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« Je réfléchis à tout.<br />
Les plus jeunes n’ont<br />
pas peur, ils le font,<br />
sans y penser. »<br />
ont été ajoutées au calendrier. Pour gagner la série,<br />
Shayna ne peut plus compter uniquement sur ses<br />
prouesses sur le circuit ovale – elle doit s’améliorer<br />
en Tourist Trophy.<br />
Ê<br />
tre une star dans un sport qui a failli disparaître<br />
il y a huit ans est particulier. Premièrement,<br />
cela vous maintient les pieds sur terre.<br />
Shayna se souvient encore de l’époque où elle et les<br />
autres coureurs regardaient leurs fans vieillissants<br />
dans les tribunes et se demandaient : « Que va-t-on<br />
faire quand ils auront disparu ? » Aujourd’hui encore,<br />
Briar, elle et une dizaine d’autres pilotes seulement<br />
sont issus d’écuries bénéficiant d’un soutien total<br />
(son compagnon roule pour le team dominant Indian<br />
Motorcycles Wrecking Crew). Ils font partie des rares<br />
chanceux qui peuvent maintenant prendre l’avion<br />
pour se rendre à leurs courses au lieu d’un volant et<br />
de dormir dans leurs fourgonnettes.<br />
Mais Shayna mène toujours une vie simple et rangée.<br />
Elle et Briar possèdent une cabane de bois rond<br />
sur un terrain boisé de 2 hectares dans le village de<br />
Schnecksville, en Pennsylvanie, à seulement 3 kilomètres<br />
de chez sa mère. C’est le refuge de Shayna<br />
où elle recharge ses batteries, entre deux courses,<br />
avec sa famille, Briar et Ogio, son puggle (chien issu<br />
du croisement entre un beagle et un carlin). Toute<br />
une galerie de personnages occupe la chambre<br />
d’amis en permanence, généralement des copains<br />
du Flat Track, au mode de vie indépendant et à la<br />
recherche d’une pause dans leur #vanlife.<br />
Sur les courses, Shayna est professionnelle et<br />
s’exprime posément – sa mère avait pour habitude<br />
de passer en revue ses prestations lors de ses interviews<br />
– et il se dégage d’elle une intensité certaine.<br />
Elle est sérieuse et déterminée. « Mais un seul jour<br />
par semaine », précise-t-elle.<br />
La Shayna que je rencontre lors de mon séjour<br />
de trois jours chez elle et dans les environs est<br />
d’une convivialité désarmante. Elle est ouverte,<br />
facile d’approche et parle avec l’accent traînant de<br />
Pennsylvanie (“silence” devient “sahl-ence”, “racing”,<br />
“racin” et “last”, “l-ayas-t”). Elle balance des vannes<br />
puis sourit en grimaçant. Elle est gentiment et<br />
constamment attentionnée, le genre de personne<br />
qui vous propose de tenir votre café quand vous<br />
devez aller aux toilettes de la station-service ou qui<br />
vous pose des questions sur vous et se souvient de<br />
vos réponses.<br />
D’une personne qui s’offre des sensations fortes à<br />
passer à travers une meute de motocyclistes enragés,<br />
on s’attendrait qu’elle soit intrépide et invulnérable.<br />
Mais Shayna évoque plusieurs choses qui lui font<br />
peur – qui la « terrifient », comme elle le dit. Parmi<br />
ces trucs qui terrifient ou ont terrifié Shayna Texter,<br />
on trouve les motos. C’est l’une des raisons pour lesquelles<br />
elle n’a commencé à courir qu’à l’âge de 12<br />
ans. De même, appuyer sur la gâchette de son fusil<br />
quand elle a tiré sur un animal à l’âge de 9 ans (elle<br />
a mis tellement de temps à passer à l’acte que son<br />
beau-père, résigné, avait rangé son appareil photo).<br />
Autre chose : la moto sur laquelle elle a couru en<br />
Twins, qui vibrait comme si elle allait exploser. Ou<br />
bien la crainte d’être kidnappée, parce qu’elle est si<br />
petite. Une dernière : faire des sauts à moto la fait<br />
flipper.<br />
C’est pourquoi nous nous dirigeons vers une piste<br />
de motocross à Millville, au New Jersey, pour y passer<br />
une journée entière. Durant l’heure et demie que<br />
dure le trajet, avec Briar au volant et son ami et compagnon<br />
de route Jake Johnson également assis à<br />
l’avant, Shayna me raconte comment cette saison,<br />
elle et son équipe se concentrent pour améliorer<br />
ses courses en TT. Elle travaille avec l’entraîneur<br />
Aldon Baker, connu pour accompagner des champions<br />
de motocross et de Supercross comme Ricky<br />
Carmichael. Elle a passé l’hiver dans les installations<br />
de Baler en Floride où il lui a construit un circuit<br />
d’entraînement pour le TT. Shayna a toujours fait de<br />
l’entraînement cardiovasculaire et de la musculation<br />
mais pour la première fois, elle suit un programme<br />
structuré qui comprend des sessions de course à pied<br />
et de vélo basées sur sa fréquence cardiaque, des<br />
poids et haltères, un plan nutritionnel qui exige<br />
qu’elle lui envoie des photos de ses repas et, bien<br />
entendu, des séances hebdomadaires de moto.<br />
Shayna en a marre qu’on lui dise qu’elle doit<br />
s’améliorer en TT. Elle ne lit plus les commentaires<br />
sur les médias sociaux, ni les rapports<br />
de course de l’AFT. Parfois, elle veut juste répondre<br />
en disant : « Monte sur une moto, on verra comment<br />
tu t’en sors. » Mais elle sait qu’elle doit rester<br />
professionnelle.<br />
Elle sait aussi que la plupart de ces remarques<br />
sont bien intentionnées. « Je pense que tout ce que<br />
les fans veulent, c’est que je réussisse. Ils veulent<br />
que je gagne le championnat », admet-elle. Faire<br />
des sauts, comme l’exige une course en TT (où l’on<br />
tourne aussi à droite), n’est pas dans sa zone de<br />
confort, surtout après les mauvaises chutes qu’elle<br />
a faites. Pendant longtemps, elle s’est contentée<br />
d’éviter le TT. « Mais maintenant, je veux relever le<br />
défi, dit-elle. Je n’abandonnerai pas, c’est sûr. »<br />
Sur la piste, nous rencontrons Mike Lafferty, huit<br />
fois champion national d’enduro, qui est ici pour<br />
entraîner Shayna. À l’écart, je la regarde, ainsi que<br />
Briar, Mike et Jake faire des tours d’échauffement sur<br />
le vet track, plus court et moins difficile. Les gars ont<br />
l’assurance de ceux qui ont fait de la moto toute leur<br />
vie, secouant l’arrière de leur machine pendant les<br />
sauts. Shayna Texter a parfois du mal à la réception<br />
de ses propres sauts.<br />
Elle est impatiente d’en arriver au point où tout<br />
cela sera devenu naturel, où elle ne pensera plus ni<br />
à sa vitesse ni à sa technique à chaque saut. Pendant<br />
notre pause dans le parking, elle mange son déjeuner<br />
habituel, un sandwich au beurre d’amande et à la<br />
THE RED BULLETIN 31