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ANTHONY ACOSTA<br />
En réponse, la mère d’Alfred, qui travaille<br />
depuis trente-six ans en tant qu’assistante<br />
personnelle de Robert Evans, le légendaire<br />
producteur d’Hollywood à qui l’on<br />
doit des films tels que Chinatown, les deux<br />
premiers Parrain ou encore Rosemary’s<br />
Baby, emmène alors son fils à son travail<br />
et l’installe devant son patron.<br />
« J’étais assis en face de lui, de l’autre<br />
côté du bureau, se remémore Alfred. Il<br />
m’a demandé : “Est-ce que tu veux faire<br />
une école de cinéma ?” » L’été suivant,<br />
Alfred le passe à l’université Columbia de<br />
New York pour suivre un cours de cinéma<br />
pour les jeunes de 10 à 17 ans.<br />
Son projet final est un court-métrage<br />
sur un garçon qui se fait voler sur le chemin<br />
entre le dortoir et sa classe. Il ne rencontre<br />
qu’un succès mitigé. « Les lumières<br />
« La première<br />
impression que j’ai<br />
eue de Mikey, c’était<br />
celle d’un type mûr,<br />
engagé et réfléchi. »<br />
Jonah Hill<br />
se sont rallumées et le prof s’est contenté<br />
d’un “Suivant”. » Le suivant, c’était un<br />
gamin de treize ans avec huit minutes<br />
de film sur un trottoir de New York, sans<br />
dialogue ni musique. Il a eu droit à une<br />
standing ovation de toute la classe. Pour<br />
le prof, c’était un travail « courageux » et<br />
« inventif » – Alfred raconte cela d’un ton<br />
ironique. « Quand je suis rentré à Los<br />
Angeles, j’ai dit à ma mère : “Je n’irai pas<br />
à l’université. Je ne ferai pas d’école de<br />
cinéma. Mais je sais que je peux y arriver.”<br />
» L’année suivante, à tout juste<br />
douze ans, Alfred crée sa société, Illegal<br />
Civilization.<br />
« Il connaît tellement de gens, et il est<br />
tellement apprécié qu’il a cette capacité<br />
étrange à réussir tout ce qu’il entreprend<br />
– et ce en moins de deux », déclare Jonah<br />
Hill. Ce que l’acteur et réalisateur évoque<br />
ici, c’est la capacité d’Alfred à s’exécuter<br />
rapidement sur un projet. Voilà une excellente<br />
manière de décrire ce jeune entrepreneur,<br />
particulièrement efficace et au<br />
réseau professionnel très étendu.<br />
« Au début, on se contentait de faire<br />
des vidéos de skate et des tee-shirts,<br />
raconte Alfred. Notre bande de skateurs<br />
était connue comme le loup blanc à North<br />
Hollywood. » Et puis, à quinze ans, il rencontre<br />
Tyler, <strong>The</strong> Creator, un rappeur de<br />
Los Angeles, et ils partent rapidement en<br />
tournée ensemble, Alfred vendant des<br />
tee-shirts Illegal Civilization et des vidéos<br />
de skate à chaque étape. Il enchaîne sur<br />
d’autres tournées avec Frank Ocean,<br />
Kendrick Lamar et Mac Miller, tout en<br />
continuant à distribuer des produits<br />
Illegal Civilization et se constituant ainsi<br />
une base de fans et un réseau solide.<br />
Dix ans plus tard, Alfred collabore avec<br />
Converse, produit son premier film et<br />
joue son propre rôle à la télé. En ce<br />
moment, il travaille sur son nouveau film,<br />
North Hollywood, l’histoire d’un gamin<br />
qui rêve de devenir skateur, mais dont le<br />
père veut qu’il aille à l’université.<br />
« Cette histoire est centrée sur le<br />
moment où tu veux suivre tes envies mais<br />
où tes parents veulent que tu choisisses<br />
une voie plus sûre, poursuit Alfred. C’est<br />
mon histoire. » Il ajoute : « Le skate m’a<br />
appris tout ce que je sais sur la vie. » Pour<br />
Alfred, la planche de skate a toujours<br />
clairement été bien plus qu’une manière<br />
cool de se déplacer. C’est une manière<br />
de s’exprimer. C’est un look et un style<br />
de vie. Une mode. Un art. C’est ce qui<br />
a donné naissance à un nouveau genre<br />
cinématographique.<br />
Et aujourd’hui, le skate entretient<br />
des liens étroits avec la scène musicale –<br />
d’où le succès d’Illegal Civlization quand<br />
Alfred a commencé les tournées avec<br />
Tyler étant ado, avant d’enchaîner avec<br />
Kendrick Lamar et les autres.<br />
« Mon objectif, c’est d’inspirer les<br />
jeunes à travers ma marque et ma voix,<br />
déclare Alfred. Je viens d’un milieu<br />
modeste et ce n’est pas trop mon truc de<br />
parler de mes projets en des termes ronflants.<br />
Je ne suis pas ce genre de mec.<br />
Mais je suis ma route et ça, vous pouvez<br />
le faire, vous aussi. »<br />
Je me demande si Alfred se retrouve<br />
dans le conflit au cœur de 90’s, le film de<br />
Jonah Hill qu’il a coproduit, la relation<br />
entre les deux personnages Ray et<br />
Fuckshit, et comment l’ambition et les<br />
soirées arrosées peuvent amener deux<br />
meilleurs amis d’enfance à s’éloigner l’un<br />
de l’autre. A-t-il vécu une expérience similaire<br />
? A-t-il été à la place de Ray dans le<br />
film, qui préfère abandonner les fêtes et<br />
les excès pour aller de l’avant ?<br />
« Ce film, c’est l’histoire de Jonah, son<br />
expérience, répond Alfred. Moi, je traînais<br />
avec des gamins qui faisaient la fête<br />
tous les week-ends… et cela finissait par<br />
passer avant tout le reste dans leur vie,<br />
que ce soit le water-polo, le football américain<br />
ou les études. Dans le monde du<br />
skate, les gens faisaient la fête, prenaient<br />
de la drogue, et puis, tout à coup, certains<br />
arrêtaient le skate ou allaient en prison. »<br />
En parlant, Alfred se passe la main sur<br />
le crâne, rasé de près, à la manière dont<br />
un homme bien plus âgé se tortillerait la<br />
barbe. À l’écran, c’est un geste qui pourrait<br />
évoquer une personne sage, réfléchie,<br />
pensive. Chez Alfred, c’est le tic d’un<br />
jeune homme qui a déjà dix ans d’expérience<br />
professionnelle derrière lui, à l’âge<br />
où d’autres sont en pleine crise de la<br />
vingtaine. « Je me souviens qu’à quinze<br />
ans, je me disais : “Bon, je ne veux pas<br />
finir clochard… Je vais arrêter de faire<br />
la fête et je ne finirai pas comme ça.” J’ai<br />
dû faire un choix. »<br />
illegalcivilization.com<br />
THE RED BULLETIN 53