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The Red Bulletin Septembre 2019

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ANTHONY ACOSTA<br />

En réponse, la mère d’Alfred, qui travaille<br />

depuis trente-six ans en tant qu’assistante<br />

personnelle de Robert Evans, le légendaire<br />

producteur d’Hollywood à qui l’on<br />

doit des films tels que Chinatown, les deux<br />

premiers Parrain ou encore Rosemary’s<br />

Baby, emmène alors son fils à son travail<br />

et l’installe devant son patron.<br />

« J’étais assis en face de lui, de l’autre<br />

côté du bureau, se remémore Alfred. Il<br />

m’a demandé : “Est-ce que tu veux faire<br />

une école de cinéma ?” » L’été suivant,<br />

Alfred le passe à l’université Columbia de<br />

New York pour suivre un cours de cinéma<br />

pour les jeunes de 10 à 17 ans.<br />

Son projet final est un court-métrage<br />

sur un garçon qui se fait voler sur le chemin<br />

entre le dortoir et sa classe. Il ne rencontre<br />

qu’un succès mitigé. « Les lumières<br />

« La première<br />

impression que j’ai<br />

eue de Mikey, c’était<br />

celle d’un type mûr,<br />

engagé et réfléchi. »<br />

Jonah Hill<br />

se sont rallumées et le prof s’est contenté<br />

d’un “Suivant”. » Le suivant, c’était un<br />

gamin de treize ans avec huit minutes<br />

de film sur un trottoir de New York, sans<br />

dialogue ni musique. Il a eu droit à une<br />

standing ovation de toute la classe. Pour<br />

le prof, c’était un travail « courageux » et<br />

« inventif » – Alfred raconte cela d’un ton<br />

ironique. « Quand je suis rentré à Los<br />

Angeles, j’ai dit à ma mère : “Je n’irai pas<br />

à l’université. Je ne ferai pas d’école de<br />

cinéma. Mais je sais que je peux y arriver.”<br />

» L’année suivante, à tout juste<br />

douze ans, Alfred crée sa société, Illegal<br />

Civilization.<br />

« Il connaît tellement de gens, et il est<br />

tellement apprécié qu’il a cette capacité<br />

étrange à réussir tout ce qu’il entreprend<br />

– et ce en moins de deux », déclare Jonah<br />

Hill. Ce que l’acteur et réalisateur évoque<br />

ici, c’est la capacité d’Alfred à s’exécuter<br />

rapidement sur un projet. Voilà une excellente<br />

manière de décrire ce jeune entrepreneur,<br />

particulièrement efficace et au<br />

réseau professionnel très étendu.<br />

« Au début, on se contentait de faire<br />

des vidéos de skate et des tee-shirts,<br />

raconte Alfred. Notre bande de skateurs<br />

était connue comme le loup blanc à North<br />

Hollywood. » Et puis, à quinze ans, il rencontre<br />

Tyler, <strong>The</strong> Creator, un rappeur de<br />

Los Angeles, et ils partent rapidement en<br />

tournée ensemble, Alfred vendant des<br />

tee-shirts Illegal Civilization et des vidéos<br />

de skate à chaque étape. Il enchaîne sur<br />

d’autres tournées avec Frank Ocean,<br />

Kendrick Lamar et Mac Miller, tout en<br />

continuant à distribuer des produits<br />

Illegal Civilization et se constituant ainsi<br />

une base de fans et un réseau solide.<br />

Dix ans plus tard, Alfred collabore avec<br />

Converse, produit son premier film et<br />

joue son propre rôle à la télé. En ce<br />

moment, il travaille sur son nouveau film,<br />

North Hollywood, l’histoire d’un gamin<br />

qui rêve de devenir skateur, mais dont le<br />

père veut qu’il aille à l’université.<br />

« Cette histoire est centrée sur le<br />

moment où tu veux suivre tes envies mais<br />

où tes parents veulent que tu choisisses<br />

une voie plus sûre, poursuit Alfred. C’est<br />

mon histoire. » Il ajoute : « Le skate m’a<br />

appris tout ce que je sais sur la vie. » Pour<br />

Alfred, la planche de skate a toujours<br />

clairement été bien plus qu’une manière<br />

cool de se déplacer. C’est une manière<br />

de s’exprimer. C’est un look et un style<br />

de vie. Une mode. Un art. C’est ce qui<br />

a donné naissance à un nouveau genre<br />

cinématographique.<br />

Et aujourd’hui, le skate entretient<br />

des liens étroits avec la scène musicale –<br />

d’où le succès d’Illegal Civlization quand<br />

Alfred a commencé les tournées avec<br />

Tyler étant ado, avant d’enchaîner avec<br />

Kendrick Lamar et les autres.<br />

« Mon objectif, c’est d’inspirer les<br />

jeunes à travers ma marque et ma voix,<br />

déclare Alfred. Je viens d’un milieu<br />

modeste et ce n’est pas trop mon truc de<br />

parler de mes projets en des termes ronflants.<br />

Je ne suis pas ce genre de mec.<br />

Mais je suis ma route et ça, vous pouvez<br />

le faire, vous aussi. »<br />

Je me demande si Alfred se retrouve<br />

dans le conflit au cœur de 90’s, le film de<br />

Jonah Hill qu’il a coproduit, la relation<br />

entre les deux personnages Ray et<br />

Fuckshit, et comment l’ambition et les<br />

soirées arrosées peuvent amener deux<br />

meilleurs amis d’enfance à s’éloigner l’un<br />

de l’autre. A-t-il vécu une expérience similaire<br />

? A-t-il été à la place de Ray dans le<br />

film, qui préfère abandonner les fêtes et<br />

les excès pour aller de l’avant ?<br />

« Ce film, c’est l’histoire de Jonah, son<br />

expérience, répond Alfred. Moi, je traînais<br />

avec des gamins qui faisaient la fête<br />

tous les week-ends… et cela finissait par<br />

passer avant tout le reste dans leur vie,<br />

que ce soit le water-polo, le football américain<br />

ou les études. Dans le monde du<br />

skate, les gens faisaient la fête, prenaient<br />

de la drogue, et puis, tout à coup, certains<br />

arrêtaient le skate ou allaient en prison. »<br />

En parlant, Alfred se passe la main sur<br />

le crâne, rasé de près, à la manière dont<br />

un homme bien plus âgé se tortillerait la<br />

barbe. À l’écran, c’est un geste qui pourrait<br />

évoquer une personne sage, réfléchie,<br />

pensive. Chez Alfred, c’est le tic d’un<br />

jeune homme qui a déjà dix ans d’expérience<br />

professionnelle derrière lui, à l’âge<br />

où d’autres sont en pleine crise de la<br />

vingtaine. « Je me souviens qu’à quinze<br />

ans, je me disais : “Bon, je ne veux pas<br />

finir clochard… Je vais arrêter de faire<br />

la fête et je ne finirai pas comme ça.” J’ai<br />

dû faire un choix. »<br />

illegalcivilization.com<br />

THE RED BULLETIN 53

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