En 2017, le premier long-métrage de KarimMoussaoui, En attendant les hirondelles, reprendle schéma d’un film choral, rassemblant troisintrigues principales. Les péripéties présententdes tranches de vie humaine et permettent dechanger d’univers et de la vision que l’on se faitdu monde. L’exploration, commençant à Alger etfinissant par les Aurès, n’offre pas seulement unevariété géographique et culturelle. La diversitéy est également sociale, entre la famille aiséealgéroise, les cercles urbains conservateurs,la paysannerie berbère…etc. En caressant cesquotidiens, le point de vue reste sans jugement,affectueux, respectueux de leur choix. Lesdifférents univers des personnages sont distinctsmais connectés entre eux, sans fracture.Parmi les films produits ces dernières années,nous pouvons également retenir l'une despremières représentations d’un jeune Algériendes années 2010 : dans le court-métrage Demain,Alger ? d’Amine Sidi-Boumediene (2011), un jeuneétudiant prépare son départ avant d’aller étudieren France. Dans sa chambre, la caméra montreses références : sous la musique de Jimi Hendrix« Once I had a woman », on aperçoit différentesaffiches de films comme Blade Runner de RidleyScott et Le retour du Jedi de Richard Marquand.Un portrait de Bob Marley côtoie celui deChe Guevara, tout en ayant disposé un couvrelitberbère. Sans quitter le contexte algérien, cejeune citadin, connecté au monde, s’appropriedes références internationales pour les introduiredans son univers qui lui est propre et individuel.À sa naissance, le cinéma algérien a peut-être eul’ambition de faire vivre une expérience collectiveet nationale à tous les citoyens, comme un romannational commun. Mais il s’est rapidement retrouvéconfronté à la complexité de sa population et àson évolution sociale et culturelle. Aujourd’hui,il nous est difficile de dessiner un portraitsocial complet dans le prisme d’un film. Cinémade guerre, naturaliste, expérimental, en derja,français ou berbère, les représentations sontdevenues de plus en plus complexes, individuelleset singulières. Représenter quarante millionsd’habitants, en souhaitant raconter une histoirenationale collective, semble être une ambitionirréalisable. Néanmoins, l’inspiration sociale n’a pasquitté l’esprit des cinéastes, produisant ensuite unrésultat particulier. Il est donc impossible pour unfilm d’être le porte-parole artistique et esthétiqued’une société ou de son histoire. Il n’en est que letémoin singulier d’un individu appartenant de prèsou de loin à un groupe social.36 Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable
Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable37