porterait.


La dynastie Texter : Shayna, Randy (le père) et Cory (le frère). En bas à droite : cuissardes ou bottes de moto ? Shayna a choisi.<br />

L’année suivante a été la plus difficile de sa vie. Car<br />

Randy Texter avait accumulé des dettes importantes<br />

et pour les rembourser, les membres de sa famille<br />

ont dû vendre les fourgonnettes qu’ils utilisaient<br />

pour se rendre aux courses ainsi que la part sociale<br />

du magasin Harley qui avait toujours été promise<br />

à Cory et Shayna. « On a tout perdu », dit Shayna.<br />

Enfin, presque tout : elle et son frère ont hérité de<br />

la maison de Lancaster et ils avaient toujours leurs<br />

motos. À l’hôpital, quelques minutes après le décès<br />

de Randy, Shayna s’est tournée vers Cory et lui a dit :<br />

« On doit retourner sur la piste. »<br />

Mais les courses n’étaient plus les mêmes sans<br />

Randy. Shayna devait chaque semaine trouver un<br />

moyen de transport pour s’y rendre. Et elle a dû se<br />

débrouiller pour couvrir les paiements de l’hypothèque<br />

de la maison.<br />

Ce combat s’est également fait sentir sur le<br />

circuit. Shayna s’y faisait bousculer et chutait.<br />

À court d’argent, elle a envisagé de tout abandonner.<br />

Mais elle a appelé un mécano avec qui elle<br />

et son père travaillaient depuis longtemps.<br />

« Écoute, a-t-il dit à Shayna. Soit tu te barres, soit<br />

tu prends le dessus et tu leur montres qui tu es, tu<br />

leur prouves qu’ils ont tort et que tu vas batailler. »<br />

Ce qu’elle a fait.<br />

Peu après, en septembre 2011, Shayna a pris la<br />

tête lors d’une course à Knoxville, Iowa. Elle s’est<br />

battue jusqu’à la ligne d’arrivée contre un jeune<br />

espoir du nom de Briar Bauman et a remporté sa<br />

première victoire professionnelle. Ce fut aussi la première<br />

épreuve professionnelle sur circuit remportée<br />

par une femme. La nuit où elle est entrée dans l’histoire,<br />

elle a dormi sur le siège avant du van d’un ami,<br />

sur le parking d’un relais routier, la tête sur le volant.<br />

Shayna a remporté d’autres victoires par la suite.<br />

Entre-temps, elle s’est forgé une réputation de spécialiste<br />

du mile. Ses points faibles restaient les pistes<br />

courtes où il y a davantage de bousculades et moins<br />

d’occasions de s’échapper ainsi que les épreuves de<br />

TT (« Tourist Trophy »). Il lui fallait changer de cap.<br />

En 2014, Shayna est passée de la catégorie Singles<br />

à celle de Twins. Mais là encore, elle a dû se battre.<br />

Son équipe n’arrivait pas à s’ajuster à ses spécificités<br />

– certaines semaines, le moteur ne démarrait pas,<br />

se souvient Gary Nelson, mécanicien de l’équipe.<br />

D’autres semaines, le guidon se mettait à vibrer<br />

dangereusement à grande vitesse. Pendant les trois<br />

saisons où elle a couru en Twins, Shayna s’est rarement<br />

qualifiée pour les épreuves principales. Son<br />

équipe en venait à se demander : « Mais pourquoi<br />

fait-on tout ça ? » « Mais Shayna s’est présentée chaque<br />

semaine, le sourire aux lèvres, avec de la détermination<br />

pour les battre, dit Nelson. N’importe qui avec<br />

moins de motivation aurait jeté l’éponge. » Pourtant,<br />

lorsque l’AFT a changé de nom et restructuré<br />

ses catégories en 2017, Shayna a pris la difficile<br />

décision de revenir aux Singles. Pour reprendre<br />

confiance en elle, et réapprendre à gagner.<br />

« Tout à coup, nous étions en quête de championnat<br />

», rembobine-t-elle. Cette année-là, elle a remporté<br />

cinq courses et a été en tête du classement<br />

jusqu’à ce qu’un pneu crevé l’oblige à abandonner<br />

lors d’une course cruciale. En 2018, elle a remporté<br />

trois victoires, dont une à Lima, dans l’Ohio, sur une<br />

piste d’un demi mile en gravier qui, selon plusieurs<br />

pilotes, était la plus dure et la plus exigeante du circuit<br />

physiquement. « Certains disaient : “Tu n’as du<br />

succès sur les courses d’un mile que parce que tu es<br />

petite et que ta moto est donc plus rapide...” et là,<br />

tu leur prouves qu’ils ont tort en remportant Lima.<br />

C’était important pour elle d’y aller et de le faire »,<br />

dit Scott Taylor, le manager de Shayna.<br />

En <strong>2019</strong>, Shayna veut plus que jamais remporter<br />

cet insaisissable championnat des Singles. Mais<br />

le Flat Track est en train de changer. Davantage<br />

de téléspectateurs signifie davantage de sponsors et<br />

de jeunes coureurs affamés. Et d’autres courses TT<br />

28


SEQUE PEL INVE-<br />

NIMPOR DE QUAT<br />

VOLUPT ATIBUS<br />

RE<br />

« Sous nos casques,<br />

nous sommes juste des<br />

pilotes », dit Shayna<br />

Texter, qui veut être<br />

appréciée sur un<br />

pied d’égalité.


Texter travaille avec un coach<br />

connu pour aider les champions<br />

de motocross, afin d’améliorer<br />

ses capacités et sa puissance<br />

dans l’anneau de Flat Track.<br />

30 THE RED BULLETIN


« Je réfléchis à tout.<br />

Les plus jeunes n’ont<br />

pas peur, ils le font,<br />

sans y penser. »<br />

ont été ajoutées au calendrier. Pour gagner la série,<br />

Shayna ne peut plus compter uniquement sur ses<br />

prouesses sur le circuit ovale – elle doit s’améliorer<br />

en Tourist Trophy.<br />

Ê<br />

tre une star dans un sport qui a failli disparaître<br />

il y a huit ans est particulier. Premièrement,<br />

cela vous maintient les pieds sur terre.<br />

Shayna se souvient encore de l’époque où elle et les<br />

autres coureurs regardaient leurs fans vieillissants<br />

dans les tribunes et se demandaient : « Que va-t-on<br />

faire quand ils auront disparu ? » Aujourd’hui encore,<br />

Briar, elle et une dizaine d’autres pilotes seulement<br />

sont issus d’écuries bénéficiant d’un soutien total<br />

(son compagnon roule pour le team dominant Indian<br />

Motorcycles Wrecking Crew). Ils font partie des rares<br />

chanceux qui peuvent maintenant prendre l’avion<br />

pour se rendre à leurs courses au lieu d’un volant et<br />

de dormir dans leurs fourgonnettes.<br />

Mais Shayna mène toujours une vie simple et rangée.<br />

Elle et Briar possèdent une cabane de bois rond<br />

sur un terrain boisé de 2 hectares dans le village de<br />

Schnecksville, en Pennsylvanie, à seulement 3 kilomètres<br />

de chez sa mère. C’est le refuge de Shayna<br />

où elle recharge ses batteries, entre deux courses,<br />

avec sa famille, Briar et Ogio, son puggle (chien issu<br />

du croisement entre un beagle et un carlin). Toute<br />

une galerie de personnages occupe la chambre<br />

d’amis en permanence, généralement des copains<br />

du Flat Track, au mode de vie indépendant et à la<br />

recherche d’une pause dans leur #vanlife.<br />

Sur les courses, Shayna est professionnelle et<br />

s’exprime posément – sa mère avait pour habitude<br />

de passer en revue ses prestations lors de ses interviews<br />

– et il se dégage d’elle une intensité certaine.<br />

Elle est sérieuse et déterminée. « Mais un seul jour<br />

par semaine », précise-t-elle.<br />

La Shayna que je rencontre lors de mon séjour<br />

de trois jours chez elle et dans les environs est<br />

d’une convivialité désarmante. Elle est ouverte,<br />

facile d’approche et parle avec l’accent traînant de<br />

Pennsylvanie (“silence” devient “sahl-ence”, “racing”,<br />

“racin” et “last”, “l-ayas-t”). Elle balance des vannes<br />

puis sourit en grimaçant. Elle est gentiment et<br />

constamment attentionnée, le genre de personne<br />

qui vous propose de tenir votre café quand vous<br />

devez aller aux toilettes de la station-service ou qui<br />

vous pose des questions sur vous et se souvient de<br />

vos réponses.<br />

D’une personne qui s’offre des sensations fortes à<br />

passer à travers une meute de motocyclistes enragés,<br />

on s’attendrait qu’elle soit intrépide et invulnérable.<br />

Mais Shayna évoque plusieurs choses qui lui font<br />

peur – qui la « terrifient », comme elle le dit. Parmi<br />

ces trucs qui terrifient ou ont terrifié Shayna Texter,<br />

on trouve les motos. C’est l’une des raisons pour lesquelles<br />

elle n’a commencé à courir qu’à l’âge de 12<br />

ans. De même, appuyer sur la gâchette de son fusil<br />

quand elle a tiré sur un animal à l’âge de 9 ans (elle<br />

a mis tellement de temps à passer à l’acte que son<br />

beau-père, résigné, avait rangé son appareil photo).<br />

Autre chose : la moto sur laquelle elle a couru en<br />

Twins, qui vibrait comme si elle allait exploser. Ou<br />

bien la crainte d’être kidnappée, parce qu’elle est si<br />

petite. Une dernière : faire des sauts à moto la fait<br />

flipper.<br />

C’est pourquoi nous nous dirigeons vers une piste<br />

de motocross à Millville, au New Jersey, pour y passer<br />

une journée entière. Durant l’heure et demie que<br />

dure le trajet, avec Briar au volant et son ami et compagnon<br />

de route Jake Johnson également assis à<br />

l’avant, Shayna me raconte comment cette saison,<br />

elle et son équipe se concentrent pour améliorer<br />

ses courses en TT. Elle travaille avec l’entraîneur<br />

Aldon Baker, connu pour accompagner des champions<br />

de motocross et de Supercross comme Ricky<br />

Carmichael. Elle a passé l’hiver dans les installations<br />

de Baler en Floride où il lui a construit un circuit<br />

d’entraînement pour le TT. Shayna a toujours fait de<br />

l’entraînement cardiovasculaire et de la musculation<br />

mais pour la première fois, elle suit un programme<br />

structuré qui comprend des sessions de course à pied<br />

et de vélo basées sur sa fréquence cardiaque, des<br />

poids et haltères, un plan nutritionnel qui exige<br />

qu’elle lui envoie des photos de ses repas et, bien<br />

entendu, des séances hebdomadaires de moto.<br />

Shayna en a marre qu’on lui dise qu’elle doit<br />

s’améliorer en TT. Elle ne lit plus les commentaires<br />

sur les médias sociaux, ni les rapports<br />

de course de l’AFT. Parfois, elle veut juste répondre<br />

en disant : « Monte sur une moto, on verra comment<br />

tu t’en sors. » Mais elle sait qu’elle doit rester<br />

professionnelle.<br />

Elle sait aussi que la plupart de ces remarques<br />

sont bien intentionnées. « Je pense que tout ce que<br />

les fans veulent, c’est que je réussisse. Ils veulent<br />

que je gagne le championnat », admet-elle. Faire<br />

des sauts, comme l’exige une course en TT (où l’on<br />

tourne aussi à droite), n’est pas dans sa zone de<br />

confort, surtout après les mauvaises chutes qu’elle<br />

a faites. Pendant longtemps, elle s’est contentée<br />

d’éviter le TT. « Mais maintenant, je veux relever le<br />

défi, dit-elle. Je n’abandonnerai pas, c’est sûr. »<br />

Sur la piste, nous rencontrons Mike Lafferty, huit<br />

fois champion national d’enduro, qui est ici pour<br />

entraîner Shayna. À l’écart, je la regarde, ainsi que<br />

Briar, Mike et Jake faire des tours d’échauffement sur<br />

le vet track, plus court et moins difficile. Les gars ont<br />

l’assurance de ceux qui ont fait de la moto toute leur<br />

vie, secouant l’arrière de leur machine pendant les<br />

sauts. Shayna Texter a parfois du mal à la réception<br />

de ses propres sauts.<br />

Elle est impatiente d’en arriver au point où tout<br />

cela sera devenu naturel, où elle ne pensera plus ni<br />

à sa vitesse ni à sa technique à chaque saut. Pendant<br />

notre pause dans le parking, elle mange son déjeuner<br />

habituel, un sandwich au beurre d’amande et à la<br />

THE RED BULLETIN 31


« Je veux jouer la “carte<br />

féminine” pour contribuer<br />

à développer mon sport.<br />

Mais je dois avant tout<br />

gagner des courses. »<br />

gelée, et me dit : « Je réfléchis beaucoup à tout. Tout<br />

le temps. À l’inverse, les plus jeunes n’ont pas peur,<br />

ils le font, sans y penser. Je dois m’habituer à être<br />

à l’aise et confiante. »<br />

Lors de la dernière séance de la journée, les gars<br />

passent sur la piste professionnelle, plus longue mais<br />

Shayna reste sur celle de l’entraînement. J’observe<br />

cette petite silhouette solitaire s’approcher d’un<br />

tabletop de douze mètres qui lui a donné du fil à<br />

retordre toute la journée. Je perçois un sursaut<br />

d’énergie, voire une vengeance. Le talus à gauche<br />

qui mène au saut a été labouré tellement de fois par<br />

ses pneus qu’on dirait une plantation. Elle explose<br />

et pousse l’accélérateur au maximum tout au long<br />

du saut, comme Mike le lui a dit, les coudes sortis,<br />

sans frein, sans hésitation – et le franchit de justesse.<br />

Shayna a toujours voulu courir avec les hommes :<br />

« Je veux être la meilleure. Je veux être leur égale.<br />

Je veux qu’on se souvienne de moi. »<br />

Ses proches disent que c’est cette attitude qui la<br />

distingue de la plupart des autres athlètes féminines.<br />

« Beaucoup de femmes consacrent tout leur temps à<br />

atteindre ce niveau professionnel juste pour pouvoir<br />

dire qu’elles l’ont atteint, et ensuite elles veulent<br />

battre d’autres femmes, explique son frère Cory<br />

Texter. Shayna, elle, veut battre tout le monde. »<br />

On demande souvent à Shayna ce qu’elle pense<br />

d’être la seule femme dans le paddock, mais<br />

elle insiste sur le fait que ses adversaires la<br />

traitent comme n’importe qui d’autre : « Sous nos<br />

casques, nous sommes juste des pilotes. »<br />

Seulement ce n’est pas si simple. « Quand elle met<br />

son casque, elle est toujours Shayna Texter, et les<br />

fans le savent », dit Scott Taylor, son entraîneur. Il<br />

demeure que Shayna attire l’attention parce qu’elle<br />

est une femme qui impose son succès dans un sport<br />

dominé par les hommes – une attention qui la met<br />

mal à l’aise mais elle est assez astucieuse pour savoir<br />

en tirer parti. Elle réalise l’immense valeur marketing<br />

de son parcours. Après tout, Shayna a vu comment<br />

d’autres pilotes ont joué ce qu’elle appelle « la carte<br />

féminine » pour attirer l’attention, notamment des<br />

sponsors. « Ce n’est pas mauvais en soi », dit-elle,<br />

mais ce n’est pas comme ça qu’elle veut procéder.<br />

« Je veux jouer la “carte féminine” pour contribuer<br />

32 THE RED BULLETIN


« J’aurais pu me barrer<br />

et me trouver un emploi<br />

normal, mais ce n’est<br />

pas ce dont je rêvais.»<br />

à développer mon sport. Je veux être reconnue<br />

d’abord comme une bonne pilote de moto puis<br />

comme une femme, poursuit-elle. Et pour y arriver,<br />

il faut le mériter. Je dois gagner des courses. »<br />

Par un coup du sort et des conflits d’horaire, la<br />

seule course de Shayna à laquelle je peux assister est<br />

celle où l’on ne s’attend pas à un bon résultat de sa<br />

part. La Short Track Laconia, qui a lieu le 15 juin<br />

à Loudon, au New Hampshire, a été ajoutée cette<br />

année au calendrier de l’AFT. La piste de sable d’un<br />

quart de mile nouvellement conçue est aussi lisse<br />

qu’une plage. Dans le premier tour d’essai, je regarde<br />

les pilotes glisser dans le premier virage, reprendre<br />

en se secouant leur position verticale pendant que<br />

les motos menacent de déborder, puis accélérer de<br />

nouveau dans la ligne droite, l’arrière de la moto<br />

s’agitant dans le sable brun profond. Au fur et à<br />

mesure que la journée avance, le sol se tasse et crée<br />

des bosses de freinage en forme de vagues si hautes<br />

qu’elles propulsent les roues à quelques centimètres<br />

au-dessus du sol.<br />

Shayna a eu un début de saison plutôt lent. Elle<br />

a gagné le Texas Half Mile mais le Sacramento<br />

Half Mile, qu’elle a remporté trois fois au<br />

cours des dernières années, a été reporté en raison<br />

du mauvais temps ; et elle a terminé deuxième au<br />

Lexington Mile la semaine précédente. À part cela,<br />

le calendrier est rempli de courses en TT. Shayna<br />

s’améliore, mais lors de son dernier TT, elle était<br />

dans la première moitié du peloton avant qu’un autre<br />

coureur ne la sorte des demi-finales. Malgré tout,<br />

elle roule bien aujourd’hui, sur cette courte piste<br />

physiquement exigeante où elle rencontrait tant de<br />

difficultés. Elle termine troisième aux qualifications,<br />

puis cinquième en demi-finale, manquant de peu un<br />

départ en première ligne dans l’épreuve principale.<br />

Au calme : une fois chez elle, dans sa campagne de Pennsylvanie,<br />

le phénomène du Flat Track améliore sa technique à l’arc.<br />

Son dur labeur semble porter ses fruits. Puis tout<br />

s’effondre. Quand le feu vert s’allume lors de<br />

l’épreuve principale des Singles, le peloton se précipite<br />

vers l’avant. Je cherche les couleurs bleu et<br />

orange de l’équipement de Shayna, mais je ne la vois<br />

nulle part. Non, attendez, la voilà. Parmi les derniers.<br />

Alors que le groupe rugit sur la piste, nous projetant<br />

du sable à chaque passage, Shayna se retrouve en<br />

dernière position.<br />

Un accident survient. La course est arrêtée et<br />

le pilote est transporté hors de la piste. Les<br />

mécanos se précipitent sur leurs pilotes pour<br />

voir si tout va bien, et quand Justin, celui de Shayna,<br />

revient, il nous informe qu’une fois passée en troisième,<br />

sa moto tourne à vide. Lorsque la course<br />

reprend, privée de puissance maximale, Shayna<br />

est en perdition. Elle termine seizième sur seize<br />

coureurs…<br />

Ce n’est pas ainsi que cela doit se passer. Shayna<br />

est la fille qui bat les garçons. C’est ce qu’ils disent,<br />

pas vrai ? C’est une bonne histoire, une histoire qui<br />

attire un flot incessant de fans à sa table chaque<br />

week-end – les gars en gilets de cuir qui l’encouragent<br />

à « faire vivre l’enfer aux autres coureurs », les enfants<br />

timides, les femmes qui font aussi de la moto. Ils<br />

adorent regarder Shayna parce qu’elle montre comment<br />

on peut être sous-estimée, dépassée en force<br />

et en nombre, et néanmoins gagner.<br />

Mais ce que la plupart d’entre nous ne réalisent pas,<br />

ou peut-être oublient, c’est que le fait d’arriver en dernière<br />

place fait aussi partie de son parcours. Shayna<br />

n’a pas été un feu de paille. Elle n’est pas intrépide et<br />

sa préparation mentale n’est pas sans faille. Elle a travaillé<br />

pendant des années dans un sport de niche par<br />

amour pour celui-ci. « J’aurais pu abandonner en 2011<br />

avant de remporter cette première course », m’avait<br />

rappelé Shayna en Pennsylvanie, quelques semaines<br />

auparavant. « J’aurais pu me barrer et me trouver un<br />

emploi normal. Mais ce n’est pas ce dont je rêvais. »<br />

Quand on est l’outsider, quand on est en position<br />

d’infériorité, on ne gagne pas tout le temps. Peutêtre<br />

même pas la plupart du temps. Mais si tu n’abandonnes<br />

jamais, ton heure va venir. Tu peux leur<br />

montrer qu’ils ont tort. Tu n’as qu’à croire en toi.<br />

Je vais voir Shayna et Scott sous leur tente.<br />

Il est soulagé d’apprendre qu’il s’agissait d’un<br />

problème mécanique et que cela n’a pas à voir<br />

avec sa conduite. Mais il réfléchit déjà à ce qu’il va<br />

falloir dire : aux détracteurs chroniques, aux fans,<br />

au nouveau manager de l’équipe qui est impatient<br />

d’obtenir des résultats. Que c’est injuste ! « On aurait<br />

presque aimé pouvoir lancer une fusée éclairante,<br />

se lamente-t-il, comme pour dire : “C’est un problème<br />

mécanique, son embrayage a grillé !” » Mais Shayna<br />

lui fait ce sourire en grimaçant. Elle lui tape le bras.<br />

« Ça va, dit-elle. On les battra la prochaine fois. »<br />

Et je sais qu’elle le pense vraiment.<br />

Deux semaines plus tard, au Lima Half Mile, sur<br />

la piste où elle a surpris tout le monde l’an dernier,<br />

Shayna gagne à nouveau, par 2,57 secondes. Et<br />

prouve une fois de plus qu’elle a sa place dans le<br />

milieu de l’ovale.<br />

THE RED BULLETIN 33


Howell et sa wingsuit<br />

Phoenix-Fly Rafale :<br />

un modèle de grande<br />

taille, idéal pour le vol<br />

à haute altitude et<br />

les départs courts.


