ALGÉRIE PLURIELLEALGÉRIE PLUS RÉELLE !Auteure : Oumaima Louafi -Equipe Rédaction Nomad Club« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître…» Antonio GramsciAu moment où beaucoup se hâtent pourapprendre de nouvelles langues, etd’autres s’accrochent à la seule langue,qu’ils aient connu et parlé toute leur vie,je me retrouve à m’étonner devant mes propresdires et à questionner ce parler que j’entendstous les jours dans les rues de mon pays. Je mesuis souvent étonnée des aptitudes intellectuellesque peut avoir un peuple dont le langage estcomposé d’au moins trois langues, sans compterle vocabulaire qui change d’une région à une autreet ces accents qu’on ne se lasse pas de découvriret d’admirer.Je voudrais vous faire part de l’enchantementque porte ma quête perpétuelle d’Algérianité,vous révéler combien une chose qui n’a rien dephysique, telle que ce besoin d’appartenance àune terre mère, pourrait nous conditionner parfoiset, combien des mots simples du quotidiensortant de la bouche d’une maman ou d’un voisinvéhiculent tant de sens lorsqu’on s’éloigne decette même terre très chère. Puis je reviendraià cette citation d’Antonio Gramsci qui m’abeaucoup inspirée «Le vieux monde se meurt, lenouveau monde tarde à apparaître…» pour vousfaire part de cette confession, je vous parlerai dudialecte algérien, je vous dirai ce que j’en pensepersonnellement, dans la langue de Molière, carpourquoi pas !Ce langage, je l’appellerai «Algé-rien», car il neressemble à presque rien au monde, mais sonnepourtant si sensé, si beau et surtout si pluriel ! J’aisouvent eu beaucoup de mal à le décomposer, àle traduire, et surtout à en chercher l’origine. Jecédais. En réalité, j’avais décidé de l’écouter, de lepenser ou le méditer ; et j’ai pu déduire combienla composition des mots dérivant de plusieurslangues était belle dans sa complexité, combienl’emprunt d’un vocabulaire à différentes sources,donnant naissance à une seule expression,purement algérienne, se portait très bien dans undialecte qui lui aussi se porte très bien jusqu’ici.J’ai pu trancher que le passage de ce parleralgérien vers une vraie langue qui se construit,ou qui se prépare peut-être à naître un jour, neserait-ce qu’une nuance, et nous en portions déjàtoute la palette.J’aimerais vous conduire un peu plus loin dans maconfession en vous posant une liste de questionsqui semble aussi banale qu’interminable, àlaquelle nous, algériens, serions confrontés dansnotre quotidien de profanes ou de touristesinternationaux :Quelle langue parlez-vous ? Pourquoi votre parlerest-il mélangé d’autant d’expressions en français ?Êtes-vous donc Arabe ? Qu’est-ce que la langueberbère ? Mais pourquoi votre accent est-ildifférent de celui de votre ami, pourtant algérienlui aussi ? Combien de fois changeriez-vousd’accents de l’est allant vers l’ouest et replongeantdans le grand désert ?Et puis il y a moi, j’ai rédigé ma propre liste dequelques questions plus réelles qu’on devraitpeut-être se poser à la place, et si finalement ons'approprierait ce dialecte qui est sans doute lenôtre, « dialna » , « tahna », et si on acceptait enfinles petites différences de « tons » et «d’accents»qui nous différencient de tous les habitantsde la terre ? Et si ces mêmes différences, nousunissaient ?Serions-nous la cause principale qui empêchenotre monde d’apparaître plus tôt ? Ou faudrait-ild’abord accepter le deuil de notre vieux mondepour renaître tous dans un monde pluriel?30 Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable
Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable31