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The Red Bulletin Novembre 2019 (FR)

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Maciek Buraczynski, l’artisan des premières voies historiques<br />

de Makatea en 2018. Venu pour une formation aux<br />

travaux en hauteur sur l’île avec sa société Acropol, il n’a<br />

pas résisté à son calcaire royal.<br />

Julien Mai, maire de Makatea depuis 24 ans, devant<br />

les vestiges des installations minières ensevelies par la<br />

végétation. Pour lui, l’histoire du phosphate à Makatea<br />

n’est pas terminée. Et la reprise de l’extraction serait<br />

complémentaire des activités vertes.<br />

protection de la tortue marine à Makatea, Elie Poroi et la<br />

militante écologiste Dany Pittman estiment avoir payé le<br />

prix fort dans leur chair et celle de leurs aînés. Sylvanna :<br />

« On sait par expérience qu’un projet minier n’apporte<br />

à terme que de la destruction. Or, il y a des alternatives<br />

à l’extraction : Makatea peut devenir le grenier maraîcher<br />

des atolls voisins, Rangiroa, Tikehau et Tiputa !<br />

Nous avons tout ce qu’il faut ici pour faire de Makatea<br />

un vrai lieu de développement durable, un circuit court<br />

qui nourrirait sainement 3 000 personnes. Ici, la<br />

moyenne d’âge est d’une trentaine d’années, ce sont<br />

des jeunes sans emploi, que l’on pourrait former, ils<br />

veulent juste un travail. Dans nos jardins, tout pousse<br />

à profusion grâce au phosphate, formidable engrais :<br />

tubercules, fruits, légumes, nous avons aussi l’arbre<br />

à pain, le coprah, le crabe, le poisson, le gibier… On<br />

pourrait imaginer créer un arboretum, une pépinière<br />

pour faire renaître une flore qui n’existe plus, planter<br />

des bambous dans la zone trouée pour produire des<br />

matériaux de construction. Dans les puits moins profonds,<br />

on peut apporter d’autres espèces ou les multiplier,<br />

comme le kava. Il y a tant de possibilités… Cela<br />

peut aller très vite, en un an, si l’on met en place un<br />

transfert des marchandises par bateau. Il faut stopper<br />

une autre ère de désolation qui a apporté du bonheur<br />

à une élite et de la souffrance à tous les autres… »<br />

Chaos lunaire<br />

Pour témoigner de l’ère phosphate, qui a boosté<br />

l’économie mais abîmé les hommes, Sylvanna nous<br />

emmène au cimetière communal, mangé lui aussi,<br />

comme un autre vestige, par la végétation. Il parle<br />

d’une autre histoire, devenue taboue au fil des ans.<br />

Régulièrement, la militante se rend sur la tombe de sa<br />

petite sœur, décédée à six mois en 1965. « Cette annéelà,<br />

un enfant par jour mourait. Déjà, en 1960, sur 130<br />

bébés, 30 étaient décédés ! À l’époque, les autorités ont<br />

mis ça sur le compte d’une épidémie de diarrhée… »<br />

De cette série de décès suspects, jamais élucidés, d’autant<br />

que les archives de la CFPO ont été brûlées par<br />

les militaires, les soupçons se portent sur la poussière,<br />

si volatile, du phosphate charrié dans des wagonnets<br />

à ciel ouvert. « Certains jours, se souvient Sylvanna,<br />

il y avait tellement de poussière qu’on devinait à peine<br />

le village… » Elie Poroi, qui a aussi failli en mourir<br />

enfant, évoque la tuberculose récurrente et ces cancers<br />

tuant des jeunes gens en pleine forme. Et montre ces<br />

statistiques consignées dans un ouvrage médical, qui<br />

dénombrent des centaines de traumatismes crâniens,<br />

de bras et de jambes cassés dont ont été victimes les<br />

ouvriers lors de l’extraction.<br />

Pour se rendre compte par soi-même du relief accidenté<br />

du lieu, il faut aller au pot hole, le tiers de l’île<br />

poinçonné en son sein. C’est là que les puits naturels<br />

jadis gorgés de phosphate ont été intégralement vidés.<br />

Le plus profond fait quarante mètres. Les images<br />

d’époque visionnées chez le maire reviennent alors<br />

en mémoire : celles d’hommes-termites allant et venant<br />

sans cesse dans une sorte de fourmilière coloniale,<br />

sur des passerelles branlantes. « C’était du travail de<br />

bagnard : plus on transportait de brouettes, plus on<br />

Nina Caprez, grimpeuse<br />

suisse et star<br />

internationale de la<br />

grimpe, a dédié 6<br />

mois de sa vie au<br />

projet Makatea.<br />

Bilan : une vingtaine<br />

de grimpeurs du<br />

monde entier et<br />

l’équipement d’une<br />

centaine de voies.<br />

Heitapu Mai, président<br />

de Makatea<br />

Escalade, déroule<br />

le potentiel outdoor<br />

de l’île : « Randonnées<br />

à pied et à<br />

vélo, spéléologie<br />

dans nos grottes<br />

d’eau douce, via<br />

ferrata, parcours<br />

de vire au-dessus<br />

des vagues, plongée<br />

sous-marine<br />

et snorkeling… »<br />

62 THE RED BULLETIN

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