72 heures<br />

de trajet pour<br />

40 secondes<br />

de plaisir<br />

Jusqu’où un base jumper<br />

d’élite est-il prêt à aller en<br />

vue d’élargir l’horizon de<br />

son sport ? La réponse de<br />

TIM HOWELL fut un voyage<br />

de trois jours au Vietnam…<br />

pour un vol d’une poignée<br />

de secondes.<br />

Texte JOHNNY LANGENHEIM<br />

Photos JAMES CARNEGIE<br />

35


Tim Howell ne répond<br />

pas à nos appels. Tout<br />

ce que le photographe<br />

James Carnegie et moi<br />

entendons, ce sont des<br />

échos qui rebondissent<br />

sur les rochers et les<br />

gorges en contrebas.<br />

La corde de Howell,<br />

attachée à une roche<br />

creuse, serpente à<br />

travers une épaisse végétation dans une<br />

pente presque verticale. Quelque part<br />

en bas se trouve une falaise calcaire de<br />

300 mètres, et il la cherche. Soudain,<br />

nous entendons des jurons de bonheur.<br />

Tout va bien. Mieux, il pense avoir trouvé<br />

une zone de départ. Howell a vu le Vách<br />

đá Trăng au Vietnam pour la première fois<br />

en 2017. L’alpiniste et base jumper britannique<br />

de 30 ans était à la recherche de<br />

sites potentiels pour des sauts en wingsuit<br />

lorsqu’une spectaculaire falaise blanche<br />

est apparue sur son Instagram. En consultant<br />

les forums de base jump, il se rend<br />

compte que personne n’a jamais fait de<br />

vol en wingsuit au Vietnam.<br />

Six mois plus tard, avec sa fiancée Ewa<br />

Kalisiewicz, également adepte du base<br />

jump, il se met en route vers Hà Giang,<br />

la province la plus septentrionale du<br />

Vietnam. À mi-chemin du pic de 1 364 m<br />

et de la fameuse falaise, sous une pluie<br />

battante, ils doivent rebrousser chemin.<br />

Sans perspective d’amélioration côté<br />

météo et en raison d’impératifs en Europe,<br />

le couple rentre chez lui. Dégoûté. Quinze<br />

mois plus tard, en mars de cette année,<br />

Howell tente l’expérience à nouveau.<br />

Cette fois, nous le suivons.<br />

Pour venir ici, nous mettrons trois<br />

jours : un vol Londres-Hanoï, puis un<br />

train de nuit pour la province de Lào Cai<br />

à la frontière nord-ouest de la Chine –<br />

nous trois (Tim, James et moi-même)<br />

dans un compartiment de wagon-lit à<br />

quatre couchettes, en compagnie d’un<br />

jeune Vietnamien au visage éclairé par<br />

des jeux télévisés bruyants qu’il regarde<br />

Train de nuit pour Lào Cai. Masque anti-pollution pour l’habitant (en bas).<br />

toute la nuit sur son smartphone. Suivi<br />

d’un trajet de six heures en minibus vers<br />

l’est, le long de la frontière jusqu’à Hà<br />

Giang, d’une traversée de hauts plateaux<br />

sur des chemins de terre, puis de sept<br />

heures dans un bus jusqu’à Ðông Văn. En<br />

compagnie de sacs de riz (quatre canards<br />

squattent le toit). 72 heures de voyage<br />

pour documenter un vol en wingsuit de<br />

40 secondes… la destination finale a intérêt<br />

à être à la hauteur. Nous y voilà enfin,<br />

ou presque. Pas le temps de sauter<br />

aujourd’hui : il est presque 17 heures et<br />

Howell a besoin d’une machette pour<br />

dégager son point de départ, de contrôler<br />

son équipement et de se préparer pour le<br />

point de non-retour. Une plongée dans le<br />

vide. Pas deux.<br />

Ce matin, nous avons tous les trois<br />

parcouru la zone d’atterrissage, descendu<br />

et remonté une piste boueuse et escarpée,<br />

36 THE RED BULLETIN


Howell aime ouvrir de<br />

nouvelles routes.<br />

Tel un explorateur.<br />

Un vent frais fait claquer le drapeau vietnamien<br />

à travers les gorges du col du Mã Pí Lèng. Exceptionnel,<br />

ce point de vue était la base d’opérations de l’équipe.


Crapahuter vers le sommet à la<br />

recherche d’une zone de départ<br />

(en haut). Howell et sa machette<br />

font place nette – un départ<br />

encombré peut s’avérer fatal.<br />

38 THE RED BULLETIN


« Faire ce qu’ils<br />

savent déjà<br />

faire… beaucoup<br />

s’en contentent. »<br />

coupé à travers des terrasses pentues et<br />

plantées de maïs et de manioc, sommes<br />

passés devant des maisons faites de boue<br />

séchée et de paille, blotties les unes<br />

contre les autres, pour descendre sur les<br />

rives du fleuve Nho Qué. Après un bol de<br />

thé vert amer et une saucisse grillée dénichée<br />

au marché de fortune du belvédère<br />

avoisinant, nous partons à la recherche<br />

du point de départ.<br />

Howell, 30 ans, est un ancien commando<br />

du corps des marines britanniques<br />

qui a gravi la face nord de l’Eiger ; le photographe<br />

James Carnegie est un coureur<br />

extrême habitué aux balades de 100 km.<br />

Tous deux tiennent une cadence implacable<br />

malgré leurs lourds sacs à dos. Or,<br />

nous ne pouvons escalader le Vách đá<br />

Trăng. Et ses flancs – à l’exception de la<br />

falaise calcaire – sont recouverts d’une<br />

épaisse végétation qui rend la progression<br />

extrêmement pénible. Nous marchons<br />

jusqu’au point où Howell et Kalisiewicz<br />

ont fait demi-tour la dernière fois – carrément<br />

à la fin de la piste. « À partir d’ici,<br />

il va falloir débroussailler, dit Howell<br />

enthousiaste. On doit se diriger vers ce<br />

filon de pierre. » Il pointe du doigt une<br />

fissure à peine visible dans la végétation.<br />

Sans machette, difficile. Nous nous<br />

frayons un chemin à travers le feuillage<br />

touffu et sur les rochers, des cailloux<br />

schisteux cèdent sous nos mains alors que<br />

les plantes grimpantes nous prennent au<br />

piège. On tourne à gauche pour éviter les<br />

accidents près du bord. Une demi-heure<br />

plus tard, nous sommes couverts de coupures<br />

et nos pantalons sont en lambeaux.<br />

Le doute s’installe… Howell sait-il ce qu’il<br />

fait ? Le temps qu’il trouve le point de<br />

départ, toutes les idées préconçues sur les<br />

pilotes de wingsuit, des trompe-la-mort et<br />

des accros aux émotions fugaces, ont disparu.<br />

C’est plutôt une folie méthodique.<br />

« J’ai déjà consacré dix jours de travail<br />

à ce saut, dit Howell ce soir-là dans un<br />

café pour routards à Ðông Văn, notre<br />

base d’opérations. Beaucoup de gens se<br />

contentent de faire ce qu’ils savent déjà<br />

faire, là où ils le font d’habitude. C’est<br />

beaucoup plus difficile d’ouvrir un saut<br />

(créer un saut jamais tenté auparavant,<br />

ndlr). » Pour Howell, le base jump, c’est la<br />

liberté. Son approche accorde autant d’importance<br />

à l’exploration et à la préparation<br />

minutieuse qu’au saut dans les précipices.<br />

L’alpinisme, le ski et l’escalade font partie<br />

de l’équation. Howell n’a rien d’un junkie<br />

à l’adrénaline, mais dans un sport qui<br />

exige tant d’adresse et de sang-froid, cette<br />

perception qui fait la une des journaux<br />

est le plus souvent hors de propos.<br />

L’aventure est un marché encombré.<br />

Alors que notre soif de contenus devient<br />

de plus en plus importante et que les<br />

endroits au bout du monde se transforment<br />

en décor pour selfie, les extrêmes<br />

ont tendance à s’amplifier. Mais si Howell<br />

– par nécessité – habite le monde du<br />

sponsoring et des médias sociaux, ses projets<br />

offrent en revanche un charme rétro.<br />

Comme il le dit, il est plus enclin à grimper<br />

sur la glace jusqu’à un point de départ<br />

de base jump dans les Alpes qu’à faire un<br />

double saut arrière à partir d’une grue de<br />

50 mètres. Et il aime essayer de nouveaux<br />

projets, ouvrir de nouvelles routes, être le<br />

premier. C’est le propre d’un explorateur.<br />

« Mon père était parachutiste ; j’ai<br />

grandi en voyant des photos de lui en<br />

parachute au Kenya dans les années 70 ou<br />

Howell utilise des jumelles de télémétrie laser et<br />

son smartphone pour calculer la trigonométrie<br />

de sa trajectoire de vol. Il doit s’assurer que cette<br />

dernière lui permettra d’éviter de heurter les<br />

lignes électriques en contrebas dans la vallée.<br />

escaladant le Mont Blanc sur la glace »,<br />

dit Howell. Sa mère, quant à elle, était<br />

hôtesse de l’air. « Elle m’a emmené sur des<br />

vols long-courriers quand j’étais tout petit,<br />

me planquant dans les quartiers de l’équipage<br />

», dit-il en riant. À l’école, c’était un<br />

élève agité, avec de la difficulté pour se<br />

concentrer – des traits de caractère qu’il<br />

pense être typiques des personnes du type<br />

aventureux : « On a tous vécu des<br />

moments, quand on était enfant où l’on<br />

ne voulait pas se conformer ou se faire<br />

dire quoi faire. » Alors pourquoi avoir<br />

passé huit ans chez les Royal Marines ?<br />

Cela lui a permis de voyager, dit-il, et de<br />

développer des aptitudes mentales dans<br />

des situations extrêmes, comme ce séjour<br />

dans la province du Helmand, en Afghanistan,<br />

pour former les forces afghanes<br />

à combattre les insurgés.<br />

Le lendemain matin, en sortant de<br />

l’hôtel, une épaisse brume grise baigne la<br />

région. Cela n’augure rien de bon pour le<br />

vol d’Howell prévu pour aujourd’hui, et<br />

on annonce des nuages pour toute la<br />

semaine. En revanche, les rues sont inondées<br />

de couleurs. C’est jour de marché et<br />

partout il y a des commerçants représentant<br />

les différents groupes ethniques qui<br />

peuplent les montagnes : Hmong, Dao,<br />

Nung, Tay. Nous achetons enfin une<br />

machette, prenons notre équipement puis<br />

partons sur nos vélomoteurs de location.<br />

Pendant que les deux autres se fraient un<br />

chemin vers le point de départ, je me<br />

dirige vers une passerelle juste au-dessous<br />

de la falaise pour essayer de saisir le décollage.<br />

Mais le nuage ne disparaît pas. Nous<br />

discutons par talkie-walkie – ils ont trouvé<br />

le point, un affleurement d’à peine trente<br />

centimètres de large. Howell enlève les<br />

broussailles, sans être troublé par le vide<br />

qui l’entoure. Quand il n’est pas lancé dans<br />

une aventure, il travaille comme technicien<br />

d’accès par corde, se balançant précairement<br />

aux gratte-ciels et aux ponts.<br />

Mais la visibilité est nulle. Toute la journée,<br />

le brouillard flotte sur la montagne,<br />

se soulève comme pour nous narguer, puis<br />

redescend quelques instants plus tard.<br />

Howell ne peut pas voler à l’aveugle : des<br />

lignes électriques se trouvent en contrebas.<br />

À 17 heures, on décide de s’arrêter<br />

là pour la journée et de redescendre.<br />

Howell a accumulé plus de 600 sauts<br />

dont la moitié avec une wingsuit. Au<br />

300 e , il a eu un accident. Il faisait partie<br />

d’un groupe à Beachy Head, dans l’East<br />

Sussex, lorsqu’il a tenté un tonneau,<br />

figure qu’il ne connaissait pas très bien.<br />

Son parachute s’est emmêlé et il a heurté<br />

THE RED BULLETIN 39


Après avoir passé la journée sur la<br />

zone de départ en attendant que le<br />

brouillard se lève, Howell se lance du<br />

Vách á Trang : une chute de 300 m le<br />

long de la falaise avant de reprendre<br />

assez de vitesse pour aller de l’avant.<br />

40 THE RED BULLETIN


Les minutes<br />

passent. « Trois…<br />

Deux… Un… »<br />

Il n’est plus là.<br />

la falaise à deux reprises, accrochant<br />

presque fatalement la voile sur un rocher.<br />

Il a durement heurté le sol et a eu de la<br />

chance d’échapper à de graves blessures.<br />

« Ce jour-là, j’ai appris une leçon importante<br />

sur la mentalité de groupe et le<br />

triomphalisme. Depuis, il y a eu des tas<br />

de fois où j’ai laissé tomber des départs<br />

quand je n’aimais pas les conditions,<br />

même si d’autres ont sauté toute la journée<br />

sans problème. » L’année dernière<br />

a été une mauvaise année pour le base<br />

jump avec 32 décès enregistrés. L’une<br />

des victimes était un ami de Kalisiewicz.<br />

D’autres étaient des gars avec qui Howell<br />

avait sauté. Le nombre d’accidents fatals<br />

a augmenté avec l’avènement du base<br />

jump en wingsuit. Sans doute le sport le<br />

plus dangereux qui soit. Howell est réaliste<br />

; il fait confiance à sa marge d’erreur<br />

personnelle.<br />

Le lendemain matin, notre homme est<br />

dépité. Toute la falaise du Vách đá Trăng<br />

est enveloppée d’une brume fermée aux<br />

percées. Le temps presse et il commence<br />

à envisager d’autres options. Il trouve un<br />

autre sommet, non loin, pour un éventuel<br />

point de départ dans la gorge en contrebas,<br />

mais la falaise n’est pas assez à pic.<br />

Alors qu’il reprend la route, le Vách đá<br />

Trăng Trăng apparaît à nouveau. Il pousse<br />

soudainement un cri. Le brouillard s’est<br />

levé et le sommet est visible. Il le tient,<br />

son créneau ! Howell se tient debout sur<br />

un rocher solitaire, sa corde, lâche, à la<br />

main, le vide devant lui. Son costume et<br />

son gréement base, de la taille d’un petit<br />

sac à dos, semblent absurdement fragiles,<br />

mais son visage est aussi déterminé que<br />

les montagnes. « Appelle mon père s’il<br />

y a un problème. » Puis il se tait. Les<br />

minutes passent. « Trois… Deux… Un…<br />

Ciao ! » Et il n’est plus là. On entend un<br />

claquement quand les poches de sa wingsuit<br />

se remplissent d’air, puis le silence…<br />

jusqu’à ce qu’il réapparaisse, effleurant<br />

un pic avoisinant. Trente secondes plus<br />

tard, son parachute s’ouvre au-dessus de<br />

la rivière. Des rugissements triomphaux<br />

retentissent du fond de la vallée.<br />

Nous retrouvons Howell alors qu’il<br />

revient sur la route. Il est avec un couple<br />

de vieux Hmong qui rient en faisant des<br />

gestes de vol plané. À part nous, il n’y a<br />

qu’eux, leurs voisins et quelques animaux<br />

de basse-cour qui ont été témoins de cet<br />

événement monumental.<br />

Le Vách đá Trăng se retire finalement<br />

pour de bon derrière son voile de nuages,<br />

ce qui signifie qu’il n’y aura pas d’autres<br />

vols prométhéens. Nous plions bagages<br />

et préparons le long voyage de retour.<br />

Vous savez, ces fameuses 72 heures...<br />

timhowelladventures.com<br />

THE RED BULLETIN 41


La force<br />

tranquille<br />

Travis Scott, Rihanna,<br />

Jay-Z, Young Thug…<br />

tous doivent un peu<br />

de leur succès et de<br />

leur saveur à son talent.<br />

À 22 ans, Ebony<br />

Naomi Oshunrinde,<br />

aka WONDAGURL, fait<br />

partie des beatmakers<br />

les plus demandés sur<br />

la scène hip-hop US.<br />

En toute tranquillité.<br />

Texte ANTOINE CARBONNAUX<br />

ARARSA KITABA<br />

42


WondaGurl est<br />

l’un des secrets<br />

du succès de Drake<br />

ou de Rihanna.


Artiste précoce, cette<br />

compositrice d’instrumentaux<br />

pour des<br />

rappeurs parmi les<br />

plus écoutés du globe<br />

collectionne les titres<br />

depuis son adolescence<br />

: deux nominations<br />

aux Grammy<br />

Awards, un triple<br />

disque de platine et autant de disques<br />

d’or qui lui ont valu de figurer l’an<br />

passé parmi les trente personnalités<br />

de moins de 30 ans les plus influentes<br />

selon le magazine américain Forbes.<br />

Une nomination prestigieuse qu’elle<br />

accueille avec simplicité : la Canadienne<br />

de 22 ans, d’un naturel<br />

toujours posé, garde la tête froide et<br />

préfère s’en tenir à son rôle d’architecte<br />

sonore de l’ombre au service de<br />

superstars. Ebony Naomi Oshunrinde<br />

n’en oublie pas pour autant les talents<br />

moins exposés. La preuve, son dernier<br />

challenge a été d’enregistrer en dix<br />

jours une mixtape inédite pour le<br />

<strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris, avec<br />

des rappeurs français. Rencontre.<br />

the red bulletin : En 2012, âgée d’à<br />

peine quinze ans, vous remportez le<br />

Battle of <strong>The</strong> Beat Makers de votre<br />

ville, Toronto, au Canada. Comment<br />

vous êtes-vous retrouvée à participer<br />

à ce concours ?<br />

wondagurl : La première fois que j’en<br />

ai entendu parler, c’était via le logiciel<br />

que j’utilise pour composer, FL Studio.<br />

Il y a une petite fenêtre en haut à droite<br />

de l’interface où défilent les infos et les<br />

mises à jour. Personne ne lit ce qui y est<br />

écrit. Mais quand j’ai vu le mot « Toronto »<br />

s’afficher, j’ai automatiquement cliqué.<br />

Ils annonçaient l’ouverture des inscriptions<br />

pour le Battle of <strong>The</strong> Beat Makers.<br />

Aviez-vous déjà fait écouter vos productions<br />

à quelqu’un à l’époque ?<br />

Non, à part peut-être quelques personnes<br />

de l’école. Pendant longtemps, j’ai fait<br />

des beats, seule, dans ma chambre. J’aurais<br />

voulu faire connaître mon travail<br />

mais à l’époque, je n’avais que treize ans,<br />

et le concours était réservé aux personnes<br />

majeures. Alors j’ai envoyé un message<br />

aux organisateurs dans lequel je leur<br />

expliquais à quel point j’étais motivée<br />

pour participer. Ils m’ont dit de m’inscrire<br />

l’année suivante. C’est ce que j’ai fait. Et<br />

j’ai fini en demi- finale dès ma première<br />

participation.<br />

Comment fonctionne ce genre<br />

d’événement ?<br />

C’est comme un tournoi sportif. On est<br />

32 au départ, à chaque tour, deux personnes<br />

s’affrontent et font écouter leur<br />

beat devant un jury qui sélectionne le<br />

meilleur des deux, et ainsi de suite.<br />

C’est là que vous avez rencontré votre<br />

mentor, Boi-1da ?<br />

Oui, il faisait partie du jury lorsque j’ai<br />

gagné le concours l’année suivante.<br />

Ça m’a permis d’accéder à <strong>The</strong> Remix<br />

Project, un programme qui permet aux<br />

QUENTIN MAHÉAS, APOLLINE CORNUET/LA CLEF PROD, WILLIAM K<br />

44 THE RED BULLETIN


C’est dans un <strong>Red</strong> Bull Studios Paris<br />

flambant neuf que WondaGurl a pris<br />

ses quartiers pour enregistrer une<br />

mixtape avec des newcomers de la<br />

scène rap. Récemment relocalisé au<br />

dernier étage de l’institution culturelle<br />

parisienne la Gaîté Lyrique, le<br />

studio s’étend sur un vaste espace<br />

aménagé et équipé pour permettre<br />

aux artistes de collaborer dans les<br />

meilleures conditions. Pendant dix<br />

jours, Nepal, Luidji, Youv Dee et<br />

Némir, ainsi que la MC londonienne<br />

Nadia Rose et les Belges Primero<br />

et Moka Boka se sont succédé pour<br />

poser sur des instrus inédites de la<br />

beatmakeuse canadienne. À écouter<br />

sur les plateformes de streaming.<br />

« J’ai fait des recherches sur la production,<br />

les producteurs et ce qu’ils faisaient… Puis j’ai téléchargé<br />

le logiciel gratuit le plus facile que j’ai pu trouver. »<br />

THE RED BULLETIN 45


jeunes de développer leurs talents et<br />

de se professionnaliser, soit dans la<br />

musique, soit dans la photographie ou<br />

le graphisme… Ils vous obligent à vous<br />

fixer des objectifs sur six ou neuf mois<br />

et vous aident à les atteindre. Vous devez<br />

aussi choisir un mentor. C’est comme<br />

ça que j’ai commencé à travailler avec<br />

Boi-1da.<br />

Vous souvenez-vous d’une chose qu’il<br />

vous ait apprise en particulier ?<br />

À l’époque, je trouvais que mes productions<br />

n’étaient pas assez marquées.<br />

J’essayais de trouver une technique<br />

pour avoir un son de batterie plus fort<br />

et un kick parfait. Boi-1da m’a expliqué<br />

et montré comment y arriver. C’est là<br />

que tout a changé pour moi.<br />

Aviez-vous suivi une formation<br />

musicale plus jeune ?<br />

Ma grand-mère m’a offert un synthé<br />

quand j’avais neuf ans. Je me suis mise<br />

à composer des mélodies, des motifs de<br />

batterie… Avec ma sœur, on s’amusait<br />

à faire des petites jam sessions, elle avait<br />

une belle voix, alors elle a commencé à<br />

chanter sur mes morceaux. Ensuite, j’ai<br />

acheté un ordinateur et j’ai voulu mieux<br />

comprendre comment tout cela fonctionnait.<br />

J’ai fait des recherches sur ce<br />

qu’était la production, qui étaient les producteurs<br />

et ce qu’ils faisaient… Puis j’ai<br />

téléchargé le logiciel gratuit le plus facile<br />

que j’ai pu trouver parce que je n’avais<br />

pas d’argent. Ça s’appelait Magix Music<br />

Maker.<br />

Comment avez-vous appris à vous<br />

en servir ?<br />

En regardant des tutoriels sur YouTube.<br />

Y avait-il des musiciens dans votre<br />

famille ?<br />

Non, mais on écoutait beaucoup de styles<br />

de musique différents. Ma grand-mère<br />

est nigériane. Quand j’allais chez elle<br />

« J’ai envoyé une<br />

vidéo Instagram à<br />

Drake où mon instru<br />

tournait en fond…<br />

C’est devenu le titre<br />

Used To qu’il a sorti<br />

avec Lil Wayne. »<br />

le week-end, on écoutait de la musique<br />

africaine. Ma tante, elle, aimait bien le<br />

chanteur country Kenny Rogers ; ma<br />

mère écoutait surtout du R’n’B et Marilyn<br />

Manson.<br />

Ces influences musicales variées<br />

influencent-elles votre manière de<br />

composer ?<br />

Je pense que oui, d’une certaine manière.<br />

Je n’aime pas m’en tenir à un seul genre,<br />

j’ajoute un tas de sonorités différentes<br />

dans ma musique.<br />

Quel serait alors le dénominateur<br />

commun de vos compositions ?<br />

Difficile à dire… On me dit souvent que<br />

ma musique est sombre.<br />

Est-ce que vous composez tous les<br />

jours ?<br />

Plus ou moins. Je n’ai pas vraiment de<br />

programme à suivre, mais j’essaie en<br />

général de créer cinq beats par jour.<br />

Souvent, j’ai une idée assez précise en<br />

tête, je la réalise et une fois que j’ai le<br />

sentiment que ça sonne comme je<br />

l’imaginais, je passe à autre chose.<br />

Et ensuite, vous avez envoyé vos<br />

productions en DM sur Instagram<br />

comme avec Drake ?<br />

Ah ça… (rires) Je lui ai envoyé une vidéo<br />

avec le beat qui tournait en fond sonore,<br />

il m’a répondu qu’il le trouvait génial<br />

et m’a demandé de lui envoyer… Alors<br />

je lui ai filé le MP3, et c’est devenu le<br />

titre Used To qu’il a sorti avec le rappeur<br />

Lil Wayne.<br />

Est-ce que vous bossez essentiellement<br />

seule, de votre côté ?<br />

Cela dépend, la plupart des morceaux<br />

que j’ai placés auprès des artistes étaient<br />

déjà enregistrés mais ça m’arrive d’aller<br />

en studio. Pour leur faire écouter des<br />

choses ou créer un son à partir de zéro,<br />

pour eux. Parfois, ils se retrouvent avec<br />

d’autres artistes à qui ils font écouter<br />

mes prods et qui m’appellent ensuite.<br />

C’est ce qu’il s’est passé avec Jay-Z ?<br />

Oui, j’avais commencé à bosser avec<br />

Travis Scott à l’époque. Il avait déjà pris<br />

une de mes instrus alors je continuais de<br />

lui envoyer ce que je faisais, en espérant<br />

qu’un son lui plairait à nouveau. Puis un<br />

jour, il m’a appelée pour me dire que<br />

Jay-Z allait utiliser une de mes productions.<br />

Je ne savais même pas qu’ils<br />

travaillaient ensemble.<br />

Validée par les<br />

plus grand(e)s<br />

Comment les créations<br />

de WondaGurl sont<br />

passées entre de très<br />

bonnes mains pour<br />

construire des hits planétaires<br />

qui cumulent<br />

des millions d’écoutes<br />

et de vues.<br />

Jay Z – Crown (2013)<br />

En pleine préparation de Magna<br />

Carta Holy Grail, Jay-Z s’est<br />

entouré de plusieurs artistes,<br />

dont Travis Scott, pour travailler<br />

à la confection de son douzième<br />

album studio. Lorsque<br />

Scott s’est rendu au studio et<br />

qu’il a ouvert son ordinateur<br />

portable, une instru s’est lancée<br />

automatiquement et a résonné<br />

dans toute la pièce. En l’entendant,<br />

Jay-Z s’est tout de suite<br />

exclamé : « Qu’est-ce que c’est<br />

que ça ? Il me faut ce beat ! »<br />

ALEX UNCAPHER/RED BULL SOUND SELECT/CONTENT POOL<br />

46 THE RED BULLETIN


Travis Scott lui a alors fait écouter<br />

plusieurs productions qui<br />

traînaient sur son disque dur,<br />

dont plusieurs signées Wonda-<br />

Gurl avec qui le rappeur collaborait.<br />

Ils en retiendront une et<br />

créeront le morceau Crown<br />

avec. « Après ça, ma vie a<br />

changé », confesse WondaGurl.<br />

Travis Scott –<br />

Antidote (2013)<br />

284 millions de vues sur You-<br />

Tube. « Celle-ci est pour les<br />

vrais fans, les vrais fanatiques<br />

! » Dévoilée sur scène<br />

à l’occasion d’un concert à<br />

Dallas, Antidote n’était initialement<br />

pas prévue sur le très<br />

attendu premier album de<br />

Travis Scott, Rodeo. Mais face<br />

à la réaction du public ce jour-là<br />

et à la popularité grandissante<br />

des extraits du concert publiés<br />

sur les réseaux sociaux, le morceau<br />

sera finalement intégré au<br />

tracklisting et fera même office<br />

de single. Construite sur un<br />

sample d’un morceau de<br />

Lee Fields, l’instru est signée<br />

WondaGurl et Eestbound, qui<br />

étaient assis au Keg Steakhouse<br />

dans le centre-ville de Toronto<br />

lorsque la chanson du chanteur<br />

soul américain s’est glissée<br />

dans les haut-parleurs du restaurant.<br />

Les deux producteurs<br />

ont alors entrepris de sampler<br />

différentes parties du morceau,<br />

en n’en gardant que les éléments<br />

essentiels, de sorte à<br />

produire une instru minimaliste<br />

laissant de la place à l’artiste<br />

pour s’exprimer et improviser.<br />

Travis Scott s’en donnera d’ailleurs<br />

à cœur joie, plaçant tout<br />

un tas d’ad-libs comme “It’s<br />

lit !” ou “Straight up !” tout au<br />

long du morceau.<br />

Rihanna – Bitch Better<br />

Have My Money (2015)<br />

190 millions de vues sur<br />

YouTube. “Bitch better have my<br />

money” : c’est avec ces paroles<br />

que Rihanna marque un retour<br />

Travis Scott prend<br />

la température<br />

à Minneapolis lors<br />

d’un show en 2015.<br />

« Travis Scott a changé ma vie dans<br />

l’industrie de la musique », raconte<br />

WondaGurl. En la prenant sous son<br />

aile, le rappeur texan (ici en photo)<br />

ne s’est pas contenté d’utiliser<br />

ses productions pour son compte,<br />

il a aussi grandement participé<br />

à sa reconnaissance dans le milieu,<br />

en faisant écouter son travail à<br />

d’autres artistes, des superstars<br />

comme Jay-Z ou Rihanna.<br />

fracassant en 2015 après trois<br />

ans d’absence. Une instru trap<br />

à la rythmique lente et saccadée<br />

sur laquelle la chanteuse<br />

déverse toute sa rage dans un<br />

flow marqué de son accent barbadien<br />

natal. Derrière ce carton<br />

mondial se cache tout un travail<br />

collaboratif et une division des<br />

tâches propre à la pop américaine<br />

et sa fabrique à hits.<br />

À l’origine du morceau, Bibi<br />

Bourelly, une jeune chanteuse<br />

berlinoise de vingt ans exilée<br />

à Los Angeles qui a écrit le titre<br />

pour s’amuser, « en trois<br />

heures » avec Deputy de Roc<br />

Nation, le label de Jay-Z sur<br />

lequel est signée Rihanna. La<br />

maquette de la chanson finira<br />

par circuler entre plusieurs<br />

mains, Travis Scott l’enverra<br />

à WondaGurl qui ajoutera<br />

quelques détails de production,<br />

avant que celle-ci n’atterrisse,<br />

par l’intermédiaire de Kanye<br />

West, entre les mains de<br />

Rihanna. Elle en fera le hit<br />

mondial que l’on connaît<br />

aujourd’hui.<br />

Drake –<br />

Used To (2015)<br />

75 millions de vues sur You-<br />

Tube. C’est en envoyant un<br />

message privé à Drake sur<br />

Instagram que WondaGurl a<br />

réussi à placer cette instru<br />

auprès du rappeur canadien.<br />

Publié à l’origine sur la mixtape<br />

Sorry For <strong>The</strong> Wait 2 de Lil<br />

Wayne, le morceau sera également<br />

intégré à la mixtape If<br />

You’re Reading This It’s Too<br />

Late de Drake, mais dans une<br />

version amputée de l’outro<br />

signée Riff Raff. Sur le morceau,<br />

le rappeur de Toronto explique<br />

dans le refrain de ne pas avoir<br />

« ressenti la pression depuis un<br />

petit moment » et qu’il va devoir<br />

s’y habituer. Des affirmations<br />

rapidement confirmées par les<br />

scores de la mixtape. Streamée<br />

17,3 millions de fois sur Spotify,<br />

Drake bat son propre record et<br />

devient ainsi le premier rappeur<br />

à se hisser à la tête du Billboard<br />

Artist 100 américain.<br />

THE RED BULLETIN 47


« Booba ? Ses intrus<br />

défoncent, surtout les<br />

trucs à l’ancienne. »


Est-ce que ça a changé quelque-chose<br />

pour vous ?<br />

Absolument. Ma vie a complètement<br />

changé après cela. J’ai commencé à attirer<br />

l’attention sur les plateformes. Les<br />

gens se sont intéressés à ce que je faisais,<br />

ils se sont mis à me suivre sur Instagram<br />

et sur Twitter.<br />

ARARSA KITABA, SARAH BASTIN/RED BULL CONTENT POOL<br />

Du studio au live<br />

Toronto Paris : une mixtape<br />

inédite de WondaGurl enregistrée<br />

pour le <strong>Red</strong> Bull Music<br />

Festival Paris. Voilà trois ans que<br />

le <strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris<br />

réitère l’opération. Le concept ?<br />

Inviter un beatmaker américain<br />

à Paris, en studio, pour rencontrer<br />

de jeunes rappeurs francophones<br />

et enregistrer avec eux<br />

une mixtape inédite.<br />

<strong>The</strong> Alchemist ouvrait le<br />

bal en 2017 pour un projet de<br />

huit titres avec des artistes à<br />

l’époque peu connus : Lomepal,<br />

Roméo Elvis ou Caballero et<br />

JeanJass figurent ainsi au<br />

tracklisting de Paris L.A.<br />

Bruxelles. Le collaborateur de<br />

Eminem avait même poussé le<br />

vice à rechercher des disques<br />

français rares chez les disquaires<br />

parisiens et dans les marchés<br />

aux puces de la capitale pour<br />

pouvoir les sampler et composer<br />

des instrus originales teintées<br />

de sonorités locales. Harry Fraud<br />

a suivi l’année d’après et enregistré<br />

Brooklyn Paris avec Dinos,<br />

Triplego ou encore Jok’Air.<br />

Cette année, c’est WondaGurl<br />

qui a accepté l’invitation à relever<br />

ce challenge. Pendant une<br />

semaine, la collaboratrice de<br />

Travis Scott s’est enfermée au<br />

<strong>Red</strong> Bull Studios Paris pour<br />

produire Toronto Paris. Les<br />

rappeurs parisiens Nepal et<br />

Luidji, Youv Dee, Nemir, la MC<br />

londonienne Nadia Rose, le<br />

Bruxellois Primero du groupe<br />

L’Or Du Commun et le rappeur<br />

belge Moka Boka sont ainsi<br />

venus poser leur couplet sur des<br />

instrus spécialement produites<br />

pour l’occasion par la beatmakeuse<br />

canadienne.<br />

Dévoilée début septembre<br />

sur les plateformes de streaming,<br />

les morceaux de cette<br />

mixtape exclusive seront interprétés<br />

lors d’un show unique<br />

réunissant tout le monde sur<br />

scène à la Machine du Moulin<br />

Rouge le 20 septembre<br />

prochain.<br />

Chaque année, le<br />

projet studio entre un<br />

beatmaker étranger<br />

et des newcomers<br />

francophones donne<br />

lieu à un live d’anthologie<br />

lors du <strong>Red</strong> Bull<br />

Music Festival Paris.<br />

En haut, sans haut : Blu<br />

Samu. Ci-dessus, très<br />

chauds : Roméo Elvis,<br />

Caballero et JeanJass.<br />

Et vous vous retrouvez à collaborer le<br />

hit mondial de Rihanna, Bitch Better<br />

Have My Money. Il y a près de dix<br />

personnes créditées sur ce morceau,<br />

quelle a été votre contribution<br />

précise ?<br />

Je suis arrivée à la fin du processus, l’instru<br />

était déjà presque terminée quand<br />

Travis Scott me l’a envoyée. J’ai ajouté<br />

quelques détails dessus, des « hi-hats »,<br />

un peu de 808 (la célèbre boîte à rythmes<br />

du fabricant Roland, ndlr). Je n’avais<br />

aucune idée qu’il serait destiné à Rihanna<br />

au final !<br />

La chanson a été écrite par la chanteuse<br />

Bibi Bourelly et c’est finalement<br />

Rihanna qui l’a interprétée. Vous<br />

arrive-t-il de travailler avec des<br />

paroliers ?<br />

Oui, c’est plus facile de travailler directement<br />

avec un songwriter pour ensuite<br />

placer la chanson auprès d’un artiste<br />

connu.<br />

Et comment est-ce de travailler avec<br />

des artistes qui rappent en français ?<br />

La plupart d’entre eux ne parlent pas<br />

anglais. Et même si je ne comprends pas<br />

ce qu’ils disent, je ressens l’énergie sur<br />

leurs morceaux, c’est très cool.<br />

Étiez-vous familière avec le hip-hop<br />

français avant cela ?<br />

J’avais déjà écouté Booba, c’est vraiment<br />

bon et les instrus défoncent ! Surtout les<br />

trucs à l’ancienne.<br />

Est-ce que l’un des MCs présents sur<br />

la mixtape que vous avez conçue<br />

pour le <strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris<br />

a plus particulièrement retenu votre<br />

attention ?<br />

Quand j’ai reçu la liste des participants,<br />

j’ai tout de suite accroché sur ce que faisait<br />

Youv Dee. Ce qu’il fait avec l’autotune,<br />

un peu à la Young Thug, ça m’a tout<br />

de suite parlé. Mais j’aime aussi ce que<br />

font les autres. Ce qui est bien, c’est que<br />

tout le monde a son style propre et surtout<br />

tous sont de très bons rappeurs.<br />

J’ai hâte que ça sorte maintenant.<br />

THE RED BULLETIN 49


Le club<br />

de Mikey<br />

Quand il ne produit pas un film<br />

avec Jonah Hill, ne part pas en<br />

tournée avec Kendrick Lamar<br />

ou ne collabore pas avec Vogue,<br />

MIKEY ALFRED gère son propre<br />

collectif créatif. À 24 ans<br />

seulement, ce faux nerd n’en<br />

est qu’à ses débuts.<br />

Texte MOLLY OSWAKS<br />

Le fameux passage à l’âge adulte : voilà le<br />

fil conducteur de 90’s, premier film de l’acteur<br />

hollywoodien Jonah Hill, inspiré de sa<br />

propre adolescence parmi les skateurs de<br />

Los Angeles. Un film qui nous montre qu’il<br />

n’est jamais trop tard pour se réinventer,<br />

mais que les décisions prises à l’adolescence<br />

– picoler ou non, skater ou aller en<br />

cours – donnent le ton pour tout ce qui<br />

viendra ensuite. Une leçon que l’on pourrait<br />

tout aussi bien apprendre en étudiant<br />

les choix de vie du coproducteur du film,<br />

Mikey Alfred. Même si, dans son cas, c’est<br />

plutôt un exemple de réussite précoce et<br />

d’écho retentissant qui est au cœur du<br />

scénario. « La première impression que j’ai<br />

eue de Mikey, c’était celle d’un type mûr,<br />

engagé et réfléchi, révèle Jonah Hill. Il<br />

avait une telle assurance pour son âge. »<br />

À 24 ans, Alfred est le fondateur<br />

d’Illegal Civilization, un collectif de skateurs<br />

versé dans le cinéma et la mode, et<br />

basé à North Hollywood en Californie.<br />

Aux côtés de ses amis Davonte Jolly et<br />

Shawn Rojas, lui et sa marque ont eu les<br />

honneurs du média alternatif Vice, ont<br />

filmé des vidéos pour Vogue et ont eu<br />

droit à leur propre cycle de trois épisodes<br />

dans Ballers, une série sur le sport aux<br />

accents de comédie dramatique avec<br />

l’emblématique Dwayne « <strong>The</strong> Rock »<br />

Johnson. Entre autres.<br />

Plus récemment, Illegal Civilization<br />

a organisé son propre événement en journée<br />

au célèbre Pink Motel dans le quartier<br />

de Sun Valley, mêlant musique et skate, et<br />

nous y a conviés. Devant la scène, les skateurs<br />

enchaînent les figures dans la<br />

piscine vide de cet hôtel des années 50,<br />

sous les yeux de jeunes gens tous plus<br />

branchés les uns que les autres.<br />

Une créature orange et chauve au nez<br />

pointu, affublée d’une salopette rose et<br />

d’un tee-shirt blanc – la mascotte d’Illegal<br />

Civilization grandeur nature dans un costume<br />

en peluche – se balade à l’extérieur<br />

de l’hôtel avec un hamburger sur un<br />

plateau. À la clé, la photo parfaite pour<br />

les fans de la marque et, pour IC, une<br />

visibilité gratuite bienvenue si le selfie<br />

se retrouve sur les réseaux sociaux.<br />

Alfred arrive en milieu d’après-midi,<br />

vêtu d’une chemise blanche amidonnée,<br />

d’une cravate jaune, d’un cardigan rouge<br />

avec le nom de sa marque brodé au dos,<br />

d’un pantalon kaki, de chaussettes<br />

blanches, de mocassins en cuir noir et<br />

de lunettes à large monture. Oui, c’est<br />

bien ce mec au look de nerd le patron de<br />

l’événement. Manifestement à l’aise, il circule<br />

dans la foule en distribuant les poignées<br />

de main. Deux semaines plus tard,<br />

je retrouve Alfred chez lui à Century City<br />

(un quartier d’affaires à l’ouest de Los<br />

Angeles), dans un appartement minimaliste<br />

et spacieux en haut d’un immeuble,<br />

avec une vue superbe sur Downtown L.A.<br />

et les collines d’Hollywood.<br />

Ayant passé les vingt premières<br />

minutes de notre interview seule pendant<br />

qu’Alfred répondait à un appel professionnel,<br />

j’ai pu observer ses effets personnels,<br />

essayant d’en tirer quelques traits de sa<br />

personnalité. Chez lui, bibliothèques et<br />

étagères sont remplies de centaines de<br />

coffrets DVD d’intégrales de séries,<br />

notamment Les Simpson, Larry et son<br />

nombril, Les Soprano et <strong>The</strong> Wire, ainsi<br />

que de nombreux livres sur les vieux films<br />

hollywoodiens, le cinéma et la musique.<br />

Sur une desserte derrière le canapé<br />

s’entassent des dizaines d’exemplaires<br />

d’un magazine de skate japonais aux<br />

côtés d’anciens numéros de Rolling Stone.<br />

Sur le plan de travail dans la cuisine, une<br />

« J’arrête l’école,<br />

j’arrête la chorale.<br />

Je veux faire des<br />

vidéos de skate. »<br />

KOURY ANGELO/RED BULL CONTENT POOL<br />

50 THE RED BULLETIN


Gilet rouge : Alfred<br />

a réalisé un docu<br />

sur son pote Tyler,<br />

<strong>The</strong> Creator, dans<br />

lequel Lil Wayne et<br />

Kanye West font<br />

des apparitions.


