Conservation, fabrication et acculturationL’état de conservation de nos instrumentsde musique traditionnels dépend des stylesmusicaux et des régions dont ces instrumentssont utilisés. Or, la politique culturelle, quand elley est, peut mettre en œuvre de réels dispositifsde conservation. C’est le cas de l’imzâd dont lesavoir-faire de sa fabrication et de sa pratiquemusicale sont désormais à l’abri, grâce à l’activitéde terrain qu’a réalisé l’association «Sauver l’imzad»et au travail scientifique du CNRPAH qui a abouti àson classement en 2013 à la Liste représentativedu patrimoine culturel immatériel de l’humanitéde l’UNESCO sur une candidature tri-nationale :Algérie, Mali et Niger.Il est évident que la lutherie s’apparente àl’artisanat de par le métier manuel et la maîtrisedu maniement des différents matériaux utilisés(bois, fer, peau, métal, etc.), mais, elle nécessiteaussi des connaissances musicales, des notionsd’acoustique et un vrai sens du plasticisme et dubeau. Comme l’avait déjà noté El-Boudali Safir «EnAlgérie, il y a plusieurs musiques ; chacune d’entreelle, d’ailleurs, correspondant plus au moins à unvisage particulier du pays, à un trait personnelde l’âme de ses habitants». La conservation d’uninstrumentarium originel participe alors, nonseulement à la préservation du répertoire propresaux musiques traditionnelles, mais également, àl’esthétique et à l’identité de l’art et de la culturealgériens.La fabrication des instruments traditionnels est plusou moins conservée en Algérie, elle consiste à unsavoir-faire ancestral en la matière. Cette lutherie,à l’ancienne, reste néanmoins de transmission oraleet son mode d’apprentissage est le plus souventmimétique et/ou autodidaxique. Cet héritage- menacé aujourd’hui par l’effet d’importationmassive d’instruments étrangers, par la disparitiondes vieux maîtres-luthiers et par l’absence d’unenseignement institutionnelle régulier de cemétier - nécessite plus que n’importe quel autremoment, la renaissance et l’encouragement d’unartisanat dont l’existence est vitale pour la vieet le métier des musiciens des genres musicauxtraditionnels.Les transformations et les acculturations fontégalement partie de l’évolution naturelle deschoses, et l’art et la culture n’y échappent pasà cette loi. Si notre instrumentarium a subi tantde changements au dernier siècle, c’est qu’il ya eu une volonté, consciente ou spontanée, del’adapter aux désirs de la société algérienne, derépondre à ses aspirations artistiques et culturellesconstamment renouvelées. Alors on répondra par« oui » à ces aspirations, mais ne partons pas viteen besogne sans être munis, non de l’appétencefougue du paraître et des effets de modes, maisdu bon goût esthétique, de l’intelligence de l’artet de la conscience de la science. Car en effet,si nos instruments traditionnels et locaux sont leconservateur légitime et authentique de notrecorpus musical traditionnel, ils sont également,et tout simplement, le récit concret et encorefrétillant de notre mémoire culturelle commune.46 Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable
Troupe féminine tenant un rbêb, kwîtra, târ et plusieursshekshêk, in Victor-Charles MAHILLON, Cataloguedescriptif et analytique du Musée Instrumental duConservatoire Royal de Musique de Bruxelles, 1893Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable47