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Ineffable Magazine n°11

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André BROUILLET, L’exorcisme. Musiciens arabes chassant les djinns du corps d'un enfant, 1884

(Les instruments de gauche à droite : darbûka, târ, kwîtra, qânûn, djewwâq.)

Historiographier nos instruments

Du point de vue de l’histoire, il serait presque

impossible de révéler avec exactitude l’origine

des instruments d’Algérie, pourtant, il n’est pas

vain d’imaginer leurs parcours et d’oser de dater

leurs arrivées ou leur création. André Shaeffner,

dans son ouvrage Origine des instruments de

musique, dit que «l’étude entière des instruments

ou l’organologie offre un champ de comparaison

trop réduit pour que la question d’une origine

quelconque puisse être abordée avec sureté»,

et il rajoute que « les aires de diffusion des

instruments primitifs dans l’espace et dans le

temps est très vaste ». Dans le cas de l’Algérie, son

aire géographique, située au milieu du Maghreb

et entre la Méditerranée et le Sahel africain, sa

grande histoire faite de conquêtes militaires,

d'accessions politiques et d’appropriations

culturelles (amazighe, phénicienne, romaine, arabe,

andalouse, espagnole, turque, française), ont fait

que les instruments de musique traditionnels

algériens disposent tous, pour ainsi dire, d’une

généalogie transnationale et transhistorique.

Pour autant, l’usage de ses instruments, leurs

fabrications et leurs techniques de jeu leur

donnent un quelque chose qui reste typiquement

algérien.

Peut-on déterminer alors une nomenclature

originelle de l’orchestre de la nawba ou celui

des musiques de ṭbel, du tindî ou celle du

diwân ? Peut-on historiser l’évolution de cette

nomenclature et spécifier les éléments africains

de ceux maghrébins, méditerranéens ou orientaux

qu’elle inclut ? Qu’apportent la littérature et

l’iconographie coloniale à propos des instruments

Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

traditionnels d’Algérie et des musiciens dits

indigènes, maures, arabes, kabyles, africains ?

Et que dit l’ethnographie coloniale et comment

cela a été traduit dans la création artistique et

littéraire de l’époque ? Quelle dialogie peuton

concevoir entre l’appropriation ou l’invention

instrumentale avec l’esthétique musicale ? et dans

quel sens dynamique se concrétise cette relation:

expérimentation ou besoin ou tout simplement

casuelle ?

À l’exemple de la plupart des instruments anciens,

il faut faire appel à l’historiographie musicale

et l’iconographie musicale afin de retracer et

de reconstituer une histoire relative de nos

instruments de musique. Malheureusement, notre

historiographie organologique ne date que de

la fin du XVIIIe siècle, et ce, grâce au lègue des

voyageurs, peintres, musiciens, compositeurs

et ethnologues étrangers qui sont passés par

l’Algérie et se sont retrouvés, à la fois, émerveillés

et interloqués devant ses chants et ses musiques

qui résonnaient très exotiques pour l’oreille

occidentale de l’époque.

Un croquis, une gravure, une note de voyage,

un récit d’expérience musicale, un cliché, une

carte postale « scènes et types », une peinture

orientaliste, une lettre, un coupon de presse ou

une étude ethnomusicologique, tous ces travaux,

sont d’une valeur précieuse et comportent,

aujourd’hui, une source essentielle pour une

historiographie ethnographique et organologique

de nos instruments et de nos musiques d’avant

l’air de l’enregistrement sonore et la vidéo.

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