La revanche des nerds : basé à North Hollywood, Illegal Civilization – le collectif d’Alfred – mêle skate, mode, musique, cinéma, business et plus encore.<br />

« Le skate<br />

m’a appris tout<br />

ce que je sais<br />

sur la vie. »<br />

édition spéciale du magazine Life, avec<br />

Michelle Obama en couverture. Et enfin,<br />

accrochée au mur, en orange fluo sur<br />

une grande toile jaune vif, on peut lire<br />

les Dix Commandements du collectif<br />

Illegal Civilization :<br />

1. Ne parle pas au cinéma.<br />

2. L’attention est le meilleur cadeau<br />

que l’on puisse offrir.<br />

3. Travaille dur pour ce que tu veux.<br />

4. Ne te cherche pas d’excuses.<br />

5. Poursuis ceux qui te poursuivent.<br />

6. Respecte tes parents.<br />

7. Ne mens pas sur tes sentiments.<br />

8. Règle les problèmes quand ils se<br />

présentent.<br />

9. Prends du temps pour toi.<br />

10. Appelle les gens pour sortir et<br />

contente-toi de ça. N’attends rien d’eux.<br />

« J’ai un rendez-vous tout à l’heure<br />

avec Barry Diller (grand businessman<br />

et magnat des médias, ndlr) chez lui,<br />

m’explique Alfred tout naturellement,<br />

même s’il ne peut pas encore révéler la<br />

raison de cette rencontre. Je suis super<br />

content de pouvoir le rencontrer. Après,<br />

je rentrerai pour jouer aux jeux vidéo. »<br />

Vantard le nerd ? Le fait est que c’est sur<br />

ce genre de rencontres qu’Alfred a bâti<br />

sa carrière.<br />

« J’avais dix ans, j’étais servant d’autel<br />

et je chantais à la chorale de l’église<br />

Saint Charles Borromeo (une église<br />

catholique de North Hollywood, ndlr),<br />

raconte Alfred pour expliquer comment<br />

tout a commencé. Et j’ai dit à ma mère :<br />

“J’arrête l’école et la chorale. Ce que je<br />

veux, c’est faire des vidéos de skate.” »<br />

52 THE RED BULLETIN


ANTHONY ACOSTA<br />

En réponse, la mère d’Alfred, qui travaille<br />

depuis trente-six ans en tant qu’assistante<br />

personnelle de Robert Evans, le légendaire<br />

producteur d’Hollywood à qui l’on<br />

doit des films tels que Chinatown, les deux<br />

premiers Parrain ou encore Rosemary’s<br />

Baby, emmène alors son fils à son travail<br />

et l’installe devant son patron.<br />

« J’étais assis en face de lui, de l’autre<br />

côté du bureau, se remémore Alfred. Il<br />

m’a demandé : “Est-ce que tu veux faire<br />

une école de cinéma ?” » L’été suivant,<br />

Alfred le passe à l’université Columbia de<br />

New York pour suivre un cours de cinéma<br />

pour les jeunes de 10 à 17 ans.<br />

Son projet final est un court-métrage<br />

sur un garçon qui se fait voler sur le chemin<br />

entre le dortoir et sa classe. Il ne rencontre<br />

qu’un succès mitigé. « Les lumières<br />

« La première<br />

impression que j’ai<br />

eue de Mikey, c’était<br />

celle d’un type mûr,<br />

engagé et réfléchi. »<br />

Jonah Hill<br />

se sont rallumées et le prof s’est contenté<br />

d’un “Suivant”. » Le suivant, c’était un<br />

gamin de treize ans avec huit minutes<br />

de film sur un trottoir de New York, sans<br />

dialogue ni musique. Il a eu droit à une<br />

standing ovation de toute la classe. Pour<br />

le prof, c’était un travail « courageux » et<br />

« inventif » – Alfred raconte cela d’un ton<br />

ironique. « Quand je suis rentré à Los<br />

Angeles, j’ai dit à ma mère : “Je n’irai pas<br />

à l’université. Je ne ferai pas d’école de<br />

cinéma. Mais je sais que je peux y arriver.”<br />

» L’année suivante, à tout juste<br />

douze ans, Alfred crée sa société, Illegal<br />

Civilization.<br />

« Il connaît tellement de gens, et il est<br />

tellement apprécié qu’il a cette capacité<br />

étrange à réussir tout ce qu’il entreprend<br />

– et ce en moins de deux », déclare Jonah<br />

Hill. Ce que l’acteur et réalisateur évoque<br />

ici, c’est la capacité d’Alfred à s’exécuter<br />

rapidement sur un projet. Voilà une excellente<br />

manière de décrire ce jeune entrepreneur,<br />

particulièrement efficace et au<br />

réseau professionnel très étendu.<br />

« Au début, on se contentait de faire<br />

des vidéos de skate et des tee-shirts,<br />

raconte Alfred. Notre bande de skateurs<br />

était connue comme le loup blanc à North<br />

Hollywood. » Et puis, à quinze ans, il rencontre<br />

Tyler, <strong>The</strong> Creator, un rappeur de<br />

Los Angeles, et ils partent rapidement en<br />

tournée ensemble, Alfred vendant des<br />

tee-shirts Illegal Civilization et des vidéos<br />

de skate à chaque étape. Il enchaîne sur<br />

d’autres tournées avec Frank Ocean,<br />

Kendrick Lamar et Mac Miller, tout en<br />

continuant à distribuer des produits<br />

Illegal Civilization et se constituant ainsi<br />

une base de fans et un réseau solide.<br />

Dix ans plus tard, Alfred collabore avec<br />

Converse, produit son premier film et<br />

joue son propre rôle à la télé. En ce<br />

moment, il travaille sur son nouveau film,<br />

North Hollywood, l’histoire d’un gamin<br />

qui rêve de devenir skateur, mais dont le<br />

père veut qu’il aille à l’université.<br />

« Cette histoire est centrée sur le<br />

moment où tu veux suivre tes envies mais<br />

où tes parents veulent que tu choisisses<br />

une voie plus sûre, poursuit Alfred. C’est<br />

mon histoire. » Il ajoute : « Le skate m’a<br />

appris tout ce que je sais sur la vie. » Pour<br />

Alfred, la planche de skate a toujours<br />

clairement été bien plus qu’une manière<br />

cool de se déplacer. C’est une manière<br />

de s’exprimer. C’est un look et un style<br />

de vie. Une mode. Un art. C’est ce qui<br />

a donné naissance à un nouveau genre<br />

cinématographique.<br />

Et aujourd’hui, le skate entretient<br />

des liens étroits avec la scène musicale –<br />

d’où le succès d’Illegal Civlization quand<br />

Alfred a commencé les tournées avec<br />

Tyler étant ado, avant d’enchaîner avec<br />

Kendrick Lamar et les autres.<br />

« Mon objectif, c’est d’inspirer les<br />

jeunes à travers ma marque et ma voix,<br />

déclare Alfred. Je viens d’un milieu<br />

modeste et ce n’est pas trop mon truc de<br />

parler de mes projets en des termes ronflants.<br />

Je ne suis pas ce genre de mec.<br />

Mais je suis ma route et ça, vous pouvez<br />

le faire, vous aussi. »<br />

Je me demande si Alfred se retrouve<br />

dans le conflit au cœur de 90’s, le film de<br />

Jonah Hill qu’il a coproduit, la relation<br />

entre les deux personnages Ray et<br />

Fuckshit, et comment l’ambition et les<br />

soirées arrosées peuvent amener deux<br />

meilleurs amis d’enfance à s’éloigner l’un<br />

de l’autre. A-t-il vécu une expérience similaire<br />

? A-t-il été à la place de Ray dans le<br />

film, qui préfère abandonner les fêtes et<br />

les excès pour aller de l’avant ?<br />

« Ce film, c’est l’histoire de Jonah, son<br />

expérience, répond Alfred. Moi, je traînais<br />

avec des gamins qui faisaient la fête<br />

tous les week-ends… et cela finissait par<br />

passer avant tout le reste dans leur vie,<br />

que ce soit le water-polo, le football américain<br />

ou les études. Dans le monde du<br />

skate, les gens faisaient la fête, prenaient<br />

de la drogue, et puis, tout à coup, certains<br />

arrêtaient le skate ou allaient en prison. »<br />

En parlant, Alfred se passe la main sur<br />

le crâne, rasé de près, à la manière dont<br />

un homme bien plus âgé se tortillerait la<br />

barbe. À l’écran, c’est un geste qui pourrait<br />

évoquer une personne sage, réfléchie,<br />

pensive. Chez Alfred, c’est le tic d’un<br />

jeune homme qui a déjà dix ans d’expérience<br />

professionnelle derrière lui, à l’âge<br />

où d’autres sont en pleine crise de la<br />

vingtaine. « Je me souviens qu’à quinze<br />

ans, je me disais : “Bon, je ne veux pas<br />

finir clochard… Je vais arrêter de faire<br />

la fête et je ne finirai pas comme ça.” J’ai<br />

dû faire un choix. »<br />

illegalcivilization.com<br />

THE RED BULLETIN 53


Marins,<br />

after<br />

all<br />

Avec ces bateaux volants, bêtes hi-tech les<br />

plus rapides au monde, l’espèce humaine<br />

repousse toujours loin les limites de la<br />

vitesse en mer. Illustration avec le CIRCUIT<br />

SAILGP, créé en 2018, concentré de voiles<br />

3.0 réunies en mai en baie de San Francisco.<br />

Nous y étions avec l’équipe de France,<br />

portée par Billy Besson et Marie Riou, seule<br />

femme engagée sur ce format en cinq<br />

étapes qui s’achèvera à Marseille.


