Ineffable Magazine n°11
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Étant donné que le premier jour de yennayer
marque la fin des labours, tous les aliments utilisés
proviennent de cette période. Les desserts servis
sont les fruits secs issus de la récolte passée. Dans
un esprit de générosité, la maîtresse des lieux
n’oublie pas non plus les proches et les voisins
ainsi que toute personne venue quémander de
quoi manger.
Yennayer s’articule autour de multiples rituels et
de mythes. Au début de chaque nouvelle année,
les femmes se doivent de répéter cet adage
(Ad fen iberkanene, Adkecmen Imellalen) afin
d’éloigner les mauvais esprits et commencer
l’année sur de bons augures. Dans cette même
optique, il est interdit de prononcer les mots
«famine» ou «misère».
Selon les régions, on retrouve différentes
pratiques, à Beni Snous par exemple un carnaval
appelé « Ayred » (lion en tamazight) est organisé.
Lors de cet événement, les jeunes portent des
costumes, des masques d’animaux et défilent
dans les rues au rythme de chants et de youyous
pour réclamer des friandises, les vivres récoltés
sont ensuite reversés aux pauvres et démunis.
Aussi, à Médéa, les nouveaux nés sont mis dans
une coupelle (djefna) et recouverts de délices :
fruits, gâteaux et sucreries.
À l’approche de Yennayer, les chefs de famille
pratiquent ce que l’on appelle « Tisewiqt n’Imensi
n yennayer » (le petit marché). À l’occasion de la
nouvelle année qui se présente, il est recommandé
de s’acquitter de ses dettes, renouveler les
contrats de travail ainsi que les transactions, et de
clôturer l’inventaire de l’année ainsi que l’évaluation
des échanges. On associe aussi à Yennayer à
d’autres événements tels que la première coupe
de cheveux des nouveaux nés, promesse d’une
belle et abondante chevelure, ainsi que l’initiation
des enfants aux rites agricoles.
Beaucoup de légendes gravitent autour de
Yennayer, comme l’histoire de la vieille femme
qui, durant un jour de soleil, a cru que l’hiver était
passé. Elle s’est alors moquée de Yennayer qui
s’est fâché et est allé emprunter un jour à Furar
(le mois de février)… Par vengeance, il déclencha
un orage qui emporta la vieille. Également, dans
plusieurs régions d’Algérie subsiste la légende
de la vieille d’Ennayer, cette dernière viendrait
vérifier que les ventres des enfants sont bien
remplis suite au repas copieux de Yennayer, et si
ce n’était pas le cas elle remplirait leur ventre de
paille pour les punir. Aussi, on raconte qu’un jour,
une femme aurait éconduit une mendiante devant
sa porte et elle passa l’année d’après, maigre et
affamée, il se dit que cette mendiante était en fait
la vieille d’Ennayer elle-même venue inspecter
le comportement de la femme. Superstitions
farfelues pour certains et hérésie païenne pour
d’autres, les coutumes liées à Yennayer sont
néanmoins réitérées chaque année par toute la
communauté berbère.
Malgré les différentes appellations, et la divergence
des formes de célébrations, le symbole que porte
Yennayer en son sein reste le même : peu importe
l’endroit où il est célébré, il est synonyme de santé,
joie, prospérité et d’abondance. C’est un présage
de renouveau et un passage vers une nouvelle
année pleine de bons augures. Il a pour but de
chasser les maux et souffrances ayant marqué
l’année passée pour mieux accueillir l’année à
venir. À travers les rites et les coutumes divers,
Yennayer est censé rassurer les agriculteurs et
conjurer le sort de la misère en priant le ciel d’être
favorable. Cette célébration fait partie de notre
histoire et de notre patrimoine culturel, elle est
l’une des pierres angulaires de l’identité berbère.
Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable
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