ICI MAG - NOVEMBRE 2019

Contes et légendes
La malédiction de la sorcière partie 1
des Landes
Cela remonte aux temps où l’on croyait aux pouvoirs
des potions, des breuvages et onguents concoctés par
des femmes que l’on n’hésitait pas à appeler des sorcières
…
Ce soir-là, les bergers et leurs brebis avaient regagné
le village après avoir passé plusieurs semaines dans
la lande. Les hommes étaient éreintés. Au réveil, tous
durent garder le lit. Au bout de quelques jours et malgré
tous les remèdes que l’on avait essayé, le mal continua
d’empirer. C’était maintenant le visage du mari de
Miquela qui s’était couvert de boutons malsains. Le jour
suivant tous les hommes connurent le même sort de la
tête aux pieds.
Les femmes se réunirent et décidèrent d’envoyer
Miquela chercher un remède auprès de la vieille sorcière
qui vivait isolée dans la forêt. Miquela protesta, mais
toutes lui dirent que c’était à cause de son mari que les
autres hommes étaient malades. Elle n’eut pas le choix,
rentra chez elle et ne dormit pas cette nuit-là. A l’aube,
alors que la brume recouvrait encore le village, elle partit
sous les regards pleins d’espoir et d’appréhension
des femmes du village. Toutes s’étaient cotisées pour
armer Miquela de quelques arguments solides à fournir
lors de l’inévitable rencontre avec la sorcière. Elle avait
eu un nom autrefois, mais plus personne maintenant
ne s’en souvenait. Elle prit le chemin en direction de la
forêt, la peur au ventre, se retournant souvent en espérant
que quelqu’une la rejoindrait, mais en vain....
Au gros chêne des quatre chemins, elle prit le sentier forestier
sur la gauche. Son pas était fébrile, elle avançait
lentement sur ce chemin à peine visible envahi par les
branches et les ronces. Au bout d’un temps qui lui paru
une éternité, la masure apparut enfin. Petite, de guingois,
presque à l’abandon, un lieu étrange et nouveau
qui pourtant ne lui semblait pas tout à fait inconnu. En
avait-elle rêvé ? Un mouvement sur la fenêtre la fit sursauter,
c’était un chat, noir comme les corbeaux dans
les arbres qui la regardaient d’un air menaçant. Il l’examina
de son œil doré, il s’étira, sauta de son piédestal,
et vint se frotter contre ses jambes. Un grincement la
fit tressaillir. C’était la porte d’entrée qui s’ouvrait sur
la demeure de la sorcière. Elle entra, le chat sur ses talons.
Un feu crépitait dans la cheminée, une fumée verdâtre
sortait d’un chaudron suspendu à la crémaillère.
Une main, sortant d’un habit noir, touillait le mélange.
L’autre main y versa le contenu d’une fiole lumineuse.
La sorcière inondait la pièce de paroles incompréhensibles.
La fumée changea brusquement de couleur et
un grand boum secoua la vieille bicoque. Miquela eut
un cri de stupeur. La sorcière se retourna alors et fixa
longuement Miquela qui tremblait. C’était une femme
d’un âge incertain que le temps avait voûté et ridé et
qui la fixait avec ses yeux d’un bleu intense. Un sourire
large adoucissait son visage. Elle s’avança vers elle
tranquillement, lui tourna le dos et entreprit de chercher
quelque chose dans un meuble vermoulu et bancal.
Elle revint ensuite vers son chaudron sans dire un mot.
C’est ce moment que choisit Miquela pour ouvrir enfin
la bouche et dire en tremblant le motif de sa venue. La
vieille femme ne répondit pas.
Elle remplit une grande fiole avec le contenu du chaudron,
la boucha avec de la cire et la lui tendit. Dans le
mouvement, leurs mains se touchèrent et une étincelle
jaillit. Cela ravit la sorcière qui redoubla de sourire.
Miquela retira sa main d’un geste brusque et fit un pas
en arrière. La vieille souriait encore lorsqu’elle la poussa
vers la sortie sans avoir encore dit un seul mot compréhensible,
ni réclamé quelconque contrepartie. Les
corbeaux accompagnèrent son départ par des croassements
sinistres. La sorcière la regarda partir et alors
qu’elle disparaissait de sa vue lui cria très distinctement
« A très bientôt ».
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D’après un texte de Sylvie PONTIER
Biscarrosse Plage