Entraînement pour les<br />

Français. Hormis la<br />

préparation hivernale<br />

en Nouvelle-Zélande,<br />

les équipes passent<br />

peu de temps à l’eau.<br />

Texte PATRICIA OUDIT<br />

Photos BERNARD LE BARS<br />

55


Alameda, Californie.<br />

À une demi-heure de<br />

San Francisco, voici<br />

l’antre de la team base,<br />

ensemble de containers<br />

où sont entreposés les<br />

six catamarans en compétition,<br />

ces F50 en<br />

passe de révolutionner<br />

la notion de vitesse sur l’eau. Dans l’un<br />

d’eux, Franck Citeau, le coach de l’équipe<br />

de France, souriant mais sérieux, vient<br />

d’en convoquer ses membres. Le briefing,<br />

habituellement confidentiel, nous est<br />

ouvert, car ici, à la différence de la Coupe<br />

de l’America, pas de paranoïa. Pour ceux<br />

qui ont vécu la fameuse Coupe comme<br />

Matthieu Vandame, le régleur d’aile du<br />

F50 français, l’ambiance est radicalement<br />

différente : pas de secret de fabrication<br />

que provoque la course à l’armement,<br />

où l’écurie la plus riche peut faire la différence.<br />

Les équipes disposent toutes du<br />

même budget (5 millions de dollars<br />

chacun), alloués par la septième fortune<br />

mondiale, le PDG américain d’Oracle,<br />

Larry Ellison qui a injecté un total de<br />

50 millions de dollars (44,8 millions<br />

d’euros) dans ce circuit. De même, elles<br />

ont accès à tous les réglages et aux centaines<br />

de données, collectées via les<br />

1 200 capteurs fixés aux bateaux, et analysées<br />

par quatre experts confinés dans<br />

l’un des containers. Dans ce circuit à<br />

armes égales, avec ces monotypes de<br />

15 mètres de long pesant 2,4 tonnes (soit,<br />

comme aime à le souligner l’organisation,<br />

« le poids d’un rhinocéros adulte ») et<br />

allant 15 % plus vite que les AC 50 de<br />

l’America’s Cup, aucune possibilité de<br />

piper les dés.<br />

Dominer les bêtes<br />

La confiance règne. Marie Riou, « régleuse<br />

de vol » et Billy Besson, le barreur du<br />

team France, ont l’air parfaitement détendus.<br />

Marie, ravie de naviguer sur des<br />

bateaux « qui sont le joujou ultime de la<br />

technologie » raconte la rencontre avec<br />

Russel Coutts, le boss du circuit. C’est lui<br />

qui a contacté Billy Besson, lequel a<br />

immédiatement réclamé la participation<br />

de Marie. « On a dit oui, car c’est un vrai<br />

championnat du monde, avec six nations<br />

qui s’affrontent et dans lequel ce sont les<br />

humains qui feront la différence. Il y a<br />

de la stratégie, de la tactique et ça nous<br />

excite ! » Et la tactique, parlons-en. Le<br />

briefing s’en charge. « Ce matin, de 10<br />

à 15 heures, vous allez vous entraîner<br />

avec les Américains, récapitule le coach.<br />

Marie, il faut que tu te mettes en ligne<br />

droite pour régler la hauteur de vol, voir<br />

s’il faut changer les paramètres sur des<br />

phases de trente secondes. Une fois calé<br />

en ligne droite, Billy donnera le go et on<br />

balancera les virements. Il faut absolument<br />

qu’on se familiarise avec les finesses<br />

de réglage et qu’on soit au point sur les<br />

transitions. » Avant de sortir du container,<br />

chacun des cinq équipiers s’harnache.<br />

Un baudrier pour se longer, un gilet de<br />

sauvetage aux allures de gilet pare-balles,<br />

où est fixé une capsule d’oxygène en cas<br />

de chavirage, un coupe-filet jaune fluo<br />

à gauche, un couteau à droite. Enfin,<br />

un casque avec oreillette pour écouter<br />

les consignes du coach qui suit dans<br />

un zodiac où trônent des écrans<br />

d’ordinateur.<br />

Dehors, changement d’ambiance. La<br />

réalité 3.0 s’affiche sous nos yeux. Après<br />

un briefing de voileux qui respire la<br />

régate, une armée d’hommes casqués s’affaire<br />

autour de grues qui servent à mettre<br />

à l’eau les bateaux (en kit, il y a encore<br />

quelques minutes). Des avions, plutôt,<br />

avec leurs ailes rigides de 24 mètres de<br />

haut, dont les foils sont les frères marins<br />

des flaps (volets d’avion). Des bêtes qu’il<br />

va falloir dominer. Français, Anglais,<br />

Chinois, Américains, Australiens et Japonais<br />

– les deux derniers dominant actuellement<br />

le game – s’affrontent sur un site<br />

de 2,5 km sur 2 km, autour de quatre<br />

bouées. Le tout en deux manches, dont<br />

la première de trois runs et la seconde de<br />

deux runs suivie d’une finale, celle-ci se<br />

disputant en match race entre les deux<br />

premières équipes. Le tout multiplié par<br />

cinq étapes : Australie, États-Unis (San<br />

Francisco et New York), Angleterre et<br />

Marseille pour finir. L’entraînement de ce<br />

matin a lieu entre le Golden Gate Bridge,<br />

la skyline et Alcatraz. Carte postale pour<br />

touristes. Sauf que Marie et Billy n’en<br />

sont pas. Leur pedigree est long comme<br />

un Vendée Globe : 4 fois champion du<br />

monde sur Nacra 17, ce duo complice<br />

entend progresser tous foils levés, même<br />

si selon Marie, « il s’agit là de passer sans<br />

frein du kart à la Formule 1 ». Franck<br />

Citeau les connaît bien, lui qui les<br />

entraîne dans ces disciplines olympiques.<br />

Casque relié à un micro, il donne des<br />

consignes à chaque pause. Chaque<br />

manœuvre est disséquée et analysée en<br />

temps réel. « Le plus dur, c’est de garder<br />

la hauteur de vol. Aujourd’hui, il n’y a pas<br />

assez de vent pour tenter un foiling tack.<br />

Il faudrait au moins 25 nœuds, soit dix<br />

de plus ! », regrette le coach. Foiling tack.<br />

56 THE RED BULLETIN


Le Golden Gate en<br />

mode marinière : les<br />

Français Billy Besson<br />

et Marie Riou, les<br />

deux killers du dériveur<br />

passés au SailGP.<br />

L’entraînement de ce<br />

matin a lieu entre le<br />

Golden Gate, la skyline<br />

et Alcatraz. Carte<br />

postale pour touristes.<br />

Sauf que Marie et<br />

Billy n’en sont pas.<br />

Retenez bien l’expression : il s’agit d’un<br />

virement de bord en vol qui va devenir<br />

l’obsession des Frenchies à marinière. Il<br />

y a suffisamment de vent toutefois pour<br />

filer, se faire tasser dans les manœuvres<br />

et faire fuir les cinq baleines repérées sur<br />

zone. Les nombreux pélicans, eux, ne<br />

semblent craindre aucun foil, pourtant<br />

susceptibles de les découper, et pêchent<br />

THE RED BULLETIN 57


tandis que le team US déboule sur fond<br />

de rues à tramway. Charles, le plongeur<br />

posté à l’avant du bateau-coach, palmes<br />

aux pieds, garrot sur lui, prêt à sauter à<br />

l’eau au moindre problème et à prodiguer<br />

les soins de première urgence, désigne au<br />

loin l’un des deux points d’exfiltration<br />

médicale, afin que l’ambulance puisse<br />

accéder le plus vite possible aux blessés.<br />

Pendant les entraînements et la course,<br />

ce safety boat transportant plongeurs et<br />

médecins sillonne le plan d’eau, prêt à<br />

intervenir en cas de problème. L’heure<br />

est à la sécurité maximale. En 2013, lors<br />

de la 34 e Coupe de l’America, un drame<br />

a endeuillé la baie : Andrew Simpson,<br />

le très expérimenté skipper d’Artemis,<br />

(bateau suédois) s’est noyé suite à un<br />

chavirage. Depuis, chaque équipe s’entraîne<br />

pour éviter le pire. « Plusieurs fois<br />

dans l’année, explique Marie, après avoir<br />

pris quarante aspirations dans la bonbonne<br />

d’oxygène, on saute à l’eau pour<br />

un parcours du combattant en apnée.<br />

Relié à une longe, on doit passer entre<br />

des filets. Entretemps, les instructeurs<br />

nous attachent les pieds, on doit enlever<br />

le gilet de sauvetage, faire le retour,<br />

toujours en apnée. Stressant ! »<br />

Demander aux Américains…<br />

ici, c’est possible !<br />

Soudain sur le plan d’eau, le catamaran<br />

français est à l’arrêt. Le staff technique de<br />

la course, seul à être habilité à intervenir,<br />

est appelé à la rescousse, et l’ingénieur<br />

finit par résoudre le bug informatique.<br />

Nicolas Heitz, wincheur et ex du Défi<br />

Français qui a profité de cette pause forcée<br />

pour se reposer sur le zodiac, confie :<br />

« En France, on est une dizaine à pouvoir<br />

naviguer au pied levé sur ces catamarans.<br />

Même si à bord, il n’y en a que trois qui<br />

jouent : Billy qui pilote en ligne droite<br />

grâce à cinq boutons et cinq pédales qui<br />

commandent des systèmes hydrauliques<br />

et électriques, Marie au réglage de vol,<br />

et Matthieu Vandame au réglage de l’aile,<br />

le seul homme du bateau qui ait une<br />

écoute dans une main ! » Les deux autres<br />

wincheurs, Olivier Herledant et Timothé<br />

Lapauw initialement remplaçant mais qui<br />

a succédé à Devan Le Bihan, blessé, sont<br />

là pour faire fonctionner le moteur électrique<br />

à coup de manivelles. Peu importe<br />

le poste : dès la reprise de l’entraînement,<br />

tous se font karchériser par une eau à<br />

12 °C : le bateau, à ras de l’eau, cockpit<br />

ouvert, amplifie les sensations. « Quand<br />

on est à 35 nœuds au près avec 20 nœuds<br />

de vent, on se prend 110 km sur nous, et<br />

LA MOLETTE<br />

DE MARIE<br />

Cet instrument, ou Flight<br />

Controller en VO, situé dans<br />

chacune des coques du F50,<br />

sert à commander les foils,<br />

c’est-à-dire à régler le fameux<br />

rake : l’incidence (l’inclinaison<br />

en langage terrien) des foils<br />

d’avant en arrière afin de travailler<br />

avec le plus de pertinence<br />

possible la hauteur de<br />

vol. Plus on vole, plus on va vite,<br />

certes, mais il ne faut cependant<br />

pas compromettre l’équilibre<br />

du bateau. « Au début de<br />

la saison, explique Marie Riou,<br />

le flight controller était un joystick<br />

avec lequel je réglais l’assiette<br />

du bateau, auquel j’avais<br />

fini par m’habituer, même si j’ai<br />

regretté de ne m’être pas mise<br />

plus tôt aux jeux vidéo ! » D’autant<br />

que le joystick en question<br />

a été remplacé, juste après la<br />

première étape de Sydney en<br />

février dernier, par une molette<br />

qui ressemble davantage à une<br />

manette de PlayStation, et ce<br />

pour des raisons de précisions.<br />

Okay. Marie, qui navigue depuis<br />

l’âge de sept ans et a été élue<br />

meilleure navigatrice au monde<br />

suite à sa victoire sur la Volvo<br />

Ocean Race avec DongFeng,<br />

a l’habitude de se remettre en<br />

cause. Dès la deuxième étape<br />

de San Francisco, en accord<br />

avec Billy, qui définit la stratégie,<br />

elle a dû se mettre à la<br />

molette. Malgré sa simplicité<br />

d’utilisation (le côté droit commande<br />

le foil droit et inversement),<br />

elle a dû apprendre<br />

à la maîtriser dans un temps<br />

record. « En course, la première<br />

manœuvre est quinze secondes<br />

après la première bouée, autant<br />

dire que les prises de décision<br />

doivent être rapides. Et la<br />

molette est sensible ! Plus<br />

instinctive aussi : la preuve,<br />

elle a porté ses fruits rapidement,<br />

puisque grâce à elle,<br />

on a réussi nos premiers<br />

flying jibes (empannages<br />

en vol, ndlr) ! »<br />

Ci-contre : débriefing post premier run. À droite :<br />

avec les gardiens des ailes rigides. L’avantage par<br />

rapport à une voile classique : elle fait gagner en<br />

vitesse, car elle est propulsive à 100 %, dans<br />

toutes les phases de navigation. En bas à gauche :<br />

séquence harnachement. À bord des F50, les<br />

marins sont attachés à des longes : si le bateau<br />

plante ou chavire, l’équipage est entraîné à s’en<br />

détacher via un mousqueton. En bas à droite :<br />

les bateaux sont treuillés pour la mise à l’eau.<br />

il faut courir et changer de coque dans ces<br />

conditions », résume Billy. L’adrénaline<br />

est à son paroxysme : à bord, pas le temps<br />

d’échanger des regards, on se parle via<br />

des mots-clés évoquant les manœuvres.<br />

Les F50 français et américains se croisent<br />

dans des Air Prox, à requalifier en « Mer<br />

Prox », dignes de l’aviation, dans des sifflements<br />

incessants. Au loin, surveillant<br />

la bataille navale du futur depuis son<br />

yacht, Larry Ellison. Dans le ciel, un<br />

hélico filme. Ne manquent plus que deux<br />

ou trois James Bond girls au décor, et on<br />

se croirait en plein tournage d’un film<br />

d’action.<br />

Revenus à terre, Marie et Billy veulent<br />

comprendre la clé du foiling tack, ce virement<br />

de bord en vol qui coince. Marie,<br />

penchée sur son smartphone, part à la<br />

pêche aux infos. « Il y a un truc qu’on ne<br />

saisit pas… Le bateau monte en wheeling,<br />

sur l’avant, mais repose, alors qu’on<br />

devrait être à plat et rester sur les foils ! »<br />

Billy, pragmatique : « On va demander aux<br />

Américains ; aujourd’hui, ils les ont bien<br />

passés ! » Le coach Franck Citeau profite<br />

aussi de l’ambiance fair play où les teams<br />

s’échangent conseils et données, où l’on<br />

peut s’aligner sur les réglages des autres<br />

en allant voir le super mécano de SailGP :<br />

« Il pense qu’on est trop attentistes en<br />

ligne droite et qu’on perd de la vitesse… »<br />

Pendant ce temps, Yvan Joucla, responsable<br />

technique de l’aile rigide, effectue<br />

les vérifications réglementaires : il checke<br />

la structure des ribs (les côtes en carbone),<br />

qui sont souvent les premières victimes<br />

au tableau de casse, les quatre bras<br />

ainsi que tous les câbles et écrans électroniques<br />

à l’intérieur.<br />

Parfois, il faut aussi boucher le gap<br />

entre les flaps de l’aile avec du Clysar,<br />

un film plastique que l’on chauffe et que<br />

l’on tend. « Ici, note Yvan, les bateaux<br />

sont démontés chaque soir, à cause du<br />

vent et du courant du chenal, mais ce<br />

n’est pas toujours le cas. C’est une sacrée<br />

logistique, indispensable quand on a des<br />

bateaux qui se croisent à Mach 2 sur<br />

l’eau ! » Le lendemain, jour de la régate<br />

58 THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN 59


« C’est l’avenir de la<br />

voile. Des courses très<br />

serrées, de vrais<br />

combats sur l’eau ! »<br />

Larry Ellison, boss du SailGP


Ça brasse dans la baie.<br />

Départs à 40 nœuds.<br />

Puis baston entre les<br />

6 nations de ce championnat<br />

du monde<br />

de F1 sur l’eau.<br />

à blanc où la flotte au complet s’entraîne<br />

sur le plan d’eau, bingo : les Français réussissent<br />

leur premier foiling tack par 20<br />

nœuds de vent. « Une embardée de fou »,<br />

jubile Billy, le smile jusque-là, qui s’est<br />

vite remis de l’étrave des Chinois passée<br />

à deux mètres. Dans la zone mixte où se<br />

déroulent les interviews des skippers,<br />

Marie, la seule femme engagée sur le<br />

circuit, est très demandée. Celle qui a été<br />

élue meilleure navigatrice du monde en<br />

2018 insiste aussi sur le plaisir qu’elle<br />

prend à bord de ces engins, « où la<br />

moindre micro faute se paie cash ».<br />

Jamais, heureusement, jusqu’au crash.<br />

L’avenir de la voile<br />

Jour 1 de la compétition. Côté français,<br />

cinquième après la première épreuve<br />

qui s’est déroulée à Sydney les 15 et 16<br />

février derniers, on ne va pas attendre<br />

que la classique brume se lève sur la baie<br />

de San Francisco pour prendre des<br />

départs canons à 80 km/h. Le public s’est<br />

massé aux abords du San Francisco Yacht<br />

Club et sa vue imprenable sur le Golden<br />

Gate. Les spectateurs ne veulent pas<br />

perdre une miette de l’événement, même<br />

si l’on peut aujourd’hui être embarqué live<br />

dans cette course sans quitter son salon<br />

grâce à une appli – mieux qu’une GoPro<br />

ou que Virtual Regatta. Dans la baie, dans<br />

le vrai, les Français se montrent encore<br />

hésitants dans leurs transitions, mais Billy<br />

a vu le cul des Japonais (du moins de leur<br />

bateau) et a frôlé les Australiens. Combats<br />

au contact, coques qui se frôlent,<br />

Billy le barreur est une fois de plus aux<br />

anges. « À partir de 18 nœuds, c’est difficile<br />

de mettre le frein avec les foils qui<br />

poussent. On ne fait qu’accélérer ! »<br />

Après la jubilation, la tension monte<br />

d’un cran au débriefing de la première<br />

journée. Franck Citeau insiste sur la<br />

manche 2 et 3 où la gestion des problèmes<br />

techniques s’est amplifiée. « Pas<br />

assez de vitesse et de hauteur pour faire<br />

des manœuvres correctes ! » Billy évoque<br />

ce sentiment d’agacement généré par ces<br />

problèmes techniques. « Plus il y a de<br />

« Plus il y a de vent,<br />

plus ça crie, plus<br />

c’est chaud. Pour<br />

faire avancer ces<br />

bêtes-là, il faut être<br />

précis et focus ! »<br />

Billy Besson, barreur<br />

61


Voile olympique, coupe<br />

de l’America, course<br />

au large : les as du<br />

SailGP viennent de<br />

tous les horizons.<br />

Billy vole d’une coque<br />

à l’autre, et les wincheurs,<br />

à la manivelle,<br />

alimentent en énergie<br />

le moteur électrique.


BIENVENUE DANS<br />

L’AÉRONAUTIQUE<br />

Pour rattraper ce fameux déficit<br />

d’expérience et continuer à<br />

apprendre, sachant que les temps<br />

d’entraînement sur l’eau sont limités<br />

par une lourde logistique et se<br />

passent en général juste avant les<br />

épreuves, la solution se trouve dans<br />

un simulateur installé à Londres<br />

et développé par les ingénieurs<br />

d’Artemis Technologies, l’équipe<br />

suédoise de la dernière America’s<br />

Cup. Ce simulateur de F50 a déjà<br />

permis aux équipes de s’entraîner<br />

à manœuvrer. « Les sessions d’entraînement<br />

durent deux jours, et on<br />

les cale de préférence avant chaque<br />

étape, explique Matthieu Vandame<br />

le régleur d’aile du team France. On<br />

travaille chacun à nos postes, avec<br />

Marie au réglage de vol et Billy au<br />

volant, par tranche de 20 minutes.<br />

À bord d’une demi-coque montée<br />

sur une plateforme à vérins, équipée<br />

de double commande puisque nous<br />

ne pouvons pas sauter d’une coque<br />

à l’autre comme sur l’eau, on<br />

enchaîne les différentes manœuvres.<br />

Le deuxième jour est généralement<br />

consacré à la simulation de la course<br />

sur un ghost, c’est-à-dire le film de<br />

nos actions précédemment retranscrites<br />

sur l’écran à 270 °. On court<br />

en quelque sorte contre nousmêmes<br />

! » Artemis a poussé le réalisme<br />

jusqu’au bout en simulant<br />

aussi les bruitages via des enceintes.<br />

« Presque plus mouvementé et<br />

fatigant que la réalité ! », confirme<br />

Marie qui parle d’une grande fatigue<br />

mentale après chaque session, tant<br />

il faut de concentration durant ces<br />

deux jours. Autre plan B pour pallier<br />

le manque de navigation in situ : le<br />

dry sailing qui consiste à s’entraîner<br />

à terre. Chacun est à son poste,<br />

mais l’immobilité du bateau fait que<br />

l’on peut débriefer immédiatement<br />

au sortir de chaque manœuvre.<br />

vent, plus ça crie, plus c’est chaud. Pour<br />

faire avancer ces bêtes-là, il faut être précis<br />

et focus ! » Malgré tout, au dernier jour<br />

de compétition, les Frenchies sont comme<br />

scotchés. Petite déception d’une prestation<br />

qui s’explique par un déficit d’expérience.<br />

« Aujourd’hui, détaille le coach,<br />

c’était notre quinzième navigation sur le<br />

bateau. Nathan Outteridge, le barreur du<br />

F50 japonais, en était à sa 250 e . Quand<br />

on passera tous les foiling tacks, on sera<br />

davantage au contact. Ces bateaux sont<br />

de vraies usines à gaz, et puis il y a la<br />

question de la vitesse. Jusqu’à 12 nœuds<br />

de vent, ça va. Mais au-delà, le bateau<br />

n’est plus le même, il faut passer cette<br />

appréhension, adapter les réglages, la<br />

puissance et le comportement à bord. »<br />

Par souci d’équité, SailGP s’efforce de<br />

donner la priorité aux derniers du<br />

« On a dit oui, car c’est<br />

un vrai championnat<br />

du monde, avec six<br />

nations qui s’affrontent<br />

et dans lequel ce<br />

sont les humains qui<br />

feront la différence. »<br />

Marie Riou, flight controller<br />

Marie Riou et son<br />

casque à oreillette :<br />

pour ne rien perdre des<br />

consignes du coach.<br />

classement. « Pour que cela soit à chaque<br />

fois un entraînement, pas une reprise en<br />

main, insiste Matthieu Vandame. Chaque<br />

journée passée sur l’eau nous fait tellement<br />

progresser ! »<br />

Au lounge VIP, après la remise des prix,<br />

Larry Ellison, protégé par une paire de<br />

colosses munis d’oreillettes, s’entretient<br />

avec les vainqueurs – les indétrônables<br />

Aussies qui se sont jetés sur la ligne dans<br />

un saisissant sprint final avec les Nippons<br />

– puis avec Marie et Billy. Pour le multimilliardaire<br />

passionné, ça ne sent pas que<br />

le retour sur investissement. « C’est l’avenir<br />

de la voile. Des courses très serrées,<br />

de vrais combats sur l’eau ! »<br />

Marie est d’accord sur l’analyse. Un<br />

regret affleure pourtant. « Vingt minutes<br />

la manche, c’est très, trop court : on a<br />

envie de naviguer plus ! Ces sensations,<br />

on ne les a nulle part ailleurs ! » Filer<br />

à 50 nœuds, 100 km/h, le chrono-Graal,<br />

quête de tous les équipages : l’addiction<br />

du marin 3.0 est désormais connue. Ne<br />

reste plus à Marie, Billy et leurs équipiers<br />

qu’à trouver la potion magique. Celle qui<br />

fera d’eux les rois et reines du foiling tack.<br />

Pour assister à la grande finale du SailGP,<br />

à Marseille du 20 au 22 septembre,<br />

obtenez vos billets sur sailgp.com<br />

THE RED BULLETIN 63


« On vivait le début<br />

d’un truc énorme... »<br />

Il y a trente ans, une révolution culturelle frappait l’Angleterre. Encore<br />

aujourd’hui, l’impact des raves – une scène qui fédérait les sons de Chicago à<br />

Ibiza en passant par Détroit – est toujours palpable dans la création musicale.<br />

Le photographe DAVE SWINDELLS a documenté le Second Summer of Love.


Tottenham Court Road,<br />

Londres, juillet 1988<br />

J’avais entendu dire qu’une fête sauvage<br />

allait avoir lieu à la fin de la soirée <strong>The</strong> Trip<br />

à l’Astoria à trois heures du mat’. Quand cette<br />

bagnole s’est pointée avec ses enceintes<br />

hurlantes et qu’une centaine de personnes<br />

se sont mises à sauter dans tous les sens,<br />

à danser dans la rue et sur le toit d’un abribus<br />

en hurlant « soirée sauvaaage !» et<br />

« aciiiid !», j’ai halluciné. Nous étions juste<br />

à côté du Dominion <strong>The</strong>atre, en plein cœur de<br />

Londres, et on venait de créer un embouteillage.<br />

La police semblait voir en cette scène<br />

l’expression d’une joie de vivre plus qu’une<br />

nuisance, et les fêtards étaient déjà en train<br />

de bouger vers un parking sous-terrain à<br />

plusieurs niveaux. On imagine la tronche des<br />

propriétaires de Porsche venus récupérer<br />

leurs bagnoles au milieu d’une foule de<br />

raveurs underground en furie.<br />

65


Shoom club, Londres, mai 1988<br />

Peu importait à la chanteuse Sacha Souter que son chapeau puisse<br />

éborgner la moitié du dancefloor… La plupart des danseurs étaient<br />

déjà bien allumés de toute façon. En fait, je ne l’ai remarquée qu’à<br />

5 heures, quand les lumières du club se sont rallumées et que les<br />

fêtards sont sortis de leur relatif anonymat, tout en fluorescence.<br />

Avec un autre plan en tête : rejoindre la soirée RIP (pour Revolution<br />

In Progress, ndlr), sur Clink Street, et enchaîner, encore et encore.<br />

Shoom club, Londres, avril 1988<br />

Dans cette salle de sport transformée en club, près de 300 personnes<br />

se pressaient pour écouter le patron, Danny Rampling. Cette nuit-là,<br />

il a joué d’incroyables house et gospel house, le Let <strong>The</strong> Music (Use<br />

You) des Nightwriters ou le Promised Land de Joe Smooth. Dans ce<br />

maelström, j’ai photographié un régulier du Shoom, Andrew Newman.<br />

L’acid house était pour lui un prétexte à se saper à fond, enfilant sa<br />

veste du créateur Stephen Sprouse… et à s’abandonner à la musique.<br />

Ku club, Ibiza, juin 1989<br />

Aujourd’hui, ce club s’appelle le Privilege. À<br />

l’époque, on y entrait à 7 000, et son toit était<br />

énorme, et il était encore à moitié à ciel<br />

ouvert. Donc, quand un violent orage a éclaté<br />

vers 4 heures du matin cette nuit-là, les plus<br />

peureux d’entre nous, parmi lesquels les<br />

artistes Boy George, Fat Tony, Mc Kinky et<br />

Adamski, sont allés se mettre à l’abri. Heureusement,<br />

il restait quelques Anglais toujours<br />

actifs malgré l’averse, tandis que le track<br />

orgiaque de Lil Louis, French Kiss, amenait la<br />

fête à un point culminant pour la troisième<br />

fois dans la soirée. Quand nous sommes enfin<br />

sortis du club à 7 heures, sous le soleil, on a<br />

vu sur le parking toutes ces petites jeeps<br />

Suzuki qui faisaient fureur à l’époque. Elles<br />

étaient bourrées de fêtards... façon sauna.<br />

66 THE RED BULLETIN


Soirée Tribal Dance,<br />

Sudeley Castle,<br />

août 1990<br />

On m’avait demandé de filmer<br />

cette rave en Super 8, j’ai donc<br />

acheté une caméra d’occasion<br />

et j’ai tracé à l’ouest, vers le<br />

Gloucestershire. Une superbe<br />

et chaude nuit, pour une rave<br />

fabuleuse, mais il m’a été impossible<br />

de filmer à cause de la<br />

lumière. J’ai donc activé mon<br />

appareil photo, à la rencontre de<br />

tous ces danseurs. Et ce mec est<br />

sorti du lot : les T-shirts griffés<br />

Joe Bloggs étaient partout cet<br />

été-là. Celui-ci, associé à une<br />

salopette baggy, une chemise<br />

flashy et un sifflet accroché à<br />

un collier perlé faisait de ce<br />

danseur l’archétype du raveur.


Soirée Rage, Heaven club, Londres, 1990<br />

Dans ce club, Fabio et Grooverider faisaient muter la house hardcore avec des rythmes accélérés et hachés, et encore plus de basses grondantes,<br />

préfigurant ce qu’allait être la jungle en 1991. Je voulais donc photographier ces deux DJs innovants, mais alors que je traversais le<br />

dancefloor, ces danseurs sur le podium ont attiré mon attention. Surtout le type à droite, nommé Leeco, qui assurait de brillants mouvements<br />

athlétiques avec ses nouvelles Air Max et son impressionnant pantalon baggy. Quand j’ai posté cette photo il y a quelques années, j’ai été ravi<br />

d’apprendre qu’il avait entrepris depuis une carrière à succès de danseur et de chorégraphe.<br />

68 THE RED BULLETIN


Le photographe, Dave Swindells<br />

Infiltré dans les nuits londoniennes depuis le début des<br />

années 80, Swindells (ici en short au premier plan lors<br />

d’une « rave orbitale ») était parfaitement positionné pour<br />

capturer ces moments pivots de la naissance des raves<br />

au printemps 1988. Les DJs et producteurs locaux Paul<br />

Oakenfold, Danny Rampling et Nicky Holloway avaient<br />

vécu une expérience à Ibiza l’été précédent et voulaient<br />

la transposer dans la scène club anglaise. « C’était intense<br />

et euphorique, de nouvelles fêtes et des raves en extérieur,<br />

tandis que les radios pirates fédéraient de plus<br />

en plus d’auditeurs, se souvient Swindells. Au même<br />

moment, une forme de démocratisation arrivait en Russie,<br />

le mur de Berlin s’effondrait, la révolution de Velours<br />

se déroulait en Tchécoslovaquie et Mandela était finalement<br />

libéré en Afrique du Sud. Comme si les régimes<br />

d’oppression prenaient une claque à travers le monde. »<br />

Sweet Harmony: Rave | Today, une exposition collective<br />

incluant les photos de David Swindells ; Saatchi Gallery,<br />

Londres, jusqu’au 14 septembre ; saatchigallery.com<br />

Soirée Fascinations, Downham Tavern,<br />

Kent, juillet 1988<br />

La première fois que j’ai vu un gyroscope dans une rave, j’ai halluciné.<br />

Que les fêtards aient pris des pilules ou pas, c’était un truc à vous faire<br />

vomir en moins de deux. Le promoteur de la fête, Tony Wilson, mettait<br />

aussi en place des effets pyrotechniques en intérieur, et il bookait<br />

régulièrement deux go-go danseurs venus des Troll, des soirées gays.<br />

Ils se collaient devant les lasers pour envoyer des pas de danse synchronisés<br />

avec les raveurs. Un truc plutôt radical pour l’époque.<br />

Radio pirate Fantasy FM, 1990<br />

Une tour de seize étages, quelque part dans le quartier d’Hackney.<br />

La planque de la radio pirate Fantasy FM. J’ai pu y accéder en promettant<br />

de ne pas révéler l’adresse du studio. En fait, j’avais assisté à leur<br />

démente soirée World of Fantasy à l’Astoria, où ils m’avaient proposé<br />

de passer au studio. J’imaginais y faire une photo des DJs jouant<br />

devant une baie vitrée avec une super vue sur la ville, mais on ne<br />

devait pas voir l’environnement du studio à l’image. Je me suis donc<br />

concentré sur des photos de DJ Stacey aux platines, tandis que DJ<br />

Foxy, alias Mystery Man, qui gérait la radio, était occupé dans le fond<br />

avec un téléphone mobile de la taille d’une brique.<br />

THE RED BULLETIN 69


PLANCHES<br />

DE SALUT<br />

IMANI<br />

WILMOT s’est donné<br />

pour mission de dynamiser<br />

les Jamaïcaines et d’inspirer<br />

toute une génération de<br />

surfeuses afro-caribéennes.<br />

Texte LOU BOYD<br />

Photos ISHACK WILMOT<br />

70 THE RED BULLETIN


THE RIGHT TO ROAM FILMS<br />

L’épanouissement par le surf, en Jamaïque. Le regard vers l’horizon et la mer des Caraïbes,<br />

elles laissent derrière elles une vie rude faite d’abus, de délinquance et de corruption.<br />

THE RED BULLETIN 71


La jeune Imani Wilmot n’a pas<br />

souvent vu de femmes dans<br />

l’océan pendant son enfance<br />

à Eight Miles, Bull Bay, sur la<br />

côte sud-est de la Jamaïque.<br />

Fille de Billy « Mystic » Wilmot, fondateur<br />

de la JSA (Jamaican Surf Association)<br />

et connu localement comme étant le<br />

« Parrain du surf jamaïcain », elle a passé<br />

la majeure partie de son enfance sur la<br />

plage et sur l’eau avec ses frères mais a<br />

vite réalisé que la plupart du temps, elle<br />

était la seule fille. « J’entends dire depuis<br />

toujours aux Jamaïcaines qu’elles doivent<br />

rester hors de l’eau, dit Wilmot, qui dirige<br />

le Jam-nesia Surf Camp à Eight Miles.<br />

Moi, j’ai grandi avec le surf. »<br />

Quand elle commence à participer<br />

à des compétitions de surf, elle croise<br />

toujours le même petit groupe de femmes<br />

originaires d’un peu partout sur l’île.<br />

« Mon école m’a vraiment soutenue, se<br />

souvient Wilmot. On me faisait la fête<br />

quand je remportais des compétitions et<br />

montrais mes trophées mais cela n’empêchait<br />

pas que j’étais la seule surfeuse. J’ai<br />

réalisé à quel point il fallait plus de filles<br />

dans ce sport, à quel point il fallait plus de<br />

filles de couleur à l’eau afin que les autres<br />

réalisent qu’elles pouvaient le faire aussi. »<br />

À 17 ans, Imani fonde sa première<br />

école de surfeuses destinée aux femmes<br />

de la région. La culture caraïbéenne du<br />

surf est rarement représentée dans l’industrie<br />

en général. Bien qu’il y ait notamment<br />

une communauté passionnée et en<br />

pleine croissance en Jamaïque, celle-ci est<br />

négligée dans l’image globale de ce sport.<br />

Pour Wilmot, c’est l’une des principales<br />

raisons pour lesquelles de nombreuses<br />

femmes autour d’elle n’ont pas trouvé<br />

leur place sur l’eau.<br />

Wilmot pense que le changement se<br />

produira quand plus de femmes de couleur<br />

seront visibles dans le surf. « Il s’agit<br />

de prendre soi-même la situation en main<br />

parce que les gens de couleur investissent<br />

le plus d’argent là où ils sont représentés.<br />

Si d’autres femmes me voient animer mes<br />

camps, elles se diront : “Si ces femmes<br />

peuvent le faire, alors moi aussi.” »<br />

Ce qu’offrent les camps de surf de<br />

Wilmot est nécessaire à plus d’un titre :<br />

ils sont devenus un refuge pour de nombreuses<br />

femmes à Bull Bay et dans les<br />

environs. Sur une île où la culture jamaïcaine<br />

peut être particulièrement misogyne<br />

et violente, souligne la presque<br />

trentenaire. « Le camp est un endroit<br />

accueillant et agréable où les filles<br />

peuvent venir et apprendre à surfer,<br />

explique-t-elle. Je me fais beaucoup de<br />

souci pour elles et leur état émotionnel.<br />

Elles ont besoin de sentir qu’elles sont<br />

soutenues, et que leurs rêves et tout ce<br />

qu’elles veulent réaliser dans la vie sont<br />

légitimes. »<br />

C’est sur la plage de Bull Bay que tout<br />

a commencé pour Imani. Aujourd’hui,<br />

elle y organise des camps de surf.<br />

Véritables havres de bienveillance, ces<br />

camps ont attiré de plus en plus de femmes<br />

issues de tous les milieux, qui voulaient<br />

passer un peu de temps loin de leurs soucis.<br />

« Être une femme en Jamaïque, ça peut<br />

être très difficile, dit Wilmot. La façon<br />

dont les gens sont traités est parfois délicate<br />

à gérer et le surf représente un sas de<br />

décompression, un endroit où faire une<br />

pause à l’écart de ce qui se passe dans la<br />

société, que ce soit la corruption, les abus<br />

ou toutes sortes d’épreuves. »<br />

Accompagnant des groupes d’environ<br />

10 à 15 personnes, Wilmot a commencé<br />

à enseigner à de plus en plus de femmes<br />

du coin comment surfer sur les vagues<br />

près de chez elles tout en créant un lieu<br />

où elles peuvent se rencontrer et se soutenir.<br />

« Ce n’est pas forcément lié au surf,<br />

car avec cette communauté, nous partageons<br />

des expériences qui nous aideront<br />

à faire face aux différentes situations.<br />

On ne devrait jamais laisser personne<br />

entreprendre quoi que ce soit en se<br />

sentant seul, perdu et isolé. »<br />

72 THE RED BULLETIN


« J’ai réalisé à<br />

quel point il fallait<br />

plus de filles de<br />

couleur à l’eau. »<br />

Wilmot enseigne le surf et apporte<br />

un soutien émotionnel aux femmes<br />

de la région depuis qu’elle a 17 ans.<br />

THE RED BULLETIN 73


« Le surf attire votre<br />

regard vers l’horizon,<br />

loin des aspects<br />

négatifs de la société. »<br />

L’histoire de Wilmot a récemment été<br />

racontée dans un documentaire réalisé<br />

par les cinéastes britanniques Joya<br />

Berrow et Lucy Jane : Surf Girls Jamaica.<br />

Elles sont allées en Jamaïque pour relater<br />

non seulement le parcours de Wilmot<br />

mais aussi celui d’autres femmes qui se<br />

sont jointes à ses camps de surf. Melissa<br />

Fearon, une femme de la région, qui a<br />

découvert les camps alors qu’elle traversait<br />

des difficultés dans sa vie, a retenu<br />

l’attention des cinéastes et est devenue un<br />

personnage important dans leur récit.<br />

« Grandir en Jamaïque, c’est dur, dit<br />

Fearon dans le film. En tant que femme,<br />

c’est dur. Il n’y a pas de relations<br />

sérieuses ; baiser, ça ne représente rien.<br />

Si un homme vous viole, on dira que vous<br />

l’avez provoqué. » Les problèmes personnels<br />

de Fearon incluent son arrestation<br />

pour tentative de contrebande de marijuana<br />

aux États-Unis. « L’esclavage mental<br />

dans lequel nous grandissons, les classes<br />

sociales et la question raciale, la classe<br />

moyenne supérieure, les beaux quartiers<br />

et le centre-ville, cela nous affecte, ditelle.<br />

Les gens ne parviennent pas à trouver<br />

l’argent nécessaire pour s’instruire<br />

alors ils se retrouvent à faire un job qu’ils<br />

ne veulent pas faire. Pour moi, ce job était<br />

de transporter de l’herbe aux États-Unis,<br />

et suite à cela, j’ai été condamnée à deux<br />

ans de travaux forcés dans une prison<br />

pour femmes. Ne pas pouvoir trouver un<br />

emploi convenable parce que j’ai un casier<br />

judiciaire, ça a changé ma vie ; ça m’a<br />

vraiment rendue instable. »<br />

C’est à cette époque que Fearon a commencé<br />

à surfer avec Wilmot. Peu à peu<br />

ses perspectives ont commencé à changer.<br />

« Un jour, je suis arrivée sur la plage et<br />

Imani m’a dit : “Viens surfer avec moi”,<br />

se souvient-elle. Le surf m’a aidée à me<br />

libérer, à retrouver un certain niveau<br />

d’unité avec moi-même, avec ce que je<br />

ressentais, à me sentir valorisée. » Après<br />

avoir rejoint les camps, elle a commencé<br />

à s’impliquer dans la mission de Wilmot.<br />

« Mel voit tous ces changements en elle<br />

et elle aime ça, dit Wilmot. Elle souhaite<br />

transmettre cela à d’autres. Elle veut être<br />

coach et faire découvrir l’idée que ce<br />

sport peut vraiment changer une vie. »<br />

Des images du documentaire Surf Girls Jamaica qui vous<br />

immerge dans une communauté où le surf devient nécessaire.<br />

L’efficacité du surf comme forme de<br />

thérapie est connue depuis des dizaines<br />

d’années. Ces camps ne sont pas les premiers<br />

à utiliser le sport comme moyen<br />

d’éducation sociale. Mais Wilmot a<br />

apporté quelque chose de totalement<br />

nouveau dans son voisinage. Et les camps<br />

sont un reflet d’elle-même : attentionnée<br />

et solidaire, mais s’attendant aussi à ce<br />

que les membres déploient tous les efforts<br />

possibles.<br />

« Le surf est l’un des sports les plus<br />

positifs qui existent parce qu’il attire le<br />

regard vers l’horizon, loin des aspects<br />

négatifs de la société, pointe Wilmot.<br />

L’océan est beaucoup plus grand que<br />

nous ; il n’est pas confiné. Si vous pouvez<br />

puiser dans cette force et l’utiliser pour<br />

quelque chose de positif, pour un bien<br />

global, cela ne peut être qu’une bonne<br />

chose. »<br />

Regardez Surf Girls Jamaica sur la chaîne<br />

Real Stories sur YouTube. En bouclant ce<br />

numéro, nous avons reçu la triste nouvelle<br />

qu’un incendie avait détruit la maison de<br />

Billy Wilmot, le père d’Imani. Les liens pour<br />

soutenir la reconstruction de ce haut lieu<br />

du surf local sont sur le compte Instagram :<br />

@jamnesiasurf<br />

THE RIGHT TO ROAM FILMS<br />

74 THE RED BULLETIN


ALPHATAURI.COM


RED BULL SANS SUCRE<br />

MAIS RED BULL QUAND MÊME.<br />

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guide<br />

au programme<br />

LES YEUX AU CIEL<br />

Cette méthode permet<br />

aux grimpeurs de s’entraîner<br />

les yeux fermés,<br />

comme sur une paroi.<br />

PAGE 82<br />

MINECRAFT<br />

Le jeu à succès envahit<br />

nos smartphones et<br />

s’est déjà incrusté dans<br />

notre quotidien.<br />

PAGE 84<br />

COUVREZ-VOUS<br />

L’été est aussi la<br />

meilleure saison pour<br />

réfléchir à quoi porter<br />

quand il fera froid.<br />

PAGE 88<br />

ZAHARA ABDUL<br />

NYEGE NYEGE<br />

Oubliez les festivals<br />

branchés en Stan<br />

Smith… le top du top<br />

est en Ouganda !<br />

PAGE 78<br />

THE RED BULLETIN 77


G U I D E<br />

Faire.<br />

Ça percute ! Avec ces Burundais membres du collectif funk <strong>The</strong> Kuruka Chama.<br />

LE FESTIVAL D’UNE VIE<br />

PLUS RAPIDE EST<br />

LA VITESSE DU SON<br />

L’électro futuriste rencontre les sons traditionnels de<br />

l’Afrique orientale sur les bords du Nil : Gareth Main<br />

assiste en Ouganda à un festival hautement palpitant.<br />

Il est deux heures du matin, l’air<br />

humide est saturé de fumée de<br />

cigarette, la musique est forte<br />

et je me tiens au milieu d’une<br />

foule dense. Sur scène, le Nilotika<br />

Culture Ensemble et ses trente<br />

musiciens s’éclatent sur des tambours<br />

de toutes sortes, tandis que<br />

dans le public, les corps s’agitent<br />

et sautillent au rythme des percus.<br />

On a l’impression d’être pris<br />

au milieu d’un joyeux chaos et<br />

pourtant tous sont au diapason,<br />

les percussionnistes au taquet et<br />

la musique incroyable. Les nombreux<br />

musiciens, tous des<br />

La DJ somalienne Hibotep et ses mixes ultra branchés.<br />

78 THE RED BULLETIN


voyage<br />

ÉCHAPPEZ-VOUS<br />

UN TRIP COPIEUX<br />

Mangez un Rolex et goûtez à la fontaine de<br />

jouvence : ce qu’il faut savoir avant votre<br />

départ pour la perle de l’Afrique.<br />

Le festival a lieu au<br />

début de la deuxième<br />

saison des pluies qui<br />

s’étend de septembre<br />

à novembre. La température<br />

en journée avoisine<br />

les 28 degrés.<br />

Quatre jours de son non-stop : au Nyege Nyege, la musique ne s’arrête jamais.<br />

Rép. démo.<br />

du Congo<br />

Ouganda<br />

Nil<br />

Kampala<br />

Jinja<br />

Kenya<br />

Rwanda<br />

MONNAIE<br />

SHILLING OUGANDAIS (UGX)<br />

Pas de subdivision<br />

1 € = 4 200 shillings<br />

Si à 50 ans, on n’a pas mangé un Rolex sur un festoche en Ouganda…<br />

ZAHARA ABDUL PHOTOGRAPHY GARETH MAIN<br />

virtuoses, déroulent sans relâche<br />

à un rythme effréné. Je n’ai<br />

jamais rien écouté de tel auparavant.<br />

Comme hypnotisé par le son<br />

(et le gin local), je renonce à<br />

compter le nombre d’artistes qui<br />

varie constamment. Je me laisse<br />

porter. La troupe ougandaise de<br />

percussionnistes finit par s’arrêter,<br />

je suis étourdi. Combien de<br />

temps ont-ils joué ? Quelle heure<br />

est-il ? Cela n’a plus importance.<br />

Je viens de recevoir ma première<br />

leçon ougandaise : ici, la vie<br />

ne s’arrête jamais. On le pressent<br />

dès l’arrivée à l’aéroport d’Entebbe<br />

où une mêlée de chauffeurs de<br />

taxi annonce le prix de la course<br />

aux clients potentiels. Ce comité<br />

d’accueil dynamique n’est qu’un<br />

Ma première<br />

leçon ougandaise :<br />

ici, la vie ne<br />

s’arrête jamais.<br />

avant-goût de l’énergie qui anime<br />

le festival Nyege Nyege, situé à<br />

Jinja, que l’on atteint après quatre<br />

de route en plus des douze heures<br />

de vol depuis l’Europe.<br />

Les trois premières éditions<br />

du festival ont suscité un grand<br />

intérêt des médias internationaux.<br />

<strong>The</strong> Guardian, CNN, la BBC<br />

et Rolling Stone ont tous loué<br />

sa programmation novatrice.<br />

Le magazine londonien FACT le<br />

SE NOURRIR<br />

ROLEX<br />

Impossible de se rendre<br />

en Ouganda sans goûter<br />

au Rolex, une omelette<br />

avec des légumes<br />

enroulés dans un chapati.<br />

PORC<br />

Si vous aimez la viande,<br />

optez pour ces<br />

restaurants servant<br />

2 kilos de porc frit pour<br />

environ 6 €.<br />

POSHO<br />

Les plats ougandais<br />

se veulent aussi appétissants<br />

que pratiques.<br />

Le posho, une pâte à base<br />

de maïs, incarne bien<br />

cette idée et s’utilise<br />

comme du pain avec les<br />

plats et les sauces.<br />

BON À SAVOIR<br />

ORIGINE<br />

C’est à Jinja, ville<br />

d’accueil du Nyege Nyege,<br />

que le Nil prend sa source.<br />

RECORD<br />

Environ 50 % de la<br />

population a moins de<br />

15 ans, ce qui en fait le<br />

deuxième pays le plus<br />

jeune, après le Niger.<br />

VIE SAUVAGE<br />

L’Ouganda est l’un des<br />

trois pays d’Afrique (avec<br />

le Rwanda et la RDC)<br />

où vivent des gorilles de<br />

montagne en liberté.<br />

DIALECTES<br />

On en dénombre plus<br />

de quarante dans le pays.<br />

Le luganda est le<br />

plus parlé.<br />

THE RED BULLETIN 79


G U I D E<br />

Faire.<br />

voyage<br />

SANS VOUS DÉPLACER<br />

PÉPITES D’AILLEURS<br />

Les initiateurs du festival dirigent<br />

aussi deux labels : Nyege Nyege Tapes et<br />

Hakuna Kulala. Ces trois albums sont<br />

emblématiques d’un catalogue à découvrir.<br />

À ÉCOUTER<br />

Danse ancestrale et rythmes électro pour le show d’un héros local, Faizal Mostrixx.<br />

NIHILOXICA – NIHILOXICA<br />

Fruit d’une collaboration entre les percussionnistes du<br />

Nilotika Culture Ensemble et les Anglais Jacob Maskell-<br />

Key (batterie) et Pete Jones (synthés), l’album est un<br />

florilège de sons inédits issus de sources traditionnelles.<br />

SLIKBACK – TOMO<br />

Un EP aux beats intenses et agressifs, typique de ce<br />

producteur kenyan qui repousse les limites de la bass<br />

music. Retrouvez-le lors de la soirée Double Jeu du<br />

<strong>Red</strong> Bull Music Festival Paris le 28 septembre.<br />

COMPILATION – SOUNDS OF SISSO<br />

Sisso, producteur du label éponyme, est le créateur<br />

du Singeli, une musique dance au rythme dément.<br />

Il a également popularisé la scène underground de<br />

Dar es Salam (Tanzanie) à travers le monde.<br />

qualifie même de « meilleur<br />

festival de musique électro au<br />

monde ». Le mélange de musique<br />

électronique contemporaine,<br />

avant- gardiste et de musiques traditionnelles<br />

d’Afrique centrale et<br />

orientale (près des 80 % des plus<br />

de 200 artistes présents sont africains)<br />

n’a pas d’équivalent dans<br />

le monde. Le seul point commun<br />

avec un festival européen de taille<br />

moyenne plus traditionnel est la<br />

nature du site : un camping avec<br />

une demi-douzaine de scènes.<br />

Néanmoins, le lieu (une magnifique<br />

forêt le long du Nil), la<br />

nourriture (il faut goûter au<br />

Rolex), et l’absence d’heure de<br />

fin font que la musique est jouée<br />

non-stop durant les quatre jours<br />

du festival.<br />

L’an dernier, à la veille de la<br />

quatrième édition du festival dont<br />

le nom signifie « excité, excité »,<br />

le pasteur Simon Lokodo, ministre<br />

d’État ougandais à l’éthique et à<br />

l’intégrité, tente d’annuler le festival<br />

pour incitation des jeunes à<br />

l’homosexualité. Un procès d’un<br />

autre âge qui n’altéra aucunement<br />

la motivation des près de 9 000 festivaliers<br />

présents sur cette édition.<br />

Nous avons cherché à comprendre<br />

la signification de « nyege nyege »<br />

dans le dialecte local lugandais,<br />

qui le décrit comme « une envie<br />

soudaine et irrépressible de bouger,<br />

de danser », une description<br />

que la musique estampillée « traditionnelle<br />

» par la programmation<br />

semble incarner au mieux. Parmi<br />

les phénomènes à l’affiche lors de<br />

notre venue, Otim Alpha, ex-kickboxeur<br />

natif de Gulu, au nord de<br />

l’Ouganda. Le voir se déchaîner<br />

en chemise tie-dye sur sa géniale<br />

musique électro Acholi vaut son<br />

pesant d’or.<br />

Sa musique tourne à plus de<br />

160 BPM, soit environ 50 % plus<br />

rapide qu’un rythme disco moyen.<br />

Et celle de Sisso se base sur un<br />

rythme encore plus rapide. Ses<br />

sets de plusieurs heures ne descendent<br />

jamais en deçà de<br />

200 BPM. Musicalement, cela<br />

équivaut à la différence d’accélération<br />

entre une deux-chevaux<br />

et une voiture de sport.<br />

Ne jamais s’arrêter, tel est le<br />

mot d’ordre du Nyege Nyege, et<br />

si vous pensez avoir déjà expérimenté<br />

un festival épuisant,<br />

celui-ci mettra votre endurance<br />

à rude épreuve. Mais il est surtout<br />

une exploration perpétuelle de<br />

sons extraordinaires sur les bords<br />

du Nil, au cœur des ténèbres.<br />

Nyege Nyege, 5 au 8 septembre,<br />

Jinja, Ouganda ; nyegenyege.com<br />

ZAHARA ABDUL PHOTOGRAPHY GARETH MAIN<br />

80 THE RED BULLETIN


HORS DU COMMUN<br />

Le prochain numéro le 19 septembre avec et le 3 octobre avec<br />

dans une sélection de points de vente et en abonnement<br />

DENIS KLERO / RED BULL CONTENT POOL


G U I D E<br />

Faire.<br />

fitness<br />

Le grimpeur Michi<br />

Wohlleben, confiant<br />

en la méthode Isele.<br />

PROJETEZ-VOUS<br />

LES YEUX<br />

FERMÉS<br />

Grâce à la visualisation,<br />

ils peuvent améliorer<br />

leurs meilleures perfs :<br />

mode d’emploi.<br />

PRÉPARATION<br />

Connaître les différentes<br />

sections de l’ascension aussi<br />

bien que possible.<br />

POINT DE DÉPART<br />

Tout lieu paisible fera l’affaire.<br />

Mais le point de départ idéal<br />

dépendra de l’atmosphère particulière<br />

qui y règne.<br />

PROCESSUS DE RÉFLEXION<br />

Fermer les yeux. Puis mimer<br />

l’escalade en effectuant chaque<br />

geste et, très important, en<br />

sollicitant les muscles comme<br />

si vous y étiez.<br />

VISUALISATION 2.0<br />

LA FORCE<br />

DE L’ESPRIT<br />

L’Autrichien Klaus Isele a mis au point<br />

une méthode d’entraînement assurant<br />

aux grimpeurs de réaliser le maximum<br />

pendant leurs performances.<br />

La méthode Isele aide les grimpeurs à<br />

simuler chaque détail d’une ascension.<br />

Comment les grimpeurs se préparent-ils<br />

pour leurs grands rendez-vous<br />

? Avant tout en visualisant<br />

la voie d’escalade. L’ostéopathe Klaus<br />

Isele a travaillé pendant dix ans avec<br />

l’équipe nationale autrichienne d’escalade<br />

et affirme que cet exercice à sec offre un<br />

potentiel énorme.<br />

Le point de départ de leurs recherches<br />

a été le souci de maintenir les grimpeurs<br />

en forme durant les périodes d’inactivité,<br />

avec pour objectifs de limiter la perte de<br />

masse musculaire et préserver une<br />

mémoire précise des mouvements. Pour<br />

ce faire, Isele a une solution : la Visualisation<br />

2.0, plus intensive que celle pratiquée<br />

jusque-là par les grimpeurs. Cette visualisation<br />

se fait allongé sur le dos, les yeux<br />

fermés, avec une précision et une intensité<br />

physique comparables à celles qu’ils<br />

expérimentent sur un mur.<br />

Le meilleur grimpeur allemand Michi<br />

Wohlleben ne jure que par la technique<br />

Isele. Elle améliore sa mobilité et lui permet<br />

d’intérioriser une multitude d’automatismes<br />

tout en sollicitant moins son<br />

corps. Résultat : Wohlleben a escaladé il<br />

y a quelques semaines la voie la plus difficile<br />

de sa carrière (difficulté 9a).<br />

physioandclimb.com<br />

LES DÉTAILS<br />

La précision, c’est l’alpha et<br />

l’oméga ! Prêter une grande<br />

attention à chaque détail, seule<br />

façon de bien mémoriser les<br />

gestes. Les mauvaises habitudes<br />

ont la vie dure.<br />

LA PASSION<br />

S’impliquer émotionnellement<br />

dans la situation permet au<br />

corps, à l’esprit et au cœur<br />

d’œuvrer de concert pour<br />

une fluidité totale.<br />

« La visualisation<br />

exige une parfaite<br />

harmonie entre le<br />

corps et l’esprit. »<br />

Klaus Isele,<br />

ostéopathe,<br />

physiothérapeute<br />

et coach d’escalade<br />

MORITZ ATTENBERGER, ANNELIESE ISELE TOM MACKINGER FLORIAN OBKIRCHER<br />

82 THE RED BULLETIN


G U I D E<br />

Faire.<br />

gaming<br />

PENSÉE CONSTRUCTIVE<br />

UNE PIERRE À L’ÉDIFICE<br />

Avec Minecraft Earth, les joueurs<br />

collaborent à des tâches via la RA.<br />

Si beaucoup y voient une version numérique du jeu de Lego, Minecraft<br />

n’en est pas moins un outil puissant capable d’améliorer notre réalité.<br />

FICHE<br />

EXPERT<br />

MARK<br />

LORCH<br />

FORMATEUR<br />

MINECRAFT<br />

Biochimiste,<br />

auteur et professeur<br />

en sciences de la<br />

communication<br />

à l’Université de Hull<br />

( Angleterre),<br />

Mark Lorch utilise<br />

Minecraft pendant<br />

ses cours afin de<br />

modéliser des molécules.<br />

Il a collaboré<br />

avec Microsoft pour<br />

ajouter un module<br />

de chimie au jeu,<br />

intitulé MolCraft.<br />

Avec plus de 176 millions<br />

d’exemplaires achetés,<br />

Minecraft est le jeu le<br />

plus vendu au monde. Son<br />

graphisme pixelisé où l’on se<br />

déplace gauchement pour<br />

couper des arbres, construire<br />

des maisons et éliminer des<br />

zombies touchent à des instincts<br />

profonds de l’humain.<br />

À présent, Minecraft Earth, la<br />

version smartphone à réalité<br />

augmentée permet de s’approprier<br />

ce monde fait de blocs.<br />

Mais à vrai dire, il fait partie<br />

de notre réalité depuis un moment<br />

déjà. « En 2013, Google<br />

crée le mod qCraft qui permet<br />

d’illustrer de manière simplifiée<br />

la physique quantique à<br />

l’aide de blocs représentant la<br />

superposition et l’intrication<br />

quantique en fonction du<br />

point de vue du joueur. » Le<br />

potentiel est illimité selon<br />

Mark Lorch, expert Minecraft.<br />

minecraft.net/earth<br />

vez une simulation Minecraft<br />

3D accessible, les<br />

gens peuvent s’y plonger<br />

et collaborer, explique<br />

Lorch. Elle élimine la barrière<br />

des connaissances<br />

techniques et tous les<br />

risques potentiels. »<br />

JOUER AVEC L’INFINI-<br />

MENT PETIT<br />

Biochimiste, Lorch a développé<br />

MolCraft à partir de<br />

Minecraft pour modéliser<br />

les molécules de protéines<br />

et d’ADN en 3D.<br />

« Minecraft a l’avantage<br />

d’être facilement modulable<br />

pour visualiser les<br />

Les réalisations des joueurs sont visibles sur<br />

smartphone avec l’appli Minecraft Earth.<br />

CONSTRUIRE UN MONDE<br />

MEILLEUR<br />

La fondation Block by<br />

Block soutenue par l’ONU<br />

(blockbyblock.org)<br />

illustre bien la façon dont<br />

Minecraft met des projets<br />

complexes à la portée<br />

de tous. Dans le cadre<br />

d’ateliers, les résidents<br />

d’un quartier participent<br />

à la planification des<br />

espaces publics recréés<br />

dans Minecraft : des<br />

enfants éclairent le chemin<br />

menant à leur maison,<br />

des habitants du Kosovo<br />

créent leur premier skate<br />

park, etc. « Si vous concestructures<br />

3D, précise-t-il.<br />

Plus polyvalent que les<br />

autres logiciels de visualisation<br />

moléculaire, il permet<br />

de se mouvoir autour<br />

des molécules comme le<br />

montrent mes tutoriels de<br />

biochimie accessibles sur<br />

le serveur Minecraft. »<br />

CREUSER LE FOND<br />

Vous pensez maîtriser<br />

Minecraft après avoir<br />

construit votre première<br />

pyramide avec ascenseur<br />

? Attendez de voir la<br />

carte topographique de la<br />

Grande-Bretagne réalisée<br />

par la British Geological<br />

Society. « La carte inclut<br />

toutes les strates du sol,<br />

précise Lorch. Vous pouvez<br />

creuser la couche<br />

arable jusqu’à atteindre<br />

toutes les strates disponibles.<br />

Les données<br />

d’études de haut niveau<br />

sont ainsi ouvertes à un<br />

plus large public. »<br />

FORMER L’INTELLIGENCE<br />

ARTIFICIELLE<br />

« Microsoft utilise<br />

Minecraft pour son projet<br />

Malmö, une plateforme<br />

d’expérimentation IA »,<br />

explique Lorch. Concevoir<br />

un robot et le lâcher<br />

dans la nature pour finir<br />

au fond d’une étendue<br />

d’eau est un moyen coûteux<br />

d’entraîner son cerveau.<br />

Minecraft fournit<br />

une simulation adaptable<br />

clé en main où les objectifs<br />

de l’IA peuvent être<br />

définis. « L’Intelligence<br />

Artificielle apprend et<br />

reproduit nos actions<br />

en les observant. Au plus<br />

près de la réalité. »<br />

FABRIQUER DE VRAIS<br />

OBJETS<br />

Minecraft est un bac à<br />

sable polyvalent capable<br />

d’échapper au virtuel.<br />

« Minecraft peut exporter<br />

des objets dans le monde<br />

réel. Certains modes<br />

enregistrent vos<br />

constructions dans des<br />

formats compatibles<br />

avec l’imprimante 3D,<br />

poursuit Lorch. Un logiciel<br />

de CAO (Conception<br />

assistée par ordinateur,<br />

ndlr) permet aussi de<br />

transférer dans le jeu<br />

les objets conçus. »<br />

MICROSOFT MATT RAY<br />

84 THE RED BULLETIN


Voir.<br />

août/septembre<br />

FAITES LE<br />

PLEIN DE<br />

COURSES<br />

Au menu ce mois-ci sur<br />

<strong>Red</strong> Bull TV, une course auto<br />

off-road dans le Wisconsin,<br />

du VTT héroïque dans les<br />

Appalaches et un rallye dans<br />

les vignobles allemands.<br />

Chaud devant !<br />

1<br />

er<br />

septembre LIVE<br />

COUPE DU MONDE<br />

À CRANDON<br />

Le circuit International Off-Road Raceway, situé dans le<br />

Wisconsin, est l’un des plus réputés au monde, un graal<br />

dans les sports mécaniques. Dédié au hors-piste, il attire<br />

chaque année de plus en plus de fans de courses sur tracé<br />

court : plus de 40 000 spectateurs sont attendus sur<br />

cette édition. Sensations fortes garanties.<br />

Bryce Menzies : l’as<br />

du off-road et vétéran<br />

du circuit Crandon.<br />

DANIEL SCHENKELBERG, JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL<br />

REGARDEZ<br />

RED BULL TV<br />

PARTOUT<br />

<strong>Red</strong> Bull TV est une chaîne de<br />

télévision connectée : où que<br />

vous soyez dans le monde,<br />

vous pouvez avoir accès aux<br />

programmes, en direct ou en<br />

différé. Le plein de contenus<br />

originaux, forts et créatifs.<br />

Vivez l’expérience sur redbull.tv<br />

6au 8 septembre LIVE<br />

UCI MTB WORLD CUP<br />

FINAL, SNOWSHOE (USA)<br />

Située dans les Appalaches, en Virginie-Occidentale,<br />

Snowshoe accueille pour la première fois la CM de<br />

VTT au moment où le championnat <strong>2019</strong> approche<br />

de son dénouement. Qui sera sur le podium ?<br />

23<br />

au 25 août LIVE<br />

RALLYE D’ALLEMAGNE<br />

De l’action vous attend dans les vignobles proches<br />

de la Moselle. Premier rallye sur route de la saison,<br />

le Rallye d’Allemagne exige des réglages auto très<br />

différents. Ott Tänak et Martin Järveoja alignerontils<br />

une troisième victoire consécutive ?<br />

THE RED BULLETIN 85


12<br />

au 22 sept.<br />

Faire.<br />

Scopitone<br />

Festival<br />

Le Marché d’Intérêt National<br />

accueille la 18 e édition du festival<br />

nantais. Dix jours de festivités<br />

musicales et numériques avec<br />

expositions, performances,<br />

installations immersives,<br />

concerts et DJs sets. Un lieu<br />

emblématique que pourront<br />

découvrir les 60 000 festivaliers<br />

avant sa destruction !<br />

Nantes ; stereolux.org<br />

23<br />

au 25 août<br />

Start to play<br />

Le festival des jeux vidéo et du<br />

esport revient à Strasbourg avec<br />

un programme copieux : gaming<br />

zone en accès libre, des zones<br />

rétrogaming et PC, des bornes<br />

d’arcades, un espace de réalité<br />

virtuelle, des tournois d’esport,<br />

et même un concert. Grâce à un<br />

tirage au sort très original, vous<br />

pourrez rejoindre Luffy, l’un des<br />

patrons de Street Fighter, dans<br />

l’espace VIP, pour un moment<br />

privilégié d’échange et de jeu.<br />

Strasbourg ; start-to-play.fr<br />

G U I D E<br />

14<br />

et 15 septembre<br />

FINIST’AIR SHOW<br />

Rendez-vous en terre bretonne pour l’un des événements les<br />

plus emblématiques du FMX et du BMX Dirt ! Les plus grands<br />

riders internationaux se réunissent à Briec pour présenter leurs<br />

dernières figures et offrir un show unique aux spectateurs.<br />

Parmi eux, le double médaillé des derniers X Games Tom Pagès<br />

(photo), ou encore l’Espagnol Dany Torres. Le public pourra<br />

à son tour s’essayer au BMX ou au mini-bike, et profiter de<br />

nombreuses animations sur site.<br />

Briec ; finistairshow.fr<br />

30 8<br />

août au 1 er sept.<br />

Braderie de Lille<br />

Lille devient, cette année encore,<br />

la capitale mondiale de la chasse<br />

aux bonnes affaires ! Près de<br />

deux millions de personnes envahiront<br />

durant 2 jours et 2 nuits les<br />

rues du centre-ville à la recherche<br />

de la perle rare, ou tout simplement<br />

pour déguster les fameuses<br />

moules-frites locales et s’imprégner<br />

de la chaleureuse ambiance<br />

lilloise. Rendez-vous le premier<br />

week-end de septembre.<br />

Lille ; braderie-de-lille.fr<br />

nov. au 20 déc.<br />

Oxmo Puccino<br />

Le rappeur franco-malien prépare<br />

son grand retour ! Après l’annonce<br />

de la sortie de son nouvel album<br />

La nuit du réveil, l’une des voix les<br />

plus singulières du rap français<br />

repart en tournée. À partir du<br />

mois de novembre, il sillonnera<br />

la France pour faire découvrir<br />

ses compositions à son public.<br />

Il y aura forcément une date près<br />

de chez vous et pour les Parisiens,<br />

ça se passera en décembre à<br />

La Cigale, les 8, 9 et 10.<br />

Partout en France ; oxmo.net<br />

JEAN-FRANCOIS MUGUET, REMY GOLINELLI, LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL, DAVID GALLARD<br />

86 THE RED BULLETIN


août- septembre<br />

13 26<br />

août<br />

au 15 sept.<br />

L’expérience<br />

Hello Birds<br />

Le festival Hello Birds prolonge<br />

l’été, les pieds dans l’eau, sur la<br />

côte d’Émeraude à Saint-Malo.<br />

Monté par une bande de copains<br />

amoureux de la Bretagne et de la<br />

Normandie, Hello Birds propose<br />

un format inédit mêlant musique,<br />

balades sportives en pleine nature<br />

et expériences culinaires.<br />

Une invitation (gratuite) à découvrir<br />

le paysage côtier dans une<br />

ambiance festive. Saint-Malo ;<br />

hellobirdsfestival.fr<br />

au 1 er sept.<br />

Ultra-Trail du<br />

Mont-Blanc<br />

Ils seront près de 10 000 à s’élancer<br />

à l’assaut du massif du Mont-<br />

Blanc fin août. Une aventure qui<br />

emmènera l’élite mondiale et les<br />

coureurs passionnés sur les chemins<br />

français, italiens et suisses<br />

du célèbre massif. Cette course<br />

de 171 km mobilise aussi bien<br />

l’endurance que le sens de l’orientation<br />

puisqu’elle se déroule hors<br />

des sentiers battus. Attention à<br />

la préparation ! Mont-Blanc ;<br />

utmbmontblanc.com<br />

7septembre<br />

<strong>Red</strong> Bull Dance<br />

Your Style<br />

La cité phocéenne se déhanchera<br />

sous l’impulsion des seize danseurs<br />

venus s’affronter pour la<br />

finale nationale du <strong>Red</strong> Bull Dance<br />

Your Style. Après une sélection en<br />

régions, les finalistes se retrouveront<br />

pour d’ultimes battles sur le<br />

rooftop R2 de Marseille. Sur des<br />

tubes intemporels, ils devront<br />

tenter, à l’aide de leurs meilleurs<br />

moves, de séduire le public,<br />

seul juge de la compétition.<br />

Marseille ; redbull.com<br />

THE RED BULLETIN 87


GORE C7 SHAKEDRY<br />

Les activités cardios comme le vélo rendent<br />

accro, c’est connu. Dès les premiers résultats,<br />

on en veut toujours plus et les objectifs<br />

sont sans cesse revus à la hausse. Cette<br />

veste vous aidera à les atteindre par tous les<br />

temps. Très respirante et ne pesant que 85 g,<br />

sa membrane se passe de tissu extérieur,<br />

évite au corps de se refroidir et a l’avantage<br />

d’être aussi imperméable que le Téflon.<br />

279,95 € ; gorewear.com<br />

PRENEZ<br />

UNE VESTE<br />

Seconde peau légère et technique, veste confortable et robuste<br />

ou style urbain, anticipez le choix de votre prochaine veste.<br />

Texte SHANNON DAVIS


G U I D E<br />

LÉGER ET ÉTANCHE<br />

TOPO DESIGNS ULTRALIGHT<br />

On assure bien sa voiture, sa baraque et sa santé<br />

alors pourquoi pas sa prochaine course, randonnée<br />

ou escalade ? La veste UL de TOPO est l’une<br />

des polices d’assurance les moins chères du marché.<br />

Elle vous assurera contre le vent et la pluie.<br />

Design ingénieux, épuré et élégant, elle tient dans<br />

une poche de poitrine ; se range facilement ou se<br />

fixe à un harnais d’escalade.<br />

80 € ; topodesigns.com<br />

Cette veste<br />

vous protège<br />

lorsque pluie<br />

et vent viennent<br />

corser les dernières<br />

bornes<br />

de la course.<br />

STIO SECOND LIGHT<br />

En haute montagne, la météo peut vite se dégrader.<br />

Et sur la chaîne Teton dans les Rocheuses,<br />

lieu d’origine de Stio, le vent sur les crêtes n’est<br />

pas une éventualité mais une certitude. Cette<br />

veste est pensée pour les coureurs à pied, les<br />

grimpeurs et les skieurs. Elle tient dans un mouchoir<br />

de poche (114 g) et fournit, si besoin est,<br />

la couche supplémentaire pour aller au bout.<br />

Sobre, elle peut aussi se porter en ville.<br />

105 € ; stio.com<br />

VARCTERYX INCENDO SL<br />

Véritable tour de force, l’Incendo atteint, pliée, la<br />

taille de deux sachets de gel énergétique et est si<br />

légère qu’on peut y voir à travers. Très innovante,<br />

elle semble faite pour courir sur Mars. Mais on la<br />

recommande aussi sur Terre. Le tissu ripstop au<br />

niveau du torse et des bras protège du vent et des<br />

intempéries tandis qu’une couche respirante au<br />

dos et sous les aisselles régule la température.<br />

Le tout pour moins de 80 g.<br />

120 € ; arcteryx.com<br />

OUTDOOR RESEARCH<br />

REFUGE AIR HOODED<br />

Encore un bon déjeuner au soleil ? Ne vous faites<br />

pas d’illusions : l’hiver approche. La Refuge Air est<br />

une veste de demi-saison idéale. Isolante et poids<br />

plume, elle s’adapte à la température de votre<br />

corps grâce à son traitement “Active-temp” qui<br />

modifie la surface de la doublure en fonction de<br />

la température du corps. Plus elle est élevée, plus<br />

le tissage se dilate pour augmenter la ventilation.<br />

203 € ; outdoorresearch.com<br />

FJÄLLRÄVEN<br />

HIGH COAST SHADE<br />

Cette veste en polyester recyclé et coton biologique<br />

convient aux randonnées durant les saisons<br />

et dans les régions où le soleil tape plus<br />

fort qu’on ne le souhaite. La veste que tous les<br />

concurrents de l’émission Retour à l’instinct<br />

primaire auraient aimé avoir. Et pour plus d’imperméabilisation,<br />

Fjällräven propose un mélange<br />

de paraffine et de cire d’abeille à enduire sur la<br />

veste. 185 € ; fjallraven.com<br />

THE RED BULLETIN 89


COLUMBIA OUTDRY<br />

EX ALTA PEAK<br />

Une veste pour les milieux froids et<br />

humides. La couche extérieure Outdry<br />

est imperméable, résistante et respirante,<br />

et la couche intérieure évacue<br />

l’humidité. Les coutures sont étanches<br />

et son pouvoir gonflant est de 700.<br />

Si vous prenez de l’altitude cet hiver,<br />

vous ne l’enlèverez jamais.<br />

280 € ; columbia.com


G U I D E<br />

CHAUD ET CONFORTABLE<br />

Cette veste est<br />

l’une des plus<br />

chaudes sur<br />

le marché.<br />

SITKA GRINDSTONE<br />

Sitka naît au cœur du Montana après que deux<br />

amis, partis chasser sans vêtements adaptés,<br />

ont été victimes d’une hypothermie. Depuis,<br />

l’entreprise de textiles pour la chasse connaît<br />

une forte croissance aux États-Unis. Grindstone<br />

ne se limite pas à un usage pour la chasse ou<br />

l’alpinisme ; très résistante, elle inclut outre<br />

une couche coupe-vent Goretex, une isolation<br />

Primaloft Silver. De quoi traverser plusieurs<br />

saisons en montagne. 250 € ; sitkagear.com<br />

SMARTWOOL SMARTLOFT 60<br />

Sa laine tient chaud, même mouillée, et ses<br />

propriétés naturelles repoussent les odeurs.<br />

Le filage fin moderne la rend aussi douce qu’une<br />

plume. La doublure et le duvet sont en laine (dont<br />

50 % en laine recyclée), et le revêtement en nylon<br />

bloque le vent et des intempéries. Bref, cette<br />

veste est un bijou, et votre meilleure amie pour<br />

les randonnées automnales.<br />

195 € ; smartwool.com<br />

BLACKYAK NIATA<br />

Si vous rêvez de haute montagne, vous savez que<br />

le froid, le vent, le soleil et le manque d’oxygène y<br />

rendent la vie difficile. La doudoune Niata ne protège<br />

pas de l’hypoxie, mais elle améliore votre<br />

confort grâce à sa coupe bien ajustée, ses inserts<br />

extensibles au dos et sa capuche élastique qui<br />

s’ajuste d’elle-même et vous évite toute prise de<br />

tête avec les cordons de serrage. C’est la meilleure<br />

sur le marché en ce moment.<br />

À partir de 190 € ; blackyak.com<br />

BIG AGNES CHILTON/TIAGO<br />

En anglais, l’acronyme KISS signifie “Keep it<br />

Simple, Stupid” et nous le trouvons adapté<br />

concernant la conception de ces vêtements.<br />

Cette veste bouffante, remplie d’un hydrofuge<br />

à 700, ne paie pas de mine, mais sort du lot grâce<br />

à son design destiné aux athlètes de montagne.<br />

Sa coupe plus longue et ample améliore le<br />

confort, et les astucieux trous de pouce gardent<br />

les mains et les articulations au chaud. Le tout<br />

pour un poids de moins de 370 g.<br />

160 € ; bigagnes.com<br />

DYNAFIT FT INSULATION<br />

Son rapport chaleur/légèreté en fait la veste la<br />

plus chaude qui existe. On le doit à l’utilisation<br />

du Primaloft Gold (isolant synthétique à base<br />

de matières recyclées) tissé avec de l’Aerogel,<br />

un isolant puissant développé à l’origine par la<br />

NASA pour l’espace et composé à 95% d’air,<br />

ce qui en fait le plus léger des matériaux solides.<br />

Cette barrière thermique bloque la chaleur et<br />

le froid pour une taille minimaliste.<br />

290 € ; dynafit.com<br />

THE RED BULLETIN 91


BLACK DIAMOND BOUNDARY<br />

LINE MAPPED<br />

Dotée d’une « thermorégulation intelligente », la<br />

Boundary Line possède une membrane intérieure en<br />

laine Lavalan (laine ouatée très fine destinée à la<br />

thermorégulation). Elle est adaptée au ski alpin, de<br />

randonnée ou de fond et aux remontées mécaniques<br />

par jours de grand froid. Sa capuche imperméable et<br />

respirante BD Dry Shell compatible avec le casque de<br />

ski complètent le tout. Poids : 992 g, pas léger mais<br />

robuste. 354 €; blackdiamondequipment.com


G U I D E<br />

FACE AUX ÉLÉMENTS<br />

MARMOT ROM<br />

En montagne, le vent est souvent plus violent<br />

que la pluie et si les précipitations peuvent l’être<br />

aussi, elles restent plus prévisibles et plus brèves,<br />

contrairement au vent incessant et glaçant.<br />

La Marmot ROM vous aidera à triompher des<br />

éléments et des sommets que vous gravirez. Ce<br />

coupe-vent en tissus Gore Windstopper et softshell,<br />

plus respirant dans les zones à haute température,<br />

n’est pas totalement imperméable mais<br />

résiste aux pluies modérées. 190 € ; marmot.com<br />

THE NORTH FACE<br />

FUTURELIGHT FLIGHT<br />

Inventé en 1969, le Goretex a révolutionné<br />

l’équipement outdoor. Depuis son invention,<br />

c’est la course au meilleur tissu respirant et<br />

imperméable, car elle garde les aventuriers au<br />

sec en limitant la transpiration. <strong>The</strong> North Face<br />

lance une nouvelle charge avec son Futurelight,<br />

un polyuréthane nanofilé qui, selon les tests<br />

en labo, est deux fois plus respirant que son<br />

meilleur concurrent. 330 € ; thenorthface.com<br />

Cette veste<br />

technique est<br />

adaptée à de<br />

nombreuses<br />

situations.<br />

PATAGONIA ASCENSIONIST<br />

Dès cet automne, Patagonia fabriquera toutes<br />

ses tissus avec des matériaux recyclés dans des<br />

usines certifiées équitables. L’objectif est la réduction<br />

de l’empreinte carbone et le respect des<br />

employés. 62 produits sont concernés. La star du<br />

lot est la nouvelle Descensionist, une veste de<br />

370 g ultra-respirante et étanche, à trois couches<br />

Goretex Active. Elle est étonnamment douce et<br />

parfaite pour se déplacer agilement en montagne.<br />

480 € ; patagonia.com<br />

FILSON NEOSHELL RELIANCE<br />

Envie d’Alaska, de randonnée, de pêche, de<br />

chasse, de spéléologie, de rafting ou d’une méga<br />

expédition ? Cette armure imperméable et<br />

respirante triple couches est ce qu’il vous faut.<br />

Une sensation d’invincibilité agrémentée d’un<br />

stretch dans les quatre sens et sa doublure<br />

intérieure duveteuse boostent la chaleur et<br />

le confort. Une veste technique tout terrain.<br />

495 € ; filson.com<br />

THE RED BULLETIN 93


Imperméable et<br />

respirante, elle<br />

est proposée<br />

pour elle et lui.<br />

CANADA GOOSE NOMAD/NOMAD<br />

HYBRIDGE SYSTEM<br />

Rares sont les marques qui parviennent<br />

à séduire deux clientèles si antagonistes :<br />

Canada Goose est aussi populaire auprès<br />

des chercheurs du pôle Sud que de la jeunesse<br />

dorée urbaine. Et pour cause : ses créations<br />

tiennent leurs promesses de durabilité<br />

et de confort. Imperméable, respirante,<br />

et résolument élégante, elle est proposée<br />

pour elle et lui. 725 € ; canadagoose.com


G U I D E<br />

L’ÉLÉGANCE EN PRIME<br />

PONCHO PRANA COZY UP<br />

Composé de chanvre, de polyester recyclé et<br />

de fibre Lyocell (dérivée de la pulpe de bois),<br />

ce poncho n’est clairement pas prévu pour un<br />

trail ou l’Everest, ni même pour une balade par<br />

temps humide. En revanche, sous des latitudes<br />

plus clémentes, en mode chill sous un patio,<br />

il fera parfaitement l’affaire. Car ici, il est<br />

avant tout question de détente.<br />

88 € ; prana.com<br />

SALEWA FANES SARNER LIGHT<br />

Les vrais montagnards préfèrent souvent les<br />

vêtements au style noble et intemporel. Un simple<br />

chandail de laine évoquera pour eux les équipées<br />

vers les sommets, avec leurs lots de récits. La<br />

laine polaire Fanes Sarner Light revisite ce classique.<br />

Fabriquée en Italie, cette polaire est idéale<br />

pour le farniente comme pour un apéro dans la<br />

fraîcheur alpine qui rappelle que la vie a encore<br />

beaucoup à offrir.<br />

230 € ; salewa.com<br />

NORRONA OSLO<br />

La ligne Oslo de cette marque norvégienne est<br />

aussi discrète que sophistiquée, avec un profil<br />

technique adapté aux longues virées sous un<br />

climat rigoureux. Elle se décline pour tous les<br />

goûts : des trenchs imperméables aux manteaux<br />

amples, mais notre préféré (malgré son nom) est<br />

cette « shacket », une veste-chemise. Sa doublure<br />

extérieure en Pertex soyeux résiste aux intempéries,<br />

et le Primaloft assure l’isolation.<br />

199 € ; norrona.com<br />

GOLDWIN N-3B<br />

Connue des initiés, cette marque japonaise<br />

cultive pourtant une riche tradition pour<br />

le ski. Fournisseur de l’équipe nationale<br />

suédoise à la fin des années 1980, Goldwin<br />

est encore aujourd’hui une marque technique<br />

au style fun et original. La N-3b utilise le<br />

duvet Kodenshi (utilisé uniquement par<br />

Goldwin et <strong>The</strong> North Face Purple Label),<br />

un mélange de duvet et de viscose plus performant<br />

pour la rétention de la chaleur corporelle.<br />

797 € ; usshop.goldwin-sports.com<br />

TNF 1995 RETRO DENALI<br />

Ceux qui ont connu les années 90 en avaient une<br />

à la fac et se souviennent de la photo d’Alex Lowe<br />

la portant sur un pic himalayen. Pour les plus<br />

jeunes, c’est une découverte. Quoi qu’il en soit,<br />

la polaire la plus célèbre du monde est rééditée<br />

en style rétro, un hommage aux alpinistes d’alors,<br />

comme Todd Skinner et Paul Piana effectuant<br />

leur première ascension en libre du Salathé Wall<br />

à Yosemite par exemple. Respect !<br />

176 € ; thenorthface.com<br />

THE RED BULLETIN 95


THE RED<br />

BULLETIN<br />

WORLDWIDE<br />

<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

est actuellement<br />

distribué dans sept<br />

pays. Vous voyez ici la<br />

couverture de l'édition<br />

anglaise, dédiée aux<br />

talents du <strong>Red</strong> Bull<br />

Music Festival.<br />

Le plein d’histoires<br />

hors du commun sur<br />

redbulletin.com<br />

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />

part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />

SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />

photos, illustrations et dessins qui engagent<br />

la seule responsabilité des auteurs.<br />

MENTIONS LÉGALES<br />

Rédacteur en chef<br />

Alexander Macheck<br />

Rédacteurs en chef adjoints<br />

Andreas Rottenschlager<br />

Directeur créatif<br />

Erik Turek<br />

Directeurs artistiques<br />

Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />

Miles English, Tara Thompson<br />

Directeur photos<br />

Fritz Schuster<br />

Directeurs photos adjoints<br />

Marion Batty, Rudi Übelhör<br />

Responsable de la production<br />

Marion Lukas-Wildmann<br />

Managing Editor<br />

Ulrich Corazza<br />

Maquette<br />

Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />

Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />

Booking photos<br />

Susie Forman, Ellen Haas,<br />

Eva Kerschbaum, Tahira Mirza<br />

Directeur commercial & Publishing Management<br />

Stefan Ebner<br />

Publishing Management<br />

Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard<br />

Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger<br />

Marketing B2B & Communication<br />

Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif<br />

Directeur créatif global<br />

Markus Kietreiber<br />

Co- Publishing<br />

Elisabeth Staber, Susanne Degn-Pfleger (Dir.),<br />

Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael<br />

Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer,<br />

Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber,<br />

Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart<br />

Maquette commerciale<br />

Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer,<br />

Martina Maier, Florian Solly<br />

Emplacements publicitaires<br />

Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />

Production<br />

Walter O. Sádaba, Friedrich Indich,<br />

Sabine Wessig<br />

Lithographie<br />

Clemens Ragotzky (Dir.),<br />

Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />

Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher<br />

Fabrication<br />

Veronika Felder<br />

Opérations<br />

Michael Thaler (MIT), Alexander Peham,<br />

Yvonne Tremmel (Office Management)<br />

Abonnements et distribution<br />

Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger<br />

(Distribution), Nicole Glaser (Distribution),<br />

Yoldaş Yarar (Abonnements)<br />

Siège de la rédaction<br />

Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche<br />

Téléphone +43 (0)1 90221-28800,<br />

Fax +43 (0)1 90221-28809<br />

Web redbulletin.com<br />

Direction générale<br />

<strong>Red</strong> Bull Media House GmbH,<br />

Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15,<br />

5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i,<br />

Landesgericht Salzburg, ATU63611700<br />

Directeur de la publication<br />

Andreas Kornhofer<br />

Directeurs généraux<br />

Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier,<br />

Dietmar Otti, Christopher Reindl<br />

THE RED BULLETIN<br />

France, ISSN 2225-4722<br />

Country Editor<br />

Pierre-Henri Camy<br />

Country Coordinator<br />

Christine Vitel<br />

Country Project Management<br />

Alessandra Ballabeni,<br />

alessandra.ballabeni@redbull.com<br />

Contributions,<br />

traductions, révision<br />

Lucie Donzé, Frédéric & Susanne<br />

Fortas, Suzanne Kříženecký,<br />

Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon,<br />

Gwendolyn de Vries<br />

Abonnements<br />

Prix : 18 €, 12 numéros/an<br />

getredbulletin.com<br />

Siège de la rédaction<br />

29 rue Cardinet, 75017 Paris<br />

+33 (0)1 40 13 57 00<br />

Impression<br />

Prinovis Ltd. & Co. KG,<br />

90471 Nuremberg<br />

Publicité<br />

PROFIL<br />

134 bis rue du Point du jour<br />

92100 Boulogne<br />

+33 (0)1 46 94 84 24<br />

Thierry Rémond,<br />

tremond@profil-1830.com<br />

Elisabeth Sirand-Girouard,<br />

egirouard@profil-1830.com<br />

Edouard Fourès<br />

efoures@profil-1830.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Allemagne, ISSN 2079-4258<br />

Country Editor<br />

David Mayer<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Natascha Djodat<br />

Publicité<br />

Matej Anusic,<br />

matej.anusic@redbull.com<br />

Thomas Keihl,<br />

thomas.keihl@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Autriche, ISSN 1995-8838<br />

Country Editor<br />

Christian Eberle-Abasolo<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Publishing Management<br />

Bernhard Schmied<br />

Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />

Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger<br />

Publicité<br />

anzeigen@at.redbulletin.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Mexique, ISSN 2308-5924<br />

Country Editor<br />

Luis Alejandro Serrano<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Marco Payán<br />

Relecture<br />

Alma Rosa Guerrero<br />

Country Project Management<br />

Giovana Mollona<br />

Publicité<br />

Alfredo Quinones,<br />

alfredo.quinones@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />

Country Editor<br />

Tom Guise<br />

Rédacteur associé<br />

Lou Boyd<br />

Rédacteur musical<br />

Florian Obkircher<br />

Directeur Secrétariat de rédaction<br />

Davydd Chong<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Nick Mee<br />

Publishing Manager<br />

Ollie Stretton<br />

Publicité<br />

Mark Bishop,<br />

mark.bishop@redbull.com<br />

Fabienne Peters,<br />

fabienne.peters@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Suisse, ISSN 2308-5886<br />

Country Editor<br />

Arek Piatek, Nina Treml<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Meike Koch<br />

Publicité<br />

Marcel Bannwart (D-CH),<br />

marcel.bannwart@redbull.com<br />

Christian Bürgi (W-CH),<br />

christian.buergi@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN USA,<br />

ISSN 2308-586X<br />

Rédacteur en chef<br />

Peter Flax<br />

Rédactrice adjointe<br />

Nora O’Donnell<br />

Éditeur en chef<br />

David Caplan<br />

Directrice de publication<br />

Cheryl Angelheart<br />

Publicité<br />

Todd Peters, todd.peters@redbull.com<br />

Dave Szych, dave.szych@redbull.com<br />

Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com<br />

96 THE RED BULLETIN


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TRBMAG


Pour finir en beauté<br />

Pluie d’ovnis sur Lyon<br />

Le 30 juin, sur la darse de Confluence, 15 000 spectateurs ont bravé la canicule (40 °C)<br />

pour l’incroyable <strong>Red</strong> Bull Jour d’Envol. Comme la Ch’tite Équipe (photo), c’est depuis<br />

une plateforme de 6 mètres de haut que se sont élancés les 36 engins « volants »<br />

(aubergine, bobsleigh rasta, ring de MMA...) pour planer le plus loiiin possible.<br />

Le prochain<br />

THE RED BULLETIN<br />

n° 92 disponible<br />

dès le 19 sept.<br />

<strong>2019</strong><br />

ALEX VOYER/RED BULL CONTENT POOL<br />

98 THE RED BULLETIN


<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />

7 SEPTEMBRE<br />

MARSEILLE<br />

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